Language of document : ECLI:EU:C:2009:459

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

16 juillet 2009 (*)


Table des matières


I –  Le cadre juridique

II –  Les faits à l’origine du litige

III –  La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

IV –  Les conclusions des parties

V –  Les moyens du pourvoi

VI –  Sur le pourvoi

A –  Sur le premier moyen tiré de ce que le Tribunal aurait à tort retenu une «omission» du grief d’adossement dans la communication des griefs du 3 août 2001 et jugé que la formulation dudit grief ne présentait «aucune difficulté technique particulière»

1.  Argumentation des parties

2.  Appréciation de la Cour

a)  Sur les trois premières branches du moyen, tirées d’une violation de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt Schneider I, de constatations de fait matériellement inexactes et d’une dénaturation des éléments de preuve

i)  Sur l’existence d’une référence au grief d’adossement dans la communication des griefs du 3 août 2001

ii)  Sur l’existence de difficultés de nature à contrarier la formulation du grief d’adossement de façon suffisamment claire et précise dans la communication des griefs du 3 août 2001

b)  Sur la quatrième branche du moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

B –  Sur le deuxième moyen tiré de ce que le Tribunal aurait à tort retenu l’existence, dans le chef de la Commission, d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers

1.  Argumentation des parties

2.  Appréciation de la Cour

a)  Sur la première branche du moyen, tirée d’une erreur de qualification juridique des faits

b)  Sur la seconde branche du moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

C –  Sur le troisième moyen tiré de ce que le Tribunal aurait à tort retenu l’existence d’un lien de causalité direct entre la faute de la Commission et le préjudice subi par Schneider en raison de la réduction consentie du prix de cession de Legrand

1.  Argumentation des parties

2.  Appréciation de la Cour

a)  Sur la recevabilité

b)  Sur le fond

VII –  Sur les conséquences de l’annulation partielle de l’arrêt attaqué

A –  Sur le préjudice constitué par les frais encourus par Schneider pour participer à la reprise de la procédure de contrôle de l’opération de concentration

B –  Sur le préjudice correspondant à la réduction du prix de cession de Legrand consentie par Schneider

VIII –  Sur les dépens

«Pourvoi – Opérations de concentration d’entreprises – Règlement (CEE) n° 4064/89 – Décision de la Commission déclarant une opération incompatible avec le marché commun – Annulation – Responsabilité non contractuelle de la Communauté du chef de l’illégalité constatée – Conditions»

Dans l’affaire C‑440/07 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 21 septembre 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Petite, F. Arbault, T. Christoforou, R. Lyal et Mme C.-F. Durand, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Schneider Electric SA, établie à Rueil-Malmaison (France), représentée par Mes M. Pittie et A. Winckler, avocats,

partie requérante en première instance,

République fédérale d’Allemagne,

République française,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts, A. Ó Caoimh et J.-C. Bonichot, présidents de chambre, MM. J. Makarczyk, P. Kūris, E. Juhász, G. Arestis, A. Borg Barthet et L. Bay Larsen (rapporteur), juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 décembre 2008,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 février 2009,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission (T‑351/03, Rec. p. II‑2237, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a:

–        condamné la Communauté européenne à supporter, d’une part, les frais encourus par Schneider Electric SA (ci-après «Schneider») pour participer à la reprise de la procédure de contrôle de l’opération de concentration intervenue après le prononcé des arrêts du Tribunal du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission (T‑310/0l, Rec. p. II‑4071, et T‑77/02, Rec. p. II‑4201, ci-après, respectivement, l’«arrêt Schneider I» et l’«arrêt Schneider II»), et, d’autre part, les deux tiers du dommage subi par Schneider à raison du montant de la réduction du prix de cession de Legrand SA (ci-après «Legrand») que Schneider a dû consentir au cessionnaire en contrepartie du report de l’échéance de la réalisation effective de la vente de Legrand jusqu’au 10 décembre 2002;

–        rejeté le recours pour le surplus;

–        invité les parties à lui transmettre, dans un délai de trois mois, l’évaluation du montant du premier chef de préjudice, établie d’un commun accord, ou, à défaut d’un tel accord, leurs conclusions chiffrées;

–        ordonné une expertise aux fins de l’évaluation du second chef de préjudice;

–        décidé que l’indemnité due à la requérante à compter du 10 décembre 2002, date de la matérialisation du préjudice lié à la réalisation effective de la cession de Legrand, serait réévaluée au moyen d’intérêts jusqu’à la date de prononcé de l’arrêt portant liquidation du dommage, puis majorée d’intérêts moratoires à compter de cette dernière date jusqu’à complet paiement;

–        réservé les dépens.

I –  Le cadre juridique

2        En vertu de l’article 2 du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1, rectificatif JO 1990, L 257, p. 13), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 180, p. 1, ci‑après le «règlement»), la compatibilité avec le marché commun d’une opération de concentration visée par ce règlement est soumise à l’appréciation de la Commission.

3        Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du même règlement, une telle opération doit être notifiée à la Commission dans un délai d’une semaine à compter de la conclusion de l’accord ou de la publication de l’offre d’achat ou d’échange ou de l’acquisition d’une participation de contrôle.

4        En application des articles 6 et 8 dudit règlement:

–        la Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception;

–        si elle constate que l’opération de concentration notifiée relève du règlement et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide de ne pas s’y opposer et la déclare compatible avec le marché commun;

–        si elle constate, au contraire, que cette opération relève du règlement et soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’engager une procédure d’examen approfondi;

–        lorsqu’elle constate, le cas échéant après modifications apportées par les entreprises concernées, que l’opération ne soulève plus de tels doutes, elle peut décider de déclarer la concentration compatible avec le marché commun;

–        lorsqu’elle constate que l’opération n’est pas compatible avec le marché commun, elle prend une décision portant déclaration en ce sens;

–        dans ce cas, et si l’opération de concentration a déjà été réalisée, la Commission peut ordonner, soit dans la décision même déclarant la concentration incompatible, soit dans une décision distincte, la séparation des entreprises ou des actifs regroupés ou la cessation du contrôle commun ou toute autre action appropriée pour rétablir une concurrence effective.

5        L’article 7, paragraphe 1, du règlement énonce qu’une concentration ne peut être réalisée ni avant d’être notifiée ni avant d’avoir été déclarée compatible avec le marché commun.

6        Toutefois, cette disposition, conformément à l’article 7, paragraphe 3, ne fait pas obstacle à la réalisation d’une offre publique d’achat ou d’échange qui a été notifiée à la Commission, pour autant que l’acquéreur n’exerce pas les droits de vote attachés aux participations concernées ou ne les exerce qu’en vue de sauvegarder la pleine valeur de son investissement et sur la base d’une dérogation octroyée par la Commission.

7        En vertu de l’article 10, paragraphe l, lorsqu’une opération de concentration est notifiée, la décision de la Commission ou bien de déclarer cette opération compatible ou bien d’ouvrir la procédure d’examen approfondi doit intervenir dans un délai maximal d’un mois à compter du lendemain du jour de la réception de la notification ou, si les renseignements à fournir lors de la notification sont incomplets, à partir du lendemain du jour de la réception des renseignements complets.

8        L’article 10, paragraphes 2 et 3, prévoit que, dans le cadre d’une procédure d’examen approfondi, la Commission doit prendre une décision sur la compatibilité de l’opération dans un délai maximal de quatre mois à compter de la date de l’engagement de la procédure.

9        Conformément à l’article 10, paragraphe 5, lorsque le juge communautaire rend un arrêt qui annule en tout ou en partie une décision de la Commission prise en vertu du règlement, les délais fixés dans celui-ci s’appliquent à nouveau à compter de la date de prononcé de l’arrêt.

10      En application de l’article 10, paragraphe 6, une opération notifiée est réputée déclarée compatible avec le marché commun lorsque la Commission n’a pas pris soit une décision d’ouvrir une procédure d’examen approfondi à l’expiration du délai maximal d’un mois à compter du lendemain de la réception de la notification ou de la réception de renseignements complets, soit, en cas d’ouverture d’une procédure d’examen approfondi, une décision statuant sur la compatibilité de l’opération dans les quatre mois suivant cette ouverture.

11      L’article 18, paragraphe 1, du règlement prescrit que, avant de prendre, notamment, une décision déclarant une concentration incompatible, la Commission donne aux entreprises intéressées l’occasion de faire connaître, à tous les stades de la procédure jusqu’à la consultation du comité consultatif prévu à l’article 19, leur point de vue au sujet des objections retenues contre elles.

12      L’article 18, paragraphe 3, dispose que la Commission ne fonde ses décisions que sur les objections au sujet desquelles les intéressés ont pu faire valoir leurs observations et que les droits de la défense de ceux-ci sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure.

II –  Les faits à l’origine du litige

13      Le 16 février 2001, Schneider et Legrand, sociétés mères françaises de deux groupes actifs dans la production et la vente, le premier, de produits et de systèmes dans les secteurs de la distribution électrique, du contrôle industriel et de l’automation, le second, d’appareillages électriques d’installations basse tension, ont notifié à la Commission, en application de l’article 4, paragraphe 1, du règlement, un projet d’acquisition du contrôle par Schneider de l’ensemble de l’entreprise Legrand par la voie d’une offre publique d’échange.

14      Considérant que l’opération soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, la Commission a ouvert la procédure d’examen approfondi.

15      Le 3 août 2001, elle a adressé à Schneider une communication des griefs concluant à la création ou au renforcement d’une position dominante, du fait de l’opération, sur un certain nombre de marchés sectoriels nationaux.

16      Le 6 août 2001, la Commission des opérations de bourse a rendu l’avis de résultat définitif de l’offre publique d’échange de Schneider. Au terme de cette opération, Schneider avait recueilli 98,7 % des titres de Legrand.

17      Dans leur réponse du 16 août 2001 à la communication des griefs, les parties à l’opération ont contesté la définition des marchés retenue par la Commission ainsi que son analyse de l’impact de l’opération sur ces marchés.

18      Le 29 août 2001, les parties à l’opération et les services de la Commission ont tenu une réunion destinée à définir d’éventuelles modifications de l’opération susceptibles de résoudre les problèmes de concurrence relevés par la Commission.

19      Schneider a proposé à plusieurs reprises des mesures correctives à la Commission.

20      À l’issue de la procédure d’examen approfondi, la Commission a estimé que l’opération de concentration était incompatible avec le marché commun. Selon elle, cette opération, d’une part, créerait une position dominante ayant pour effet d’entraver de façon significative une concurrence effective sur différents marchés sectoriels nationaux, à savoir ceux du Danemark, de la Grèce, de l’Espagne, de la France, de l’Italie, du Portugal et du Royaume-Uni, et, d’autre part, renforcerait une telle position dominante sur différents marchés sectoriels français.

21      Le 10 octobre 2001, la Commission a ainsi adopté la décision 2004/275/CE, déclarant une opération de concentration incompatible avec le marché commun (JO 2004, L 101, p. 1, ci-après la «décision négative»), dans laquelle elle a considéré que les mesures correctives proposées par Schneider ne permettraient pas de résoudre les problèmes de concurrence identifiés.

22      Le 24 octobre 2001, elle a notifié à Schneider une seconde communication des griefs aux fins de la séparation de Schneider et de Legrand.

23      Le 13 décembre 2001, Schneider a introduit devant le Tribunal un recours en annulation contre la décision négative (affaire T‑310/01) et, par acte séparé, une demande visant à ce que le Tribunal statue sur ce recours selon la procédure accélérée, conformément à l’article 76 bis de son règlement de procédure.

24      Le 23 janvier 2002, le Tribunal a rejeté cette dernière demande.

25      Le 30 janvier 2002, la Commission a adopté la décision 2004/276/CE, ordonnant une séparation d’entreprises sur la base de l’article 8, paragraphe 4, du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil (JO 2004, L 101, p. 134, ci-après la «décision de séparation»).

26      Cette décision a ordonné à Schneider de se séparer de Legrand dans un délai de neuf mois, expirant le 5 novembre 2002.

27      Par actes déposés le 18 mars 2002, Schneider a introduit un recours en annulation contre la décision de séparation (affaire T‑77/02), une demande tendant à ce qu’il soit statué sur ce recours selon la procédure accélérée ainsi qu’une demande de sursis à l’exécution de la décision de séparation (affaire T‑77/02 R).

28      La demande de procédure accélérée a été accueillie dans l’affaire T‑77/02 par décision notifiée le 25 mars 2002.

29      À la suite de l’audience de référé du 23 avril 2002 dans l’affaire T‑77/02 R, la Commission a, par lettre du 8 mai 2002, prorogé jusqu’au 5 février 2003 le délai imparti à Schneider pour se séparer de Legrand, sans préjudice de la réalisation des étapes du processus de séparation au cours du délai ainsi prorogé.

30      Le 3 mai 2002, le Tribunal a accueilli une demande de Schneider tendant à ce qu’il soit statué dans l’affaire T‑310/01 selon la procédure accélérée, compte tenu de la confirmation par Schneider du maintien de la version abrégée de sa requête, transmise le 12 avril 2002.

31      Eu égard à la prorogation du délai de séparation accordée par la Commission dans sa lettre du 8 mai 2002, Schneider s’est désistée de sa demande de sursis à exécution dans l’affaire T‑77/02 R.

32      Schneider a préparé la cession de Legrand à réaliser dans l’éventualité d’un rejet de ses deux recours en annulation. À cet effet, elle a conclu un contrat de cession avec le consortium Wendel-KKR (ci-après «Wendel-KKR») le 26 juillet 2002. Ce contrat de cession devait être exécuté le 10 décembre 2002 au plus tard. En cas d’annulation de la décision négative, il était stipulé résiliable par Schneider jusqu’au 5 décembre 2002, moyennant une indemnité de rupture de 180 millions d’euros.

33      Le 22 octobre 2002, par son arrêt Schneider I, le Tribunal a annulé la décision négative, motifs pris d’erreurs d’analyse et d’appréciation de l’impact de l’opération sur les marchés sectoriels nationaux extérieurs à la France ainsi que d’une violation des droits de la défense viciant l’analyse de l’impact de l’opération sur les marchés sectoriels français et des mesures correctives proposées par Schneider.

34      S’agissant des marchés sectoriels nationaux extérieurs à la France, il a considéré, en particulier, que la Commission avait surestimé la puissance économique de la nouvelle entité issue de la concentration et, sur certains marchés, sous-estimé la puissance économique de deux importants concurrents de ladite entité, en y surévaluant donc, réciproquement, la force de celle-ci.

35      À propos des marchés sectoriels français affectés par l’opération notifiée, il a statué sur un moyen tiré par Schneider de ce que la Commission aurait commis une violation des droits de la défense au cours de la procédure d’examen approfondi.

36      À cet égard, le Tribunal a retenu qu’il ne résultait pas de la lecture de la communication des griefs du 3 août 2001 que celle-ci eût abordé avec suffisamment de clarté et de précision le renforcement de la position de Schneider face aux distributeurs français de matériel électrique basse tension, découlant non seulement de l’addition des ventes de Legrand sur les marchés de composants de tableaux électriques, mais aussi de la position prépondérante de Legrand sur les segments des équipements électriques ultraterminaux.

37      Il a relevé, par ailleurs, que la conclusion générale de la communication des griefs énumérait les différents marchés sectoriels nationaux affectés par l’opération sans mettre en évidence un adossement quelconque d’une position détenue par l’une des deux entreprises sur un marché de produits donné à la position de l’autre entreprise sur un autre marché sectoriel.

38      Par suite, le Tribunal a conclu que la communication des griefs n’avait pas permis à Schneider de mesurer dans toute leur ampleur les problèmes de concurrence identifiés par la Commission sur le marché français du matériel électrique basse tension appréhendé au niveau de la distribution.

39      Il a considéré que Schneider avait ainsi été privée, d’une part, de la possibilité de contester utilement, sur le fond, la thèse de la Commission et, d’autre part, de l’opportunité de présenter utilement et en temps opportun des propositions de mesures correctives adaptées.

40      Par l’arrêt Schneider II, le Tribunal a annulé la décision de séparation au motif qu’elle constituait une mesure d’application de la décision négative annulée.

41      La Commission n’a pas formé de pourvois à l’encontre des arrêts Schneider I et Schneider II, lesquels sont donc passés en force de chose jugée.

42      Par lettre du 13 novembre 2002, la Commission a informé Schneider que l’opération était susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés sectoriels français, en raison de chevauchements importants de parts de marché de Schneider et de Legrand, de la disparition de leur rivalité traditionnelle, de l’importance des marques détenues par l’entité Schneider‑Legrand, de son pouvoir sur les grossistes et de l’incapacité de tout concurrent de se substituer à la pression concurrentielle exercée par Legrand avant la réalisation de l’opération.

43      Selon la Commission, l’opération de concentration aurait pour résultat, sur chacun des marchés affectés sur lesquels l’une ou l’autre des parties était en position dominante avant l’opération, l’élimination d’un concurrent immédiat, qui seul était en mesure d’exercer une contrainte concurrentielle sur l’entreprise dominante, grâce à son adossement aux positions très fortes du même groupe dans d’autres segments du même secteur.

44      Le 14 novembre 2002, Schneider a proposé à la Commission des mesures correctives ayant pour objet de supprimer les chevauchements d’activités entre Schneider et Legrand sur les marchés sectoriels français affectés.

45      Le 15 novembre 2002, la Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes (C 279, p. 22) un avis relatif à la reprise du contrôle de l’opération, précisant que, en vertu de l’article 10, paragraphe 5, du règlement, les délais d’examen seraient appliqués à partir du 23 octobre 2002, lendemain du prononcé de l’arrêt Schneider I, et invitant les tiers à transmettre leurs observations éventuelles.

46      Par courrier du 25 novembre 2002, Schneider a fait observer à la Commission que les arguments développés dans sa lettre du 13 novembre 2002 restaient, en l’absence d’examen marché par marché des effets de l’opération, d’une nature et d’une portée imprécises excluant la démonstration de l’existence d’un effet anticoncurrentiel sur les marchés affectés et que les considérations générales de la Commission étaient démenties par la réalité.

47      Par pli du 29 novembre 2002, la Commission a informé Schneider que les mesures correctives qu’elle avait successivement présentées ne suffisaient pas à éliminer toutes les restrictions de concurrence découlant de l’opération, du fait des doutes persistant sur la viabilité et l’autonomie des activités cédées et de l’inaptitude des mesures proposées à créer un contrepoids à la puissance de l’entité Schneider-Legrand.

48      Par courrier du 2 décembre 2002, Schneider a répondu que, à ce stade très avancé de la procédure, la position de la Commission ne rendait plus réaliste la poursuite des discussions et que, pour mettre fin à une incertitude de plus d’une année, elle avait décidé de vendre Legrand à Wendel-KKR.

49      Par télécopie adressée à la Commission le 3 décembre 2002, Schneider a confirmé sa décision. Elle a précisé que, conformément aux stipulations du contrat de cession du 26 juillet 2002, la réalisation de la vente de Legrand à Wendel-KKR n’impliquait plus aucune initiative de sa part et interviendrait le 10 décembre 2002.

50      Par décision du 4 décembre 2002, la Commission a engagé la procédure d’examen approfondi, au motif que les mesures correctives proposées par Schneider ne permettaient pas, au stade de l’enquête, d’éliminer les doutes sérieux demeurant sur la compatibilité de l’opération, eu égard aux effets de cette opération sur les marchés sectoriels français identifiés dans la décision négative.

51      Le 11 décembre 2002, Schneider a confirmé à la Commission que la cession à Wendel‑KKR de sa participation dans Legrand s’était réalisée le 10 décembre 2002.

52      Par lettre du 13 décembre 2002, la Commission a informé Schneider de la clôture, pour défaut d’objet, de la procédure d’examen.

53      Le 10 février 2003, Schneider a introduit un recours en annulation contre la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi du 4 décembre 2002 et contre la décision de clôture du 13 décembre 2002 (affaire T‑48/03).

54      Par ordonnances du 29 octobre 2004, Schneider Electric/Commission (T‑310/01 DEP et T‑77/02 DEP), le Tribunal a liquidé le montant des dépens récupérables par Schneider à la charge de la Commission à 419 595,32 euros, dans l’affaire T‑310/01, et à 426 275,06 euros, dans les affaires T‑77/02 et T‑77/02 R.

55      Par ordonnance du 31 janvier 2006, Schneider Electric/Commission (T‑48/03, Rec. p. II‑111), le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours en annulation dans l’affaire T‑48/03, au motif que la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi et la décision de clôture critiquées ne constituaient pas des actes faisant grief à Schneider.

56      Le 12 avril 2006, Schneider a introduit un pourvoi contre cette ordonnance.

57      Ce pourvoi a été rejeté par ordonnance de la Cour du 9 mars 2007, Schneider Electric/Commission (C‑188/06 P).

III –  La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

58      Le 10 octobre 2003, Schneider a introduit devant le Tribunal un recours contre la Commission visant à l’indemnisation du dommage qu’elle estimait avoir subi en raison d’illégalités entachant la procédure de contrôle de la compatibilité avec le marché commun de l’opération de concentration notifiée.

59      Elle a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        à titre principal, condamner la Communauté à lui verser la somme de 1 663 734 716,76 euros, sous réserve de réduction à concurrence du montant des dépens récupérables fixé par les ordonnances de taxation rendues dans les affaires T‑310/01 DEP et T‑77/02 DEP ainsi que de majoration à raison, d’une part, des intérêts échus depuis le 4 décembre 2002, jusqu’à parfait paiement, au taux annuel de 4 % et, d’autre part, du montant de l’impôt dont Schneider sera redevable, au moment de sa perception, sur le montant de l’indemnité allouée;

–        à titre subsidiaire:

–        déclarer le recours recevable,

–      constater la responsabilité non contractuelle de la Communauté,

–      établir la procédure à suivre afin de déterminer le montant du préjudice indemnisable effectivement subi par Schneider;

–        condamner la Commission aux entiers dépens de l’instance.

60      Le 11 décembre 2003, le Tribunal a décidé de limiter en l’état les débats au principe de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté et à la méthodologie de l’évaluation du préjudice.

61      Par ordonnances des 20 avril et 6 décembre 2004, la République fédérale d’Allemagne et la République française ont été respectivement admises à intervenir au litige, la première, à l’appui des conclusions de la Commission, la seconde, au soutien de celles de Schneider.

62      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a statué dans le sens indiqué au point 1 du présent arrêt.

63      Aux points 152 et 156 de l’arrêt attaqué, il a jugé que la méconnaissance des droits de la défense constatée par l’arrêt Schneider I en ce qui concerne les marchés sectoriels français constituait une violation manifeste et grave d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, contenue à l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement.

64      Au point 155 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté en ces termes l’argument tiré par la Commission des contraintes particulières pesant objectivement sur ses services au cours de la procédure d’examen approfondi:

«[…] l’argument tiré par la partie défenderesse de la difficulté inhérente à la réalisation d’une analyse complexe de marchés sous une contrainte de temps très rigide est sans pertinence, dès lors que le fait générateur du dommage ici envisagé n’est pas l’analyse des marchés pertinents par la communication des griefs ou la décision d’incompatibilité, mais l’omission dans la communication des griefs d’une mention essentielle dans ses conséquences et dans le dispositif de la décision d’incompatibilité, ne comportant aucune difficulté technique particulière, n’exigeant aucun examen spécifique supplémentaire qui n’aurait pu être réalisé pour des raisons de temps et dont l’absence ne peut être attribuée à un problème de rédaction fortuit ou accidentel que la lecture globale de la communication des griefs permettrait de compenser.»

65      Au point 157 du même arrêt, il a conclu que la méconnaissance des droits de la défense en cause constituait, de la part de la Commission, une faute de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

66      Dans son examen des questions de l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute de la Commission et celui-ci, il a relevé, au point 269 de l’arrêt attaqué, que si la violation suffisamment caractérisée des droits de la défense avait eu pour effet de rendre illégale la décision négative, il ne s’en déduisait pas pour autant que, en l’absence d’une telle violation, l’opération de concentration aurait dû être déclarée compatible avec le marché commun.

67      Le Tribunal a conclu, au point 278 de l’arrêt attaqué, que le vice identifié dans la décision négative n’avait privé Schneider d’aucun droit à une décision de compatibilité qui aurait justifié que toutes les conséquences financières de la privation d’un tel droit, en particulier celles découlant de l’obligation de céder les actifs de Legrand, fussent considérées comme un préjudice imputable à la Communauté.

68      Au point 279 de l’arrêt attaqué, il a, par suite, jugé que Schneider ne pouvait soutenir avoir subi un préjudice égal à la totalité de la perte de valeur des actifs de Legrand détenus par elle au 10 octobre 2001, à défaut d’un lien de causalité suffisamment direct entre ce préjudice et la violation génératrice de l’engagement de la responsabilité communautaire.

69      Aux points 288 et 316, il a en revanche admis l’existence d’un lien de causalité suffisamment étroit entre l’illégalité commise et deux types de préjudices supportés par Schneider, à savoir:

–        les frais encourus par l’entreprise pour participer à la reprise de la procédure de contrôle de l’opération de concentration après les annulations prononcées par le Tribunal le 22 octobre 2002;

–        la réduction du prix de cession qu’avait dû consentir Schneider au repreneur des actifs de Legrand pour obtenir un report de l’effet de cette cession à une date telle que les procédures juridictionnelles alors en cours devant le juge communautaire ne soient pas privées de leur objet avant d’avoir abouti.

70      S’agissant des frais encourus pour la reprise de la procédure de contrôle, à savoir des frais de consultation, des honoraires et des frais administratifs de diverses natures, il a relevé, au point 301, que si le grief d’adossement avait été articulé dans la communication des griefs du 3 août 2001, Schneider aurait, certes, dû se prononcer à son sujet et préparer, le cas échéant, des mesures correctives appropriées avant l’adoption de la décision de la Commission sur la compatibilité de l’opération, comme elle a eu à le faire après l’annulation de cette décision et la reprise consécutive de la procédure de contrôle.

71      Cependant, il a considéré, au même point de l’arrêt attaqué, que le fait de reprendre, sur des bases juridiques nouvelles, une procédure administrative interrompue depuis douze mois avait nécessairement représenté, pour Schneider, une charge incomparablement supérieure à celle qu’aurait représentée la réponse au même grief donnée, lors de la procédure de contrôle initiale, par l’entreprise et ses conseils déjà pleinement impliqués dans des réunions et échanges avec les services compétents de la Commission.

72      En ce qui concerne la réduction du prix de cession qui aurait été consentie par Schneider, il a relevé, au point 308, que cette entreprise s’était trouvée contrainte à la fois de négocier et de conclure, le 26 juillet 2002, le contrat de cession de Legrand et de repousser l’échéance de la réalisation effective de cette cession jusqu’au 10 décembre 2002.

73      Au point 311, il a considéré que l’obligation de différer la réalisation effective de la vente avait nécessairement conduit Schneider à consentir à Wendel-KKR une réduction du prix de cession par rapport au prix qu’elle aurait obtenu dans l’hypothèse d’une vente ferme intervenue en l’absence d’illégalité de la décision négative.

74      Au point 312, il a retenu que le report de la vente au 10 décembre 2002 impliquait l’octroi à Wendel-KKR de la rémunération du risque de dépréciation des actifs de Legrand lié à l’éventualité d’une variation défavorable des cours des titres industriels pendant la période de report.

75      Au point 322 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que le préjudice constitué par la réduction du prix de cession était égal à la différence entre le prix de cession effectivement convenu et celui que Schneider aurait pu obtenir si elle avait disposé, au terme de la première procédure de contrôle, le 10 octobre 2001, d’une décision légale statuant sur la compatibilité de l’opération.

76      Toutefois, au point 329, il a souligné que Schneider, en acquérant en toute légalité le contrôle de Legrand, n’en avait pas moins assumé le risque que le contrôle de l’opération aboutît à une décision constatant l’incompatibilité avec le marché commun de cette opération et à une obligation corrélative de procéder à une séparation des actifs d’entreprises d’ores et déjà fusionnées.

77      Au point 330, il a estimé que, compte tenu de l’ampleur de l’opération de fusion réalisée et du renforcement sensible de la puissance économique qu’elle entraînait au bénéfice des deux seuls acteurs prépondérants présents sur les marchés sectoriels français du matériel électrique basse tension, Schneider ne pouvait ignorer que la fusion réalisée risquait à tout le moins de créer ou de renforcer une position dominante dans une partie substantielle du marché commun et que, à ce titre, elle serait interdite par la Commission.

78      Il en a déduit, au point 334, que Schneider était responsable du tiers du préjudice lié à la réduction de prix consentie.

79      Dans ces conditions, le Tribunal a jugé, au point 335, que la Communauté ne serait tenue de réparer ledit préjudice qu’à concurrence des deux tiers de celui-ci.

80      Enfin, aux points 342 et 344 à 346, il a décidé que l’indemnité due à Schneider à compter du 10 décembre 2002, date de la matérialisation du préjudice lié à la réalisation effective de la cession de Legrand, serait réévaluée au moyen d’intérêts jusqu’à la date de prononcé de l’arrêt portant liquidation du dommage, puis majorée d’intérêts moratoires à compter de cette dernière date jusqu’à complet paiement.

IV –  Les conclusions des parties

81      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour annuler l’arrêt attaqué et condamner Schneider aux dépens.

82      Schneider conclut à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le pourvoi et condamner la Commission aux dépens.

V –  Les moyens du pourvoi

83      Au soutien de son pourvoi, la Commission soulève formellement sept moyens d’annulation, lesquels peuvent, en substance, être regroupés en cinq moyens.

84      Par lesdits moyens, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir, à tort:

–        au point 155 de l’arrêt attaqué, retenu une «omission» du grief d’adossement dans la communication des griefs du 3 août 2001 et jugé que la formulation dudit grief ne présentait «aucune difficulté technique particulière»;

–        au point 156 de l’arrêt attaqué, retenu l’existence, dans le chef de la Commission, d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers;

–        au point 316 de l’arrêt attaqué, retenu l’existence d’un lien de causalité direct entre la faute de la Commission et le préjudice subi par Schneider en raison de la réduction du prix de cession de Legrand consentie en contrepartie d’un report au 10 décembre 2002 de la réalisation effective de la vente convenue le 26 juillet 2002;

–        au point 288 de l’arrêt attaqué, identifié un chef de préjudice non invoqué par Schneider, à savoir une réduction de prix consentie pour obtenir un report de l’effet de la cession de Legrand jusqu’au 10 décembre 2002;

–        commis une erreur de droit en octroyant, aux points 345 et 346 de l’arrêt attaqué, en ce qui concerne le préjudice lié à la réduction du prix de cession alléguée, des intérêts compensatoires courant du 10 décembre 2002 jusqu’à la date de prononcé de l’arrêt portant liquidation du dommage, alors que de tels intérêts ne pourraient être accordés que dans des situations exceptionnelles.

VI –  Sur le pourvoi

A –  Sur le premier moyen tiré de ce que le Tribunal aurait à tort retenu une «omission» du grief d’adossement dans la communication des griefs du 3 août 2001 et jugé que la formulation dudit grief ne présentait «aucune difficulté technique particulière»

1.     Argumentation des parties

85      La Commission rappelle que, tout au long de la procédure de première instance, elle n’a pas contesté avoir méconnu le droit de Schneider d’être entendue lors de la procédure de contrôle de l’opération. Elle fait valoir que, en revanche, elle conteste formellement que l’irrégularité constatée engage la responsabilité de la Communauté.

86      Elle subdivise son premier moyen en quatre branches.

87      Elle soutient que, en retenant, au point 155 de l’arrêt attaqué, une «omission» du grief d’adossement dans la communication des griefs du 3 août 2001 et en jugeant, au même point de cet arrêt, que la formulation dudit grief ne présentait aucune difficulté particulière, le Tribunal a:

–        méconnu l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt Schneider I;

–        procédé à des constatations de fait matériellement inexactes;

–        dénaturé les éléments de preuve;

–        violé son obligation de motivation.

88      En réalité, le Tribunal aurait simplement constaté, au point 445 de l’arrêt Schneider I, que le grief d’adossement n’avait pas été énoncé avec «suffisamment de clarté et de précision». En reprochant ensuite à la Commission d’avoir conclu la communication des griefs «sans mettre en évidence un adossement quelconque», il se serait limité à relever qu’elle n’avait pas, au terme de son analyse, suffisamment mis en exergue ce grief spécifique.

89      Il y aurait néanmoins lieu de conclure que le Tribunal considérait que ce dernier avait été à tout le moins implicitement formulé dans le corps de la communication des griefs.

90      Pareille conclusion révélerait une deuxième discordance entre l’arrêt Schneider I et l’arrêt attaqué qui, à son point 155, conclurait de manière explicite à une absence d’énonciation du grief que «la lecture globale de la communication des griefs» ne permettrait pas de compenser.

91      Une troisième discordance entre les deux arrêts serait constituée par une différence d’appréciation quant aux conséquences pour Schneider des vices entachant la communication des griefs.

92      À cet égard, la Commission fait valoir que, au point 453 de l’arrêt Schneider I, le Tribunal a jugé que la rédaction de la communication des griefs n’avait pas permis à Schneider de mesurer «dans toute leur ampleur» les problèmes de concurrence identifiés sur le marché français, tandis que, au point 152 de l’arrêt attaqué, il a constaté que Schneider «ne pouvait pas savoir» qu’elle n’avait «aucune chance» d’obtenir une décision de compatibilité sans proposer des mesures correctives adéquates de la situation d’adossement créée par l’opération de concentration.

93      Selon la Commission, il résulterait de cette comparaison des deux arrêts que, dans son arrêt Schneider I, le Tribunal a considéré que Schneider avait pu prendre conscience de ce que l’adossement constituait une difficulté du point de vue concurrentiel, mais qu’elle n’avait pas pu mesurer toute l’ampleur de l’obstacle qu’il constituait, parce qu’il n’avait pas été explicitement formulé en conclusion de la communication des griefs. En revanche, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait considéré que Schneider n’avait jamais pu être consciente du problème et n’avait donc jamais su qu’elle devrait proposer des remèdes adéquats.

94      La Commission fait valoir par ailleurs que, devant le Tribunal, elle avait invoqué la difficulté inhérente à la réalisation d’une analyse complexe de marchés dans une affaire elle-même complexe, sous la contrainte de temps très rigide résultant des dispositions du règlement. Elle aurait souligné, notamment, que l’élaboration d’une communication des griefs constitue un exercice extrêmement délicat devant être effectué suffisamment tôt après l’ouverture de la procédure et la clôture de l’enquête pour permettre aux parties de faire valoir leurs observations.

95      La Commission reproche au Tribunal d’avoir balayé ces arguments en jugeant qu’ils se limitaient à un exposé des difficultés liées à l’analyse complexe de marchés et que, à ce titre, ils étaient sans pertinence, le fait générateur du préjudice étant en réalité l’omission, dans la communication des griefs, d’une mention ne comportant aucune difficulté technique particulière, n’exigeant aucun examen spécifique supplémentaire qui n’aurait pu être réalisé pour des raisons de temps et dont l’absence ne peut être attribuée à un problème fortuit ou accidentel.

96      Selon la Commission, ces considérations du Tribunal, en tant qu’elles constituent des constatations de fait, sont manifestement erronées au regard des éléments soumis à son appréciation au cours de la procédure et révélatrices d’une dénaturation des éléments de preuve.

97      En tout état de cause, le Tribunal aurait méconnu son obligation de motivation en ce qui concerne sa prise en compte aussi bien d’une omission de la mention du grief d’adossement que de l’absence de difficulté technique particulière d’une telle mention.

98      L’arrêt attaqué devrait, en définitive, être annulé en totalité sur le fondement du seul premier moyen.

99      Schneider conclut au rejet de ce moyen.

100    Elle soutient qu’il est irrecevable, dès lors que la Commission:

–        remettrait en cause des appréciations de fait;

–        avancerait des allégations nouvelles, selon lesquelles, premièrement, le grief d’adossement aurait été à tout le moins implicitement formulé dans la communication des griefs du 3 août 2001, ainsi que le Tribunal l’aurait implicitement constaté dans l’arrêt Schneider I, et, deuxièmement, le Tribunal aurait considéré, dans ce même arrêt Schneider I, que Schneider avait pu prendre conscience du fait que l’adossement constituait une difficulté du point de vue concurrentiel;

–        n’expliquerait pas en quoi son moyen reposerait sur une dénaturation des éléments de preuve et une violation de l’obligation de motivation.

101    En tout état de cause, le moyen ne serait pas fondé.

2.     Appréciation de la Cour

a)     Sur les trois premières branches du moyen, tirées d’une violation de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt Schneider I, de constatations de fait matériellement inexactes et d’une dénaturation des éléments de preuve

102    L’autorité de la chose jugée s’attache aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par une décision judiciaire (voir, notamment, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C­254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 44 et jurisprudence citée).

103    Par ailleurs, il résulte des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. La Cour n’est donc pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectées, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve de dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, non encore publié au Recueil, point 29).

104    En d’autres termes, la constatation des faits et l’appréciation des éléments de preuve par le Tribunal constituent des questions de droit soumises au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi, respectivement, lorsque l’inexactitude matérielle des constatations du Tribunal ressort des documents versés au dossier et en cas de dénaturation des éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C‑119/97 P, Rec. p. I‑1341, point 66).

105    Par la première branche du moyen examiné, tirée d’une violation de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt Schneider I, la Commission vise à démontrer que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a retenu des points de fait se heurtant à ceux effectivement ou nécessairement tranchés par ledit arrêt Schneider I, passé en force de chose jugée.

106    Par les deuxième et troisième branches du même moyen, la Commission vise à démontrer, au fond, au regard de la jurisprudence rappelée ci‑dessus:

–        l’inexactitude matérielle des constatations opérées par le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, quant aux faits effectivement retenus dans l’arrêt Schneider I, inexactitude qui résulterait directement des termes de celui-ci;

–        une dénaturation par le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, du sens de l’arrêt Schneider I considéré en tant qu’élément de preuve devant au besoin être interprété pour déterminer les éléments de fait à examiner pour juger si la responsabilité non contractuelle de la Communauté est engagée.

107    Les trois premières branches du moyen nécessitent ainsi l’examen des questions de savoir:

–        quels sont les points de fait sur lesquels le Tribunal a, aux points 152 et 156 de l’arrêt attaqué, fondé sa constatation d’une «violation manifeste et grave» par la Commission des limites qui s’imposaient à elle au titre des droits de la défense de Schneider;

–        si ces points de fait ont été tranchés dans l’arrêt Schneider I;

–        si, tels qu’ils ont été retenus dans l’arrêt attaqué, ils sont en contradiction avec ceux tranchés dans l’arrêt Schneider I.

108    Il convient donc d’examiner ensemble les arguments avancés dans le cadre de ces trois branches, en ce qui concerne la question de l’existence d’une référence au grief d’adossement dans la communication des griefs, puis celle de l’existence de difficultés de nature à contrarier la formulation dudit grief de façon suffisamment claire et précise dans cet acte de la procédure d’examen approfondi.

109    Il doit cependant être observé que les deuxième et troisième branches se confondent avec la première branche en tant qu’elles portent sur des éléments de fait qui, dans l’analyse ci-après, se révéleront comme ayant été effectivement ou nécessairement tranchés par l’arrêt Schneider I. Elles ne conservent une existence propre que pour autant qu’elles portent sur des éléments de fait qui se révéleront comme n’ayant pas été tranchés par l’arrêt Schneider I.

i)     Sur l’existence d’une référence au grief d’adossement dans la communication des griefs du 3 août 2001

110    Au point 140 de l’arrêt attaqué, le Tribunal énonce que Schneider a fait valoir devant lui que la Commission n’avait pas articulé de façon suffisamment claire et précise, dans sa communication des griefs du 3 août 2001, l’objection à la compatibilité de l’opération tirée d’un adossement sur les marchés sectoriels français du matériel électrique basse tension appréhendés au niveau de la distribution en gros.

111    Dans son appréciation, le Tribunal rappelle d’abord, aux points 145 à 150 de l’arrêt attaqué, le contenu et la portée des obligations s’imposant à la Commission en vertu de l’article 18 du règlement. Il en déduit, au point 151 du même arrêt, que Schneider invoque la violation d’une règle ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers au sens du régime de la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

112    Il juge ensuite, au point 152, que «[c]onstitue en l’occurrence une violation manifeste et grave de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement le fait pour la Commission d’avoir rédigé, comme en l’espèce, une communication des griefs de telle manière que, ainsi qu’il résulte de l’arrêt Schneider I, [Schneider] ne pouvait pas savoir que, à défaut de présenter des mesures correctives propres à réduire ou à faire disparaître les situations d’adossement entre ses positions et celles de Legrand sur les marchés sectoriels français, elle n’avait aucune chance d’obtenir que l’opération soit déclarée compatible avec le marché commun».

113    Par cette formulation du point 152 de l’arrêt attaqué, qui consacre l’existence de l’une des conditions de l’engagement de la responsabilité de la Communauté en se référant à ce qui «résulte de l’arrêt Schneider I», le Tribunal, à ce stade de son raisonnement, fonde nécessairement sa qualification de «violation manifeste et grave» sur l’analyse développée aux points 440 à 461 de cet arrêt Schneider I, dans les termes utilisés par celui-ci, quant aux circonstances dans lesquelles la communication des griefs a été opérée.

114    En ce qui concerne la rédaction de la communication des griefs du 3 août 2001, il prend donc en compte les points de fait suivants, tels qu’ils ont effectivement été constatés et appréciés dans l’arrêt Schneider I, à ses points 445 et 453:

–        la communication des griefs n’a pas «abordé avec suffisamment de clarté et de précision le renforcement de la position de Schneider face aux distributeurs français de matériels électriques basse tension, découlant non seulement de l’addition des ventes de Legrand sur les marchés de composants de tableaux électriques, mais aussi de la position prépondérante de Legrand sur les segments des équipements électriques ultraterminaux»;

–        «la conclusion générale de la communication des griefs énumère les différents marchés sectoriels nationaux affectés par l’opération de concentration, sans mettre en évidence un adossement quelconque d’une position détenue par l’une des deux parties notifiantes sur un marché de produits donné à la position de l’autre partie sur un autre marché sectoriel»;

–        «la communication des griefs n’a pas permis à Schneider de mesurer dans toute leur ampleur les problèmes de concurrence identifiés par la Commission en raison de l’opération de concentration notifiée sur le marché français du matériel électrique basse tension appréhendé au niveau de la distribution».

115    Ainsi, par son renvoi à l’arrêt Schneider I, le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, loin de se fonder sur une omission pure et simple de toute mention du grief d’adossement dans la communication des griefs du 3 août 2001, prend exactement en considération, comme il l’avait fait dans ledit arrêt Schneider I, une insuffisance de clarté et de précision sur la question de l’adossement dans le corps de la communication des griefs ainsi qu’une absence de mention expresse de cette question dans la conclusion générale de celle‑ci.

116    Dans ces conditions, il ne peut lui être reproché une méconnaissance de l’autorité de la chose jugée attachée à ces points de fait tranchés par l’arrêt Schneider I.

117    Cette conclusion n’est pas infirmée par la circonstance que, au point 155 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, pour écarter un argument de la Commission visant à une exonération de sa responsabilité, relève ensuite que le fait générateur du dommage est «l’omission dans la communication des griefs d’une mention essentielle dans ses conséquences et dans le dispositif de la décision [négative]». En effet, placée dans le contexte décrit ci-dessus, l’expression «omission d’une mention essentielle» doit être comprise comme visant l’omission d’une mention suffisamment claire et précise du grief d’adossement.

118    En tout état de cause, l’utilisation par le Tribunal du terme «omission» ne peut pas être considérée comme ayant entraîné une appréciation prétendument erronée de cette juridiction, contenue au point 152 de l’arrêt attaqué, selon laquelle Schneider «ne pouvait pas savoir que, à défaut de présenter des mesures correctives propres à réduire ou à faire disparaître les situations d’adossement entre ses positions et celles de Legrand sur les marchés sectoriels français, elle n’avait aucune chance d’obtenir que l’opération soit déclarée compatible avec le marché commun.»

119    En effet, dans l’arrêt Schneider I, le Tribunal s’est attaché à vérifier si la communication des griefs avait permis à Schneider d’avoir pleine conscience que la réalisation d’un adossement pourrait constituer la cause d’une déclaration d’incompatibilité de l’opération de concentration, c’est-à-dire un obstacle définitif à cette dernière.

120    Or, de même qu’une omission de toute mention d’un grief, une rédaction insuffisamment claire et précise de celui-ci, qui ne permet pas, selon les termes du point 453 de l’arrêt Schneider I, de mesurer «dans toute leur ampleur» certains problèmes de concurrence, empêche les entreprises concernées d’avoir conscience du caractère décisif de ces derniers quant à l’issue de la procédure de contrôle.

121    C’est pourquoi le Tribunal a conclu, aux points 455, 456, 458 et 460 de l’arrêt Schneider I, que Schneider:

–        avait été «privée de la possibilité de contester utilement sur le fond la thèse de la Commission consistant à retenir, au niveau de la distribution, le renforcement, en France, de la position dominante de Schneider dans le secteur des composants pour tableaux divisionnaires et terminaux, en raison de la position prépondérante de Legrand dans les équipements ultraterminaux»;

–        «[n’avait] pas reçu […] l’occasion de présenter utilement ses observations à cet égard aussi bien dans sa réponse à la communication des griefs qu’au cours de l’audition du 21 août 2001»;

–        devait «être regardée comme n’ayant pas bénéficié de l’opportunité de présenter utilement et en temps opportun des propositions de cessions d’actifs d’une ampleur suffisante pour permettre de résoudre les problèmes de concurrence identifiés par la Commission sur les marchés sectoriels français en cause»;

–        «[avait] pu être […] indirectement dépossédée de la possibilité d’obtenir un agrément que la Commission aurait pu donner aux remèdes proposés, si les parties notifiantes avaient été mises en mesure de présenter en temps opportun des propositions de désengagement d’une ampleur suffisante pour résoudre l’intégralité des problèmes concurrentiels identifiés par la Commission au niveau de la distribution en France».

122    Les expressions «privée de la possibilité», «n’a pas reçu […] l’occasion», «[n’a] pas bénéficié», «a pu être […] indirectement dépossédée» traduisent à cet égard l’appréciation du Tribunal, dans l’arrêt Schneider I, selon laquelle Schneider, du fait du vice affectant la communication des griefs, s’était trouvée dans l’impossibilité de prendre conscience du caractère décisif du grief d’adossement.

123    Dans ces conditions, lorsque, au point 152 de l’arrêt attaqué, le Tribunal énonce que «[Schneider] ne pouvait pas savoir que, à défaut de présenter des mesures correctives […], elle n’avait aucune chance d’obtenir que l’opération soit déclarée compatible avec le marché commun», il ne procède pas à une appréciation différente de celle effectuée par le Tribunal dans l’arrêt Schneider I, mais ne fait qu’exprimer, en d’autres termes, la même appréciation.

124    De même, lorsque, au point 155 de l’arrêt attaqué, le Tribunal relève qu’une «lecture globale de la communication des griefs [n’aurait pas permis] de compenser» le problème posé par sa rédaction, il n’introduit aucune discordance d’appréciation. En effet, la prise en compte, dans l’arrêt Schneider I, d’une impossibilité de prendre conscience de l’obstacle constitué par un adossement supposait précisément, pour être retenue, qu’une lecture globale de la communication des griefs ne permettait pas de compenser sa rédaction défectueuse.

125    Il résulte de ce qui précède que les arguments de la Commission quant à l’existence d’une référence au grief d’adossement dans la communication des griefs du 3 août 2001 ne peuvent être accueillis.

ii)  Sur l’existence de difficultés de nature à contrarier la formulation du grief d’adossement de façon suffisamment claire et précise dans la communication des griefs du 3 août 2001

126    À la lecture des points 437 et suivants de l’arrêt Schneider I, il doit être constaté d’abord que, dans cet arrêt, le Tribunal n’a pas tranché le point de fait tenant à la question de savoir si la mention d’un grief d’adossement dans la communication des griefs du 3 août 2001 présentait ou non une «difficulté technique particulière» pour la Commission.

127    Il convient de constater ensuite que ce point de fait ne relève pas d’une constatation de fait, mais d’une appréciation de fait.

128    Dès lors, en ce qui concerne ledit point de fait, les deux premières branches du moyen, tirées respectivement d’une violation de l’autorité de la chose jugée et d’une inexactitude matérielle d’une constatation de fait, sont inopérantes.

129    S’agissant de la troisième branche du moyen, il y a lieu de vérifier, au fond, si l’affirmation du Tribunal selon laquelle la mention du grief d’adossement ne comportait «aucune difficulté technique particulière» résulte d’une dénaturation des éléments de preuve.

130    À cet égard, il y a lieu de considérer que la mention, dans une communication des griefs, d’un grief tel que celui d’un adossement, ne suppose pas une démonstration complète de son bien-fondé au terme d’une analyse économique exhaustive.

131    Une telle démonstration, qui, dans le domaine des concentrations, peut effectivement présenter d’importantes difficultés, ne doit être parachevée que dans la suite de la procédure, au vu, notamment, des observations des entreprises concernées, dûment informées de l’existence du problème de concurrence par la communication des griefs aux fins d’un exercice efficace de leurs droits de la défense.

132    Au stade de la communication des griefs, la Commission ne doit exposer de façon suffisamment claire et précise que le problème d’adossement susceptible de faire obstacle à une déclaration de compatibilité de l’opération de concentration.

133    Au regard de ces considérations, il doit être admis que l’appréciation du Tribunal relative à l’absence de difficulté technique particulière de l’énoncé d’un problème d’adossement n’a pas procédé d’une dénaturation des éléments de preuve qui lui étaient soumis.

134    Il résulte de ce qui précède que les trois premières branches du premier moyen doivent être rejetées.

b)     Sur la quatrième branche du moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

135    Il résulte d’une jurisprudence constante que l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et que la motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, notamment, arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, non encore publié au Recueil, point 96 et jurisprudence citée).

136    Au point 152 de l’arrêt attaqué, à propos de la question de la mention du grief d’adossement, le Tribunal renvoie à ce qui «résulte de l’arrêt Schneider I» quant à la manière dont la communication des griefs a été rédigée.

137    Ainsi que cela a été relevé au point 114 du présent arrêt, il renvoie donc aux éléments de faits pris en compte aux points 445 et 453 de l’arrêt Schneider I et visés par les trois premières branches du premier moyen. Il permet ainsi de comprendre qu’il fonde sa qualification de «violation manifeste et grave» sur ces éléments de fait.

138    En outre, ainsi que cela ressort du point 117 du présent arrêt, le renvoi opéré situe un contexte permettant de cerner la portée de l’expression «omission d’une mention essentielle» utilisée ensuite au point 155 de l’arrêt attaqué.

139    Quant à l’appréciation selon laquelle la mention du grief d’adossement dans la communication des griefs ne comportait aucune difficulté technique particulière, le Tribunal, au même point 155 de l’arrêt attaqué, souligne en substance, par une motivation suffisante, la distinction qu’il y a lieu de faire entre, d’une part, l’analyse au fond des marchés pertinents aux fins de la démonstration d’une incompatibilité avec le marché commun et, d’autre part, le simple énoncé, dans la communication des griefs, d’un problème de concurrence susceptible de constituer, sous réserve des observations des entreprises intéressées, un obstacle à une déclaration de compatibilité de l’opération de concentration.

140    Il résulte de ce qui précède que la quatrième branche du premier moyen doit également être rejetée.

141    Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté au fond dans son intégralité, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur sa recevabilité.

B –  Sur le deuxième moyen tiré de ce que le Tribunal aurait à tort retenu l’existence, dans le chef de la Commission, d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers

1.     Argumentation des parties

142    La Commission subdivise son deuxième moyen en deux branches, tirées, respectivement, d’une erreur de qualification juridique des faits et d’une violation de l’obligation de motivation.

143    Dans le cadre de la première branche de ce moyen, elle admet que, dans le régime de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, lorsque l’institution en cause ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

144    Elle reconnaît que, s’agissant de la mise en œuvre du droit d’être entendu conformément à l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement, l’obligation pesant sur elle de formuler de manière suffisamment claire et précise le grief d’adossement ne s’inscrivait pas dans l’exercice par elle-même d’un pouvoir d’appréciation, mais relevait de la simple application des règles procédurales pertinentes.

145    Cependant, elle considère que le Tribunal aurait nécessairement dû, au-delà de la prise en compte de la marge d’appréciation faible, voire nulle, dont elle disposait s’agissant du droit de Schneider d’être entendue, tenir compte de la complexité des situations à régler auxquelles l’institution devait faire face au cours de la procédure administrative.

146    Elle rappelle que, devant le Tribunal, elle a fait valoir que la rédaction de la communication des griefs du 3 août 2001 avait été particulièrement complexe, compte tenu non seulement des contraintes de temps qui s’imposaient à elle, mais aussi et surtout de l’ampleur des problèmes de concurrence posés par une opération de concentration couvrant une multitude de marchés sectoriels nationaux. L’énoncé clair et suffisamment précis de chacun des griefs que la Commission formulait au regard de chaque marché sectoriel national aurait ainsi revêtu un caractère de grande complexité non seulement conceptuelle, mais également rédactionnelle.

147    Le grief d’adossement aurait lui-même présenté une complexité particulière et supplémentaire tenant à la circonstance que son élaboration et sa rédaction supposaient, non pas une analyse de chaque marché sectoriel national pris individuellement, comme pour les autres griefs exposés dans la communication des griefs, mais une analyse transversale de l’ensemble des marchés des appareillages électriques basse tension à l’intérieur de chaque État membre, y compris des marchés sectoriels pour lesquels l’opération ne posait pas de problème de concurrence de nature horizontale.

148    L’exposé du grief d’adossement, notion économique complexe, aurait nécessité de mettre en relation les positions des parties et de leurs concurrents sur plusieurs marchés sectoriels à l’intérieur de chaque État membre, puis d’examiner la structure de la distribution et les relations entre les fournisseurs et les grossistes dans chacun des États.

149    La Commission souligne qu’elle ne fait pas valoir la difficulté à démontrer la validité au fond du grief d’adossement, mais bien la complexité particulière que revêtait en lui-même l’énoncé suffisamment clair et précis de ce grief.

150    Elle relève que, devant le Tribunal, Schneider avait fait valoir que, dès la notification de l’opération, elle avait contesté l’existence d’un adossement, ce qui aurait dû rendre d’autant moins difficile, pour la Commission, l’énoncé suffisamment clair et précis d’un grief sur ce point. La Commission avait alors elle-même rétorqué que cette circonstance tendait à réduire encore davantage la gravité de l’erreur de procédure commise.

151    La Commission affirme que, puisque Schneider avait elle-même minimisé l’impact de la problématique d’un adossement, le fait de ne pas avoir énoncé le grief correspondant avec suffisamment de clarté et de précision ne pouvait, en tout état de cause, avoir constitué une violation suffisamment caractérisée.

152    Elle soutient que le Tribunal aurait dû considérer en l’espèce que, en rédigeant sous une forte contrainte de temps une communication des griefs de 145 pages, elle s’était trouvée confrontée à une situation complexe à gérer excluant l’existence d’une violation suffisamment caractérisée.

153    Dans le cadre de la seconde branche de son deuxième moyen, la Commission soutient qu’il incombait au Tribunal d’exposer avec un soin particulier les motifs l’ayant amené à conclure que la violation constatée dans l’arrêt Schneider I était suffisamment caractérisée.

154    Or, selon la Commission, la motivation fournie par le Tribunal sur ce point est pratiquement absente de l’arrêt attaqué.

155    Cette motivation ne permettrait pas de comprendre pourquoi les contraintes de diverses natures qui étaient invoquées ne mitigeraient pas la portée de la violation.

156    En tout état de cause, le Tribunal n’aurait pas suffisamment répondu aux arguments pertinents formulés devant lui par la Commission, tirés en particulier de ce que l’institution:

–        avait bien évoqué le problème de l’adossement dans plusieurs points de la communication des griefs;

–        avait invoqué les difficultés liées à l’élaboration à bref délai de la communication des griefs, à l’appréciation complexe tant de l’ensemble des arguments de fond, dont le grief d’adossement ne constituait qu’un des nombreux éléments pertinents, que des remèdes proposés;

–        avait affirmé que la circonstance que Schneider ait fourni à la Commission des informations démontrant que l’opération ne présentait aucun problème d’adossement tendait à réduire encore davantage la gravité de l’erreur de procédure commise;

–        avait soutenu qu’elle avait pu s’estimer en toute bonne foi en droit d’ajouter dans la décision d’incompatibilité des arguments de fait ou de droit sur le grief d’adossement préalablement identifié;

–        avait fait valoir que l’exigence de clarté des communications des griefs en matière de concentrations n’était pas encore énoncée de manière aussi claire par la jurisprudence à l’époque des faits.

157    Schneider conclut au rejet du deuxième moyen.

158    La première branche de celui-ci serait irrecevable en ce qu’elle consisterait à revenir sur des appréciations de fait et contiendrait une allégation nouvelle, à savoir celle d’une prétendue complexité rédactionnelle de l’énoncé du grief d’adossement.

159    En tout état de cause, le moyen examiné ne serait pas fondé.

2.     Appréciation de la Cour

a)     Sur la première branche du moyen, tirée d’une erreur de qualification juridique des faits

160    L’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, parmi lesquelles figure, lorsqu’est en cause l’illégalité d’un acte juridique, l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. S’agissant de cette condition, le critère décisif pour considérer qu’une violation du droit communautaire est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par une institution communautaire, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée [arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, Rec. p. I‑2941, point 47 et jurisprudence citée].

161    Le cas échéant, le régime dégagé par la Cour en matière de responsabilité non contractuelle de la Communauté prend en compte la complexité des situations à régler [arrêt Holcim (Deutschland)/Commission, précité, point 50 et jurisprudence citée].

162    En l’espèce, il n’est pas contesté que l’illégalité invoquée est constituée, ainsi que le Tribunal l’a jugé à bon droit aux points 145 à 151 de l’arrêt attaqué, par la violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, à savoir l’article 18, paragraphe 3, du règlement, lequel consacre une application du principe du respect des droits de la défense.

163    À cet égard, il convient de souligner, d’abord, que la communication des griefs est un document essentiel pour la mise en œuvre de ce principe.

164    En vue d’assurer l’exercice efficace des droits de la défense, ce document circonscrit l’objet de la procédure administrative engagée par la Commission, empêchant ainsi cette dernière de retenir d’autres griefs dans sa décision mettant fin à la procédure (arrêt Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, précité, point 63).

165    À cet effet, l’article 18, paragraphe 3, du règlement implique que, lorsque la Commission constate au cours de la procédure d’examen approfondi, postérieurement à la communication des griefs, qu’un problème de concurrence susceptible d’aboutir à une déclaration d’incompatibilité n’a pas été ou a été insuffisamment énoncé dans cette communication, elle doit ou bien renoncer à ce grief au stade de sa décision finale, ou bien mettre les entreprises concernées en mesure de formuler, avant celle-ci, toutes observations sur le fond et propositions de mesures correctives utiles.

166    Il doit être relevé, ensuite, que l’obligation qui pesait sur la Commission de formuler de manière suffisamment claire et précise le grief d’adossement relevait, ainsi que cette institution le reconnaît, d’une simple application des règles procédurales pertinentes, de sorte que, s’agissant du droit de Schneider d’être entendue, la marge d’appréciation était considérablement réduite, voire inexistante.

167    La branche examinée du moyen repose, en premier lieu, sur le reproche fait au Tribunal de ne pas avoir pris en compte la complexité de la situation à régler pour exclure l’existence d’une violation suffisamment caractérisée.

168    Cette branche se fonde ainsi sur une prémisse remettant en cause l’appréciation de fait opérée au point 155 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’insertion du grief d’adossement dans la communication des griefs du 3 août 2001 ne comportait «aucune difficulté technique particulière», appréciation qui relève de la compétence du Tribunal.

169    Or, l’allégation d’une dénaturation des éléments de preuve a déjà été jugée non fondée au point 133 du présent arrêt en ce qui concerne l’appréciation en cause.

170    Dans ces conditions, l’argument tiré par la Commission de la complexité de la situation à régler, invoqué pour démontrer une erreur de qualification juridique, ne peut être accueilli.

171    La première branche du deuxième moyen repose, en second lieu, sur le reproche fait en substance au Tribunal d’avoir qualifié le comportement de la Commission de violation suffisamment caractérisée, alors que Schneider, en minimisant elle-même, dès la notification de l’opération, l’impact de la problématique d’un adossement, aurait eu conscience du problème de concurrence posé, ce qui aurait réduit la gravité de l’erreur de procédure commise.

172    Toutefois, à supposer que, dès la notification de l’opération, Schneider ait effectivement, de façon préventive, assuré la Commission que ladite opération ne posait pas de problème d’adossement, la mention insuffisamment claire et précise d’un grief sur ce point dans la communication des griefs, loin de rendre l’entreprise consciente d’un risque de déclaration d’incompatibilité, était tout au contraire de nature à la conforter dans son opinion et à l’éloigner, dans la préparation de ses observations, d’une démarche de motivation supplémentaire et/ou de proposition de remèdes adéquats.

173    Il résulte de ce qui précède que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de qualification juridique des faits en constatant une violation suffisamment caractérisée sans retenir, d’une part, l’existence d’une situation complexe à régler ni, d’autre part, une connaissance que Schneider aurait eue du risque pesant sur l’opération en raison d’un problème d’adossement.

174     Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée au fond, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur sa recevabilité.

b)     Sur la seconde branche du moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

175    Ainsi qu’il ressort du point 135 du présent arrêt, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir des réponses exhaustives à tous les arguments avancés par les parties au litige et il suffit que la motivation, même implicite, permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles il n’a pas été fait droit à leurs prétentions, puis à la Cour d’exercer son contrôle.

176    Dans l’arrêt attaqué, à l’effet de motiver sa constatation de l’existence d’une violation suffisamment caractérisée, le Tribunal souligne d’abord, aux points 145 à 150, l’importance de la communication des griefs au regard de l’exercice des droits de la défense, en se référant à plusieurs précédents jurisprudentiels.

177    Il relève ainsi que:

–        «[en vertu] de l’article 18, paragraphe 3, du règlement[,] la Commission ne peut fonder ses décisions d’incompatibilité que sur les objections au sujet desquelles les entreprises intéressées ont pu faire valoir leurs observations»;

–        «[e]n leur qualité de destinataires de décisions d’une autorité publique affectant de manière sensible leurs intérêts, les entreprises parties à une opération de concentration de dimension communautaire doivent être en effet mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue et, à ces fins, être clairement informées, en temps utile, de l’essentiel des objections que la Commission soulève à l’encontre de leur opération notifiée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 15, et arrêt du Tribunal du 4 mars 1999, Assicurazioni Generali et Unicredito/Commission, T‑87/96, Rec. p. II‑203, point 88)»;

–        «[l]a communication des griefs présente à cet égard une importance particulière, étant donné qu’elle est spécifiquement destinée à permettre aux entreprises concernées de réagir aux préoccupations exprimées par l’institution régulatrice, d’une part, en exprimant leur point de vue à leur sujet, d’autre part, en envisageant de soumettre à la Commission des mesures destinées à corriger l’impact négatif de l’opération notifiée»;

–        «[c]ette garantie, qui relève des garanties fondamentales dont l’ordre juridique communautaire assortit l’accomplissement des procédures administratives, revêt une importance particulière pour le contrôle des opérations de concentration entre entreprises (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14)».

178    Au point 152 de l’arrêt attaqué, le Tribunal renvoie ensuite à l’arrêt Schneider I aux fins de son appréciation des conséquences, pour l’exercice des droits de la défense, de la rédaction défectueuse de la communication des griefs.

179    Il se fonde ainsi sur les éléments retenus aux points 445, 453 et suivants de l’arrêt Schneider I, à savoir que:

–        la communication n’avait pas abordé avec suffisamment de clarté et de précision un grief d’adossement;

–        la conclusion générale de cette communication n’avait pas mis en évidence un adossement quelconque;

–        ladite communication avait privé Schneider de la possibilité de contester utilement sur le fond la thèse de la Commission et de présenter en temps opportun des propositions de mesures correctives.

180    De ces derniers éléments, il tire en substance, au même point 152 de l’arrêt attaqué, dont les termes sont rappelés au point 112 du présent arrêt, la conclusion déterminante que Schneider n’a pas été mise en mesure d’avoir conscience qu’un problème d’adossement pourrait entraîner une déclaration d’incompatibilité de l’opération notifiée.

181    Au point 153 de l’arrêt attaqué, il relève la conséquence dommageable de cette situation en soulignant que, par suite, les mesures correctives que Schneider a proposées n’étaient objectivement pas de nature à résoudre le problème spécifique de l’adossement sur les marchés sectoriels français en cause.

182    Enfin, au point 155 du même arrêt, opérant en substance une distinction entre une analyse complète au fond d’un problème de concurrence et l’énoncé de ce problème, pour retenir que le simple énoncé ne comportait aucune difficulté particulière, le Tribunal examine plus spécialement la condition d’une qualification de violation suffisamment caractérisée tenant à la question de l’existence ou non d’une situation complexe à régler.

183    Il doit être admis que, par l’ensemble de ces considérations, le Tribunal a:

–        permis à la Commission de connaître les raisons pour lesquelles il a retenu l’existence d’une violation suffisamment caractérisée, et à la Cour d’exercer son contrôle sur cette qualification juridique;

–        donné à la requérante des réponses explicites et implicites aux arguments soulevés par celle-ci.

184    Il en résulte que la seconde branche du deuxième moyen doit être rejetée.

185    Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

C –  Sur le troisième moyen tiré de ce que le Tribunal aurait à tort retenu l’existence d’un lien de causalité direct entre la faute de la Commission et le préjudice subi par Schneider en raison de la réduction consentie du prix de cession de Legrand

1.     Argumentation des parties

186    Le troisième moyen d’annulation de l’arrêt attaqué s’articule en cinq branches, tirées respectivement de ce que, en retenant l’existence d’un lien de causalité direct entre la faute de la Commission et le préjudice subi par Schneider en raison de la réduction du prix de cession de Legrand consentie en contrepartie d’un report au 10 décembre 2002 de la réalisation effective de la vente convenue le 26 juillet 2002, le Tribunal aurait:

–        procédé à des constatations de fait matériellement inexactes pour juger, premièrement, que Schneider avait été contrainte de conclure les négociations sur la revente et le prix de cession de Legrand à la date du 26 juillet 2002, deuxièmement, que la date de report du 10 décembre 2002 convenue pour la réalisation effective de la vente était suffisamment postérieure à la date prévisible du prononcé de l’arrêt Schneider I pour permettre à Schneider de s’assurer de la possibilité d’obtenir encore le réexamen de l’opération par la Commission moyennant la présentation de nouvelles mesures correctives et, troisièmement, qu’il existait un lien de cause à effet entre la violation suffisamment caractérisée et la réduction du prix de cession alléguée par Schneider;

–        dénaturé également les éléments de preuve pour statuer sur ces trois points;

–        commis une erreur de qualification juridique des faits;

–        entaché sa décision d’une contradiction de motifs, au regard de l’analyse contenue aux points 260 à 286 du même arrêt, qui avait abouti auparavant à l’exclusion par le Tribunal d’un lien de causalité suffisamment étroit entre la faute de la Commission et la perte totale de valeur des actifs en cause entre leur acquisition par Schneider et leur cession subséquente;

–        procédé à des constatations de fait matériellement inexactes et commis des erreurs de droit pour juger que Schneider n’avait pas contribué à la réalisation de la totalité du dommage, alors qu’une conclusion contraire se serait imposée aux motifs, premièrement, que Schneider était en mesure de connaître les problèmes de concurrence posés nécessairement par la situation d’adossement créée par l’opération, deuxièmement, qu’elle s’était désistée de sa demande de sursis à exécution de la décision de séparation et n’avait pas introduit ultérieurement d’action en référé en ce qui concerne l’obligation de cession de Legrand et, troisièmement, avait choisi de céder Legrand à une date à laquelle elle n’était pas tenue par une obligation en ce sens.

187    À l’appui de son troisième moyen, la Commission fait notamment valoir que, à la suite des arrêts Schneider I et Schneider II et, en particulier, de l’annulation de la décision de séparation qui en résultait, Schneider, le 10 décembre 2002, n’était pas obligée de céder Legrand, «condition sine qua non de survenance du préjudice en cause».

188    Schneider soutient que les trois premières branches du moyen sont irrecevables, au motif qu’elles aboutiraient à revenir sur des constats de fait opérés dans l’arrêt attaqué. Elle prétend que la cinquième branche du moyen est également irrecevable, dans la mesure où l’argumentation qu’elle contient serait évoquée pour la première fois à ce stade du litige.

189    Pour le surplus, elle fait valoir que les arguments avancés dans le cadre du troisième moyen ne sont pas fondés ou sont inopérants.

2.     Appréciation de la Cour

190    Il convient d’examiner d’abord, ensemble, les troisième et cinquième branches du moyen en tant qu’elles se rapportent à l’incidence de la cession effective de Legrand intervenue le 10 décembre 2002.

a)     Sur la recevabilité

191    Il doit être rappelé que, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, arrêts Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, précité, point 29, et du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, non encore publié au Recueil, point 105).

192    Or, en matière de responsabilité non contractuelle de la Communauté, la question de l’existence d’un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage, condition de l’engagement de cette responsabilité, constitue une question de droit qui est, par conséquent, soumise au contrôle de la Cour.

193    Dans ces conditions, en tant qu’elle vise précisément à un contrôle de la qualification juridique des faits effectuée par le Tribunal pour retenir l’existence d’un lien de causalité direct entre la faute de la Commission et le préjudice allégué par Schneider, et dans la mesure où, ainsi qu’il sera démontré ci-après, ce contrôle peut être réalisé en l’espèce sans remise en cause des constats et des appréciations des faits opérés, la troisième branche du moyen examiné est recevable.

194    Il y a lieu de constater par ailleurs que, contrairement à l’affirmation de Schneider, l’argument contenu dans la cinquième branche, selon lequel Schneider avait choisi de céder Legrand à une date à laquelle elle n’était pas tenue par une obligation en ce sens, n’est pas évoqué pour la première fois au stade du pourvoi.

195    En effet, dans sa duplique déposée en première instance, la Commission, dans sa contestation de l’existence d’un lien de causalité, a expressément fait valoir que:

–        la décision de la Commission d’ouvrir à nouveau la procédure d’examen approfondi après les arrêts Schneider I et Schneider II ne rendait aucunement la cession inéluctable;

–        elle n’imposait nullement à Schneider de céder ses actions, d’autant que celle-ci avait la possibilité de mettre en œuvre la clause de résiliation négociée par elle pour ne pas réaliser la cession;

–        c’était en raison de sa volonté de ne pas proposer des mesures correctives adéquates pour remédier aux problèmes engendrés par l’opération en France que Schneider avait choisi de réaliser la cession de Legrand, et non pas en raison d’un acte fautif quelconque de la Commission.

196    Dans ces conditions, la cinquième branche du moyen est recevable en tant qu’elle contient l’argument selon lequel Schneider avait choisi de céder Legrand à une date à laquelle elle n’était pas tenue par une obligation en ce sens.

b)     Sur le fond

197    Au point 303 de l’arrêt attaqué, le Tribunal énonce qu’il lui incombe d’examiner si l’illégalité entachant la décision négative n’a pas eu pour conséquence une réduction de la valeur à laquelle les actifs détenus par Schneider dans le capital de Legrand ont été évalués dans le contrat de cession.

198    Aux points 315 et 316 du même arrêt, il conclut que:

–        la violation des droits de la défense viciant la décision négative doit être regardée comme se rattachant à raison d’un lien suffisamment direct au report au 10 décembre 2002, dans le contrat de cession, de la date limite de réalisation effective de la vente de Legrand, en ce que ce report était indispensable pour permettre à Schneider d’exercer utilement le droit de tout administré d’obtenir une décision légale statuant sur la compatibilité avec le marché commun d’une opération de concentration régulièrement notifiée et, éventuellement, de pouvoir être entendue dans une procédure lui offrant les garanties requises;

–        par voie de conséquence, la violation caractérisée du droit communautaire qu’il a retenue est à regarder comme se rattachant également à raison d’un lien de causalité suffisamment direct au préjudice subi par Schneider en raison de la réduction du prix de cession de Legrand inhérente au report de la réalisation effective de la cession.

199    Afin de parvenir à ces conclusions, le Tribunal, aux points 304 à 312 de l’arrêt attaqué, retient essentiellement les éléments suivants:

–        l’engagement des négociations en vue de la cession de Legrand et la conclusion du contrat de cession intervenue le 26 juillet 2002 ont directement procédé de la décision négative qui, bien qu’illégale, a déployé tous ses effets juridiques jusqu’à son annulation par l’arrêt Schneider I, prononcé le 22 octobre 2002;

–        Schneider s’est vue contrainte en raison de cette décision d’engager et de conclure des négociations en vue de la cession avant même le prononcé de l’arrêt statuant sur son recours en annulation;

–        Schneider a été tenue, par l’existence de la décision négative, à la fois de fixer un prix de cession dans l’acte conclu le 26 juillet 2002 et de se garantir la possibilité de surseoir à l’exécution effective de la cession jusqu’au 10 décembre 2002;

–        cette date était suffisamment postérieure à la date prévisible du prononcé de l’arrêt Schneider I pour permettre à la fois à Schneider d’obtenir la confirmation, en cas de rejet de son recours en annulation, de la légalité de la décision négative ou, dans l’hypothèse inverse d’une annulation, de s’assurer de la possibilité d’obtenir encore le réexamen de l’opération par la Commission, moyennant la présentation de nouvelles mesures correctives, dans la perspective d’une décision finale statuant légalement sur la compatibilité de l’opération avec le marché commun;

–        cette obligation de différer la réalisation effective de la vente a nécessairement conduit Schneider à consentir à l’acquéreur une réduction du prix par rapport au prix qu’elle aurait obtenu dans l’hypothèse d’une vente ferme intervenue en l’absence d’illégalité de la décision négative;

–        le report au 10 décembre 2002 de la vente effective impliquait l’octroi à l’acquéreur d’une rémunération du risque de dépréciation des actifs de Legrand, ne serait-ce qu’en raison de l’éventualité d’une variation défavorable des cours des titres industriels pendant la période comprise entre la date de la signature du contrat de cession et le terme ultime convenu entre les cocontractants pour la réalisation effective de la vente.

200    Il convient de constater que, le 26 juillet 2002, date à laquelle Schneider a conclu avec Wendel-KKR un contrat de cession de Legrand selon lequel cette cession devait être réalisée au plus tard le 10 décembre suivant, sous réserve d’une faculté de résiliation stipulée au profit de Schneider moyennant une indemnité de rupture de 180 millions d’euros, cette dernière société était tenue d’engager un processus de vente en exécution de la décision de séparation.

201    Il y a lieu toutefois de relever que, d’une part, à la date du 26 juillet 2002 et à la suite de la procédure en référé introduite par Schneider et dont cette société s’était ensuite désistée, la Commission avait prorogé au 5 février 2003 le délai initialement fixé au 5 novembre 2002 pour la séparation, et que, d’autre part, le Tribunal, qui avait accepté de statuer selon la procédure accélérée, a annulé la décision négative par l’arrêt Schneider I, du 22 octobre 2002, antérieur au terme fixé par le contrat pour la réalisation de la cession.

202    Dans ce contexte, Schneider a décidé de ne pas exercer la faculté de résiliation dans le délai expirant le 5 décembre 2002 et de laisser ainsi la cession devenir effective à la date du 10 décembre 2002.

203    Il résulte du dossier qu’elle a pris cette décision essentiellement sur le fondement de sa crainte de ne pas obtenir, dans le cadre de la reprise de la procédure d’examen approfondi, même après proposition de mesures correctives, une décision constatant la compatibilité de l’opération de concentration, alors que:

–        le risque d’une décision d’incompatibilité avec le marché commun est inhérent à toute procédure de contrôle, que ce soit dès l’origine ou après l’annulation d’une première décision d’incompatibilité, dans le cadre d’une reprise de la procédure administrative;

–        une décision d’incompatibilité demeure en toute hypothèse soumise au contrôle du juge communautaire.

204    Or, la suite juridique logique de l’annulation de la décision négative et de la décision de séparation aurait été que Schneider participât à la reprise de la procédure d’examen approfondi jusqu’au terme de celle-ci, moment auquel de deux choses l’une, ainsi que la Commission l’a fait valoir en substance dans son pourvoi:

–        ou bien une décision constatant la compatibilité de l’opération de concentration aurait été adoptée, auquel cas Schneider n’aurait pas été tenue de céder Legrand et donc n’aurait pas subi la réduction de prix alléguée,

–        ou bien une décision d’incompatibilité ainsi qu’une décision de séparation auraient à nouveau été adoptées, auquel cas la cession aurait été la conséquence légale de l’incompatibilité constatée et n’aurait donc pas été à l’origine d’un préjudice réparable, une telle cession relevant du risque normalement assumé par une entreprise exerçant la faculté prévue à l’article 7, paragraphe 3, du règlement de réaliser une opération de concentration par voie d’offre publique d’échange antérieurement à la décision de la Commission sur cette opération.

205    Il apparaît ainsi que le Tribunal n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a commis une erreur de qualification juridique des faits, la cause directe du préjudice invoqué étant la décision de Schneider, qui ne s’imposait pas à elle dans le cadre du processus de vente engagé dans les conditions rappelées ci‑dessus, de laisser la cession de Legrand devenir effective à la date du 10 décembre 2002.

206    Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que, dans l’exercice de son choix, Schneider était exposée au risque de devoir acquitter une pénalité de 180 millions d’euros. En effet, un tel risque découlait du contrat de cession conclu, dans les conditions ci‑dessus rappelées, par cette entreprise.

207    En définitive, il y a lieu d’accueillir le troisième moyen, sans qu’il y ait lieu d’examiner le surplus des troisième et cinquième branches ni les première, deuxième et quatrième branches de celui-ci.

208    Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il y ait lieu d’examiner les quatrième et cinquième moyens, relatifs, respectivement, à l’identification par le Tribunal d’un chef de préjudice non invoqué par Schneider et à l’octroi d’intérêts compensatoires dès le 10 décembre 2002 sur le préjudice lié à la réduction du prix de cession alléguée, l’arrêt attaqué doit être annulé en tant qu’il a:

–        condamné la Communauté à réparer les deux tiers du dommage invoqué par Schneider à raison du montant de la réduction du prix de cession de Legrand qu’elle aurait consentie au cessionnaire en contrepartie du report de l’échéance de la réalisation effective de la vente jusqu’au 10 décembre 2002;

–        ordonné une expertise aux fins de l’évaluation de ce chef de préjudice;

–        accordé des intérêts sur l’indemnité correspondant à celui-ci.

209    Pour le surplus, le pourvoi doit être rejeté.

VII –  Sur les conséquences de l’annulation partielle de l’arrêt attaqué

210    Selon l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

211    En l’espèce, l’affaire est en état d’être jugée sur la demande de dommages-intérêts présentée par Schneider.

A –  Sur le préjudice constitué par les frais encourus par Schneider pour participer à la reprise de la procédure de contrôle de l’opération de concentration

212    Par l’arrêt attaqué, la Communauté a été condamnée à réparer le préjudice constitué par les frais encourus par Schneider en raison de sa participation à la reprise de la procédure de contrôle de l’opération de concentration intervenue après le prononcé des arrêts Schneider I et Schneider II.

213    Les moyens du pourvoi de la Commission dirigés contre cette décision ont été rejetés.

214    Par suite, il doit être procédé à la liquidation du préjudice en cause.

215    Dans sa requête introductive en indemnisation, Schneider invoque des frais additionnels d’un montant total de 2 107 619,18 euros, découlant principalement de l’assistance de ses conseils juridiques, économiques et bancaires.

216    Ainsi qu’il a déjà été jugé au point 320 de l’arrêt attaqué, pour déterminer le montant à raison duquel la Communauté devra indemniser Schneider, il conviendra de défalquer de l’ensemble de ces frais:

–        le total des dépens exposés par Schneider dans les affaires T‑310/01, T‑77/02 et T‑77/02 R;

–        les frais de consultation de conseils juridiques, fiscaux et bancaires et les autres frais administratifs exposés aux fins de la mise en œuvre de la séparation selon les modalités imposées par la Commission;

–        les dépenses que Schneider aurait nécessairement exposées au titre des mesures correctives de l’adossement qu’elle aurait été en tout état de cause amenée à proposer avant l’adoption de la décision négative, si celle-ci avait été adoptée dans le respect de ses droits de la défense.

217    Il appartiendra aux parties soit de transmettre à la Cour, dans un délai de trois mois à compter du prononcé du présent arrêt, le montant de ce chef de préjudice établi d’un commun accord selon les modalités de calcul indiquées au point précédent, soit de présenter à la Cour, dans ce même délai, leurs conclusions chiffrées.

B –  Sur le préjudice correspondant à la réduction du prix de cession de Legrand consentie par Schneider

218    Par l’arrêt attaqué, la Communauté a été condamnée à réparer les deux tiers du préjudice constitué par la réduction du prix de cession de Legrand consentie par Schneider au cessionnaire en contrepartie du report de l’échéance de la réalisation effective de la vente jusqu’au 10 décembre 2002. Par ailleurs, une expertise aux fins de l’évaluation de ce préjudice a été ordonnée et des intérêts ont été accordés sur l’indemnité correspondant à celui-ci.

219    Ces chefs de décision ont été annulés sur pourvoi de la Commission.

220    Il convient donc de statuer à nouveau sur la demande de Schneider en ce qui concerne le préjudice en cause.

221    À la lumière de la motivation ayant conduit à l’annulation partielle de l’arrêt attaqué, il doit être constaté une absence de lien de causalité directe entre la réduction de prix litigieuse et l’illégalité entachant la décision négative de la Commission.

222    En effet, la cause directe du dommage allégué est la décision de Schneider, qui ne s’imposait pas à elle, de laisser la cession de Legrand devenir effective à la date du 10 décembre 2002.

223    Par conséquent, le recours de Schneider doit être rejeté en ce qui concerne la réparation, en principal et intérêts, de ce dommage.

VIII –  Sur les dépens

224    Aux termes de l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

225    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

226    La Commission conclut à la condamnation de Schneider aux dépens afférents à la procédure de première instance et à la procédure de pourvoi.

227    Schneider ayant, au regard du présent arrêt, largement succombé dans ses moyens et prétentions, il convient de la condamner à supporter, outre ses propres dépens afférents à la procédure de première instance et à la présente procédure, les deux tiers des dépens exposés par la Commission dans le cadre de celles-ci.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

1)      L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission (T‑351/03), est annulé en tant qu’il a:

–        condamné la Communauté européenne à réparer les deux tiers du dommage invoqué par Schneider Electric SA à raison du montant de la réduction du prix de cession de Legrand SA qu’elle aurait consentie au cessionnaire en contrepartie du report de l’échéance de la réalisation effective de la vente jusqu’au 10 décembre 2002;

–        ordonné une expertise aux fins de l’évaluation de ce chef de préjudice;

–        accordé des intérêts sur l’indemnité correspondant à celui-ci.

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      Les parties transmettront à la Cour de justice des Communautés européennes, dans un délai de trois mois à compter du prononcé du présent arrêt, l’évaluation du préjudice constitué par les frais encourus par Schneider Electric SA pour participer à la reprise de la procédure de contrôle de l’opération de concentration intervenue après le prononcé des arrêts du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission (T‑310/0l et T‑77/02), évaluation établie d’un commun accord selon les modalités indiquées au point 216 du présent arrêt.

4)      À défaut d’un tel accord, les parties présenteront à la Cour de justice des Communautés européennes, dans ce même délai, leurs conclusions chiffrées.

5)      Le recours de Schneider Electric SA est rejeté pour le surplus.

6)      Schneider Electric SA est condamnée à supporter, outre ses propres dépens afférents à la procédure de première instance et à la présente procédure, les deux tiers des dépens exposés par la Commission des Communautés européennes dans le cadre de celles-ci.

Signatures


* Langue de procédure: le français.