Language of document : ECLI:EU:C:2019:129

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

22 janvier 2019 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Notes informant le requérant de la reprise d’enquêtes administratives dans le cadre de procédures disciplinaires – Recours en annulation – Actes ne faisant pas grief – Recours en indemnité – Irrecevabilité manifeste du recours en première instance – Pourvoi manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑577/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 11 septembre 2018,

Petrus Kerstens, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Me C. Mourato, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de Mme C. Toader, présidente de chambre, M. A. Rosas (rapporteur) et M. L. Bay Larsen, juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Petrus Kerstens demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 26 juin 2018, Kerstens/Commission (T‑757/17, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2018:391), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant manifestement irrecevable une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à obtenir, d’une part, l’annulation de deux notes de la Commission européenne des 27 mars et 6 avril 2017 (ci-après les « notes litigieuses ») et, d’autre part, la réparation du préjudice moral que le requérant aurait prétendument subi du fait des conséquences et de la durée des procédures disciplinaires CMS 15/017 et CMS 12/063.

 Les antécédents du litige

2        M. Kerstens est un ancien fonctionnaire de la Commission.

3        Dans le cadre du règlement d’un contentieux qui l’opposait à la Commission, M. Kerstens a rédigé une note interne en date du 20 juillet 2012, à la suite de laquelle la Commission a décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire portant la référence CMS 12/063, au motif que cette note contenait des propos considérés comme insultants. Cette procédure a conduit à l’adoption de la décision du 15 avril 2014 infligeant un blâme au requérant.

4        Par l’arrêt du 18 mars 2016, Kerstens/Commission (F‑23/15, EU:F:2016:65), le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne a rejeté le recours formé contre la décision du 15 avril 2014 infligeant le blâme.

5        Le requérant a introduit un pourvoi contre cet arrêt, auquel le Tribunal a fait droit par l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74).

6        Au point 76 de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), le Tribunal a rappelé :

« Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, à l’article 2, paragraphes 1 et 2, aux article[s] 3 et 11 de l’annexe IX du [statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le “statut”)] et à l’article 4, paragraphe 4, [de la décision C(2004) 1588 de la Commission, du 28 avril 2004, relative aux dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, publiée aux Informations administratives n° 86‑2004, du 30 juin 2004 (ci-après les “DGE de 2004”)] [...], la procédure disciplinaire établie par le statut prévoit deux phases distinctes, l’une constituée par la tenue d’une enquête administrative à charge et à décharge, initiée par une décision de [l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission (ci-après l’“AIPN”)] et clôturée, après que l’intéressé a été entendu sur les faits qui lui sont reprochés, par un rapport d’enquête et l’autre constituée par la procédure disciplinaire proprement dite, initiée par l’AIPN sur la base dudit rapport d’enquête et qui suppose que le fonctionnaire soit entendu avant qu’une sanction ne soit adoptée à son égard par celle-ci. »

7        Le Tribunal a relevé, aux points 30, 31 et 62 à 70 de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), que les constatations du Tribunal de la fonction publique concernant l’existence du rapport d’enquête établi à l’issue de l’enquête administrative étaient tirées d’une dénaturation des faits et que la procédure disciplinaire CMS 12/063 avait été ouverte sans qu’une enquête administrative préalable ait été menée, sans que le requérant ait été préalablement entendu et sans qu’un rapport d’enquête ait été dûment établi, en méconnaissance des obligations incombant à la Commission. Aux points 88 et 89 de cet arrêt, il en a déduit que la procédure disciplinaire, qui avait été diligentée par l’AIPN, avait été substantiellement viciée par ces manquements, commis par la Commission, de sorte qu’il ne pouvait être exclu que la procédure eût pu aboutir à un résultat différent si elle avait été respectée et si le requérant avait été entendu.

8        En conséquence, le Tribunal a annulé l’arrêt du Tribunal de la fonction publique du 18 mars 2016, Kerstens/Commission (F‑23/15, EU:F:2016:65), ainsi que la décision de la Commission du 15 avril 2014 infligeant le blâme.

9        Par une note du 6 avril 2017, l’AIPN a informé le requérant que, au titre de l’exécution de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), elle avait donné instruction à l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC), d’une part, de reprendre la procédure disciplinaire CMS 12/063 ab initio et sous un nouveau numéro CMS et, d’autre part, de retirer du dossier personnel du requérant la sanction de blâme, infligée à ce dernier par la décision du 15 avril 2014. La réclamation introduite par le requérant contre cette note a été rejetée par l’AIPN le 25 juillet 2017.

10      En raison de soupçons de divulgation d’informations confidentielles pesant sur le requérant, l’AIPN a décidé, le 7 septembre 2015, d’ouvrir contre celui-ci une autre procédure disciplinaire, portant la référence CMS 15/017. Le conseil de discipline a rendu le 7 avril 2016 un avis motivé, par lequel il a considéré que le requérant n’avait pas respecté son devoir de loyauté et qu’une sanction pécuniaire était justifiée. Cependant, en raison du pourvoi formé par le requérant contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique du 18 mars 2016, Kerstens/Commission (F‑23/15, EU:F:2016:65), l’AIPN a décidé de suspendre cette procédure disciplinaire dans l’attente de l’issue de ce pourvoi et en a informé le requérant par une note du 19 septembre 2016.

11      Par note du 27 mars 2017, la Commission a informé le requérant que, à la suite de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), la procédure disciplinaire CMS 15/017 avait repris et que, compte tenu du fait que l’IDOC n’avait pas effectué d’enquête administrative préalable à l’audition du requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, elle avait donné instruction à l’IDOC de reprendre la procédure disciplinaire CMS 15/017 au stade où cette irrégularité, du même type que celle qui avait été constatée par le Tribunal s’agissant de la procédure CMS 12/063, était intervenue. La réclamation introduite par le requérant contre cette note a été rejetée par l’AIPN le 25 juillet 2017.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal, le requérant a introduit une demande tendant à l’annulation de la note du 27 mars 2017, en ce qu’elle ordonne la reprise de la procédure disciplinaire CMS 15/017, et de la note du 6 avril 2017, en ce qu’elle ordonne la reprise ab initio de la procédure disciplinaire CMS 12/063. Il a en outre demandé que la Commission soit condamnée à lui verser la somme de 40 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi du fait des conséquences et de la durée des procédures disciplinaires CMS 15/017 et CMS 12/063.

13      Aux points 24 à 27 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rappelé la jurisprudence relative à la notion d’acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut. Au point 28 de cette ordonnance, il a relevé qu’« il est de jurisprudence constante que la décision de l’AIPN d’ouvrir une procédure disciplinaire n’est qu’une étape procédurale préparatoire. Elle ne préjuge pas de la position finale de l’administration et ne saurait dès lors être regardée comme un acte faisant grief au sens de l’article 91 du statut ».

14      Au point 32 de ladite ordonnance, le Tribunal a constaté que les notes litigieuses se bornaient à annoncer la reprise de procédures disciplinaires en cours, voire l’ouverture de nouvelles procédures disciplinaires, aux fins de se conformer aux motifs et au dispositif de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), ainsi que les modalités directement afférentes à ces procédures. Il a considéré que ces notes ne contenaient aucun élément décisionnel qui fixerait définitivement la position de l’institution au terme de ces procédures et ne préjugeaient pas de la position finale de celle-ci. Au point 33 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a jugé que lesdites notes ne sauraient être regardées comme des actes faisant grief au sens de l’article 91 du statut. Il a dès lors estimé que la demande tendant à l’annulation des notes litigieuses était manifestement irrecevable.

15      S’agissant de la demande en indemnité, le Tribunal a relevé que le requérant demandait réparation du préjudice qui aurait résulté des conséquences et de la durée des procédures disciplinaires CMS 12/063 et CMS 15/017 engagées contre lui, dans le cadre desquelles les notes litigieuses avaient été adoptées.

16      À cet égard, après avoir rappelé aux points 36 à 38 de l’ordonnance attaquée la jurisprudence constante concernant la recevabilité d’un recours indemnitaire introduit au titre de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut, le Tribunal a considéré, aux points 40 et 41 de ladite ordonnance, que ces notes n’étant pas des actes faisant grief, le requérant demandait réparation de comportements de l’administration dépourvus de caractère décisionnel, si bien qu’il lui appartenait d’introduire une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, puis, le cas échéant, une réclamation dirigée contre la décision de rejet de cette demande. Cette procédure n’ayant pas été respectée, le Tribunal a considéré que la demande indemnitaire était manifestement irrecevable.

 Les conclusions du requérant

17      Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        d’annuler la décision de la Commission du 27 mars 2017, adressée au requérant, en tant qu’elle ordonne de reprendre le cas CMS 15/017 ab initio ;

–        d’annuler la décision de la Commission du 7 avril 2017, adressée au requérant, en tant qu’elle ordonne de reprendre le cas CMS 12/063 ab initio ;

–        d’annuler, pour autant que de besoin, les décisions du 25 juillet 2017, par lesquelles l’AIPN rejette les réclamations introduites contre les notes litigieuses ;

–        de condamner la Commission à lui verser une indemnité d’un montant total de 40 000 euros au titre du dommage moral spécial qu’il aurait subi, et

–        de condamner la Commission aux dépens des deux instances.

 Sur le pourvoi

18      En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, cette dernière peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter totalement ou partiellement ce pourvoi, par voie d’ordonnance motivée.

19      À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque quatre moyens. Il y a lieu d’examiner d’abord le deuxième moyen, relatif à une erreur de qualification des notes litigieuses, auquel le requérant associe le troisième moyen, dans la mesure où celui-ci est tiré d’une insuffisance de motivation concernant cette qualification. Ensuite, il conviendra d’examiner le premier moyen relatif à l’application du principe non bis in idem ainsi que la partie du troisième moyen relative à l’insuffisance de motivation de l’ordonnance attaquée en ce qui concerne l’application de ce principe. Enfin, il y aura lieu d’examiner la recevabilité du quatrième moyen.

 Sur les deuxième et troisième moyens concernant la qualification des notes litigieuses et l’insuffisance de motivation de l’ordonnance attaquée à cet égard

 Argumentation du requérant

20      Par ses deuxième et troisième moyens, le requérant soutient que le Tribunal, en ayant estimé que les notes litigieuses portant réouverture des procédures disciplinaires en cause constituaient des actes ne faisant pas grief, aurait confondu ces notes avec des décisions d’ouverture d’une nouvelle procédure disciplinaire portant sur des faits nouveaux et aurait commis une erreur de droit. Il allègue également que le Tribunal a insuffisamment motivé la qualification juridique des notes litigieuses au regard de la notion d’acte faisant grief.

21      À l’appui de ces moyens, le requérant précise qu’il ne conteste pas la jurisprudence relative à la notion d’« acte faisant grief » rappelée par le Tribunal aux points 24 et suivants de l’ordonnance attaquée et ne remet pas en cause le point 28 de l’ordonnance attaquée, par lequel le Tribunal indique que la décision de l’AIPN d’ouvrir une procédure disciplinaire n’est qu’une étape procédurale préparatoire, qui ne préjuge pas de la position finale de l’administration et ne saurait dès lors être regardée comme un acte faisant grief au sens de l’article 91 du statut.

22      Il fait valoir que les notes litigieuses sont des décisions de réouverture de procédures disciplinaires closes portant sur des faits anciens déjà traités et intervenant à la suite d’un arrêt annulant l’une des décisions disciplinaires portant sur ces mêmes faits. Par conséquent, s’agissant de situations totalement distinctes, la jurisprudence relative au caractère préparatoire des décisions d’ouverture de procédures disciplinaires ne serait pas applicable aux décisions de réouverture de procédures disciplinaires en cause.

23      Il soutient que les notes litigieuses sont non pas des actes préparatoires, mais des actes excessifs par rapport aux actes nécessaires à l’exécution de l’arrêt d’annulation et, dès lors, sont interdits, au regard des exigences découlant du principe non bis in idem, selon lequel de nouvelles poursuites ne pourraient être entamées pour des mêmes faits.

24      Il relève en outre que les décisions de réouverture des procédures disciplinaires lui portent préjudice en raison du stress qu’elles provoquent, de la remise en cause de sa réputation et de son honorabilité, ainsi que du financement de ses frais de défense, aspects qui justifieraient pleinement son intérêt à agir en annulation de celles‑ci en conformité avec l’article 91, paragraphe 1, du statut.

 Appréciation de la Cour

25      Ainsi que cela ressort de la requête, le requérant conteste non pas la jurisprudence citée par le Tribunal aux points 24 à 28 de l’ordonnance attaquée, mais uniquement la qualification juridique des notes litigieuses.

26      À cet égard, il convient de souligner qu’une procédure disciplinaire comprend, ainsi qu’il a été rappelé au point 6 de la présente ordonnance, une enquête administrative et la procédure disciplinaire proprement dite.

27      S’agissant des notes litigieuses, il y a lieu de constater que le Tribunal les a correctement décrites aux points 11 et 18 de l’ordonnance attaquée. Au point 30 de cette ordonnance, le Tribunal a indiqué que la note du 6 avril 2017 avait pour objet d’informer le requérant, d’une part, que, à la suite de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), la procédure disciplinaire CMS 12/063 serait reprise ab initio et sous un nouveau numéro CMS et, d’autre part, que la mention de la sanction de blâme annulée par le Tribunal serait retirée de son dossier personnel. Au point 31 de ladite ordonnance, le Tribunal a précisé que la note du 27 mars 2017 visait, quant à elle, à informer le requérant que la procédure disciplinaire CMS 15/017, qui avait été suspendue dans l’attente de l’issue du pourvoi formé par le requérant contre l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), car elle était entachée des mêmes vices de procédure que ceux constatés par le Tribunal dans ledit arrêt, avait repris au stade où était intervenue l’irrégularité résultant de l’absence d’enquête administrative préalable à l’audition du requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut.

28      Dès lors que, ainsi qu’il a été constaté au point 32 de l’ordonnance attaquée, les notes litigieuses se bornaient à annoncer la reprise de procédures disciplinaires en cours, voire l’ouverture de nouvelles procédures disciplinaires, aux fins de se conformer aux motifs et au dispositif de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), qu’elles ne contenaient aucun élément décisionnel qui fixerait définitivement la position de l’institution au terme de ces procédures et ne préjugeaient pas de la position finale de celle-ci, il y a lieu de constater que le Tribunal a motivé à suffisance de droit et n’a pas commis d’erreur de qualification en considérant qu’elles ne sauraient être regardées comme des actes faisant grief au sens de l’article 91 du statut, c’est-à-dire des mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d’un fonctionnaire en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de ce dernier (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 8 avril 2003, Gómez-Reino/Commission, C‑471/02 P(R), EU:C:2003:210, point 65).

29      S’agissant de l’argument tiré d’une violation du principe non bis in idem par la reprise de procédures disciplinaires en cours, voire l’ouverture de nouvelles procédures disciplinaires, il y a lieu de l’examiner dans le cadre des premier et troisième moyens.

30      Par conséquent, le deuxième moyen ainsi que la partie du troisième moyen tirée d’une insuffisance de motivation de l’ordonnance attaquée sont manifestement non fondés.

 Sur les premier et troisième moyens concernant la violation du principe non bis in idem et l’insuffisance de motivation de l’ordonnance attaquée à cet égard

 Argumentation du requérant

31      Par ses premier et troisième moyens, le requérant fait valoir que, en ayant jugé le recours en annulation des notes litigieuses comme étant manifestement irrecevable, le Tribunal a violé le principe non bis in idem dans le cadre de l’exécution d’un arrêt d’annulation en matière disciplinaire. Le requérant estime également que le Tribunal n’a pas motivé son ordonnance d’irrecevabilité au regard de l’application dudit principe.

 Appréciation de la Cour

32      En l’espèce, ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 27 de l’ordonnance attaquée, des actes préparatoires d’une décision ne font pas grief et ce n’est qu’à l’occasion d’un recours contre la décision prise au terme de la procédure que le requérant peut faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés.

33      Constatant, par l’ordonnance attaquée adoptée conformément à l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, que le recours en annulation était manifestement irrecevable, le Tribunal n’était pas tenu de répondre aux moyens de ce recours relatifs à la légalité des actes litigieux (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 8 avril 2003, Gómez-Reino/Commission, C‑471/02 P(R), EU:C:2003:210, point 65).

34      Par ailleurs, ainsi que l’a rappelé le requérant dans sa requête présentée devant le Tribunal, le principe non bis in idem est un principe général du droit de l’Union figurant à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union européenne par un jugement pénal définitif conformément à la loi.

35      Ce principe figure également à l’article 9, paragraphe 3, de l’annexe IX du statut, relative à la procédure disciplinaire, et est formulé comme suit : « [u]ne même faute ne peut donner lieu qu’à une seule sanction disciplinaire ».

36      Contrairement à ce que soutient le requérant, les dossiers auxquels les notes litigieuses font allusion ne sont pas des dossiers disciplinaires déjà traités et ayant donné lieu à des décisions susceptibles d’affecter les intérêts de M. Kerstens en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de ce dernier, tel un avis motivé rendu par un conseil de discipline (voir arrêt du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, EU:C:1985:28, point 16). Au contraire, la sanction à laquelle la procédure disciplinaire CMS 12/063 a donné lieu a été annulée par le Tribunal par l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), au motif, précisément, qu’un rapport d’enquête n’avait pas été établi par l’IDOC après une audition du fonctionnaire concerné, et la Commission a donné instruction de reprendre une procédure disciplinaire ab initio et sous un nouveau numéro CMS. Quant à la procédure CMS 15/017, elle avait été suspendue dans l’attente de l’arrêt que le Tribunal devait rendre sur pourvoi, relatif à la procédure CMS 12/063.

37      Il s’ensuit que ces dossiers ne comportaient manifestement pas de décisions de sanctions devant être prises en considération pour l’application du principe non bis in idem.

38      En effet, le principe non bis in idem interdit uniquement une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l’infraction, qui aurait pour conséquence l’imposition soit d’une seconde sanction, s’ajoutant à la première, dans l’hypothèse où la responsabilité serait une nouvelle fois retenue, soit d’une première sanction, dans l’hypothèse où la responsabilité, écartée par la première décision, serait retenue par la seconde (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 61).

39      En l’espèce, la décision disciplinaire dans la procédure CMS 12/063 a été annulée par le Tribunal, par l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), pour violation des formes substantielles, et la Commission a donné instruction à l’IDOC de reprendre la procédure disciplinaire CMS 12/063 ab initio et sous un nouveau numéro CMS. Or, le principe non bis in idem ne s’oppose pas en soi à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d’annulation ne valant pas alors « acquittement » au sens donné à ce terme dans les matières répressives (voir notamment, par analogie, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 62).

40      S’agissant du dossier CMS 15/017, ainsi qu’il ressort de la note du 27 mars 2017, il s’agissait d’une procédure disciplinaire qui n’avait donné lieu à aucune décision de sanction, mais qui avait été suspendue dans l’attente de l’arrêt que le Tribunal devait rendre sur pourvoi, relatif à la procédure CMS 12/063.

41      Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a motivé à suffisance de droit l’ordonnance attaquée et n’a pas violé le principe non bis in idem en déclarant manifestement irrecevable la demande d’annulation des notes litigieuses.

42      Il s’ensuit que les premier et troisième moyens du pourvoi sont manifestement non fondés.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation du requérant

43      Par son quatrième et dernier moyen, le requérant considère que le Tribunal a commis une erreur de procédure liée aux trois premiers moyens « en ce qu’il [a violé] son droit d’introduire une demande indemnitaire résultant d’actes faisant grief de l’administration moyennant la seule introduction d’une réclamation ne devant pas être précédée d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut ». Ainsi que le décrit le requérant, ce moyen, relatif à la demande de dommages et intérêts, est lié à la prétendue erreur de la procédure relative au recours en annulation exposée dans les moyens précédents.

 Appréciation de la Cour

44      La Cour ayant considéré, dans le cadre du deuxième moyen du pourvoi, que le Tribunal n’avait commis aucune erreur de droit en ayant jugé que le recours en annulation était manifestement irrecevable, il y a lieu de constater que le quatrième moyen du pourvoi est devenu sans objet.

45      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le pourvoi doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

 Sur les dépens

46      En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il y a lieu de statuer sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

47      La présente ordonnance étant adoptée sans que le pourvoi ait été notifié à la partie défenderesse en première instance et, par conséquent, sans que celle-ci ait exposé des dépens, il convient de décider que M. Kerstens supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Petrus Kerstens supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 22 janvier 2019.

Le greffier

 

La présidente de la sixième chambre

A. Calot Escobar

 

C. Toader


*      Langue de procédure : le français.