Language of document : ECLI:EU:F:2012:64

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

16 mai 2012 (*)

« Fonction publique – Devoir d’assistance – Articles 12 bis et 24 du statut – Harcèlement moral de la part du supérieur hiérarchique »

Dans l’affaire F‑42/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Carina Skareby, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Louvain (Belgique), représentée par Mes S. Rodrigues et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représenté par MM. J. Currall et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, R. Barents et K. Bradley, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 3 juin 2010, Mme Skareby demande l’annulation de la décision de la Commission européenne, du 23 juillet 2009, rejetant sa demande d’assistance avec plainte pour harcèlement moral et, pour autant que de besoin, l’annulation de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du 19 février 2010 rejetant sa réclamation.

 Cadre juridique

2        L’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, relatif au « droit à une bonne administration » prévoit :

« Ce droit comporte notamment :

a) le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;

[…] »

3        L’article 12 bis du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« 1. Tout fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel.

2. Le fonctionnaire victime de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution. Le fonctionnaire ayant fourni des preuves de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi.

3. Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

[…] »

4        Aux termes de l’article 24 du statut, dans sa version applicable au moment des faits :

« Les Communautés assistent le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

Elles réparent solidairement les dommages subis de ce fait par le fonctionnaire dans la mesure où celui-ci ne se trouve pas, intentionnellement ou par négligence grave, à l’origine de ces dommages et n’a pu obtenir réparation de leur auteur. »

 Faits à l’origine du litige

5        La requérante est fonctionnaire de l’Union européenne depuis le 1er décembre 1996. Le 18 avril 2003, elle a été affectée à la délégation de la Commission à Almaty (Kazakhstan). Le Kirghizstan ayant par la suite accueilli une délégation dite « régionalisée », la requérante a été affectée, le 19 avril 2004, à Bichkek (Kirghizstan), Dans la note verbale du 8 juin 2004 la présentant au ministre des Affaires étrangères du Kirghizstan et à la communauté diplomatique en poste dans ce pays, il était précisé, d’une part, qu’elle occuperait la position de « chef de section avec rang de chargé d’affaires ad intérim en l’absence du chef de la délégation », lequel demeurait accrédité au Kirghizstan, et, d’autre part, que « la délégation régionalisée à Bichkek [était] subordonnée à la délégation [régionale] de la Commission […] à Almaty ». En août 2007, la requérante est retournée à la direction générale (DG) « Relations extérieures » de la Commission à Bruxelles (Belgique).

6        Par lettre du 10 novembre 2008, la requérante a introduit une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut (ci-après la « demande d’assistance »), dans laquelle elle se plaignait d’avoir été victime de harcèlement moral de la part de ses deux supérieurs hiérarchiques successifs, qui avaient été, l’un après l’autre, chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan (ci-après, d’une part, le « premier chef de délégation » et, d’autre part, le « second chef de délégation »). Elle sollicitait, à cet égard, l’ouverture d’une enquête administrative visant à établir les faits de harcèlement moral allégués. Il ressort de cette lettre que les faits reprochés au premier chef de délégation remontaient à la période allant d’avril 2003 à septembre 2005, tandis que ceux reprochés au second chef de délégation avaient eu lieu d’octobre 2005 à août 2007, date à laquelle la requérante était retournée au siège de la Commission à Bruxelles.

7        Par lettre du 28 novembre 2008, la requérante a apporté des informations complémentaires à la demande d’assistance. Elle y précisait notamment que les premier et second chefs de délégation avaient systématiquement négligé et minimisé son rôle au sein des délégations d’Almaty et de Bichkek, ce qui, selon elle, l’aurait discréditée et humiliée vis-à-vis de ses interlocuteurs auprès des gouvernements du Kazakhstan et du Kirghizstan, des ambassades des États membres de l’Union, ainsi que des organisations internationales et non gouvernementales présentes dans ces pays.

8        Suite à la demande d’assistance, la Commission a informé la requérante, par courrier du 4 mars 2009, que l’Office d’investigation et de discipline (IDOC) avait reçu mandat d’ouvrir une enquête administrative sur les allégations de harcèlement moral concernant le second chef de délégation. Par ce même courrier, la Commission a informé la requérante de son refus d’ouvrir une telle enquête à l’encontre du premier chef de délégation, au motif que la requérante n’avait pas présenté la demande d’assistance dans un délai raisonnable.

9        Par lettre du 28 mai 2009, la requérante a, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision de la Commission, du 4 mars 2009, en ce qu’elle refusait d’ouvrir une enquête à l’encontre du premier chef de délégation. La Commission a rejeté cette réclamation par décision du 31 juillet 2009. Le 13 novembre 2009, la requérante a introduit un recours contre la décision susmentionnée du 4 mars 2009. Ce recours a été accueilli et le refus litigieux a été annulé par le Tribunal (arrêt du 8 février 2011, Skareby/Commission, F‑95/09, ci-après l’« arrêt Skareby »).

10      Dans l’intervalle, la Commission a, par lettre du 23 juillet 2009, informé la requérante des conclusions formulées par l’IDOC dans son rapport concernant l’enquête administrative ouverte à l’encontre du second chef de délégation (ci-après le « rapport d’enquête »). Selon ces conclusions, le harcèlement allégué n’était pas établi et l’enquête devait être close sans suites disciplinaires. Dans la même lettre, la Commission a aussi informé la requérante qu’elle avait, dès lors, décidé de ne pas donner davantage de suite à la demande d’assistance et d’en classer le dossier.

11      Par lettre du 26 octobre 2009, la requérante a, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision de la Commission, du 23 juillet 2009, de ne pas donner davantage de suite à sa demande d’assistance, réclamation qui a été rejetée par l’AIPN, le 19 février 2010.

 Conclusions des parties et procédure

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        demander à la Commission de produire le rapport d’enquête, ainsi que les éléments de preuve qui l’accompagnent ;

–        annuler la décision de la Commission, du 23 juillet 2009, rejetant sa plainte pour harcèlement moral à l’encontre du second chef de délégation et, dans la mesure nécessaire, l’annulation de la décision de l’AIPN du 19 février 2010 rejetant sa réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      Dans son acte introductif d’instance, la requérante a demandé au Tribunal d’inviter la Commission à produire le rapport d’enquête ainsi que les éléments de preuve l’accompagnant, afin de pouvoir vérifier si une enquête administrative avait effectivement été réalisée.

15      Dans son mémoire en défense, la Commission a affirmé être dans l’impossibilité de communiquer les documents en question à la requérante, parce qu’ils contiendraient des données à caractère personnel devant être protégées et dont la divulgation porterait atteinte aux intérêts de tiers. La Commission s’est, toutefois, déclarée prête à transmettre au Tribunal une version confidentielle de ces documents, si celui-ci en faisait la demande par voie d’ordonnance motivée. La Commission a, néanmoins, attiré l’attention du Tribunal sur la difficulté qu’il y aurait à produire une version non confidentielle desdits documents, dans la mesure où les prétendus faits de harcèlement se seraient produits dans une petite unité administrative, de sorte que biffer le nom des témoins n’empêcherait pas leur identification par d’autres éléments spécifiques.

16      Par ordonnance motivée du 6 avril 2011, prise au titre de l’article 44 du règlement de procédure, le Tribunal a invité la requérante à formuler ses observations sur la confidentialité, alléguée par la Commission, du rapport d’enquête et des documents sur lesquels ce rapport se fonde. Par la même ordonnance, le Tribunal a demandé à la Commission de produire le rapport d’enquête et les documents susmentionnés en précisant que ni la requérante ni ses avocats ne seraient autorisés à les consulter, à tout le moins jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur pertinence et leur confidentialité.

17      La Commission a communiqué le rapport d’enquête et les documents requis par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 18 avril 2011 et la requérante a fait part de ses observations sur leur éventuelle confidentialité le 26 avril suivant.

18      Ayant pris connaissance du rapport d’enquête et des autres documents transmis par la Commission et au vu des moyens développés dans la requête, le Tribunal a estimé que seul le rapport d’enquête était pertinent pour la solution du litige. Le Tribunal a, en outre, considéré que ce rapport contenait des éléments confidentiels, dans la mesure où, établi à l’issue d’une enquête pour harcèlement, il contenait des données personnelles – à savoir les noms, prénoms, fonctions et grades des personnes entendues – permettant d’identifier celles-ci. En conséquence, le Tribunal a décidé d’inviter la Commission à lui faire parvenir une version non confidentielle du rapport d’enquête, omettant les données personnelles mentionnées ci-dessus, et de communiquer cette version non confidentielle à la requérante. Enfin, le Tribunal a décidé de renvoyer à la Commission les autres documents que celle-ci lui avait communiqués en exécution de l’ordonnance du 6 avril 2011. Le greffe du Tribunal a informé les parties de ces différentes décisions par courrier du 31 mai 2011.

19      La Commission a communiqué une version non confidentielle du rapport d’enquête le 7 juin 2011 et la requérante a fait part de ses observations sur celui-ci par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 15 juillet 2011, accompagné de trois annexes. Les observations de la requérante ont été communiquées à la Commission, laquelle a fait parvenir ses remarques sur lesdites observations le 29 juillet suivant, remarques qu’elle a complétées par un courrier du 30 août 2011, accompagné de plusieurs documents.

20      Par courrier du 3 octobre 2011, la requérante a déposé deux documents dont elle avait annoncé la production dans ses observations du 15 juillet 2011.

21      La requérante a été invitée, dans le rapport préparatoire d’audience, à répondre durant celle-ci à la fin de non-recevoir opposée par la Commission dans son mémoire en défense et à faire part de ses observations sur les documents joints au courrier de la Commission du 30 août 2011. La Commission a, quant à elle, été invitée à faire part, lors de l’audience, de ses observations sur les documents transmis au Tribunal par la requérante le 28 septembre suivant.

 Sur l’objet du litige

22      Outre l’annulation de la décision de la Commission, du 23 juillet 2009, de ne pas donner davantage de suite à la demande d’assistance, la requérante sollicite l’annulation de la décision, du 19 février 2010, portant rejet de sa réclamation contre ladite décision.

23      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8). La décision de rejet de la réclamation introduite à l’encontre de la décision de la Commission du 23 juillet 2009 étant, en l’espèce, dépourvue de contenu autonome, le recours doit être regardé comme dirigé contre cette seule décision (ci-après la « décision attaquée »).

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

24      La Commission fait valoir que le recours est irrecevable, faute d’intérêt à agir de la requérante. En effet, à supposer même que le recours soit fondé, l’annulation de la décision attaquée ne lui donnerait pas satisfaction. Le harcèlement moral aurait en toute hypothèse cessé depuis le retour de la requérante au siège de la Commission, à Bruxelles, en 2007, et la requérante n’aurait pas demandé la réparation du préjudice subi.

25      L’objet du recours serait, en réalité, de provoquer l’ouverture d’une nouvelle enquête administrative afin de conduire à une éventuelle procédure disciplinaire contre le second chef de délégation ou, dans l’hypothèse où les faits seraient établis, d’obtenir le prononcé d’une simple déclaration de droit constatant l’existence d’un harcèlement. Or, s’agissant de la première hypothèse, l’administration disposerait d’un large pouvoir d’appréciation pour décider d’ouvrir ou non une procédure disciplinaire à l’égard d’un fonctionnaire et les autres fonctionnaires ne pourraient pas la contraindre à engager une telle procédure. S’agissant de la seconde hypothèse, la requérante ne justifierait pas d’un intérêt à agir, puisqu’il n’appartiendrait pas au Tribunal d’assortir le dispositif de ses arrêts de déclarations de droit ou de constatations.

26      La requérante a, lors de l’audience, réfuté la fin de non-recevoir soulevée par la Commission. Elle a, notamment, fait valoir que son recours tend à la restauration de sa dignité, laquelle passerait par la reconnaissance du fait qu’elle a été victime de harcèlement moral. Elle estime qu’elle justifie, à ce titre, d’un intérêt personnel à demander l’annulation de la décision attaquée, car, en cas d’annulation, l’administration sera précisément amenée à réexaminer la question de savoir si elle a été victime d’un tel harcèlement.

 Appréciation du Tribunal

27      Il convient d’observer que la Commission a maintenu, en l’espèce, la fin de non-recevoir soulevée dans son mémoire en défense, en dépit du fait que le Tribunal a rejeté une fin de non-recevoir similaire dans l’arrêt Skareby (points 22 à 31), arrêt qui a été prononcé avant la tenue de l’audience dans la présente affaire. Dans ces conditions, force est de rappeler ce qui suit.

28      Il est constant que les conclusions en annulation d’un acte administratif sont irrecevables faute d’un intérêt légitime à agir, né et actuel, dès lors que l’annulation de l’acte contesté ne serait pas susceptible de donner satisfaction à l’intéressé.

29      En l’espèce, il est vrai que la requérante ne demande pas la réparation du préjudice qui aurait résulté du harcèlement allégué. Il est vrai aussi que la Commission dispose d’une marge d’appréciation en vertu de l’article 86, paragraphe 2, du statut pour déclencher une procédure disciplinaire. Enfin, il est constant que le harcèlement allégué a pris fin en août 2007 quand la requérante est retournée au siège de la Commission, à Bruxelles.

30      Toutefois, les circonstances rappelées ci-dessus n’ont pas privé d’objet le présent recours ni fait disparaître l’intérêt de la requérante à solliciter l’annulation de la décision attaquée.

31      En effet, s’agissant d’une question aussi grave que le harcèlement moral, il doit être admis que la prétendue victime d’un tel harcèlement, qui attaque en justice le refus de l’institution de faire droit à sa demande d’assistance, conserve, en dépit des considérations développées par la Commission, l’intérêt requis par la jurisprudence en tant que condition de recevabilité d’une requête.

32      Une telle solution s’impose en raison de la gravité même des faits de harcèlement moral, faits qui peuvent avoir des effets extrêmement destructeurs sur l’état de santé de la victime. Or, si l’honorabilité d’un fonctionnaire mis à la retraite justifie son intérêt à agir contre la décision prononçant sa suspension, en dépit du fait que cette décision de suspension a nécessairement été abrogée le jour de sa mise à la retraite (arrêt du Tribunal du 30 novembre 2009, Wenig/Commission, F‑80/08, point 35), il doit en aller de même pour le membre du personnel qui se prétend victime de harcèlement moral, indépendamment de la question de savoir si un tel harcèlement perdure ou si le fonctionnaire ou agent en question forme, a l’intention de former, ou même a seulement le droit de former d’autres demandes, notamment indemnitaires, en rapport avec le harcèlement moral dont il se prétend victime. Il convient d’ajouter dans ce contexte que la reconnaissance éventuelle par l’administration de l’existence d’un harcèlement moral est, en elle-même, susceptible d’avoir un effet bénéfique dans le processus thérapeutique de reconstruction de la personne harcelée.

33      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la fin de non-recevoir opposée par la Commission ne peut être retenue.

 Sur le fond

34      À l’appui de ses conclusions aux fins d’annulation de la décision attaquée, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, de la violation des droits de la défense et du droit à une bonne administration, le deuxième, de la violation de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut et, le troisième, de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, d’une violation de l’obligation de motivation, du manquement au devoir de sollicitude et du manquement au devoir d’assistance. 

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du droit à une bonne administration

35      Il ressort des différents écrits de procédure de la requérante que le premier moyen comporte deux branches. Dans la première branche, la requérante conteste l’effectivité de l’enquête administrative menée par l’IDOC, tandis qu’elle critique, dans la seconde, l’insuffisance de son implication dans la procédure, sur la base des droits de la défense et du principe de bonne administration.

 Quant à la première branche du premier moyen, tirée de l’ineffectivité de l’enquête administrative

36      Dans son acte introductif d’instance, alors qu’elle n’avait pas encore reçu communication du rapport d’enquête, la requérante a, tout d’abord, émis des doutes quant au fait qu’une enquête aurait effectivement été menée.

37      Dans ses observations sur le rapport d’enquête, communiqué par la Commission dans une version non confidentielle à la suite de l’ordonnance du Tribunal du 6 avril 2011 (points 16 et suivants ci-dessus), la requérante soutient que ledit rapport révèle que l’enquête aurait manqué de minutie, d’objectivité et d’indépendance. À l’appui de cette affirmation, la requérante fait valoir que seuls quatre témoins auraient été entendus sur la trentaine dont l’audition avait été suggérée dans la demande d’assistance. En outre, le rapport d’enquête ne comporterait aucune référence aux exemples précis de harcèlement décrits dans la demande d’assistance et il n’en ressortirait pas que ces exemples auraient fait l’objet d’une quelconque investigation de la part de l’IDOC. De plus, la relation de certains faits par l’IDOC serait partiale. Le rapport d’enquête comporterait également des incohérences et des contradictions. Enfin, la circonstance que les déclarations du témoin C sont rapportées tantôt en français tantôt en anglais jetterait la suspicion sur le témoignage en cause et la présentation des faits par les témoins A et B comporterait des erreurs qui conduiraient à douter de leur crédibilité.

38      À cet égard, il convient d’observer que l’IDOC dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la conduite des enquêtes administratives qui lui sont confiées (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 janvier 2010, A et G/Commission, F‑124/05 et F‑96/06, point 173). En particulier, les ressources de ce service étant limitées, il lui incombe d’instruire les dossiers qui lui sont soumis de façon proportionnée, à savoir, notamment, d’une manière qui lui permette d’allouer à chaque affaire sa juste part du temps dont il dispose. Par ailleurs, l’IDOC jouit également d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par des témoins.

39      En conséquence, l’IDOC pouvait décider, en l’espèce, de n’entendre que quelques témoins parmi tous ceux dont l’audition avait été suggérée par la requérante. De plus, aucun élément du dossier soumis au Tribunal ne permet de penser que le choix de l’IDOC aurait été partial ou aurait nui à la qualité des investigations. S’agissant de la critique de la requérante concernant les déclarations du témoin C, le Tribunal n’aperçoit pas en quoi le fait que les déclarations de ce témoin aient été rapportées tantôt en français tantôt en anglais jetterait la suspicion sur celles-ci. Quant aux absences de la requérante dont les témoins font état, elles sont corroborées par des documents produits par la Commission, de sorte que la crédibilité desdits témoins ne peut être contestée pour le motif que leurs affirmations seraient inexactes sur ce point.

40      Par ailleurs, les thèmes abordés dans le rapport d’enquête révèlent que l’IDOC n’a pas omis d’enquêter sur des griefs de harcèlement allégués en substance par la requérante, même si, comme celle-ci l’observe, ledit rapport n’aborde pas tous les « exemples » spécifiques qu’elle avait énumérés dans la demande d’assistance. Ainsi, l’IDOC a effectivement examiné la question des instructions que le second chef de délégation lui donnait par l’intermédiaire de subordonnés, celle de savoir s’il l’avait ou non empêchée d’établir des comptes rendus sur la situation politique au Kirghizstan et le problème de sa participation aux réunions des pays donateurs pour le Kirghizstan.

41      Ensuite, la présentation des faits dans le rapport d’enquête n’apparaît pas entachée de partialité. Ainsi, s’agissant du fait qu’après s’être plainte en 2005 à une personne de confiance de ce que le premier chef de délégation la harcelait, la requérante n’a pas poursuivi sa démarche après que cette personne ait considéré que l’attitude de son supérieur hiérarchique restait dans l’ordre normal des choses, le rapport d’enquête se borne à reproduire, en substance, les propres déclarations de la requérante figurant dans le complément à la demande d’assistance, du 28 novembre 2008.

42      Le rapport d’enquête n’apparaît pas davantage contradictoire. Ainsi, si le témoin B a déclaré que la méthode de travail habituelle du second chef de délégation était de transmettre des instructions par l’intermédiaire de subordonnés, l’IDOC a pu considérer que, si ce dernier procédait de cette manière avec tout le personnel placé sous ses ordres, ce comportement n’était toutefois qu’occasionnel, dès lors qu’il ressortait des différentes déclarations recueillies que le second chef de délégation n’agissait ainsi que dans les cas urgents, à propos de questions mineures et en raison des absences de l’intéressée. En outre, il n’y a pas de contradiction entre, d’une part, l’affirmation, contenue dans le rapport d’évaluation de la requérante pour l’année 2006, selon laquelle elle produisait fréquemment et régulièrement des comptes rendus sur la situation politique au Kirghizstan et, d’autre part, la circonstance que le rapport d’enquête relève que lesdits compte rendus destinés aux services de la Commission à Bruxelles étaient établis à Almaty sur la base des contributions de la requérante. Au demeurant, le rôle limité de cette dernière dans l’établissement desdits compte rendus est confirmé par le témoin C et par la requérante elle-même.

43      Enfin, le manque de sérieux de l’enquête effectuée par l’IDOC ne peut être déduit du fait que des témoignages produits par la requérante attestent qu’elle a adéquatement représenté la Commission dans les réunions des pays donateurs pour le Kirghizstan. En effet, ces différents témoignages font certes état de la compétence de la requérante en qualité de chargé d’affaires ad interim, ainsi que de sa crédibilité en tant que représentante de la Commission et contredisent l’affirmation du second chef de délégation selon laquelle « tous les autres donateurs pour le Kirghizstan avaient le sentiment » contraire. Toutefois, l’IDOC ne s’est pas limité à prendre acte des déclarations du second chef de délégation. Il a recueilli d’autres témoignages mettant l’accent sur le « contexte général », à savoir l’impossibilité pour la requérante d’assister à tous les évènements officiels et d’assurer toutes les tâches lui incombant et ce, en particulier, en raison de ses absences au moment où l’institution devait préparer sa stratégie dans le cadre des réunions susmentionnées des pays donateurs.

44      Au vu de ce qui précède et des documents produits par les parties, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé, considère, d’une part, que le grief tiré du caractère non effectif de l’enquête de l’IDOC n’est pas fondé et, d’autre part, qu’il n’est pas nécessaire de faire droit aux demandes de la requérante, formulées dans ses observations sur le rapport d’enquête, tendant, premièrement, à ce que le Tribunal recueille le témoignage de représentants d’organisations internationales, d’organisations non gouvernementales ou d’États membres ou, tout au moins, à ce qu’il interroge la Commission sur les raisons qui ont conduit l’IDOC à opérer une sélection parmi les témoins dont elle avait suggéré l’audition, tendant, deuxièmement, à ce qu’il ordonne à la Commission de produire les questions posées aux témoins et tendant, troisièmement, à ce qu’il recueille le témoignage des personnes dont elle a annexé les déclarations auxdites observations.

 Quant à la seconde branche du premier moyen, tirée d’une violation des droits de la défense et du principe de bonne administration

45      Invoquant une violation des droits de la défense et les « exigences d’une bonne administration » qu’elle déduit de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, la requérante allègue qu’elle aurait dû avoir accès au rapport d’enquête, ainsi qu’aux preuves fournies à l’appui de celui-ci et qu’elle aurait dû être entendue sur le contenu de ces documents avant que l’AIPN n’adopte la décision attaquée.

46      Force est, cependant, d’observer que la requérante ne peut se prévaloir de l’obligation, pour la Commission, de respecter les droits de la défense qui, selon une jurisprudence constante, s’impose comme principe général du droit de l’Union dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci (arrêt de la Cour du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, point 37 ; arrêt du Tribunal de première instance du 17 octobre 2006, Bonnet/Cour de justice, T‑406/04, point 76 ; arrêt Wenig/Commission, précité, point 48). En effet, une procédure d’enquête de l’IDOC diligentée à la suite d’une demande d’assistance d’un fonctionnaire avec plainte pour harcèlement ne saurait en aucun cas être assimilable à une procédure d’enquête ouverte à l’encontre dudit fonctionnaire.

47      Par ailleurs, et sans qu’il soit besoin d’examiner la question de son applicabilité dans le temps, il suffit de rappeler que l’article 41 de la charte des droits fondamentaux reprend les solutions jurisprudentielles ayant consacré l’existence du principe général de bonne administration (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 14 octobre 2004, K/Cour de justice, T‑257/02, point 104), comme le souligne d’ailleurs l’explication ad article 41 des explications relatives à celle-ci (JO 2007, C 303, p. 17).

48      Dans cette perspective, il convient d’admettre que la requérante peut se prévaloir de droits procéduraux qui sont distincts des droits de la défense et qui ne sont pas aussi étendus que ces derniers (sur cette distinction, voir arrêt de la Cour du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07 P, point 91, et arrêt du Tribunal de première instance du 27 novembre 1997, Kaysersberg/Commission, T‑290/94, point 108).

49      En l’espèce, il est constant que la requérante a pu faire valoir ses arguments à trois reprises, dans le cadre de la demande d’assistance, au moyen des informations complémentaires qu’elle a fournies par écrit le 28 novembre 2008 et lors de son audition par l’IDOC dans le cadre de l’enquête administrative.

50      Les droits procéduraux que la requérante peut revendiquer en l’espèce n’impliquant pas qu’elle aurait dû avoir accès au rapport d’enquête ainsi qu’aux preuves recueillies par l’IDOC ni qu’elle aurait dû être entendue sur le contenu de ces documents avant que la décision attaquée soit adoptée, la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation des droits de la défense et du principe de bonne administration, doit, par conséquent, être écartée.

51      Les deux branches du premier moyen ayant été écartées, ledit moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut

52      La requérante conteste, en premier lieu, que l’AIPN ait pu s’approprier les conclusions de l’IDOC selon lesquelles il n’y a pas eu de harcèlement au motif que, en convoquant à Almaty des membres du personnel placés sous son autorité directe afin de discuter de leur travail en son absence et lui transmettre des instructions par leur truchement, le second chef de délégation ne l’aurait pas traitée différemment des autres cadres intermédiaires de la délégation d’Almaty. En effet, l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut ne ferait pas dépendre la qualification de harcèlement moral de l’existence d’une discrimination.

53      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, si une décision explicite portant rejet d’une réclamation a introduit des précisions importantes concernant les motifs retenus par l’administration dans la décision initiale, l’identification concrète des motifs de l’administration doit résulter d’une lecture combinée de ces deux décisions (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Eveillard/Commission, T‑258/01, point 31).

54      Cela étant précisé, il ressort de la décision portant rejet de la réclamation que la Commission n’a pas fait de l’existence d’une discrimination une condition dont dépendrait la reconnaissance d’un harcèlement. En effet, en réponse au grief de la requérante tiré de ce que le second chef de délégation donnait directement des instructions à ses subordonnés, l’AIPN s’est limitée à relever que l’IDOC avait observé, d’une part, que le second chef de délégation ne réservait pas cette manière d’agir à l’intéressée, mais que cette façon de procéder correspondait à son style général de direction du personnel et, d’autre part, que le simple fait que la requérante ne soit pas d’accord avec ce style n’était pas suffisant pour pouvoir le qualifier de harcèlement.

55      La requérante considère, en deuxième lieu, que la décision attaquée méconnaît l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut en ce que celui-ci ne fait pas dépendre la réalité d’un harcèlement de l’existence de plusieurs victimes, alors que la décision attaquée, comme la décision portant rejet de la réclamation, a accordé de l’importance au fait qu’aucune autre personne travaillant à la délégation régionale d’Almaty ou dans une délégation régionalisée n’avait introduit de plainte pour harcèlement moral visant le second chef de délégation.

56      Il convient, toutefois, de relever qu’en observant qu’aucune autre plainte pour harcèlement n’avait été déposée à l’encontre du second chef de délégation, la Commission s’est bornée à répondre à l’affirmation de la requérante selon laquelle d’autres membres du personnel auraient été victimes de harcèlement moral de la part de celui-ci.

57      La requérante reproche, en troisième lieu, à la décision attaquée, comme à la décision portant rejet de sa réclamation, d’être basée sur les conclusions de l’IDOC qui ferait de l’intention de harceler un élément nécessaire à la qualification de harcèlement moral, alors que cette condition ne serait pas requise par l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut tel que le Tribunal l’a interprété dans son arrêt du 9 décembre 2008, Q/Commission (F‑52/05, partiellement annulé par arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, mais uniquement en tant que, au point 2 du dispositif, ledit arrêt a condamné la Commission à verser à Q une indemnité, ci-après l’« arrêt Q/Commission »). La requérante relève, certes, que, dans la décision portant rejet de sa réclamation, l’AIPN a exposé que l’IDOC avait seulement voulu souligner le fait que les plaintes pour harcèlement doivent être examinées sans tenir compte de l’impression subjective du plaignant, mais elle estime que, ce faisant, l’AIPN aurait passé sous silence que l’IDOC avait aussi conclu qu’elle « n’a[vait] pas fait l’objet d’un comportement visant objectivement à la discréditer ou à dégrader délibérément ses conditions de travail ».

58      La Commission rétorque que l’arrêt Q/Commission introduit une subjectivité excessive en ce que, contrairement à la jurisprudence antérieure, il ne subordonne plus l’existence du harcèlement à la démonstration que le harceleur aurait entendu, par ses agissements, discréditer volontairement la victime ou dégrader délibérément ses conditions de travail. Avec cet arrêt du Tribunal, les institutions courraient le risque d’être instrumentalisées par des fonctionnaires ou par des agents excessivement sensibles. Selon la Commission, la définition du harcèlement devrait tenir compte de l’intention, affirmée ou présumée, du prétendu harceleur, de la perception de la victime présumée, de la nature objective des faits et du contexte dans lequel ceux-ci sont survenus. Le Tribunal aurait, certes, précisé, au point 135 de l’arrêt Q/Commission, que, pour être qualifiés de harcèlement, les agissements en cause doivent avoir entraîné « objectivement » un discrédit de la victime ou une dégradation de ses conditions de travail. Toutefois, cette précision demeurerait insuffisante, car elle n’empêcherait pas que puissent tomber sous le coup de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut des comportements non abusifs susceptibles d’engendrer « objectivement » chez des personnes sujettes à des problèmes psychologiques une dégradation des conditions de travail ou un sentiment de déconsidération.

59      La Commission estime, dès lors, que, à défaut pour le Tribunal d’en revenir à la jurisprudence antérieure à l’arrêt Q/Commission, il conviendrait, en tout état de cause, de subordonner la qualification de harcèlement à la condition que le comportement litigieux revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale, le considérerait comme abusif.

60      En l’espèce, la Commission soutient que le comportement du second chef de délégation n’était objectivement pas de nature à discréditer la requérante ou à dégrader ses conditions de travail et ne pouvait donc être qualifié d’abusif au sens mentionné ci-dessus, mais qu’il était, au contraire, tout à fait normal dans le cadre d’une relation de travail. Le fait qu’aucun autre membre du personnel de la délégation d’Almaty, placé dans des conditions pourtant similaires, ne se soit considéré comme victime de harcèlement de la part du second chef de délégation montrerait que le sentiment de harcèlement de la requérante découlait uniquement de sa perception personnelle des faits.

61      Par ailleurs, l’IDOC et l’AIPN auraient considéré que les faits ne constituaient pas des actes de harcèlement en raison de leur nature, de sorte que la décision attaquée ne serait que partiellement fondée sur le défaut de caractère intentionnel du comportement du second chef de délégation.

62      Enfin, le comportement incriminé du second chef de délégation n’aurait pas été répétitif et systématique comme l’exige la définition du harcèlement moral.

63      À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal a jugé, aux points 133 et suivants de l’arrêt Q/Commission, que l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut ne fait nullement de l’intention malveillante du harceleur présumé un élément nécessaire de la qualification de harcèlement moral. Dans cet arrêt (voir aussi arrêt du Tribunal du 9 mars 2010, N/Parlement, F‑26/09, point 72), le Tribunal a, en effet, relevé ce qui suit :

« 134 [L]’article 12 bis, paragraphe 3, du statut définit le harcèlement moral comme une ‘conduite abusive’ qui requiert, pour être établie, que deux conditions cumulatives soient satisfaites. La première condition est relative à l’existence de comportements, paroles, actes, gestes ou écrits qui se manifestent ‘de façon durable, répétitive ou systématique’ et qui sont ‘intentionnels’. La seconde condition, séparée de la première par la préposition ‘et’, exige que ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient pour effet de ‘port[er] atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne’.

135 Du fait que l’adjectif ‘intentionnel’ concerne la première condition, et non la seconde, il est possible de tirer une double conclusion. D’une part, les comportements, paroles, actes, gestes ou écrits, visés par l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, doivent présenter un caractère volontaire, ce qui exclut du champ d’application de cette disposition les agissements qui se produiraient de manière accidentelle. D’autre part, il n’est en revanche pas requis que ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne. En d’autres termes, il peut y avoir harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut sans que le harceleur ait entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader délibérément ses conditions de travail. Il suffit seulement que ses agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences. »

64      En substance, la Commission estime que cette jurisprudence donne une part trop grande au ressenti de la prétendue victime et qu’elle est source d’insécurité.

65      Le Tribunal a, toutefois, précisé, au point 135 de son arrêt Q/Commission, que, pour être qualifiés de harcèlement, les agissements litigieux doivent avoir « entraîné objectivement [des] conséquences » emportant le discrédit de la victime ou la dégradation de ses conditions de travail. Les agissements en cause devant, en vertu de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, présenter un caractère abusif, il s’ensuit que la qualification de harcèlement est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, le considérerait comme excessif et critiquable.

66      En l’espèce, l’IDOC a constaté dans son rapport que « l’équipe chargée de l’enquête [avait] concl[u] que [l’intéressée] n’a[vait] pas fait l’objet d’un comportement visant objectivement à la discréditer ou à dégrader délibérément ses conditions de travail [et qu’]il sembl[ait] que, indépendamment de ses impressions subjectives, aucun des épisodes et comportement évoqués, pris isolément ou dans leur ensemble, ne saurait être considéré comme du harcèlement moral ».

67      Toutefois, la question à laquelle le Tribunal doit répondre est de savoir si la Commission, dans la décision attaquée et dans le rejet de la réclamation, a apprécié la situation de la requérante au vu d’une interprétation erronée de l’article 12 bis du statut, selon laquelle l’intention de l’auteur des faits incriminés de discréditer ou de dégrader délibérément les conditions de travail de celle-ci serait une condition du harcèlement.

68      Or, comme la requérante le relève elle-même, dans la décision portant rejet de la réclamation, l’AIPN a considéré que les allégations de harcèlement devaient être examinées « indépendamment de l’impression subjective de la victime ». En outre, la décision attaquée et la décision de rejet de la réclamation reposent sur des motifs qui tendent à établir que les allégations de harcèlement de la requérante n’avaient pas un caractère objectif. Ainsi, la décision attaquée relève que le fait, pour le second chef de délégation, de donner directement des instructions aux subordonnés de la requérante correspondait au style habituel de direction du personnel de celui-ci, sans qu’aient été mises en évidence des circonstances particulières pouvant laisser apparaître, dans l’adoption d’un tel comportement, une attitude de rejet à l’égard de la personne de la requérante. Ensuite, et en réponse à la demande de vérification de la requérante formulée dans le complément à la demande d’assistance du 28 novembre 2008, la Commission, toujours dans la décision attaquée, a observé qu’aucun autre fonctionnaire ou agent ne s’était plaint du comportement du second chef de délégation. Enfin, la décision de rejet de la réclamation s’appuie sur une analyse objective des fonctions de la requérante dont la Commission déduit que celle-ci faisait partie du personnel d’encadrement intermédiaire et que cette position n’empêchait pas le second chef de délégation de lui substituer un autre fonctionnaire pour assister à des réunions des pays donateurs pour le Kirghizstan.

69      Dès lors que la reconnaissance de l’existence d’un harcèlement, au sens des dispositions statutaires telles qu’interprétées par le Tribunal, suppose :

–        le caractère volontaire des comportements, paroles, actes, gestes ou écrits en cause,

–        sans pour autant requérir que ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne,

–        mais à condition qu’ils aient entraîné objectivement des conséquences emportant le discrédit de la victime ou la dégradation de ses conditions de travail,

le motif tiré par la Commission de ce que les actes incriminés n’étaient pas, objectivement, de nature à entraîner le discrédit de la requérante, est, à lui seul, suffisant pour justifier légalement la décision attaquée au regard de l’article 12 bis du statut, et ce quelle que soit l’interprétation retenue par l’IDOC.

70      Au demeurant, il convient de relever le caractère, en effet, très subjectif de l’appréciation, par la requérante, des agissements qu’elle reproche au second chef de délégation. Alors que celle-ci se plaint de ce que l’attitude de ce dernier l’aurait discréditée auprès d’ambassades et de représentations d’organisations internationales présentes au siège de la délégation régionalisée de Bichkek, les documents qu’elle a produits en annexe à ses observations sur le rapport d’enquête révèlent, au contraire, l’estime dont elle jouissait dans ces milieux.

71      Il découle de tout ce qui précède que le deuxième moyen n’est pas fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, de la violation de l’obligation de motivation, du manquement au devoir de sollicitude et du manquement au devoir d’assistance

72      Au regard des arguments avancés par la requérante au soutien de son troisième moyen, il convient de distinguer une première branche, tirée exclusivement d’une méconnaissance de l’obligation de motivation, d’une seconde branche, dénonçant essentiellement plusieurs erreurs manifestes d’appréciation, dont la requérante déduit également une violation de l’obligation de motivation et un manquement aux devoirs de sollicitude et d’assistance.

 Quant à la première branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

73      La requérante soutient que la décision attaquée, ainsi que la décision portant rejet de la réclamation, sont mal motivées dans la mesure où la Commission n’aurait pas répondu à son affirmation selon laquelle le second chef de délégation aurait poursuivi la pratique de son prédécesseur consistant à envoyer au Kirghizstan le personnel en poste à la délégation régionale du Kazakhstan sans la consulter ou, du moins, sans l’en informer et en la mettant ainsi dans l’embarras vis-à-vis des autorités de l’État hôte et de la communauté diplomatique.

74      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation satisfait aux exigences de l’article 25, deuxième alinéa, du statut doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 11 décembre 2007, Sack/Commission, T‑66/05, point 65, et arrêt du Tribunal du 13 septembre 2011, Nastvogel/Conseil, F‑4/10, point 66).

75      En outre, l’insuffisance initiale de la motivation peut être palliée par des précisions complémentaires apportées, même en cours d’instance, lorsque, avant l’introduction de son recours, l’intéressé disposait déjà d’éléments constituant un début de motivation (arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, point 36 ; et arrêt du Tribunal du 1er décembre 2010, Gagalis/Conseil, F‑89/09, point 67).

76      En l’espèce, il est exact que la décision attaquée et la décision de rejet de la réclamation n’évoquent pas spécifiquement le grief selon lequel le second chef de délégation aurait placé la requérante dans l’embarras en envoyant au Kirghizstan le personnel en poste à la délégation régionale du Kazakhstan sans la consulter ou du moins sans l’en informer. Toutefois, force est de constater que lesdites décisions sont motivées et que leur motivation mentionne, à tout le moins, qu’il relevait des prérogatives hiérarchiques normales du second chef de délégation de décider qui le remplacerait dans des réunions et d’y déléguer d’autres fonctionnaires que la requérante.

77      La Commission a, en outre, complété sa motivation dans ses écrits de procédure. Elle y a exposé que la pratique litigieuse doit être replacée dans le cadre particulier des rapports entre une délégation régionalisée et une délégation régionale qui conserve un certain nombre de responsabilités et que, dans ce cadre, cette pratique peut être acceptée. Elle a ajouté que le premier chef de délégation avait donné des instructions, demeurées en vigueur, tendant précisément à ce que la requérante soit toujours informée des missions au Kirghizstan, qu’elle soit invitée à assister aux réunions qui s’y tenaient et que des copies des rapports de mission lui soient transmises. Aussi, dans un contexte caractérisé par de nombreux projets et de fréquentes réunions, la Commission a-t-elle conclu que le fait que la requérante n’ait pas toujours été dûment informée pourrait être dû à des omissions fortuites plutôt qu’à une tentative de la discréditer.

78      Au vu de ce qui précède, la première branche du troisième moyen doit être rejetée.

 Quant à la seconde branche du troisième moyen, tirée principalement d’erreurs manifestes d’appréciation

79      La requérante prétend, premièrement, que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où la Commission a considéré, à tort, que le fait, pour le second chef de délégation, d’appeler les membres du personnel sur lequel elle avait autorité pour discuter de leurs tâches en son absence et pour transmettre des instructions à son intention par leur intermédiaire serait l’expression du droit du second chef de délégation de donner des instructions à ses subordonnés.

80      Toutefois, procéder par voie d’affirmation sans étayer celle-ci d’aucun argument, comme le fait la requérante, est insuffisant pour établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. Il en va d’autant plus ainsi, en l’espèce, que la Commission expose, de manière plausible, que, dans le contexte particulier des rapports entre une délégation régionale et une délégation régionalisée, le chef de la délégation régionale peut s’adresser directement aux membres du personnel de la délégation régionalisée et transmettre, par leur truchement, des instructions au chargé d’affaires placé à la tête de la délégation régionalisée, car ce personnel reste placé sous son autorité. Un tel mode d’exercice de l’autorité hiérarchique n’emporte pas, comme tel, le discrédit du chargé d’affaires placé à la tête de la délégation régionalisée ou la dégradation de ses conditions de travail, en l’absence de toutes autres circonstances en ce sens. La note verbale du 8 juin 2004 présentant la requérante comme chargé d’affaires ad intérim à Bichkek corrobore ce qui précède en précisant que « la délégation régionalisée à Bichkek est subordonnée à la délégation de la Commission […] à Almaty ».

81      La requérante soutient, deuxièmement, que la décision attaquée, comme la décision portant rejet de la réclamation, est affectée d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où elle y est désignée comme faisant partie du « personnel d’encadrement intermédiaire », alors qu’elle était « fonctionnaire résident responsable – chargé d’affaires [ad intérim] », investie, comme telle, d’un niveau de responsabilité plus important que celui du personnel d’encadrement intermédiaire, comme en témoignerait la convention sur les relations diplomatiques, signée à Vienne le 18 avril 1961 (ci-après la « convention de Vienne »).

82      Il y a cependant lieu de rappeler, d’une part, que la note verbale du 8 juin 2004, mentionnée ci-dessus, soulignait la subordination de la délégation régionalisée de Bichkek à la délégation régionale d’Almaty et d’observer, d’autre part, que cette note annonçait la nomination de la requérante en qualité de « chef de section Kirghizstan ». Il est, en outre, significatif que la requérante était, à l’époque des faits, titulaire du grade A*9, renommé AD 9, et que, dans le prolongement de la note verbale susmentionnée, elle travaillait, même en qualité de chargé d’affaires ad intérim à Bichkek, sous l’autorité et la responsabilité du chef de la délégation régionale d’Almaty, ainsi que cela ressort d’ailleurs des extraits des rapports d’évaluation qu’elle a produits au dossier de la présente affaire. De surcroît, en réponse à une question du Tribunal, la requérante s’est seulement prévalue, lors de l’audience, de huit années d’expérience en tant qu’analyste de la politique sécuritaire au sein des services de sécurité suédois, en précisant qu’avant son affectation à Bichkek, elle n’avait pas d’expérience au sein de la DG « Relations extérieures » de la Commission, en tout cas en tant que chargé d’affaires.

83      Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner le statut des chargés d’affaires ad intérim au regard de la convention de Vienne, laquelle régit seulement les relations des missions diplomatiques avec les États accréditaires, il n’apparaît pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, pour évaluer les relations de travail entre le second chef de délégation et la requérante, que celle-ci faisait partie, au sein de la Commission, du personnel d’encadrement intermédiaire.

84      À supposer même que la Commission ait mal interprété l’importance des chargés d’affaires ad intérim au regard de la convention de Vienne, la requérante n’explique pas en quoi cette erreur d’interprétation aurait pu conduire l’AIPN à commettre une erreur manifeste d’appréciation en refusant de reconnaître l’existence d’un harcèlement. La requérante indique, certes, que, ce faisant, l’AIPN aurait « persist[é] à porter atteinte à sa position ». Toutefois, à supposer que la requérante signifie par là que l’AIPN aurait elle-même contribué à son harcèlement, force est de constater qu’une erreur de droit ne saurait constituer en soi un acte aussi grave qu’un harcèlement. La requérante ne fournit, à cet égard, aucune explication.

85      La requérante prétend, troisièmement, que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où la Commission a considéré qu’elle se plaignait de ce que le choix de confier à un autre membre du personnel la tâche d’établir des rapports sur la situation politique au Kirghizstan l’avait empêchée d’assumer cette tâche, alors qu’elle critiquait, en réalité, le fait d’avoir reçu des instructions trompeuses à ce sujet et d’avoir ainsi été manipulée.

86      Il y a lieu d’observer, à cet égard, que, dans la demande d’assistance, la requérante a prétendu que le fait que le second chef de délégation lui ait demandé d’établir des « contributions » sur la situation au Kirghizstan sous forme de « rapports quotidiens de cinq lignes » et qu’il ait confié à un autre fonctionnaire de la délégation d’Almaty le soin de suivre les troubles survenus à Bichkek en novembre 2006, parce qu’elle ne fournissait pas une véritable analyse politique, donnait l’impression auprès de sa hiérarchie au siège de la Commission qu’elle n’était pas compétente pour établir des rapports politiques adéquats.

87      Dans la décision attaquée, la Commission a répondu, au vu du rapport d’enquête, que la responsabilité principale dans l’établissement des rapports sur la situation politique au Kirghizstan était demeurée entre les mains de la délégation d’Almaty, mais que la requérante avait été autorisée, et même encouragée, à participer à cette tâche, excluant ainsi implicitement, mais certainement, toute hypothèse de manipulation.

88      Au demeurant, le Tribunal n’aperçoit pas en quoi la Commission, en estimant que la requérante se plaignait d’avoir été empêchée d’établir des rapports sur la situation politique au Kirghizstan, aurait dénaturé le grief qu’elle soulevait et qui mettait l’accent sur le fait que le second chef de délégation aurait, en limitant son rôle dans l’établissement de tels rapports, tenté de démontrer son incompétence en la matière.

89      En toute hypothèse, la prétendue dénaturation des termes de la plainte pour harcèlement de la requérante manque de substance pour affecter la décision attaquée d’une erreur manifeste d’appréciation.

90      La requérante allègue, quatrièmement, que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de ses prérogatives en estimant que, lorsque le second chef de délégation ne se rendait pas lui-même au Kirghizstan, il relevait des pouvoirs de ce dernier de décider qui le remplacerait lors des réunions avec les pays donateurs pour le Kirghizstan ou avec d’autres interlocuteurs. En effet, en tant que « fonctionnaire résident responsable – chargé d’affaires [ad intérim] », elle seule aurait été habilitée, en vertu de la convention de Vienne, à représenter la Commission en l’absence du chef de délégation.

91      Le Tribunal n’estime cependant pas nécessaire de trancher, en l’espèce, la question de savoir si la désignation d’un chargé d’affaires ad intérim à la tête d’une délégation régionalisée empêche le chef de la délégation régionale dont relève ladite délégation régionalisée de désigner un autre fonctionnaire pour représenter la Commission lors de réunions organisées dans le pays où ce chargé d’affaires a été accrédité.

92      En effet, à supposer que la Commission ait, en l’espèce, mal interprété les prérogatives des chargés d’affaires ad intérim au regard de la convention de Vienne, cette éventuelle erreur de droit ne permettrait pas de conclure que l’AIPN aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant d’admettre l’existence d’un harcèlement. Certes, la requérante souligne que le second chef de délégation a demandé à un autre fonctionnaire de présider une réunion des pays donateurs pour le Kirghizstan en précisant : « pas [la requérante] ». Cependant, si la manière de procéder a pu déplaire à celle-ci, elle ne saurait établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’existence d’un harcèlement moral, lequel requiert un comportement durable, répétitif ou systématique et dont l’interprétation subjective par la prétendue victime ne peut être privilégiée. Or, force est de constater, avec la Commission, que la requérante a fait valoir, dans son rapport d’évaluation de l’année 2007, qu’elle participait régulièrement à des réunions de coordination avec les pays donateurs pour le Kirghizstan. De même, la requérante a indiqué dans son rapport d’évaluation pour l’année 2006 qu’elle avait joué, cette année-là, un rôle actif sur la scène diplomatique. Aussi, le comportement qu’elle reproche, en l’occurrence, au second chef de délégation, ne peut-il, en toute hypothèse, être qualifié de durable, répétitif ou systématique au sens de l’article 12 bis du statut.

93      En définitive, si, comme l’a relevé l’IDOC, plusieurs témoignages ont mis en exergue le manque de clarté dans la définition des tâches respectives des délégations régionales et des délégations régionalisées et si ce manque de clarté a pu être à l’origine des difficultés ressenties par la requérante, une imprécision organisationnelle quant à la répartition des tâches au sein d’une direction générale de la Commission ne saurait, comme telle, engendrer un harcèlement.

94      Dans la mesure où la requérante déduit, en outre, de l’existence des prétendues erreurs manifestes d’appréciation passées en revue ci-dessus une violation de l’obligation de motiver, il suffit de constater que, n’ayant pas établi l’existence de telles erreurs, elle ne démontre pas que l’AIPN aurait également méconnu son l’obligation de motivation. De plus, un vice de motivation, qui est un grief de forme, ne saurait être confondu avec un vice de légalité interne (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, point 72).

95      Enfin, la requérante déduit également des prétendues erreurs manifestes d’appréciation qu’elle a vainement dénoncées l’existence de manquements au devoir de sollicitude et au devoir d’assistance au titre de l’article 24 du statut. Dès lors que les griefs tirés d’erreurs manifestes d’appréciation ont été rejetés, il y a lieu de rejeter également, par voie de conséquence, les derniers griefs soulevés.

96      Le troisième moyen devant ainsi être également rejeté, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

98      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la requérante a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que la requérante soit condamnée aux dépens. Toutefois, compte tenu de ce que la fin de non-recevoir soulevée par la Commission a été rejetée, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure et de décider que la requérante supportera, outre ses propres dépens, trois quarts seulement des dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Skareby est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, trois quarts des dépens de la Commission européenne.

3)      La Commission européenne supporte un quart de ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Barents

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mai 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : l’anglais.