Language of document : ECLI:EU:F:2012:193

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

13 décembre 2012 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BCE – Plainte pour harcèlement moral – Enquête administrative – Accès au dossier de l’enquête – Transmission du dossier aux personnes mises en cause dans la plainte – Devoir de confidentialité – Respect des droits de la défense »

Dans l’affaire F‑63/09,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 36.2 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, annexé au traité UE et au traité FUE,

Paola Donati, membre du personnel de la Banque centrale européenne, demeurant à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Mes L. Levi et M. Vandenbussche, avocats,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mme F. Feyerbacher et M. N. Urban, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. K. Bradley, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 26 juin 2009, Mme Donati demande en substance, d’une part, l’annulation de la décision du directoire de la Banque centrale européenne (BCE) de ne pas donner suite à sa plainte pour harcèlement moral et, d’autre part, la condamnation de la BCE à lui payer des dommages-intérêts.

 Cadre juridique

2        La version applicable au litige du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la BCE (ci-après le « protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE »), dispose à l’article 11, intitulé « Le directoire », ce qui suit :

« […]

11.5            Chaque membre du directoire présent aux séances a le droit de vote et dispose à cet effet d’une voix. Sauf disposition contraire, les décisions du directoire sont prises à la majorité simple des suffrages exprimés. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante. Les modalités de vote sont précisées dans le règlement intérieur visé à l’article 12.3.

[…] »

3        L’article 12 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, intitulé « Responsabilités des organes de décision », prévoit :

« […]

12.3 Le conseil des gouverneurs adopte un règlement intérieur déterminant l’organisation interne de la BCE et de ses organes de décision.

[…] »

4        L’article 36 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, intitulé « Personnel », contient les dispositions suivantes :

« 36.1  Le conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE.

36.2  La Cour de justice [de l’Union européenne] est compétente pour connaître de tout litige entre la BCE et ses agents dans les limites et selon les conditions prévues par le régime qui leur est applicable. »

5        Sur le fondement de l’article 12.3 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, le conseil des gouverneurs de la BCE a adopté le règlement intérieur de la BCE. La version du règlement intérieur de la BCE applicable à la présente affaire, issue de la décision de la BCE du 19 février 2004 portant adoption du règlement intérieur de la BCE (JO L 80, p. 33), dispose notamment, à l’article 11, intitulé « Personnel de la BCE » :

« […]

11.2  Sans préjudice des articles 36 et 47 [du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE], le directoire édicte des règles d’organisation (ci-après dénommées ‘circulaires administratives’) qui sont obligatoires pour le personnel de la BCE.

[…] »

6        L’article 21 du règlement intérieur de la BCE, intitulé « Régime applicable au personnel », est libellé comme suit :

« 21.1 Les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel déterminent les relations de travail entre la BCE et son personnel.

21.2 Sur proposition du directoire et après consultation du conseil général, le conseil des gouverneurs adopte les conditions d’emploi.

21.3 Le directoire adopte les règles applicables au personnel, qui mettent en application les conditions d’emploi.

[…] »

7        Le conseil des gouverneurs de la BCE a adopté, par décision du 9 juin 1998, modifiée le 31 mars 1999 (JO 1999, L 125, p. 32), les conditions d’emploi du personnel de la BCE (ci-après les « conditions d’emploi »). Les conditions d’emploi ont été plusieurs fois modifiées par la suite. La version applicable en l’espèce, qui résulte de la modification intervenue le 1er janvier 2008, dispose notamment :

« 9.      (a) Les relations de travail entre la BCE et les membres de son personnel sont régies par des contrats de travail compte tenu des présentes conditions d’emploi. Les règles applicables au personnel adoptées par le directoire précisent les modalités d’application des présentes conditions d’emploi.

[…]

(c) Les présentes conditions d’emploi ne sont régies par aucun droit national particulier. La BCE applique : i) les principes généraux du droit communs aux droits des États membres, ii) les principes généraux du droit communautaire (CE), et iii) les règles contenues dans les règlements et directives communautaires concernant la politique sociale, dont les États membres sont les destinataires. Chaque fois que cela [est] nécessaire, ces [instruments] juridiques [sont] mis en œuvre par la BCE. Il [est] dûment tenu compte à cet égard des recommandations (CE) en matière de politique sociale. Les principes consacrés par les règlements, les règles et la jurisprudence applicables au personnel des institutions communautaires sont dûment pris en considération pour l’interprétation des droits et obligations prévus par les présentes conditions d’emploi.

[…]

41.      Les membres du personnel peuvent, en recourant à la procédure fixée dans les règles applicables au personnel, soumettre à l’administration, en vue d’un examen précontentieux, leurs doléances et réclamations que cette dernière examinera sous l’angle de la cohérence des actes pris dans chaque cas individuel par rapport à la politique du personnel et aux conditions d’emploi de la BCE. Les membres du personnel n’ayant pas obtenu satisfaction à la suite de la procédure d’examen précontentieux peuvent recourir à la procédure de réclamation fixée dans les règles applicables au personnel.

Ces procédures ne peuvent pas être utilisées pour contester :

[…]

(ii)  toute décision pour laquelle il existe une procédure de recours spécial ; […]

42.      Après épuisement de toutes les procédures internes disponibles, la Cour de justice est compétente pour connaître de tout litige opposant la BCE à un membre ou à un ancien membre de son personnel auquel les présentes conditions d’emploi sont applicables.

Cette compétence est limitée au contrôle de la légalité de la mesure ou de la décision, sauf si le litige est de nature pécuniaire, auquel cas la Cour de justice a une compétence de pleine juridiction.

[…]

47.      En cas de litige à caractère individuel, un membre du personnel est en droit de solliciter l’assistance d’un représentant du personnel aux fins des procédures internes. »

8        Sur le fondement de l’article 21, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BCE et de l’article 9, sous a), des conditions d’emploi, le directoire de la BCE a adopté les règles applicables au personnel de la BCE (ci-après les « règles applicables au personnel »), lesquelles, dans la version en vigueur le 1er janvier 2009 applicable au litige, prévoient notamment, à l’article 8, intitulé « Recours et procédures disciplinaires » :

«8.1 Procédures de contrôle administratif et de réclamation

[…]

8.1.6. Les décisions prises par le directoire peuvent être contestées dans le cadre d’une procédure de recours spécial. Un membre du personnel peut introduire un recours contre une décision du directoire dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle cette décision lui a été communiquée.

Le membre du personnel soumet au président la demande introduisant le recours, accompagnée de toute pièce pertinente. La demande énonce clairement les motifs invoqués à l’appui de la contestation de la décision ainsi que les conclusions du demandeur.

Le [p]résident notifie la décision du directoire au membre du personnel dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la demande introduisant le recours lui a été soumise.

[…]

8.3      Procédures disciplinaires

[…]

8.3.2      En se fondant sur un rapport exposant les faits et les circonstances constitutifs du manquement aux obligations professionnelles, y compris toute circonstance aggravante ou atténuante, éléments de preuve à l’appui, et faisant état des résultats de l’audition du membre du personnel concerné, après communication à ce dernier de l’ensemble des pièces du dossier, le directoire peut décider comme suit :

–      ouvrir une procédure disciplinaire pour manquement aux obligations professionnelles,

–      informer le membre du personnel qu’aucune charge ne peut être retenue contre lui,

–      ne pas imposer de sanction disciplinaire, même en cas de manquement aux obligations professionnelles présumé ou avéré.

[…]

Le membre du personnel faisant l’objet de la procédure disciplinaire (ci-après le ‘membre du personnel’) est informé par écrit de l’ouverture de la procédure disciplinaire et des allégations formulées contre lui.

[…]

Procédure disciplinaire avec consultation du comité de discipline

[…]

8.3.11 Le rapport visé à l’article 8.3.2 est communiqué au membre du personnel. Dès réception de ce rapport, il a le droit d’obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de prendre copie de toutes les pièces de la procédure, y compris celles qui sont de nature à le disculper. […] »

9        En date du 21 mars 2006, le directoire de la BCE a adopté la circulaire administrative 01/2006 sur les enquêtes administratives internes (ci-après la « circulaire no 1/2006 »).

10      L’article 2 de la circulaire no 1/2006, intitulé « Définitions », prévoit en particulier :

« Aux fins de la présente circulaire administrative, on entend par :

1.       Enquête administrative, une procédure administrative interne, telle que décrite dans la présente circulaire administrative, qui a pour but de clarifier les faits. Cette procédure administrative se déroule sans préjudice d’une procédure disciplinaire séparée.

[…]

5.      Responsable d’enquête, le directoire ou un responsable hiérarchique d’un service déterminé qui assume la responsabilité générale d’une enquête administrative.

6.      Personne en charge de l’enquête, la personne nommée par le responsable d’enquête pour mener une enquête administrative.

7.      Panel, un groupe d’un minimum de trois et d’un maximum de cinq personnes y compris [son] président, nommé par le responsable d’enquête pour mener une enquête administrative. »

11      L’article 3 de la circulaire no 1/2006, portant sur la communication des faits, dispose :

« 1.      Sans préjudice de l’article 3, paragraphe 1, de la décision BCE/2004/11, du 3 juin 2004, relative aux conditions et modalités des enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude au sein de la [BCE] en matière de lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale préjudiciable aux intérêts financiers des Communautés européennes et portant modification des conditions d’emploi du personnel de la [BCE], tout employé de la BCE peut présenter, oralement ou par écrit, des faits à n’importe quel responsable de la BCE en précisant dans la mesure du possible :

a.       la nature de l’incident/des incidents ; et

b.       le nom du/des malfaiteur(s) présumé(s) ; et

c.       les dates et les heures auxquelles l’incident/les incidents est/sont survenu(s) ; et

d.       les noms de tous témoins de l’incident/des incidents ; et

e.       tout autre élément de preuve ; et

f.       toute action déjà entreprise par le plaignant dans le but de mettre fin à l’incident/aux incidents.

2.      Tout responsable qui a eu connaissance d’un possible manquement en informe le responsable hiérarchique compétent et lui transmet tout élément de preuve pertinent.

[…]

7.       Le responsable hiérarchique compétent informe tout employé de la BCE qui a communiqué des faits en vertu de l’article 3, paragraphe 1, des suites qui y ont été données. »

12      Aux termes de l’article 4 de la circulaire no 1/2006, intitulé « Ouverture et compétences pour mener une enquête administrative » :

«1.      Lorsque le responsable hiérarchique compétent considère que les faits communiqués justifient une enquête administrative interne, il soumet les faits communiqués au directeur général de la [direction générale (DG)] ‘Ressources humaines, budget et organisation’, au directeur de la direction ‘Audit interne’ et au directeur général de la DG ‘Secrétariat et services linguistiques’.

2.      Lorsque le directeur général de la DG ‘Ressources humaines, budget et organisation’, le directeur de la direction ‘Audit interne’ et le directeur général de la DG ‘Secrétariat et services linguistiques’ confirment la nécessité d’une enquête administrative interne, ils proposent immédiatement au directoire l’ouverture d’une telle enquête.

[…]

4.      Lorsqu’une proposition est formulée en application du paragraphe 2, que des faits sont communiqués en application de l’article 3, paragraphe 3, ou que le directoire a lui-même connaissance d’un possible manquement aux obligations professionnelles, et lorsque les faits communiqués et la nature des preuves justifient l’application de la présente circulaire administrative, le directoire peut décider d’ouvrir une enquête administrative. »

13      En vertu de l’article 5 de la circulaire no 1/2006, relatif au déroulement de l’enquête administrative :

« […]

2.      La personne en charge de l’enquête, ou le panel et son président, sont choisis parmi des personnes qui ne se trouvent pas impliquées dans l’incident ou qui n’ont pas de lien avec celui-ci […]

3.      […] La personne en charge de l’enquête et les membres du panel sont choisis parmi les employés de la BCE ou, le cas échéant, parmi des personnes externes présentant les qualifications et les compétences pertinentes.

[…]

8.      Dans l’exercice de leurs tâches, le responsable d’enquête, la personne en charge de l’enquête et les membres du panel, ainsi que tous les employés de la BCE susceptibles d’être invités à fournir des preuves ou des explications en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b) à e), […] s’abstiennent de révéler à des tiers toutes informations quelconques obtenues au cours de l’enquête. »

14      L’article 6 de la circulaire no 1/2006 prévoit :

« 1.      La personne en charge de l’enquête ou l’ensemble des membres du panel […] :

(a)      débutent l’enquête administrative en indiquant la date à laquelle le rapport motivé sera rendu ; […]

(e)      sollicitent l’expertise des services compétents dans le domaine considéré ou d’experts indépendants externes ; […]

2.      L’enquête administrative est conduite de manière à ne pas détruire des éléments de preuve et à ne pas compromettre toute suite éventuelle. […]

4.      Tous les entretiens font l’objet d’une transcription et/ou d’un procès-verbal. Tout employé de la BCE qui a été entendu en vertu du paragraphe 1, sous c) et d), […] doit signer le procès-verbal de son audition ou transmettre ses commentaires et/ou ses remarques dans un délai de [quinze] jours calendaires à compter de la date de réception du procès-verbal.

[…]

6.      […] Lorsqu’une enquête administrative n’est suivie d’aucune autre mesure, le dossier afférent à ladite enquête ne peut être conservé au-delà d’un délai de 24 mois suivant l’année de clôture de la procédure de l’enquête administrative. […]

10.      En cas d’allégations de discrimination, de harcèlement ou de harcèlement moral et lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient, la personne en charge de l’enquête ou le panel peut recommander au responsable d’enquête, s’il y a lieu, de révéler les faits et l’identité du plaignant. Ces circonstances incluent par exemple : (a) des incidents susceptibles d’être qualifiés d’infraction pénale, tels qu’une voie de fait, lorsque l’identité du plaignant et les faits peuvent être divulgués aux autorités nationales allemandes […] ; ou (b) des cas dans lesquels le plaignant se trouve dans une situation de détresse extrême ou lorsque sa santé et son bien-être sont gravement affectés par le ou les incidents. Le plaignant est informé de la possibilité et de la portée de cette divulgation.

[…]

14.      À l’issue de l’enquête administrative, la personne en charge de l’enquête ou le panel soumet au responsable d’enquête un rapport motivé exposant les faits et les circonstances de l’affaire, ainsi que l’existence ou l’absence de preuves suffisantes à l’appui du manquement allégué. Lorsque le responsable d’enquête est un responsable hiérarchique, ce dernier en informe le directoire.

15.      Lorsque la personne en charge de l’enquête ou le panel ne peut pas adopter un rapport motivé dans le délai prévu à l’article 6, paragraphe 1, sous a), il en informe immédiatement le responsable d’enquête. Le directoire décide […] :

(a)       […] que le délai pour adopter le rapport motivé doit être prorogé ; ou

(b)       que la procédure d’enquête a démontré que les faits et les éléments de preuve rassemblés jusqu’alors n’étayent pas le manquement allégué et que la procédure d’enquête doit être clôturée sans adopter de quelconques mesures supplémentaires ; ou

(c)       que la procédure d’enquête doit être assignée à une autre personne ou à un autre panel […]. »

15      L’article 7 de la circulaire no 1/2006 dispose :

« 1.      Les employés de la BCE affectés par l’enquête administrative en sont tenus informés pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En tout état de cause, aucune conclusion se rapportant nommément à une personne ne peut être adoptée avant que cette dernière n’ait eu la possibilité de présenter ses observations sur tous les faits la concernant.

[…]

3.      Les employés de la BCE faisant l’objet d’une enquête administrative :

a)       seront informés par la personne en charge de l’enquête, ou par le panel, avant la présentation du rapport motivé, du contenu du prétendu manquement à leurs obligations professionnelles et se verront accorder l’accès aux documents relatifs aux allégations formulées à leur égard et relatant des faits importants pour l’exercice de leurs droits de la défense ; et

b)       auront la possibilité de faire valoir leur point de vue et d’ajouter leurs observations sur les conclusions les concernant ; afin de garantir que le dossier d’enquête soit complet, ces commentaires seront inclus dans le rapport motivé ; et

c)       pourront demander l’assistance d’un représentant du personnel.

Les employés de la BCE ou d’autres individus impliqués dans l’enquête administrative auront également accès à tous les faits les concernant, ainsi qu’à leurs données personnelles afin de garantir l’exactitude et le caractère complet de celles-ci ; ils auront le droit d’obtenir du responsable d’enquête, agissant en qualité de contrôleur, la rectification immédiate de toute inexactitude ou lacune se rapportant à leurs références personnelles.

4.      Le responsable d’enquête transmet à la personne ou aux personnes faisant l’objet de l’enquête administrative les extraits pertinents du rapport motivé la ou les concernant directement.

5.      En aucun cas les employés de la BCE ne doivent subir un traitement injuste ou discriminatoire, faire l’objet d’une intimidation, de représailles ou de harcèlement en raison du fait qu’ils ont communiqué des faits, transmis les informations demandées ou témoigné conformément à la présente circulaire administrative. […]

6.      Lorsque les faits semblent étayer la conclusion selon laquelle un membre du personnel de la BCE a intentionnellement formulé de fausses déclarations ou de fausses allégations avec l’intention de nuire, la personne en charge de l’enquête ou le panel en informe le responsable d’enquête.

7.      Les employés de la BCE apportent leur pleine coopération et fournissent toute l’assistance requise aux fins de l’enquête administrative. »

16      Le 19 septembre 2006, la BCE a diffusé une note sur sa politique de « [d]ignité au travail » (ci-après la « note sur la politique de dignité au travail »), laquelle prévoit notamment que des allégations non fondées formulées avec l’intention de discréditer d’autres personnes ne seront pas tolérées.

17      L’article 12 bis, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne. »

 Faits à l’origine du litige

18      Le 1er mars 2001, la requérante a rejoint la BCE en tant qu’économiste. Elle a été affectée en premier lieu à la direction générale (DG) « Questions économiques » (ci-après la « DG‑E ») puis à la DG « Études et recherche » (ci-après la « DG‑R »). Avec effet au 1er mars 2004, le poste d’économiste occupé par la requérante a été reclassé en poste d’économiste senior. Le 1er avril 2004, la requérante a été affectée à la DG‑E en tant qu’économiste senior à la section « Économie mondiale » (Global Economy Section) de la division « Évolutions conjoncturelles hors zone euro » (External Developments Division, ci-après la « DIV/EXT »).

19      En mars 2006, la requérante a été affectée à la section « Balance des paiements et Forex » (Foreign Exchange and Balance of Payments Section) de la DIV/EXT. Elle y travaillait sous la supervision de M. X et de M. Y, le premier étant son supérieur hiérarchique direct et le second étant le supérieur hiérarchique de M. X (ci-après les « supérieurs hiérarchiques »).

20      Le 18 septembre 2007, la requérante s’est plainte verbalement auprès du directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » (ci-après la « DG‑H ») du harcèlement moral qu’elle aurait subi de la part des supérieurs hiérarchiques depuis la fin du mois de mars 2006, en violation de la note sur la politique de dignité au travail. À l’appui de sa plainte verbale, elle a remis, ce même jour, au directeur général de la DG‑H, un mémorandum illustrant les principaux faits dénoncés. En substance, la requérante se plaignait de ce que les supérieurs hiérarchiques minimisaient ses réussites et entravaient sa performance dans son travail, de ce qu’ils ne respectaient pas le profil de son poste en lui attribuant des tâches pour lesquelles elle ne possédait pas d’expertise et du fait qu’ils ne reconnaissaient pas le travail qu’elle effectuait. En agissant de la sorte, les supérieurs hiérarchiques empêcheraient le déroulement normal de sa carrière.

21      Une procédure de résolution informelle entre la requérante et M. X a été entamée, mais n’a pas abouti.

22      Le 10 janvier 2008, M. X a communiqué à la requérante le résultat de la révision annuelle de son salaire (annual salary & bonus review, ci-après l’« ASBR »), à savoir, qu’en raison d’une sous-performance en 2007, elle ne percevrait pas d’augmentation.

23      Par courrier du 14 janvier 2008 adressé au directeur général de la DG‑H, le conseil de la requérante a fait valoir que, dans la mesure où les supérieurs hiérarchiques harcelaient la requérante, ni l’un ni l’autre ne saurait agir en tant qu’évaluateur pour l’exercice d’évaluation 2007, lequel était toujours en cours. Le conseil de la requérante a dès lors demandé que d’autres personnes soient désignées pour assumer cette tâche.

24      Le 16 janvier 2008, s’est tenue une réunion de la DIV/EXT, réunion à laquelle la requérante n’a pas assisté. Selon la requérante, M. Y aurait annoncé, lors de cette réunion, que lui et M. X avaient été accusés de harcèlement, qu’une procédure externe avait été initiée afin d’examiner la plainte, et qu’une enquête administrative interne avait également été ouverte à leur égard au motif qu’ils seraient de mauvais managers.

25      Par courrier du 7 février 2008, destiné au directeur général de la DG‑H, le conseil de la requérante a remis des documents qui visaient à étayer les faits de harcèlement dénoncés oralement le 18 septembre 2007. Dans ces documents, le conseil de la requérante fait en outre valoir que celle-ci se plaint du fait que les supérieurs hiérarchiques l’ont exclue des échanges d’informations liées au travail, qu’ils ne communiquent pas avec elle et ne répondent pas à ses demandes de clarification et d’information, qu’ils lui ont attribué des tâches bien en dessous de ses aptitudes, qu’ils lui ont adressé des commentaires offensants et dégradants, notamment sur son poids et son physique, qu’ils nuisent à ses relations sociales et qu’ils l’ont isolée. Il affirme également que le harcèlement que la requérante subirait nuit à sa santé. Dans la lettre d’accompagnement, le conseil de la requérante a également indiqué que celle-ci était prête à arriver à un accord avec la BCE, lequel devrait comprendre une reconnaissance professionnelle consistant en une promotion et la révision de son ASBR pour 2007, ainsi qu’une compensation financière pour les dommages subis.

26      Le 19 février 2008, le directoire de la BCE a décidé d’ouvrir, conformément à l’article 4, paragraphe 4, de la circulaire no 1/2006, une enquête administrative interne (ci-après l’« enquête administrative »). Il ressort du dossier que cette enquête visait à clarifier les faits dénoncés par la requérante et les circonstances entourant ces faits ainsi que l’existence ou l’absence de preuves suffisantes, en premier lieu, de l’allégation selon laquelle les supérieurs hiérarchiques auraient violé les principes de dignité au travail à l’égard de la requérante et, en second lieu, de l’allégation selon laquelle, par ses déclarations lors de la réunion de la DIV/EXT du 16 janvier 2008, M. Y aurait violé son devoir de confidentialité à l’égard de l’enquête administrative. En outre, l’enquête administrative visait à déterminer si les comportements des supérieurs hiérarchiques constituaient un harcèlement moral.

27      Le 20 février 2008, le directeur général de la DG‑H a communiqué à la requérante qu’elle était réaffectée, avec effet immédiat, à titre de mesure provisoire, à la division « Recherche sur la politique monétaire » de la DG‑R.

28      Par lettre du 25 février 2008, le directeur de la direction « Audit interne » a informé la requérante que le directoire avait décidé d’ouvrir une enquête administrative « afin de clarifier les faits et les circonstances ainsi que l’existence ou l’absence de preuves suffisantes » d’une « allégation de violation des principes de dignité au travail » et d’une « allégation d’une violation des règles de confidentialité » dans lesquelles étaient impliqués des membres du personnel de la DIV/EXT. Dans la lettre, le directeur de la direction « Audit interne » a précisé qu’il avait été nommé responsable d’enquête par le directoire et que, en cette qualité, il avait ouvert la procédure d’enquête administrative et nommé une commission d’enquête (ci-après le « panel ») qui agirait sous la présidence de M. A (ci-après le « président du panel »).

29      Le 11 mars 2008, la requérante a été auditionnée par le panel. Lors de l’audition, elle a confirmé que le dossier transmis au directeur général de la DG‑H par son conseil, le 7 février 2008, à l’appui de sa plainte contenait toute l’information dont elle disposait à cette date. Elle a également confirmé qu’elle avait formulé neuf allégations liées au harcèlement prétendument subi, à savoir que les supérieurs hiérarchiques avaient empêché le déroulement normal de sa carrière professionnelle, avaient entravé son travail, l’avaient exclue des échanges d’informations liées au travail, avaient évité toute communication avec elle, avaient minimisé les résultats de son travail, n’avaient pas respecté son profil professionnel, avaient formulé des commentaires offensants et dégradants à son égard, avaient nui à ses relations sociales et l’avaient isolée. La requérante a aussi déclaré qu’elle connaissait les motifs pour lesquels le directoire avait demandé au panel d’examiner une dixième allégation, à savoir, une possible violation du devoir de confidentialité par M. Y en raison de l’annonce qu’il aurait faite, lors de la réunion de la DIV/EXT du 16 janvier 2008. La requérante a toutefois souligné que la question de savoir pourquoi le directoire n’avait pas demandé au panel d’examiner également l’annonce de M. Y selon laquelle lui et M. X auraient été assignés en justice, annonce qui s’avérait être fausse, restait posée.

30      Le 5 juin 2008, la requérante s’est entretenue avec le président du panel et l’un des membres de celui-ci. Lors de cet entretien, la requérante a reçu une copie du dossier préparé par les supérieurs hiérarchiques en réponse à celui que son conseil avait fait parvenir, le 7 février 2008, au directeur général de la DG‑H.

31      Par lettre du 11 juin 2008 adressée au directeur de la direction « Audit interne » en sa qualité de responsable d’enquête, le conseil de la requérante a dénoncé une violation par le panel de son obligation de confidentialité. En particulier, le conseil de la requérante a relevé qu’il ressortait du dossier remis à la requérante lors de l’entretien du 5 juin 2008 que le panel avait, sans l’avoir préalablement consultée, communiqué aux supérieurs hiérarchiques tous les documents que la requérante avait produits au soutien de sa plainte, y compris ceux comportant ses propres affirmations et les noms de plusieurs collègues qui s’étaient déclarés prêts à témoigner en sa faveur et qui, postérieurement, avaient effectivement été appelés à témoigner. Par conséquent, le conseil de la requérante soutenait que l’enquête administrative en cours était irrégulière et devait être annulée.

32      Le 12 juin 2008, un incident est survenu lorsque deux membres du panel ont rendu visite à la requérante, laquelle se trouvait dans son bureau.

33      Par lettre du 16 juin 2008 adressée au responsable d’enquête, le conseil de la requérante s’est plaint de l’incident survenu le 12 juin précédent. Dans cette même lettre, il a rappelé au directeur de la direction « Audit interne » la dénonciation de la violation par le panel de son devoir de confidentialité faite dans la lettre qu’il lui avait adressée le 11 juin 2008 et à laquelle il n’avait pas répondu. Le conseil de la requérante a indiqué que la requérante ne participerait plus à l’enquête administrative jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur ce point.

34      Le 17 juin 2008, le président du panel a envoyé un courriel à la requérante pour la convoquer à une réunion avec le panel le lendemain. La requérante n’a pas assisté à cette réunion.

35      Par lettre du 24 juin 2008 adressée au président du panel, le conseil de la requérante a exprimé sa surprise quant au fait qu’aucun des courriels qu’il lui avait envoyés n’avait reçu de réponse directe de sa part et quant au fait que ses réponses à ces courriels étaient adressées directement à la requérante. Dans cette lettre, le conseil de la requérante a répété que l’enquête administrative était entachée d’irrégularités dans la mesure où les supérieurs hiérarchiques avaient eu un accès intégral au dossier de plainte remis le 7 février 2008, alors que seul un accès restreint aurait dû leur être accordé. Il a également déclaré que, comme indiqué dans un courriel au président du panel du 17 juin 2008, la requérante n’assisterait plus aux réunions avec le panel qu’en présence de son conseil.

36      Le 1er juillet 2008, le président du panel a adressé un courriel à la requérante en rapport avec une réunion avec le panel planifiée pour le lendemain. La requérante n’a pas assistée à cette réunion.

37      Par courriel du 2 juillet 2008 adressé au président du panel, le conseil de la requérante s’est plaint de ne pas avoir reçu de réponse de sa part à ses lettres des 11 et 16 juin 2008 et a contesté le refus du président du panel de permettre que la requérante soit assistée de son conseil lors des réunions avec le panel.

38      Par lettre du 7 juillet 2008, le directeur général de la DG « Affaires juridiques » a informé le conseil de la requérante que les destinataires à la BCE de ses lettres et courriels ne maintiendraient pas de correspondance directe avec un tiers, donc avec lui, pendant le déroulement de l’enquête administrative au motif qu’il s’agissait d’une procédure d’établissement de faits purement interne ne permettant pas l’ingérence d’acteurs extérieurs à la BCE.

39      Par lettre du 18 juillet 2008 adressée en réponse au directeur général de la DG « Affaires juridiques », le conseil de la requérante a contesté le contenu de sa lettre du 7 juillet précédent et lui a rappelé qu’il n’avait toujours pas reçu de réponse aux questions d’ordre juridique qu’il avait posées dans sa correspondance antérieure.

40      Par lettre du 6 août 2008 adressée au conseil de la requérante, un membre de la DG « Affaires juridiques » a confirmé la position du directeur général de la DG « Affaires juridiques » exprimée dans la lettre du 7 juillet 2008 et a précisé que les noms des témoins proposés au panel et leurs témoignages restaient conservés auprès du panel et qu’il n’y avait pas de transfert automatique des documents à d’autres personnes que les membres du panel.

41      Par lettre du 4 septembre 2008 adressée au directeur général de la DG « Affaires juridiques », le conseil de la requérante a exprimé son mécontentement devant les réponses apportées par la lettre du 6 août précédent et souligné l’irrégularité de l’enquête administrative en ce que des documents confidentiels auraient été communiqués aux supérieurs hiérarchiques. Le conseil de la requérante a également réitéré son désaccord avec la conception de la BCE du rôle des conseillers externes pendant les enquêtes administratives.

42      Par lettre du 17 novembre 2008, le président du panel a soumis à la requérante un projet de rapport d’enquête (ci-après le « projet de rapport d’enquête »), lequel comptait 116 pages, y compris les annexes, et lui a demandé de formuler ses observations pour le 2 décembre 2008 au plus tard. Dans le projet de rapport d’enquête, le panel est arrivé à la conclusion que les allégations formulées par la requérante contre les supérieurs hiérarchiques n’étaient pas fondées.

43      Par lettre du 19 novembre 2008 adressée au président du panel, le conseil de la requérante a demandé le report de la date butoir pour présenter ses observations sur le projet de rapport d’enquête au 7 ou 8 janvier 2009 en raison de sa propre charge de travail et de celle de la requérante. Le report de cette date permettrait à cette dernière de recevoir l’assistance juridique souhaitée pour la rédaction de ses observations au projet de rapport d’enquête.

44      Par lettre du même jour adressée à la requérante, que cette dernière a en tout cas reçue au plus tard le 24 novembre 2008, le président du panel l’a informée qu’elle était désormais dispensée de ses obligations professionnelles, ce qui lui permettrait de se consacrer exclusivement à la rédaction de ses observations sur le projet de rapport d’enquête, mais que la date butoir ne pouvait être modifiée, ses observations devant toujours être présentées le 2 décembre 2008 au plus tard.

45      Par la suite, il y a eu un échange de correspondance entre le président du panel et le conseil de la requérante, lequel s’est soldé par le refus du président du panel de reporter la date limite pour soumettre des observations sur le projet de rapport d’enquête.

46      Par lettre du 2 décembre 2008, la requérante a informé le président du panel qu’elle n’avait pas été en mesure de terminer ses observations sur le projet de rapport d’enquête, non seulement parce que le délai accordé avait été trop court, mais aussi parce qu’elle avait de nombreuses observations à faire en ce qui concerne la description des faits et les conclusions du projet de rapport d’enquête. Dans cette lettre, la requérante a néanmoins repris le grief fait au panel d’avoir transmis aux supérieurs hiérarchiques tous les documents qu’elle avait produits à l’appui de sa plainte et a fait valoir que la conclusion du projet de rapport d’enquête, selon laquelle M. Y n’avait pas violé son devoir de confidentialité, était erronée. Quant à la date butoir fixée par le président du panel pour présenter ses observations, la requérante a fait observer que la circulaire no 1/2006 prévoit que les délais doivent être raisonnables, ce qui n’aurait pas été le cas.

47      Par lettre du 4 décembre 2008, le président du panel a invité la requérante à remettre d’urgence ses observations au projet de rapport d’enquête, sans lui avoir pour autant fixé une nouvelle date limite.

48      Par lettre du 8 décembre 2008, le conseil de la requérante a informé le président du panel que les observations de la requérante sur le projet de rapport d’enquête seraient soumises début janvier 2009 au plus tard. Par lettre de ce même jour, le président du panel a répondu que dans sa lettre du 4 décembre précédent il n’avait pas accordé une prolongation du délai aussi importante, que le délai était reporté au 9 décembre 2008 et qu’aucune observation additionnelle qui n’aurait pas été communiquée à cette date limite ne serait prise en compte pour la finalisation du rapport d’enquête.

49      Par lettre du 9 décembre 2008, la requérante a informé le président du panel qu’elle estimait ce nouveau délai déraisonnable au regard des nombreuses erreurs dont le projet de rapport d’enquête était, à son avis, entaché et qu’elle soumettrait ses observations le 5 janvier 2009 au plus tard.

50      Le 11 décembre 2008, le panel a finalisé son rapport d’enquête (ci-après le « rapport final d’enquête »), aux termes duquel il a conclu, en premier lieu, que l’allégation selon laquelle les supérieurs hiérarchiques auraient violé les principes de dignité au travail ne pouvait être retenue par manque de preuves et, en second lieu, qu’en ayant déclaré, le 16 janvier 2008, qu’il était accusé de harcèlement par un membre du personnel, M. Y n’avait pas violé son devoir de confidentialité. Par conséquent, le panel a conclu que les allégations formulées par la requérante contre les supérieurs hiérarchiques n’étaient pas fondées.

51      Le 12 décembre 2008, le panel a soumis le rapport final d’enquête au directoire.

52      Le 16 décembre 2008, après avoir pris acte du rapport final d’enquête, le directoire a « a) décidé d’inviter le responsable d’enquête à informer les parties concernées du résultat de l’enquête ; et b) décidé d’inviter le directeur général de la DG‑H, en coopération étroite avec le directeur général de la DG ‘Affaires juridiques’, à informer la requérante qu’elle ne devrait plus porter d’allégations non fondées, que ce soit en rapport avec l’enquête en cause ou avec toute autre question » (ci-après la « décision du 16 décembre 2008 »).

53      Le 18 décembre 2008, la requérante a été mise en congé de maladie. Elle a repris le travail le 5 janvier 2009.

54      Ce même 18 décembre 2008, le directeur de la direction « Audit interne » en sa qualité de responsable d’enquête a envoyé une lettre datée du 17 décembre 2008 à toutes les personnes concernées par l’enquête administrative, notamment aux témoins interrogés par le panel, afin de les informer du résultat de celle-ci.

55      Par lettre du 19 décembre 2008, notifiée à la requérante le même jour à son domicile, le directeur général adjoint de la DG‑H a porté à sa connaissance que l’enquête administrative avait été clôturée et qu’elle « avait été informée du manque de preuves au soutien de ses allégations ». Dans cette lettre, le directeur général adjoint de la DG‑H a précisé que, en conséquence, il espérait qu’elle comprendrait qu’elle ne devait pas répéter les allégations ayant fait l’objet de l’enquête administrative clôturée et que, d’une manière plus générale, elle devait être consciente que, lorsque des membres du personnel font intentionnellement de fausses déclarations ou émettent de fausses allégations dans l’intention de nuire, la BCE est tenue de lancer une enquête administrative à leur égard. Le directeur général adjoint de la DG‑H a ajouté qu’elle serait informée dans les meilleurs délais de la décision ASBR pour 2007 ainsi que de son affectation future, étant donné qu’elle n’avait été affectée à la DG‑R qu’à titre provisoire.

56      Par lettre du 24 décembre 2008, le conseil de la requérante a demandé des explications au directeur général adjoint de la DG‑H sur la lettre qu’il avait adressée à la requérante le 19 décembre précédent.

57      Le 5 janvier 2009, la requérante a soumis au président du panel un document de 71 pages contenant ses observations sur le projet de rapport d’enquête. Ce même jour, la requérante a reçu une lettre du responsable d’enquête, datée du 17 décembre 2008, par laquelle il l’informait de la conclusion émise par le panel dans le rapport final d’enquête et du fait que, le 16 décembre 2008, le directoire avait « pris acte » de ce rapport. Une copie du rapport final d’enquête était jointe à cette lettre.

58      Par lettre du 20 janvier 2009 au conseil de la requérante, le directeur général de la DG « Affaires juridiques » a répondu, notamment, à la lettre du 24 décembre 2008 que celui-ci avait adressée au directeur général adjoint de la DG‑H, en indiquant que l’enquête administrative s’était déroulée de façon régulière et que l’invitation faite à la requérante de ne pas répéter les allégations ayant donné lieu à l’ouverture de cette enquête se justifiait par le fait que celles-ci s’étaient avérées non fondées. Le directeur général de la DG « Affaires juridiques » a également précisé que ceci n’empêchait pas la requérante de contester la « décision tacite du directoire » de ne pas adopter de mesures subséquentes et, en particulier, de ne pas ouvrir une procédure disciplinaire, et d’exercer ainsi ses droits de la défense.

59      Le 29 janvier 2009, le conseil de la requérante a reçu certains documents soumis, le 12 décembre 2008, par le panel au directoire en vue de l’adoption de sa décision à l’issue de l’enquête administrative, ainsi que la décision du 16 décembre 2008.

60      Le 16 février 2009, le conseil de la requérante a introduit un recours spécial contre la décision du 16 décembre 2008 (ci-après le « recours spécial »), ainsi qu’une demande d’examen précontentieux visant la lettre du directeur général de la DG « Affaires juridiques » du 20 janvier 2009, au cas où cette lettre devrait être qualifiée de décision.

61      Par lettre du 16 avril 2009, le président de la BCE a informé le conseil de la requérante de la décision du directoire de rejeter le recours spécial et de déclarer la demande d’examen précontentieux irrecevable.

 Conclusions des parties

62      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        en conséquence :

–        annuler la décision du 16 décembre 2008 en ce qu’elle comprend une menace et une tentative d’intimidation à son égard ;

–        annuler la décision du 16 décembre 2008 en ce qu’elle ne contient pas de décision sur l’issue de l’enquête administrative et sur le sort réservé à sa plainte ; à titre subsidiaire, annuler la décision du 16 décembre 2008 en ce qu’elle contient une décision « implicite » de classer sans suite sa plainte et de ne pas adopter de mesures subséquentes, en particulier de ne pas ouvrir de procédure disciplinaire ;

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision du 16 avril 2009 rejetant le recours spécial ;

–        condamner la partie défenderesse au paiement d’une compensation pour le préjudice moral subi, évalué ex æquo et bono à 10 000 euros, et,

–        à titre de mesure d’organisation de la procédure, en application de l’article 55 du règlement de procédure, inviter la partie défenderesse à produire le dossier de l’enquête administrative, en ce compris la décision du directoire d’ouvrir l’enquête administrative et définissant le mandat confié au panel, le rapport final d’enquête avec toutes ses annexes, en ce compris les procès-verbaux des auditions, ainsi que la décision du panel de recourir à des experts, en ce compris l’identité de ces experts ;

–        condamner la partie défenderesse à l’entièreté des dépens.

63      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours partiellement irrecevable ;

–        rejeter pour le surplus le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’instance.

 Procédure

64      Par lettre du greffe du 5 février 2010, les parties ont été invitées à répondre à plusieurs mesures d’organisation de la procédure. Parmi ces mesures, la BCE était priée de produire le dossier complet de l’enquête administrative. La BCE et la requérante ont présenté leurs réponses dans des mémoires des 11 et 12 mars 2010, respectivement.

65      Dans son mémoire du 11 mars 2010, la BCE a souligné que le contenu du dossier complet de l’enquête administrative, dossier qu’elle produisait, en original, à la demande du Tribunal, était « à la fois personnel et confidentiel ».

66      Par lettre du greffe du 31 mars 2010, la BCE a été priée de préciser si l’information selon laquelle le contenu du dossier complet de l’enquête administrative était « à la fois personnel et confidentiel » devait être interprétée comme une demande de traitement confidentiel conformément à l’article 44 du règlement de procédure. Par lettre du greffe de ce même jour, la réponse aux mesures d’organisation de la procédure de la BCE a été transmise à la requérante, à l’exception de l’original du dossier complet de l’enquête administrative dans l’attente de la réponse de la BCE.

67      Par lettre du 29 avril 2010, la BCE a répondu à la lettre du greffe du 31 mars 2010 et demandé au Tribunal, conformément à l’article 44, paragraphe 2, du règlement de procédure, de vérifier si le dossier de l’enquête administrative ne devait pas être considéré comme confidentiel dans son intégralité.

68      Par lettre du greffe du 4 juin 2010, le Tribunal a informé les parties de ce qu’il avait fait droit à la demande de confidentialité de la BCE et décidé de ne pas verser au dossier les procès-verbaux des auditions figurant au classeur 4a) du dossier de l’enquête administrative [ci-après le « classeur 4a) »]. Dans cette lettre, la requérante était également invitée, à partir d’une liste décrivant leur contenu, à identifier les documents figurant aux autres classeurs du dossier de l’enquête administrative, numérotés 1, 2, 3, 4 b), 5, 6 a) et b) et 7, auxquels elle demandait l’accès.

69      Par lettre du 21 juin 2010, la requérante a demandé au Tribunal de revoir sa décision de ne pas verser au dossier le classeur 4a) et de lui faire parvenir copie de la demande de confidentialité de la BCE du 29 avril 2010 qu’elle disait ne pas avoir reçue. Dans sa lettre, la requérante a par ailleurs, en réponse à la demande du Tribunal, identifié les documents, figurant aux autres classeurs du dossier de l’enquête administrative, auxquels elle demandait l’accès.

70      Par lettre du greffe du 22 juin 2010, une copie de la demande de confidentialité de la BCE du 29 avril 2010 a été envoyée à la requérante.

71      Par lettre du 29 juin 2010, la requérante a formulé des observations sur la demande de confidentialité de la BCE du 29 avril 2010 et a réitéré sa demande d’accès à la totalité du dossier de l’enquête administrative, en ce compris les procès-verbaux d’audition du classeur 4a).

72      Par lettres du greffe, respectivement des 16 et 19 juillet 2010, la requérante et la BCE ont été informées de la décision du Tribunal de finalement verser le classeur 4a) au dossier. Toutefois, d’une part, afin de protéger le droit des témoins et des personnes concernées par l’enquête administrative à ce que leurs dépositions soient maintenues confidentielles et, d’autre part, d’éviter, pour lui permettre de retrouver un environnement de travail serein, que la requérante puisse elle-même lire ces dépositions, le Tribunal a décidé de limiter l’accès au classeur 4a) au conseil de la requérante, lequel a été autorisé à le consulter dans les locaux du greffe, sans toutefois pouvoir en prendre copie. Par la lettre du greffe du 19 juillet 2010, la BCE a également été invitée, à titre de mesure d’organisation de la procédure, à produire un certain nombre de documents, parmi lesquels les documents du dossier de l’enquête administrative identifiés par la requérante dans sa lettre du 21 juin 2010 et auxquels elle souhaitait avoir accès. La BCE a déféré à cette invitation.

73      Par lettre du 5 août 2010, la BCE a fait part au Tribunal de son inquiétude à propos des conséquences que le droit d’accès aux procès-verbaux accordé à la requérante par l’entremise de son conseil risquait d’avoir, à l’avenir, sur les dépositions des témoins qui seraient appelés à participer à une enquête administrative. Elle a également demandé au Tribunal d’interdire au conseil de la requérante de prendre des notes lors de la consultation du classeur 4a) dans les locaux du greffe.

74      Par lettre du greffe du 7 septembre 2010, les parties ont été informées de la décision du Tribunal de ne pas donner suite à la demande de la BCE, formulée dans sa lettre du 5 août 2010, tendant à ce qu’il soit interdit au conseil de la requérante de prendre des notes lors de sa consultation du classeur 4a) dans les locaux du greffe.

75      Par lettre du 6 décembre 2010, le conseil de la requérante a demandé que, pour lui éviter d’avoir à se déplacer jusqu’aux locaux du greffe, le classeur 4a) lui soit communiqué sous la modalité de divulgation restreinte (« disclosure under protective order »), par laquelle le classeur lui serait communiqué uniquement à lui, sans qu’il puisse en communiquer une copie à la requérante.

76      Par lettre du 3 janvier 2011, la BCE a réagi à la demande du conseil de la requérante du 6 décembre 2010. La BCE a souligné que la décision du Tribunal de finalement verser le classeur 4a) au dossier avait été prise sans qu’elle ait été entendue sur la question du droit d’accès de la requérante au classeur 4a) et a réitéré son opposition à l’accès au classeur 4a), tant de la requérante que de son conseil, sous quelque modalité que ce soit. Elle a également demandé au Tribunal de revenir sur sa décision de finalement verser le classeur 4a) au dossier et, par suite, de mettre fin aux modalités d’accès mises en place et de retirer le classeur 4a) du dossier.

77      Par lettre du greffe du 27 janvier 2011, les parties ont été informées de la réponse du Tribunal à la lettre de la BCE du 3 janvier 2011. Le Tribunal a tout d’abord admis que la décision de finalement verser le classeur 4a) au dossier avait été prise sans que la BCE ait pu préalablement faire valoir ses observations sur les lettres des 21 et 29 juin 2010 de la partie requérante. Le Tribunal a toutefois ajouté que, dans la mesure où la BCE avait exprimé sa position sur la confidentialité des auditions figurant au classeur 4a) dans sa lettre du 29 avril 2010 et que le Tribunal avait dûment pris en compte ces observations avant d’adopter la décision de finalement verser le classeur 4a) au dossier, ainsi que dans la mesure où les observations formulées par la BCE dans sa lettre du 5 août 2010 avaient, elles aussi, été prises en compte par le Tribunal avant d’adopter la décision du 7 septembre 2010 rejetant la demande de la BCE tendant à ce qu’il soit interdit au conseil de la requérante de pouvoir prendre des notes lors de sa consultation du classeur 4a), il considérait que la procédure ayant conduit à l’adoption de ces deux décisions avait été respectueuse des droits de la défense de la BCE. Au vu du refus de la BCE de voir le classeur 4a) communiqué au conseil de la requérante sous la modalité de divulgation restreinte et pour les raisons reprises dans ses décisions communiquées aux parties par lettres du greffe des 16 juillet, 19 juillet et 7 septembre 2010, le Tribunal a décidé de confirmer que l’accès au classeur 4a) était limité au conseil de la requérante et que le dossier ne pouvait être consulté que dans les locaux du greffe, sans possibilité d’en prendre copie.

78      Les 17 février 2011, 7 avril 2011, 5 mai 2011 et 2 mai 2012, le conseil de la requérante a consulté le classeur 4a) dans les locaux du greffe.

79      En réponse à la lettre du greffe, du 13 avril 2011, par laquelle le conseil de la requérante était invité à indiquer au Tribunal s’il avait l’intention de déposer des observations sur les documents figurant au classeur 4a), le conseil de la requérante a confirmé cette intention par lettre du 20 avril 2011.

80      Par lettres, respectivement, des 16 et 18 mai 2011, le conseil de la requérante a déposé un mémoire d’observations et un corrigendum audit mémoire. Ce mémoire d’observations contenait notamment les noms de plusieurs témoins auditionnés par le panel ainsi qu’une description de leurs déclarations.

81      Par lettre du 29 juin 2011, la BCE a informé le Tribunal de ce qu’elle déplorait qu’en divulguant systématiquement les noms des témoins, dans son mémoire d’observations du 16 mai 2011 modifié par le corrigendum du 18 mai suivant, la requérante ait rendu le classeur 4a) pratiquement non confidentiel, en violation des modalités d’accès audit classeur définies par le Tribunal. La BCE a également demandé au Tribunal de bien vouloir lui accorder la possibilité de soumettre ses observations écrites sur le mémoire d’observations modifié de la requérante. Le Tribunal a fait droit à cette demande.

82      Par mémoire du 29 juillet 2011, la BCE a déposé les observations mentionnées au point précédent du présent arrêt.

83      Dans le cadre du rapport préparatoire d’audience, envoyé aux parties par lettre du greffe du 14 février 2012, le Tribunal a invité la BCE à produire un document, à titre de mesures d’organisation de la procédure. La BCE a déféré à cette invitation dans le délai imparti.

84      Par lettre du 30 mars 2012, la requérante a communiqué « quelques observations mineures » sur le rapport préparatoire d’audience, lesquelles ont été transmises à la BCE par lettre du greffe du 17 avril 2012.

85      Le 3 mai 2012, lors de la réunion informelle préparatoire à la tenue de l’audience entre le Tribunal et les représentants des parties, le Tribunal a demandé au conseil de la requérante s’il avait communiqué à celle-ci son mémoire du 16 mai 2011 et le corrigendum contenant les observations qu’il avait formulées sur les documents figurant au classeur 4a). Le conseil de la requérante ayant répondu par l’affirmative à cette question, le Tribunal lui a signalé qu’il avait, ce faisant, violé les conditions au regard desquelles l’accès au classeur 4a) lui avait été accordé.

 Sur les conclusions en annulation

86      Les premier et deuxième chefs de conclusions, lesquels tendent l’un et l’autre à l’annulation de la décision du 16 décembre 2008, seront examinés conjointement. Le troisième chef de conclusions est, quant à lui, dirigé contre la décision du 16 avril 2009 rejetant le recours spécial (ci-après la « décision du 16 avril 2009 »), lequel était lui aussi dirigé contre la décision du 16 décembre 2008. Dans la mesure où le directoire a adopté la décision du 16 avril 2009 après avoir réexaminé la situation de la requérante et pris en considération les commentaires que cette dernière avait présentés, le 5 janvier 2009, au projet de rapport d’enquête, la décision du 16 avril 2009 a un contenu autonome par rapport à la décision du 16 décembre 2008 et doit donc faire l’objet d’un examen séparé. Le Tribunal abordera donc ensuite et séparément le troisième chef de conclusions.

A –  Sur les premier et deuxième chefs de conclusions, tendant à l’annulation de la décision du 16 décembre 2008

87      Au soutien de sa demande d’annulation de la décision du 16 décembre 2008, la requérante invoque trois moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006, des devoirs de loyauté et de sollicitude et du principe de bonne administration, au motif que la décision du 16 décembre 2008 constituerait, de la part de la BCE, une menace et une tentative d’intimidation de la requérante. Le deuxième est tiré de la violation de la circulaire no 1/2006, en ce que le directoire aurait omis de prendre une décision quant à l’issue de l’enquête administrative et sur le sort réservé à la plainte de la requérante. Le troisième, invoqué à titre subsidiaire, est tiré de l’irrégularité de la décision implicite du directoire de ne pas donner suite à la plainte de la requérante et de ne pas ouvrir une procédure disciplinaire.

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006, des devoirs de loyauté et de sollicitude et du principe de bonne administration

a)     Arguments des parties

88      La requérante conteste les termes de la lettre du directeur général adjoint de la DG‑H du 19 décembre 2008, selon lesquels, d’une part, elle ne devait pas répéter les allégations ayant fait l’objet de l’enquête administrative et, d’autre part, la BCE était tenue de lancer une enquête administrative à l’encontre des membres du personnel qui font, intentionnellement, de fausses déclarations ou émettent de fausses allégations dans l’intention de nuire. Les termes de cette lettre donneraient exécution à l’un des chefs de la décision du 16 décembre 2008, par laquelle le directoire aurait décidé qu’elle soit avertie de ce qu’elle ne devait plus à l’avenir « porter d’allégations non fondées, que ce soit en rapport avec l’enquête en cause ou toute autre question ». Or, un tel avertissement ne serait pas prévu par la circulaire no 1/2006. Il serait injustifié d’exiger de la requérante qu’elle ne puisse formuler d’allégations en rapport avec d’autres affaires, car elle en aurait le droit, le cas échéant, et il appartiendrait alors à l’autorité compétente de déterminer si ses allégations seraient fondées ou non. S’agissant de la présente affaire, la requérante se serait limitée à exercer son droit de demander l’ouverture d’une enquête administrative. La décision du 16 décembre 2008 constituerait ainsi, de la part de la BCE, une menace et une tentative d’intimidation à son égard et violerait donc l’article 7, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006, ainsi que les principes de loyauté, de sollicitude et de bonne administration.

89      Selon la BCE, le premier moyen est irrecevable au motif que l’injonction du directoire, contenue dans la décision du 16 décembre 2008 et consistant à interdire à la requérante de répéter ses allégations qui se sont révélées non fondées, constitue une mesure d’organisation interne du service, dépourvue de caractère décisionnel. L’injonction contenue dans la décision du 16 décembre 2008 ne constituerait donc pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Selon la BCE, la lettre du directeur général adjoint de la DG‑H du 19 décembre 2008, laquelle ne fait qu’informer la requérante de cette injonction, ne peut pas non plus faire l’objet d’un recours en annulation. À titre subsidiaire, la BCE considère que le premier moyen n’est pas fondé.

b)     Appréciation du Tribunal

 Sur la recevabilité

90      À l’appui du premier moyen, la requérante invoque trois griefs, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006, le deuxième, de la violation du devoir de loyauté et, le troisième, de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

91      Le Tribunal constate tout d’abord que la requérante ne développe pas d’arguments au soutien du deuxième grief, tiré de la violation du devoir de loyauté de la BCE à son égard. Ce grief, simplement énoncé et qui n’est étayé par aucune argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, doit donc être déclaré irrecevable.

92      S’agissant des deux autres griefs, ceux-ci sont visés par l’exception d’irrecevabilité qu’a soulevée la BCE contre le premier moyen dans son ensemble. Or, selon une jurisprudence constante, le juge est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un moyen sans statuer préalablement sur une exception d’irrecevabilité (voir arrêts du Tribunal du 8 avril 2008, Bordini/Commission, F‑134/06, point 56, et du 28 octobre 2010, Kay/Commission, F‑113/05, point 31, et la jurisprudence citée).

93      Dans les circonstances de l’espèce et dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner au fond les premier et troisième griefs invoqués par la requérante au soutien de son premier moyen, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité du moyen dans son ensemble soulevée par la BCE, lesdits griefs étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvus de fondement. Le Tribunal examinera d’abord le troisième grief, puis le premier grief.

 Sur le fond

94      En ce qui concerne le troisième grief, tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, le Tribunal rappelle que selon une jurisprudence constante, applicable également au personnel de la BCE, le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents, consacré par l’article 24 du statut, reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir, ainsi que le principe de bonne administration, implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire ou d’un agent, l’autorité compétente prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire ou de l’agent concerné (voir, à titre d’exemple, arrêts du Tribunal du 27 novembre 2008, Klug/EMEA, F‑35/07, point 67 ; du 11 juillet 2012, AI/Cour de justice, F‑85/10, point 166). Ce devoir de sollicitude, ainsi que le respect du principe de bonne administration, incombent à la BCE tant à l’égard de la requérante qu’à l’égard des supérieurs hiérarchiques concernés par l’enquête administrative.

95      En l’espèce, le Tribunal constate que la décision du 16 décembre 2008 comporte deux volets. En effet, d’après son libellé, le directoire, après avoir pris acte du rapport final d’enquête, a décidé, d’une part, d’inviter le responsable d’enquête à informer les parties concernées du résultat de l’enquête administrative et, d’autre part, d’inviter le directeur général de la DG‑H, en coopération étroite avec le directeur général de la DG « Affaires juridiques », à informer la requérante qu’elle ne devrait « plus porter d’allégations non fondées, que ce soit en rapport avec l’enquête en cause ou toute autre question ». Ainsi, par le premier volet, le directoire demande aux services concernés, ici le responsable d’enquête, de prendre les mesures qui s’imposent en vertu du devoir de sollicitude de la BCE à l’égard de son personnel, en l’espèce, d’informer les intéressés, y compris la requérante, du résultat de l’enquête administrative. Par le second volet, le directoire demande aux services concernés, ici le directeur général de la DG-H, en coopération étroite avec le directeur général de la DG « Affaires juridiques », au vu de ce résultat, de rappeler à la requérante son devoir de loyauté vis-à-vis de ses collègues et de la BCE.

96      En application de la jurisprudence rappelée au point 94 du présent arrêt, l’injonction formulée par le directoire dans le second volet de la décision du 16 décembre 2008, et communiquée à la requérante par la lettre du 19 décembre 2008 du directeur général adjoint de la DG‑H, doit être analysée à la lumière du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration que la BCE est tenue de respecter tant envers les supérieurs hiérarchiques mis en cause par l’enquête administrative qu’envers la requérante.

97      À cet égard, le Tribunal constate, d’une part, que dans le rapport final d’enquête le panel est arrivé à la conclusion qu’aucune des allégations de la requérante n’était fondée. D’autre part, la note sur la politique de dignité au travail dispose que des allégations non fondées formulées avec l’intention de discréditer d’autres personnes ne seront pas tolérées. De même, l’article 7, paragraphe 6, de la circulaire no 1/2006 prévoit que, lorsque les faits semblent indiquer qu’un membre du personnel de la BCE a formulé intentionnellement de fausses déclarations ou de fausses allégations avec l’intention de nuire, le responsable d’enquête en sera informé. Ensuite, le directoire peut décider d’ouvrir une enquête administrative à l’encontre de l’agent auteur intentionnel des fausses déclarations ou allégations, comme il ressort de la lecture combinée de l’article 2, paragraphe 5, de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 4, paragraphes 1, 2 et 4, de la circulaire no 1/2006.

98      Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime que le directoire a pu décider à bon droit, conformément à son devoir de sollicitude envers les supérieurs hiérarchiques et au respect du principe de bonne administration, qu’il était opportun de porter à la connaissance de la requérante qu’à l’avenir, elle ne devait plus formuler d’allégations non fondées. Comme le fait d’ailleurs valoir à juste titre la BCE elle-même, cet avertissement n’empêche en rien la requérante d’exercer son droit d’introduire un recours juridictionnel contre la décision du 16 décembre 2008, comme elle l’a fait en l’espèce, ni d’exercer, dans le futur, les voies de recours administratives et juridictionnelles prévues au cas où elle s’estimerait à nouveau victime d’une infraction à la note sur la politique de dignité au travail.

99      Il s’ensuit que le grief tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration doit être rejeté comme non fondé.

100    Quant au premier grief, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006, il ne saurait non plus être accueilli. En effet, il ressort du libellé de la décision du 16 décembre 2008 que le directoire n’a pas affirmé, ni même suggéré, qu’il considérait que, en l’espèce, la requérante avait formulé intentionnellement de fausses allégations dans l’intention de nuire. L’injonction contenue dans le second volet de la décision du 16 décembre 2008 est le simple rappel d’un devoir incombant aux membres du personnel de la BCE en vertu de la note sur la politique de dignité au travail et ne saurait donc être considérée comme une menace ou une tentative d’intimidation de la part de la BCE à l’égard de la requérante.

101    Au vu des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la circulaire no 1/2006, en ce que le directoire aurait omis de prendre une décision sur l’issue de l’enquête administrative et sur le sort réservé à la plainte de la requérante

a)     Arguments des parties

102    La requérante soutient que le directoire n’a adopté aucune décision statuant sur le résultat de l’enquête administrative ni sur la suite à donner à sa plainte, ce qui serait contraire à la circulaire no 1/2006. Dès lors que le directoire est compétent pour ordonner l’ouverture d’une enquête administrative, il lui reviendrait également de décider de la clôture de celle-ci. Or, dans la décision du 16 décembre 2008, le directoire se serait borné à prendre acte des conclusions du rapport final d’enquête, ce qui n’impliquerait nullement qu’une décision ait été prise quant au contenu dudit rapport, ni quant aux conséquences de celui-ci sur l’enquête administrative et sur sa plainte. La décision du 16 décembre 2008 ne contenant aucune décision sur l’issue de l’enquête administrative et sur le sort réservé à la plainte de la requérante, elle serait donc irrégulière et devrait être annulée.

103    La BCE considère que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

b)     Appréciation du Tribunal

104    Selon l’article 2 de la circulaire no 1/2006, l’enquête administrative interne a pour finalité de clarifier les faits. Ensuite, l’article 6, paragraphe 14, de la circulaire no 1/2006 dispose que, à l’issue d’une enquête administrative interne, un rapport motivé exposant les faits et les circonstances de l’affaire et l’existence ou l’absence de preuves suffisantes à l’appui du manquement allégué doit être soumis au responsable d’enquête par la personne ou le panel en charge de l’enquête. Lorsque le responsable d’enquête est, comme en l’espèce, un responsable de haut niveau, il informe le directoire du rapport motivé qui lui a été soumis. Par ailleurs, l’article 8.3.2 des règles applicables au personnel prévoit que, lorsqu’il s’agit d’un manquement aux obligations professionnelles de la part d’un membre du personnel, le directoire peut notamment décider, au vu du rapport d’enquête et après avoir entendu l’intéressé, d’ouvrir une procédure disciplinaire à son égard.

105    Il ressort ainsi des dispositions susmentionnées de la circulaire no 1/2006, lues en combinaison avec l’article 8.3.2 des règles applicables au personnel, que, lorsqu’un rapport d’enquête administrative interne conclut, comme en l’espèce, que les allégations du plaignant relatives à un prétendu manquement aux obligations professionnelles de la part d’un membre du personnel de la BCE ne sont pas fondées, les conséquences qui s’imposent à l’autorité compétente ne peuvent être que la clôture de l’enquête administrative interne et le classement sans suite de la plainte déposée.

106    En conséquence, contrairement à ce que soutient la requérante, en adoptant la décision du 16 décembre 2008, par laquelle il a pris acte du rapport final d’enquête et décidé de demander aux services compétents d’informer les personnes concernées de son résultat ainsi que de rappeler à la requérante son devoir de loyauté envers la BCE en s’abstenant à l’avenir de formuler des allégations non fondées, le directoire a bien approuvé le contenu du rapport final d’enquête ainsi que les conséquences impliquées par ce contenu, à savoir la clôture de l’enquête administrative et le classement sans suite de la plainte de la requérante. La décision du 16 décembre 2008 constitue, dès lors, la décision formelle par laquelle le directoire a approuvé le résultat de l’enquête administrative, clôturé cette dernière et classé sans suite la plainte de la requérante.

107    Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de l’irrégularité de la décision implicite du directoire de ne pas donner suite à la plainte de la requérante et de ne pas ouvrir de procédure disciplinaire

108    À titre subsidiaire, au cas où le Tribunal considérerait que le directoire, lors de sa réunion du 16 décembre 2008, a bien pris la décision de clôturer l’enquête administrative et de ne pas ouvrir de procédure disciplinaire, la requérante invoque un troisième moyen qui se décompose en quatre branches. Par les trois premières branches, la requérante soutient que la BCE a commis plusieurs irrégularités procédurales. Par la quatrième, elle fait valoir que l’ensemble des irrégularités commises entache nécessairement la décision du 16 décembre 2008 d’une erreur manifeste d’appréciation.

a)     Sur la première branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’article 11, paragraphe 5, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE et du règlement intérieur de la BCE

 Arguments des parties

109    La requérante soutient que, si, par impossible, le Tribunal devait considérer que par la décision du 16 décembre 2008 le directoire avait bien adopté la décision de ne pas donner suite à sa plainte et de ne pas ouvrir de procédure disciplinaire, il s’agirait d’une décision adoptée de façon implicite. Or, l’article 11, paragraphe 5, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE et le règlement intérieur de la BCE prévoiraient une procédure spécifique pour l’adoption des décisions du directoire, procédure en vertu de laquelle toute décision devrait être prise de façon explicite. Aucune disposition ne permettrait l’adoption d’une décision de manière implicite ou tacite. Par conséquent, la décision du 16 décembre 2008 violerait les dispositions susmentionnées et devrait être annulée.

110    La BCE affirme que cette branche du moyen est dénuée de tout fondement.

 Appréciation du Tribunal

111    Ainsi qu’il a été considéré au point 106 du présent arrêt, la décision du 16 décembre 2008 constitue, contrairement à ce que prétend la requérante, la décision formelle du directoire de clôturer l’enquête administrative et de classer sa plainte sans suite. Une telle décision implique forcément que le directoire n’a pas adopté de décision aux fins d’ouvrir une procédure disciplinaire. La requérante ne saurait donc reprocher au directoire d’avoir implicitement adopté la décision de ne pas ouvrir de procédure disciplinaire dans la mesure où la non-ouverture d’une telle procédure est la conséquence automatique de toute décision de classement sans suite d’une plainte à l’issue d’une enquête administrative.

112    En tout état de cause, dans la mesure où le rapport final d’enquête a conclu que les allégations de la requérante sont non fondées, l’approbation dudit rapport par le directoire aurait été incompatible avec l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre des supérieurs hiérarchiques. En effet, alors que l’article 8.3.2 des règles applicables au personnel dispose que le directoire peut décider de n’imposer aucune sanction disciplinaire à la personne faisant l’objet de l’enquête administrative et donc de ne pas initier une procédure disciplinaire à son égard, même en cas de manquement aux obligations professionnelles, à l’inverse, lorsqu’aucune charge ne peut être retenue contre cette personne selon le rapport final d’enquête, le directoire ne peut qu’en informer celle-ci et classer l’affaire sans suite.

113    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 11, paragraphe 5, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE n’établit pas de procédure spécifique pour l’adoption des décisions du directoire, mais se borne à déterminer le nombre de voix dont bénéficie chaque membre du directoire et la majorité de suffrages requise pour l’adoption des décisions. Cette disposition ne permet donc pas de conclure qu’il y a interdiction pour le directoire d’adopter des décisions de manière implicite.

114    Quant au grief tiré de la violation du règlement intérieur de la BCE, la requérante n’indique pas quel article de ce règlement serait enfreint. Dans ces conditions, le Tribunal n’est pas à même de se prononcer sur ledit grief, lequel doit être déclaré irrecevable.

115    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen comme étant partiellement non fondée et partiellement irrecevable.

b)     Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée de l’irrégularité de la procédure d’enquête

116    À l’appui de cette deuxième branche, la requérante invoque cinq griefs.

117    Le premier grief est tiré de l’insuffisance du délai accordé pour formuler des observations sur le projet de rapport d’enquête, de l’existence de menaces, pressions et tentatives d’intimidation et du refus de la BCE d’autoriser la requérante à être assistée par son conseil pendant la procédure d’enquête administrative, en violation de l’article 5, paragraphe 5, et de l’article 6, paragraphe 2, de la circulaire no 1/2006, en violation du droit d’être assisté par son conseil, et en violation des principes de proportionnalité et du raisonnable, du devoir de sollicitude et de bonne administration.

118    Le deuxième grief est fondé sur le défaut de prise en compte des observations de la requérante au projet de rapport d’enquête, en violation de l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire no 1/2006.

119    Le troisième grief est tiré de ce que la BCE n’aurait pas reconnu à la requérante le statut de plaignante, en violation de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 6, paragraphe 10, et de l’article 7, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006 ainsi que des principes de non-discrimination, de sollicitude et de bonne administration.

120    Le quatrième grief est tiré de la violation par le panel de son obligation de confidentialité, consacré par l’article 6, paragraphe 10, de la circulaire no 1/2006.

121    Le cinquième grief est tiré du défaut de compétences requises des membres du panel et de la désignation irrégulière d’experts, en violation de l’article 5, paragraphe 3, et de l’article 6, paragraphe 1, sous e), de la circulaire no 1/2006 et en violation des principes généraux d’indépendance, d’objectivité et d’impartialité, de l’obligation de confidentialité et du mandat confié au panel.

 Sur le premier grief, tiré de l’insuffisance du délai accordé pour formuler des observations sur le projet de rapport d’enquête, de l’existence de menaces, pressions et tentatives d’intimidation et du refus de la BCE d’autoriser la requérante à être assistée par son conseil pendant la procédure d’enquête administrative

–       Arguments des parties

122    Dans le cadre de ce premier grief, la requérante soulève quatre sous-griefs.

123    En premier lieu, la requérante soutient que le délai de quinze jours calendaires qui lui a été accordé pour formuler ses observations sur le projet de rapport d’enquête a été déraisonnablement bref. Compte tenu des circonstances de l’espèce, à savoir une procédure d’enquête qui avait duré près d’une année, la conclusion du panel selon laquelle la plainte devrait être rejetée pour insuffisance de preuves, la longueur du projet de rapport d’enquête (115 pages), la charge de travail de la requérante elle-même et celle de son conseil, laquelle aurait empêché ce dernier de respecter le délai imposé, il aurait été justifié et raisonnable que le panel accepte sa demande de reporter la date butoir pour présenter ses observations sur le projet de rapport d’enquête, initialement fixée au 2 décembre 2008, à la première semaine ouvrable de janvier 2009. La décision de libérer la requérante de ses obligations professionnelles pendant deux semaines n’aurait pas été une solution appropriée, car elle ne lui aurait pas permis de recevoir l’assistance juridique, légitimement souhaitée, de son conseil. D’ailleurs, même si elle avait choisi de ne pas faire appel à son conseil, il lui aurait été impossible de rédiger elle-même ses commentaires sur le projet de rapport d’enquête dans un délai de quinze jours calendaires. Selon la requérante, la « durée irréaliste du délai » a eu clairement pour effet d’entraver le bon déroulement de l’enquête administrative. Il découlerait des considérations susmentionnées que la BCE aurait violé l’article 6, paragraphe 2, de la circulaire no 1/2006 ainsi que le principe de proportionnalité et du raisonnable.

124    En deuxième lieu, la requérante estime que le refus par le panel de prolonger le délai de présentation de ses observations sur le projet de rapport d’enquête aurait eu pour effet de la soumettre à une pression supplémentaire et aurait servi d’outil d’intimidation, ce qui se serait ajouté aux nombreuses menaces et tentatives d’intimidation dont le panel et la BCE auraient été responsables tout au long de la procédure d’enquête, en violation du devoir d’impartialité, consacré par l’article 5, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006.

125    En troisième lieu, la requérante fait grief à la BCE d’avoir refusé tout au long de la procédure d’enquête de lui reconnaître le droit fondamental d’être assistée par son conseil, lequel ferait partie des droits de la défense.

126    Enfin, en quatrième lieu, la requérante soutient que la BCE n’aurait pas pris en considération ses intérêts et en conclut que la BCE a également violé les obligations de sollicitude et de bonne administration qui lui incombent.

127    La BCE estime qu’aucun des quatre sous-griefs soulevés n’est fondé et qu’en conséquence le premier grief doit être rejeté.

–       Appréciation du Tribunal

128    Tout d’abord, le Tribunal constate que la requérante ne développe pas d’arguments au soutien du quatrième sous-grief fondé sur la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration. Ce sous-grief, simplement énoncé et qui n’est étayé par aucune argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, doit donc être déclaré irrecevable.

129    En ce qui concerne le premier sous-grief, tiré du caractère déraisonnable du délai accordé à la requérante pour formuler des observations sur le projet de rapport d’enquête, le Tribunal constate que la circulaire no 1/2006 ne fixe aucun délai pour présenter des observations sur le projet de rapport d’enquête. Partant, c’est le principe du délai raisonnable qui trouve à s’appliquer. En vertu de la jurisprudence, le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte dans lequel elle s’inscrit, des différentes étapes procédurales qui ont été suivies, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (arrêts du Tribunal de première instance du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T‑213/95 et T‑18/96, point 57, et du 17 septembre 2003, Stadtsportverband Neuss/Commission, T‑137/01, point 125).

130    En l’espèce, il est constant que, par lettre du 17 novembre 2008, le président du panel a soumis à la requérante le projet de rapport d’enquête afin qu’elle formule ses observations. À cet effet, il lui a octroyé un délai de quinze jours calendaires qui arrivait à terme le 2 décembre 2008 et qui a finalement été prolongé d’une semaine, jusqu’au 9 décembre 2008. À l’audience, la BCE a affirmé que, par une lettre du 19 novembre 2008 envoyée par courrier interne le même jour à la requérante, laquelle était présente au bureau ce jour là et donc en mesure de réceptionner ladite lettre, la requérante a été libérée de ses obligations professionnelles jusqu’au 2 décembre 2008 afin de pouvoir formuler ses observations. Par la suite, cette période de dispense de travail aurait été prolongée jusqu’au 9 décembre 2008. La requérante, en revanche, prétend qu’elle n’a été dispensée de ses obligations professionnelles que pendant la seule période allant du 24 novembre au 2 décembre 2008, soit sept jours ouvrables. Dans la mesure où la BCE n’a pas apporté d’éléments de preuve au soutien de ses affirmations, il y a lieu de considérer que la requérante a été dispensée de ses obligations professionnelles à tout le moins pendant la période allant du 24 novembre au 2 décembre 2008.

131    Or, il doit être relevé que la requérante devait formuler des observations sur un projet de rapport d’enquête portant sur des faits qui étaient largement connus d’elle, que la requérante dispose d’une haute formation académique et qu’elle est habituée à rédiger des rapports sur des sujets qui, quoique liés à sa profession, sont d’une grande complexité. À supposer même qu’il soit établi que la charge de travail du conseil de la requérante empêchait celui-ci de lui fournir l’assistance juridique souhaitée, il n’y aurait pas lieu en l’espèce de prendre en considération un tel empêchement. En effet, le caractère raisonnable du délai accordé à une personne pour présenter ses observations sur un projet de rapport d’enquête ne peut être déterminé en fonction de la disponibilité professionnelle d’un tiers. Il s’ensuit qu’en l’espèce, le délai accordé à la requérante pour formuler ses observations sur le projet de rapport d’enquête, délai qui a couru du 17 novembre 2008 au 9 décembre 2008, soit 22 jours calendaires, dont à tout le moins sept jours ouvrables durant lesquels elle a été dispensée de ses obligations professionnelles, ne viole pas le principe de proportionnalité et du raisonnable, ni l’article 6, paragraphe 2, de la circulaire no 1/2006.

132    Pour ce qui est du deuxième sous-grief, selon lequel les membres du panel ont violé leur devoir d’impartialité consacré à l’article 5, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006 au motif que le délai déraisonnable pour formuler ses observations sur le projet de rapport d’enquête que le panel lui a imposé aurait constitué une menace additionnelle, laquelle se serait ajoutée à toute une série de menaces et de tentatives d’intimidation de la part de la BCE, le Tribunal observe que la requérante cite trois incidents au soutien de ce sous-grief.

133    Le premier incident concerne une visite impromptue que le président du panel et un autre membre du panel auraient rendue à la requérante, le 12 juin 2008, lorsque celle-ci se trouvait dans son bureau. Au cours de cette visite, ces deux membres du panel, dont le président, auraient fait référence à un courriel, auquel la requérante n’avait pas encore réagi, l’invitant à une réunion avec le panel, planifiée pour le 18 juin 2008, afin de discuter du dossier préparé par les supérieurs hiérarchiques en réponse à la plainte de la requérante. Le président du panel aurait reproché à la requérante, sur un ton menaçant et agressif, de refuser de coopérer avec le panel et l’aurait menacée de faire adopter des mesures disciplinaires à son égard. Le Tribunal constate toutefois que, s’il est vrai que la BCE ne nie pas l’existence de la visite du 12 juin 2008, il demeure que la requérante n’a fourni aucun début de preuve pour en démontrer l’incidence sur la légalité de la décision du 16 décembre 2008.

134    Le deuxième incident fait référence à un courriel du président du panel à la requérante, du 17 juin 2008, dans lequel celui-ci aurait affirmé que l’absence de la requérante à une réunion avec le panel, pour laquelle elle aurait reçu une convocation, serait considérée comme une violation de ses obligations professionnelles et de ses obligations de loyauté et de confiance à l’égard de la BCE. Or, le Tribunal observe que, dans ce courriel, le président du panel cite textuellement un extrait d’un document signé par la requérante elle-même lors de l’ouverture de l’enquête administrative et par lequel elle s’engage à coopérer avec la BCE. Dans ces circonstances, lorsque le président du panel rappelle à la requérante, dans le courriel susmentionné, qu’elle est liée par son devoir de coopération avec le panel, il n’y a pas lieu, contrairement à ce que prétend la requérante, de considérer ce message comme constitutif d’une menace, d’une pression ou d’une tentative d’intimidation.

135    Le troisième incident mentionné par la requérante fait référence à un courriel du président du panel, du 1er juillet 2008, dans lequel ce dernier aurait « réitéré ses menaces » à son égard en affirmant que si elle s’abstenait de présenter des observations sur le dossier préparé par les supérieurs hiérarchiques en réponse à sa plainte cela montrerait qu’elle n’était pas pleinement consciente de la gravité de l’affaire. Le Tribunal constate toutefois que l’affirmation du président du panel concernant l’éventuelle abstention de la requérante à assister à une réunion avec le panel pour présenter des observations sur le dossier préparé par les supérieurs hiérarchiques en réponse à sa plainte, affirmation qui figure dans le courriel susmentionné, n’est pas d’une teneur telle qu’elle permette d’identifier une menace, une pression ou une tentative d’intimidation.

136    Au vu des considérations qui précèdent, le deuxième sous-grief selon lequel les membres du panel auraient violé leur devoir d’impartialité et, par suite, l’article 5, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006, au motif qu’ils auraient menacé la requérante, ne saurait être retenu.

137    En ce qui concerne le troisième sous-grief soulevé par la requérante, selon lequel la BCE aurait violé le droit fondamental de la requérante d’être assistée par son conseil pendant la procédure d’enquête, droit qui ferait partie des droits de la défense, le Tribunal rappelle que la seule finalité de l’enquête administrative est celle de vérifier les faits (voir point 104 du présent arrêt). De même, il ressort de la circulaire no 1/2006, laquelle doit être lue en combinaison avec les règles applicables au personnel, que le rapport motivé rédigé à l’issue de l’enquête administrative ne constitue, tout au plus, qu’un acte préparatoire de la décision finale d’ouvrir ou pas une enquête disciplinaire. En effet, l’article 8.3.2 des règles applicables au personnel prévoit qu’en présence d’un rapport d’enquête administrative faisant état des faits et des circonstances du manquement aux obligations professionnelles ainsi que des éléments de preuve sous-jacents, le directoire peut décider, après avoir entendu le membre du personnel concerné, s’il ouvre ou non une procédure disciplinaire.

138    Or, il est de jurisprudence constante, applicable mutatis mutandis au personnel de la BCE, que l’acte faisant grief à un fonctionnaire est celui qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 15 septembre 2011, Munch/OHMI, F‑6/10, point 32, et la jurisprudence citée). Ainsi, en matière de recours de fonctionnaire, les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 10 novembre 2009, N/Parlement, F‑71/08, point 28, et la jurisprudence citée).

139    Par conséquent, dans la mesure où le rapport final d’enquête n’est qu’un acte préparatoire visant à clarifier des faits, où il ne constitue pas un acte faisant grief, ni aux supérieurs hiérarchiques, ni, à plus forte raison, à la requérante, où la procédure d’enquête suivie est de nature administrative et non pas judiciaire, et où la requérante avait le statut de plaignante et non celui de personne faisant l’objet de l’enquête, la requérante ne saurait soutenir qu’elle disposait d’un droit, faisant partie de ses droits de la défense, à être assistée par son conseil au cours de la procédure d’enquête. Le fait qu’elle n’ait pas pu être assistée par son conseil au cours de l’enquête administrative n’entraîne donc pas l’irrégularité de celle-ci ni, par voie de conséquence, de la décision du 16 décembre 2008.

140    En tout état de cause, il ressort du dossier que la requérante a été accompagnée d’un membre du comité du personnel lors de sa réunion avec le panel du 15 juillet 2008, conformément à l’article 47 des conditions d’emploi, selon lequel, en cas de litige à caractère individuel, le membre du personnel concerné est en droit de demander l’assistance d’un représentant du personnel pour le besoin de procédures internes.

141    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier grief comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur le deuxième grief, tiré du défaut de la prise en compte des observations de la requérante au projet de rapport d’enquête

–       Arguments des parties

142    Par son deuxième grief, la requérante se plaint de ce que ses observations au projet de rapport d’enquête n’ont pas été prises en compte par le panel pour la rédaction du rapport final d’enquête.

143    La requérante reproche au panel d’avoir établi le rapport final d’enquête le 11 décembre 2008 puis de l’avoir transmis au directoire le 16 décembre suivant, sans avoir attendu ses observations sur le projet de rapport d’enquête qu’elle avait toutefois annoncées pour le 5 janvier 2009, le délai imparti pour les formuler ayant été si court qu’elle avait signalé, dès le 19 novembre 2008, lorsque le projet de rapport lui avait été transmis, qu’elle ne pourrait pas le respecter, et ce sans que le panel lui eût jamais indiqué que ces observations ne seraient pas prises en considération. Or, en vertu de l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire no 1/2006, elle aurait le droit d’accès à tous les faits la concernant, y compris à ses données personnelles, et celui de s’exprimer à leur égard avant que le panel n’en tire des conclusions la concernant. Par son attitude, le panel aurait donc violé l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire no 1/2006. Le fait que le panel ait considéré ses courriers des 2 et 9 décembre 2008 comme contenant des observations sur le projet de rapport d’enquête ne remettrait pas en cause cette conclusion, car le contenu de ces courriers ne justifiait pas une telle interprétation.

144    La BCE considère que ce grief n’est pas fondé.

–       Appréciation du Tribunal

145    Le Tribunal observe que l’article 7, paragraphe 3, de la circulaire no 1/2006 est composé de deux alinéas et que le droit d’accès aux documents prévu par le premier alinéa de cette disposition ne concerne que les membres du personnel de la BCE qui font l’objet d’une enquête administrative et non ceux à l’initiative desquels ladite enquête a été ouverte. En revanche, l’article 7, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la même circulaire concerne plus largement toutes les personnes qui sont soit affectées par une enquête soit impliquées dans une telle enquête (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2012, Cerafogli/BCE, F‑43/10, points 103 et 104). Il y a donc lieu de comprendre que, par son grief, la requérante soulève, d’une part, la violation de l’article 7, paragraphe 1, de la circulaire no 1/2006 et, d’autre part, la violation de l’article 7, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la même circulaire.

146    Le Tribunal examinera d’abord si le droit d’accès reconnu à l’article 7, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la circulaire no 1/2006 a été respecté.

147    À cet égard, le Tribunal rappelle que le panel a accordé un délai à la requérante afin de formuler ses observations sur le projet de rapport d’enquête, délai qui a été jugé raisonnable au point 130 du présent arrêt. Ce délai visait à garantir à la requérante son droit d’accès aux faits la concernant en lui permettant de les vérifier. Dans la mesure où il est inhérent à la nature même d’un délai imparti pour présenter des documents que tout document présenté après l’expiration du délai ne peut être pris en considération, la requérante, à laquelle il incombait de respecter le délai imparti pour présenter ses observations sur le projet de rapport d’enquête, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le panel, dans un souci d’assurer le bon déroulement de la procédure d’enquête, n’accepterait pas ses observations au cas où elle les présenterait après l’expiration du délai qui lui avait été imparti. Par ailleurs, par lettre du 8 décembre 2008, le président du panel a informé la requérante que « tout commentaire additionnel » à ceux présentés dans son courrier du 2 décembre 2008 et qui n’aurait pas été transmis avant la date limite reportée au 9 décembre 2008 ne serait pas pris en compte pour la finalisation du rapport d’enquête. Par conséquent, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le panel lui avait clairement indiqué que, si elle souhaitait présenter des observations sur le projet de rapport d’enquête, celles-ci devaient parvenir au panel dans le délai finalement prolongé jusqu’au 9 décembre 2008, sous peine de ne pas être prises en considération pour l’établissement du rapport final d’enquête.

148    En outre, le Tribunal rappelle que le délai de quinze jours calendaires initialement fixé a été prorogé d’une semaine, que la requérante a été libérée de ses obligations professionnelles en tout cas du 24 novembre 2008 jusqu’au 2 décembre 2008, et qu’elle n’a pas avancé de raisons faisant apparaître l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure qui l’auraient empêchée de finaliser ses observations dans le délai initialement fixé puis prorogé.

149    Au vu des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que le panel n’était pas tenu d’attendre les observations sur le projet de rapport d’enquête, annoncées par la requérante pour le 5 janvier 2009, pour finaliser son rapport d’enquête et que le droit d’accès de la requérante aux faits la concernant, prévu à l’article 7, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la circulaire no 1/2006, n’a pas été violé.

150    Il ressort de ce qui précède que la requérante ne saurait non plus valablement soutenir que le panel a violé l’article 7, paragraphe 1, de la circulaire no 1/2006 étant donné que, comme il vient d’être exposé, elle a été mise en mesure de présenter ses observations sur le projet de rapport d’enquête.

151    À titre surabondant, le Tribunal observe que les courriers des 2 et 9 décembre 2008 de la requérante visaient à demander le report de la date butoir pour soumettre ses observations sur le projet de rapport d’enquête et que, dans le premier de ces courriers, la requérante présentait déjà un certain nombre d’observations sur ce projet. Dans la mesure où ces deux courriers étaient liés aux observations que la requérante était invitée à formuler sur le projet de rapport d’enquête en vertu de l’article 7, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la circulaire no 1/2006 (voir points 46 et 49 du présent arrêt), c’est à bon droit que le panel les a considérés comme des observations reçues conformément à cette disposition.

152    Il s’ensuit que le deuxième grief, tiré du défaut de prise en compte des observations de la requérante sur le projet de rapport d’enquête, doit être rejeté.

 Sur le troisième grief, tiré de ce que la BCE n’aurait pas reconnu à la requérante le statut de plaignante

–       Arguments des parties

153    Par son troisième grief, la requérante reproche à la BCE de l’avoir traitée comme simple témoin, alors qu’elle était la partie plaignante. Ce faisant, la BCE lui aurait refusé tous les avantages liés au statut de plaignant, en particulier, la protection accrue dont jouit celui-ci, comparée à celle accordée au simple témoin. Ce statut de plaignant, à lui seul, aurait exigé que le délai qui lui avait été imparti pour présenter ses observations sur le projet de rapport d’enquête soit prolongé, que le panel reconnaisse son droit d’être assistée par son conseil dans cette tâche et que ses observations soient prises en considération avant l’établissement du rapport final d’enquête. De plus, la requérante soutient que, même en tant que simple témoin, elle aurait fait l’objet d’un traitement discriminatoire par rapport aux autres témoins. En effet, ceux-ci auraient été informés de la finalisation du rapport d’enquête le 17 décembre 2008, par une lettre du responsable d’enquête, alors qu’elle n’en aurait été informée que le 5 janvier 2009. En outre, tous les témoins auraient dû signer une déclaration attestant qu’ils n’avaient pas fait l’objet de représailles de la part des supérieurs hiérarchiques, alors que la requérante n’aurait pas été invitée à signer une telle déclaration.

154    Partant, en méconnaissant son statut de plaignante, la BCE aurait violé l’article 3, paragraphe 1, l’article 6, paragraphe 10, et l’article 7, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006, dispositions qui selon la requérante organiseraient un véritable « statut du plaignant », et aurait enfreint les principes généraux de non-discrimination, de sollicitude et de bonne administration.

155    La BCE soutient que ce grief n’est pas fondé.

–       Appréciation du Tribunal

156    Le Tribunal constate que la requérante ne développe pas de raisonnement au soutien de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration. Cet argument, simplement énoncé et qui n’est étayé par aucune argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, doit donc être déclaré irrecevable.

157    S’agissant de la violation de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 6, paragraphe 10, et de l’article 7, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006, il est vrai que ces dispositions semblent faire une distinction entre la partie plaignante et les témoins de l’enquête administrative. Il n’en demeure pas moins qu’il ne ressort d’aucune de ces dispositions que la requérante, en qualité de partie ayant introduit la plainte à l’origine de l’enquête administrative, puisse utilement les invoquer pour soutenir que le délai pour présenter ses observations sur le projet de rapport d’enquête aurait dû, sans raison valable, être prolongé, que son conseil aurait dû pouvoir l’assister dans la rédaction de ces observations, et enfin que celles-ci auraient dû être prises en considération pour l’établissement du rapport final d’enquête alors qu’elles avaient été présentées hors délai.

158    Il est également vrai que la BCE soutient, non sans créer une certaine confusion, « qu’en tant que plaignante, la requérante avait par définition le statut de témoin ». Toutefois, dans la mesure où la requérante s’est vue communiquer le projet de rapport d’enquête dans son intégralité afin de formuler ses observations, il est constant que la BCE ne l’a pas traitée comme un témoin parmi d’autres, lesquels, comme l’observe à juste titre la BCE, s’ils avaient été destinataires du projet de rapport d’enquête, auraient seulement pu formuler des observations sur leur propre témoignage.

159    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure à l’absence de violation de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 6, paragraphe 10, et de l’article 7, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006.

160    En tout état de cause, à supposer que la requérante prétende que la BCE, en méconnaissant son statut de plaignante, a violé son droit à la prolongation du délai pour soumettre ses observations au projet de rapport d’enquête, son droit d’être assistée dans cette tâche par son conseil et son droit à ce que ses observations soient prises en considération pour l’établissement du rapport final d’enquête, le Tribunal ne peut que constater que les arguments qui sont développés au soutien de ces prétendues violations ont déjà été rejetés dans le cadre de l’analyse des premier et deuxième griefs de la présente branche du troisième moyen.

161    Quant à la prétendue discrimination dont la requérante aurait été victime, en qualité de témoin, par rapport aux autres témoins, il ressort du dossier, ainsi que mentionné au point 54 du présent arrêt, que le responsable d’enquête a envoyé une lettre, datée du 17 décembre 2008, à l’intention de tous les témoins ainsi que de la requérante destinée à les informer de la conclusion à laquelle était arrivé le panel dans son rapport final d’enquête. Toutes ces lettres auraient été envoyées le 18 décembre 2008. Or, selon la BCE, les tentatives de remise de la lettre susmentionnée à la requérante en main propre le 18 décembre 2008 auraient échoué, ainsi que celles de la lui faire parvenir par courrier recommandé. À cet égard, le Tribunal constate non seulement que la requérante n’a pas contesté cette affirmation de la BCE, mais qu’il ressort en outre de ses propres affirmations qu’elle est partie en congé de maladie le 18 décembre 2008 et a repris le travail le 5 janvier 2009. Compte tenu de son absence de son poste de travail entre ces deux dates, elle ne peut valablement soutenir avoir été victime d’un traitement discriminatoire par rapport à celui de ses collègues qui, en raison de leur présence au bureau, ont été en mesure de recevoir la lettre du 17 décembre 2008.

162    En ce qui concerne la déclaration signée par les témoins selon laquelle ils n’avaient pas fait l’objet de représailles de la part des supérieurs hiérarchiques, le Tribunal observe que la requérante n’explique pas dans quelle mesure la différence de traitement dont elle se plaint serait susceptible d’affecter le résultat de l’enquête administrative et donc la régularité de l’adoption de la décision du 16 décembre 2008. Dans ces circonstances, son argument ne saurait prospérer.

163    Par conséquent, il y a lieu de considérer que les éléments apportés par la requérante, examinés séparément ou pris dans leur ensemble, ne permettent pas de conclure à une violation du principe de non-discrimination.

164    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le troisième grief, tiré de ce que la BCE n’aurait pas reconnu à la requérante le statut de plaignante.

 Sur le quatrième grief, tiré de la violation par le panel de son obligation de confidentialité

–       Arguments des parties

165    Dans le cadre de son quatrième grief, la requérante soulève deux sous-griefs.

166    En premier lieu, la requérante soutient que le panel a agi en violation de son obligation de confidentialité, énoncée à l’article 6, paragraphe 10, de la circulaire no 1/2006, en transmettant aux supérieurs hiérarchiques, à une date non spécifiée mais avant le 5 juin 2008, toute la documentation qu’elle avait soumise au soutien de sa plainte (ci-après le « dossier de plainte »). Étant donné que le dossier de plainte contenait les noms de tous les collègues que la requérante proposait comme témoins susceptibles de confirmer ses allégations, collègues qui étaient pour la plupart des subordonnés des supérieurs hiérarchiques, le panel aurait dû, avant sa transmission à ces derniers, d’une part, enlever toute référence aux données personnelles des personnes qui y étaient identifiées et d’autre part, l’informer préalablement, ce qu’il n’a pas fait, de ce qu’il envisageait de communiquer le dossier de plainte aux supérieurs hiérarchiques. Ainsi, avant même d’être entendus par le panel, les collègues qu’elle avait proposé comme témoins savaient que les supérieurs hiérarchiques pourraient les identifier et craignaient donc des représailles. La requérante souligne qu’elle ne nie pas les droits de la défense des supérieurs hiérarchiques, mais soutient que l’exercice par ceux-ci des droits de la défense ne signifie pas qu’ils aient accès à l’entièreté du dossier de l’enquête. Elle ajoute que le panel se serait d’ailleurs rendu compte de son erreur puisque, après qu’elle avait soulevé la problématique de la confidentialité des auditions des témoins et après que les auditions de ceux-ci avaient eu lieu, le panel avait demandé à tous les témoins, sauf à elle, de signer une déclaration attestant qu’ils n’avaient pas fait l’objet d’une quelconque pression de la part de leur hiérarchie.

167    Interrogée par le biais de mesures d’organisation de la procédure sur la question de savoir quelle était l’information contenue dans le dossier de plainte qu’elle reprochait à la BCE d’avoir transmise aux supérieurs hiérarchiques, en violation de son devoir de confidentialité, la requérante a précisé dans son mémoire du 12 mars 2010 que « les noms de ses collègues soutenant ses griefs qui ont été indûment communiqués [aux supérieurs hiérarchiques] par le panel sont ceux […] contenus dans la documentation qu’elle a remise [au directeur général de la DG‑H] le 18 septembre 2007 et à [un chef de division de la DG‑H] le 24 octobre 2007 ainsi que dans la documentation complémentaire qu’elle a introduite via ses conseils le 7 février 2008 ». À la demande du Tribunal, la requérante a également identifié concrètement dans son mémoire du 12 mars 2010 les parties du dossier de plainte que, selon elle, la BCE aurait dû supprimer avant de transmettre ledit dossier aux supérieurs hiérarchiques. La requérante estime que ces parties du dossier de plainte n’auraient pas dû être divulguées, car elles auraient exposé les collègues susmentionnés aux possibles représailles des supérieurs hiérarchiques.

168    En second lieu, la requérante fait valoir que le panel aurait violé son devoir de confidentialité en ne fournissant pas d’information claire, ni à elle ni aux témoins auditionnés, sur l’utilisation qui serait faite des procès-verbaux des auditions et, en particulier, sur le droit d’accès des supérieurs hiérarchiques à ces procès-verbaux. Ainsi, avant même d’être interviewés par le panel, certains témoins auraient craint d’éventuelles représailles.

169    Étant donné qu’aucun témoin, et en particulier aucun des témoins qu’elle avait proposés, n’a soutenu ses allégations, la requérante conclut qu’il ne saurait être exclu que leurs déclarations aient été faussées par crainte de représailles. Dans la mesure où le panel s’est basé sur ces témoignages faussés pour arriver aux conclusions du rapport final d’enquête et que le directoire a adopté la décision du 16 décembre 2008 en se fondant lui-même sur le rapport final d’enquête, la décision du 16 décembre 2008 devrait être annulée.

170    La BCE rétorque que le grief n’est pas fondé.

–       Appréciation du Tribunal

171    En ce qui concerne le premier sous-grief, il convient de rappeler que dans la procédure d’enquête administrative diligentée à la suite d’une plainte, l’administration est tenue de mettre en balance deux droits qui peuvent être contradictoires, à savoir le droit pour la personne faisant l’objet de la plainte d’exercer ses droits de la défense et le droit du plaignant à ce que sa plainte soit examinée correctement. Ce droit du plaignant se traduit en un devoir de confidentialité incombant à l’administration, en vertu duquel celle-ci est tenue de s’abstenir de toute démarche de nature à pouvoir compromettre les résultats de l’enquête administrative.

172    En l’espèce, il est constant que le panel a effectivement transmis aux supérieurs hiérarchiques la totalité du dossier de plainte, ce qui constituerait, selon la requérante, une violation du devoir de confidentialité du panel, consacré à l’article 6, paragraphe 10, de la circulaire no 1/2006.

173    Le Tribunal constate que l’article 6, paragraphe 10, de la circulaire no 1/2006 prévoit que, en cas d’allégations de discrimination, de harcèlement ou de harcèlement moral et lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient, les faits et l’identité du plaignant peuvent être révélés. Contrairement à ce que semble soutenir la requérante, cette disposition ne permet pas de répondre à la question de savoir si le panel était en droit de transmettre la totalité du dossier de plainte aux supérieurs hiérarchiques ou si, conformément à son devoir de confidentialité aux fins de ne pas compromettre le résultat de l’enquête administrative, il pouvait seulement leur transmettre une partie dudit dossier.

174    En revanche, le Tribunal estime que l’argument tiré de la violation par le panel de son devoir de confidentialité doit être rattaché à l’article 7, paragraphe 3, de la circulaire no 1/2006, ce que la partie requérante a par ailleurs confirmé dans son mémoire du 12 mars 2010, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure. En effet, cette disposition, laquelle se réfère aux droits de la défense des personnes faisant l’objet d’une enquête administrative, dispose que ces personnes seront informées, préalablement à la présentation du rapport motivé au responsable d’enquête, du contenu du prétendu manquement aux obligations professionnelles qui leur est reproché et auront accès aux documents liés aux allégations formulées à leur égard « qui révèlent des faits importants » pour l’exercice de leurs droits de la défense. Il ressort donc du libellé de la disposition susmentionnée que les personnes faisant l’objet d’une enquête administrative ont un droit d’accès limité aux documents soumis par le plaignant à l’appui de sa plainte dans le cadre d’une enquête administrative, ce droit d’accès étant restreint aux documents révélant des faits importants. En limitant le droit d’accès des personnes faisant l’objet d’une enquête administrative, la disposition susmentionnée vise à sauvegarder les droits de la défense de ces personnes tout en assurant le respect par l’administration de son obligation de confidentialité.

175    Le Tribunal est donc appelé à examiner si, en transmettant la totalité du dossier de plainte aux supérieurs hiérarchiques, le panel a violé l’article 7, paragraphe 3, de la circulaire no 1/2006 et, dès lors, son devoir de confidentialité.

176    À cet égard, le Tribunal constate que l’information contenue dans le dossier de plainte, identifiée par la requérante comme ayant été indûment transmise aux supérieurs hiérarchiques, ne figure pas dans des documents dans lesquels des collègues s’expriment à propos des supérieurs hiérarchiques dans des termes qui pourraient les placer par la suite dans une situation embarrassante au cas où ces documents seraient transmis aux supérieurs hiérarchiques. L’information transmise figure en fait dans des documents du dossier de plainte contenant des informations que la requérante affirme avoir obtenues de certains de ses collègues, à savoir Mme B et MM. C, D et E, d’un certain nombre d’agents titulaires de contrats à durée déterminée de trois ans, et, également, des agents permanents qui avaient été convoqués à la réunion de la DIV/EXT du 16 janvier 2008. Dans la mesure où les documents du dossier de plainte, dans lesquels figure l’information qui selon la requérante n’aurait pas dû être transmise, ne contiennent pas d’affirmations des collègues en cause, mais des affirmations de la requérante elle-même selon lesquelles ces collègues auraient fait certaines déclarations, la communication de ces documents aux supérieurs hiérarchiques n’a pas été susceptible de compromettre lesdits collègues aux yeux des supérieurs hiérarchiques.

177    En outre, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le contenu des documents mentionnés au point précédent n’est compromettant pour aucun des collègues concernés. S’il est vrai que certains passages de ces documents permettent de comprendre que Mme B et MM. C, D et E et des agents titulaires de contrats à durée déterminée de trois ans auraient émis des critiques à l’égard des supérieurs hiérarchiques, il s’agit soit de véritables critiques mais dont le contenu ne peut être décelé dans les passages concernés, soit de simples appréciations auxquelles tout dirigeant s’expose raisonnablement dans la mesure où l’attribution de tâches et l’adoption d’instructions suscitent en général différents degrés d’adhésion ou de mécontentement parmi les membres du personnel.

178    Enfin, il y a lieu d’examiner le document du dossier de plainte dans lequel la requérante indique avoir appris de ses collègues que la secrétaire de M. Y avait envoyé, sous des conditions d’anonymat, un courriel à tous les agents permanents qui d’habitude n’assistent pas aux réunions de la DIV/EXT afin de les prier d’assister à la réunion de la DIV/EXT du 16 janvier 2008, car M. Y y ferait une annonce importante, courriel qui ne lui aurait pas été envoyé alors qu’elle est un agent permanent qui n’a pas l’habitude d’assister aux réunions de la DIV/EXT.

179    À cet égard, le Tribunal constate que la requérante n’expose pas dans quelle mesure la transmission de ce document du dossier de plainte aux supérieurs hiérarchiques aurait pu nuire aux agents permanents convoqués par courriel de la secrétaire de M. Y à la réunion susmentionnée. La requérante soutient que la révélation de cette information aurait permis à M. Y d’identifier aisément les agents permanents qui lui auraient appris l’existence de ce courriel. Or, le Tribunal estime, d’une part, qu’il n’est pas exclu que d’autres agents, non destinataires dudit courriel, en aient connu l’existence et en aient parlé à la requérante. Le libellé du passage litigieux ne permet pas de conclure que ce sont forcément les agents permanents destinataires du courriel en cause qui en ont parlé à la requérante. D’autre part, à suivre le raisonnement de la requérante, M. Y n’avait pas besoin de lire ce passage pour pouvoir identifier les agents permanents susceptibles d’avoir parlé dudit courriel à la requérante. En effet, en tant que chef de la DIV/EXT, M. Y savait sans aucun doute quels étaient les agents permanents qui en général n’assistaient pas aux réunions de la DIV/EXT et si, comme le soutient la requérante, il avait ordonné à sa secrétaire d’envoyer le courriel susmentionné, il devait également en connaître les destinataires.

180    Il y a lieu d’ajouter enfin que la thèse de la requérante selon laquelle, avant d’être entendus par le panel, les collègues qu’elle avait proposés comme témoins savaient que les supérieurs hiérarchiques pouvaient les identifier et craignaient des représailles, ce qui aurait faussé leurs témoignages, ne saurait non plus être accueillie.

181    En effet, il s’agit d’une thèse purement spéculative dans la mesure où la requérante n’a pas, ni dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, ni à l’audience, répondu à la question posée par le Tribunal sur la façon dont les personnes qu’elle avait proposées comme témoins, et dont les noms figuraient dans les documents du dossier de plainte qui, selon elle, n’auraient pas dû être transmis aux supérieurs hiérarchiques, auraient appris, avant même d’être appelées à témoigner, que les supérieurs hiérarchiques pourraient les identifier et donc prendre des mesures de représailles.

182    À l’audience, la requérante a fait observer que la question n’était pas de savoir comment les personnes appelées à témoigner pouvaient avoir eu connaissance du fait que le dossier de plainte, dans lequel figuraient leurs noms, avait été communiqué aux supérieurs hiérarchiques, mais celle d’établir avec certitude que ces personnes avaient parlé librement pendant leurs auditions par le panel.

183    Or, le Tribunal estime que ces deux questions sont indissociables. Les témoins n’ont pu avoir la parole libre que s’ils ne craignaient pas de représailles ou n’avaient pas subi de pressions. Il incombe donc à la requérante de prouver que les témoins ont pu raisonnablement avoir de telles craintes ou qu’ils ont effectivement subi des pressions ou des représailles de la part des supérieures hiérarchiques.

184    Lors de l’audience, la requérante a fait valoir que les témoins auraient commencé à craindre de telles représailles lorsque M. Y avait annoncé, au cours de la réunion de la DIV/EXT du 16 janvier 2008, qu’une action en justice avait été engagée contre lui et M. X pour harcèlement. Toutefois, le Tribunal estime qu’une telle annonce, même avérée, ne permettait pas aux collègues auxquels la requérante demanderait de témoigner de savoir quels documents produits par la requérante au soutien de sa plainte avaient été transmis aux supérieurs hiérarchiques ou le seraient dans le futur, ni quel était le contenu de ces documents. Cette affirmation effectuée par la requérante pendant l’audience ne constitue donc pas la preuve ni un indice sérieux que les témoins proposés par elle étaient au courant que leurs noms et des parties du dossier de plainte qui, selon la requérante, n’auraient pas dû être divulguées, avaient été communiqués aux supérieurs hiérarchiques avant qu’ils aient été auditionnés par le panel. La requérante n’apporte pas non plus d’éléments de preuve au soutien de sa thèse selon laquelle ces témoins non seulement auraient pu craindre des représailles de la part des supérieurs hiérarchiques mais auraient effectivement eu de telles craintes. En outre, si la requérante affirme que plusieurs témoins lui auraient assuré avoir subi des pressions de la part des supérieurs hiérarchiques, il demeure qu’elle n’apporte pas de preuve ni même d’indice au soutien de cette affirmation.

185    En ce qui concerne le second sous-grief, selon lequel le panel n’aurait pas fourni d’information claire, ni à elle ni aux témoins auditionnés, sur l’utilisation qui serait faite des procès-verbaux des auditions, ce qui aurait provoqué chez certains témoins des craintes quant à d’éventuelles représailles des supérieurs hiérarchiques, il ressort des déclarations consignées dans les procès-verbaux en cause, lesquels figurent au classeur 4a), que tous les témoins ont parlé franchement, sans se sentir intimidés ou menacés. Ainsi, plusieurs témoins, tant ceux proposés par la requérante que ceux appelés par la BCE, ont fait des déclarations dans lesquelles ils soulignent des aspects négatifs concernant l’un ou l’autre des supérieurs hiérarchiques ou dans lesquelles ils critiquent la gestion de ces derniers, alors même qu’au moment de leur témoignage ils travaillaient sous la direction de ces supérieurs.

186    Plus particulièrement, il ressort du dossier que la requérante avait proposé dix-huit témoins, dont quinze ont été auditionnés par le panel. Outre la requérante et les supérieurs hiérarchiques, le panel a interrogé vingt autres personnes, soit un total de trente-cinq témoins. Sur ces trente-cinq témoins, huit étaient des cadres supérieurs. Sur les quinze témoins proposés par la requérante auditionnés par le panel, sept, dont cinq se trouvaient dans un rapport de subordination avec les supérieurs hiérarchiques, ont émis des critiques à l’égard des supérieurs hiérarchiques ou ont signalé avoir eu des problèmes avec ces derniers.

187    Ne saurait prospérer l’argument de la requérante selon lequel il serait remarquable que le panel n’a pas convoqué trois des témoins qu’elle avait proposés et qui auraient pu faire des témoignages très utiles en sa faveur, au motif qu’ils étaient en congé prolongé ou qu’ils avaient quitté la DIV/EXT avant ou lors de son arrivée dans cette division, alors qu’ont été auditionnés des témoins cités par la BCE qui avaient eux aussi quitté la DIV/EXT avant son arrivée. En effet, le panel n’est nullement tenu de convoquer tous les témoins proposés par un plaignant dans le cadre d’une enquête administrative. En ayant convoqué quinze des dix-huit témoins proposés par la requérante et vingt autres personnes, le panel a largement rempli son devoir quant à l’éclaircissement des faits objet de l’enquête.

188    Ne saurait non plus prospérer l’argument de la requérante selon lequel il serait frappant que certains témoins aient osé critiquer des attitudes adoptées par les supérieurs hiérarchiques à leur égard, mais ne l’aient en revanche pas fait pour des attitudes adoptées à l’égard de la requérante, phénomène qui, à son avis, s’expliquerait par le fait que les témoignages en cause étaient faussés par peur de représailles. En effet, le Tribunal estime que, lorsqu’un témoin ose exprimer des critiques envers les supérieurs hiérarchiques pour ce qui est des relations avec lui-même, à plus forte raison il est vraisemblable que ce témoin osera exprimer des critiques envers les supérieurs hiérarchiques pour ce qui est des relations avec une tierce personne, en l’occurrence la requérante.

189    Dans ces circonstances, l’argument de la requérante selon lequel plusieurs témoignages ont été faussés par crainte de représailles doit être rejeté.

190    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le quatrième grief, tiré de la violation par le panel de son obligation de confidentialité, comme non fondé.

 Sur le cinquième grief, tiré du défaut de compétences requises des membres du panel et de la désignation irrégulière d’experts

–       Arguments des parties

191    Par son cinquième grief, la requérante allègue qu’aucun membre du panel n’était expert dans les domaines économique, économétrique ou mathématique, alors que le dossier de plainte comprenait plusieurs éléments et preuves ayant un rapport avec ces domaines. Le responsable d’enquête aurait donc constitué un panel avec des membres du personnel ne disposant pas des compétences requises pour mener l’enquête administrative, en violation de l’article 5, paragraphe 3, de la circulaire no 1/2006. Comme les membres du panel ne disposaient pas des compétences requises, ils auraient consulté des experts dans les domaines susmentionnés et se seraient basés « en grande partie, voire exclusivement », sur l’avis de ceux-ci. Or, le panel aurait irrégulièrement fait appel à des experts de la DG‑E, au sein de laquelle travaillaient les supérieurs hiérarchiques, au lieu de désigner des experts indépendants externes ou des experts travaillant dans une autre direction générale, telle que la DG‑R. En effet, le panel aurait demandé à des collègues des supérieurs hiérarchiques au sein de la DG‑E, y compris au directeur général et au directeur général adjoint, d’analyser les documents produits par la requérante et susceptibles d’être ensuite utilisés comme preuves contre ces mêmes supérieurs hiérarchiques. Une telle pratique violerait l’article 6, paragraphe 1, sous e), de la circulaire no 1/2006 et mettrait en cause l’impartialité, l’indépendance et l’objectivité des personnes consultées par le panel (premier argument). Elle démontrerait également une violation manifeste par le panel de son devoir de confidentialité (deuxième argument) ainsi que de son mandat (troisième argument).

192    Selon la BCE, ce grief est dénué de tout fondement.

–       Appréciation du Tribunal

193    En premier lieu, en ce qui concerne l’argument tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 3, et de l’article 6, paragraphe 1, sous e), de la circulaire no 1/2006 ainsi que de la violation des principes d’indépendance, d’objectivité et d’impartialité qui doivent présider au déroulement de l’enquête administrative, le Tribunal constate que, pour ce qui est de la composition du panel, l’article 5, paragraphe 3, de la circulaire no 1/2006 permet expressément que les membres du panel soient nommés parmi le personnel de la BCE, la nomination de personnalités externes étant uniquement prévue en cas de besoin. En ce qui concerne le recours à des experts, l’article 6, paragraphe 1, sous e), de la circulaire no 1/2006 prévoit la possibilité de faire appel, indistinctement, à l’expertise de services de la BCE compétents dans le domaine considéré ou à des experts indépendants externes. Cette disposition ne spécifie toutefois pas en vertu de quels critères les experts doivent être choisis au sein ou à l’extérieur de la BCE.

194    Le responsable d’enquête et le panel disposent donc d’un large pouvoir d’appréciation dans l’évaluation de la nécessité de faire appel à des personnalités extérieures à la BCE pour, respectivement, les nommer membres d’un panel et les consulter pour avis. Le contrôle du juge de l’Union se limite à la question de savoir si le responsable d’enquête et le panel, selon, ont agi dans des limites raisonnables et n’ont pas usé de leur pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 2 mai 2007, Giraudy/Commission, F‑23/05, point 136).

195    Premièrement, pour ce qui est de la composition du panel, le Tribunal observe que, selon les pièces versées au dossier, le panel était composé de quatre membres, dont deux provenaient de la direction « Audit interne », le troisième de la DG « Affaires juridiques » et le quatrième de la DG‑H. Il n’est donc pas exclu que les membres du panel n’aient pas été des experts dans les domaines économique, économétrique ou mathématique, comme la requérante prétend qu’ils auraient dû l’être. Or, le Tribunal, d’une part, rappelle que l’enquête administrative vise à clarifier les faits, et d’autre part, constate que la critique soulevée par la requérante quant à la prétendue « incompétence » des membres du panel pour mener l’enquête administrative n’est développée ni soutenue par aucun début de preuve et que la requérante n’a pas non plus établi la nécessité de nommer des personnalités extérieures à la BCE comme membres du panel, tel que le requiert l’article 5, paragraphe 3, de la circulaire no 1/2006. Dans ces conditions, le Tribunal conclut au rejet de l’argument tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 3, de la circulaire no 1/2006.

196    Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’affirmation du président de la BCE, dans sa lettre du 16 avril 2009, selon laquelle le panel n’aurait pas « agi correctement » s’il n’avait pas soumis ses constatations à des experts dans les trois domaines susmentionnés. En effet, une telle affirmation ne vient nullement contredire que les membres du panel ne disposaient pas des compétences requises pour mener l’enquête administrative.

197    Deuxièmement, pour ce qui est de la consultation par le panel à titre d’experts de membres de la DG‑E, il n’est pas contesté par la BCE que les experts dans les domaines économique, économétrique et mathématique consultés par le panel provenaient de la DG-E elle-même. À cet égard, il y a lieu de considérer que le seul fait pour la requérante de se plaindre du comportement des supérieurs hiérarchiques ne saurait, en tant que tel, impliquer que l’indépendance, l’objectivité et l’impartialité des collègues desdits supérieurs hiérarchiques, directeur général et directeur général adjoint compris, ait été compromise ou apparaisse comme telle lorsque le panel a fait appel à l’expertise de ces collègues dans le cadre de l’enquête administrative.

198    En outre, le Tribunal constate que la requérante n’a produit aucun élément de fait permettant de conclure que les experts consultés appartenant à la DG‑E auraient méconnu, par des actions ou omissions spécifiques, l’obligation d’impartialité, d’indépendance et d’objectivité leur incombant. Au vu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de conclure à la violation de l’article 6, paragraphe 1, sous e), de la circulaire no 1/2006, ni à celle des principes d’indépendance, d’objectivité et d’impartialité devant présider au déroulement de l’enquête administrative.

199    En deuxième lieu, quant à l’argument tiré de la violation par le panel de son devoir de confidentialité du fait d’avoir nommé comme experts des membres du personnel de la BCE, le Tribunal observe qu’il ressort de l’article 5, paragraphe 8, de la circulaire no 1/2006, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, sous e), de la même circulaire, d’une part, que le panel peut recourir à l’expertise de membres du personnel des services compétents dans le domaine considéré, sans qu’un tel recours n’implique en lui-même une violation par le panel de son devoir de confidentialité, et d’autre part, que les membres du personnel dont l’expertise a été sollicitée sont à leur tour tenus à une obligation de confidentialité. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté.

200    En troisième lieu, pour ce qui est de l’argument tiré de la violation par le panel du mandat qui lui a été confié dans la mesure où, ne disposant pas des compétences requises, ses membres auraient été contraints de se fonder en grande partie, voire exclusivement, sur l’avis des experts de la DG-E consultés, le Tribunal observe, d’abord, que cet argument procède exclusivement d’affirmations de la requérante et n’est étayé par aucun début de preuve. Ensuite, l’argument tiré de ce que le responsable d’enquête aurait nommé des personnes ne disposant pas des compétences requises comme membres du panel, en violation de l’article 5, paragraphe 3, de la circulaire no 1/2006, a été rejeté au point 195 du présent arrêt. Enfin, il ressort du dossier que plus de la moitié des neuf allégations formulées par la requérante au soutien de sa plainte, ainsi que la dixième allégation examinée à la demande du directoire concernent essentiellement des problèmes liés à la prétendue exclusion de la requérante par les supérieurs hiérarchiques des échanges d’informations liées au travail, à leurs supposés efforts pour éviter toute communication avec la requérante, à leurs commentaires prétendument offensants, à leurs tentatives supposées de nuire à ses relations sociales et de l’isoler socialement, ainsi qu’au prétendu manquement au devoir de confidentialité de M. Y. L’examen de plus de la moitié des dix allégations susvisées ne requerrait donc pas de la part des membres du panel des connaissances économiques, économétriques ou mathématiques, comme le prétend la requérante. Dès lors, pour examiner ces allégations, le panel n’a pas eu besoin de recourir aux experts membres de la DG‑E. Par conséquent, à supposer que le panel s’est effectivement basé sur l’avis des experts de la DG‑E consultés pour arriver aux conclusions du rapport final d’enquête, il ne s’est basé sur cet avis qu’en partie seulement, ce que l’article 6, paragraphe 1, de la circulaire no 1/2006 n’interdit pas, et non pas en grande partie ou même exclusivement, comme le prétend la requérante. Il s’ensuit que le panel n’a pas abandonné sa compétence et, partant, a respecté l’étendue de son mandat.

201    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le cinquième grief comme non fondé.

202    Par conséquent, la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.

c)     Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée de la définition irrégulière de l’objet de l’enquête administrative et de la notion de harcèlement

203    À l’appui de la troisième branche, la requérante invoque deux griefs tirés, le premier, de la définition irrégulière par le panel de l’objet de l’enquête administrative et, le second, de la définition erronée par le panel de la notion de harcèlement.

 Sur le premier grief, tiré de la définition irrégulière par le panel de l’objet de l’enquête administrative

–       Arguments des parties

204    Par son premier grief, la requérante fait valoir que, dans le dossier de plainte, elle avait soutenu, entre autres, que les supérieurs hiérarchiques n’avaient pas respecté sa description de poste ni ses aptitudes en lui attribuant des tâches et avaient ainsi entravé sa performance et son travail. Elle s’était également plainte du fait qu’ils avaient minimisé ses objectifs et ses réussites, portant de ce fait atteinte à sa carrière. Elle avait en outre soutenu que le harcèlement et les conditions de travail qui lui étaient imposées avaient eu des conséquences négatives importantes sur sa santé. Toutefois, malgré ces allégations formulées dans le dossier de plainte, plusieurs éléments essentiels à la recherche de l’existence d’une situation de harcèlement auraient été exclu de l’objet de l’enquête administrative, à savoir l’évaluation de la qualité de son travail, l’évaluation de la compétence des supérieurs hiérarchiques pour juger de son travail et la prise en considération des répercussions négatives du harcèlement sur sa santé. La requérante ajoute que le contenu et l’étendue du mandat du panel ont fait l’objet de nombreuses correspondances et demandes de précision de sa part, mais qu’elle n’a jamais obtenu les clarifications souhaitées. Ainsi, elle n’aurait pas compris les raisons pour lesquelles le directoire avait chargé le panel d’examiner une dixième allégation, liée à une possible violation de son devoir de confidentialité par M. Y, et non pas, comme elle l’avait demandé, une allégation liée aux fausses déclarations faites par M. Y lors de la réunion de la DIV/EXT du 16 janvier 2008. Au vu de ce qui précède, la requérante soutient que l’objet de l’enquête administrative a été défini de manière irrégulière, ce qui devrait entraîner l’annulation de la décision du 16 décembre 2008.

205    La BCE considère que ce grief n’est pas fondé.

–       Appréciation du Tribunal

206    En ce qui concerne la décision du panel d’exclure de l’objet de l’enquête tant l’évaluation de la qualité du travail de la requérante que la compétence des supérieurs hiérarchiques pour juger de sa performance professionnelle, il y a lieu de rappeler que la BCE dispose de procédures administratives internes pour évaluer régulièrement la performance et le rendement des membres de son personnel. C’est donc à bon droit que le panel a décidé de ne pas empiéter sur ces procédures, qui relèvent de la compétence d’autres membres du personnel de la BCE.

207    Quant à la décision du panel de ne pas prendre en considération les « répercussions négatives du harcèlement sur [la] santé [de la requérante] », le Tribunal estime que c’est à bon droit que le panel a décidé de ne pas faire contrôler les rapports médicaux apportés par la requérante au soutien de sa plainte, car, comme la BCE le fait valoir à juste titre, la question du contrôle de ces rapports médicaux se serait posée uniquement si le rapport final d’enquête avait conclu à l’existence d’un comportement pouvant être qualifié de harcèlement moral des supérieurs hiérarchiques à l’égard de la requérante, ce qui n’a pas été le cas.

208    Pour ce qui est de la décision du directoire de charger le panel de l’examen d’une dixième allégation, tirée de la violation du devoir de confidentialité par M. Y, le Tribunal constate, d’une part, qu’il n’est pas contesté par la requérante que M. Y n’a pas révélé son nom lorsqu’il a dit, lors de la réunion de la DIV/EXT du 16 janvier 2008, qu’une action en justice avait été engagée contre lui et M. X pour harcèlement. En conséquence, la requérante ne pouvait pas être touchée par une telle affirmation. Si, comme elle le soutient, cette annonce a permis à ses collègues de l’identifier avec certitude comme la victime dudit harcèlement et comme la personne ayant engagé ladite action en justice, une telle circonstance n’est pas imputable à M. Y. D’autre part, dans la mesure où le directoire connaissait la réalité des faits et savait que l’annonce faite par M. Y n’était pas exacte, le directoire pouvait, conformément à l’article 4.4 de la circulaire no 1/2006, ne pas respecter les termes de la plainte de la requérante et étendre le mandat du panel en ce sens que, au lieu d’examiner les déclarations de M. Y, le panel était prié d’examiner une possible violation du devoir de confidentialité de M. Y.

209    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier grief comme non fondé.

 Sur le deuxième grief, tiré de la définition erronée par le panel de la notion de harcèlement

–       Arguments des parties

210    Selon la partie requérante, le Tribunal a donné son interprétation de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, en ce sens qu’il peut y avoir harcèlement moral sans intention malveillante de la part du harceleur présumé, dans son arrêt du 9 décembre 2008, Q/Commission (F‑52/05, points 132, 133 et 135), interprétation qui a été confirmée sur pourvoi par l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2011, Commission/Q (T‑80/09 P). Or, selon la définition du harcèlement adoptée par le panel dans le rapport final d’enquête, l’existence d’une telle intention malveillante de la part du prétendu harceleur serait nécessaire pour que le comportement reproché à ce dernier puisse être qualifié de harcèlement. En se basant sur cette définition illégale, car contraire à l’arrêt Q/Commission précité, le panel aurait examiné si la conduite des supérieurs hiérarchiques avait été adoptée avec l’intention de porter atteinte à son intégrité, alors qu’il aurait dû examiner si la conduite des supérieurs hiérarchiques avait entraîné objectivement une atteinte à sa personnalité physique et psychique. Une définition illégale de la notion de harcèlement se trouvant à la base de l’enquête administrative, la décision du 16 décembre 2008 prise sur le fondement de ladite enquête devrait être annulée.

211    Selon la BCE, le deuxième grief est inopérant, car le panel n’a de toute façon pas constaté l’existence d’agissements durables, répétitifs ou systématiques, condition nécessaire pour qualifier un comportement de harcèlement.

–       Appréciation du Tribunal

212    L’interprétation de la notion de harcèlement moral, figurant à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, adoptée par l’arrêt Q/Commission précité, s’applique aux comportements survenus à partir de l’entrée en vigueur de la disposition, à savoir, le 1er mai 2004, et, par analogie, à la présente affaire.

213    En l’espèce, le Tribunal est appelé à faire le double exercice d’analyser, dans un premier temps, si la notion de harcèlement a été correctement définie dans le rapport final d’enquête et, dans un second temps, si le panel a examiné si les agissements des supérieurs hiérarchiques, commis volontairement mais sans nécessité d’une intention malveillante, ont eu pour effet, objectivement, de porter atteinte à l’intégrité de la requérante. Par la suite, le Tribunal examinera si le panel, au vu des réponses fournies par les témoins, est arrivé correctement aux conclusions qui figurent dans le rapport final d’enquête.

214    En ce qui concerne la définition de la notion de harcèlement moral, le rapport final d’enquête indique ce qui suit :

« Selon l’interprétation de l’article 12, sous a), du [statut], les conditions pour déterminer qu’une conduite est constitutive d’un harcèlement moral, c’est-à-dire, de mobbing, sont les suivantes :

–        la conduite est contraire aux règles ;

–        la conduite est répétitive ou systématique ;

–        la conduite est intentionnelle.

Le panel de l’enquête a cherché à établir si les éléments de preuve apportés par la requérante, et ceux obtenus dans le contexte de l’enquête […], montrent que des règles ont été violées, si les situations signalées sont répétitives ou systématiques, et, si les circonstances ont été créées intentionnellement, contre les intérêts et la volonté de la requérante ».

215    Contrairement à ce que semble affirmer la requérante, il n’est nullement indiqué dans le rapport final d’enquête que la conduite en question doit être adoptée avec l’intention de porter atteinte à l’intégrité de la personne concernée. Ledit rapport se limite à énoncer que la conduite reprochée doit être intentionnelle, c’est-à-dire, volontaire, mais n’exige pas que l’intention soit malveillante, autrement dit qu’il y ait intention de porter atteinte à l’intégrité de la personne concernée. Il ne ressort donc pas du libellé du rapport final d’enquête que la définition de la notion de harcèlement adoptée par le panel soit contraire à celle adoptée par le Tribunal dans l’arrêt Q/Commission, précité.

216    Dans un second temps, il convient d’analyser si le panel s’est borné à examiner, comme le soutient la requérante, si les supérieurs hiérarchiques avaient adopté les comportements reprochés avec l’intention de porter atteinte à son intégrité ou si, au contraire, il a examiné la conduite des supérieurs hiérarchiques dans une perspective correcte en recherchant, d’abord, si les supérieurs hiérarchiques avaient effectivement adopté les comportements reprochés, pour, dans l’affirmative, évaluer ensuite si ces comportements avaient objectivement entraîné une atteinte à sa personnalité psychique ou physique, auquel cas ces comportements seraient constitutifs d’un harcèlement.

217    À cet égard, le Tribunal rappelle que, comme il a été indiqué au point 29 du présent arrêt, la requérante a formulé neuf allégations au soutien de sa plainte pour harcèlement moral, à savoir que les supérieurs hiérarchiques auraient empêché le déroulement normal de sa carrière professionnelle, qu’ils auraient entravé son travail et l’auraient exclue des échanges d’informations liées au travail. Ils auraient également évité toute communication avec elle, auraient minimisé les résultats de son travail et n’auraient pas respecté son profil professionnel. Ils auraient enfin formulé des commentaires offensants et dégradants à son égard, auraient nui à ses relations sociales et l’auraient isolée.

218    Il ressort des procès-verbaux contenus dans le classeur 4a) que le panel a posé des questions destinées à vérifier si les supérieurs hiérarchiques ont effectivement adopté les comportements identifiés par la requérante dans les neuf allégations précitées.

219    Ainsi, le panel a notamment demandé à plusieurs témoins de quelle façon les tâches sont attribuées au sein de la DIV/EXT, puisque la requérante se plaignait d’être exclue des échanges d’informations liées au travail, de quelle façon fonctionne l’agenda analytique, agenda qui constitue un plan de travail de la DIV/EXT, de quelle manière les supérieurs hiérarchiques communiquent avec les subordonnés sur leurs attentes quant à la quantité et la qualité des tâches devant être exécutées, si eux-mêmes ont des motifs de se plaindre de leur hiérarchie, s’ils ont eu des difficultés dans leurs relations avec les supérieurs hiérarchiques, quelle est la politique de la DIV/EXT en matière de cours de formation et de conférences, s’ils sont au courant de l’existence de plaintes déposées par un membre du personnel à l’encontre des supérieurs hiérarchiques, s’il existe des tensions entre la requérante et sa hiérarchie et si des tensions existent entre les deux supérieurs hiérarchiques.

220    À cet égard, la requérante reproche au panel de ne pas avoir informé les témoins auditionnés de la portée de la notion de harcèlement et de leur avoir posé plusieurs questions liées au propre vécu des témoins, et non à sa situation à elle au cours de la période pendant laquelle elle estime avoir été victime de harcèlement. Or, le Tribunal est d’avis qu’il incombait au panel, grâce aux témoignages, d’examiner les comportements des supérieurs hiérarchiques envers la requérante et ensuite de les qualifier comme étant ou non du harcèlement. S’il est vrai que plusieurs questions posées par le panel faisaient référence au propre vécu des témoins, il demeure, d’une part, que la réponse à ces questions a permis au panel de mieux connaître les comportements des supérieurs hiérarchiques à l’égard du personnel de la DIV/EXT en général et, par voie de conséquence, à l’égard de la requérante, et d’autre part, que le panel a aussi posé des questions ayant trait aux rapports entre la requérante et les supérieurs hiérarchiques.

221    Le Tribunal observe toutefois que, dans le rapport final d’enquête, le panel fait référence, à deux reprises, à l’intention des supérieurs hiérarchiques de nuire à la requérante. Concrètement, dans ses conclusions afférentes aux allégations selon lesquelles les supérieurs hiérarchiques auraient nui aux relations sociales de la requérante et l’auraient isolée, le panel déclare ne pas avoir trouvé de preuves « que les supérieurs hiérarchiques aient eu l’intention de nuire aux relations sociales de la requérante ou qu’ils aient intentionnellement isolé celle-ci ». Cette affirmation du panel permettrait donc de penser, à première vue, que, quant aux deux allégations susmentionnées, celui-ci n’aurait pas examiné la conduite des supérieurs hiérarchiques dans une perspective correcte.

222    Cependant, une lecture détaillée des résultats de l’enquête menée par le panel sur ces deux allégations, ainsi que l’examen des procès-verbaux des témoignages effectué aux points précédents révèlent que le panel ne s’est pas focalisé sur l’examen d’une attitude éventuellement malveillante des supérieurs hiérarchiques, mais qu’il a vérifié si les supérieurs hiérarchiques avaient commis volontairement les agissements reprochés.

223    Il ressort des considérations qui précèdent que l’examen effectué au cours de l’enquête administrative de la question de l’existence d’un harcèlement à l’égard de la requérante a été mené dans une perspective correcte, en accord avec l’interprétation de l’article 12 bis du statut donnée par le Tribunal dans l’arrêt Q/Commission, précité.

224    Reste donc à examiner si le panel, au vu des réponses fournies par les témoins, est arrivé correctement aux conclusions qui figurent dans le rapport final d’enquête.

225    De la lecture des procès-verbaux des auditions des témoins, il ressort que plusieurs témoins ont signalé qu’il était fréquent que les projets proposés par les différents agents de la DIV/EXT pour l’agenda analytique subissent des modifications substantielles ou soient rejetés par la hiérarchie de la division et supprimés de l’agenda. Plusieurs témoins ont également fait valoir qu’ils recevaient en général peu de commentaires de la part de leur hiérarchie sur la qualité de leur travail. Plusieurs témoins ont déclaré que leurs supérieurs leur donnaient parfois des tâches qui n’appartiennent pas à leur sphère de compétence, mais qu’ils faisaient de leur mieux et ne déclinaient pas les tâches. Alors que quelques témoins ont confessé avoir été frustrés quand ils travaillaient pour les supérieurs hiérarchiques et se sont plaint de leur gestion, gestion qui serait cause de stress et de charge de travail élevée, il ressort des auditions qu’en général, malgré certains aspects négatifs signalés, le cas échéant, chez l’un ou l’autre des supérieurs hiérarchiques, les témoins n’avaient ou n’ont pas de problèmes majeurs dans leurs relations avec leur hiérarchie.

226    Il ressort également des procès-verbaux susmentionnés qu’aucun témoin n’avait entendu les supérieurs hiérarchiques tenir des propos offensants ou dégradants à l’égard d’un ou de plusieurs membres du personnel et que personne au sein de la DIV/EXT n’avait reçu pour instruction d’exclure la requérante d’une réunion.

227    Il ressort également desdits procès-verbaux que les témoins ont répondu en substance qu’ils n’étaient pas au courant de ce qu’un collègue aurait formulé des plaintes à l’égard de sa hiérarchie, à l’exception de certains qui savaient que la requérante se plaignait des supérieurs hiérarchiques. Il ressort également des mêmes procès-verbaux que peu de témoins se rendaient compte des tensions existant entre la requérante et les supérieurs hiérarchiques et quelques témoins seulement ont signalé que la relation entre les supérieurs hiérarchiques eux-mêmes était parfois tendue. De plus, aucun témoin n’a fait état d’un quelconque comportement inadéquat ou de commentaires méprisants des supérieurs hiérarchiques envers des collègues, ni non plus envers la requérante, notamment sur son poids ou son physique.

228    En outre, tous les témoins semblent être d’accord sur la possibilité donnée en général au personnel d’assister chaque année, pendant cinq à dix jours, à des cours de formation et à des conférences. Selon la requérante, ces affirmations confirmeraient le grief, soulevé dans le cadre de sa plainte, selon lequel elle aurait été le seul agent de la DIV/EXT qui, en 2007, n’a bénéficié d’aucun jour de formation et n’a participé qu’à une seule conférence et qui, en 2006, n’a participé à aucune formation et à aucune conférence. La BCE, interrogée sur ce point lors de l’audience, a indiqué qu’il n’existe pas de règles écrites régissant le nombre d’heures ou de jours de cours de formation et ni le nombre de conférences auxquels les membres du personnel ont le droit d’assister chaque année, ce qui n’a pas été contesté par la requérante. Il convient de rappeler, à cet égard, que l’autorisation d’assister à des cours de formation ou à des conférences doit être donnée en fonction, non pas de l’intérêt personnel de l’agent, mais de celui du service, lequel doit être évalué et apprécié par la hiérarchie de l’agent concerné.

229    S’agissant de l’année 2006, il est constant que la requérante a bénéficié en 2006 d’un détachement de trois mois auprès de la Federal Reserve Bank à New York (États-Unis). Aux dires de la BCE, environ cinq détachements seulement seraient accordés chaque année au sein de l’institution et un détachement d’une durée de trois mois, comme cela a été le cas pour la requérante, serait exceptionnel. Cette affirmation de la BCE est toutefois contestée par la requérante. À cet égard, le Tribunal estime qu’il ne saurait être nié que la valeur ajoutée de trois mois de détachement dépasse celle de cinq ou dix jours de cours de formation théoriques. Par conséquent, l’argument de la requérante selon lequel, en 2006, elle aurait été privée de formation manque en fait.

230    Pour ce qui est de l’année 2007, la requérante n’a pas apporté d’éléments de preuve selon lesquels toutes ses demandes de formation ou pour assister à des conférences, sauf une, auraient été systématiquement refusées. Dans ces conditions, l’argument de la requérante, formulé au soutien de sa plainte, selon lequel les supérieurs hiérarchiques lui auraient refusé en 2007 de pouvoir participer à des cours de formation ou de pouvoir assister à des conférences ne saurait être accueilli.

231    Il ressort en fin de compte de l’examen des procès-verbaux de leurs auditions que les témoins n’ont pas soutenu les allégations formulées au soutien de sa plainte par la requérante. En conséquence, c’est à bon droit que le panel a conclu que ces allégations n’étaient pas fondées par manque de preuves.

232    Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter le deuxième grief comme non fondé.

233    Par conséquent, la troisième branche du troisième moyen doit être rejetée comme non fondée.

d)     Sur la quatrième branche du troisième moyen, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation

 Arguments des parties

234    La requérante allègue que l’ensemble des irrégularités démontrées dans le cadre du troisième moyen entache la décision du 16 décembre 2008 d’une erreur manifeste d’appréciation.

235    La BCE rétorque qu’elle n’a commis aucune irrégularité et donc qu’il ne saurait être question d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation.

 Appréciation du Tribunal

236    Dans la mesure où les trois premières branches du troisième moyen ont été rejetées, il y a également lieu de conclure à l’absence d’erreur manifeste d’appréciation entachant la décision du 16 décembre 2008.

237    Il s’ensuit que la quatrième branche du troisième moyen doit être rejetée.

238    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le troisième moyen dans son ensemble.

239    Par voie de conséquence, tous les moyens d’annulation soulevés contre la décision du 16 décembre 2008 ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter les premier et deuxième chefs de conclusions.

B –  Sur le troisième chef de conclusions, tendant à l’annulation, pour autant que de besoin, de la décision du 16 avril 2009

240    Il ressort du dossier que la requérante invoque un moyen unique au soutien de ses conclusions en annulation dirigées contre la décision du 16 avril 2009, moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.

1.     Arguments des parties

241    La requérante soutient que l’affirmation du directoire, dans sa décision du 16 avril 2009, selon laquelle il aurait désormais pris en compte les observations au projet de rapport d’enquête qu’elle avait soumises le 5 janvier 2009 ne serait aucunement motivée, car de nombreux éléments soulevés dans ces observations ne seraient pas reflétés dans ladite décision. Le directoire aurait donc violé son obligation de motivation et il serait permis à la requérante de douter que le directoire ait effectivement tenu compte des observations susmentionnées lorsqu’il a examiné le recours spécial.

242    La BCE estime que ce grief n’est pas fondé.

2.     Appréciation du Tribunal

243    Le Tribunal constate tout d’abord que le directoire affirme, dans la décision du 16 avril 2009, qu’il a examiné le recours spécial, la décision du 16 décembre 2008, ainsi que la procédure précédant l’adoption de celle-ci. Le Tribunal observe également que les observations au projet de rapport d’enquête présentées le 5 janvier 2009 sont annexées au recours spécial.

244    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’administration (arrêt de la Cour du 7 avril 1992, Compagnia italiana alcool/Commission, C‑358/90, point 40), l’étendue de cette obligation de motivation devant être appréciée en fonction des circonstances concrètes de l’espèce (arrêts de la Cour du 13 décembre 1989, Prelle/Commission, C‑169/88, point 9, et du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, point 39). Rien n’exige que la décision spécifie l’intégralité des différents éléments de fait et de droit pertinents. Il suffit que la décision explicite les principaux points de droit et de fait de façon même succincte, mais claire et pertinente (arrêt de la Cour du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24/62, p. 143).

245    En l’espèce, le Tribunal constate que le directoire, dans sa décision du 16 avril 2009, a analysé plusieurs observations de la requérante figurant dans le document qu’elle a adressé le 5 janvier 2009 au président du panel, notamment, des observations concernant la composition du panel, l’objet de l’enquête administrative, la violation du devoir de confidentialité du panel et la définition de la notion de harcèlement dans l’arrêt Q/Commission, précité. À la lumière de la motivation fournie dans la décision du 16 avril 2009, le Tribunal considère que cette motivation est suffisante pour permettre à la requérante d’apprécier si ladite décision est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice susceptible de justifier d’en contester la légalité et pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle de la légalité de ladite décision (arrêt du Tribunal de première instance du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, point 108 ; arrêt du Tribunal du 8 novembre 2007, Andreasen/Commission, F‑40/05, point 259).

246    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le moyen unique, tiré de la violation de l’obligation de motivation.

247    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième chef de conclusions.

 Sur les conclusions indemnitaires

A –  Arguments des parties

248    La requérante soutient que les irrégularités commises par la BCE au cours de l’enquête administrative qui a abouti à l’adoption des décisions du 16 décembre 2008 et du 16 avril 2009 ont gravement porté atteinte à sa santé et à son intégrité. Ces irrégularités lui auraient causé un préjudice moral qu’elle estime ex æquo et bono à la somme de 10 000 euros.

249    La BCE affirme qu’elle n’a causé aucun préjudice à la requérante dans la mesure où elle n’aurait commis aucune irrégularité.

B –  Appréciation du Tribunal

250    Selon une jurisprudence constante, lorsque le préjudice dont un requérant se prévaut trouve son origine dans l’adoption d’une décision faisant l’objet de conclusions en annulation, le rejet de ces conclusions en annulation entraîne, par principe, le rejet des conclusions indemnitaires, ces dernières leur étant étroitement liées (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 29 septembre 2011, Heath/BCE, F‑121/10, point 129).

251    En l’espèce, la requérante demande l’indemnisation du préjudice moral prétendument subi du fait de l’adoption des décisions du 16 décembre 2008 et du 16 avril 2009. Dans la mesure où les conclusions indemnitaires présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation de ces deux décisions, qui ont elles-mêmes été rejetées, il s’ensuit que les conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

252    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur les dépens

253    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

254    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la requérante a succombé en son recours. En outre, la BCE a, dans ses conclusions, expressément demandé que la requérante soit condamnée aux dépens. À cet égard, le Tribunal rappelle que l’accès au classeur 4a) a été limité au conseil de la requérante, lequel, du fait des réticences de la BCE, a été obligé de le consulter dans les locaux du greffe. Or, le Tribunal constate que le conseil de la requérante a effectué cette consultation à l’occasion de séjours à Luxembourg motivés par son devoir professionnel d’assister à une audience devant le Tribunal. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la modalité d’accès au classeur 4a) n’a pas exposé la requérante à des frais de déplacement qui en d’autres circonstances auraient pu être mis à la charge de la BCE.

255    Les circonstances de l’espèce ne justifiant donc pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie requérante doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la BCE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Donati supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la Banque centrale européenne.

Rofes i Pujol

Boruta

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       M. I. Rofes i Pujol


* Langue de procédure : le français.