Language of document : ECLI:EU:T:2019:286

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

6 mai 2019 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Contrat à durée déterminée – Rejet initial par le requérant de l’offre de prorogation du contrat – Démission – Refus du droit à l’allocation de chômage – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑271/18,

Walter Mauritsch, ancien agent contractuel de l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux, demeurant à Vienne (Autriche), représenté par Mes S. Rodrigues et A. Champetier, avocats,

partie requérante,

contre

Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA), représentée par M. I. Ramallo, en qualité d’agent, assisté de Me A. Duron, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation, premièrement, de la décision de l’INEA du 24 janvier 2018 rejetant la réclamation du requérant du 4 octobre 2017 et, deuxièmement, de la décision de l’INEA du 2 août 2017 rejetant la demande indemnitaire du requérant du 10 avril 2017 et, d’autre part, à la réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi du fait de ces décisions,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz (rapporteur) et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Walter Mauritsch, a été recruté par l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA), le 16 février 2015, en tant qu’agent contractuel dans le groupe de fonctions IV, grade 14, classe 1, pour une durée de deux ans.

2        À plusieurs reprises, le requérant s’est plaint de ses conditions de travail. Le 7 septembre 2016, lors d’une réunion, le requérant a ainsi informé oralement M. R., son chef d’unité, de son insatisfaction quant à l’organisation de son travail en raison, notamment, de la prépondérance des tâches administratives parmi ses tâches de responsable de projet. Par courriel du 8 septembre 2016, le requérant a répété son insatisfaction.

3        Le 20 octobre 2016, l’INEA a offert au requérant de proroger son contrat pour une période d’un an.

4        Le 25 octobre 2016, Mme B., une responsable au département des ressources humaines de l’INEA, a invité oralement le requérant à venir dans son bureau pour signer la prorogation de son contrat. Par courriel daté du même jour, le requérant a demandé une copie des documents en question « pour les lire attentivement avant de signer ».

5        Par courriel du 26 octobre 2016, Mme B. a invité le requérant à venir chercher les documents dans son bureau. Par courriel du même jour, le requérant a répondu qu’il viendrait immédiatement.

6        Le 28 octobre 2016, le requérant a informé, au cours d’une réunion, son chef d’unité de son refus d’accepter l’offre de prorogation et lui en a expliqué les raisons, à savoir son insatisfaction persistante quant à ses conditions de travail.

7        Par courriel du 9 novembre 2016, le requérant a à nouveau indiqué à son chef d’unité qu’il refusait l’offre de prorogation de son contrat pour les raisons précédemment indiquées et que son engagement prendrait donc fin le 15 février 2017.

8        Le 14 novembre 2016, le requérant a rencontré le chef de département, M. H, et le directeur de l’INEA, M. B., pour leur expliquer les raisons pour lesquelles il avait refusé de proroger son contrat.

9        Par courriel du même jour, le requérant a fait part à Mme B. de ce qu’il avait informé sa hiérarchie de son refus d’accepter l’offre de prorogation de son contrat et a commencé à s’enquérir des préparatifs de son départ, précisant qu’il aurait besoin de renseignements ou d’être mis en contact avec une personne « notamment en ce qui concerne les allocations (chômage, jours de déménagement,…) ». Aussitôt, Mme S., une responsable au département des ressources humaines de l’INEA, qui était en copie de ce courriel, a informé le requérant qu’il devait adresser un courriel au directeur de l’INEA indiquant son refus d’accepter la prorogation du contrat ainsi que la date de cessation de son travail et que, à la suite de cela, débuterait la procédure administrative relative à son départ. Le requérant a alors réitéré par courriel au directeur de l’INEA son rejet de l’offre de prorogation de son contrat et a indiqué la date de cessation de ses fonctions.

10      Toujours à cette même date, le directeur de l’INEA a pris acte par courriel du refus du requérant. Plus précisément, il a indiqué « accepter » ce refus.

11      Le 21 novembre 2016, le requérant a encore demandé à Mme B. des informations quant à son départ. En particulier, il lui a posé la question suivante :

« Que dois-je préparer bien en avance afin de prévenir tout retard dans l’obtention de l’allocation de chômage en Autriche juste après la fin de mon contrat à l’INEA ? »

12      Le 23 novembre 2016, Mme B. a fourni au requérant des informations en réponse à ses demandes. Concernant l’allocation de chômage, elle a précisé ce qui suit :

« Comme indiqué dans le guide destiné aux personnes quittant l’INEA, vous devez prendre contact avec l’Office de gestion et de liquidation des droits individuels (PMO) dans les huit jours suivant la fin de votre engagement, afin de traiter toutes les questions relatives à l’allocation de départ et à l’allocation de chômage. De notre côté, nous allons vous préparer un formulaire C4, que vous devrez utiliser pour obtenir l’allocation de chômage. Nos collègues du PMO seront en mesure de vous donner des renseignements complémentaires sur la manière d’obtenir cette allocation en Autriche. Nous ne savons pas si cela est possible. Toutefois, veuillez noter que l’allocation de chômage peut vous être versée par l’État belge. »

13      Le 10 janvier 2017, le requérant a demandé la tenue d’une réunion pour clarifier certains aspects de la fin de son engagement, dont ceux relatifs à l’allocation de chômage.

14      Le 12 janvier 2017, une réunion s’est tenue au cours de laquelle le requérant a été informé que son refus d’accepter la prorogation de son contrat serait considéré comme une démission. Il n’aurait donc pas droit à l’allocation de chômage. Cette information figurait également sur une décision signée par le directeur de l’INEA le 11 janvier 2017, que le requérant s’est vu remettre lors de cette réunion.

15      Le 23 janvier 2017, après avoir obtenu une nouvelle confirmation de ce qu’il n’aurait pas droit à l’allocation de chômage, le requérant a indiqué avoir reconsidéré son refus et accepté par conséquent l’offre de prorogation de son contrat. Il a précisé que cette acceptation n’avait d’autre objectif que de lui assurer les droits à ladite allocation.

16      Le 27 janvier 2017, le directeur de l’INEA a opposé un refus au requérant et lui a indiqué, premièrement, que le refus d’accepter une prorogation de contrat était considéré comme une démission et, deuxièmement, qu’il maintenait son acceptation de la démission que le requérant lui avait soumise le 14 novembre 2016.

17      Le 10 avril 2017, le requérant a introduit une réclamation, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut »), dirigée contre la décision du directeur de l’INEA du 11 janvier 2017. À titre subsidiaire, le requérant a demandé la réparation du préjudice matériel subi du fait de la prétendue absence d’informations suffisantes de la part de l’INEA quant aux conséquences de sa décision sur ses droits à l’allocation de chômage.

18      Par décision du 2 août 2017, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») a rejeté la réclamation et la demande indemnitaire.

19      Le 4 octobre 2017, le requérant a introduit une réclamation, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre du rejet de sa demande indemnitaire du 10 avril 2017.

20      Par décision du 24 janvier 2018, l’AHCC a rejeté cette réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2018, le requérant a introduit le présent recours.

22      Aucune des parties n’a demandé la tenue d’une audience dans les délais prévus à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Le Tribunal (quatrième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

23      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, d’une part, la décision de l’INEA du 24 janvier 2018 rejetant sa réclamation du 4 octobre 2017 et, d’autre part, la décision de l’INEA du 2 août 2017 rejetant sa demande indemnitaire du 10 avril 2017 ;

–        condamner l’INEA à réparer le préjudice matériel qu’il aurait subi en raison de la prétendue faute de celle-ci, ce préjudice correspondant à la perte de son droit de bénéficier d’un maximum de trois ans d’allocations de chômage, à majorer du taux d’intérêt applicable ;

–        condamner l’INEA aux dépens.

24      L’INEA demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande d’indemnisation ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

25      Le requérant demande, outre la réparation du préjudice matériel qu’il aurait subi, l’annulation de la décision du 24 janvier 2018 rejetant sa réclamation ainsi que de la décision du 2 août 2017 rejetant sa demande d’indemnisation.

26      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable au recours en responsabilité formé devant le Tribunal et que, par conséquent, les conclusions en annulation d’une telle décision ne peuvent pas être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en indemnité. En effet, l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le Tribunal d’une demande en indemnité (arrêts du 18 décembre 1997, Gill/Commission, T‑90/95, EU:T:1997:211, point 45 ; du 6 mars 2001, Ojha/Commission, T‑77/99, EU:T:2001:71, point 68, et du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑209/99, EU:T:2002:296, point 32). Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les conclusions en annulation formulées par le requérant (arrêts du 14 octobre 2004, Cagnato/Cour de justice, T‑390/02, non publié, EU:T:2004:309, point 57, et du 6 mai 2009, M/EMEA, T‑12/08 P, EU:T:2009:143, point 77).

27      En conséquence, pour apprécier le bien-fondé de la demande indemnitaire contenue dans la demande du 10 avril 2017, le Tribunal doit seulement vérifier si les conditions d’engagement de la responsabilité de l’INEA, en raison des agissements dénoncés dans cette demande indemnitaire, sont remplies.

 Sur les conclusions indemnitaires

28      En premier lieu, le requérant prétend que le comportement adopté à son égard par l’INEA est fautif.

29      Le requérant fait valoir en substance que l’INEA était parfaitement au courant de son intention de ne pas accepter l’offre de prorogation de son contrat et qu’elle aurait dû, en conséquence, lui donner des informations précises concernant les droits sociaux dont il serait titulaire s’il refusait de proroger son contrat, lui permettant ainsi de faire le choix le plus éclairé possible.

30      En particulier, premièrement, le requérant reproche à l’INEA de ne pas l’avoir informé que le refus de proroger son contrat serait considéré comme une démission, alors même qu’une telle règle ne figurerait pas, en tant que telle, dans le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») et qu’elle découlerait uniquement de l’arrêt du 17 avril 2002, Sada/Commission (T‑325/00, EU:T:2002:101), qui serait isolé et ancien, puisqu’il aurait été prononcé avant que le traité de Lisbonne ne confère à l’article 15, paragraphe 1, et à l’article 34 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») la même valeur juridique que les traités.

31      En outre, l’interprétation de l’article 34 de la Charte proposée par l’INEA serait erronée. En effet, la référence faite par cette disposition à la « perte d’emploi » serait générale et s’appliquerait ainsi aussi bien à la perte forcée qu’à la perte volontaire d’un emploi. En effet, le sens habituel du mot « démission » ne s’étendrait pas non plus à la non-prorogation d’un contrat. Le requérant n’aurait donc pas pu savoir que son refus de proroger son contrat serait assimilé à une démission et l’INEA n’aurait pas pris la précaution spéciale consistant à l’informer par avance des conséquences de son éventuel refus sur son droit à l’allocation de chômage. L’INEA n’aurait d’ailleurs pas répondu dans son mémoire en défense à l’argument du requérant selon lequel l’arrêt du 17 avril 2002, Sada/Commission (T‑325/00, EU:T:2002:101), devrait être reconsidéré à la lumière de la Charte.

32      Deuxièmement, tout d’abord, le requérant affirme que, en s’abstenant de lui fournir des informations claires et appropriées quant à ses droits sociaux en cas de refus de proroger son contrat, l’INEA a violé le devoir de sollicitude qui pèse sur l’administration à l’égard de ses agents ainsi que le principe de bonne administration. Elle aurait ainsi violé son devoir de fournir des informations correctes, complètes et opportunes.

33      Ensuite, la réponse de l’INEA aux questions du requérant, dont la référence faite dans le courriel du 23 novembre 2016 à la préparation d’un formulaire C4, aurait été trompeuse et l’aurait conduit à croire qu’il aurait effectivement droit à l’allocation de chômage. Cela serait confirmé par le guide pratique de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission européenne de 2013 quant à la fin de service des agents temporaires et contractuels.

34      En outre, l’argument de l’INEA selon lequel le courriel du 23 novembre 2016 ne contenait que des formules d’usage serait erroné. Il s’agirait, au contraire, d’une réponse personnalisée spécifiquement adressée au requérant en réponse à son propre courriel, lequel aurait été clair et précis.

35      Enfin, l’INEA aurait su que le requérant retournerait en Autriche et qu’il devrait postuler depuis ce pays pour l’octroi des allocations de chômage. En conséquence, la question posée par le requérant dans son courriel du 21 novembre 2016 aurait été claire et, en cas de doute, il aurait incombé à l’INEA de demander des clarifications au requérant ou de lui dire qu’il n’aurait pas droit aux allocations en cause.

36      Troisièmement, si l’INEA soutient que le requérant a été informé oralement à plusieurs reprises de la perte de ses allocations de chômage en cas de refus de proroger son contrat, elle ne produirait aucun élément de preuve à cet égard. Par conséquent, l’incertitude concernant les informations orales qui auraient été données au requérant devrait être mise à la charge de l’INEA. En outre, si le requérant avait reçu cette information dès le 26 octobre 2016, comme le prétend l’INEA, il paraîtrait étrange qu’il ait encore demandé des informations quant à son droit aux allocations de chômage les 14 et 21 novembre 2016 ainsi que le 10 janvier 2017. Il serait donc clair que le requérant ignorait qu’il n’aurait pas droit aux allocations de chômage quand il a annoncé son refus de l’offre de prorogation de son contrat.

37      En second lieu, le requérant soutient que les conditions tenant à l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité sont également satisfaites.

38      L’INEA conteste les arguments du requérant.

39      À cet égard, à titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’une demande de dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire, l’engagement de la responsabilité de l’Union européenne suppose que la partie requérante démontre la réunion d’un ensemble de conditions concernant l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42, et du 26 mai 1998, Bieber/Parlement, T‑205/96, EU:T:1998:110, point 48). En outre, dans la mesure où ces trois conditions doivent être cumulativement remplies, le fait que l’une d’entre elles fait défaut suffit pour rejeter un recours en indemnité (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14).

40      En l’espèce, le Tribunal estime opportun de débuter par l’examen de la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché à l’INEA.

41      À cet égard, il est bien établi que le contentieux en matière de fonction publique au titre de l’article 270 TFUE et des articles 90 et 91 du statut, y compris celui visant à la réparation d’un dommage causé à un fonctionnaire ou à un agent, obéit à des règles particulières et spéciales au regard de celles découlant des principes généraux régissant la responsabilité non contractuelle de l’Union dans le cadre de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. En effet, il ressort notamment du statut que, à la différence de tout autre particulier, le fonctionnaire ou l’agent de l’Union est lié à l’institution dont il dépend par une relation juridique d’emploi comportant un équilibre de droits et d’obligations réciproques spécifiques, qui est reflétée par le devoir de sollicitude de l’institution à l’égard de l’intéressé. Cet équilibre est essentiellement destiné à préserver la relation de confiance qui doit exister entre les institutions et leurs fonctionnaires aux fins de garantir aux citoyens le bon accomplissement des missions d’intérêt général dévolues aux institutions. Il s’ensuit que, lorsqu’elle agit en tant qu’employeur, l’Union est soumise à une responsabilité accrue, se manifestant par l’obligation de réparer les dommages causés à son personnel par toute illégalité commise en sa qualité d’employeur (voir arrêt du 16 décembre 2010, Commission/Petrilli, T‑143/09 P, EU:T:2010:531, point 46 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 juillet 2012, Commission/Nanopoulos, T‑308/10 P, EU:T:2012:370, point 103).

42      En conséquence, la responsabilité non contractuelle de l’Union, lorsqu’elle est mise en jeu sur le fondement des dispositions de l’article 270 TFUE, peut être engagée en raison de la seule illégalité d’un acte faisant grief ou d’un agissement non décisionnel, et ce sans qu’il soit besoin de s’interroger sur la question de savoir s’il s’agit d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt du 14 juin 2018, Spagnolli e.a./Commission, T‑568/16 et T‑599/16, EU:T:2018:347, point 196).

43      Selon une jurisprudence constante, tout en n’étant pas mentionné dans le statut, le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir ainsi que le principe de bonne administration impliquent notamment que, lorsqu’elle se prononce sur la situation d’un fonctionnaire, l’autorité compétente prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêts du 23 octobre 1986, Schwiering/Cour des comptes, 321/85, EU:C:1986:408, point 18 ; du 20 juin 1990, Burban/Parlement, T‑133/89, EU:T:1990:36, point 27, et du 14 novembre 2006, Neirinck/Commission, T‑494/04, EU:T:2006:344, point 162).

44      Quant au principe de bonne administration, il convient d’ajouter qu’il découle de l’article 41 de la Charte qu’il octroie à toute personne, y compris aux fonctionnaires de l’Union, le droit au traitement impartial, équitable et dans un délai raisonnable des affaires les concernant. Ce droit comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard, le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires, l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions ainsi que le droit à la réparation par l’Union des dommages causés par les institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres. Il découle de la jurisprudence que ce principe impose également aux institutions de l’Union d’appliquer correctement les textes (arrêt du 14 juin 1988, Christianos/Cour de justice, 33/87, EU:C:1988:300, point 23).

45      En l’espèce, premièrement, le requérant ne saurait prétendre que l’INEA savait parfaitement qu’il allait refuser l’offre de prorogation de son contrat. En effet, le 25 octobre 2016, invité par Mme B. à venir signer la prorogation de son contrat, le requérant a demandé une copie des documents à signer, de manière à pouvoir les lire au préalable. Or, ce faisant, le requérant a indiqué à l’INEA qu’il était lui-même en train d’étudier cette offre et ne lui a en aucun cas fait comprendre qu’il allait probablement la refuser. Ce n’est qu’ultérieurement, à savoir au plus tard le 28 octobre 2016, lorsque le requérant a informé son chef d’unité de sa décision de ne pas accepter l’offre de prorogation de son contrat (voir point 6 ci-dessus), que la hiérarchie du requérant a pris connaissance du rejet de cette offre par ce dernier.

46      Deuxièmement, il ressort du dossier que l’administration ne pouvait pas entrevoir que la décision du requérant quant à l’offre de prorogation de son contrat serait conditionnée par l’obtention de l’allocation de chômage après la fin dudit contrat. Ses déclarations orales et écrites révèlent de manière univoque que sa décision de rejeter l’offre de prorogation de son contrat a été prise au regard de son insatisfaction persistante au travail. Par ailleurs, le requérant n’a pas interrogé préalablement l’administration pour l’éclairer quant aux conséquences d’un rejet de l’offre en question sur ses droits à l’allocation de chômage.

47      En effet, il doit être rappelé que le requérant a annoncé à sa hiérarchie sa décision de rejeter l’offre de prorogation de son contrat au plus tard le 28 octobre 2016. Il l’a ensuite confirmée par courriel du 9 novembre 2016 et oralement lors de la réunion du 14 novembre 2016 (voir points 7 et 8 ci-dessus). C’est par un courriel daté également du 14 novembre 2016 que le requérant a fait part à Mme B. de ce qu’il avait informé sa hiérarchie de sa décision de refuser l’offre de prorogation de son contrat et qu’il a commencé à s’enquérir des préparatifs de départ, précisant qu’il aurait besoin de renseignements ou d’être mis en relation avec une personne « notamment en ce qui concerne les allocations (chômage, jours de déménagement,…) » (voir point 9 ci-dessus). Mme S., qui était en copie de ce dernier courriel, a informé le requérant qu’il devait adresser un courriel au directeur de l’INEA, indiquant son refus de signer la prorogation du contrat ainsi que la date de cessation de ses fonctions, et que, à la suite de cela, débuterait la procédure administrative relative à son départ. C’est immédiatement à la suite de la réception de cette réponse et sans attendre des explications quelconques relatives à l’allocation de chômage que le requérant a réitéré par courriel au directeur de l’INEA son rejet de l’offre de prorogation de son contrat et a indiqué la date de cessation de ses fonctions, à savoir le 15 février 2017. Par retour du courriel, ce dernier a formellement accepté ledit refus.

48      Dans ces circonstances, le requérant ne saurait reprocher à l’INEA de ne pas l’avoir informé des conséquences de son refus de proroger son contrat sur son droit à l’allocation de chômage, ni prétendre que ce refus était vicié.

49      Il est vrai que l’INEA ne présente aucune preuve démontrant qu’elle aurait, dès le 26 octobre 2016, oralement informé le requérant qu’il n’aurait pas droit à l’allocation de chômage, en vertu de l’article 96 du RAA, s’il décidait de ne pas accepter l’offre de prorogation de son contrat. Il convient, cependant de rappeler que, bien que le devoir de sollicitude impose à l’INEA de tenir compte notamment de l’intérêt du requérant, cette obligation ne pouvait aller jusqu’à la contraindre à le prévenir des conséquences possibles en cas de refus de l’offre de prorogation de son contrat qui lui avait été faite. Il en est d’autant plus ainsi que l’INEA ne pouvait pas savoir que la décision du requérant dépendait d’autres facteurs que ceux avancés par ce dernier, à savoir l’insatisfaction persistante au travail. À cet égard, il convient de rappeler qu’il a été déjà jugé que, hormis des cas où sont réunies des circonstances particulières, tenant notamment à la situation d’extrême vulnérabilité dans laquelle se trouve l’intéressé et où l’administration pourrait être tenue de s’acquitter d’obligations renforcées au titre du devoir de sollicitude et de bonne administration, elle n’est pas assujettie en principe à une large obligation positive d’assister les fonctionnaires ou les agents de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2018, SH/Commission, T‑283/17, EU:T:2018:917, points 105 et 106 et jurisprudence citée).

50      En outre, l’INEA s’est acquittée de son devoir de sollicitude, dans le respect du principe de bonne administration, en organisant plusieurs réunions au cours desquelles il était loisible au requérant d’interroger sa hiérarchie et l’administration de l’INEA quant à ses droits sociaux, et ce même après ses refus initiaux d’accepter l’offre.

51      Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, tout fonctionnaire ou agent normalement diligent est censé connaître le statut (voir arrêt du 19 mai 1999, Connolly/Commission, T‑34/96 et T‑163/96, EU:T:1999:102, point 168 et jurisprudence citée) et, plus particulièrement, les règles régissant sa rémunération ou, comme en l’espèce, l’allocation de chômage (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Stempels/Commission, 310/87, EU:C:1989:9, point 10, et du 5 novembre 2002, Ronsse/Commission, T‑205/01, EU:T:2002:269, point 46).

52      À cet égard, la diligence normale qui peut être attendue d’un fonctionnaire ou d’un agent s’apprécie au regard de sa formation, de son grade, de son expérience professionnelle et du degré de clarté des dispositions statutaires (voir, en ce sens, arrêts du 10 février 1994, White/Commission, T‑107/92, EU:T:1994:17, point 47 ; du 5 novembre 2002, Ronsse/Commission, T‑205/01, EU:T:2002:269, point 52, et du 14 décembre 2017, Trautmann/SEAE, T‑611/16, non publié, EU:T:2017:917, point 109 et jurisprudence citée). En l’occurrence, premièrement, il découle de l’article 82, paragraphe 2, sous c), du RAA que le recrutement d’un agent contractuel dans le groupe de fonctions IV requiert au minimum un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires de trois années au moins sanctionné par un diplôme ou, lorsque l’intérêt du service le justifie, une formation professionnelle de niveau équivalent. Deuxièmement, le requérant a été recruté dans le groupe de fonctions IV, grade 14, échelon 1, auquel correspondent, selon l’article 80 du RAA, notamment des tâches administratives et de conseil, et qu’il exerçait en tant que responsable de projets. Troisièmement, il avait une ancienneté de 56 mois en tant qu’agent de l’Union. Partant, le requérant ne saurait faire valoir son ignorance quant à l’interprétation de l’article 96 du RAA. Quatrièmement, force est de constater que l’objectif à la lumière duquel il convient d’interpréter les dispositions du statut relatives au régime de l’allocation de chômage, dont les articles 28 bis et 96 du RAA, est clair en ce qu’il consiste à apporter une assistance financière à l’agent qui se trouve sans emploi après une cessation de service qui n’est pas imputable à sa volonté ou au comportement fautif de ce dernier, de sorte qu’un refus de prorogation d’un contrat à durée déterminée est considéré comme une démission, à la suite de laquelle ledit agent n’a pas droit à l’allocation de chômage (voir, en sens, arrêt du 17 avril 2002, Sada/Commission, T‑325/00, EU:T:2002:101, points 32 à 36).

53      Le requérant soutient, certes, que cet arrêt précède l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en vertu duquel la Charte, et notamment son article 15, paragraphe 1, et son article 34 ont acquis la même valeur juridique que les traités. Toutefois, le requérant reste en défaut d’en tirer la moindre conclusion juridique. Il n’explique aucunement en quoi lesdites dispositions seraient pertinentes en l’espèce, ni n’expose aucune argumentation juridique à cet égard. Les allégations du requérant quant à l’article 15, paragraphe 1, et à l’article 34 de la Charte doivent donc être rejetés comme étant manifestement irrecevables. Si tant est, toutefois, qu’il faille interpréter ces allégations comme visant à remettre en cause la validité de la solution retenue dans l’arrêt du 17 avril 2002, Sada/Commission (T‑325/00, EU:T:2002:101), il suffirait de constater que le requérant avait tout loisir d’en contester l’application à son cas dans le cadre d’une réclamation et, le cas échéant, dans le cadre d’un recours en annulation. Si, en revanche, il convenait d’interpréter lesdites allégations comme visant à démontrer que le requérant ne pouvait avoir connaissance de cet arrêt, il conviendrait de les écarter comme n’étant pas fondées. En effet, de telles allégations reviendraient à considérer que, du seul fait du caractère nouvellement contraignant de l’article 15, paragraphe 1, et de l’article 34 de la Charte, les fonctionnaires et agents de l’Union ne sont plus censés connaître les règles régissant l’allocation de chômage qui ont été fixées avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et qui n’ont fait l’objet d’aucune modification expresse par la suite.

54      Partant, à supposer même que l’INEA ait omis de prévenir le requérant en temps utile des conséquences de son refus sur son droit à l’allocation de chômage, le requérant aurait dû, à tout le moins, s’enquérir préalablement de cette question auprès de son administration.

55      Troisièmement, si le requérant soutient, en substance, que les informations relatives à la préparation d’un formulaire C4 qui lui ont été transmises par l’INEA le 23 novembre 2016 l’ont induit en erreur en ce qu’elles lui ont fait croire qu’il aurait droit à l’allocation de chômage, cette argumentation ne saurait prospérer. Dans son courriel du 23 novembre 2016, l’INEA s’est contentée de répondre au courriel du requérant demandant ce qu’il devait « préparer bien en avance afin de prévenir tout retard dans l’obtention de l’allocation de chômage en Autriche juste après la fin de [son] contrat à l’INEA ». L’INEA a, premièrement, invité le requérant à contacter le PMO pour toutes les questions liées à l’allocation de chômage, deuxièmement, indiqué ne pas savoir si le requérant pourrait obtenir l’allocation de chômage en Autriche et, troisièmement, informé le requérant qu’elle préparerait un formulaire C4 qu’il « devr[ait] utiliser pour obtenir l’allocation de chômage ». Or, ce faisant, l’INEA n’a aucunement indiqué au requérant qu’il aurait droit à l’allocation de chômage en Autriche. Au contraire, elle s’est gardée de prendre position à cet égard.

56      En tout état de cause, il y a lieu de constater que la réponse de l’INEA du 23 novembre 2016 est postérieure à la décision du requérant du 28 octobre 2016, répétée par la suite à plusieurs reprises, de refuser l’offre qui lui a été faite. Ainsi, le requérant ne saurait soutenir avoir été « induit en erreur » par ladite réponse, qui ne saurait avoir eu une influence quelconque sur sa décision.

57      Il s’ensuit que le requérant n’a pas établi l’existence d’une faute commise par l’INEA.

58      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deux autres conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union, à savoir la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité.

59      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’INEA

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Walter Mauritsch est condamné aux dépens.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mai 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.