Language of document : ECLI:EU:F:2007:15

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

25 janvier 2007 (*)

« Fonctionnaires – Réaffectation – Article 7, paragraphe 1, du statut – Erreur manifeste d’appréciation – Principe d’égalité de traitement – Détournement de pouvoir – Intérêt du service »

Dans l’affaire F‑55/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Augusto de Albuquerque, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Woluwé-Saint-Étienne (Belgique), représenté par Me C. Mourato, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 novembre 2006,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 2 mai 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 9 mai suivant), le requérant demande l’annulation de la décision du directeur général de la direction générale (DG) « Société de l’information et médias » de la Commission des Communautés européennes, du 23 septembre 2005, le réaffectant à l’emploi de chef de l’unité G 2 « Micro et nanosystèmes » (ci-après la « décision attaquée ») ainsi que de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), du 2 février 2006, portant rejet de sa réclamation contre la décision attaquée.

 Cadre juridique

2        Selon l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») :

« L’[AIPN] affecte, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité, chaque fonctionnaire à un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade. »

3        La décision de la Commission, du 12 février 2002, arrêtant les lignes directrices sur la mobilité [SEC (2002) 146], prévoit, aux points 2.3.1 et 2.3.2, ce qui suit :

« 2.3.1 Généralistes

[…]

(2)      La durée des ‘périodes de référence’ :

–        En règle générale, les fonctionnaires devraient envisager un changement d’affectation après avoir passé dans le même emploi au moins deux ans (période minimale), mais pas plus de cinq ans (période ‘normale’).

–        Les nouveaux fonctionnaires devraient acquérir une large expérience au début de leur carrière ; on pourrait donc considérer que trois ans constituent une durée raisonnable pour une première affectation.

–        Les fonctionnaires âgés de 55 ans et plus et désireux de rester à leur poste peuvent continuer à l’occuper. Toutefois, ils pourraient être invités à assurer des activités telles que le parrainage de nouveaux fonctionnaires ayant rejoint l’unité.

[…]

2.3.2           Spécialistes

[…]

Le problème, qui se pose, est de savoir comment pourvoir le poste que le spécialiste laisse vacant. La difficulté à laquelle se heurte l’institution est de parvenir à un juste équilibre entre la nécessité d’offrir de bonnes perspectives de carrière à tout son personnel et les coûts (recrutement, formation) qu’elle est disposée à supporter pour remplacer les bons spécialistes qui quittent leur poste pour un domaine d’activité plus général. En outre, il s’avère que les fonctionnaires concernés n’expriment pas souvent un souhait spécifique de changer complètement du domaine de travail.

Pour toutes ces raisons, la politique de mobilité ne saurait être la même pour les spécialistes que pour les généralistes, de sorte qu’il est souhaitable de traiter au cas par cas et dans le cadre d’une approche plus souple les problèmes qu’elle soulève, en respectant les principes suivants :

(1)      Sauf dans les cas exceptionnels, les spécialistes que sont, par exemple, les interprètes, les traducteurs ou les informaticiens, resteront selon toute vraisemblance dans leur domaine professionnel. Par conséquent, lorsqu’un fonctionnaire occupant un poste de spécialiste fait de la mobilité, le poste laissé vacant sera probablement également occupé par un spécialiste.

Dans une telle situation, les services employant un grand nombre de spécialistes peuvent concevoir et mettre en place des systèmes de mobilité croisée ou de rotation pour faciliter la mobilité de leur personnel.

[…] »

4        Aux termes du point 2.4 des mêmes lignes directrices :

« En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du statut, le fonctionnaire peut être réaffecté, avec son poste, vers une autre unité dans l’intérêt du service. Ces mutations peuvent s’opérer à l’intérieur d’une direction générale ou entre les directions générales.

Les mutations dans l’intérêt du service constituent l’exception à la règle générale de la mobilité volontaire. En tout état de cause, le fonctionnaire devra être préalablement informé et consulté, sauf cas urgents et exceptionnels. […] »

5        Par ailleurs, la Commission a adopté, le 28 avril 2004, la décision C (2004) 1597, relative au personnel d’encadrement intermédiaire et publiée aux Informations administratives n° 73‑2004, du 23 juin 2004 (ci-après la « décision PEI »).

6        Aux termes de l’article 12 de ladite décision relatif à la mobilité :

« Par dérogation aux lignes directrices sur la mobilité, les règles suivantes s’appliquent.

1.      La mobilité est non seulement encouragée et considérée comme un élément déterminant dans le cadre des promotions, mais elle est également obligatoire pour l’ensemble des fonctions d’encadrement intermédiaire (sensibles ou non). Cela ne limite en rien le droit de l’AIPN de recourir à l’article 7, paragraphe 1, du statut (affectation dans l’intérêt du service).

2.       Les chefs d’unité changent d’affectation au sein de la même direction générale ou entre directions générales cinq ans après leur prise de fonctions, mais pas avant deux ans de service au moins.

[…]

3.      Au terme de cette période de cinq ans, le fonctionnaire est tenu d’évoluer vers un autre emploi (en règle générale, à l’issue d’une nouvelle procédure de sélection ou bien à la suite d’un redéploiement au sein d’une direction générale). S’il existe une raison valable et justifiée (par exemple, l’achèvement d’une mission particulière liée à l’emploi ou le départ prochain en retraite de l’intéressé), le directeur général peut décider le maintien du fonctionnaire à son poste au-delà de cinq ans.

4.       Un chef d’unité ne sera autorisé à rester au même emploi pendant plus de sept ans que dans des cas exceptionnels. En effet, la mobilité obligatoire pour des chefs d’unité possédant des aptitudes et/ou exerçant des fonctions très spécifiques n’est pas réalisable (par exemple, au Centre commun de recherche ou pour certains emplois du cadre linguistique). Dans ces circonstances, le directeur général concerné adressera une demande dûment justifiée au directeur général du personnel, qui pourra octroyer une dérogation. »

7        L’article 13 de la décision PEI dispose :

« Les chefs d’unité peuvent être réaffectés à un emploi hors encadrement, tout en conservant le même grade.

[…]

La réaffectation à un emploi hors encadrement peut intervenir dans les cas décrits ci-après.

1.      Insuffisance des capacités d’encadrement du chef d’unité

[…]

2.      Redéploiement ou restructuration de l’organigramme en raison de changements de politique et réaffectation pour cause de mobilité liée à un poste sensible

[…]

3.      Désistement

[…] »

 Faits à l’origine du litige

8        M. de Albuquerque est entré au service de la Commission le 16 novembre 1989, en qualité d’agent temporaire de grade A 5, et a été affecté, au sein de la DG « Télécommunications, industries de l’information et innovation », à la direction en charge du programme RACE (« Research and Development in Advanced Communications Technologies in Europe »).

9        Le 16 mars 1993, le requérant a été nommé, toujours en qualité d’agent temporaire, chef de l’unité B 1 « Conception des politiques » de cette même DG, alors dénommée « Télécommunications, marché de l’information et valorisation de la recherche ». Il a été promu au grade A 4 le 1er décembre 1993 et au grade A 3 le 1er février 1997.

10      Le 1er avril 2001, le requérant a été nommé fonctionnaire de grade A 3.

11      Le 1er janvier 2003, il a été désigné chef de l’unité D 2 « Systèmes audiovisuels », puis, le 1er février 2004, chef de l’unité D 1 « Technologie des communications » dans la même DG, qui avait entre-temps été renommée « Société de l’information et médias ».

12      M. da Silva, quant à lui, a été nommé, le 17 septembre 2004, directeur de la direction D « Technologie des réseaux et des communications » au sein de ladite DG, où il avait exercé les fonctions de directeur par voie d’intérim à deux reprises, de novembre 2002 à janvier 2003 et du 16 avril au 16 septembre 2004.

13      Le 22 mars 2005, le requérant a rédigé une note à l’attention de M. Colasanti, directeur général de la DG « Société de l’information et médias », par laquelle il faisait état de difficultés diverses avec M. da Silva remontant à la première nomination de ce dernier en qualité de directeur faisant fonction. Il y alléguait notamment que son directeur, d’une part, se livrait à un harcèlement moral à son encontre et, d’autre part, avait recours à des pratiques irrégulières témoignant notamment d’une confusion des rôles de chef d’unité et de directeur.

14      Cette note, signée par le requérant et portant la mention « personnel et confidentiel », dont une copie était destinée à M. Zangl, directeur général adjoint de la DG « Société de l’information et médias », ainsi qu’à M. Libertalis, directeur de la direction des « Ressources » au sein de cette même DG, a été produite par la partie défenderesse en annexe à son mémoire en défense. Lors de l’audience, le requérant a affirmé n’avoir jamais formellement adressé cette note à son destinataire, mais soumis le texte pour avis à M. Libertalis, lequel l’a communiquée à M. Di Vita, chef de l’unité « Ressources humaines » de cette DG. Ce dernier s’est entretenu, à la fin du mois de mars 2005, de ladite note avec le requérant et l’a informé des procédures internes relatives au harcèlement moral.

15      Le 8 avril 2005, M. da Silva a adressé une note au requérant dans laquelle il a exprimé de fortes critiques à l’encontre de ses prestations professionnelles. Le 16 juin suivant, le requérant a eu une longue discussion à ce propos avec M. da Silva.

16      Le 8 juillet 2005, une réunion a eu lieu entre M. Colasanti et le requérant en vue de rechercher une solution aux tensions entre ce dernier et M. da Silva. Au cours de cette réunion, M. Colasanti a évoqué l’éventualité d’un changement d’affectation du requérant au sein de la DG.

17      Par courrier électronique du 12 juillet 2005, le requérant a demandé à M. Colasanti de reporter toute éventuelle décision de réaffectation au 1er septembre suivant, en évoquant la possibilité de trouver un « terrain d’entente » avec M. da Silva.

18      Par note du 18 juillet 2005, M. Colasanti a néanmoins informé le requérant que, après avoir « soupesé les différents aspects de la question », il maintenait sa « proposition de réaffectation », avec effet au 1er octobre 2005, à l’unité G 2 « Micro et nanosystèmes », en qualité de chef d’unité. Selon M. Colasanti, cette nouvelle affectation devait permettre à l’intéressé « de prouver de manière plus sereine [ses] qualités et compétences dans un secteur et dans un environnement nouveaux ».

19      Par note du 28 juillet 2005, le requérant a protesté contre cette mesure pour des raisons tirées de l’intérêt du service. Le même jour, il a demandé à M. Zangl d’ouvrir une enquête au sujet de la note de M. da Silva, du 8 avril 2005, en ce qu’elle mettait en cause sa conduite au sein de la direction et ses performances professionnelles.

20      Le 1er août 2005, M. Colasanti, constatant que le maintien du requérant au sein de l’unité D 1 n’était pas envisageable, a confirmé la réaffectation de celui-ci dans l’intérêt du service au poste de chef de l’unité G 2 ou, en cas de refus de sa part, à un poste de conseiller.

21      Par note du 31 août 2005, le requérant a réitéré ses protestations, au regard de l’intérêt du service, à l’encontre de sa réaffectation. Le lendemain, M. Zangl l’a informé de l’état d’avancement de son rapport d’évolution de carrière pour l’année 2004 (ci-après le « REC 2004 ») ainsi que de ce que M. Di Vita se tenait à sa disposition pour examiner quelle suite donner à sa demande d’enquête introduite le 28 juillet 2005.

22      Le 9 septembre 2005, M. da Silva, en sa qualité d’évaluateur, et le requérant se sont entretenus, dans le cadre de la procédure d’évaluation, en présence du validateur, M. Zangl.

23      Par note du 15 septembre 2005, M. Di Vita a constaté que, après les entretiens qu’il avait eus respectivement avec le requérant et avec M. da Silva, il n’y avait pas lieu d’ouvrir l’enquête demandée par le premier dans sa note du 28 juillet 2005 adressée à M. Zangl, dès lors que l’ensemble des points contenus dans la note de M. da Silva, du 8 avril 2005, avait été clarifié au cours d’une réunion entre les deux protagonistes le 16 juin 2005, en présence d’une tierce personne.

24      Le 23 septembre 2005, M. Colasanti, après avoir, de nouveau, rencontré le requérant le 16 septembre, a confirmé par écrit sa volonté de le réaffecter à l’emploi de chef de l’unité G 2. Une décision formelle de l’AIPN a été prise en ce sens le 27 octobre 2005 et la réaffectation de l’intéressé a pris effet le 1er novembre suivant.

25      Il ressort du dossier que cette dernière mesure de réaffectation a fait partie d’une opération « triangulaire », dans le contexte plus large de la mobilité du personnel d’encadrement intermédiaire, dès lors qu’elle s’est accompagnée de deux autres mesures de réaffectation au sein de la même DG, qui ont précisément permis le transfert du requérant à l’emploi de chef de l’unité G 2, lequel a été libéré par M. Beernaert, réaffecté à l’emploi de chef de l’unité G 1, anciennement occupé par M. Zimmermann, lui-même réaffecté à l’unité D 1, où travaillait initialement le requérant.

26      Le 7 octobre 2005, le requérant a introduit, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la décision attaquée. Par décision du 2 février 2006, notifiée le lendemain, l’AIPN a rejeté cette réclamation.

 Conclusions des parties

27      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée,

–        annuler la décision de rejet de sa réclamation du 2 février 2006,

–        condamner la partie défenderesse aux dépens.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé,

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

29      Le requérant invoque à l’appui de son recours trois moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 7 du statut et d’une erreur manifeste d’appréciation, deuxièmement, d’un détournement de pouvoir et, troisièmement, de la violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 7 du statut et d’une erreur manifeste d’appréciation

 Arguments des parties

30      Le requérant estime que, en adoptant la décision attaquée, la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de l’intérêt du service.

31      En effet, d’une part, compte tenu à la fois de ses qualifications et de son expérience professionnelle, de l’état d’avancement de certains dossiers au sein de l’unité D 1 ainsi que des excellents résultats obtenus lorsqu’il était à la tête de cette unité, la Commission aurait dû, dans l’intérêt du service, le maintenir à son poste.

32      En revanche, le nouveau chef de l’unité D 1, M. Zimmermann, nommé en remplacement du requérant, n’aurait pas les compétences nécessaires en télécommunications pour bien gérer l’unité en cause.

33      D’autre part, la désignation du requérant à la tête de l’unité G 2 ne servirait pas davantage l’intérêt du service concerné, compte tenu, en particulier, du manque de connaissance et d’expérience de l’intéressé en matière de systèmes micro et nanoélectroniques.

34      Par ailleurs, le requérant fait valoir que la recherche est une activité de longue durée, devant reposer sur des équipes stables. À cet égard, la décision attaquée méconnaîtrait l’article 12, point 2, premier alinéa, de la décision PEI, qui prévoit que les chefs d’unité ne peuvent, en principe, pas changer d’affectation avant deux ans de service au moins. Or, le requérant aurait eu moins de deux ans d’ancienneté comme chef de l’unité D 1 au moment de la réaffectation litigieuse.

35      La Commission se serait également éloignée des règles qu’elle s’est elle-même fixées dans les lignes directrices sur la mobilité, en particulier aux points 2.3.1 et 2.3.2, en écartant un spécialiste, de surcroît âgé de 55 ans, de son champ d’action professionnel en dépit des coûts importants liés à son remplacement et au risque de rompre la continuité du service.

36      En réalité, la Commission aurait uniquement cherché à satisfaire le souhait personnel de M. Zimmermann de ne pas être réaffecté, dans le cadre de l’exercice obligatoire de mobilité du personnel d’encadrement intermédiaire, dans l’unité qui lui était normalement destinée, mais bien dans celle dirigée alors par le requérant.

37      La décision attaquée ne serait donc nullement justifiée par la volonté de résoudre une prétendue situation conflictuelle dans laquelle le requérant et M. da Silva se seraient trouvés depuis 2003, comme le prétend la Commission. Ainsi qu’il ressortirait des conclusions de la note de M. Di Vita, du 15 septembre 2005, faisant suite à la demande d’enquête présentée par le requérant, les divergences d’appréciation qui sont apparues entre ce dernier et M. da Silva feraient partie de la vie normale d’une direction et, en tout état de cause, n’auraient pas causé de tensions préjudiciables au bon fonctionnement du service, susceptibles de justifier le transfert d’un fonctionnaire. À supposer même que tel aurait été le cas, la Commission aurait dû alors prêter l’assistance nécessaire au requérant, dès 2003, conformément à l’article 24 du statut.

38      À l’audience, le requérant a demandé le retrait du dossier de sa note du 22 mars 2005 au motif que, en raison de son caractère « personnel et confidentiel » et du fait qu’elle n’aurait jamais été formellement adressée à son destinataire, la Commission n’aurait pas été en droit de la produire devant le Tribunal.

39      La Commission observe que, selon une jurisprudence constante, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’évaluation de l’intérêt du service. Dans ces conditions, le contrôle du Tribunal devrait se limiter à la question de savoir si l’AIPN s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêt du Tribunal de première instance du 22 avril 1999, Brognieri/Commission, T‑148/96 et T‑174/96, RecFP p. I‑A‑65 et II‑329, point 32).

40      En l’espèce, la décision attaquée aurait été adoptée dans l’intérêt du service.

41      D’une part, elle aurait permis de minimiser le risque de nouveaux conflits entre le requérant et son directeur, M. da Silva. La Commission rappelle que, selon la jurisprudence du Tribunal de première instance, des difficultés relationnelles internes, lorsqu’elles causent des tensions préjudiciables au bon fonctionnement du service, peuvent justifier, dans l’intérêt du service, le transfert d’un fonctionnaire afin de mettre fin à une situation administrative devenue intenable (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 28 octobre 2004, Meister/OHMI, T‑76/03, RecFP p. I‑A‑325 et II‑1477, point 79).

42      Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort des notes du requérant, datées des 22 mars et 28 juillet 2005 ainsi que de celle de M. da Silva, du 8 avril 2005, il existait une situation conflictuelle entre ces deux fonctionnaires, laquelle avait pris des proportions préoccupantes, de manière à justifier pleinement la décision portant réaffectation du requérant.

43      En outre, ces tensions auraient été la raison du retard important pris pour l’établissement du REC 2004 du requérant et auraient, en particulier, nécessité la présence de M. Zangl, en tant que validateur, lors de l’entretien qui a eu lieu, le 9 septembre 2005, entre l’évaluateur et l’évalué.

44      Dans un tel contexte, il serait inutile de tenter de désigner le responsable des tensions relationnelles ni même de savoir si les reproches formulés sont fondés afin d’examiner si de telles tensions peuvent justifier la réaffectation du requérant dans l’intérêt du service (arrêt Meister/OHMI, précité, point 80).

45      La note de M. Di Vita, du 15 septembre 2005, ne saurait mettre en question le bien-fondé de la décision attaquée. En effet, même si l’on peut comprendre à sa lecture que le différend entre le requérant et son directeur avait diminué en intensité, le directeur général aurait pu raisonnablement estimer, ne serait-ce qu’à titre de précaution, que les conditions objectives d’une amélioration durable, permettant un bon fonctionnement du service, n’étaient toujours pas réunies.

46      La Commission rappelle, à ce propos, que l’attitude du requérant à l’égard de M. da Silva était fluctuante. Ainsi, le 28 juillet 2005, il avait demandé l’ouverture d’une enquête au regard de la note de M. da Silva du 8 avril 2005, alors que, peu de temps auparavant, pendant la longue discussion qu’il avait eue avec ce dernier, le 16 juin 2005, il s’était déclaré disposé, selon la Commission, à aborder tous les points soulevés dans cette note.

47      La Commission ajoute que les rapports tendus entre le requérant et son directeur ont persisté, même après le 15 septembre 2005, ainsi qu’en témoigneraient, dans le cadre de la procédure d’évaluation pour l’exercice 2005, les commentaires formulés le 23 octobre 2005 par le requérant au sujet des appréciations de son évaluateur, M. da Silva.

48      D’autre part, il serait conforme à l’intérêt du service que la réaffectation d’un fonctionnaire, ainsi impliqué dans de sérieux problèmes relationnels avec sa hiérarchie, soit combinée avec des mouvements d’autres chefs d’unité déjà programmés au titre de la décision PEI.

49      En effet, une mobilité « triangulaire » entre chefs d’unité des directions D et G aurait permis, en l’occurrence, à la fois de mettre fin à la situation conflictuelle opposant le requérant et M. da Silva au sein de la direction D et de réaliser la mobilité obligatoire des deux chefs d’unité de la direction G, MM. Zimmermann et Beernaert.

50      Par ailleurs, la Commission rappelle la jurisprudence selon laquelle, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires en considération de leurs aptitudes et de leurs préférences personnelles, il ne saurait être reconnu pour autant aux fonctionnaires le droit d’exercer ou de conserver des fonctions spécifiques (arrêt du Tribunal de première instance du 6 mars 2001, Campoli/Commission, T‑100/00, RecFP p. I‑A‑71 et II‑347, point 71).

51      De surcroît, il ressortirait de l’article 9 de la décision PEI, concernant les conditions d’éligibilité pour les emplois de chef d’unité, que, « [e]n cas de mutation dans l’intérêt du service », les qualifications requises pour l’occupation du poste en cause ne sont pas pertinentes et ne peuvent prévaloir sur l’intérêt du service poursuivi. Cette thèse serait confirmée par les exigences énoncées au paragraphe 1 du même article, parmi lesquelles la correspondance entre les qualifications d’un fonctionnaire à réaffecter et celles de la nouvelle affectation ne figurerait pas. En cas de réaffectation d’un fonctionnaire « avec son poste », il n’y aurait d’ailleurs pas lieu, en application de l’article 5, paragraphe 2, de la décision PEI, de publier d’avis de vacance ni d’apprécier ses qualifications à la lumière de sa nouvelle affectation.

52      Le requérant ne saurait non plus tirer argument du fait d’avoir manifesté auprès de son directeur général son opposition à sa réaffectation, dès lors que la réaffectation d’un fonctionnaire dans le cadre d’une réorganisation des services ne requerrait pas le consentement de celui-ci (arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 1998, De Persio/Commission, T‑23/96, RecFP p. I‑A‑483 et II‑1413, point 138).

53      Enfin, la Commission relève que, selon l’article 12, point 1, de la décision PEI, les règles relatives à la mobilité ne limitent en rien le droit de l’AIPN de procéder à une réaffectation dans l’intérêt du service, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du statut.

 Appréciation du Tribunal

54      Il y a lieu d’observer, à titre liminaire, que même si la décision attaquée se présente comme une décision portant « mutation », dans l’intérêt du service du requérant, au poste de chef de l’unité G 2 de la DG « Société de l’information et médias », elle doit s’analyser, ainsi que l’ont reconnu les parties lors de l’audience, comme une mesure de réaffectation, puisque le requérant n’a pas été transféré sur un emploi vacant. Une mutation, au sens propre du terme, aurait d’ailleurs requis l’application des articles 4 et 29 du statut (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 mai 1981, Kindermann/Commission, 60/80, Rec. p. 1329, points 11 et 12).

55      Selon la jurisprudence, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires en considération de leurs aptitudes et de leurs préférences personnelles, il ne saurait être reconnu pour autant aux fonctionnaires le droit d’exercer ou de conserver des fonctions spécifiques (arrêt Campoli/Commission, précité, point 71). Dès lors, même si le statut, en particulier son article 7, ne prévoit pas explicitement la possibilité de « réaffecter » un fonctionnaire, il ressort d’une jurisprudence constante que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, d’une part, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et, d’autre part, qu’elle respecte l’équivalence des emplois (arrêts de la Cour du 23 mars 1988, Hecq/Commission, 19/87, Rec. p. 1681, point 6 et du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C‑116/88 et C‑149/88, Rec. p. I‑599, point 11 ; arrêts du Tribunal de première instance du 22 janvier 1998, Costacurta/Commission, T‑98/96, RecFP p. I‑A‑21 et II‑49, point 36 ; du 26 novembre 2002, Cwik/Commission, T‑103/01, RecFP p. I‑A‑229 et II‑1137, point 30, et Meister/OHMI, précité, point 61).

56      En l’espèce, il convient dès lors d’examiner si la décision attaquée satisfait aux deux conditions précitées.

–       Sur l’intérêt du service

57      Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que compte tenu du pouvoir d’appréciation des institutions dans l’évaluation de l’intérêt du service, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à cet intérêt doit se limiter à la question de savoir si l’AIPN s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêts Costacurta/Commission, précité, point 36 ; du Tribunal de première instance du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, RecFP p. I‑A‑277 et II‑1267, point 53, et Meister/OHMI, précité, point 64).

58      Il ressort des entretiens que le requérant a eus avec M. Colasanti les 8 juillet et 16 septembre 2005, de plusieurs courriers échangés entre ledit requérant et ce dernier dans le courant du mois de juillet 2005, ainsi que de la réponse du 2 février 2006 à la réclamation de l’intéressé que la décision attaquée a été prise en raison des « difficultés relationnelles profondes et récurrentes » apparues entre celui-ci et son directeur, lesquelles avaient pris « des proportions particulièrement préoccupantes pour la hiérarchie à partir du mois de mars 2005 », selon les termes de la réponse à la réclamation.

59      Il convient donc d’apprécier si la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, fonder la décision attaquée sur les circonstances individuelles précitées en la rattachant à une opération « triangulaire » de mobilité du personnel d’encadrement intermédiaire.

60      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, des difficultés relationnelles internes, lorsqu’elles causent des tensions préjudiciables au bon fonctionnement du service, peuvent justifier, dans l’intérêt du service, le transfert d’un fonctionnaire, afin de mettre fin à une situation administrative devenue intenable (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 1990, Hecq/Commission, précité, point 22 et de la Cour du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, Rec. p. I‑5863, point 41 ; arrêts Costacurta/Commission, précité, point 39 ; du Tribunal de première instance du 28 mai 1998, W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, RecFP p. I‑A‑239 et II‑745, point 88 ; Campoli/Commission, précité, point 45, et Meister/OHMI, précité, point 79). Une telle réaffectation, décidée dans l’intérêt du service, ne requiert pas le consentement du fonctionnaire considéré (voir, en ce sens, arrêt De Persio/Commission, précité, point 138).

61      De plus, aux fins d’examiner si des tensions peuvent justifier, dans l’intérêt du service, le transfert d’un fonctionnaire, il est indifférent de déterminer l’identité du responsable des incidents en cause ou même de savoir si les reproches formulés sont fondés (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 juillet 1979, List/Commission, 124/78, Rec. p. 2499, point 13 et Ojha/Commission, précité, point 41 ; Meister/OHMI, précité, point 80).

62      En l’espèce, l’examen des circonstances individuelles retenues dans la décision attaquée, au titre de l’intérêt du service, ne devrait cependant pas conduire le Tribunal à se prononcer sur le bien-fondé des observations critiques formulées par le requérant à l’encontre de son directeur, mais uniquement à déterminer, de manière objective, s’il existait entre ces deux personnes une tension préjudiciable au bon fonctionnement du service, tel qu’il était de nature à permettre à la Commission, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard, de réaffecter le requérant dans un autre service.

63      À cet égard, plusieurs éléments ressortent du dossier soumis au Tribunal.

64      En premier lieu, le requérant a formulé des critiques sévères à l’encontre de son directeur dans sa longue note du 22 mars 2005, adressée à M. Colasanti. Dans cette note, il prétend être victime de harcèlement moral, fait état de mauvais traitement devant ses collègues, de tentatives d’atteinte au bon fonctionnement du service, de méconnaissance de ses droits individuels et met en doute les capacités de jugement et d’indépendance de M. da Silva. La circonstance que cette note n’aurait pas été formellement transmise à son destinataire et aurait eu un caractère « personnel et confidentiel » ne saurait lui enlever sa force probante, dès lors qu’elle a été signée par le requérant, que ce dernier en a confirmé la teneur au cours de l’audience, qu’elle a été communiquée par l’intéressé lui-même à M. Libertalis, directeur de la direction des « Ressources » de sa DG, et qu’elle a fait l’objet d’un entretien, peu de temps après sa rédaction, entre le requérant et M. Di Vita, chef de l’unité « Ressources humaines ». Ces raisons justifient que la Commission ait pu valablement faire état de ladite note aux fins de se défendre dans le cadre de la procédure juridictionnelle et, en particulier, de démontrer le bien-fondé des motifs allégués à l’appui de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 18 septembre 1996, Postbank/Commission, T‑353/94, Rec. p. II‑921, points 67 et 68).

65      En deuxième lieu, M. da Silva, dans sa note du 8 avril 2005, adressée au requérant, a formulé de sérieuses réserves quant au comportement de ce dernier dans le service, qualifié de contreproductif, voire d’offensant, et quant à ses performances professionnelles.

66      En troisième lieu, le 28 juillet 2005, soit après l’entretien qu’il a eu, le 8 juillet, avec M. Colasanti afin de rechercher une solution pour aplanir ses tensions avec M. da Silva, le requérant a demandé au directeur général adjoint l’ouverture d’une enquête au sujet de la note du 8 avril 2005 de M. da Silva.

67      En dernier lieu, les appréciations du requérant contenues dans le REC 2004, formulées en dates des 23 octobre 2005 et 18 janvier 2006, laissent clairement apparaître la persistance de rapports conflictuels entre le requérant et son directeur, lesquels, s’ils paraissaient s’être apaisés un moment, à la lecture de la note du 15 septembre 2005 de M. Di Vita, avaient repris une dimension préoccupante peu de temps avant la réaffectation litigieuse. Ainsi, selon le requérant, les appréciations de M. da Silva, en sa qualité d’évaluateur, témoignent d’une « ingratitude » à son égard ainsi que d’un manque d’objectivité et de jugement ; elles porteraient atteinte à sa « dignité » et à sa réputation (points 6.1 et 8.1 du REC 2004). De plus, le directeur aurait manqué de l’élémentaire « dignité » que l’on pourrait attendre d’un fonctionnaire de la Commission (mêmes points). Le requérant, se prévalant de sa qualité de professeur d’université, se demande également si M. da Silva est compétent pour juger de ses capacités ou « s’il est uniquement compétent parce qu’il est directeur » (point 6.2 du REC 2004).

68      Force est ainsi de constater que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, il existait entre le requérant et M. da Silva des relations conflictuelles de nature à causer des tensions préjudiciables au bon fonctionnement du service et à rendre difficile l’appréciation objective des mérites du requérant dans le cadre de la procédure d’évaluation.

69      Sans qu’il soit nécessaire de vérifier le bien-fondé des reproches formulés de part et d’autre, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que l’intérêt du service exigeait qu’il soit mis fin à une situation administrative devenue préjudiciable au bon fonctionnement de l’unité en cause et justifiait le transfert du requérant.

70      La circonstance que la décision attaquée ait été combinée avec la réaffectation de deux autres chefs d’unité, opération relevant de la mobilité obligatoire du personnel d’encadrement intermédiaire, n’est pas de nature à mettre en cause sa légalité. Il convient d’ajouter, ainsi que l’a souligné la Commission, que les règles relatives à la mobilité ne sauraient limiter, ainsi que le prévoit l’article 12, point 1, de la décision PEI, le droit de l’AIPN de prendre toute mesure de réaffectation dans l’intérêt du service. Par ailleurs, quant à l’allégation du requérant selon laquelle l’AIPN aurait cherché, en réalité, à satisfaire la demande de M. Zimmermann de ne pas être réaffecté à l’unité G 2, il suffit de constater qu’elle ne repose pas sur des indices objectifs, pertinents et concordants, à supposer même qu’une telle allégation puisse remettre en cause l’intérêt du service qui justifiait la réaffectation du requérant lui-même.

71      Il convient par la suite de vérifier si la décision attaquée a respecté l’équivalence des emplois.

–       Sur l’équivalence des emplois

72      En l’espèce, il est constant que, conformément au dispositif de la décision attaquée, le requérant a fait l’objet d’une réaffectation « avec son emploi ».

73      Étant donné que le requérant a gardé le même grade après sa réaffectation, à savoir le grade A*14, et qu’il a été transféré avec son emploi, l’équivalence des grades et emplois a, par hypothèse, été respectée (voir, en ce sens, arrêts Campoli/Commission, précité, point 42, et du Tribunal de première instance du 16 avril 2002, Fronia/Commission, T‑51/01, RecFP p. I‑A‑43 et II‑187, point 51).

74      Il convient d’ajouter que, selon la jurisprudence, en cas de modification des fonctions attribuées à un fonctionnaire, la règle de correspondance entre grade et emploi implique une comparaison non pas entre les fonctions actuelles et antérieures de l’intéressé, mais entre ses fonctions actuelles et son grade dans la hiérarchie (arrêts du Tribunal de première instance du 10 juillet 1992, Eppe/Commission, T‑59/91 et T‑79/91, Rec. p. II‑2061, point 49 ; Fronia/Commission, précité, point 53, et Meister/OHMI, précité, point 113). Dès lors, rien ne s’oppose à ce qu’une décision entraîne l’attribution de nouvelles fonctions qui, si elles diffèrent de celles précédemment exercées, sont néanmoins conformes à l’emploi correspondant au grade de l’intéressé.

75      Or, le requérant a admis, à l’audience, que ses nouvelles fonctions correspondent, dans leur ensemble, à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur.

76      Il convient donc de considérer que la décision attaquée n’enfreint pas la règle d’équivalence des emplois.

77      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir

 Arguments des parties

78      Selon le requérant, plusieurs indices objectifs, pertinents et concordants permettent d’établir que la décision attaquée poursuivait un but autre que celui assigné à l’AIPN en vertu de l’article 7 du statut.

79      Premièrement, l’intérêt du service n’aurait pas pu justifier la réaffectation du requérant vers l’unité G 2, ce qui permettrait de penser qu’un autre but, non conforme à l’intérêt du service, aurait été poursuivi.

80      Deuxièmement, la Commission elle-même aurait admis que la réaffectation litigieuse s’inscrivait, en réalité, dans le cadre de l’exercice de mobilité obligatoire de M. Zimmermann, en poste depuis cinq ans à l’unité G 1.

81      Troisièmement, la solution la plus logique et naturelle aurait été d’opérer une permutation entre MM. Zimmermann et Beernaert, chef de l’unité G 2, dans le cadre de l’exercice normal de la mobilité du personnel d’encadrement intermédiaire, dès lors que ces spécialistes seraient dans ce cas restés dans leur « champ de compétences, connaissances et expériences ».

82      Quatrièmement, l’AIPN n’aurait pas contesté que M. Zimmermann ait refusé de permuter avec le chef de l’unité G 2 et qu’il ait émis le souhait, soutenu par la hiérarchie, d’être réaffecté à la tête de l’unité du requérant.

83      Cinquièmement, le directeur général de la DG « Société de l’information et médias » aurait tenté de couvrir cette opération en cherchant subrepticement à obtenir l’accord du requérant pour sa réaffectation vers l’unité G 2 sous prétexte de rapports difficiles avec M. da Silva. En refusant une telle proposition, le requérant aurait été placé devant un dilemme insurmontable : soit il acceptait d’être nommé à l’unité G 2, soit il était nommé conseiller sans définition des missions et responsabilités attachées à ce poste. Or, une telle nomination aurait été, dans le cas du requérant, clairement interdite en vertu de l’article 13 de la décision PEI. Cette manœuvre, qui constituerait une forme de chantage, serait un indice supplémentaire du détournement de pouvoir en cause.

84      La Commission observe qu’elle a démontré à suffisance dans le cadre du premier moyen que la décision attaquée a été prise dans l’intérêt du service. Dès lors que, selon une jurisprudence constante, une décision n’a pas été jugée contraire à l’intérêt du service, il ne saurait être question de détournement de pouvoir (arrêt du Tribunal de première instance du 24 novembre 2005, Marcuccio/Commission, T‑236/02, RecFP p. I‑A‑365 et II‑1621, point 182).

85      À titre subsidiaire, la partie défenderesse observe que le fait que le directeur général avait proposé la réaffectation du requérant à l’emploi de chef de l’unité G 2, tout en envisageant, en cas de refus de sa part, sa réaffectation à un poste de conseiller, confirmerait l’existence d’un intérêt du service. Le directeur général ne pouvait en aucun cas envisager une situation dans laquelle le requérant serait resté au sein de la direction D.

86      Cet élément tendrait ainsi à confirmer que le fait de combiner la réaffectation du requérant avec la mobilité obligatoire d’autres chefs d’unité était un aspect accessoire, l’essentiel ayant été de mettre un terme aux difficultés relationnelles susmentionnées.

87      Enfin, à supposer même que le requérant ait été réaffecté à un poste de conseiller, une telle réaffectation aurait été conforme à l’exigence de l’équivalence des emplois et, en particulier, à la correspondance entre les fonctions de conseiller et le grade A*14. Il résulterait, en effet, de l’annexe I du statut qu’un fonctionnaire de grade AD 14 peut occuper le poste de conseiller.

 Appréciation du Tribunal

88      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir a une portée bien précise qui se réfère à l’usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt de la Cour du 5 juin 2003, O’Hannrachain/Parlement, C‑121/01 P, Rec. p. I‑5539, point 46 ; arrêts du Tribunal de première instance du 11 juin 1996, Anacoreta Correia/Commission, T‑118/95, RecFP p. I‑A‑283 et II‑835, point 25 ; du 6 juillet 1999, Séché/Commission, T‑112/96 et T‑115/96, RecFP p. I‑A‑115 et II‑623, point 139 ; Campoli/Commission, précité, point 62 ; du 14 octobre 2004, Sandini/Cour de justice, T‑389/02, RecFP p. I‑A‑295 et II‑1339, point 123, ainsi que Marcuccio/Commission, précité, point 181).

89      Il y a lieu également de rappeler que, dès lors qu’une décision n’a pas été jugée contraire à l’intérêt du service, il ne saurait être question de détournement de pouvoir (arrêts de la Cour du 14 juillet 1983, Nebe/Commission, 176/82, Rec. p. 2475, point 25 et Eppe/Commission, précité, point 57 ; arrêts du Tribunal de première instance du 17 novembre 1998, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, T‑131/97, RecFP p. I‑A‑613 et II‑1855, point 62 ; Campoli/Commission, précité, point 63, et Marcuccio/Commission, précité, point 182).

90      Or, ainsi qu’il a été établi dans le cadre de l’examen du premier moyen, la décision attaquée a été prise dans l’intérêt du service.

91      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

92      Le requérant estime avoir fait l’objet d’une discrimination par rapport à d’autres fonctionnaires de sa DG. Selon lui, le chef de l’unité G 1 a refusé d’être réaffecté vers l’unité G 2, son refus ayant été soutenu par l’institution, puisqu’il aurait été réaffecté « contre nature » vers l’unité D 1. À l’inverse, alors que le requérant avait refusé, à juste titre, sa réaffectation vers la même unité G 2, son refus aurait été purement et simplement ignoré. Il y aurait eu à l’évidence deux poids, deux mesures.

93      À cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement, tel qu’énoncé à l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut, ne saurait s’appliquer qu’à des personnes placées dans des situations comparables (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 31 mai 2001, D et Suède/Conseil, C‑122/99 P et C‑125/99 P, Rec. p. I‑4319, point 48 ; arrêt du Tribunal de première instance du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p. I‑A‑43 et II‑167, point 83).

94      Or, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, la réaffectation du requérant s’est effectuée pour des raisons tirées de l’intérêt du service, tandis que celle des deux autres chefs d’unité s’est inscrite dans le cadre de la mobilité obligatoire, conformément à l’article 12, point 2, de la décision PEI. Ces deux derniers fonctionnaires, qui n’étaient pas impliqués dans un conflit de personnes, se trouvaient donc dans une situation différente de celle du requérant, de telle sorte qu’aucune comparaison ne serait possible avec la situation de ce dernier.

95      Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le troisième moyen.

96      Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

97      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I‑A‑1‑3 et II‑A‑1‑7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

98      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 janvier 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.