Language of document : ECLI:EU:C:2018:952

ORDONNANCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS

22 novembre 2018 (*)

« Pourvoi – Ordonnance de référé – Aides d’État – Aides octroyées par les autorités espagnoles en faveur de certains clubs de football – Garantie accordée par une entité publique dans le cadre de prêts en faveur de trois clubs de football de la Communauté autonome de Valence – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur – Ordre de récupération – Sursis à exécution – Urgence – Motivation – Droits de la défense »

Dans l’affaire C‑334/18 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 mai 2018,

Hércules Club de FútbolSAD, établie à Alicante (Espagne), représentée par Mes Y. Martínez Mata et S. Rating, abogados,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et G. Luengo ainsi que par Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Royaume d’Espagne,

partie intervenante en première instance,

LE JUGE DES RÉFÉRÉS,

l’avocat général, M. G. Hogan, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Hércules Club de Fútbol SAD (ci-après « Hércules CF ») demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 22 mars 2018, Hércules Club de Fútbol/Commission (T‑766/16 R, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2018:170), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision (UE) 2017/365 de la Commission, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.36387 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2013/CP) accordée par l’Espagne au Valencia Club de Fútbol [SAD], au Hércules Club de Fútbol [SAD] et au Elche Club de Fútbol [SAD] (JO 2017, L 55, p. 12, ci-après la « décision litigieuse »).

 Les antécédents du litige

2        La requérante, Hércules CF, est un club de football professionnel fondé en 1922, qui évolue en deuxième division B de la ligue espagnole de football.

3        En 2012 et en 2013, la Commission européenne a été alertée de l’existence d’aides d’État présumées, octroyées par la Generalitat Valenciana sous la forme de garanties de prêts bancaires en faveur de trois clubs de football de la Communauté autonome de Valence, dont Hércules CF.

4        Le 4 juillet 2016, la Commission a adopté la décision litigieuse. Dans cette décision, elle a constaté, en substance, à son article 1er, que le Royaume d’Espagne avait octroyé illégalement des aides d’État, incompatibles avec le marché intérieur, notamment à la Fundación Hércules Club de Fútbol (ci-après la « Fundación Hércules »), d’un montant de 6 143 000 euros, au titre de la garantie publique accordée par l’Instituto Valenciano de Finanzas, l’établissement financier de la Generalitat Valenciana, pour couvrir un prêt bancaire accordé à la Fundación Hércules, aux fins de la souscription d’actions de Hércules CF, dans le cadre de l’opération d’augmentation du capital de cette dernière. Aux articles 2 à 4 de la décision litigieuse, la Commission a ordonné au Royaume d’Espagne de procéder à la récupération immédiate et effective de l’aide d’État en cause auprès de Hércules CF, y compris des intérêts à compter de la date à laquelle l’aide a été mise à la disposition de cette dernière, et de lui communiquer les informations relatives à la mise en œuvre de cette décision.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 novembre 2016, la requérante a introduit un recours tendant, en substance, à l’annulation de la décision litigieuse.

6        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé afin qu’il soit sursis à l’exécution de l’article 2 de la décision litigieuse en ce que la Commission y ordonne la récupération de l’aide d’État en cause auprès d’elle.

7        Le 9 novembre 2016, le président du Tribunal a posé à la requérante des questions pour réponse écrite, auxquelles celle-ci a répondu le même jour.

8        Par ordonnance du 11 novembre 2016, le président du Tribunal a, conformément à l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, provisoirement accordé le sursis à exécution jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé.

9        Le 11 décembre 2017, le président du Tribunal a invité la requérante « à donner des informations actuelles sur sa situation financière, étayées par des éléments documentaires appropriés, y inclus le dernier état financier audité, ainsi que tout autre type d’informations pertinentes concernant les changements ayant eu lieu depuis le dépôt de la demande en référé ». La requérante a déféré à cette demande le 21 décembre 2017. Le 18 janvier 2018, la Commission a pris position sur les réponses fournies par la requérante.

10      Le 22 mars 2018, le président du Tribunal a adopté l’ordonnance attaquée, par laquelle il a rejeté la demande en référé.

11      À cette fin, le président du Tribunal a examiné d’emblée si la condition relative à l’urgence était remplie. À cet égard, il a notamment rappelé, au point 33 de l’ordonnance attaquée, que, selon une jurisprudence constante, en cas de demande de sursis à l’exécution d’un acte de l’Union, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué. Il a ajouté, au point 35 de ladite ordonnance, que lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées se justifient s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie qui les sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques du groupe auquel elle appartient.

12      Il ressort du point 41 de l’ordonnance attaquée que, en vue de démontrer l’urgence du sursis à exécution demandé, la requérante a avancé, d’une part, que la récupération du montant en cause mettrait en péril sa viabilité financière en conduisant à sa liquidation et, d’autre part, que sa liquidation aurait des conséquences d’ordre non pécuniaire, dès lors qu’elle ne pourrait plus participer à des compétitions sportives, ce qui aurait des répercussions négatives tant pour les organisateurs de compétitions que pour les clubs participants et que sa disparition entraînerait des conflits sociaux et des pertes économiques dans la région.

13      À cet égard, le président du Tribunal a constaté, au point 42 de l’ordonnance attaquée, que le préjudice invoqué par la requérante était d’ordre pécuniaire.

14      Au terme d’une analyse des éléments produits par la requérante, le président du Tribunal a considéré en substance, aux points 48 à 53 de l’ordonnance attaquée, que, au vu de l’insuffisance des renseignements fournis par la requérante, il n’était pas en mesure d’apprécier si, aux fins de l’examen de l’urgence, il pouvait se limiter à examiner la situation de la requérante prise isolément ou s’il devait tenir compte d’éventuels apports de tiers ou des actionnaires de celle-ci. Le président du Tribunal a ainsi conclu que, à défaut pour la requérante de produire une image fidèle et globale de sa situation financière, il ne pouvait conclure à l’existence d’un risque pour la viabilité financière de celle-ci.

15      Le président du Tribunal a, partant, rejeté la demande en référé de la requérante et rapporté son ordonnance du 11 novembre 2016.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

16      Par son pourvoi, la requérante demande, en substance, à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision litigieuse ;

–        d’adopter l’ordonnance de suspension inaudita altera parte, conformément à l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

17      Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 27 juin 2018, la requérante a introduit une demande en référé.

18      Le vice-président et la présidente de la première chambre de la Cour étant empêchés, le président de la deuxième chambre de la Cour a été désigné, le 4 juin 2018, pour exercer les fonctions de juge des référés, en vertu de l’article 13 du règlement de procédure de la Cour.

19      Dans son mémoire en réponse, déposé au greffe de la Cour le 20 juin 2018, la Commission demande :

–        de rejeter le pourvoi comme irrecevable ;

–        de rejeter le pourvoi comme non fondé ;

–        de rejeter la demande de sursis à l’exécution, à titre conservatoire, de la décision litigieuse, y compris la demande de sursis inaudita altera parte, et

–        de condamner la requérante aux dépens.

20      Par ordonnance du président de la deuxième chambre de la Cour du 5 juillet 2018, Hércules Club de Fútbol/Commission [C‑334/18 P(R)–R, non publiée, EU:C:2018:548], adoptée sans avoir entendu les autres parties à la procédure conformément à l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour, il a été sursis à l’exécution de la décision litigieuse, et ce jusqu’à l’adoption de l’ordonnance qui interviendra le plus tôt entre celle mettant fin à la procédure en référé et celle se prononçant sur le présent pourvoi.

 Sur la demande que soit ordonné, inaudita altera parte, le sursis à l’exécution de la décision litigieuse

21      Dans son pourvoi, la requérante a demandé que soit ordonné, inaudita altera parte, le sursis à l’exécution de la décision litigieuse.

22      En vertu de l’article 160, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, une telle demande doit être présentée par acte séparé, un tel acte ayant au demeurant été déposé au greffe de la Cour, ainsi qu’il a été relevé au point 17 de la présente ordonnance.

23      Il s’ensuit que ladite demande, en ce qu’elle a été formulée dans le pourvoi, est irrecevable [voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 1965, Merlini/Haute Autorité, 108/63, EU:C:1965:4, p. 12, et du 17 juin 1965, Italie/Commission, 32/64, EU:C:1965:61, p. 484, ainsi que ordonnance du vice-président de la Cour du 16 juin 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, C‑170/16 P(R), non publiée, EU:C:2016:462, points 21 à 24].

 Sur le pourvoi

 Sur la recevabilité

24      La Commission conteste la recevabilité du pourvoi qui, selon elle, vise à obtenir une nouvelle appréciation des faits constatés par le Tribunal.

25      À cet égard, il y a lieu de relever que, par son premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le président du Tribunal a présumé à tort, d’une part, qu’il convient, aux fins d’évaluer la situation financière d’une entreprise, de tenir compte d’hypothétiques apports gracieux de tiers ou d’actionnaires minoritaires et, d’autre part, que les apports de telles personnes auraient en l’occurrence pu atteindre le montant visé dans l’ordre de récupération.

26      Un tel moyen vise, en substance, à mettre en cause le caractère suffisant de la motivation de la constatation opérée au point 49 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle la requérante serait susceptible de disposer de l’apport d’un tiers pour faire face à ses obligations financières résultant de l’ordre de récupération.

27      Or, il est de jurisprudence constante que la question de savoir si la motivation d’une ordonnance du président du Tribunal est insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 67).

28      Par son second moyen, la requérante soutient que le président du Tribunal a méconnu les droits de la défense, en fondant sa constatation relative à l’absence de production d’une image fidèle et globale de sa situation financière sur une prétendue modification de l’actionnariat de la requérante, laquelle n’aurait été aucunement évoquée dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

29      Or, une éventuelle méconnaissance des droits de la défense devant le Tribunal est une question de droit qui est recevable au stade du pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 38).

30      Il s’ensuit que le pourvoi est recevable.

 Sur le fond

31      Au soutien de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens.

 Sur le premier moyen

32      Par son premier moyen, dirigé contre le point 49 de l’ordonnance attaquée, la requérante reproche au président du Tribunal d’avoir fondé sur une double présomption sa conclusion selon laquelle les renseignements fournis par elle n’étaient ni complets ni fiables. Ce dernier aurait en effet, d’une part, présumé à tort qu’il convient, aux fins d’évaluer la situation financière d’une entreprise, de tenir compte d’hypothétiques apports gracieux de tiers ou d’actionnaires minoritaires et, ainsi, de considérer que des personnes disposées à apporter des ressources modestes à une entreprise contrôlent celle-ci ou appartiennent au même groupe. D’autre part, la requérante soutient que, même à supposer que l’établissement d’une telle présomption ne soit pas entaché d’une erreur de droit, le président du Tribunal se serait, à tort, limité à présumer que les apports de telles personnes auraient pu atteindre le montant visé dans l’ordre de récupération.

33      La Commission conteste l’argumentation de la requérante. Elle estime que c’est à bon droit que le Tribunal a tenu compte, aux fins d’apprécier la situation matérielle de la requérante, des ressources dont dispose globalement le groupe auquel cette dernière appartient. Ce serait particulièrement le cas s’agissant d’un club de football, dont non seulement les actionnaires mais également les membres et les sympathisants ont un intérêt à ce que le club poursuive ses activités sportives.

34      Dans l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a notamment rappelé, au point 28 de celle-ci, d’une part, que le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal et, d’autre part, que ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une de ces conditions fait défaut. Il a également souligné, au point 38 de l’ordonnance attaquée, que le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées, impliquant, en principe, de ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, la production, pièces à l’appui, d’une image fidèle et globale de sa situation financière.

35      Le président du Tribunal a ensuite examiné si la condition relative à l’urgence était remplie.

36      À cet égard, il a rappelé, aux points 44 à 47 de l’ordonnance attaquée, que, pour apprécier la situation matérielle d’une société, notamment sa viabilité financière, il convient de tenir compte des caractéristiques du groupe de sociétés auquel elle se rattache par son actionnariat et, en particulier, des ressources dont dispose globalement ce groupe, ce qui peut amener le juge des référés à estimer que la condition de l’urgence n’est pas remplie malgré l’état d’insolvabilité prévisible de la société requérante, prise individuellement. Il a ainsi souligné que le caractère grave du préjudice allégué doit être apprécié au niveau du groupe composé par les personnes physiques ou morales qui la contrôlent ou qui en sont membres, la coïncidence des intérêts de la société concernée et de ces personnes justifiant que l’intérêt de cette société à poursuivre son activité ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que portent celles-ci à sa pérennité. Il a ajouté que cette jurisprudence s’applique non seulement aux personnes morales, mais également aux personnes physiques qui contrôlent la société concernée.

37      S’agissant de l’application de cette jurisprudence à la situation matérielle de la requérante, le président du Tribunal, aux points 48 et 49 de l’ordonnance attaquée, a relevé ce qui suit :

« 48      Or, d’une part, il résulte de la réponse [de la requérante] du 21 décembre 2017 qu’il a investi dans des “joueurs de qualité” dont les salaires dépassent ses revenus et que “le président [de la requérante] s’est formellement engagé auprès de la Comisión Delegada de la Liga de Fútbol Profesional, le 21 septembre 2017, à couvrir le déficit enregistré par des apports de particuliers”.

49      Il en résulte que [la requérante] dispose de l’apport d’un tiers pour faire face à des engagements dépassant ses propres ressources économiques. Cet élément suscite nécessairement des interrogations s’agissant de la question de savoir si, et dans quelle mesure, [la requérante] pourrait bénéficier d’un tel apport pour acquitter la somme réclamée par l’[Instituto Valenciano de Finanzas] au titre de l’exécution de la décision [litigieuse]. Toutefois, [la requérante] omet de fournir des renseignements à cet égard. »

38      Il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les décisions du Tribunal doivent être suffisamment motivées afin que la Cour soit en mesure d’exercer son contrôle juridictionnel. À cet égard, il suffit que le raisonnement soit clair et compréhensible et qu’il soit, par ailleurs, de nature à motiver la conclusion qu’il vise à étayer [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 2002, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑232/02 P(R), EU:C:2002:601, point 56, et ordonnance du vice-président de la Cour du 19 décembre 2013, Commission/Allemagne, C‑426/13 P(R), EU:C:2013:848, point 66].

39      Il ressort par ailleurs d’une jurisprudence également constante de la Cour que celle-ci n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, et que la motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [ordonnance du vice-président de la Cour du 14 juin 2016, Chemtura Netherlands/EFSA, C‑134/16 P(R), non publiée, EU:C:2016:442, point 47 et jurisprudence citée].

40      En l’occurrence, ainsi que le fait valoir la requérante, il ressort du point 48 de l’ordonnance attaquée qu’elle a, dans son mémoire du 21 décembre 2017, indiqué au président du Tribunal, sur l’invitation de celui-ci visée au point 9 de la présente ordonnance, que son président s’était engagé, eu égard à la circonstance que le montant des salaires de certains joueurs excédait les revenus de la requérante, à couvrir le déficit enregistré à cet égard par des apports de particuliers.

41      Si, certes, ainsi que l’a relevé, en substance, le président du Tribunal au point 49 de l’ordonnance attaquée, cette déclaration du président de la requérante témoigne de la circonstance que cette dernière est susceptible de disposer, dans une mesure limitée, de l’apport de particuliers pour faire face aux déficits de trésorerie visés par ladite déclaration, elle ne permet pas, par elle-même et en l’absence d’autres motifs à cet égard, de conclure, aux fins de l’évaluation de la situation matérielle de la requérante, que de tels apports doivent, conformément à la jurisprudence mentionnée par le président du Tribunal aux points 44 à 47 de l’ordonnance attaquée et rappelée au point 36 de la présente ordonnance, être considérés comme émanant du groupe de sociétés auquel la requérante se rattache par son actionnariat, le président du Tribunal soulignant d’ailleurs expressément à cet égard qu’il s’agit d’apports de « tiers ».

42      Une telle déclaration ne permet pas davantage, comme l’a relevé à juste titre la requérante, par elle-même et en l’absence d’autres motifs à cet égard, de fonder la conclusion selon laquelle de tels apports de particuliers, limités au déficit de trésorerie causé par le paiement de salaires au personnel sportif d’un club évoluant en deuxième division B de la ligue espagnole de football, seraient susceptibles d’atteindre le montant visé dans l’ordre de récupération en cause.

43      Il y a dès lors lieu de considérer que l’ordonnance attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation à cet égard.

44      Il s’ensuit que le premier moyen du pourvoi est fondé.

 Sur le second moyen

45      Par son second moyen, dirigé contre le point 50 de l’ordonnance attaquée, la requérante fait valoir que le président du Tribunal a violé les droits de la défense, en fondant ses constatations relatives à de prétendues modifications de l’actionnariat de la requérante sur des informations ne figurant pas dans le dossier du Tribunal et sur la pertinence desquelles les parties n’auraient pas été entendues.

46      La Commission conteste l’argumentation de la requérante. Il serait constant que la requérante n’a pas communiqué au président du Tribunal le changement survenu dans son actionnariat. La prise en compte de cet élément pour l’examen de la viabilité financière de la requérante serait à cet égard dépourvue de pertinence.

47      Le principe du contradictoire fait partie des droits de la défense. Il s’applique à toute procédure susceptible d’aboutir à une décision d’une institution de l’Union affectant de manière sensible les intérêts d’une personne. Les juridictions de l’Union veillent à faire respecter devant elles et à respecter elles-mêmes le principe du contradictoire (arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, points 50 et 51 ainsi que jurisprudence citée).

48      Ainsi, la Cour a-t-elle déjà jugé que ce serait violer un principe élémentaire du droit que de fonder une décision judiciaire sur des faits et des documents sur lesquels les parties, ou l’une d’entre elles, n’ont pas été en mesure de prendre position (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

49      En l’occurrence, s’agissant de la prise en compte par le président du Tribunal d’une éventuelle modification dans la composition de l’actionnariat de la requérante, les points 50 à 52 de l’ordonnance attaquée énoncent ce qui suit :

« 50      D’autre part, il paraît que des changements relatifs à l’actionnariat [de la requérante] ont eu lieu avant la réponse [de la requérante] du 21 décembre 2017. Toutefois, malgré la mesure d’organisation de la procédure, adoptée par le président du Tribunal le 11 décembre 2017, selon laquelle [la requérante] devait fournir “tout autre type d’informations pertinentes concernant les changements ayant eu lieu depuis le dépôt de la demande en référé”, [la requérante] n’a fourni aucune information relative à cette opération.

51      Une telle information était d’autant plus nécessaire du fait que [la requérante] connaissait la jurisprudence rappelée aux points 44 à 47 [de l’ordonnance attaquée] et qu’il résulte du point 73 de sa demande en référé qu’[elle] affirmait qu’elle ne serait pas pertinente dans son cas de figure, eu égard à l’absence d’“actionnaire majoritaire auquel pourrait s’appliquer la jurisprudence relative aux recours des tiers susceptibles de remettre en cause l’urgence”. À cet égard, [la requérante] a précisé dans sa demande en référé qu’il résultait de la liste de ses actionnaires actuels que “l’actionnaire principal reste la Fundación Hércules, dont l’absence de ressources a été confirmée par la Commission”.

52      Dans ces conditions, au vu de l’insuffisance des renseignements fournis par [la requérante], le président du Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier si, aux fins de l’examen de l’urgence, il peut se limiter à examiner la situation [de la requérante prise] isolément ou s’il doit tenir compte d’un éventuel apport de l’actionnariat dont pourrait bénéficier [la requérante]. »

50      À cet égard, il ressort du point 50 de l’ordonnance attaquée, et en particulier de l’utilisation des termes « il paraît », que le président du Tribunal a fondé sa constatation relative à de prétendus changements relatifs à l’actionnariat de la requérante sur des éléments qui ne figuraient pas dans le dossier du Tribunal, la Commission ayant à cet égard indiqué, dans son mémoire en réponse, que ce changement d’actionnaire avait été « mentionné dans la presse du moment ».

51      Il est par ailleurs constant que, nonobstant la circonstance que de tels éléments ont fondé la conclusion du président du Tribunal selon laquelle la requérante n’a pas produit une image fidèle et globale de sa situation financière, les parties n’ont pas été mises en mesure de prendre position sur la réalité et la pertinence de tels éléments, en violation du principe du contradictoire.

52      Il s’ensuit que le second moyen du pourvoi est également fondé.

53      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler l’ordonnance attaquée.

 Sur la demande de sursis à exécution

54      En vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue. Cette disposition s’applique également aux pourvois formés conformément à l’article 57, deuxième alinéa, de ce statut [ordonnance du vice-président de la Cour du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 59, et ordonnance du vice-président de la Cour du 18 octobre 2016, EMA/Pari Pharma, C‑406/16 P(R), non publiée, EU:C:2016:775, point 49].

55      L’affaire n’étant pas en état d’être jugée, elle doit être renvoyée devant le Tribunal pour qu’il statue, conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

Par ces motifs, le juge des référés ordonne :

1)      L’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 22 mars 2018, Hércules Club de Fútbol/Commission (T766/16 R, non publiée, EU:T:2018:170), est annulée.

2)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

3)      Les dépens sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.