Language of document : ECLI:EU:C:2020:316

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

30 avril 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Transports aériens – Règlement (CE) no 261/2004 – Indemnisation des passagers aériens en cas d’annulation d’un vol – Retard important – Droit à indemnisation – Distance à prendre en considération – Vol comportant une escale – Vol avec correspondances – Prise en compte de la distance totale du vol ou uniquement du segment annulé »

Dans l’affaire C‑939/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf, Allemagne), par décision du 12 décembre 2019, parvenue à la Cour le 24 décembre 2019, dans la procédure

Flightright GmbH

contre

Eurowings GmbH,

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur) et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Flightright GmbH à Eurowings GmbH au sujet du montant d’une indemnisation sollicitée par Flightright pour cause de retard important d’un vol du transporteur aérien Eurowings.

 Le cadre juridique

3        Aux termes du considérant 1 du règlement no 261/2004 :

« L’action de [l’Union européenne] dans le domaine des transports aériens devrait notamment viser à garantir un niveau élevé de protection des passagers. Il convient en outre de tenir pleinement compte des exigences de protection des consommateurs en général. »

4        L’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

f)      “billet”, un document en cours de validité établissant le droit au transport, ou quelque chose d’équivalent sous forme immatérielle, y compris électronique, délivré ou autorisé par le transporteur aérien ou son agent agréé ;

[...]

h)      “destination finale”, la destination figurant sur le billet présenté au comptoir d’enregistrement, ou, dans le cas des vols avec correspondances, la destination du dernier vol ; les vols avec correspondances disponibles comme solution de remplacement ne sont pas pris en compte si l’heure d’arrivée initialement prévue est respectée ».

5        L’article 7 dudit règlement, intitulé « Droit à indemnisation », dispose :

« 1.      Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :

a)      250 euros pour tous les vols de 1 500 kilomètres ou moins ;

b)      400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres ;

c)      600 euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b).

Pour déterminer la distance à prendre en considération, il est tenu compte de la dernière destination où le passager arrivera après l’heure prévue du fait du refus d’embarquement ou de l’annulation.

[...]

4.      Les distances indiquées aux paragraphes 1 et 2 sont mesurées selon la méthode de la route orthodromique. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

6        La requérante au principal, Flightright, qui est une société qui propose une assistance juridique aux passagers de transports aériens, a obtenu des cédants la cession de leurs droits nés d’un retard important subi lors d’un transport de Tokyo (Japon) à Stuttgart (Allemagne), composé de deux vols, à savoir un premier vol au départ de Tokyo et à destination de Vienne (Autriche), suivi d’un second vol au départ de Vienne et à destination de Stuttgart. Les intéressés disposaient d’une réservation d’Eurowings leur donnant le droit de réaliser l’ensemble dudit transport.

7        Alors que le vol de Tokyo à Vienne s’est déroulé sans incident, celui de Vienne à Stuttgart a été annulé. Par la suite, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, les intéressés ont atteint Stuttgart par un vol de réacheminement que le transporteur aérien leur avait offert et qu’ils avaient accepté, avec un retard de plus de 12 heures.

8        En raison de ce retard, Eurowings a versé une indemnisation de 250 euros à chaque intéressé. En effet, selon ce transporteur, seul le vol au départ de Vienne et à destination de Stuttgart devait être pris en considération en vue de fixer le montant de l’indemnisation prévue à l’article 7 du règlement no 261/2004, au motif que ledit retard a été subi au cours de ce seul vol.

9        En revanche, Flightright estime que, pour fixer le montant de cette indemnisation, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble du transport effectué.

10      La juridiction de renvoi considère que l’issue du litige au principal dépend du point de savoir si, pour fixer le montant de l’indemnisation prévue à l’article 7 du règlement no 261/2004, il convient de prendre en considération l’ensemble du transport relevant de la réservation ou seulement le vol qui a été affecté par le retard en cause, en l’occurrence le vol au départ de Vienne et à destination de Stuttgart, étant donné, en particulier, l’absence de réponse unanime à cet égard dans la jurisprudence issue des juridictions allemandes.

11      C’est dans ces circonstances que l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 7, paragraphe 1, du règlement [no 261/2004] doit-il être interprété en ce sens qu’il y a lieu de tenir compte de l’ensemble du trajet pour déterminer la distance à prendre en considération aux fins de l’indemnisation ?

En d’autres termes (et sous réserve que le règlement [no 261/2004] soit applicable à toutes les parties du voyage concernées), s’agissant de réservations pour des trajets comportant une escale, avec ou sans correspondance, avant que les voyageurs n’atteignent leur destination finale, le terme “vol” doit-il être interprété en ce sens qu’il désigne uniquement la partie du trajet au cours de laquelle le retard a été effectivement subi, ou bien doit-il être interprété en ce sens qu’il y a lieu de tenir compte de l’ensemble du trajet, depuis le point de départ initial jusqu’à la destination finale, pour déterminer la distance à prendre en considération ? »

 Sur la question préjudicielle

12      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que, aux fins de fixer le montant de l’indemnisation en cas de retard important, lors d’un transport aérien réservé par un passager dans son ensemble et composé de deux ou de plusieurs vols, il y a lieu de prendre en considération la distance totale depuis le lieu de départ du premier vol jusqu’à la destination finale, dans le cas où seul le dernier des vols concernés a subi un tel retard.

13      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, cette dernière peut à tout moment décider, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée lorsque, notamment, la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou ne laisse place à aucun doute raisonnable.

14      Tel étant le cas dans la présente affaire, il y a lieu de faire application de cette disposition.

15      Il convient, d’emblée, de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 prévoit un droit à indemnisation des passagers, dont le montant varie de 250 euros à 600 euros en fonction de la distance couverte par les vols concernés, compte tenu de la dernière destination du passager concerné et étant entendu que cette distance doit être calculée, conformément à l’article 7, paragraphe 4, de ce règlement, selon la méthode de la route orthodromique (arrêt du 7 septembre 2017, Bossen e.a., C‑559/16, EU:C:2017:644, point 17).

16      En l’occurrence, il importe de relever, d’une part, qu’il est constant que les intéressés ont subi, à l’arrivée à leur destination finale, un retard leur ouvrant droit à une indemnisation au titre de l’article 7 du règlement no 261/2004. Le litige en cause au principal porte uniquement sur le montant de cette indemnisation.

17      D’autre part, il est constant que les passagers en cause au principal ont effectué une réservation unique pour l’ensemble de leur transport aérien, lequel est composé de deux vols successifs.

18      Il découle de la jurisprudence de la Cour que deux ou plusieurs vols ayant fait l’objet d’une réservation unique sont qualifiables de « vol avec correspondances » et constituent ainsi un ensemble aux fins du droit à indemnisation des passagers prévu par le règlement no 261/2004 (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Wegener, C‑537/17, EU:C:2018:361, points 18 et 19).

19      Partant, il y a lieu d’appliquer la jurisprudence de la Cour relative à l’indemnisation en cas de vol avec correspondances.

20      À cet égard, la Cour a notamment jugé que, dans l’hypothèse d’un vol avec correspondances, seul importe aux fins de l’indemnisation forfaitaire prévue à l’article 7 du règlement no 261/2004, le retard constaté par rapport à l’heure d’arrivée initialement prévue à la destination finale, entendue comme la destination du dernier vol emprunté par le passager concerné (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2013, Folkerts, C‑11/11, EU:C:2013:106, point 35).

21      En outre, la Cour a déjà jugé que, lors de la détermination du montant de l’indemnisation au titre de l’article 7 du règlement no 261/2004, il y a lieu de ne tenir compte que de la distance entre le lieu du premier décollage et la destination finale, abstraction faite d’éventuels vols de correspondance (voir arrêt du 7 septembre 2017, Bossen e.a., C‑559/16, EU:C:2017:644, point 29).

22      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que le règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que, aux fins de fixer le montant de l’indemnisation en cas de retard important, lors d’un transport aérien réservé par un passager dans son ensemble et composé de deux ou de plusieurs vols, il y a lieu de prendre en considération la distance totale depuis le lieu de départ du premier vol jusqu’à la destination finale, et ce même si seul le dernier des vols concernés a subi un tel retard.

 Sur les dépens

23      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

Le règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91, doit être interprété en ce sens que, aux fins de fixer le montant de l’indemnisation en cas de retard important, lors d’un transport aérien réservé par un passager dans son ensemble et composé de deux ou de plusieurs vols, il y a lieu de prendre en considération la distance totale depuis le lieu de départ du premier vol jusqu’à la destination finale, et ce même si seul le dernier des vols concernés a subi un tel retard.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.