Language of document : ECLI:EU:F:2009:153

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

17 novembre 2009 (*)

« Fonction publique – Concours général – Domaine de la lutte antifraude – Avis de concours EPSO/AD/116/08 et EPSO/AD/117/08 – Impossibilité pour les candidats de s’inscrire simultanément à plusieurs concours – Refus de la candidature de la requérante au concours EPSO/AD/117/08 »

Dans l’affaire F‑99/08,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Rita Di Prospero, agent temporaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Uccle (Belgique), représentée par Mes S. Rodrigues et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes C. Berardis-Kayser et B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni (président), H. Kreppel et H. Tagaras (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 mai 2009,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 12 décembre 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 15 décembre suivant), Mme Di Prospero a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision de l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) par laquelle il ne lui a pas été permis de faire acte de candidature au concours EPSO/AD/117/08, décision résultant de la lecture combinée de l’avis de concours, publié au Journal officiel de l’Union européenne du 23 janvier 2008 (JO C 16 A, p. 1), prévoyant l’organisation des concours généraux EPSO/AD/116/08 pour le recrutement d’administrateurs (AD 8) dans le domaine de la lutte antifraude et EPSO/AD/117/08 pour le recrutement d’administrateurs principaux (AD 11) dans le même domaine (ci-après l’« avis de concours »), et des courriers électroniques de l’EPSO adressés à la requérante en date des 26 et 27 février 2008.

 Cadre juridique

2        L’article 4 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« Toute nomination ou promotion ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d’un emploi dans les conditions prévues au présent statut.

Toute vacance d’emploi dans une institution est portée à la connaissance du personnel de cette institution dès que l’autorité investie du pouvoir de nomination a décidé qu’il y a lieu de pourvoir à cet emploi.

S’il n’est pas possible de pourvoir à cette vacance d’emploi par voie de mutation, de nomination en application de l’article 45 bis ou de promotion, celle-ci est portée à la connaissance du personnel des autres institutions et/ou un concours interne est organisé. »

3        L’article 27 du statut énonce :

« Le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres des Communautés.

Aucun emploi ne doit être réservé aux ressortissants d’un État membre déterminé. »

4        L’article 29, paragraphe 1, du statut prévoit :

« En vue de pourvoir aux vacances d’emploi dans une institution, l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné :

a)      les possibilités de pourvoir l’emploi par voie de :

i)      mutation ou

ii)      nomination conformément à l’article 45 bis ou

iii)      promotion

au sein de l’institution ;

b)      les demandes de transfert de fonctionnaires du même grade d’autres institutions et/ou les possibilités d’organiser un concours interne à l’institution ouvert uniquement aux fonctionnaires et aux agents temporaires visés à l’article 2 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes ;

ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. La procédure de concours est déterminée à l’annexe III.

Cette procédure peut être ouverte également en vue de constituer une réserve de recrutement. »

5        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe III du statut :

« L’avis de concours est arrêté par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après consultation de la commission paritaire.

Il doit spécifier :

a)      la nature du concours (concours interne à l’institution, concours interne aux institutions, concours général, le cas échéant, commun à deux ou plusieurs institutions) ;

b)      les modalités (concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves) ;

c)      la nature des fonctions et attributions afférentes aux emplois à pourvoir ainsi que le groupe de fonctions et le grade proposés ;

d)      compte tenu de l’article 5, paragraphe 3, du statut, les diplômes et autres titres ou le niveau d’expérience requis pour les emplois à pourvoir ;

e)      dans le cas de concours sur épreuves, la nature des examens et leur cotation respective ;

f)      éventuellement, les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir ;

g)      éventuellement, la limite d’âge ainsi que le report de la limite d’âge applicable aux agents en fonction depuis au minimum un an ;

h)      la date limite de réception des candidatures ;

i)      le cas échéant, les dérogations accordées en vertu de l’article 28, [sous] a), du statut.

[…] »

6        L’avis de concours prévoit l’organisation des concours généraux EPSO/AD/116/08 pour le recrutement d’administrateurs (AD 8) et EPSO/AD/117/08 pour le recrutement d’administrateurs principaux (AD 11) dans le domaine de la lutte antifraude. Parallèlement, l’EPSO a également organisé, toujours dans le domaine de la lutte antifraude, le concours EPSO/AST/45/08 pour le recrutement d’assistants (AST 4), dont l’avis a également été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 23 janvier 2008 (JO C 16 A, p. 16).

7        Le cinquième alinéa du titre I de l’avis de concours, titre intitulé « Nature des fonctions et conditions d’admission », (ci-après la « clause contestée ») est rédigé comme suit :

« L’attention des candidats est attirée sur le fait que les épreuves des concours [EPSO/AD116/08, EPSO/AD/117/08 et EPSO/AST/45/08] pourraient être organisées simultanément. Dès lors, les candidats ne peuvent s’inscrire qu’à un seul de ces trois concours. Ce choix doit être fait au moment de l’inscription électronique et ne pourra pas être modifié après la date limite d’inscription. »

8        Au point B, sous b), du titre I de l’avis de concours, relatif aux conditions spécifiques d’admission, il est prévu :

« […]

2. Expérience professionnelle

EPSO/AD/116/08

A[dministrateurs] (AD 8)

Les candidats doivent :

–        postérieurement, au titre/diplôme exigé […],

[ou]

–        postérieurement au titre/diplôme et à l’expérience professionnelle exigés […]

avoir acquis une expérience professionnelle d’une durée minimale de neuf ans, dont au moins la moitié dans des activités liées à la lutte antifraude.

EPSO/AD/117/08

A[dministrateurs principaux] (AD 11)

Les candidats doivent :


–        postérieurement au titre/diplôme exigé […],

[ou]

–        postérieurement au titre/diplôme et à l’expérience professionnelle exigés […]

avoir acquis une expérience professionnelle d’une durée minimale de seize ans, dont au moins la moitié dans des activités liées à la lutte antifraude.

[…] »

9        La date limite fixée pour l’inscription électronique aux concours EPSO/AD/l16/08 et EPSO/AD/117/08 était le 26 février 2008.

 Faits à l’origine du litige

10      La requérante, agent temporaire de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), a déposé, le 26 février 2008, sa candidature en ligne au concours EPSO/AD/116/08. Lorsqu’elle a ensuite voulu s’inscrire, par le même procédé électronique, au concours EPSO/AD/117/08, elle n’a pas été en mesure de le faire, le site internet de l’EPSO ne le lui permettant pas. Par courriel du même jour, elle a demandé à l’EPSO que son inscription à ce dernier concours soit acceptée ; l’EPSO lui a répondu, toujours ce même 26 février, que l’avis de concours disposait que les candidats ne pouvaient déposer leur candidature qu’à un seul des trois concours. Le lendemain, le 27 février 2008, l’EPSO lui confirmait cette information.

11      La requérante a introduit le 26 mai 2008 une réclamation contre la décision de l’EPSO de lui avoir refusé de faire acte de candidature au concours EPSO/AD/117/08. Par note du 2 septembre 2008, notifiée le 4 septembre suivant, l’EPSO a rejeté cette réclamation.

 Conclusions des parties et procédure

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la requête recevable ;

–        annuler la décision de l’EPSO de ne pas lui avoir permis de faire acte de candidature au concours EPSO/AD/117/08 ;

–        condamner la Commission des Communautés européennes aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure prises conformément à l’article 56 du règlement de procédure et portées à la connaissance des parties par lettres du 6 avril 2009, le Tribunal a demandé certaines précisions à la Commission. La Commission a déféré à ces mesures d’organisation dans le délai imparti.

 Arguments des parties

15      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation combinée des articles 4 et 29 du statut ainsi que de l’article 1er de l’annexe III du statut, en ce que la clause contestée ajouterait « implicitement mais nécessairement » une condition « pour avoir le droit de concourir », laquelle n’est ni prévue ni autorisée par le statut. Le second moyen est tiré de la violation de l’article 27, premier alinéa, du statut et des principes qui en découlent pour sa mise en œuvre, la clause contestée ayant pour conséquence – selon la requérante – d’une part, de ne pas permettre le recrutement du personnel présentant les « plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité » et d’autre part, d’empêcher un recrutement « sur une base […] aussi large que possible ».

16      La Commission, après avoir, d’une part, indiqué que, en réalité, la requérante soulevait une exception d’illégalité visant la clause contestée et, d’autre part, notamment lors de l’audience, mis en cause l’intérêt à agir de la requérante, conclut au rejet des moyens comme non fondés. Elle fait valoir en particulier que la clause contestée n’est pas incompatible avec l’objectif visé à l’article 27, premier alinéa, du statut et qu’elle a été adoptée conformément à l’intérêt du service ainsi qu’aux principes de proportionnalité et de bonne administration.

 Appréciation du Tribunal

 Sur l’intérêt à agir

17      La Commission a soulevé, implicitement dans ses écrits puis explicitement lors de l’audience, la question de l’intérêt à agir de la requérante. Elle a en effet soutenu que la requérante ne remplissait pas, en toute hypothèse, les conditions spécifiques d’admission au concours EPSO/AD/117/08 liées à l’expérience professionnelle, car elle ne pourrait se prévaloir au total de seize années d’expérience professionnelle, le temps consacré à la rédaction de sa thèse de doctorat ne pouvant être pris en compte au titre de ladite expérience.

18      À cet égard, il résulte de l’acte de candidature de la requérante pour le concours EPSO/AD/116/08 que celle-ci faisait état d’une expérience professionnelle de treize années et six mois, dont – selon elle – neuf années et deux mois dans le domaine de la lutte antifraude, ce sans compter ses trois années de doctorat pendant lesquelles elle aurait été, sur une période de deux années, assistante à l’université ; il ressort d’ailleurs du dossier que, pour cette période de doctorat, la requérante avait interrogé l’EPSO par courriel du 1er février 2008 (soit avant son inscription au concours) sur la possibilité d’en tenir compte au titre de l’expérience professionnelle, l’EPSO ayant répondu qu’une telle question serait tranchée par le jury du concours.

19      Selon la jurisprudence, la notion d’expérience professionnelle requise doit être interprétée exclusivement à la lumière des finalités du concours en cause, telles qu’elles résultent de la description générale des tâches à accomplir (voir arrêt du Tribunal du 22 mai 2008, Pascual-García/Commission, F‑145/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 64).

20      Il est vrai que, dans le cadre de ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure, la Commission a indiqué que, aux fins d’admission des candidats aux concours EPSO/AD/116/08 et EPSO/AD/117/08, le jury n’avait accepté au titre de l’expérience professionnelle requise qu’une expérience « professionnelle effective, normalement basée sur un contrat de travail » et que la ou les années consacrées à la rédaction d’un doctorat n’avaient pas été prises en compte, à l’exception du « temps (partiel) couvert par un contrat de travail, par exemple comme assistant universitaire ». Cependant, dans la mesure où la non-admission de la requérante au concours EPSO/AD/117/08 ne résulte pas d’une décision du jury constatant son défaut de satisfaire à la condition de l’expérience professionnelle de seize années, mais de l’impossibilité pure et simple de s’inscrire audit concours, impossibilité pratique résultant du système informatique mis en place par l’EPSO pour l’inscription aux concours en cause (cités au point 6 du présent arrêt) et confirmée et expliquée par lettres de l’EPSO des 26 et 27 février 2008, la seule affirmation de la Commission reproduite ci-dessus ne suffit pas pour conduire le Tribunal à rejeter le recours comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.

21      Premièrement, l’affirmation de la Commission n’est pas accompagnée d’une attestation écrite du jury certifiant ce qu’elle a fait valoir s’agissant des années consacrées à la rédaction d’une thèse de doctorat au regard de l’expérience professionnelle, ni même d’autres moyens de preuve, tels que des références concrètes à des cas proches ou identiques à celui de la requérante, c’est-à-dire des cas de candidats qui se seraient inscrits au concours EPSO/AD/117/08, mais dont la candidature n’aurait pas été admise pour non-respect de la condition relative à l’expérience professionnelle en raison du fait que la rédaction d’une thèse de doctorat, sans contrat de travail comme assistant universitaire, n’aurait pu être prise en compte au titre de ladite expérience. En revanche, lors de l’audience, la requérante a soutenu (certes, sans que cela ait été confirmé par la Commission, qui ne l’a cependant pas non plus contredit, mais a simplement indiqué pouvoir éventuellement procéder à une vérification), que, parmi les lauréats du concours EPSO/AD/117/08, un candidat avait fait valoir une année passée dans une « law school » en Angleterre au titre de l’expérience professionnelle.

22      Deuxièmement, il est certes vrai que les jurys de concours disposent, en principe, d’un pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation de l’expérience professionnelle des candidats comme condition d’admission à un concours, en ce qui concerne tant la nature et la durée de celle-ci que le rapport plus ou moins étroit qu’elle peut présenter avec les exigences du poste à pourvoir et que, dans le cadre de son contrôle de légalité, le juge communautaire doit se limiter à vérifier que l’exercice de ce pouvoir n’a pas été entaché d’une erreur manifeste (voir arrêt Pascual-García/Commission, précité, point 55, et la jurisprudence citée). Cependant, à supposer même que, en l’espèce, le jury de concours se soit fixé une ligne de conduite conformément à laquelle le temps consacré à la rédaction d’une thèse de doctorat n’était pas comptabilisé au titre de l’expérience professionnelle, cette ligne de conduite a été forcément fixée et maintenue au vu de candidatures admissibles (pour lesquelles le jury a dû examiner la condition relative à l’expérience professionnelle) et, en toute hypothèse, sans tenir compte du cas particulier de la requérante (ou, le cas échéant, d’autres personnes également empêchées de s’inscrire au concours EPSO/AD/117/08) ; or, il est probable que l’expérience professionnelle de ces dernières personnes, y compris de la requérante, ait présenté des particularités de nature à conduire le jury du concours à appréhender différemment la condition relative à l’expérience professionnelle. Ainsi, rien n’exclut que si le jury avait eu à connaître de l’expérience professionnelle de la requérante (ou d’autres personnes dont l’inscription aurait été refusée), soit il se serait fixé une ligne de conduite différente, en acceptant la possibilité de prendre en compte au titre de l’expérience professionnelle une certaine période de rédaction de la thèse sans contrat de travail rémunéré, fût-ce sous conditions (par exemple, que le temps consacré à la seule rédaction ne dépasse pas un certain pourcentage du temps durant lequel, dans le cadre de l’élaboration de la thèse, l’intéressé a occupé un poste rémunéré, en qualité d’assistant universitaire ou autre), soit il aurait admis des dérogations dans des cas particuliers (par exemple, pour les sujets de thèse présentant un rapport particulièrement étroit avec le domaine visé par l’avis de concours).

23      Troisièmement, s’il est vrai que, saisi d’une question analogue, le Tribunal, pour juger qu’une période d’études doctorales avait à bon droit été comptabilisée au titre de l’expérience professionnelle, s’est expressément référé à la circonstance que les activités de recherche en question non seulement étaient réelles et effectives, mais aussi qu’elles étaient rémunérées, rien dans le raisonnement ou les termes de la décision du Tribunal, intervenue dans des circonstances factuelles particulières, ne permet une interprétation en ce sens que, pour être qualifié d’expérience professionnelle, le travail lié à la préparation d’un doctorat doit, en toute hypothèse, comporter également des prestations rémunérées et qu’une décision contraire d’un jury de concours constituerait une erreur manifeste (voir arrêt Pascual-García/Commission, précité, points 57, 65 et 66).

24      Quatrièmement, rejeter le recours comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir priverait la requérante de son droit de faire examiner par le jury lui-même, dans le contexte particulier de la candidature qu’elle a soumise, la question générale de la prise en compte, au titre de l’expérience professionnelle requise par un avis de concours, du temps consacré à l’élaboration d’un doctorat ; ce, alors que, en raison notamment du pouvoir discrétionnaire dont disposent les jurys de concours dans l’appréciation de l’expérience professionnelle, il n’existe pas sur cette question une jurisprudence claire et de portée générale et que l’EPSO lui-même, lorsque la requérante lui a posé la question, n’a pu y répondre et a simplement indiqué que la question serait tranchée par le jury du concours (voir point 18 du présent arrêt).

25      Il en résulte que le recours est recevable.

 Sur les conclusions en annulation

 Sur l’article 27, premier alinéa, du statut et la jurisprudence relative au pouvoir d’appréciation et à l’intérêt du service

26      Il est constant que les dispositions de l’article 27, premier alinéa, du statut, aux termes desquelles le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, reposent sur l’objectif primordial que tout fonctionnaire des Communautés européennes dispose de qualités d’un niveau très élevé.

27      Il est vrai que l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les critères de capacité exigés par les postes à pourvoir et pour spécifier, en fonction de ces critères et dans l’intérêt du service, les conditions et modalités d’organisation d’un concours (voir arrêts du Tribunal de première instance du 15 février 2005, Pyres/Commission, T‑256/01, RecFP p. I‑A‑23 et II‑99, point 36, et du 27 septembre 2006, Blackler/Parlement, T‑420/04, RecFP p. I‑A‑2‑185 et II‑A‑2‑943, point 45, et la jurisprudence citée). Selon le juge communautaire, les articles 4 et 29 du statut ouvrent ainsi à l’AIPN plusieurs possibilités d’exercer un tel pouvoir lorsqu’il s’agit de pourvoir aux vacances d’emploi dans une institution ; de même l’article 1er de l’annexe III du statut confère à l’AIPN un pouvoir d’appréciation étendu lors de l’organisation du concours (voir arrêt du Tribunal de première instance du 8 novembre 1990, Bataille e.a./Parlement, T‑56/89, Rec. p. II‑597, point 42).

28      Toutefois, l’exercice du pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions en matière d’organisation de concours, en particulier en ce qui concerne la fixation des conditions d’admission des candidatures, est délimité par l’exigence de compatibilité avec les dispositions impératives de l’article 27, premier alinéa, du statut. En effet, « c’est de manière impérative que l’article 27, premier alinéa, définit le but de tout recrutement » (voir arrêts Bataille e.a./Parlement, précité, point 48, et du Tribunal de première instance du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, RecFP p. I‑A‑47 et II‑135, point 40, ces arrêts se référant également à l’article 29, paragraphe 1, du statut).

29      S’agissant en particulier des conditions d’admission à un concours, et au-delà même de l’obligation pour l’institution, d’une part d’opérer le choix que ménage son large pouvoir d’appréciation en fonction des exigences liées aux emplois à pourvoir et, plus généralement, de l’intérêt du service, d’autre part d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la condition contestée et ces exigences et intérêt (voir arrêts du Tribunal de première instance du 28 mars 1996, Noonan/Commission, T‑60/92, Rec. p. II‑215, point 43, et de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, précité, point 42), il a été jugé que l’article 27, premier alinéa, du statut ne cesse pas de s’imposer à l’AIPN et tant les exigences liées aux emplois à pourvoir que l’intérêt du service ne peuvent être conçus que dans le plein respect de cette disposition (arrêt de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, précité, point 51). Ainsi, les conditions d’admission de tout concours, qui résultent des exigences et intérêt susmentionnés, doivent en toute hypothèse rester compatibles avec les dispositions de l’article 27, premier alinéa, du statut.

30      Cependant, si les clauses limitant l’inscription de candidats à un concours sont susceptibles de restreindre les possibilités de l’institution de recruter les meilleurs candidats au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut, il n’en résulte pas pour autant que toute clause portant une telle limitation est contraire à l’article susmentionné. En effet, le pouvoir d’appréciation de l’administration dans l’organisation des concours, et plus généralement l’intérêt du service, offrent à l’institution le droit de poser les conditions qu’elle juge appropriées et qui, tout en limitant l’accès des candidats à un concours, et donc forcément le nombre des candidats inscrits, ne comportent cependant pas le risque de compromettre l’objectif d’assurer l’inscription des candidats qui présentent les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut.

31      Ainsi, et s’agissant d’une condition exigeant une expérience professionnelle de trois années en qualité d’agent temporaire, condition que la Commission, en tenant pour « acquis que les agents temporaires possèdent les plus hautes qualités requises par [l’article 27, premier alinéa, du statut] », a insérée dans un avis de concours de titularisation, le Tribunal de première instance a accepté la conformité au statut de ladite condition, en relevant, entre autres, que les agents admis à participer à la procédure de titularisation « ont démontré […] mériter par leurs prestations sous le couvert d’un statut temporaire » la chance d’être titularisés (arrêt de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, précité, points 45 et 47).

32      En revanche, si les conditions limitant l’accès des candidats à un concours comportent le risque dont il est fait état dans le point 30, à savoir le risque de compromettre l’objectif d’assurer l’inscription des candidats qui présentent les plus hautes qualités, les conditions en question sont jugées contraires à l’article 27, premier alinéa, du statut.

33      Il a été ainsi jugé, d’une part, et en ce qui concerne tout particulièrement l’intérêt du service, que dans la mesure où la condition mentionnée au point 31 du présent arrêt, liée à une ancienneté de service de trois années, prévoyait de surcroît que la période de service auprès de l’institution devait être ininterrompue, cette condition supplémentaire n’était justifiée de toute évidence que par les difficultés d’ordre pratique rencontrées par l’institution lors de l’organisation des concours internes, compte tenu du nombre élevé d’agents qui satisferaient à une simple condition de trois années d’ancienneté, et que, dès lors, elle était incompatible avec l’article 27, premier alinéa, du statut et ne pouvait constituer en soi un intérêt légitime de l’institution (voir arrêt de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, précité, points 48 à 51). Il en résulte que ne relèvent pas de l’intérêt du service les considérations à caractère purement pratique, liées aux difficultés matérielles d’organisation et de déroulement des concours.

34      D’autre part, et de manière plus générale, il a été jugé que le fait d’exclure d’un concours les agents temporaires de l’institution, recrutés en dehors des listes de réserve établies à la suite de concours généraux externes, ne saurait constituer un moyen approprié pour atteindre l’objectif visé à l’article 27, premier alinéa, du statut et pourrait même conduire à un résultat contraire à la finalité dudit article, à savoir conduire à exclure un candidat disposant des mêmes ou, éventuellement, de meilleures qualifications que celles d’autres candidats admis à concourir (voir arrêt Bataille e.a./Parlement, précité, point 48). En outre, l’intérêt du service ne saurait justifier la décision d’une institution de réserver l’accès à un concours interne à ses seuls agents temporaires et non à ses fonctionnaires ; ceci, eu égard notamment à ce que toute procédure de recrutement doit conduire à la nomination de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, rien n’indiquant que les fonctionnaires exclus ne possèdent pas des compétences égales, voire supérieures à celles des agents temporaires intéressés (voir arrêt du Tribunal de première instance du 12 novembre 1998, Carrasco Benítez/Commission, T‑294/97, RecFP p. I‑A‑601 et II‑1819, point 51).

35      Il en résulte que, pour être légale, toute clause d’admission à un concours doit correspondre à une double condition, laquelle exige, en sa première branche, que la clause soit justifiée par des exigences liées aux emplois à pourvoir et, plus généralement, par l’intérêt du service et, en sa seconde branche, qu’elle respecte la finalité de l’article 27, premier alinéa, du statut. Si, le plus souvent, ces deux branches se chevauchent largement, elles correspondent cependant à des concepts distincts.

 Sur le cas d’espèce

36      Il y a lieu de commencer par indiquer qu’en invoquant le moyen tiré de la violation de l’article 27, premier alinéa, du statut au soutien de ses conclusions en annulation de la décision de l’EPSO par laquelle il ne lui a pas été permis de faire acte de candidature au concours EPSO/AD/117/08, la requérante soulève en réalité une exception d’illégalité de la clause contestée.

37      Il convient ensuite de formuler deux observations à caractère général, relatives à l’hypothèse dans laquelle existeraient deux ou plusieurs concours (ou plusieurs branches d’un même concours) organisés simultanément et visant à pourvoir des postes dans un même domaine de l’activité communautaire, la seule différence entre ces concours (ou branches de concours) ayant trait au niveau de la formation et/ou de l’expérience professionnelle requis dans ledit domaine et, partant, à la catégorie ou grade d’entrée en fonctions. Tel est le cas en l’espèce s’agissant des concours EPSO/AD/116/08, EPSO/AD/117/08 et EPSO/AST/45/08, lesquels ont été organisés simultanément pour pourvoir des postes vacants, respectivement d’assistants (AST 4), d’administrateurs (AD 8) et d’administrateurs principaux (AD 11), au sein de l’OLAF, dans le domaine très spécifique de la lutte antifraude.

38      La première observation vise en particulier les concours portant sur un domaine étroitement délimité de l’activité communautaire, comme c’est le cas de l’espèce, et consiste dans une double constatation. D’une part, s’il est incontestable que la possibilité pour les candidats d’accéder simultanément à plusieurs concours (ou branches de concours) organisés parallèlement permettrait l’inscription d’un nombre quantitativement plus important de candidats à chacun de ces concours et, partant, le recrutement des fonctionnaires « sur une base aussi large que possible », dont la nécessité a été reconnue à plusieurs reprises par la jurisprudence (arrêt de la Cour du 31 mars 1965, Rauch/Commission, 16/64, Rec. p. 179, 190 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 janvier 2003, Angioli/Commission, T‑53/00, RecFP p. I‑A‑13 et II‑73, point 50, et du 8 novembre 2006, Chetcuti/Commission, T‑357/04, RecFP p. I‑A‑2‑255 et II‑A‑2‑1323, point 48), ce nombre, vu la délimitation par hypothèse étroite du domaine concerné par le concours, ne pourrait normalement être excessivement élevé. D’autre part, si le besoin de rechercher et de recruter les meilleurs candidats milite nécessairement en faveur d’un accès aux concours qui serait ouvert à tous les candidats susceptibles de remplir les conditions d’admission, il en va à plus forte raison ainsi s’agissant de concours dans des domaines étroitement délimités de l’activité communautaire, en raison du nombre par définition réduit de personnes ayant la formation et l’expérience professionnelle spécifiques requises par les avis de concours portant sur de tels domaines.

39      La seconde observation a trait aux réactions prévisibles des candidats à l’égard de la possibilité de s’inscrire simultanément à plusieurs concours (ou branches de concours) qui se déroulent simultanément. S’il n’est pas possible de faire, dans l’abstrait, des suppositions sur l’usage que les candidats feraient d’une telle possibilité, force est de constater que les candidats remplissant les seules conditions d’admission d’un concours requérant moins de compétences ne sauraient justifier d’aucun intérêt à s’inscrire aux concours dont le niveau des compétences requises est plus élevé et n’auraient donc aucune raison de le faire (ce, car ils ne pourraient s’attendre qu’au rejet de leur candidature pour défaut de remplir les conditions requises), la question ne pouvant ainsi se poser que pour ceux dont la formation et l’expérience professionnelle se situeraient « à la limite » des exigences requises pour le concours imposant les conditions les plus élevées (comme c’est le cas de la requérante dans la présente affaire) ; or, ces derniers candidats ne peuvent représenter, normalement, qu’un faible pourcentage de l’ensemble des candidats. Certes, s’agissant des candidats qui, remplissant les exigences requises pour le concours imposant les conditions les plus élevées, remplissent également, et par définition, celles d’un concours de niveau moindre, il peut être soutenu (et la Commission l’a fait lors de l’audience) que, notamment durant une crise économique et vu les avantages d’une carrière dans les institutions, ils conservent un intérêt à se porter candidats également à ce dernier concours, car cela augmenterait leurs chances de recrutement par les institutions communautaires. Il est cependant également probable que la grande majorité de ces candidats (et, notamment, ceux dont les compétences et l’expérience professionnelle se situent nettement au-dessus des minima fixés par l’avis du concours le moins exigeant) souhaite, au regard précisément du niveau élevé de leurs compétences et expérience professionnelle, se présenter uniquement au concours dont les conditions d’admissions sont plus exigeantes et dont les postes à pourvoir, d’une part, permettent d’accéder au grade le plus élevé, d’autre part, nécessitent de plus hautes compétences et, enfin, induisent des responsabilités plus importantes ; de plus, il n’est nullement établi (par exemple, au moyen d’études, de statistiques, etc.) qu’un nombre substantiel de ces candidats postuleraient effectivement au concours de niveau moindre, lequel ne leur donnerait qu’une perspective de travail en décalage avec le niveau, par hypothèse plus élevé, de leurs études, formation et expérience professionnelle.

40      En l’espèce, il n’est pas contesté, d’une part, que la possibilité de s’inscrire simultanément aux concours EPSO/AD/116/08, EPSO/AD/117/08 et EPSO/AST/45/08 aurait eu pour conséquence l’inscription d’un plus grand nombre de candidats à chacun des concours et, d’autre part et par conséquent, que la clause contestée limite l’accès de candidats potentiels auxdits concours. En effet, et s’il est vrai que la clause contestée n’a pas pour effet immédiat et direct d’exclure totalement un candidat des concours en cause, en ce que, comme le relève la Commission, elle n’oblige celui-ci qu’à effectuer un choix parmi les concours, il n’en demeure pas moins qu’une telle clause empêche l’inscription à un des concours susmentionnés d’un candidat disposant, pour le concours concerné, des mêmes ou, éventuellement, de meilleures qualifications que celles d’autres candidats admis à concourir ; tel est le cas notamment des candidats qui, remplissant les conditions d’admission du concours EPSO/AD/117/08, se sont inscrits à l’un des deux concours du grade AD et n’ont pu s’inscrire à l’autre, ainsi que de ceux, comme la requérante qui, remplissant les conditions d’admission du concours EPSO/AD/116/08, mais conservant des doutes sur la question de savoir s’ils remplissaient ou non les conditions d’admission du concours EPSO/AD/117/08, se sont inscrits au premier, mais n’ont pu tenter leur chance au second.

41      Il convient cependant d’examiner si la limitation imposée par la clause contestée en l’espèce relève des hypothèses visées au point 30 du présent arrêt et, de manière plus générale, satisfait à la double condition dont il est fait état au point 35 de celui-ci, à savoir si, tout en limitant l’accès des candidats à un concours et donc forcément le nombre des candidats inscrits, d’une part elle se justifie par des exigences liées aux emplois à pourvoir et, notamment, par l’intérêt du service, d’autre part elle respecte la finalité de l’article 27, premier alinéa, du statut.

42      La Commission répond par l’affirmative à cette question, en avançant une série de motifs visant notamment à démontrer que la clause contestée est justifiée par l’intérêt du service. En particulier, selon la Commission, la clause contestée aurait permis, premièrement, d’accélérer la procédure de sélection et de recrutement, deuxièmement, de favoriser une concurrence homogène au sein du groupe de candidats inscrits pour chacun des concours, troisièmement, d’éviter le chevauchement de candidats qui réussiraient aux deux concours de niveau AD en cause, quatrièmement, d’éviter les risques liés à la date d’organisation des épreuves lesquelles pourraient avoir lieu le même jour pour les différents concours, cinquièmement, de respecter l’égalité entre les candidats, en ce que certains pourraient plus aisément prendre des jours de congés et donc passer tous les concours tandis que d’autres n’auraient pas les mêmes facilités pour prendre de tels jours et devraient opérer un choix entre les concours, sixièmement, d’éviter des frais supplémentaires de location de lieux et d’achats de matériels, ainsi que des frais liés au coût des questions, ces dernières étant préparées et fournies à la Commission par des consultants externes, qui les factureraient à l’unité et à des tarifs élevés.

43      Le premier motif ne peut être retenu car, si l’objectif de la célérité des procédures de sélection et de recrutement peut relever de l’intérêt du service dans la mesure où cet objectif n’a pas un caractère purement organisationnel (voir point 33 du présent arrêt), il n’a pas été allégué, et moins encore prouvé, que, dans les circonstances de l’espèce, cet objectif ne heurte pas la disposition de l’article 27, premier alinéa, du statut, dont le caractère impératif a été reconnu à maintes reprises par la jurisprudence ; au contraire, l’argumentation de la Commission ne peut que s’interpréter en ce sens que celle-ci a accordé la priorité à l’objectif de la célérité par rapport à celui du recrutement des candidats possédant les plus hautes qualités dans le sens de l’article 27, premier alinéa, du statut. En tout état de cause, l’économie de temps que la clause contestée a permise est relativement limitée et sans rapport de proportionnalité avec l’atteinte portée à l’article 27, premier alinéa, du statut et la restriction du droit d’accès au concours que cette même clause a comportées. Certes, au soutien de son argumentation, la Commission a notamment fait observer, lors de l’audience, qu’un nombre plus important de candidats inscrits à chacun des concours aurait eu pour conséquence d’allonger la correction des tests de présélection pour les deux concours auxquels la requérante souhaitait s’inscrire, et notamment la phase durant laquelle les candidats ont la possibilité de contester les notes qui leur ont été attribuées, contestations pour lesquelles l’institution doit procéder, au cas par cas, aux vérifications appropriées. Toutefois, ainsi que l’a d’ailleurs reconnu la Commission lors de l’audience, la correction des tests de présélection est automatique et informatisée ; quant aux allégations relatives aux retards qui résulteraient des éventuelles contestations des résultats et des vérifications que ces contestations impliquent, contestations et vérifications qui seraient plus importantes en nombre, force est de constater que ces allégations partent de la prémisse d’une augmentation substantielle du nombre des candidats à chaque concours, prémisse non établie (voir la première constatation faite au point 38 du présent arrêt et les considérations exposées au point 39 de celui-ci) et non étayée du moindre élément de preuve de la part de la Commission. Cette dernière n’est ainsi pas fondée à invoquer, au soutien de sa position, des considérations tirées d’un besoin d’accélérer les procédures de sélection et de recrutement.

44      Par le deuxième motif invoqué au titre de l’intérêt du service, la Commission allègue que la clause contestée permettrait de favoriser une concurrence homogène au sein du groupe de candidats inscrits pour chacun des concours, car elle obligerait les candidats à opérer un choix permettant d’organiser deux concours étroitement liés avec une concurrence plus équitable en vue d’obtenir des résultats qui soient aussi plus adaptés aux profils des postes à pourvoir. Un tel motif pourrait être compatible avec l’article 27, premier alinéa, du statut, dans la mesure où la recherche des candidats disposant des plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité ne peut pas se faire dans l’abstrait, mais au vu des postes à pourvoir ; or, dans le cadre du pouvoir d’appréciation qui est le sien en matière de concours, l’administration pourrait être amenée à considérer, notamment, que les candidats surqualifiés par rapport aux postes qu’ils occupent ne sont pas en mesure de mettre au profit de l’institution leurs « plus hautes qualités » ou, d’une manière plus générale, qu’une procédure de concours, de par sa nature comparative, ne peut se concevoir qu’entre candidats ayant des profils comparables. À cet égard, cependant, et s’agissant alors d’un avis de concours visant des emplois relevant de la catégorie C (correspondant à des fonctions d’exécution nécessitant des connaissances du niveau de l’enseignement moyen ou une expérience professionnelle d’un niveau équivalent) et interdisant l’accès au concours à des candidats titulaires d’un diplôme universitaire, il a été jugé, en tenant compte de l’objectif impératif énoncé à l’article 27, premier alinéa, du statut, que la possession d’un titre universitaire ne saurait, d’une part, empêcher lesdits candidats d’accomplir les tâches liées aux emplois à pourvoir ou, d’autre part, avoir des effets négatifs sur la qualité du travail des intéressés ou sur leur rendement (voir arrêt Noonan/Commission, précité, points 34 et 38 à 42). Le juge communautaire a ajouté, s’agissant de l’argument de l’institution selon lequel, si elle n’excluait pas les candidats titulaires d’un diplôme universitaire, les autres candidats risqueraient d’être reçus en plus petit nombre ou même d’être tous évincés, qu’un tel argument ne saurait être retenu, car il ne ferait aucun doute que les candidats titulaires d’un diplôme universitaire pourraient accomplir les futures tâches des lauréats du concours de la même manière que les autres candidats, et répondre au critère consacré par l’article 27, premier alinéa, du statut (voir, en ce sens, arrêt Noonan/Commission, précité, point 36). Le juge communautaire a également indiqué que, si, lors de chaque procédure de concours interne, l’AIPN était tenue de fixer les critères de sélection conformément à l’intérêt du service, la Commission ne pouvait exclure du concours les candidats visés par la condition contestée au motif qu’ils auraient de meilleures chances d’être reçus que les autres candidats (voir arrêt Noonan/Commission, précité, points 36 et 37) ; en tout état de cause, le juge communautaire est donc parti de la prémisse que, à partir du moment où les candidats remplissent les conditions d’admission à un concours, l’absence de similitude ou de comparabilité de leurs profils ne constitue nullement une circonstance de nature à faire obstacle à ce que le concours se déroule conformément à sa finalité et remplisse ses fonctions.

45      En l’espèce, et vu, notamment, la jurisprudence qui vient d’être mentionnée, aucun élément ne permet de déduire que les candidats qui remplissaient les conditions d’admission du concours EPSO/AD/117/08 n’auraient pas eu un profil également adapté aux postes à pourvoir dans le cadre du concours EPSO/AD/116/08 ; de la même manière, rien de permet d’affirmer que c’étaient les candidats qui remplissaient seulement les conditions d’admission du concours EPSO/AD/116/08, et non ceux qui remplissaient également celles du concours EPSO/AD/117/08, qui auraient eu nécessairement le profil le plus adapté pour les postes à pourvoir dans le cadre du premier desdits concours. En outre, force est de constater que la prémisse de l’arrêt Noonan/Commission, précité, telle que relevée et rappelée au point précédent, vaut à plus forte raison en l’espèce, étant donné que les profils des candidats remplissant les conditions d’admission des concours EPSO/AD/117/08 et EPSO/AD/116/08 sont globalement plus proches entre eux que les profils distingués, au regard de la possession ou non d’un titre universitaire, par l’avis de concours dans l’arrêt précité du Tribunal de première instance, seule la durée de l’expérience professionnelle requise distinguant les candidats remplissant les conditions d’admission des deux concours ici en cause de ceux qui remplissaient uniquement les conditions d’admission du concours EPSO/AD/116/08 ; ainsi, il ne saurait nullement être allégué que la participation de tous les candidats potentiels à chacun de ces deux concours (et notamment au concours EPSO/AD/116/08) ferait obstacle à ce que le concours se déroule conformément à sa finalité, qui est notamment d’aboutir, au terme d’une procédure de sélection objective et comparative, au recrutement des candidats possédant les plus hautes qualités au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut.

46      Par le troisième motif invoqué, la Commission fait valoir que la clause contestée consisterait à éviter le « chevauchement » de candidats qui réussiraient simultanément aux deux concours. S’il est vrai qu’un tel risque de « chevauchement » existe, notamment en ce que les mêmes personnes pourraient être inscrites tant sur la liste de réserve du concours EPSO/AD/117/08 que sur celle du concours EPSO/AD/116/08 et que, après acceptation par ces personnes des emplois AD 11 de la première liste, la seconde liste, pour les emplois AD 8, se trouverait épuisée sans que l’administration ait pu entre-temps satisfaire ses besoins en termes de recrutement de fonctionnaires AD 8, il y a lieu d’observer qu’un tel risque existe pour chaque concours organisé par l’EPSO, une situation dans laquelle un candidat serait inscrit parallèlement sur la liste de réserve de plusieurs concours étant relativement fréquente ; or, dans une telle situation et en vue d’éviter une éventuelle pénurie de candidats, un allongement du nombre de candidats sur la liste de réserve permettrait facilement de pallier ce risque. En tout état de cause, ce motif invoqué par la Commission pour justifier la clause contestée est incompatible avec les objectifs énoncés à l’article 27, premier alinéa, du statut et n’apparaît pas proportionnellement suffisant pour justifier les effets entraînés par la clause contestée, une solution alternative, moins attentatoire à l’accès aux concours en vue d’un emploi au sein des institutions communautaires, pouvant être trouvée.

47      Quant au quatrième motif invoqué et lié aux dates d’organisation des épreuves, à savoir que ces dernières pourraient avoir lieu simultanément pour les différents concours et qu’un candidat serait ainsi convoqué le même jour pour des épreuves de concours différents, il résulte des pièces du dossier que, pour ce qui est des tests de présélection, les candidats pouvaient choisir la date à laquelle ils souhaitaient les passer, ce à l’intérieur d’une période définie allant du 26 mars au 9 avril 2008. Concernant par ailleurs les épreuves écrites, qui se sont déroulées le même jour, à savoir le 21 octobre 2008, mais aussi les épreuves orales, et étant donné que le nombre des candidats admis à ces épreuves était beaucoup plus limité que le nombre de ceux s’étant présentés aux tests de présélection, il est difficilement imaginable que pallier un tel obstacle aurait constitué une charge administrativement lourde et disproportionnée pour la Commission ; en effet, rien n’empêchait la Commission de prévoir des dates proches mais différentes pour la passation des épreuves. En toute hypothèse, ce motif manque totalement en droit puisque, étant à caractère purement organisationnel, il ne correspond manifestement pas à l’intérêt du service (voir point 33 du présent arrêt), et va à l’encontre de l’objectif de l’article 27, premier alinéa, du statut.

48      Pour les mêmes raisons qui viennent d’être évoquées in fine du point précédent, manquent en droit les cinquième et sixième motifs invoqués. De surcroît, le premier d’entre eux est purement hypothétique en fait, la Commission n’ayant apporté aucun élément de preuve au soutien de l’allégation selon laquelle certains candidats n’auraient pu obtenir les jours de congé supplémentaires requis pour la participation aux épreuves des deux concours auxquels la requérante souhaitait se présenter. Pour ce qui est du motif lié aux frais supplémentaires de location de lieux et d’achats de matériels, si, comme la requérante l’a indiqué lors de l’audience sans être contestée par la Commission, 1 974 candidats ont été admis à participer au concours EPSO/AD/116/08 et 427 candidats l’ont été au concours EPSO/AD/117/08, ces données chiffrées démontrent et confirment que, à supposer même, contrairement à la première constatation faite au point 38 du présent arrêt et aux considérations exposées au point 39 de celui-ci, que tous les candidats admis au concours EPSO/AD/117/08 se soient inscrits au concours EPSO/AD/116/08 et qu’un pourcentage de candidats inscrits à ce dernier (considérant – à l’instar de la requérante – leur expérience professionnelle comme pouvant être jugée suffisante aux fins de l’admission au concours visant à pourvoir des postes AD 11) aient également postulé au concours EPSO/AD/117/08, le coût additionnel pour la location de lieux et l’achat de matériels, ainsi que pour les questions supplémentaires aurait été relativement limité ; ceci appelle ainsi la même observation que celle faite au sujet du premier motif, à savoir que l’économie réalisée est sans rapport de proportionnalité avec l’atteinte à l’article 27, premier alinéa, du statut et la restriction de l’accès au concours que la clause contestée comporte.

49      Les considérations exposées au sujet du premier et du sixième motifs valent en outre à plus forte raison si, comme il l’a été relevé lors de l’audience (sans – il est vrai – que la Commission ait été en mesure de le confirmer formellement), les tests de présélection étaient du même niveau de difficultés pour le concours visant à pourvoir les postes de grade AD 8 et le concours visant à pourvoir les postes de grade AD 11, ce qui signifie qu’une personne souhaitant participer aux deux concours aurait pu passer un seul test, lequel aurait valu pour les deux concours.

50      Au surplus, et à la lumière du raisonnement par lequel le Tribunal a, aux points 42 à 47 du présent arrêt, écarté chacun des motifs invoqués par la Commission, il apparaît clairement que, à concevoir même ces motifs comme un ensemble, ils ne sauraient toujours pas (en raison notamment du caractère impératif de l’article 27, premier alinéa, du statut et du domaine étroitement délimité des concours concernés – voir en particulier point 28 du présent arrêt, ainsi que la deuxième constatation faite au point 38 du celui-ci) justifier la clause contestée.

51      Il résulte de tout ce qui précède qu’est fondé le moyen de la requérante tiré de l’incompatibilité avec l’article 27, premier alinéa, du statut de la clause qui interdit l’inscription simultanée aux concours généraux EPSO/AD/116/08 et EPSO/AD/117/08 pour le recrutement respectivement d’administrateurs (AD 8) et d’administrateurs principaux (AD 11) dans le domaine de la lutte antifraude.

52      Par voie de conséquence, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen soulevé par la requérante, il convient d’annuler la décision de l’EPSO, faisant application de la clause contestée, par laquelle il ne lui a pas été permis de faire acte de candidature au concours EPSO/AD/117/08.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

54      En l’espèce, la Commission est la partie qui succombe. En outre, la requérante a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner la Commission à l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) de ne pas avoir permis à Mme Di Prospero de faire acte de candidature au concours EPSO/AD/117/08 est annulée.

2)      La Commission des Communautés européennes supporte l’ensemble des dépens.

Gervasoni

Kreppel

Tagaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 novembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.