Language of document : ECLI:EU:F:2007:207

ARRÊTDU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

22 novembre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Points de priorité – Dossier individuel incomplet – Omission des points de priorité du dossier informatique de promotion dit ‘Sysper 2’ – Incident technique – Comité de promotion A* – Attribution d’un nombre de points inférieur à la proposition de la hiérarchie »

Dans l’affaire F‑110/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

José María Carpi Badía, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Mes B. Cortese et C. Cortese, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. G. Berscheid et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. H. Kanninen, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juillet 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 15 septembre 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 22 septembre suivant), M. Carpi Badía demande l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes de lui attribuer un nombre de points de priorité insuffisant pour permettre sa promotion au titre de l’exercice de promotion 2005 (ci‑après la « décision fixant le nombre total des points ») et de la décision de ne pas le promouvoir au titre dudit exercice de promotion (ci‑après la « décision établissant la liste des promus »), ainsi que de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN »), du 6 juin 2006, rejetant sa réclamation.

 Cadre juridique

2        L’article 38 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci‑après le « statut ») prévoit :

« Le détachement dans l’intérêt du service obéit aux règles suivantes :

[…]

f)       le fonctionnaire détaché conserve son emploi, ses droits à l’avancement et sa vocation à la promotion ;

[…] »

3        Aux termes de l’article 45, paragraphe 1, du statut :

« La promotion est attribuée par décision de l’[AIPN] en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’[AIPN] prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

4        Le 23 décembre 2004, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut (ci‑après les « DGE »). L’article 1er, paragraphe 3, des DGE dispose :

« Peuvent faire l’objet d’une décision de promotion au terme des procédures décrites dans la présente décision les fonctionnaires promouvables, en position d’activité ou de détachement dans l’intérêt du service à la date d’adoption des décisions de promotion par l’[AIPN], ayant obtenu une note de mérite au moins égale à 10 lors du dernier exercice d’évaluation […] »

5        Aux termes de l’article 2 des DGE :

« 1.      Un exercice de promotion est organisé chaque année.

2.      L’exercice de promotion vise à établir la liste des fonctionnaires promus après comparaison des mérites individuels appréciés dans la durée. À cette fin, sont attribués des points de mérite et, éventuellement, des points de priorité.

3.      Les points de mérite et de priorité sont accumulés au fil des exercices de promotion. Après une promotion, le nombre de points correspondant au seuil de promotion est déduit du capital de points accumulés par le fonctionnaire promu. Le solde éventuel est conservé pour les exercices suivants.

4.      L’exercice de promotion débute après l’exercice d’évaluation prévu par les dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut. Dès le début de l’exercice de promotion, les seuils de promotion indicatifs, par grade, sont portés à la connaissance du personnel.

[…] »

6        Selon l’article 4, paragraphes 1 et 2, des DGE, la direction générale compétente pour l’attribution des points de priorité est celle qui a établi le rapport annuel d’évolution de carrière pour le fonctionnaire concerné, laquelle dispose, dans chaque grade, d’un contingent de points de priorité égal à 2,5 fois le nombre de fonctionnaires encore promouvables compte tenu de leur grade et qui occupent un poste dans la direction générale considérée.

7        L’article 5 des DGE est libellé comme suit :

« 1.      Après consultation des chefs d’unité, chaque directeur général définit avec les directeurs, les critères régissant l’attribution des points de priorité aux fonctionnaires, qui, jugés les plus méritants, ont en particulier :

a)      contribué à l’obtention de résultats, dans le cadre du programme de travail de la direction générale, allant au-delà de leurs objectifs individuels, y compris en prêtant leur concours à d’autres unités ;

b)      accompli des efforts particuliers et obtenu des résultats remarquables dans l’exercice de leurs tâches, comme l’attestent les rapports dont chacun d’eux a fait l’objet.

Les critères établis en application du premier alinéa sont portés à la connaissance du personnel de la direction générale concernée et communiqués à la direction générale ‘Personnel et administration’. Cette dernière en transmet copie au comité du personnel.

2.      Les critères d’attribution visés au paragraphe 1 sont appliqués grade par grade en tenant compte des règles suivantes :

a)      un maximum de 50 % des points de priorité faisant partie du contingent mis à la disposition de la direction générale est réparti entre les fonctionnaires les plus performants, qui ont fourni la preuve de leur mérite exceptionnel en répondant aux critères visés au paragraphe 1, [sous] a) ou b). Chaque fonctionnaire peut se voir attribuer de 6 à 10 points ;

b)      les points restants sont répartis entre les autres fonctionnaires qui sont jugés méritants à la lumière des critères visés au paragraphe 1, [sous] a) ou b), à qui l’on peut attribuer de 1 à 4 points par fonctionnaire.

3.      Les points de priorité attribués au titre de cet article ne peuvent relever que d’un seul des deux cas visés au paragraphe 2, [sous] a) ou b). Par conséquent, le nombre maximal de points de priorité dont un même fonctionnaire peut bénéficier à chaque exercice de promotion est de 10. En principe, chaque direction générale épuise les contingents de points de priorité dont elle dispose […]

4.      Seuls les fonctionnaires dont les rapports d’évolution de carrière pour la période de référence précédant l’exercice de promotion ont été finalisés peuvent se voir attribuer des points de priorité. Les fonctionnaires dont le dernier rapport annuel d’évolution de carrière comporte une appréciation ‘faible’ ou ‘insuffisant’, que celle-ci concerne le rendement, la compétence ou la conduite ne peuvent bénéficier de points de priorité.

5.      Le directeur général, après concertation avec les directeurs et consultation des chefs d’unité, attribue les points de priorité à titre provisoire en tenant compte des critères visés au paragraphe 2.

6.      La proposition […] visée au paragraphe précédent est soumise au comité paritaire d’évaluation prévu à l’article 9 des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut au plus tard [cinq] jours ouvrables avant la tenue d’une réunion de dialogue entre le directeur général et le comité paritaire d’évaluation. Ce dialogue ne donne pas lieu à un vote. Le procès-verbal de la réunion reprenant, le cas échéant, la position des parties, est transmis aux comités de promotion visés à l’article 11.

7.      Suite à la réunion avec le comité paritaire d’évaluation, le directeur général établit ses intentions formelles […] en matière d’attribution des points de priorité. Ces intentions sont portées à la connaissance du personnel.

8.      Les dossiers de promotion sont gérés de manière informatique et sont réputés faire partie intégrante du dossier individuel de chaque fonctionnaire. Chaque fonctionnaire a accès individuellement à son dossier de promotion par le biais d’un mot de passe personnel et secret. Le dossier de promotion comporte notamment l’information sur l’attribution des points de priorité reçus au titre de l’exercice ainsi que sur sa situation personnelle quant aux points de mérite et de priorité accumulés. »

8        Par ailleurs, aux termes de l’article 8 des DGE :

« 1.      Chaque fonctionnaire peut introduire un recours devant les comités de promotion visés à l’article 11 contre l’intention formelle relative à l’octroi des points de priorité.

[…]

3.      Lors de l’examen de chaque cas, le comité de promotion, s’il le juge opportun, propose, en le motivant, l’octroi d’un certain nombre de points de priorité. À cette fin, le comité de promotion adresse une recommandation à l’AIPN. Le nombre de points de priorité supplémentaires ainsi attribués est porté à la connaissance du personnel. »

9        L’article 10, paragraphes 2 à 4, des DGE dispose :

« 2.      À l’issue des travaux des comités de promotion, le directeur général du personnel et de l’administration arrête de façon définitive le nombre total de points de priorité attribué à chaque fonctionnaire au titre de l’exercice de promotion. Il tient compte à cet égard, sans pouvoir s’en écarter, des intentions formelles d’attribution de points de priorité formulées par les directeurs généraux au titre de l’article 5 […] Il tient compte également des propositions formulées par les comités de promotion au titre des articles 8, 9 et 13, paragraphe 2, [sous] c).

3.      Des listes de mérite modifiées tenant compte des décisions prises en application du paragraphe 2 et des propositions faites par les comités de promotion en application du paragraphe 1 sont établies. Ces listes sont portées à la connaissance du personnel. Chaque fonctionnaire est invité à consulter son dossier de promotion.

4.      Sur la base des listes de mérite visées au paragraphe 3, l’[AIPN] décide de la liste des fonctionnaires promus. Cette liste est portée à la connaissance du personnel. »

 Faits à l’origine du litige

10      Le requérant, fonctionnaire de la Commission de grade AD 8 (à l’époque des faits A*8), est affecté à la direction générale (DG) « Concurrence », mais se trouve en position de détachement dans l’intérêt du service auprès de la Cour de justice des Communautés européennes, où il exerce, depuis le 1er avril 2003, les fonctions de référendaire d’abord au sein du cabinet de M. le juge García Valdecasas, puis au sein du cabinet de M. le juge Soldevila Fragoso, membres du Tribunal de première instance des Communautés européennes.

11      Le rapport d’évolution de carrière du requérant pour la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004 (ci-après le « REC 2004 »), portant la note globale de 16,5 points, a été finalisé le 16 mars 2005. Cette note a été transformée en 16,5 points de mérite (ci‑après les « PM »), lesquels pouvaient être visualisés en accédant au dossier informatique de promotion 2005 de l’intéressé.

12      L’exercice de promotion 2005 a débuté par la publication des Informations administratives n° 40‑2005, du 27 mai 2005. À cette date, le requérant avait accumulé 52,5 points, dont 36 points au cours des années précédentes et 16,5 PM au titre du REC 2004, le seuil de promotion indicatif vers le grade A*9 s’élevant à 57,5 points.

13      Le 28 juin 2005, le directeur général de la DG « Concurrence » a publié les critères selon lesquels les points de priorité de cette direction générale (ci‑après les « PPDG ») seraient attribués. Sur la base de ces critères, il a procédé à la distribution des PPDG et, conformément à l’article 5, paragraphe 6, des DGE, a transmis ses propositions au comité paritaire d’évaluation mis en place au sein de la même direction générale (ci‑après le « CPE »), en vertu de l’article 9 des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut, adoptées par la Commission le 23 décembre 2004.

14      Le 7 juillet 2005, à la suite d’une réunion avec le CPE, le directeur général de la DG « Concurrence » a établi ses intentions formelles en matière d’attribution des PPDG, lesquelles ont été publiées aux Informations administratives n° 60‑2005, du 22 juillet 2005. Par ce document, les fonctionnaires étaient invités à prendre connaissance, dans leur dossier informatique de promotion (ci‑après le « dossier Sysper 2 »), des points qui leur avaient été attribués par leur direction générale aux fins de l’exercice de promotion ainsi que de leur situation au regard de la durée minimale dont ils devaient disposer dans leur grade pour pouvoir bénéficier d’une promotion.

15      Ainsi, le requérant a constaté que son dossier Sysper 2 ne contenait aucune indication relative à l’attribution de PPDG au titre de l’exercice de promotion 2005 et que la rubrique pertinente, dénommée « 4.1 Points de priorité DG », n’existait même pas dans ledit dossier.

16      Le requérant a alors pris contact avec sa direction générale. Lors de conversations téléphoniques ayant eu lieu le 25 juillet 2005, il a été informé que, à la suite d’une erreur informatique, son dossier n’avait pas été pris en considération lors de l’attribution des PPDG, son nom, tout comme celui d’autres fonctionnaires de la même direction générale détachés auprès de la Cour de justice, n’ayant pas été repris dans les listes établies par voie informatique à cet effet. À ce stade, aucune décision n’avait donc été adoptée par la DG « Concurrence » quant à l’attribution de PPDG au requérant.

17      Le 26 juillet 2005, le requérant a introduit un recours, au titre de l’article 8 des DGE, devant le comité de promotion ainsi que devant le directeur général de la DG « Concurrence », en faisant valoir que cette dernière ne lui avait pas communiqué de PPDG dans le cadre de l’exercice de promotion 2005 et que la rubrique pertinente ne figurait même pas dans son dossier Sysper 2.

18      La DG « Concurrence » a ensuite, à une date indéterminée, introduit les commentaires suivants dans le dossier Sysper 2 du requérant :

« Le dossier de José María Carpi Badía n’avait pas été repris automatiquement dans les listes de promotion de la DG [‘Concurrence’] alors que son [REC 2004] était finalisé en bonne et due forme. De ce fait, aucun point de priorité n’a été attribué à l’intéressé par la DG [‘Concurrence’] et il ne pourrait donc pas être promu cette année.

La DG [‘Concurrence’] comptait en décembre 2004, [neuf] fonctionnaires détachés dans l’intérêt du service […]

Le [REC 2004] a été élaboré pour ces [neuf] fonctionnaires sans aucun problème. Suite à des problèmes avec Sysper [2], seulement [six] des [neuf] fonctionnaires ont été repris dans les listes de promotion de la DG [‘Concurrence’].

L’anomalie est apparue lorsque la DG [‘Concurrence’] a informé son personnel qu’il pouvait consulter son dossier de promotion dans Sysper [2]. Comme il n’était plus possible de faire quoi que ce soit à ce stade, la DG [‘Concurrence’] demande au [c]omité de promotion de réexaminer ces trois dossiers ([P. V. N.], [D. D.] et José María Carpi Badía). »

19      Dans un courrier électronique du 25 août 2005, le responsable des ressources humaines au sein de la DG « Concurrence », a écrit au requérant en ces termes :

« Je suis désolé de cet incident toujours inexpliqué par la DG [‘Personnel et administration’] et vous renouvelle nos excuses pour ne pas avoir détecté cette absence au moment où nous avons attribué les [PPDG]. Je vous confirme notre intention de résoudre ce problème, en liaison avec la DG [‘Personnel et administration’], en soutenant votre recours auprès du comité de promotion, et en indiquant quel nombre de [PPDG] vous [aurait été attribué] si votre nom avait figuré sur les listes Sysper [2] en juin dernier. Nous veillerons également à ce que ces recours soient traités dans le sens de vos intérêts au moment où se réuniront les groupes de travail préparatoires. J’espère qu’il sera possible de cette manière de corriger l’erreur commise avant les congés. »

20      Dans une lettre du 17 octobre 2005, adressée au président et aux membres du comité de promotion A*, à propos de la situation du requérant et de deux autres fonctionnaires détachés dans l’intérêt du service à la Cour de justice, le directeur général de la DG « Concurrence » a précisé ce qui suit :

« À la suite d’un incident dans l’application Sysper 2, toujours inexpliqué par la DG [‘Personnel et administration’], seulement six de nos neuf fonctionnaires détachés dans l’intérêt du service ont été repris dans les listes de promotion de la DG [‘Concurrence’]. Trois fonctionnaires de grade A*8 ont donc été omis de ces listes, sur base desquelles nous avons organisé l’attribution des points de priorité. Nous n’avons détecté cette omission qu’après que les propositions de la DG [‘Concurrence’] eurent été communiquées à la DG [‘Personnel et administration’] et aux fonctionnaires de la [direction générale]. Les trois collègues détachés n’ayant pas trouvé leur dossier de promotion 2005 dans Sysper 2 ont directement contacté la DG [‘Concurrence’], qui a alors découvert qu’ils avaient été oubliés dans les listes établies par la DG [‘Personnel et administration’].

[…] S’ils avaient figuré sur ses listes de promotion, je peux certifier que la DG [‘Concurrence’] leur aurait, en application de ses critères internes d’allocation de [PPDG], attribué un nombre de points suffisants pour leur assurer une promotion méritée.

Ces circonstances ont pour effet de pénaliser injustement ces collègues, dont les mérites n’ont pu être comparés à ceux des autres fonctionnaires du même grade. Face à une situation exceptionnelle, la DG [‘Concurrence’] estime qu’il revient au [c]omité de [p]romotion A* d’intervenir en faisant usage des possibilités ouvertes par l’article 8 [paragraphe 3], des [DGE]. Je serais donc reconnaissant au comité de promotion A* de bien vouloir accorder à MM. [V. N.], Carpi Badía et [D.] le nombre de points de priorité nécessaires pour leur faire franchir en 2005 le seuil de promotion (respectivement [2, 7 et 7] points). »

21      Le comité de promotion A* s’est réuni entre le 29 septembre 2005 et le 19 octobre suivant et, après l’examen du cas du requérant, a proposé à l’AIPN d’octroyer à l’intéressé 4 points de priorité supplémentaires (ci‑après « PPS »).

22      En application des articles 8 et 10 des DGE, l’AIPN a décidé, conformément à la proposition du comité de promotion A*, d’attribuer au requérant 4 PPS, au lieu des 7 envisagés par le directeur général de la DG « Concurrence » dans sa lettre du 17 octobre 2005, ce qui n’a pas permis à l’intéressé d’atteindre le seuil pour être promu vers le grade A*9 au titre de l’exercice de promotion 2005.

23      La liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2005 a été publiée le 23 novembre 2005 aux Informations administratives n° 85‑2005. Le requérant, avec un solde total de 56,5 points, n’ayant pas atteint le seuil de promotion définitif, fixé à 58,5 points pour le grade A*9, n’a pas été promu.

24      Le 7 février 2006, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision fixant le nombre total des points et contre la décision établissant la liste des promus (ci‑après, dans leur ensemble, les « décisions attaquées »). Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 6 juin 2006.

 Conclusions des parties

25      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ainsi que la décision de l’AIPN du 6 juin 2006, rejetant sa réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

27      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal, rendue en application de l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, la présente affaire et l’affaire F‑109/06, Dittert/Commission, ont été jointes aux fins de la procédure orale.

28      Lors de l’audience, le Tribunal a invité la Commission à produire les procès-verbaux des réunions du comité de promotion A* et du groupe paritaire de travail, institué au sein de ce comité pour l’exercice de promotion 2005, afin de connaître les critères et les méthodes utilisés par ce comité lors de l’examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires de même grade, en vue de formuler ses avis à l’AIPN.

29      La Commission a déféré à cette demande le 19 juillet 2007. Le requérant a fait parvenir ses observations sur ces documents au Tribunal le 9 août suivant. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et en l’absence de toute objection en ce sens de la part du requérant, le Tribunal a décidé de verser ces documents au dossier et le président de sa deuxième chambre a prononcé la clôture de la procédure orale.

 En droit

30      À l’appui de son recours, le requérant soulève un moyen unique, tiré d’une irrégularité de la procédure ainsi que de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

 Acte faisant grief

31      Ainsi que le Tribunal de première instance l’a jugé dans son arrêt du 19 octobre 2006 (Buendía Sierra/Commission, T‑311/04, Rec. p. II‑4137, points 87 et suivants), la procédure de promotion s’achève par l’établissement de la liste des fonctionnaires promus. Cette décision finale identifie les fonctionnaires qui sont promus à l’occasion de l’exercice de promotion en cours. Dès lors, c’est au moment de la publication de cette liste que les fonctionnaires qui s’estimaient en mesure d’être promus prennent connaissance, d’une manière certaine et définitive, de l’appréciation de leurs mérites et que leur position juridique est affectée (arrêts du Tribunal de première instance du 21 novembre 1996, Michaël/Commission, T‑144/95, RecFP p. I‑A‑529 et II‑1429, point 30, et du 19 mars 2003, Tsarnavas/Commission, T‑188/01 à T‑190/01, RecFP p. I‑A‑95 et II‑495, point 73).

32      Il y a lieu, dès lors, de considérer que l’acte final par lequel s’achève l’exercice de promotion est de nature complexe, en ce sens qu’il comporte deux décisions distinctes, à savoir la décision de l’AIPN établissant la liste des promus et celle de l’AIPN fixant le nombre total des points, sur laquelle se fonde la première décision susmentionnée. Cette décision de l’AIPN fixant le nombre total des points constitue un acte autonome qui peut faire l’objet, en tant que tel, d’une réclamation et, le cas échéant, d’un recours juridictionnel dans le cadre des voies de recours prévues par le statut.

33      Toutefois, un fonctionnaire non promu en raison de l’attribution, prétendument injustifiée, d’un nombre insuffisant de points et donc inférieur au seuil de promotion pourra diriger son recours, à la fois, contre la décision de l’AIPN portant fixation du nombre total de points et contre celle établissant la liste des fonctionnaires promus. Même si ces deux actes peuvent être effectivement distingués juridiquement et faire l’objet de conclusions aux fins d’annulation distinctes, il est certain qu’ils sont, en réalité, étroitement liés dans un cas de refus de promotion, ce dernier étant nécessairement lié au nombre total de points attribué au fonctionnaire par rapport au seuil de promotion.

34      En l’espèce, il y a lieu de constater que le requérant, qui n’a pas été promu au titre de l’exercice de promotion 2005, a introduit une réclamation puis un recours devant le Tribunal à l’encontre de la décision fixant le nombre total des points et de la décision établissant la liste des promus en ce que cette dernière porte refus de promotion à son égard.

35      Le requérant sollicite également, dans le cadre du présent recours, pour autant que de besoin, l’annulation de la décision de l’AIPN du 6 juin 2006 portant rejet de sa réclamation. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, par l’AIPN font partie intégrante d’une procédure complexe, de telle sorte que le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, RecFP p. I‑A‑95 et II‑427, point 19, et du 9 juin 2005, Castets/Commission, T‑80/04, RecFP p. I‑A‑161 et II‑729, point 15).

 Sur le moyen unique, tiré d’une irrégularité de la procédure ainsi que de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

 Arguments des parties

–       Position du requérant

36      Le requérant estime que la décision du directeur général sur la question de savoir si et, le cas échéant, combien de PPDG il convient d’attribuer au fonctionnaire concerné constitue une étape procédurale cruciale de chaque exercice de promotion organisé par la Commission. En effet, l’intervention du directeur général serait importante sous un double aspect : d’une part, l’attribution des PPDG donne lieu à un examen préalable des dossiers des fonctionnaires ayant vocation à la carrière et, d’autre part, cette intervention permet de prendre en considération des éléments spécifiques de la direction générale en cause, et de mettre ainsi dans une perspective unique les rapports de notation des fonctionnaires promouvables établis par des notateurs différents.

37      Le rôle du directeur général serait particulièrement important, puisque l’AIPN, lorsqu’elle dresse la liste des fonctionnaires promus, doit tenir compte des attributions des PPDG faites par celui-ci « sans pouvoir s’en écarter ».

38      En l’espèce, tant le problème technique, resté inexpliqué, que ses incidences sur la procédure de promotion litigieuse seraient imputables à la DG « Personnel et administration » ainsi qu’aux responsables des ressources humaines de la DG « Concurrence », qui auraient méconnu le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude en ne vérifiant pas au préalable si les noms de tous les fonctionnaires A*8 de la DG « Concurrence » figuraient bien sur la liste informatique qui allait servir de base à cette dernière lors de l’attribution des PPDG. Si la liste avait été correctement vérifiée, le problème technique aurait pu être détecté en temps utile et le dossier du requérant pris en compte lors de l’attribution des PPDG.

39      Quant à l’argument de la Commission selon lequel la production de telles listes informatiques n’est pas imposée par les DGE, le requérant constate que la DG « Concurrence » s’est, en l’espèce, bien servie de listes de ce type, dont l’importance pratique pour le bon déroulement de l’exercice de promotion 2005 ne saurait être contestée.

40      Il s’ensuit qu’un élément essentiel, à savoir l’intervention du directeur général de la DG « Concurrence », aurait fait défaut dans la procédure de promotion concernant le requérant en raison d’un problème imputable à l’administration, ce qui entacherait la décision fixant le nombre total des points d’un vice de procédure substantiel, vice qui aurait eu une influence directe et décisive sur le résultat final de la procédure de promotion.

41      Le requérant s’étonne de l’affirmation de la Commission, en contradiction avec la décision de rejet de sa réclamation et avec l’opinion du directeur général lui-même, selon laquelle sa hiérarchie aurait délibérément choisi de ne lui attribuer aucun PPDG.

42      Si le requérant avait reçu 7 PPDG, comme le souhaitait son directeur général, il aurait eu un « sac à dos » (nombre de points accumulés ) comprenant 59,5 points, correspondant aux points accumulés par l’intéressé, et aurait alors dépassé d’un point le seuil de promotion, fixé à 58,5 pour son grade, ce qui lui aurait permis d’être promu lors de l’exercice de promotion 2005.

43      Quant à l’argument de la Commission visant à dénier toute valeur juridique à la note du directeur général de la DG « Concurrence » du 17 octobre 2005, au motif qu’elle serait intervenue in tempore suspecto, le requérant souligne que cet argument est vicié dans la mesure où la prémisse, fondée sur l’existence d’une décision de n’attribuer aucun PPDG, serait fausse et contredite par le directeur général lui-même. En effet, aussitôt que le problème technique a été détecté, le directeur général se serait prononcé en faveur de l’attribution de 7 PPDG au requérant afin de lui garantir une promotion en 2005, et ce, conformément au devoir de bonne administration, avant la réunion du comité de promotion A*, soit en temps utile pour qu’une telle intention soit prise en considération par ledit comité.

44      S’agissant de l’argument selon lequel le directeur général de la DG « Concurrence » avait déjà épuisé son contingent de PPDG dès la publication de ses intentions formelles, le requérant fait valoir que l’AIPN aurait pu retirer tous les actes antérieurs à la saisine du comité de promotion A* et faire recommencer la distribution des PPDG pour tous les fonctionnaires de grade A*8 de la DG « Concurrence ». Cette voie n’aurait pas été choisie par la DG « Concurrence » et la DG « Personnel et administration », car elles auraient considéré que, dans le cas du requérant, la saisine du comité de promotion A* constituait précisément un remède approprié.

45      Au sujet de l’affirmation de l’AIPN contenue dans la décision de rejet de la réclamation, selon laquelle il était hautement probable que, même en l’absence d’une erreur technique, le requérant aurait obtenu moins de 7 PPDG, le contingent de PPDG de la DG « Concurrence » étant déjà épuisé lors de la découverte du problème technique, le requérant affirme que le directeur général de la DG « Concurrence » a lui-même certifié, par écrit, avoir voulu lui attribuer un nombre de points suffisant pour lui assurer sa promotion au titre de l’exercice 2005, laissant ainsi entendre que ladite direction générale aurait été prête à attribuer moins de PPDG à d’autres fonctionnaires, et ce, selon les critères fixés pour la distribution des PPDG. De plus, si les trois fonctionnaires concernés par l’erreur technique avaient été correctement pris en considération par le logiciel Sysper 2, le contingent global de PPDG de la DG « Concurrence » aurait contenu 7,5 points supplémentaires (2,5 par fonctionnaire), points dont ladite direction générale aurait pu se servir.

46      Par ailleurs, le comité de promotion A* aurait outrepassé ses compétences en substituant son appréciation à celle de la direction générale, en particulier en proposant de revoir à la baisse le nombre de points proposé par la hiérarchie de l’intéressé. Il découlerait de l’article 8, paragraphe 3, des DGE que la voie de recours interne que constitue la saisine du comité de promotion compétent ne vise qu’à permettre au fonctionnaire concerné d’obtenir une augmentation du nombre des PPDG que son directeur général souhaite lui attribuer. De même, l’AIPN, ne pouvant s’écarter des intentions formelles formulées par le directeur général, n’aurait que la possibilité d’attribuer des points supplémentaires d’appel, soit sur proposition du comité de promotion, soit de sa propre initiative.

47      Selon le requérant, dans les circonstances exceptionnelles de l’espèce, le comité de promotion A* aurait dû traiter la prise de position du directeur général de la DG « Concurrence » dans sa note du 17 octobre 2005 comme une interprétation authentique de ce qu’auraient été, dans des conditions normales, les intentions formelles de celui-ci à l’égard du requérant, intentions qu’il aurait indubitablement formulées et communiquées à l’AIPN en l’absence du problème technique.

48      De plus, le requérant soutient que ni l’intervention du comité de promotion A* ni celle de l’AIPN n’ont rendu possible un véritable examen comparatif de ses mérites, examen qui aurait permis de remédier au défaut de prise en compte de son dossier par sa propre direction générale lors de l’attribution des PPDG.

49      En effet, selon les indications que lui aurait données le directeur, à l’époque des faits, de la direction « Planification stratégique et ressources » de la DG « Concurrence », le comité de promotion A* aurait été guidé, dans sa prise de position, par le souci de ne pas accorder à ladite direction générale trois promotions supplémentaires par rapport à son « quota » et aurait dès lors choisi de proposer l’attribution d’un nombre global de 10 PPS à cette direction générale pour remédier au problème technique constaté et de les répartir entre les trois fonctionnaires concernés.

50      Quant à l’AIPN, il ressort de la décision de rejet de la réclamation qu’elle aurait uniquement procédé à un examen comparatif des mérites du requérant avec ceux de certains de ses collègues de la DG « Concurrence », dont la situation aurait été prétendument comparable à la sienne en fonction soit de leur note de mérite, soit de leur « sac à dos », soit encore de l’ancienneté dans le grade ou même de plusieurs de ces éléments. Or, ceci ne constituerait pas un véritable examen comparatif des mérites pour quatre motifs.

51      Premièrement, l’AIPN aurait comparé les mérites du requérant avec ceux de fonctionnaires de la DG « Concurrence » de même grade et qui ont été promus lors de l’exercice de promotion 2005 après avoir obtenu de leur hiérarchie un nombre de PPDG suffisant pour assurer leur promotion. Cela laisserait penser que, en l’absence du problème technique constaté, le requérant aurait également reçu un nombre de PPDG suffisant, selon les mêmes critères que ceux appliqués à ces autres fonctionnaires, pour se voir assurer la promotion en 2005.

52      Deuxièmement, la prétendue analyse comparative contenue dans la décision de rejet de la réclamation ferait apparaître que la hiérarchie de la DG « Concurrence » aurait agi de façon « stratégique » au moment de décider de l’attribution des PPDG, en essayant de donner un nombre de points suffisant à chaque fonctionnaire qu’elle souhaitait voir promu.

53      Or, cette stratégie expliquerait la raison pour laquelle des fonctionnaires, dont la situation présenterait des similarités quant à leurs notes de mérite, leurs « sacs à dos » et leurs anciennetés dans le grade, auraient reçu un nombre de PPDG différent, mais suffisant pour qu’ils atteignent le seuil de promotion. Selon le requérant, il serait contradictoire d’affirmer que le comité de promotion A* et l’AIPN se sont appuyés sur les mêmes critères que ceux fixés par la DG « Concurrence » et, en même temps, de passer sous silence l’incidence de la stratégie suivie par ladite direction générale lors de l’attribution des PPDG.

54      En ne prenant nullement en considération ce comportement stratégique de la DG « Concurrence », l’AIPN aurait omis un critère décisif appliqué de manière systématique par la direction générale lors de l’attribution des PPDG au titre de l’exercice de promotion 2005, de telle sorte que son analyse serait irrémédiablement viciée.

55      Troisièmement, il semblerait que l’AIPN ait comparé la situation du requérant avec celles de deux fonctionnaires, MM. H. B. M. et M. E., considérées comme similaires. Si tel était le cas, le requérant s’étonne du fait que ces deux fonctionnaires ont respectivement reçu 8 et 7 PPDG, soit environ le double des points que l’AIPN a décidé de lui octroyer.

56      Les explications fournies à cet égard par l’AIPN seraient lacunaires. Celle‑ci soutient que MM. H. B. M. et M. E. auraient contribué plus que le requérant à l’accomplissement des objectifs de la DG « Concurrence » pendant la période de référence, sans préciser quels étaient ces objectifs. Or, une telle considération pénaliserait injustement le requérant, du fait que, pendant la période de référence, il était détaché, dans l’intérêt du service, à la Cour de justice et ne pouvait dès lors pas contribuer directement à la réalisation desdits objectifs. Le fait que sa position de détachement dans l’intérêt du service revête un caractère décisif serait de nature à générer un traitement discriminatoire envers le requérant, contraire à l’article 45 du statut, lequel prévoit que l’examen comparatif des mérites se fait avec tous les fonctionnaires du même grade ayant vocation à la promotion, qu’ils soient détachés ou non.

57      Enfin, selon le requérant, la comparaison entre lui et les fonctionnaires de la DG « Concurrence » dont l’ancienneté dans le grade AD 8 remonte à 2002 est dépourvue de pertinence, puisque ces fonctionnaires ne se trouvaient pas dans une position analogue à la sienne et n’avaient pas encore accumulé dans leurs « sac à dos » un nombre de points proche du seuil de promotion pour l’exercice de promotion 2005.

58      Le requérant conteste l’argument de la Commission selon lequel l’existence de mérites particuliers, voire exceptionnels, au sens de l’article 5, paragraphe 1, des DGE, serait difficile à déterminer dans son cas, étant fonctionnaire détaché auprès d’une autre institution. Il souligne, à cet égard, que le rapport d’évolution de carrière d’un fonctionnaire de la Commission détaché dans l’intérêt du service continue d’être établi par sa direction générale d’origine et ce, selon les mêmes critères que ceux utilisés pour ses collègues non détachés. Les PM, en particulier, seraient attribués par la direction générale d’origine et non par le supérieur hiérarchique de l’institution d’accueil. Ainsi, la comparaison des mérites entre fonctionnaires détachés et fonctionnaires non détachés serait parfaitement possible. En outre, il serait discriminatoire de prétendre que les mérites d’un fonctionnaire détaché dans l’intérêt du service sont en général moins élevés que ceux d’un fonctionnaire non détaché.

59      Le requérant considère avoir ainsi fourni un faisceau d’indices suffisamment concordants à l’appui de sa conclusion selon laquelle le comité de promotion A* et l’AIPN n’auraient pas procédé à un véritable examen comparatif de ses mérites avec ceux de l’ensemble de ses collègues au sein de la DG « Concurrence ». Par conséquent, les décisions attaquées seraient illégales du fait d’irrégularités procédurales ayant eu une influence directe et décisive sur leur contenu.

–       Position de la Commission

60      À titre liminaire, la Commission fait observer que la procédure de promotion, telle que conçue par les DGE, exclut toute incidence d’un éventuel dysfonctionnement informatique sur les décisions des acteurs de cette procédure et les droits des fonctionnaires promouvables. Les DGE ne prévoiraient pas que les fonctionnaires promouvables sont désignés en fonction d’une liste établie par le système informatique « Sysper 2 », mais établiraient en revanche un lien entre l’attribution des PPDG et le contenu des rapports d’évolution de carrière se rapportant à la période de référence précédant l’exercice de promotion.

61      En l’espèce, la Commission constate que le REC 2004 du requérant a été finalisé le 15 mars 2005 et que le nom de ce dernier figurait sur la liste du mois de juin 2005 des fonctionnaires de la DG « Concurrence » attributaires de PM.

62      La Commission soutient que l’article 5, paragraphes 6 et 7, des DGE prévoit un double « filtrage », de nature à permettre au directeur général de s’assurer que, à la lumière de leurs rapports d’évolution de carrière, tous les fonctionnaires méritants soient pris en considération lors de l’attribution des PPDG. Dans l’hypothèse où le directeur général aurait oublié un des fonctionnaires dans ses propositions de PPDG, le CPE pourrait attirer son attention sur ce fait avant que les intentions formelles soient communiquées. En effet, le CPE aurait connaissance de l’identité des fonctionnaires possédant les meilleurs rapports d’évolution de carrière de chaque direction générale.

63      La Commission constate, en l’espèce, que les propositions du directeur général de la DG « Concurrence » avaient été soumises au CPE et qu’une réunion entre eux a eu lieu le 7 juillet 2005, soit deux semaines avant la publication des intentions formelles. Le CPE n’aurait cependant pas attiré l’attention dudit directeur général sur l’absence de PPDG en faveur du requérant.

64      La Commission constate également que, parmi les huit fonctionnaires affectés à la DG « Concurrence » et détachés auprès de la Cour de justice, cinq figuraient sur la liste des fonctionnaires promouvables qui a servi à déterminer les fonctionnaires pouvant recevoir des PPDG.

65      Au vu des mécanismes mis en place par les DGE, il serait tout à fait fondé de considérer que l’absence du nom d’un fonctionnaire de la liste des intentions formelles implique qu’aucun PPDG ne sera attribué à l’intéressé, les dispositions des DGE excluant l’hypothèse qu’un fonctionnaire soit tout simplement « oublié » de ladite liste.

66      La Commission observe que les difficultés de nature informatique rencontrées par le requérant lors de la consultation de la rubrique « 4.1 Points de priorité DG » de son dossier Sysper 2, aussi regrettables qu’elles puissent être, n’ont pu ni enfreindre ses droits procéduraux ni influencer la décision fixant le nombre total des points. En effet, consciente des problèmes pouvant survenir dans la gestion informatique des dossiers de promotion des fonctionnaires, la Commission a prévu, à l’article 5, paragraphe 7, et à l’article 8, paragraphe 2, des DGE, des mesures alternatives permettant aux fonctionnaires, n’ayant temporairement pas accès à la rubrique « 4.1 Points de priorité DG » de leur dossier de promotion, de s’informer sur le nombre de PPDG qui leur est attribué, par la voie des Informations administratives publiées sur le site interne de l’institution ou en faisant usage du droit d’appel auprès du comité de promotion.

67      Quant à l’affirmation du requérant selon laquelle l’AIPN n’aurait pas pris en considération les intentions manifestées par le directeur général de la DG « Concurrence » au comité de promotion A*, la Commission estime que le fait pour l’intéressé de ne pas figurer sur la liste de promotion dont sa direction générale s’est servie pour l’attribution des PPDG ne permettrait pas de conclure que cette direction générale n’a pris aucune décision à son égard au titre de l’article 5 des DGE. La situation du requérant serait, en fait, celle d’un fonctionnaire auquel aucun PPDG n’a été attribué.

68      La Commission souligne encore que la position du directeur général de la DG « Concurrence », telle qu’exprimée dans sa note du 17 octobre 2005, ne saurait être qualifiée d’intention formelle, formulée a posteriori, de nature à produire des effets juridiques, dès lors qu’elle serait manifestement tardive par rapport au déroulement de la procédure de promotion telle que régie par les DGE, dont l’article 5, paragraphe 7, ne prévoit pas l’intervention des directeurs généraux après la publication de leurs intentions formelles. En effet, toute position exprimée à un stade ultérieur de la procédure de promotion serait censée être intervenue in tempore suspecto et ne saurait lier ni le comité de promotion ni l’AIPN.

69      À supposer même que l’intention formelle tardive du directeur général de la DG « Concurrence » soit valable, la Commission considère que l’attribution « stratégique » de PPS aurait été impossible du fait que le contingent initial de 236 PPDG, mis à disposition de ladite direction générale, aurait été épuisé avec la communication des intentions formelles le 22 juillet 2005. Même si 7,5 nouveaux PPDG avaient été ajoutés au contingent initial de PPDG à la suite de la prise en compte des trois fonctionnaires « oubliés », ces nouveaux points auraient dû être distribués entre ces trois fonctionnaires, puisque la note du directeur général de la DG « Concurrence » du 17 octobre 2005 les concernait tous les trois et non pas uniquement le requérant. Par conséquent, si, par cette note, le directeur général avait voulu attribuer tardivement 7 PPDG au requérant, il aurait fallu qu’il retire des PPDG à d’autres fonctionnaires après la publication de ses intentions formelles le 22 juillet 2005.

70      Selon la Commission, le comité de promotion A* intervient normalement lorsque la proposition d’attribution de PPDG émanant du directeur général apparaît insuffisante au fonctionnaire concerné. De fait, en l’espèce, le comité de promotion A* a proposé d’octroyer au requérant 4 PPS afin de corriger l’erreur manifeste d’appréciation de la DG « Concurrence » consistant à ne lui avoir attribué aucun PPDG. Les 4 PPS résulteraient de l’examen comparatif des mérites du requérant avec ceux des autres fonctionnaires de la Commission ayant un profil similaire, ce conformément à l’article 45 du statut, aux DGE et aux critères dégagés par la jurisprudence. Le comité de promotion A* ne serait pas lié, à cet égard, par les critères établis par les directeurs généraux dans le cadre de l’attribution des PPDG, puisque, étant un organe central et devant garantir son indépendance et l’égalité de traitement des fonctionnaires ayant formé un recours gracieux, il doit examiner les différents cas dont il est saisi selon des critères objectifs, sans procéder à une simple exécution d’une quelconque stratégie de la direction générale d’origine du fonctionnaire concerné.

71      Le comité de promotion A* et, par la suite, l’AIPN, dans la décision fixant le nombre total des points, se seraient fondés sur les mérites du requérant dans la durée, attestés par ses rapports d’évolution de carrière, et, en tant que critères subsidiaires, sur son ancienneté dans le grade ainsi que sur sa position administrative. À cet égard, la Commission soutient que beaucoup de fonctionnaires de grade AD 8, dont les profils sont comparables à celui du requérant, ont également reçu 4 PPDG et que d’autres fonctionnaires AD 8 détachés auprès de la Cour de justice dans l’intérêt de service ont reçu moins de 4 PPDG.

72      À titre tout à fait subsidiaire, la Commission fait valoir que, à supposer même que l’incident technique en cause ait effectivement pu empêcher la DG « Concurrence » d’attribuer des PPDG au requérant et qu’aucun examen des mérites de celui‑ci n’ait eu lieu au sein de ladite direction générale, la proposition faite par le comité de promotion A* de lui octroyer 4 PPS aurait entièrement remédié à ce défaut. Dans cette hypothèse, et conformément à la jurisprudence du Tribunal de première instance, le comité de promotion A* et l’AIPN devaient tout d’abord évaluer les mérites particuliers, voire exceptionnels, du requérant par rapport à ceux des fonctionnaires de même grade que lui et affectés à la DG « Concurrence », en application de l’article 5, paragraphe 1, des DGE et, par la suite, tenir compte de critères subsidiaires. La poursuite de la stratégie de la direction générale d’origine, telle que soulignée par le requérant, ne ferait pas partie des critères à prendre en considération et l’objectif d’optimiser le nombre de fonctionnaires promus, sur lequel semble se fonder le présent recours, ne ressortirait pas non plus des DGE.

73      De plus, selon la Commission, il serait difficile d’examiner, s’agissant d’un fonctionnaire détaché dans l’intérêt du service, l’existence de mérites particuliers, voire exceptionnels au sens de l’article 5, paragraphe 1, des DGE, tels que la contribution « à l’obtention de résultats, dans le cadre du programme de travail de la direction générale, allant au-delà de leurs objectifs individuels, y compris en prêtant leur concours à d’autres unités ».

74      Il ne s’agirait pas ici de nier la vocation à la promotion des fonctionnaires détachés dans l’intérêt du service, mais de reconnaître que, en pratique, ces fonctionnaires font valoir leurs mérites auprès d’une autre institution et que l’institution d’origine ne pourrait bénéficier de leurs compétences et de leur expérience qu’après la fin de leur détachement. S’il est vrai, comme le requérant le soutient, que le REC 2004 a été établi par la DG « Concurrence », il faudrait également souligner qu’il a été exclusivement fondé sur les commentaires du supérieur hiérarchique de l’intéressé dans l’institution d’accueil.

75      Enfin, dans le souci de ne pas pénaliser les fonctionnaires détachés dans l’intérêt du service, le nombre de points de priorité qui leur est attribué devrait se situer dans la moyenne des PPDG attribués aux fonctionnaires en position d’activité au sein de la direction générale d’origine et être modifié ensuite selon leurs mérites démontrés auprès de l’institution de détachement, tels que confirmés par le rapport d’évolution de carrière précédant l’exercice de promotion.

76      Lors de l’audience, la Commission a précisé que les intentions formelles, provenant de chaque directeur général, ne sont qu’un acte préparatoire de la décision finale de promotion, celle-ci étant prise uniquement par l’AIPN. Par conséquent, le directeur général de la DG « Concurrence », après avoir constaté l’absence du nom du requérant de la liste qui avait servi de base pour l’attribution des PPDG, disposait encore d’environ trois mois pour retirer ses intentions formelles ou leur apporter un corrigendum, et procéder, en conséquence, à une nouvelle distribution des PPDG, tenant compte cette fois du cas du requérant. Selon la Commission, ce remède, propre à la procédure de promotion, serait le plus approprié et ne nécessiterait pas le recours au comité de promotion A*. Or, en l’espèce, le directeur général de la DG « Concurrence » aurait choisi de ne pas redistribuer les PPDG ni d’apporter un corrigendum à ses intentions formelles d’attribution de PPDG, ce qui témoignerait d’un choix délibéré de ce dernier de n’attribuer aucun PPDG au requérant.

77      La Commission souligne encore que, dès lors que le directeur général de la DG « Concurrence », qui pouvait intervenir et redresser la situation, ne l’a pas fait, sa note du 17 octobre 2005 ne saurait être considérée comme une intention formelle exprimée a posteriori ni comme un « bon de commande » adressé au comité de promotion A*, fixant le nombre des points à attribuer au requérant. L’intervention de ce comité aurait donc eu pour seule finalité de corriger une erreur manifeste d’appréciation commise par la DG « Concurrence », par la voie d’une recommandation d’attribution de PPS adressée à l’AIPN, sans que ce comité ait été lié par les invitations contenues dans la note du directeur général de la DG « Concurrence » du 17 octobre 2005.

78      La Commission conclut que, puisque le comité de promotion A* ne pouvait être influencé par ladite note et qu’il incombait à l’AIPN de prendre la décision finale, les décisions attaquées ne seraient entachées d’aucun vice de procédure substantiel justifiant leur annulation.

 Appréciation du Tribunal

79      Selon l’article 45, paragraphe 1, du statut, l’AIPN accorde les promotions sur la base d’un examen comparatif des mérites des fonctionnaires, au vu, en particulier, des rapports périodiques d’évaluation dont ils ont fait l’objet.

80      L’AIPN doit procéder à l’examen comparatif susmentionné avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement des fonctionnaires (arrêts du Tribunal de première instance du 30 novembre 1993, Tsirimokos/Parlement, T‑76/92, Rec. p. II‑1281, point 21, Perakis/Parlement, T‑78/92, Rec. p. II‑1299, point 16 ; du 5 novembre 2003, Cougnon/Cour de justice, T‑240/01, RecFP p. I‑A‑263 et II‑1283, point 70 ; du 28 septembre 2004, Tenreiro/Commission, T‑216/03, RecFP p. I‑A‑245 et II‑1087, point 68 ; du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, RecFP p. I‑A‑253 et II‑1169, point 53, et Buendía Sierra/Commission, précité, point 130).

81      À cet effet, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Elle peut procéder à l’examen des mérites selon la procédure ou la méthode qu’elle estime la plus appropriée (arrêts Tsirimokos/Parlement, précité, point 16 ; Perakis/Parlement, précité, point 14 ; Cougnon/Cour de justice, précité, point 62, et Tenreiro/Commission, précité, point 68), étant entendu que ce pouvoir d’appréciation doit s’exercer dans le respect de toutes les réglementations pertinentes, y compris d’éventuelles règles de procédure, telles que celles contenues dans les DGE, dont l’AIPN se serait dotée pour encadrer l’exercice de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 18 septembre 2003, Pappas/Comité des régions, T‑73/01, RecFP p. I‑A‑207 et II‑1011, point 53, et du 4 juillet 2006, Tzirani/Commission, T‑88/04, non encore publié au Recueil, point 78), sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement (voir arrêt de la Cour du 30 janvier 1974, Louwage/Commission, 148/73, Rec. p. 81, point 12 ; arrêts du Tribunal de première instance du 28 janvier 1992, Speybrouck/Parlement, T‑45/90, Rec. p. II‑33, point 69, et du 11 février 1999, Jiménez/OHMI, T‑200/97, RecFP p. I‑A‑19 et II‑73, point 41).

82      Il importe, à cet égard, de rappeler que, à compter de l’exercice de promotion 2003 et avec pour objectif de permettre une comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables plus objective et aisée qu’auparavant, la Commission a, par ses dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut et les DGE, instauré un système de promotion basé sur la quantification des mérites, caractérisée par l’attribution annuelle aux fonctionnaires de PM et de points de priorité (voir, en ce sens, arrêt Buendía Sierra/Commission, précité, points 129 et 132).

83      Ainsi, l’article 4, paragraphe 2, des DGE prévoit que les directions générales disposent d’un contingent de PPDG égal à 2,5 fois le nombre de fonctionnaires encore promouvables compte tenu de leur grade et qui occupent un poste dans la direction générale considérée.

84      Le Tribunal de première instance a déjà jugé que, s’agissant du quota de PPDG, il répond à l’objectif général des points de priorité visant à distinguer, parmi les fonctionnaires, ceux qui sont les plus méritants, afin d’accroître leurs chances de promotion. De fait, une limitation du nombre de points disponibles est de nature à amener les directions générales à opérer une telle sélection, cet objectif étant lui-même compatible avec l’article 45 du statut, l’égalité de traitement et la vocation à la carrière (arrêt Buendía Sierra/Commission, précité, point 173).

85      Ce même Tribunal a également considéré, en substance, que l’intervention du directeur général dans la procédure de promotion participe du principe de bonne administration, en ce qu’elle permet, d’une part, une prise en considération des éléments spécifiques à sa direction générale, dont il a connaissance à travers les consultations des divers supérieurs hiérarchiques et, d’autre part, une mise en perspective unique des rapports de notation des différents fonctionnaires promouvables qui ont été établis par des notateurs différents (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 10 juillet 1992, Mergen/Commission, T‑53/91, Rec. p. II‑2041, point 36 ; du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T‑557/93, RecFP p. I‑A‑195 et II‑603, point 22 ; du 16 septembre 1998, Rasmussen/Commission, T‑234/97, RecFP p. I‑A‑507 et II‑1533, point 51, et du 21 janvier 2004, Mavridis/Commission, T‑97/02, RecFP p. I‑A‑9 et II‑45, point 77).

86      L’importance de l’intervention du directeur général de chaque direction générale est d’ailleurs soulignée à l’article 10, paragraphe 2, des DGE, selon lequel la décision finale contenant la liste des fonctionnaires promus est prise par l’AIPN, en l’espèce le directeur général de la DG « Personnel et administration », ce dernier devant tenir compte, « sans pouvoir s’en écarter, des intentions formelles d’attribution de [PPDG] formulées par les directeurs généraux ».

87      En l’espèce, le requérant estime que la procédure de promotion a été viciée, dès lors que son dossier Sysper 2 n’a pas été pris en considération par sa direction générale lors de l’attribution des PPDG, en raison d’un problème informatique et technique resté inexpliqué. Pour corriger ce vice de procédure, il aurait incombé au comité de promotion A*, saisi d’un recours au titre de l’article 8 des DGE, de valider la proposition d’attribution de 7 PPS contenue dans la note du directeur général de la DG « Concurrence » du 17 octobre 2005, d’où il ressort que, en l’absence de l’incident technique constaté et en application des critères internes de cette direction générale en matière d’attribution de PPDG, le requérant aurait reçu un nombre des points suffisant pour lui assurer une promotion en 2005.

88      Selon la Commission, si le directeur général de la DG « Concurrence » avait réellement voulu promouvoir le requérant, il aurait dû, comme il était en droit de le faire, retirer ses intentions formelles et procéder à une nouvelle distribution des PPDG. En l’absence d’une telle redistribution, il y aurait lieu de considérer que ledit directeur général a fait le choix délibéré de n’attribuer aucun PPDG au requérant.

89      Cette dernière analyse ne saurait être retenue, car elle est contredite par la teneur même de la note du 17 octobre 2005, d’où il ressort explicitement que le requérant aurait bénéficié d’un nombre suffisant de PPDG pour lui garantir une promotion si son nom avait figuré sur la liste informatique utilisée par la DG « Concurrence » aux fins de l’attribution desdits PPDG à ses fonctionnaires. De plus, il n’est pas contesté qu’il manquait 7,5 points au contingent de PPDG mis à la disposition de la DG « Concurrence » par rapport à celui dont elle aurait dû disposer au titre de l’article 4, paragraphe 2, des DGE, ce qui découle précisément du fait que trois fonctionnaires de cette direction générale en position de détachement, parmi lesquels le requérant, avaient été oubliés de la liste informatique susmentionnée.

90      Force est donc de constater que le requérant ne s’est pas vu attribuer de PPDG par oubli et non, contrairement à ce que soutient la Commission, en raison d’un choix délibéré du directeur général de la DG « Concurrence », fondé sur l’appréciation de ses mérites.

91      Par conséquent, l’oubli de trois fonctionnaires, parmi lesquels le requérant, constitue un vice de procédure qui a entaché le déroulement régulier de l’exercice de promotion 2005. Toutefois, pour qu’un vice de procédure puisse entraîner l’annulation des décisions attaquées, il faut qu’il soit établi que, en l’absence de cette irrégularité, lesdites décisions auraient pu avoir un contenu différent (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Bernardi/Parlement, 150/84, Rec. p. 1375, point 28 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 novembre 1995, Benecos/Commission, T‑64/94, RecFP p. I‑A‑257 et II‑769, point 80 ; du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T‑212/97, RecFP p. I‑A‑41 et II‑185, point 53, et du 13 juillet 2000, Hendrickx/Commission, T‑87/99, RecFP p. I‑A‑147 et II‑679, point 64).

92      Il convient donc de vérifier si, en l’espèce, l’absence d’attribution de PPDG constitue un vice substantiel de nature à entacher la procédure et à léser les intérêts du requérant et si, dans l’affirmative, cette situation a été correctement redressée, comme le soutient la Commission, avant l’adoption de la décision fixant le nombre total des points, grâce à l’intervention du comité de promotion A*. À ce sujet, la Commission fait valoir que ledit comité, après avoir constaté l’erreur manifeste d’appréciation commise par la DG « Concurrence », du fait de l’absence de PPDG attribués au requérant, a proposé à l’AIPN d’octroyer 4 PPS à celui-ci, en tenant compte de ses mérites, attestés par son rapport d’évolution de carrière, et après un examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables.

93      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans sa note du 17 octobre 2005, le directeur général de la DG « Concurrence » a certifié qu’il aurait, en application des critères internes de ladite direction générale en matière d’allocation de points de mérite, attribué au requérant un nombre de points suffisant pour lui assurer une promotion. Il a ajouté que le fait de ne pas avoir pu, lors de l’établissement de ses « intentions formelles en matière d’attribution des PPDG », comparer les mérites du requérant avec ceux de ses collègues de même grade a eu pour effet de pénaliser injustement l’intéressé et que le seul remède adéquat pour réparer le préjudice subi par celui-ci était de lui accorder 7 PPS en vue de lui assurer la promotion en 2005.

94      On ne saurait donc exclure que l’absence de prise en considération du cas du requérant lors de l’établissement des intentions formelles du directeur général de la DG « Concurrence » en matière de PPDG, établissement qui constitue une étape cruciale de la procédure de promotion, ainsi qu’il ressort des points 85 et 86 du présent arrêt, a été de nature à léser les intérêts du requérant et à vicier ainsi ladite procédure à son égard, dès lors que, sans cette irrégularité dans le déroulement de la procédure, les décisions attaquées auraient pu avoir un contenu différent.

95      Quant à la question de savoir si l’octroi au requérant, sur recommandation du comité de promotion A*, de 4 PPS a adéquatement porté remède au vice de procédure en cause, il convient tout d’abord de souligner que la Commission a admis lors de l’audience que le comité de promotion A* n’est pas limité, selon les DGE, à un quota maximal de PPS. Dans ces conditions, rien ne s’opposait à ce que, conformément au souhait exprimé par le directeur général de la DG « Concurrence », ledit comité recommande l’octroi au requérant de 7 PPS, au regard de ses mérites, sans que cela ait pu avoir de conséquences sur le nombre des fonctionnaires déjà promus dans le cadre de l’exercice 2005.

96      S’il est vrai, ainsi que le soutient la Commission, que le vice de procédure aurait pu être corrigé, en amont, par le directeur général de la DG « Concurrence » lui‑même en procédant à une nouvelle attribution des PPDG, cette éventualité ne saurait, comme telle, rendre légale la décision fixant le nombre total des points, dès lors que, précisément, une telle réattribution n’a pas eu lieu en l’espèce. Dans ces conditions, afin de protéger ses intérêts, le requérant ne pouvait que saisir le comité de promotion A* de son cas personnel, au titre de l’article 8 des DGE. Il incombait alors audit comité, puis à l’AIPN, de trouver un remède adéquat au vice de procédure constaté.

97      À ce sujet, la Commission soutient que le comité de promotion A*, avant de recommander l’octroi de 4 PPS seulement, puis l’AIPN, auraient précisément procédé à un examen comparatif des mérites du requérant et de ceux des autres fonctionnaires de même grade promouvables.

98      Cet argument ne saurait prospérer. En effet, il y a lieu, d’une part, de constater que les procès-verbaux des réunions du comité de promotion A* et du groupe paritaire de travail au sein de ce comité pour l’exercice de promotion 2005, non seulement ne laissent pas apparaître de façon générale les critères utilisés par ce comité lors de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires concernés, mais ne permettent pas d’établir que les circonstances exceptionnelles de l’espèce ont été prises en compte par ledit comité. Au contraire, il ressort desdits procès‑verbaux que le cas du requérant a été traité comme un cas normal de recours gracieux d’un fonctionnaire insatisfait par le nombre de PPDG obtenus. D’autre part, la Commission n’a pas établi que l’AIPN, après l’intervention du comité de promotion A*, aurait quant à elle tenu dûment compte des circonstances exceptionnelles de l’espèce avant de prendre les décisions attaquées.

99      Ne peut davantage être accueilli l’argument de la Commission, selon lequel l’intention exprimée par le directeur général de la DG « Concurrence » dans sa note du 17 octobre 2005 ne pouvait pas être prise en considération par le comité de promotion A*, au motif que celle‑ci aurait eu, en réalité, pour objectif de garantir à ladite direction générale, par un moyen détourné, un nombre plus élevé de promotions.

100    Il suffit à cet égard de constater que, en l’espèce, il ressort clairement du dossier que la démarche du directeur général de la DG « Concurrence » avait pour seul but de corriger un vice de procédure de nature à compromettre la validité de la décision fixant le nombre total de points, but qui répondait, de toute évidence, au principe de bonne administration et au devoir de sollicitude, qui pèsent sur l’administration.

101    Il découle de tout ce qui précède que l’intervention, en l’espèce, du comité de promotion A* n’a pas corrigé de manière adéquate le vice de procédure, lequel a eu une incidence directe et décisive sur les décisions attaquées.

102    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’irrégularité liée à l’absence de prise en considération du cas du requérant au moment de l’attribution des PPDG par la DG « Concurrence » a été de nature à vicier la procédure de promotion et à léser les intérêts de l’intéressé, sans que cette irrégularité ait été corrigée à suffisance de droit par l’intervention du comité de promotion A* et, par la suite, par l’AIPN.

103    En conséquence, il y a lieu d’accueillir le présent recours et d’annuler la décision fixant le nombre total des points, dans la mesure où le requérant n’a pas reçu un nombre de points suffisant pour être promu au titre de l’exercice 2005, ainsi que la décision établissant la liste des promus, dans la mesure où celle‑ci ne contient pas le nom du requérant.

 Sur les dépens

104    En vertu de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal, les dispositions dudit règlement relatives aux dépens et aux frais de justice ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

105    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission des Communautés européennes, attribuant à M. Carpi Badía un nombre de points de priorité insuffisant pour être promu au titre de l’exercice de promotion 2005, est annulée.

2)      La décision de la Commission des Communautés européennes, arrêtant la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2005, publiée aux Informations administratives n° 85‑2005, du 23 novembre 2005, est annulée dans la mesure où elle ne contient pas le nom de M. Carpi Badía.

3)      La Commission des Communautés européennes supporte les dépens de M. Carpi Badía ainsi que ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le français.