Language of document : ECLI:EU:F:2007:188

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

7 novembre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2005 – Non-inscription sur la liste des fonctionnaires promus – Violation de l’article 45 du statut – Examen comparatif des mérites – Rapports de notation émanant d’institutions différentes »

Dans l’affaire F‑57/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Jacques Hinderyckx, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me J. Martin, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M. Simm et M. M. Bauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. P. Mahoney, président, Mme I. Boruta et M. H. Tagaras (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mai 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 5 mai 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 12 mai suivant), M. Hinderyckx demande, d’une part, l’annulation de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du Conseil de l’Union européenne de ne pas le promouvoir au grade B*8, au titre de l’exercice de promotion 2005, ainsi que sa promotion audit grade, et, d’autre part, la réparation du préjudice subi.

 Cadre juridique

2        L’article 45, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« La promotion est attribuée par décision de l’[AIPN] en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’[AIPN] prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

3        Cette même disposition, dans sa version applicable avant le 1er mai 2004, prévoyait :

« La promotion est attribuée par décision de l’[AIPN]. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet.

Ce minimum d’ancienneté est, pour les fonctionnaires nommés au grade de base de leur cadre ou de leur catégorie, de six mois à compter de leur titularisation ; il est de deux ans pour les autres fonctionnaires. »

 Faits à l’origine du litige

4        Le requérant est entré en fonctions au Parlement européen le 1er avril 1994. Promu au grade B 3 le 1er janvier 2001, il a été transféré au secrétariat général du Conseil le 16 juillet 2004 en tant que fonctionnaire de grade B*7, renommé ainsi à compter du 1er mai 2004 et correspondant à l’ancien grade B 3.

5        L’exercice de promotion 2005 au sein du Conseil a débuté le 1er janvier 2005. Pour cet exercice, ont été pris en compte les rapports de notation couvrant la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2003, la périodicité d’établissement des rapports étant, pour le Conseil, biennale.

6        Le 15 juin 2005, par la communication n° 104/05, le Conseil a demandé à chaque commission consultative de promotion (ci‑après les « CCP ») d’établir la liste des candidats promouvables pour l’exercice de promotion 2005.

7        Suite aux propositions de la CCP pour la catégorie B* et par la communication n° 142/05 du 15 juillet 2005, l’AIPN du Conseil a informé le personnel de sa décision portant promotion des fonctionnaires de catégorie B* dans le cadre de l’exercice de promotion 2005 (ci- après la « décision attaquée »). Le requérant, qui ne faisait pas partie des fonctionnaires proposés à la promotion, ne figurait pas parmi les fonctionnaires promus.

8        Par courriel du 22 août 2005, le requérant a saisi le président de la CCP pour la catégorie B* d’une série de questions sur la prise en compte de ses rapports de notation, lesquels, conformément aux règles applicables au Parlement, avaient été établis sur une base annuelle. Selon le requérant, le président de la CCP pour la catégorie B* lui a fait savoir, lors d’un entretien téléphonique s’étant déroulé le 13 septembre 2005, que, en raison de la confidentialité des travaux des CCP, il ne pouvait lui fournir de réponse.

9        Le 10 octobre 2005, le requérant a introduit une réclamation auprès du secrétariat général du Conseil, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de l’AIPN du 15 juillet 2005 de ne pas le promouvoir au grade B*8 au titre de l’exercice de promotion 2005.

10      Par décision du 1er février 2006, notifiée au requérant le 7 février suivant, l’AIPN a rejeté sa réclamation.

 Conclusions des parties et procédure

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        le promouvoir au grade B*8 ;

–        condamner le Conseil à lui payer la somme de 2 400 euros en réparation de tous préjudices confondus ;

–        condamner le Conseil aux dépens, à savoir l’état des honoraires et frais de son avocat ;

–        subsidiairement, faire droit à sa demande de mesures d’instruction, à savoir demander au Conseil de produire les appréciations analytiques contenues dans les rapports de notation des fonctionnaires promus.

12      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en indemnité comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondée ;

–        rejeter le surplus du recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

13      En vue d’assurer, dans les meilleures conditions, la mise en état de l’affaire, le déroulement de la procédure et le règlement du litige, le Tribunal a adopté à trois reprises des mesures d’organisation de la procédure et a tenté un règlement amiable. À cet effet, il n’a pas été procédé en application de son propre règlement de procédure (JO L 225, p.1), entré en vigueur le 1er novembre 2007, c’est-à-dire après les dates auxquelles le Tribunal a décidé les mesures d’organisation de la procédure et tenté le règlement amiable, mais sur le fondement de l’article 64, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier.

14      En premier lieu, par lettre du greffe du 21 novembre 2006, le Tribunal a invité le Conseil à produire certains documents, notamment le procès-verbal de la réunion de la CCP pour la catégorie B* qui a eu lieu le 14 juillet 2005 et les rapports de notation des fonctionnaires promus, ainsi qu’à répondre par écrit à certaines questions avant l’audience. Le Conseil a déféré à ces demandes par un courrier parvenu au greffe du Tribunal le 8 décembre 2006, ce qui a par ailleurs satisfait aux conclusions subsidiaires du requérant, auxquelles il n’y a par conséquent plus lieu de statuer.

15      En deuxième lieu, par lettre du greffe du 19 janvier 2007, le Tribunal a demandé au requérant de produire son rapport de notation pour l’année 2001. Le requérant a déféré à cette demande par un courrier parvenu au greffe du Tribunal le 22 janvier.

16      Enfin, par lettres séparées du greffe du 8 février 2007, le Tribunal a invité :

–        le requérant, à expliciter l’argument de comparabilité présenté dans le point 6 de la requête et basé sur l’annexe A 7 de celle-ci, en précisant en particulier le tableau (ou les tableaux) de cette annexe auquel (auxquels) il se réfère ;

–        le Conseil, à produire les documents suivants :

a)       les procès-verbaux, comptes-rendus et tout autre rapport (à l’attention de l’AIPN ou autre) de la CCP pour la catégorie B* ou, en particulier, pour les fonctionnaires promouvables du grade B*7 vers le grade B*8, concernant l’exercice de promotion 2005, à l’exception du rapport daté du 14 juillet 2005, déjà communiqué au Tribunal le 8 décembre 2006 (voir point 14 du présent arrêt) ;

b)       copie de la communication au personnel n° 268/78 relative à l’« [é]tude de la [c]ommission paritaire sur les profils de carrière », approuvée par l’AIPN, cette communication étant mentionnée dans le point IV 1.d. du protocole codifié signé le 26 mai 1988 par le secrétaire général du Conseil et l’Union syndicale ;

c)       copie des décisions n° 1259/83, no 1284/83 et no 985/87, mentionnées dans le point 1 du rapport de la CCP de l’exercice 2005 pour la catégorie B* ;

–        le Conseil, à informer le Tribunal, au sujet de l’exercice de promotion 2005, sur :

a)      les critères de comparaison des mérites pour les fonctionnaires de catégorie B* ou, en particulier, pour les fonctionnaires promouvables du grade B*7 vers le grade B*8, notamment les critères correspondant à la notion d’« autres éléments », mentionnés dans le deuxième paragraphe de la communication au personnel no 104/05 du 15 juin 2005, ainsi que sur

b) les « sources d’information et de renseignements comparables », mentionnées dans le point 3 du rapport de la CCP de l’exercice 2005 pour la catégorie B* ;

–        le Parlement, à produire les éléments suivants :

a)      le nombre des points de promouvabilité attribué annuellement, depuis 2001, au requérant, ainsi que le nombre total des points cumulés chaque année depuis 2001 ;

b)      les seuils de promouvabilité vers le grade B 2 et/ou B*8 de 2001 à 2005 ;

c)      la moyenne annuelle du nombre des points de promouvabilité attribués de 2001 à 2005 i) aux fonctionnaires promouvables vers le grade B 2 et/ou B*8 et ii) aux fonctionnaires promus à ces mêmes grades.

17      Les destinataires des courriers ont déféré aux demandes du Tribunal, par lettres parvenues au greffe respectivement le 5 mars 2007 pour le Parlement, le 6 mars 2007 pour le requérant et le 7 mars 2007 pour le Conseil.

18      Lors de l’audience du 22 mai 2007, la séance a été suspendue pour permettre la tenue d’une réunion informelle, afin d’examiner la possibilité d’un règlement à l’amiable du litige, étant entendu que, si le contenu d’un règlement amiable dépend de l’objet du litige et des particularités de l’affaire concernée, un tel règlement peut également consister en un désistement du requérant contre la prise en charge par l’institution d’une partie de ses dépens, au cas où il apparaît au Tribunal, notamment à l’issue de l’audience, que le recours a peu de chances d’être accueilli, mais que le comportement de l’institution pourrait en toute hypothèse conduire à la mise à sa charge d’une partie des dépens du requérant. Cependant, dans le délai fixé par le Tribunal à cet effet, les parties ont informé le Tribunal qu’elles n’étaient pas parvenues à un règlement amiable.

19      Par courriers du 8 juin 2007, le Tribunal a adressé aux parties sa propre proposition de règlement amiable. Cette tentative n’a pas non plus abouti.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

20      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque deux moyens, dont le premier est tiré d’une violation de l’article 45 du statut et le deuxième d’un abus de pouvoir dans l’appréciation et la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables. Il reproche aussi au Conseil d’avoir insuffisamment motivé la décision attaquée, ainsi que la réponse à la réclamation qu’il avait introduite.

21      Même si, au vu de l’articulation de la requête, il peut être soutenu que l’insuffisance de motivation de la décision attaquée et de la réponse à la réclamation est principalement invoquée en rapport avec le deuxième moyen, il apparaît opportun au Tribunal d’examiner cette question préalablement et de façon autonome, de sorte que les conclusions que le Tribunal tirera de cet examen puissent aussi être prises en considération à l’égard du moyen tiré de la violation de l’article 45 du statut, moyen intrinsèquement lié en l’espèce à la question de la motivation. En effet, la décision portant rejet de la réclamation fait également état des mérites supérieurs que les fonctionnaires promus auraient par rapport au requérant, tandis que les éléments et tableaux de comparabilité que le requérant a communiqués, en date du 6 mars 2007, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal, visent précisément à contester cette supériorité des mérites des fonctionnaires promus ; or, force est de constater en l’espèce que ces aspects du litige, auxquels est inhérente la question de la motivation, ont également trait à l’application de l’article 45 du statut, qui est la disposition prescrivant l’examen comparatif des mérites.

22      S’agissant par ailleurs des moyens tirés de la violation de l’article 45 du statut et d’un abus de pouvoir, il convient de constater qu’ils sont, en l’espèce, étroitement liés. En effet, l’abus de pouvoir reproché au Conseil étant, suivant les termes mêmes du requérant, un abus « dans l’appréciation et la comparaison des mérites » des fonctionnaires promouvables, le moyen ne peut pas être compris comme étant limité à la seule question de la comparabilité des rapports de notation d’institutions différentes, mais comme visant également les erreurs que, du fait précisément du manque de comparabilité allégué, l’institution aurait commises dans l’application de l’article 45 du statut, à savoir de la disposition qui prescrit l’examen comparatif des mérites. Il convient, dès lors, d’examiner ensemble les moyens tirés d’une violation de l’article 45 du statut et d’un abus de pouvoir dans l’appréciation et la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables, un tel examen conjoint des deux moyens constituant une raison supplémentaire d'examiner de manière préalable et autonome les allégations relatives à l’insuffisance de motivation.

 Sur les allégations relatives à l’insuffisance de motivation

–       Arguments des parties

23      Le requérant considère que, si la décision attaquée n’avait pas à être motivée, en revanche, la décision prise en réponse à la réclamation dirigée contre la décision attaquée devait être motivée de façon exhaustive, ce qui ne serait pas le cas. En effet, elle ne permettrait de savoir ni quels rapports de notation établis au titre de son service au Parlement ont été pris en compte aux fins de la comparaison des mérites, ni quelle méthode a été utilisée pour rendre les rapports de notation établis par le Parlement comparables à ceux établis par le Conseil.

24      Le Conseil, après avoir rappelé les exigences posées par la jurisprudence, soutient que sa réponse à la réclamation ne laissait pas de doutes quant aux éléments pris en compte aux fins de la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables, éléments tant comparatifs que relatifs à la situation individuelle du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

25      Il est de jurisprudence constante que, si l’AIPN n’est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l’égard des fonctionnaires non promus, elle est, en revanche, tenue de motiver sa décision portant rejet de la réclamation d’un fonctionnaire non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêts de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, Rec. p. I‑225, point 13, et du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C‑115/92 P, Rec. p. I‑6549, points 22 et 23 ; arrêts du Tribunal de première instance du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T‑6/96, RecFP p. I‑A‑119 et II‑357, point 147, et du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05, RecFP p. I‑A‑2‑195 et II‑A‑2‑999, point 42).

26      Il est également de jurisprudence constante que, comme les promotions se font au choix, aux termes de l’article 45 du statut, il suffit que la motivation du rejet de la réclamation concerne la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la promotion (arrêts du Tribunal de première instance du 18 décembre 1997, Delvaux/Commission, T‑142/95, RecFP p. I‑A‑477 et II‑1247, point 84, et du 21 septembre 1999, Oliveira/Parlement, T‑157/98, RecFP p. I‑A‑163 et II‑851, point 50).

27      Par ailleurs, il a été jugé qu’une décision de rejet de la réclamation contre une décision de non promotion satisfait à l’exigence de motivation dans la mesure où elle permet au requérant d’apprécier le bien-fondé de la décision de ne pas le promouvoir et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge communautaire, ainsi qu’à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision de promotion (arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, RecFP p. I‑A‑191 et II‑859, point 42).

28      En l’espèce, dans sa décision de rejet de la réclamation, l’AIPN, indiquant d’abord que les conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la promotion étaient réunies, a ensuite décrit la façon dont les rapports de notation de l’intéressé avaient été évalués :

« En ce qui concerne la manière dont ont été pris en compte vos rapports de notation établis par le Parlement […], il vous a déjà été répondu que ceux pertinents, couvrant la période prise en compte pour l’exercice de promotion 2005, ont été pris en compte. Ils ont été transmis à la [CCP] qui les a lus et examinés. Sur leur base, elle a établi vos mérites qu’elle a comparés avec ceux des autres fonctionnaires promouvables de votre grade. Pour l’établissement de vos mérites, la [CCP] a pris en compte la description des fonctions qui vous étaient attribuées lors de la période de référence et l’évaluation faites par vos notateurs, incluant non seulement les mentions figurant au regard des critères d’appréciation mais aussi les appréciations analytiques et générales. »

29      Ensuite, cette même décision de rejet de la réclamation a apporté les précisions suivantes quant aux éléments et à la portée de l’examen effectué par la CCP pour la catégorie B* :

« En fait, l’examen des mérites des fonctionnaires promouvables, tels que présentés dans leurs rapports de notation respectifs, a porté sur l’ensemble du contenu des rapports de notation et non seulement [sur] les mentions génériques figurant au regard de chaque critère d’appréciation. De cette manière, la sévérité relative ou non des différents notateurs a pu être prise en compte lors de l’examen des mérites. De cette manière la [CCP] a pu disposer pour vous-même aussi d’une information suffisante pour apprécier vos mérites. Elle est ainsi parvenue à la conclusion que vous étiez un fonctionnaire méritant.

Toutefois, s’agissant d’un exercice comparatif, cela ne signifie pas que, compte tenu des mérites des autres fonctionnaires, vous soyez parmi les plus méritants et que votre nom puisse figurer sur la liste des fonctionnaires proposés pour la promotion au grade supérieur, compte tenu des possibilités de promotion pour votre grade. »

30      En ce qui concerne plus particulièrement l’ancienneté, l’AIPN a répondu, dans la même décision, que ce critère n’est qu’un critère secondaire, visant à départager les fonctionnaires jugés à égalité de mérites ; aussi, des fonctionnaires ayant une ancienneté inférieure mais des mérites supérieurs au requérant auraient été proposés à la promotion, tandis que d’autres fonctionnaires qui avaient une ancienneté supérieure à celle du requérant ne l’auraient pas été ; de plus, les écarts en terme d’ancienneté entre le requérant et les fonctionnaires promus seraient très faibles. Par ailleurs, l’AIPN a ajouté qu’elle avait, pour d’autres grades, proposé de promouvoir des fonctionnaires qui, comme le requérant, avaient été transférés au secrétariat général du Conseil au cours de l’année 2004.

31      S’agissant d’un fonctionnaire ayant pratiqué la mobilité interinstitutionnelle, et dont le dernier rapport de notation établi par son institution d’origine était d’un niveau particulièrement élevé, il serait, certes, souhaitable que le rejet de sa réclamation introduite contre la décision de non-promotion prise par sa nouvelle institution d’affectation soit motivé de manière plus complète et plus précise. Cependant, et contrairement à ce que soutient le requérant, la motivation reprise dans les points 28 à 30 du présent arrêt satisfait aux exigences posées par la jurisprudence. En effet, l’AIPN a précisé – par une formulation qui n’est peut-être pas des plus claires – que tous les rapports du requérant avaient été pris en compte lors de l’examen comparatif des mérites, a indiqué que les appréciations analytiques et générales avaient fait l’objet de pondérations afin de relativiser les approches des différents notateurs et a expliqué la manière dont l’ancienneté avait été prise en considération ; elle a aussi estimé que, tout en étant un fonctionnaire méritant, le requérant n’était pas parmi les fonctionnaires les plus méritants, devant être proposés pour une promotion, compte tenu des possibilités de promotion pour le grade concerné, et a fait remarquer, sans être contredite par le requérant, avoir proposé à la promotion, pour d’autres grades, des fonctionnaires qui avaient également fait l’objet d’un transfert au secrétariat général du Conseil au cours de l’année 2004.

32      En toute hypothèse, et pour autant qu’un début de motivation ait été fourni par l’AIPN, des précisions complémentaires peuvent être apportées en cours d’instance (arrêts du Tribunal de première instance du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T‑283/97, RecFP p. I‑A‑69 et II‑353, points 74 à 76, et du 3 février 2005, Heurtaux/Commission, T‑172/03, RecFP p. I‑A‑15 et II‑63, point 44). En l’espèce, il convient de relever que le Conseil a apporté des précisions complémentaires en cours d’instance.

33      Dans le mémoire en défense, le Conseil a signalé que l’AIPN ne s’était pas bornée à une simple comparaison quasi-mathématique des mentions faites dans les rapports de notation. Par conséquent, il ne lui serait pas possible d’indiquer, en pourcentage, le poids relatif de chacun des ces rapports dans l’examen des mérites d’un candidat promouvable.

34      De plus, dans sa réponse du 8 décembre 2006 aux mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal, le Conseil, tout en réitérant la position exposée dans le point précédent, a confirmé que, pour l’exercice de promotion 2005, dont la période de référence allait de juillet 2001 à juin 2003, les rapports de notation du requérant pris en considération étaient ceux établis par le Parlement pour les périodes du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001, du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2002 et du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003.

35      Dans sa réponse du 7 mars 2007 aux mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal, le Conseil a ajouté, que, aux fins de l’établissement de la liste des fonctionnaires proposés à promotion, les éléments, autres que les rapports de notation, pris en considération par les CCP sont l’utilisation des langues autres que celle dont le fonctionnaire justifie posséder une connaissance approfondie et le niveau des responsabilités exercées. Quant aux sources d’informations comparables dont il est fait mention au point 3 du rapport de la CCP pour la catégorie B*, du 14 juillet 2005, produit par le Conseil dans sa réponse du 8 décembre 2006 aux premières mesures d’organisation de la procédure, le Conseil a précisé qu’il s’agissait des éléments énumérés dans le point 2 du même rapport de la CCP, à savoir, premièrement, un tableau établissant le nombre des emplois, par grade, à pourvoir par promotions, les listes des fonctionnaires ayant l’ancienneté statutaire au 1er janvier 2005 et une liste des fonctionnaires ayant l'ancienneté en 2005 mais non repris sur les listes des fonctionnaires promouvables au 1er janvier 2005, deuxièmement, les rapports de notation établis pour les fonctionnaires de grade B*10 à B*5, ayant vocation à promotion, ainsi que les statistiques s’y apportant, troisièmement, les fiches individuelles de reconstitution de carrière, quatrièmement, les relevés récapitulatifs des congés pour raison de maladie ou d’accident portant sur les trois dernières années, et enfin, les dossiers personnels de ces fonctionnaires.

36      En outre, lors de l’audience, le Conseil a relevé que seul le dernier rapport de notation du requérant établi par le Parlement comptait neuf mentions « excellent » et que les rapports établis au titre des années 2001 et 2002 ne contenaient aucune mention d’un tel niveau, ni même une seule mention « très bon », ce constat étant dès lors de nature à relativiser la valeur du dernier rapport de notation établi par le Parlement sur lequel reposait l’argumentation du requérant. Dans ce contexte, le Conseil a, en outre, précisé que, selon les lignes directrices, telles qu’elles ressortent d’instructions contenues dans un message du secrétaire général adjoint du 17 septembre 2001 adressé à l’ensemble du personnel, le nombre d’« excellent » est normalement limité à trois, l’appréciation normale étant par ailleurs la mention « bon ».

37      Le Tribunal considère, par conséquent, en tenant compte tant de la décision de rejet de la réclamation que des précisions complémentaires apportées par le Conseil devant le Tribunal, que les allégations relatives à l’insuffisance de motivation ne sont pas fondées.

 Sur les moyens tirés de la violation de l’article 45 du statut et de l’abus de pouvoir

–       Arguments des parties

38      À l’appui du moyen tiré de la violation de l’article 45 du statut, le requérant invoque l’absence de prise en compte, d’abord, de son ancienneté, seuls trois des douze candidats promus ayant une ancienneté supérieure à la sienne, ensuite, des appréciations analytiques portées dans ses rapports de notation, neuf d’entre elles comportant la mention « excellent ». En effet, le requérant, tout en déclarant ne pas ignorer que l’ancienneté constitue un mérite secondaire, signale toutefois que la conjonction d’une ancienneté importante dans le grade et de rapports de notation d’un niveau supérieur à la moyenne, même si elle n’entraîne pas un renversement de la présomption de « validité » s’attachant à la décision attaquée, est de nature à induire un doute sur cette « validité ». Lors de l’audience, en réponse à une question que le Tribunal lui a posée au sujet des éléments et tableaux de comparabilité qu’il avait produits le 6 mars 2007, pour déférer à une mesure d’organisation de la procédure, le requérant a explicitement soutenu que l’AIPN aurait dû prendre en considération son dernier rapport de notation, en tant qu’il reflétait ses qualités et compétences au moment de son arrivée au Conseil.

39      S’agissant du moyen tiré de l’abus de pouvoir dans l’appréciation et la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables, le requérant souligne la difficulté pour l’AIPN de procéder à une comparaison égalitaire entre des rapports provenant d’institutions différentes, et, par conséquent, dotés de structures différentes. Le requérant considère également que le Conseil, sous peine de se voir critiqué pour avoir usé de son pouvoir de manière manifestement erronée, aurait l’obligation d’adopter des règles afin de permettre la comparaison effective des rapports de notation établis par d’autres institutions avec ceux qu’il établit ; selon le requérant, cette obligation découlerait de l’article 5, paragraphe 3, du statut, aux termes duquel l'AIPN serait obligée de soumettre les fonctionnaires appartenant à une même catégorie ou à un même cadre à des conditions identiques de déroulement de carrière.

40      À l’appui de sa position, le Conseil commence par rappeler les termes du statut, selon lesquels la promotion se fait exclusivement au choix, ainsi que le large pouvoir d’appréciation des institutions dans l’examen comparatif des mérites.

41      De plus, en réponse au moyen tiré de la violation de l’article 45 du statut, le Conseil considère que le requérant n’a pas présenté suffisamment d’éléments mettant en cause, en l’espèce, l’existence d’un véritable examen comparatif des mérites. Il invoque aussi la jurisprudence relative à la présomption de légalité dont bénéficient les actes communautaires, ainsi que celle conformément à laquelle ce n’est qu'en présence d’un faisceau d’indices suffisamment concordants, venant étayer l’argumentation du requérant relative à l’absence d’un véritable examen comparatif des candidatures, qu’il incombe à l’AIPN d’apporter la preuve qu’elle a effectué un tel examen.

42      Le Conseil fait également valoir qu’il n’a pas l’obligation de se doter de règles précises pour comparer les mérites de candidats à la promotion dotés de rapports de notation d'institutions différentes. Il soutient que l’examen comparatif, auquel il aurait été procédé notamment en tenant compte des rapports de notation du requérant, a été effectué avec soin et impartialité sur une base égalitaire et à partir de sources d’information comparables. De ce fait, le requérant ne saurait arguer d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir.

–       Appréciation du Tribunal

43      Il convient de rappeler tout d’abord que, en vertu d’une jurisprudence constante, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation aux fins de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables et que cet examen comparatif, basé notamment sur les rapports de notation (voir arrêt de la Cour du 17 décembre 1992, Moritz/Commission, C‑68/91 P, Rec. p. I‑6849, point 16 ; arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, RecFP p. I‑A‑253 et II‑1169, point 54), doit s’effectuer avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement, à partir de sources d’informations et de renseignements comparables (arrêt Casini/Commission, précité, point 53). À cette fin, et conformément à une jurisprudence bien établie (voir, notamment, arrêt de la Cour du 1er juillet 1976, De Wind/Commission, 62/75, Rec. p. 1167, point 17 ; arrêt du Tribunal de première instance du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, T‑187/98, RecFP p. I‑A‑195 et II‑885, point 59), l’AIPN dispose du pouvoir statutaire de procéder à l’examen des mérites des fonctionnaires promouvables selon la procédure ou la méthode qu’elle estime la plus appropriée.

44      Ainsi, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le juge ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l’AIPN (arrêt Casini/Commission, précité, point 52, et la jurisprudence citée).

45      Il est certain que les rapports de notation constituent pour l’AIPN, tant dans la version de l’article 45 du statut en vigueur avant le 1er mai 2004 que dans celle en vigueur à compter de cette date, à savoir celle applicable en l’espèce, un élément d’appréciation particulièrement important en vue de la promotion d’un fonctionnaire. La version de l’article 45 du statut en vigueur avant le 1er mai 2004 prévoyait que, à côté des rapports de notation, un second élément devait faire l’objet d’un examen comparatif en vue de la promotion, à savoir les « mérites », sans cependant préciser le contenu exact de ce terme, tâche accomplie par la jurisprudence, qui a jugé que le terme en question renvoyait à d’autres informations concernant la situation administrative et personnelle des fonctionnaires, de nature à relativiser l’appréciation portée uniquement au vu des rapports de notation (arrêts du Tribunal de première instance du 25 novembre 1993, X/Commission, T‑89/91, T‑21/92 et T‑89/92, Rec. p. II‑1235, points 49 et 50 ; du 21 octobre 1997, Patronis/Conseil, T‑168/96, RecFP p. I‑A‑299 et II‑833, point 35 ; du 5 mars 1998, Manzo-Tafaro/Commission, T‑221/96, RecFP p. I‑A‑115 et II‑307, point 18, et du 24 février 2000, Jacobs/Commission, T‑82/98, RecFP p. I‑A‑39 et II‑169, points 36 à 39). Dorénavant, l’article 45 du statut est plus clair sur les éléments à prendre en considération en vue de la promotion, en se référant, au-delà des rapports de notation, à l’utilisation de langues autres que la langue dont les fonctionnaires concernés ont justifié avoir une connaissance approfondie et, le cas échéant, au niveau des responsabilités exercées ; en règle générale, c’est à la lumière de ces trois éléments que l’AIPN effectue désormais l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, le terme « mérites » énoncé à l’article 45 du statut ayant ainsi une portée différente et en substance plus large que le terme identique utilisé dans la version de cet article applicable avant le 1er mai 2004.

46      Par ailleurs, la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, ayant reconnu que, dans l’appréciation des mérites des fonctionnaires, l’AIPN peut, à titre subsidiaire, prendre d’autres éléments en considération, tels que l’âge des candidats et leur ancienneté dans le grade ou le service (arrêts du Tribunal de première instance du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice, T‑280/94, RecFP p. I‑A‑77 et II‑239, point 138 ; Manzo-Tafaro/Commission, précité, point 17 ; du 11 juillet 2002, Perez Escanilla/Commission, T‑163/01, RecFP p. I‑A‑131 et II‑717, point 29, et du 9 avril 2003, Tejada Fernández/Commission, T‑134/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑609, point 42), ces éléments subsidiaires pourraient s’avérer encore utiles aujourd’hui en cas d’égalité des mérites entre fonctionnaires promouvables, après prise en considération des trois éléments visés expressément à l’article 45 du statut, et constituer à bon droit un facteur décisif dans le choix de l’AIPN.

47      C’est à la lumière de ces dispositions et principes qu’il convient d’examiner si la décision du Conseil refusant de promouvoir le requérant au grade B*8 au titre de l’exercice de promotion 2005 comporte une violation de l’article 45 du statut ou si elle est constitutive d’un abus de pouvoir, dans le sens que le requérant donne à cette notion, à savoir un abus de pouvoir dans l’appréciation et la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables.

48      Force est de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce.

49      S’agissant en particulier des rapports de notation, il est certes vrai que, dans le dernier rapport du requérant, établi par le Parlement, les appréciations de niveau « excellent » sont beaucoup plus nombreuses que dans les rapports de notation des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2005. Cependant, cet écart s’explique par le fait que les règles applicables au Conseil limitaient le nombre des appréciations « excellent » pouvant être attribuées aux fonctionnaires de cette institution, les fonctionnaires promus ayant d’ailleurs obtenu, dans leur grande majorité, le nombre maximal d’appréciations « excellent » autorisé ; le requérant a d’ailleurs lui-même admis ces contraintes, qui pesaient sur les notateurs du Conseil, car, dans les éléments et tableaux de comparabilité qu’il a produits en date du 6 mars 2007, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal, il a, de sa propre initiative, limité à trois le nombre de ses mentions « excellent ». En toute hypothèse, les deux précédents rapports de notation du requérant sont d’un niveau beaucoup moins élevé que le troisième, créant ainsi une apparence de discontinuité dans ses prestations et ses notations, d’autant que ces deux premiers rapports, qui couvrent la partie la plus importante de la période de référence prise en compte pour l’exercice de promotion 2005 au Conseil, contiennent des appréciations, certes bonnes, mais non exceptionnelles.

50      Aussi, il ne peut être reproché au Conseil d’avoir, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation en matière de promotion, basé son jugement des mérites du requérant sur une lecture synthétique de l’ensemble de ses rapports de notation portant, entièrement ou partiellement, sur la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2003, au lieu de se baser, principalement ou exclusivement, sur le dernier des trois rapports pertinents, ainsi que le requérant le souhaitait, ce dernier rapport ne couvrant – de surcroît – que le quart de la période concernée, à savoir les six premiers mois de l’année 2003.

51      Le Tribunal observe, dans ce contexte, que les éléments et tableaux de comparabilité susmentionnés, produits par le requérant le 6 mars 2007, et témoignant, selon lui, de la supériorité de ses mérites par rapport à ceux des fonctionnaires promus, sont exclusivement basés sur son dernier rapport de notation établi par le Parlement. Or, il est évident que les conclusions qui pourraient être tirées de ces éléments et tableaux seraient substantiellement différentes si, non seulement le dernier rapport du requérant établi par le Parlement, mais également les deux rapports précédents, y avaient été pris en compte.

52      Au demeurant, il résulte des réponses du Parlement aux mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal, que la notation du requérant dans cette dernière institution était très proche de la notation moyenne des fonctionnaires de son grade.

53      Par ailleurs, le requérant n’allègue ni ne démontre utiliser d’autres langues que celle dont il a justifié posséder une connaissance approfondie, le niveau particulier des responsabilités qu’il a exercées ou d’autres éléments, que l’AIPN ou la CCP pour la catégorie B* auraient omis de prendre en compte lors de l’exercice de promotion 2005 en violation de l’article 45 du statut tel qu’en vigueur à compter du 1er mai 2004. En revanche, la lecture des rapports de notation des fonctionnaires promus, communiqués au Tribunal en application de mesures d’organisation de la procédure, révèle que la plupart d’entre eux, soit possédaient les connaissances linguistiques susmentionnées, soit avaient exercé des responsabilités d’un niveau plus élevé que celui correspondant à leur grade, soit les deux à la fois.

54      S’agissant, par ailleurs, de la circonstance selon laquelle le requérant avait une ancienneté plus importante que certains fonctionnaires promus, il convient de relever qu’il a été jugé de façon constante par le juge communautaire que le seul fait qu’un fonctionnaire ait été promu, alors qu’il a accompli une période de service dans le grade plus courte qu’une personne qui a été jugée moins méritante, ne saurait constituer une violation du principe de non-discrimination ou de l’article 45 du statut. En effet, l’ancienneté dans le grade n’intervient, selon une pratique confirmée par la jurisprudence, qu’à titre subsidiaire pour départager des fonctionnaires de mérites égaux (arrêt Casini/Commission, précité, point 87).

55      Il est vrai que des exigences supplémentaires ont été formulées par la jurisprudence afin de préserver les perspectives de carrière des fonctionnaires qui choisissent de pratiquer la mobilité. Il a ainsi été jugé (arrêt du Tribunal de première instance du 28 septembre 2004, Tenreiro/Commission, T‑216/03, RecFP p. I‑A‑245 et II‑1087, points 92 et 95) que les institutions communautaires doivent, d’une part, s’assurer que la mobilité ne contrevient pas au déroulement de la carrière des fonctionnaires qui en font l’objet et, d’autre part, procéder à un examen de la situation du fonctionnaire ayant fait l’objet d’une mobilité, afin de vérifier que les fonctionnaires mutés n’ont pas été pénalisés dans le cadre d’un exercice de promotion (arrêt Cubero Vermurie/Commission, précité, points 68 et 69).

56      Cependant, rien dans les pièces du dossier ne permet d’alléguer et encore moins de conclure que l’institution concernée a manqué à cette obligation, ainsi que cela avait été par exemple constaté dans l’arrêt du Tribunal de première instance du 11 juin 1998, Skrikas/Parlement, (T‑167/97, RecFP p. I‑A‑287 et II‑857), par lequel la décision de ne pas promouvoir un fonctionnaire transféré de la Commission au Parlement avait été annulée en raison du fait que l’AIPN avait ouvertement avoué, dans sa réponse à la réclamation, qu’elle avait réservé l’examen des mérites de l’intéressé pour l’exercice de promotion suivant, admettant ainsi indirectement qu’il n’y avait pas eu examen comparatif de mérites pour ce qui concernait l’intéressé.

57      Dans le cas d’espèce, au contraire, les explications fournies par le Conseil, tant dans la réponse à la réclamation qu’ultérieurement (voir, respectivement, points 28 à 30 et 33 à 36 du présent arrêt) corroborent la thèse suivant laquelle l’institution a apprécié la particularité de la situation du requérant de façon à éviter que la mobilité fasse obstacle à sa promotion.

58      Dans de telles circonstances, il ne peut être reproché à l’AIPN d’avoir procédé à l’examen comparatif des mérites du requérant en appliquant la procédure et les méthodes générales que le Conseil avait adoptées dans le cadre de son pouvoir d’appréciation pour tous les fonctionnaires ayant vocation à la promotion.

59      Concernant enfin la prétendue obligation du Conseil, invoquée par le requérant, de se doter de règles précises régissant la situation des fonctionnaires ayant exercé la mobilité, force est de constater qu’une telle obligation n’existe pas.

60      En effet, selon une jurisprudence constante, l’AIPN dispose du pouvoir statutaire de procéder aux promotions selon la procédure et les méthodes qu’elle juge appropriées. Par conséquent, et au vu de la base juridique que fournit l’article 45 du statut et de l’obligation en résultant pour les institutions, à savoir procéder dans tous les cas à un examen comparatif des mérites à la lumière, en particulier, des rapports de notations, un fonctionnaire ne saurait exiger qu’une institution adopte des règles organisant spécifiquement la procédure et les méthodes de comparaison entre les fonctionnaires ayant été notés en son sein et des fonctionnaires ayant intégré l’institution après avoir été notés par une autre institution. Dans ce contexte, un fonctionnaire ne saurait non plus reprocher à l’institution concernée d’avoir usé de son pouvoir de manière manifestement erronée pour ne pas avoir adopté un tel cadre réglementaire, sans apporter la preuve qu’existât un réel risque d’arbitraire dans l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires en l’absence de mesures prises en ce sens. Par ailleurs, contrairement à l’article 43 du statut relatif notamment aux rapports de notation, aucune obligation d’adopter un cadre réglementaire portant sur la mise en œuvre des procédures de promotion ne ressort de l’article 45 du statut, et ce, même si certaines institutions ont réglementé lesdites procédures par voie de décisions internes.

61      Eu égard aux considérations exposées dans les points 49 à 60 ci-dessus, le Tribunal constate que le Conseil, agissant dans le respect du principe de l’égalité de traitement, a procédé en l’espèce à un examen comparatif des mérites conforme aux exigences de l’article 45 du statut, et qu’il n’a pas commis, lors de cette appréciation et de cette comparaison des mérites, d’erreurs de nature à entacher d’illégalité la décision attaquée.

62      Il en résulte que les moyens du requérant tirés d’une violation de l’article 45 du statut et d’un abus de pouvoir dans l’appréciation et la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables doivent être écartés comme non fondés.

 Sur la demande d’ordonner la promotion du requérant

 Arguments des parties

63      Le requérant demande au Tribunal d’ordonner au Conseil de le promouvoir au grade B*8.

64      Le Conseil considère cette demande irrecevable à la lumière de la jurisprudence selon laquelle le juge communautaire n’est pas compétent pour adresser des injonctions aux institutions. Il la considère également comme non fondée au regard du large pouvoir d’appréciation dont l’AIPN dispose dans le cadre de l’examen comparatif des mérites, conformément à l’article 45 du statut, le juge ne pouvant, en tout état de cause, se substituer à l’AIPN dans son appréciation.

 Appréciation du Tribunal

65      Selon une jurisprudence constante, le juge communautaire est manifestement incompétent pour adresser des injonctions aux institutions communautaires. Cette jurisprudence est applicable au contentieux de la fonction publique (arrêt de la Cour du 21 novembre 1989, Becker et Starquit/Parlement, C‑41/88 et C‑178/88, Rec. p. 3807, publication sommaire, point 6 ; arrêt du Tribunal de première instance du 9 juin 1998, Chesi e.a./Conseil, T‑172/95, RecFP p. I‑A‑265 et II‑817, point 33). Ainsi, le Tribunal ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T‑300/97, RecFP p. I‑A‑259 et II‑1263, point 28, et la jurisprudence citée), adresser, en l'espèce, des injonctions à la partie défenderesse.

66      En toute hypothèse, le rejet des conclusions en annulation comme non fondées entraîne également le rejet de la demande d’ordonner la promotion du requérant.

 Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

67      Le requérant demande l’indemnisation d’un manque à gagner équivalent à la différence de rémunération entre son grade et le grade revendiqué, différence de l’ordre de 2 400 euros brut.

68      Le Conseil considère une telle demande comme non fondée, au regard de la jurisprudence relative au large pouvoir discrétionnaire dont dispose l’AIPN quant au choix des fonctionnaires à promouvoir. Ainsi, à défaut d’existence d’un préjudice certain résultant de la décision attaquée, la demande d’indemnisation devrait être rejetée.

 Appréciation du Tribunal

69      Les conclusions en indemnité du présent recours sont étroitement liées aux conclusions en annulation. Par conséquent, et en application d’une jurisprudence constante (ordonnance du Tribunal de première instance du 11 juin 1998, Fichtner/Commission, T‑173/97, RecFP p. I‑A‑293 et II‑873, point 24 ; arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, B/Commission, F‑7/06, non encore publié au Recueil, point 57), le rejet de ces dernières comme non fondées entraîne également le rejet des conclusions indemnitaires.

70      Par conséquent le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

71      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal, les dispositions dudit règlement relatives aux dépens et aux frais de justice ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007 (voir point 13 du présent arrêt). Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

72      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

73      En outre, selon l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal peut, pour des motifs exceptionnels, répartir les dépens.

74      En l’espèce, tout en ayant conclu au rejet des allégations relatives à l’insuffisance de motivation, le Tribunal constate que les nombreuses précisions complémentaires fournies par le Conseil en cours d’instance (voir points 33 à 36 du présent arrêt) auraient pu être apportées dans la décision de rejet de la réclamation, ce qui, d’une part aurait évité un certain nombre de mesures d’organisation de la procédure, d’autre part, aurait permis au requérant de mieux apprécier les chances d’une action en justice, ce d’autant plus que le requérant avait pratiqué la mobilité interinstitutionnelle, que son dernier rapport de notation établi par son institution d’origine était de niveau particulièrement élevé et qu’il aurait ainsi raisonnablement pu se poser la question de savoir s’il n’avait pas été pénalisé, au sens de la jurisprudence communautaire (voir point 55 du présent arrêt), du fait d’avoir pratiqué la mobilité interinstitutionnelle.

75      Dans ces conditions, le Tribunal considère qu’une juste appréciation des circonstances de l’espèce doit conduire le Conseil à supporter, outre ses propres dépens, le tiers des dépens du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Conseil de l’Union européenne supporte, outre ses propres dépens, le tiers des dépens de M. Hinderyckx.

3)      M. Hinderyckx supporte les deux tiers de ses propres dépens.

Mahoney

Boruta

Tagaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 novembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.