Language of document : ECLI:EU:T:2014:920

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

21 octobre 2014(*) (1)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige – Association représentative ayant pour objet la défense des intérêts de ses membres – Confidentialité »

Dans l’affaire T‑429/13,

Bayer CropScience AG, établie à Monheim-sur-le-Rhin (Allemagne), représentée par Me K. Nordlander, avocat, et M. P. Harrison, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Ondrůšek et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 485/2013 de la Commission, du 24 mai 2013, modifiant le règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation des substances actives clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride et interdisant l’utilisation et la vente de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances actives (JO L 139, p. 12),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le 19 août 2013, la requérante, Bayer CropScience AG, a introduit un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE contre le règlement d’exécution (UE) n° 485/2013 de la Commission, du 24 mai 2013, modifiant le règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation des substances actives clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride et interdisant l’utilisation et la vente de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances actives (JO L 139, p. 12).

2        En vertu de l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, le résumé de la requête introductive d’instance dans l’affaire T‑429/13 a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 9 novembre 2013 (JO C 325, p. 37).

3        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2013, Makhteshim-Agan Italia Srl a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

4        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2013, KWS Saat AG a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

5        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2013, l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission européenne.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2013, la National Farmers’ Union (NFU) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2013, le Deutscher Berufs- und Erwerbsimkerbund eV (DBEB), Mellifera eV – Vereinigung für wesensgerechte Bienenhaltung (ci-après « Mellifera ») et l’Österreichischer Erwerbsimkerbund (ÖEB) ont demandé à intervenir conjointement au soutien des conclusions de la Commission.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 décembre 2013, Rapool-Ring GmbH a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 décembre 2013, la European Seed Association (ESA) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 décembre 2013, l’Agricultural Industries Confederation (AIC) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 décembre 2013, l’Association générale des producteurs de maïs et autres céréales cultivées de la sous-famille des panicoïdées (AGPM) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 décembre 2013, Stichting Greenpeace Council a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 décembre 2013, Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), BeeLife European Beekeeping Coordination (BeeLife), Buglife – The Invertebrate Conservation Trust (Buglife), ClientEarth et SumOfUs ont demandé à intervenir conjointement au soutien des conclusions de la Commission.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 février 2014, l’OÖ Landesverband für Bienenzucht (OÖL) et l’Österreichischer Imkerbund (ÖIB) ont demandé à se joindre à la demande d’intervention formulée par le DBEB, l’ÖEB et Mellifera.

15      Les demandes susvisées ont été signifiées à la requérante ainsi qu’à la Commission, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure.

16      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 5 et 26 février, 26 mars et 10 avril 2014, la requérante a indiqué qu’elle estimait que Makhteshim-Agan Italia, KWS Saat, l’AGPM, la NFU, Rapool-Ring, l’ESA et l’AIC avaient démontré à suffisance qu’elles disposaient d’un intérêt direct à intervenir dans la présente affaire. Elle a par ailleurs demandé le traitement confidentiel de certains éléments contenus dans la requête et dans ses annexes.

17      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 5 et 26 février et 10 avril 2014, la requérante a indiqué qu’elle s’opposait à l’intervention de l’UNAF, à l’intervention conjointe du DBEB, de Mellifera et de l’ÖEB, à l’intervention de Stichting Greenpeace Council, à l’intervention conjointe de PAN Europe, de BeeLife, de Buglife, de ClientEarth et de SumOfUs, ainsi qu’à l’intervention de l’OÖL et de l’ÖIB. Elle a également demandé le traitement confidentiel de certains éléments contenus dans la requête et dans ses annexes.

18      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 4 et 26 février et 26 mars 2014, la Commission a indiqué qu’elle estimait que Stichting Greenpeace Council et BeeLife avaient démontré à suffisance qu’ils disposaient d’un intérêt direct à intervenir dans la présente affaire. En revanche, elle a soulevé des objections à l’encontre des interventions de Makhteshim-Agan Italia, de KWS Saat, de l’UNAF, de l’AGPM et de la NFU, à l’encontre de l’intervention conjointe du DBEB, de Mellifera et de l’ÖEB, à l’encontre des interventions de Rapool-Ring, de l’ESA, de l’AIC, de PAN Europe, de Buglife, de ClientEarth et de SumOfUs, ainsi qu’à l’intervention de l’OÖL et de l’ÖIB.

19      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a adressé une question écrite à certains demandeurs en intervention. Par lettres déposées au greffe du Tribunal les 20 et 21 août 2014, Makhteshim-Agan Italia, KWS Saat, l’UNAF, le DBEB, l’ÖEB et l’AIC ont déposé leurs observations dans le délai imparti par le Tribunal.

 En droit

20      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

21      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que la partie intervenante est touchée directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du Tribunal du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑213, point 26, et la jurisprudence citée).

 Sur les demandes d’intervention de l’UNAF, de l’AGPM, de la NFU, du DBEB, de Mellifera, de l’ÖEB, de l’ESA et de l’AIC

22      Selon une jurisprudence constante, est admise l’intervention d’associations représentatives qui ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers [ordonnances du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen, C‑151/97 P(I) et C‑157/97 P(I), Rec. p. I‑3491, point 66, et du 28 septembre 1998, Pharos/Commission, C‑151/98 P, Rec. p. I‑5441, point 6 ; ordonnance\/ du président du Tribunal du \/ 26 juillet 2004, Microsoft/Commission, T‑201/04 R, Rec. p. II‑2977, point 37]. Plus particulièrement, une association peut être admise à intervenir dans une affaire si elle est représentative d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné, si son objet comprend la protection des intérêts de ses membres, si l’affaire peut soulever des questions de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné et, donc, si les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir (ordonnances du Tribunal du 8 décembre 1993, Kruidvat/Commission, T‑87/92, Rec. p. II‑1375, point 14 ; du 28 mai 2004, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, T‑253/03, Rec. p. II‑1603, point 21, et du 18 octobre 2012, ClientEarth et International Chemical Secretariat/ECHA, T‑245/11, non publiée au Recueil, point 12).

23      La Cour a précisé que l’adoption d’une interprétation large du droit d’intervention des associations vise à permettre de mieux apprécier le cadre des affaires tout en évitant une multiplicité d’interventions individuelles qui compromettraient l’efficacité et le bon déroulement de la procédure (ordonnances National Power et PowerGen, précitée, point 66, et ClientEarth et International Chemical Secretariat/ECHA, précitée, point 13).

24      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les demandes d’intervention de l’UNAF, de l’AGPM, de la NFU, du DBEB, de Mellifera, de l’ÖEB, de l’ESA et de l’AIC.

 Sur le caractère d’association représentative et sur l’objet de l’UNAF, de l’AGPM, de la NFU, du DBEB, de Mellifera, de l’ÖEB, de l’ESA et de l’AIC

25      En premier lieu, il convient de déterminer si l’UNAF, l’AGPM, la NFU, le DBEB, Mellifera, l’ÖEB, l’ESA et l’AIC sont représentatifs d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné et si leur objet comprend la protection des intérêts de leurs membres.

26      En l’espèce, lesdits demandeurs en intervention sont des associations de fabricants de produits phytopharmaceutiques, de producteurs de semences, d’agriculteurs ou encore d’apiculteurs.

27      Premièrement, l’UNAF fait valoir, sans être contredite par les parties, que, en tant que syndicat professionnel d’apiculteurs, elle représente, par l’intermédiaire de ses sections régionales, 22 000 apiculteurs français. Conformément à l’article 5, paragraphes 5 et 9, de ses statuts, ses objectifs incluent, notamment, la défense des intérêts de tous les apiculteurs, ainsi que la représentation de ses adhérents auprès des pouvoirs publics.

28      Deuxièmement, en ce qui concerne l’AGPM, il ressort de ses statuts qu’elle a pour objectif, notamment, la promotion du secteur maïsicole et la représentation et la défense des intérêts des producteurs français de maïs auprès des autorités françaises et européennes. À ce titre, l’AGPM fait valoir qu’elle représente 50 % des producteurs et exploitants de maïs et près de 100 % des producteurs de graines de maïs en France. Ces indications ne sont pas contestées par la Commission.

29      Troisièmement, la NFU fait valoir qu’elle regroupe 55 000 exploitants agricoles, notamment en Angleterre et au Pays de Galles. Conformément à ses statuts, elle a notamment pour objet de défendre les intérêts professionnels et légaux de ses membres dans le secteur agricole du Royaume-Uni.

30      Quatrièmement, le DBEB fait valoir, sans être contredit par les parties, qu’il regroupe environ 750 apiculteurs professionnels et commerciaux en Allemagne. Conformément à ses statuts, il a pour objet de maintenir et de promouvoir l’apiculture commerciale et de sauvegarder les intérêts économiques des apiculteurs, et ce, notamment, en représentant les intérêts de ses membres.

31      Cinquièmement, l’ÖEB fait valoir, sans être contredit par les parties, qu’il regroupe environ 260 membres apiculteurs commerciaux en Autriche. Conformément à ses statuts, ses objets incluent la représentation des apiculteurs commerciaux auprès de toute autorité compétente.

32      Sixièmement, s’agissant de l’ESA, il n’est pas contesté qu’elle regroupe, dans l’Union, 48 sociétés opérant dans le secteur de la production et de la commercialisation des semences et du développement végétal, 38 associations professionnelles nationales actives dans le même secteur, ainsi que 40 sociétés associées. Par ailleurs, outre ses activités de développement végétal et de gestion d’un modèle de garantie européenne pour le traitement des semences, l’ESA a, conformément à ses statuts, également pour objet la défense des intérêts de ses membres.

33      Septièmement, l’AIC fait valoir, sans être contredite par les parties, qu’elle représente plus de 250 entreprises du Royaume-Uni, actives dans le secteur de l’agriculture et de la chaine alimentaire et représentant la grande majorité dudit secteur. Il ressort des statuts de l’AIC que cette association a pour objectif, notamment, d’initier des procédures judiciaires, d’y contribuer ou d’y assister, si des questions de principe affectant les droits ou les intérêts du secteur de l’agriculture et de la chaine alimentaire sont en jeu.

34      S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel l’UNAF, l’AGPM, le DBEB, l’ÖEB et l’AIC sont des associations cantonnées à un seul État membre, ne pouvant être considérées comme représentatives d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné, il suffit d’observer que la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus n’exige pas que les membres d’une association représentative proviennent de plusieurs États membres. \/

35      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le nombre des adhérents du DBEB (environ 750 membres sur les 92 000 apiculteurs en Allemagne) et de l’ÖEB (environ 260 membres sur les 25 000 apiculteurs en Autriche) est trop faible pour pouvoir considérer ces associations comme représentatives, il convient de relever qu’elles visent à représenter uniquement les apiculteurs professionnels et commerciaux et non la totalité des apiculteurs, ce qui se traduit notamment par le fait que leurs statuts contiennent la condition d’admission, pour leurs membres, d’exploiter un nombre minimal de populations d’abeilles (30 pour le DBEB, 40 pour l’ÖEB). Or, contrairement aux apiculteurs pratiquant l’apiculture à des fins non lucratives, les apiculteurs commerciaux sont susceptibles d’être affectés dans leurs intérêts économiques par l’utilisation des substances visées par le règlement attaqué, suspectés d’être nuisibles aux abeilles. Le fait que les apiculteurs commerciaux ne constituent qu’une faible minorité parmi le nombre total des apiculteurs ne saurait donc justifier de ne pas considérer comme suffisamment représentative une association défendant spécifiquement leurs intérêts.

36      De même, le fait que le DBEB et l’ÖEB sont membres de BeeLife ne justifie pas de considérer que leurs intérêts seraient suffisamment représentés dans la présente procédure. En effet, ainsi que le DBEB et l’ÖEB le font valoir à juste titre, BeeLife poursuit essentiellement des objectifs environnementaux présentant un rapport avec les insectes pollinisateurs. En revanche, les statuts de BeeLife ne prévoient pas de mandat pour défendre ou représenter les intérêts de ses membres (voir point 86 ci-après).

37      Il résulte de ce qui précède que l’UNAF, l’AGPM, la NFU, le DBEB, l’ÖEB, l’ESA et l’AIC remplissent les conditions pour intervenir en tant qu’associations représentatives des intérêts de leurs membres, posées par la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus.

38      Huitièmement, Mellifera se présente comme une association allemande regroupant 800 apiculteurs, agriculteurs ou jardiniers et ayant pour objet la préservation des habitats des abeilles, de la qualité du miel et des produits dérivés.

39      À cet égard, force est de constater, à l’instar de la requérante, qu’il ressort des statuts de Mellifera que son objet ne comprend pas la protection des intérêts de ses membres dans le secteur de l’apiculture. Dès lors, Mellifera ne remplit pas les conditions pour intervenir en tant qu’association représentative des intérêts de ses membres, énoncées par la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus. Partant, il convient de rejeter sa demande d’intervention.

 Sur l’affectation importante des intérêts des membres de l’UNAF, de l’AGPM, de la NFU, du DBEB, de l’ÖEB, de l’ESA et de l’AIC

40      En second lieu, il importe de déterminer si les intérêts des membres de de l’UNAF, de l’AGPM, de la NFU, du DBEB, de l’ÖEB, de l’ESA et de l’AIC peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir, au sens de la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus.

41      Premièrement, l’UNAF fait valoir que, de par leurs propriétés, les substances actives visées par le règlement attaqué présentent un risque élevé de toxicité pour les abeilles, en particulier si elles sont utilisées pour le traitement de semences d’importantes cultures. Dès lors, l’UNAF et les apiculteurs représentés par elle auraient un intérêt évident au maintien du règlement attaqué, interdisant la mise sur le marché de semences traitées avec des produits contenant les substances visées.

42      Il ne saurait être objecté, à cet égard, que, dans la mesure où l’utilisation des substances visées par le règlement attaqué est déjà très règlementé en France, l’issue de la présente affaire n’aura aucune influence sur la situation des apiculteurs français. Il est vrai que, même dans l’hypothèse d’une annulation du règlement attaqué dans le cadre du présent recours, l’utilisation des substances visée resterait soumise aux restrictions nationales applicables. Toutefois, il est également vrai que, tant qu’il est en vigueur, le règlement attaqué empêche toute autorité nationale d’approuver une telle utilisation et constitue donc, du point de vue des membres de l’UNAF, une garantie supplémentaire contre leur utilisation future. Dans de telles circonstances, l’issue du présent litige est susceptible d’affecter leurs intérêts de manière importante.

43      Deuxièmement, s’agissant de l’AGPM, elle fait valoir, sans être contredite par la Commission, que les substances phytopharmaceutiques désignées par le règlement attaqué et les semences précédemment traitées avec ces substances étaient utilisées par une grande partie des membres de cette association pour protéger leur production de maïs contre les organismes nuisibles. Selon elle, l’interdiction desdites substances risque d’entraîner des pertes de production considérables pour ces membres. De surcroît, elle fait valoir que certains de ses membres subissent un dommage matériel en raison de l’impossibilité d’écouler les réserves de semences déjà traitées.

44      La Commission soutient, tout d’abord, que le règlement attaqué n’a pas pour conséquence d’empêcher les membres de l’AGPM de poursuivre leurs activités principales, à savoir la production et la commercialisation de maïs et de graines de maïs. Elle fait observer, en outre, que les concurrents des membres de l’AGPM font face aux mêmes contraintes, résultant de l’adoption du règlement attaqué, en ce qu’ils sont privés de la possibilité de traiter les semences avec les substances visées. Enfin, la Commission fait valoir que l’impossibilité d’avoir pu écouler les réserves de semences traitées résulte de conditions climatiques défavorables et ne saurait être imputée à l’adoption du règlement attaqué.

45      Toutefois, il y a lieu d’observer, tout d’abord, que, si le règlement attaqué n’a pas pour conséquence d’empêcher les membres de l’AGPM de poursuivre leurs activités de production et de commercialisation de maïs et de graines de maïs, il affecte nécessairement directement leurs intérêts, dans la mesure où l’interdiction de traiter les semences contre les organismes nuisibles, à l’aide des substances visées, est susceptible d’entraîner pour eux des coûts supplémentaires ou des pertes de productivité. Ensuite, la notion de l’affectation des intérêts des membres de l’association par la solution du litige, au sens de la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, doit être appréciée au regard de la situation qui précédait l’adoption de l’instrument en cause, et non par comparaison avec la situation des concurrents des membres de l’association qui, par ailleurs, ont également la faculté de demander à intervenir dans la procédure devant le Tribunal. Enfin, si l’impossibilité pour les membres de l’AGPM d’écouler, jusqu’à la date de l’adoption du règlement attaqué, les réserves de semences déjà traitées peut résulter de conditions climatiques défavorables, force est de constater que, en l’absence de l’adoption dudit acte, ces réserves auraient pu être commercialisées ultérieurement.

46      Il s’ensuit que les intérêts des membres de l’AGPM sont directement affectés, de manière importante, par l’issue du présent litige.

47      Troisièmement, s’agissant de la NFU, il n’est pas contesté qu’une partie de ses membres achète et utilise des produits phytopharmaceutiques qui contiennent les substances désignées par le règlement attaqué ou des semences traitées avec ces produits. En conséquence de l’adoption du règlement attaqué, ces membres ne peuvent donc plus utiliser ces substances ainsi que les semences interdites pour protéger leur production et sont susceptibles de subir une réduction de leurs revenus à la suite des dommages causés par des organismes nuisibles. L’issue du présent litige peut donc affecter directement, de manière importante, leurs intérêts en tant qu’exploitants agricoles, même en tenant compte du fait, souligné par la Commission, qu’ils se trouvent à cet égard dans la même situation que leurs concurrents. De même, le fait que les membres de la NFU proviennent d’un seul État membre n’est pas de nature à modifier ladite affectation.

48      Quatrièmement, le DBEB et l’ÖEB font valoir à bon droit que l’issue du présent litige sera déterminante pour la question de savoir si l’utilisation des substances visées par le règlement attaqué restera soumise aux restrictions qui y sont prévues. Lesdites substances étant suspectées d’être nuisibles aux abeilles, le DBEB et l’ÖEB ont donc un intérêt à la solution du litige.

49      Cinquièmement, en ce qui concerne l’ESA, il ressort de sa demande d’intervention que, en conséquence directe de l’adoption du règlement attaqué, ses membres se sont vus privés de la possibilité d’utiliser les produits visés par le règlement attaqué pour traiter les semences et ensuite commercialiser ces dernières. Selon l’ESA, il en résulte un impact économique, social et environnemental sur l’ensemble du secteur qu’elle représente, ainsi qu’un dommage matériel immédiat causé à certains de ses membres, qui n’ont pu écouler les réserves de semences déjà traitées. Elle soutient, par ailleurs, que le présent litige soulève des questions de principe qui affectent ledit secteur, questions relatives notamment au champ de compétences de la Commission dans la réglementation des produits phytopharmaceutiques.

50      Au vu de ces explications, il convient de considérer que les membres de l’ESA disposent d’un intérêt direct et actuel à ce que les conclusions de la requérante tendant à l’annulation du règlement attaqué soient accueillies.

51      Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments de la Commission.

52      En effet, la Commission fait valoir, en substance, que le règlement attaqué n’a pas pour conséquence d’empêcher les membres de l’ESA de continuer leurs activités de recherche, de développement, de production et de commercialisation des semences, mais uniquement de leur interdire de traiter ces semences avec certains produits et que, partant, il n’est pas certain que l’issue de cette procédure affecte de façon directe leurs intérêts.

53      Toutefois, force est de constater que les intérêts des membres de l’ESA seront nécessairement affectés par la solution du présent litige, dans la mesure où leurs activités consistent précisément en la commercialisation des semences traitées avec les produits phytopharmaceutiques désignés dans le règlement attaqué. Le fait de leur interdire cette pratique affecte leurs intérêts de manière importante.

54      Sixièmement, l’AIC fait valoir à bon droit que l’interdiction de la commercialisation des substances visées par le règlement attaqué est susceptible d’affecter de manière négative la situation économique de ses membres. D’une part, cela concerne la partie de ses membres active dans le secteur semencier, ainsi qu’il a été expliqué au point 53 ci-dessus, s’agissant des membres de l’ESA. D’autre part, cela concerne les membres de l’AIC actifs dans d’autres secteurs, tels ceux des produits de fourrage et du commerce de cultures arables. En effet, l’interdiction d’utiliser les produits phytosanitaires contenant les substances visées par le règlement attaqué est susceptible d’entraîner des pertes de productivité et de rentabilité dans ces secteurs.

55      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’admettre les demandes d’intervention de l’AGPM, de la NFU, de l’ESA et de l’AIC au soutien des conclusions de la requérante, ainsi que la demande d’intervention de l’UNAF et la demande d’intervention conjointe du DBEB et de l’ÖEB au soutien des conclusions de la Commission. Il y a lieu de rejeter la demande d’intervention de Mellifera.

 Sur la demande d’intervention de l’OÖL et de l’ÖIB

56      À l’appui de leur demande d’intervention conjointe, l’OÖL et l’ÖIB font valoir qu’elles ont un intérêt à la solution du litige en leur qualité d’associations représentatives d’apiculteurs en Autriche. À ce titre, elles souhaitent se joindre à la demande d’intervention présentée par le DBEB, Mellifera et l’ÖEB.

57      Force est de constater, tout d’abord, que, la communication au Journal officiel de l’Union européenne visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure ayant été publiée le 9 novembre 2013, la demande d’intervention de l’OÖL et de l’ÖIB, déposée au greffe du Tribunal le 27 février 2014, a été présentée après l’expiration du délai de six semaines, prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure. Par conséquent, à supposer que leur demande soit admise, leurs droits en tant que parties intervenantes ne pourraient être que ceux prévus à l’article 116, paragraphe 6, dudit règlement. Or, il ne saurait être admis que, en se greffant, après l’expiration de ce délai, sur une demande présentée avant son expiration, l’OÖL et l’ÖIB puissent contourner l’effet de forclusion dudit délai et, par ce truchement, bénéficier des droits que l’article 116, paragraphes 2 et 4, du règlement de procédure réserve aux seules parties intervenantes ayant présenté leur demande d’intervention dans ledit délai.

58      Par conséquent, il convient de rejeter la demande présentée par l’OÖL et l’ÖIB, pour autant qu’elle vise à être jointe à la demande présentée par le DBEB, Mellifera et l’ÖEB.

59      Néanmoins, il convient d’examiner leur demande en tant que demande d’intervention autonome. En particulier, il convient de déterminer, d’une part, si l’OÖL et l’ÖIB sont représentatives d’un nombre important de membres actifs dans le secteur concerné et si leur objet comprend la protection des intérêts de leurs membres et, d’autre part, si les intérêts desdits membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir.

60      À ce titre, il convient de relever que, si la demande d’intervention présentée par l’OÖL et l’ÖIB contient des informations permettant d’apprécier leur capacité à représenter les intérêts d’un nombre suffisamment important de membres dans le secteur de l’apiculture en Autriche, elle se borne, pour le surplus, à renvoyer au contenu de la demande d’intervention déposée par le DBEB, Mellifera et l’ÖEB.

61      Or, en vertu de l’article 115, paragraphe 2, sous f, du règlement de procédure, toute demande d’intervention doit contenir un exposé des circonstances établissant le droit d’intervenir, lorsque la demande est présentée en vertu de l’article 40, deuxième ou troisième alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut.

62      En particulier, un tel exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre aux parties de préparer leurs observations et au Tribunal de statuer sur la demande d’intervention, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’une demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la demande elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la demande, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la demande (voir, par analogie, ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20, et la jurisprudence citée).

63      En l’espèce, la demande d’intervention déposée par l’OÖL et l’ÖIB ne contient pas d’éléments permettant de déterminer si leurs membres pourraient être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir. Cette absence ne saurait être palliée par un simple renvoi aux arguments contenus dans la demande d’intervention du DBEB, de Mellifera et de l’ÖEB, relatifs à l’affectation de leurs membres respectifs par la solution du présent litige.

64      Partant, il y a lieu de rejeter comme irrecevable la demande d’intervention déposée par l’OÖL et l’ÖIB.

 Sur les demandes d’intervention de Makhteshim-Agan Italia et de KWS Saat

65      Il ressort du dossier que la société Makhteshim-Agan Italia fait partie des membres de l’Association européenne pour la protection des cultures (ECPA) et que la société KWS Saat est membre de l’ESA.

66      Or, en l’espèce, l’ESA est admise à intervenir en sa qualité d’association représentative des intérêts de ses membres (voir point 55 ci-dessus). De même, l’ECPA est admise à intervenir par ordonnance du Tribunal de ce jour. Dans un tel cas de figure, l’admission de demandes en intervention supplémentaires et dans le même sens de la part de leurs membres présuppose que ces derniers démontrent qu’ils ont des intérêts à la solution du litige distincts de ceux des associations, admises à intervenir, dont ils sont membres (voir, par analogie, ordonnance du président de la Cour du 5 février 2009, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, C‑550/07 P, non publiée au Recueil, points 12 à 14).

67      Dans ses observations du 21 août 2014 en réponse à la question écrite du Tribunal, Makhteshim-Agan Italia a fait valoir, en substance, que son intérêt à intervenir découlait de sa situation particulière. En effet, elle aurait été titulaire d’une autorisation de mise sur le marché d’un produit liquide à base d’une des substances visées par le règlement attaqué, délivrée par les autorités italiennes et retirée à la suite de l’adoption de dudit règlement. Selon elle, tel n’aurait pas été le cas pour tous les membres de l’ECPA, en particulier s’agissant de la forme liquide et non solide de son produit. Dès lors, ses intérêts ne pourraient pas être pris en compte de manière adéquate dans l’intervention de l’ECPA.

68      Dans ses observations du 21 août 2014 en réponse à la question écrite du Tribunal, KWS Saat a fait valoir, en substance, que son intérêt à intervenir découlait de sa situation particulière. En effet, elle utiliserait les substances spécifiques visées par le règlement attaqué en s’approvisionnant auprès de la requérante. Selon elle, tant que le règlement attaqué sera en vigueur, elle ne pourra pas écouler ses stocks de semences déjà traitées avec les substances visées, elle ne pourra pas maintenir son accord de fourniture avec la requérante, elle subira des pertes dans ses activités de production de semences et ses investissements au titre de la production de semences traitées avec les substances visées seront dévalorisés. Ces circonstances distingueraient sa situation de celle d’autres membres de l’ESA. Dès lors, ses intérêts ne pourraient pas être pris en compte de manière adéquate dans l’intervention de l’ESA.

69      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus, l’objectif poursuivi par l’adoption d’une interprétation large du droit d’intervention des associations est d’éviter une multiplicité d’interventions individuelles qui compromettraient l’efficacité et le bon déroulement de la procédure.

70      Or, s’il se peut que les situations particulières invoquées par Makhteshim-Agan Italia et KWS Saat ne soient pas partagées par la totalité des membres, respectivement, de l’ECPA et de l’ESA, les intérêts qu’elles invoquent ne vont pas pour autant au-delà de ceux défendus, de manière générale, par l’ECPA et l’ESA en tant qu’associations représentatives des intérêts des producteurs de produits phytosanitaires et des producteurs de semences.

71      Partant, il y a lieu de considérer que les intérêts de Makhteshim-Agan Italia et de KWS Saat à la solution du présent litige sont déjà représentés par les associations qui sont admises à intervenir et dont elles sont membres.

72      Au vu de ce qui précède, et au regard de l’objectif poursuivi par la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus, il y a donc lieu de rejeter les demandes d’intervention de Makhteshim-Agan Italia et de KWS Saat.

 Sur les demandes d’intervention de Stichting Greenpeace Council, de PAN Europe, de BeeLife, de Buglife, de ClientEarth et de SumOfUs

73      Selon la jurisprudence, s’agissant des demandes d’intervention présentées par des organisations de défense de l’environnement, l’exigence d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige implique soit que leur champ d’action coïncide avec la région et le secteur concernés par la procédure devant le Tribunal, soit, lorsqu’elles ont des champs d’action plus larges, qu’elles soient activement impliquées dans des programmes de protection ou d’études concernant la région et le secteur concernés dont la viabilité pourrait être compromise par l’adoption de l’acte attaqué (ordonnances du président du Tribunal du 7 juillet 2004, Região autónoma dos Açores/Conseil, T‑37/04 R, Rec. p. II‑2153, points 69 et 70, et du 6 novembre 2012, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, non publiée au Recueil, point 10).

74      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les demandes d’intervention de Stichting Greenpeace Council, de PAN Europe, de BeeLife, de Buglife, de ClientEarth et de SumOfUs.

75      Premièrement, il ressort de la demande d’intervention de Stichting Greenpeace Council qu’il s’agit d’une organisation de défense de l’environnement opérant dans le monde et ayant pour objectif la protection de l’environnement.

76      À cet égard, il convient de constater que, tant du point de vue géographique que thématique, le champ d’action de Stichting Greenpeace Council dépasse la région et le secteur concernés par la procédure devant le Tribunal, à savoir le secteur de l’apiculture dans l’Union.

77      Néanmoins, Stichting Greenpeace Council se prévaut de la publication de plusieurs rapports visant à démontrer l’impact nocif pour les abeilles des pesticides, dont les néonicotinoïdes désignés par le règlement attaqué. Dans ces rapports, réalisés sous l’impulsion des études de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), menées en amont du règlement attaqué, l’organisation conclut à la nécessité d’interdire l’utilisation des néonicotinoïdes. Ainsi, Stichting Greenpeace Council peut faire valoir un intérêt à ce que le règlement attaqué soit maintenu, dès lors que l’annulation de ce dernier affecterait de manière directe les acquis de ses rapports et de sa campagne pour la protection des abeilles, en rouvrant la voie à l’utilisation des substances visées par le règlement attaqué et, en définitive, en affaiblissant, selon elle, la protection de l’environnement dans l’Union.

78      Dès lors, Stichting Greenpeace Council a justifié être activement impliquée dans les programmes de protection ou d’études concernant la région et le secteur concernés dont l’acquis pourrait être compromis par la solution du litige, au sens de la jurisprudence citée au point 73 ci-dessus.

79      Si la requérante fait valoir, à cet égard, que l’adoption du règlement attaqué n’a pas pu compromettre la viabilité des études menées par Stichting Greenpeace Council, dès lors que, en interdisant l’utilisation et la commercialisation de certains néonicotinoïdes, il en renforce les acquis, il suffit d’observer que, en l’espèce, l’acquis des rapports et études publiés par Stichting Greenpeace Council, visant à démontrer les effets nocifs des néonicotinoïdes sur les abeilles, serait nécessairement compromis dans l’hypothèse où le règlement attaqué viendrait à être annulé. Partant, Stichting Greenpeace Council a un intérêt direct et actuel à la solution du litige.

80      Stichting Greenpeace Council doit par conséquent être admis à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

81      Deuxièmement, en ce qui concerne PAN Europe, il ressort de sa demande d’intervention qu’elle est une organisation de protection de l’environnement, à vocation paneuropéenne, active dans 24 pays dont 21 sont membres de l’Union. En vertu de ses statuts, elle a notamment pour objectif de promouvoir les activités visant à réduire, voire à éliminer, l’utilisation des pesticides. À cette fin, PAN Europe est active dans les domaines de la recherche, de la sensibilisation et du lobbying relatifs aux risques de l’utilisation des pesticides.

82      À cet égard, il convient d’observer, ainsi que la requérante le fait à bon droit, que, tant du point de vue géographique que thématique, le champ d’action de PAN Europe dépasse la région et le secteur concernés par la procédure devant le Tribunal, à savoir le secteur de l’apiculture dans l’Union.

83      Néanmoins, il ressort du dossier que, dans le cadre d’une campagne contre l’utilisation des néonicotinoïdes, maintenue pendant plusieurs années, PAN Europe a notamment mis à disposition du public des études scientifiques concernant l’utilisation des néonicotinoïdes, les risques qui y sont liés et ses effets sur les populations d’abeilles. Dans ce contexte, elle a également demandé à la Commission un réexamen interne du règlement attaqué, avec l’objectif d’obtenir une interdiction totale des néonicotinoïdes désignés. Le rejet de cette demande par la Commission pour irrecevabilité fait actuellement l’objet d’une demande d’annulation devant le Tribunal (affaire T‑671/13, PAN Europe et Confédération paysanne/Commission).

84      À ce titre, il y a lieu d’observer, contrairement à ce que soutient PAN Europe, que la solution du présent litige n’aura pas nécessairement une influence sur l’issue de son recours contre la décision d’irrecevabilité de la Commission. Cependant, l’existence de ce litige et de la campagne susvisée menée par PAN Europe permettent de considérer qu’elle a justifié être activement impliquée dans les programmes de protection ou d’études concernant la région et le secteur concernés dont l’acquis pourrait être compromis par la solution du litige, au sens de la jurisprudence citée au point 73 ci-dessus.

85      PAN Europe doit par conséquent être admise à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

86      Troisièmement, il ressort du dossier que BeeLife est une organisation de défense de l’environnement. Ainsi, conformément à ses statuts, elle a pour but, notamment, de révéler et de résoudre les problèmes environnementaux des insectes pollinisateurs, et plus particulièrement les abeilles mellifères, et d’œuvrer pour une meilleure protection de l’environnement, en particulier pour une agriculture compatible avec le bien-être des pollinisateurs et de la biodiversité, et ce, notamment, par le moyen d’actions en justice. Contrairement à ce que font valoir la requérante et la Commission, le fait que les membres de BeeLife sont exclusivement des associations d’apiculteurs ne s’oppose pas à sa qualification comme organisation environnementale, d’autant plus que ses objets n’incluent pas la représentation des intérêts de ses membres.

87      Par ailleurs, le champ d’action de BeeLife coïncide avec la région et le secteur concernés par la procédure devant le Tribunal, à savoir le secteur de l’apiculture dans l’Union.

88      BeeLife doit par conséquent être admise à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

89      Quatrièmement, il ressort de sa demande d’intervention que Buglife est une organisation de protection de l’environnement ayant pour objet la défense et la préservation des invertébrés au Royaume-Uni. À cette fin, ses activités principales incluent la mise en place de campagnes de sensibilisation ainsi que la contribution aux processus législatifs et réglementaires visant à préserver les invertébrés.

90      Force est de constater, à cet égard, que le champ d’action de Buglife ne coïncide pas avec la région et le secteur concernés par la procédure devant le Tribunal.

91      En revanche, Buglife peut se prévaloir de la publication d’un rapport dans lequel elle examine les effets de certains néonicotinoïdes sur les abeilles et autres invertébrés au Royaume-Uni et dans l’Union, en renvoyant, par ailleurs, à une étude menée par la requérante dans le même domaine. Sur la base de ce rapport, Buglife a mené une campagne de lobbying auprès du gouvernement du Royaume-Uni, en amont de l’adoption du règlement attaqué, afin d’obtenir une interdiction générale des néonicotinoïdes dans l’Union.

92      Partant, il convient de considérer que Buglife, en sa qualité d’organisation de défense de l’environnement, a un intérêt certain à la solution du présent litige, en ce que l’annulation du règlement attaqué pourrait remettre en cause l’acquis des campagnes, programmes et études dans laquelle elle est activement impliquée, et qui visent une région – à savoir, le territoire du Royaume-Uni et de l’Union – et un secteur – à savoir, celui de l’apiculture – concernés par la procédure devant le Tribunal.

93      Buglife doit par conséquent être admise à intervenir dans la présente procédure, conjointement avec PAN Europe et BeeLife, au soutien des conclusions de la Commission.

94      Enfin, s’agissant de ClientEarth et de SumOfUs, il y a lieu de constater, comme le fait observer la requérante, que leurs champs d’action ne coïncident pas avec la région et le secteur concernés par la procédure devant le Tribunal.

95      ClientEarth se présente comme une organisation de défense de l’environnement, active dans trois États membres. Conformément à ses statuts, ses activités relèvent, en particulier, du soutien juridique des projets et initiatives liés à la protection de l’environnement. ClientEarth est notamment active dans le suivi des politiques environnementales nationales et dans le lobbying de l’interdiction générale des néonicotinoïdes dans l’Union et fournit une assistance juridique aux entités développant une campagne de sensibilisation à la protection des abeilles dans l’Union.

96      SumOfUs est un mouvement de consommateurs et citoyens, visant à promouvoir les intérêts de ces derniers face aux agissements des entreprises. Fondé aux États-Unis, le mouvement a aujourd’hui une vocation mondiale et poursuit des objectifs d’information, d’éducation et de sensibilisation quant aux effets des activités des entreprises sur les droits de l’Homme, les libertés fondamentales ou l’environnement. À la suite de l’avertissement de la part de ses membres, SumOfUs a, notamment, lancé une campagne de protection des abeilles et adressé une pétition à la requérante, l’invitant à cesser la commercialisation des néonicotinoïdes. Une autre pétition, signée par 140 000 membres résidant dans l’Union, visait à amener la requérante à retirer le recours dans la présente affaire.

97      Il convient de constater, à cet égard, que la portée des intérêts de ClientEarth et de SumOfUs est trop large et trop générale pour que ces intérêts puissent être substantiellement affectés par l’issue de la présente procédure.

98      S’agissant de ClientEarth, ses activités consistent essentiellement en un soutien juridique aux programmes ou actions de protection de l’environnement, parmi lesquels se trouvent les actions menées, en l’espèce, par BugLife. Quant à SumOfUs, il s’agit d’une organisation qui sert de plateforme aux pétitions, aux campagnes de sensibilisation et de lobbying en matière de droits de l’Homme et de l’environnement, supportés par ses membres et sympathisants qui se trouvent dans le monde entier. Parmi les causes soutenues par des pétitions lancées par SumOfUs figure l’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes, en raison de ses effets sur les abeilles. Or, ni les activités de soutien juridique de ClientEarth ni celles de pétitions, campagnes et lobbying environnemental menées par SumOfUs sont susceptibles d’être affectées de manière significative par l’issue du présent litige.

99      Il s’ensuit que ClientEarth et SumOfUs n’ont pas démontré l’existence d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige, au sens de l’article 40 du statut de la Cour. Partant, les demandes d’intervention de ces dernières au soutien des conclusions de la Commission doivent être rejetées.

 Sur la demande d’intervention de Rapool-Ring

100    À l’appui de sa demande d’intervention, Rapool-Ring fait valoir qu’elle est une société qui a pour objet la commercialisation de semences de colza traitées avec les substances visées par le règlement attaqué. En conséquence directe de l’adoption de ce règlement, elle ne pourrait plus utiliser ces substances ni commercialiser les semences traitées avec ces substances. En outre, le règlement attaqué serait également susceptible d’entraîner un rétrécissement général du marché de semences de colza, puisque les agriculteurs pourraient se détourner de la culture du colza, moins rentable si les semences ne sont pas traitées, au profit d’autres cultures.

101    Au vu de ces explications, il convient de considérer que Rapool-Ring a démontré un intérêt direct et certain à la solution du litige, qui n’est pas susceptible d’être remis en cause par les objections soulevées par la Commission.

102    En effet, premièrement, la Commission fait valoir que les allégations de Rapool-Ring relatives au rétrécissement probable du marché de semences de colza sont contredites par des informations contenues sur son site Internet, selon lesquelles ledit marché est susceptible d’augmenter en raison de développements génétiques. Il convient d’observer, à cet égard, que la seule interdiction de commercialiser un produit à forte valeur ajoutée et promettant un rendement élevé aux clients agriculteurs, tel que c’est le cas pour la semence de colza traitée avec les substances visées par le règlement attaqué, constitue déjà une affectation importante des intérêts de Rapool-Ring, et ce, indépendamment de l’éventualité que, moyennant des progrès techniques futurs probables, mais par nature incertains, et nécessitant en tout état de cause des investissements en recherche et développement, cette société pourrait éviter une baisse effective de son chiffre d’affaires.

103    Deuxièmement, la Commission fait valoir que deux des trois sociétés mères de Rapool-Ring sont membres de l’ESA et que tous les trois sont membres du Bundesverband deutscher Pflanzenzüchter, qui lui aussi est membre de l’ESA. Par conséquent, elle estime que les intérêts de Rapool-Ring sont suffisamment représentés par l’intervention de l’ESA.

104    À cet égard, il suffit d’observer que Rapool-Ring elle-même n’est pas membre de l’ESA ni du Bundesverband deutscher Pflanzenzüchter. Le seul fait que les intérêts de ses sociétés mères dans le présent litige soient représentés par l’intervention de l’ESA ne saurait suffire pour conclure que les propres intérêts de Rapool-Ring seraient également représentés. En particulier, il ne saurait être supposé, sans plus, que les intérêts de Rapool-Ring soient identiques à ceux de ses sociétés mères.

105    Par conséquent, il convient d’accueillir la demande d’intervention de Rapool-Ring.

 Sur les droits des intervenantes

106    La communication au Journal officiel de l’Union européenne visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure ayant été publiée le 9 novembre 2013, les demandes d’intervention accueillies ont été présentées dans le délai prévu à l’article 115, paragraphe 1, du même règlement et les droits des intervenantes seront ceux prévus à l’article 116, paragraphes 2 à 4, dudit règlement.

 Sur la demande de traitement confidentiel

107    La requérante a demandé que, conformément à l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, certains éléments confidentiels du dossier soient exclus de la communication aux intervenantes et a produit, aux fins de cette communication, une version non confidentielle des mémoires ou pièces en question.

108    À ce stade, la communication aux intervenantes des actes de procédure signifiés aux, et, le cas échéant, à signifier aux, parties doit donc être limitée à une version non confidentielle. Une décision sur le bien-fondé de la demande de confidentialité sera, le cas échéant, prise ultérieurement au vu des objections ou observations qui pourraient être présentées à ce sujet.

109    Par ailleurs, dans la mesure où les demandes d’intervention de Makhteshim-Agan Italia, de KWS Saat, de Mellifera, de ClientEarth, de SumOfUs, de l’OÖL et de l’ÖIB sont rejetées, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de confidentialité déposée par la requérante à leur égard.

 Sur les dépens

110    En vertu de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de Makhteshim-Agan Italia, de KWS Saat, de Mellifera, de ClientEarth, de SumOfUs, de l’OÖL et de l’ÖIB, il convient de statuer sur les dépens afférents à leurs demandes d’intervention.

111    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante n’a pas formulé de conclusion sur les dépens, alors que la Commission a demandé que les dépens de toutes les intervenantes soient supportés soit par elles-mêmes, soit par la requérante.

112    Le Tribunal considère qu’il convient de décider que Makhteshim-Agan Italia, KWS Saat, Mellifera, ClientEarth, SumOfUs, l’OÖL et l’ÖIB, qui ont succombé en leurs demandes, supportent leurs propres dépens et que les parties principales supportent chacune leurs propres dépens afférents à ces interventions.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      L’Association générale des producteurs de maïs et autres céréales cultivées de la sous-famille des panicoïdées (AGPM), la National Farmers’ Union (NFU), Rapool-Ring GmbH, la European Seed Association (ESA) et l’Agricultural Industries Confederation (AIC) sont admises à intervenir dans l’affaire T‑429/13 au soutien des conclusions de Bayer CropScience AG.

2)      L’Union nationale de l’apiculture française (UNAF), le Deutscher Berufs- und Erwerbsimkerbund eV (DBEB), l’Österreichischer Erwerbsimkerbund (ÖEB), Stichting Greenpeace Council, Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), BeeLife European Beekeeping Coordination (BeeLife) et Buglife – The Invertebrate Conservation Trust (Buglife) sont admis à intervenir dans l’affaire T‑429/13 au soutien des conclusions de la Commission européenne.

3)      Les demandes d’intervention de Makhteshim-Agan Italia Srl, de KWS Saat AG, de Mellifera eV – Vereinigung für wesensgerechte Bienenhaltung, de ClientEarth, de SumOfUs, de l’OÖ Landesverband für Bienenzucht (OÖL) et de l’Österreichischer Imkerbund (ÖIB) sont rejetées.

4)      Le greffier communiquera aux parties intervenantes une version non confidentielle de chaque acte de procédure signifié aux parties.

5)      Un délai sera fixé aux parties intervenantes pour présenter leurs observations éventuelles sur la demande de traitement confidentiel. La décision sur le bien-fondé de cette demande est réservée.

6)      Un délai sera fixé aux parties intervenantes pour présenter un mémoire en intervention, sans préjudice de la possibilité de le compléter le cas échéant ultérieurement, à la suite d’une décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel.

7)      Makhteshim-Agan Italia, KWS Saat, Mellifera, ClientEarth, SumOfUs, l’OÖL, l’ÖIB, Bayer CropScience et la Commission supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention rejetées.

8)      En ce qui concerne les interventions admises, les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 21 octobre 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       H. Kanninen


* Langue de procédure : l’anglais.


1 La présente ordonnance fait l’objet d'une publication par extraits.