Language of document : ECLI:EU:F:2008:134

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

4 novembre 2008 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Demande – Rejet explicite notifié ultérieurement au rejet implicite – Acte purement confirmatif – Réclamation tardive – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑18/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Luigi Marcuccio, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés par MA. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé lors du délibéré de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, H. Tagaras et S. Gervasoni, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 10 juillet 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 16 juillet suivant), M. Marcuccio demande notamment l’annulation de la décision du 25 octobre 2005 par laquelle la Commission des Communautés européennes a refusé de reconnaître qu’il était affecté d’une maladie grave au sens de l’article 72 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») et de la réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la « réglementation »).

 Faits à l’origine du litige

2        Par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du 30 mai 2005, le requérant, alors fonctionnaire de grade A*8, a été mis à la retraite à compter du 31 mai suivant et s’est vu reconnaître le bénéfice d’une allocation d’invalidité fixée conformément à l’article 78, paragraphe 3, du statut (ci-après la « décision du 30 mai 2005 »).

3        Par une note datée du 11 octobre 2005, le requérant a transmis au bureau liquidateur du régime commun d’assurance maladie des Communautés européennes à Ispra (ci-après le « bureau liquidateur ») une demande tendant à faire reconnaître qu’il était affecté d’une maladie grave ouvrant droit à un remboursement à 100 % des frais exposés (ci-après la « demande de reconnaissance de maladie grave »).

4        Le 24 octobre 2005, le médecin-conseil du bureau liquidateur a émis l’avis selon lequel le requérant n’était pas atteint d’une maladie grave.

5        Par une décision datée du 25 octobre 2005, que le requérant prétend n’avoir reçue que le 23 juin 2006, la Commission a rejeté la demande de reconnaissance de maladie grave, en se fondant sur l’avis du médecin-conseil du bureau liquidateur (ci-après la « décision du 25 octobre 2005 »).

6        Par note datée du 23 août 2006 et parvenue à la Commission le 31 août suivant, le requérant a introduit une réclamation, rédigée en langue italienne, à l’encontre de la décision du 25 octobre 2005 (ci-après la « réclamation du 23 août 2006 »).

7        Par décision du 30 novembre 2006, l’AIPN a rejeté la réclamation du 23 août 2006, en se fondant de nouveau sur l’avis du médecin-conseil du bureau liquidateur (ci-après la « décision du 30 novembre 2006 »).

8        La décision du 30 novembre 2006 a été communiquée au requérant dans sa version en langue française, le 12 janvier 2007 et dans sa version en langue italienne, le 17 février suivant.

9        Par arrêt du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission (F‑41/06, non encore publié au Recueil), le Tribunal a annulé la décision du 30 mai 2005.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par demande parvenue au greffe du Tribunal le 5 mars 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 13 mars suivant), le requérant a sollicité son admission au bénéfice de l’aide judiciaire, demande rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 8 mai 2007, notifiée au requérant le 4 juin suivant.

11      Le requérant a introduit le présent recours le 10 juillet 2007.

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« –      annuler la décision [du 25 octobre 2005], éventuellement et si nécessaire, en s’abstenant d’appliquer au présent litige, conformément à l’article 241 (ex article 184) CE, l’article 72 du statut et la réglementation […] ;

–        annuler, pour ce qui est nécessaire et dans la partie dans laquelle elle englobe la réclamation du 23 août 2006, la [décision] du 30 novembre 2006 ;

–        déclarer l’inexistence légale ou annuler à titre subsidiaire, dans la mesure nécessaire et s’il existe matériellement, ce qui n’est pas assuré, rebus sic stantibus, l’avis de la ‘[c]ommission médicale’ ;

–        condamner la Commission au remboursement de l’ensemble des dépens en ce inclus la totalité des frais d’expertise éventuels ».

13      À titre de mesure d’instruction, le requérant demande au Tribunal de bien vouloir diligenter une expertise pour évaluer s’il est atteint d’une maladie grave au sens de l’article 72 du statut.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou dénué de fondement ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur la recevabilité

15      La Commission conclut à l’irrecevabilité du recours dans son ensemble, soulignant en particulier, s’agissant des conclusions dirigées contre la décision du 25 octobre 2005, que celles-ci seraient irrecevables du fait de la tardiveté de la réclamation du 23 août 2006.

 Sur les règles procédurales applicables

16      Conformément aux dispositions de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou partie, manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

17      Selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur (voir arrêt de la Cour du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 55, et du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, Rec. p. II‑3121, point 58). Néanmoins, il est de jurisprudence bien établie que la recevabilité d’un recours s’apprécie au moment de son introduction (arrêt de la Cour du 27 novembre 1984, Bensider e.a./Commission, 50/84, Rec. p. 3991, point 8 ; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 8 octobre 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R II, Rec. p. II‑2943, point 49).

18      Il résulte de ces considérations que si la règle énoncée à l’article 76 du règlement de procédure, selon laquelle le Tribunal peut, par ordonnance, rejeter un recours qui apparaît manifestement voué au rejet, est une règle de procédure qui s’applique dès la date de son entrée en vigueur à tous les litiges pendants devant le Tribunal, il n’en va pas de même des règles de droit sur le fondement desquelles le Tribunal peut, en application de cet article, regarder un recours comme manifestement irrecevable. Ainsi, s’agissant, comme en l’espèce, des règles fixant les conditions de recevabilité de la requête, s’appliquent nécessairement, ainsi qu’il a été dit, celles qui étaient en vigueur à la date d’introduction de la requête.

19      Dans le présent litige, le recours a été introduit le 10 juillet 2007. Or, à cette date, les règles fixant les conditions de recevabilité de la requête étaient celles auxquelles renvoyait l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7). En effet, ledit article 111 est la disposition qui, dans le règlement de procédure du Tribunal de première instance, correspond à l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal.

20      Par conséquent, il y a lieu d’appliquer, d’une part, la règle de procédure visée par l’article 76 du règlement de procédure, et, d’autre part, les règles de recevabilité auxquelles renvoyait l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance (voir ordonnance du 11 décembre 2007, Martin Bermejo/Commission, F‑60/07, non encore publiée au Recueil, points 23 à 27).

21      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé sur le présent litige et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de la décision du 25 octobre 2005

22      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 90, paragraphe 1, du statut :

« Toute personne visée au présent statut peut saisir l’[AIPN] d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision. L’autorité notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la demande. À l’expiration de ce délai, le défaut de réponse à la demande vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’une réclamation au sens du paragraphe 2. »

23      En l’espèce, si aucune pièce du dossier ne permet de déterminer avec exactitude la date à laquelle la demande de reconnaissance de maladie grave a été introduite, cette demande doit être regardée comme étant parvenue à l’administration au plus tard le 24 octobre 2005, date à laquelle le médecin-conseil du bureau liquidateur a émis l’avis selon lequel le requérant n’était pas atteint d’une maladie grave. L’administration disposait donc, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, d’un délai expirant au plus tard le 24 février 2006 pour prendre une décision en réponse à cette demande et la notifier au requérant.

24      Or, s’il est constant que, dès le 25 octobre 2005, l’administration a effectivement adopté une décision rejetant explicitement la demande de reconnaissance de maladie grave, le requérant fait lui-même valoir que cette décision ne lui aurait été notifiée que le 23 juin 2006.

25      Ainsi, l’absence de notification de la décision du 25 octobre 2005 dans le délai de réponse – absence qui doit être regardée, de toute évidence, comme un « défaut de réponse » au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut – a fait naître, quatre mois après l’introduction de la demande, soit au plus tard le 24 février 2006, une décision implicite de rejet.

26      Le requérant disposait alors, selon les termes de l’article 90, paragraphe 2, du statut, d’un délai de trois mois, expirant au plus tard le 24 mai 2006, pour présenter une réclamation contre la décision implicite de rejet. Or, si le requérant a effectivement introduit une réclamation, celle-ci, dirigée au demeurant contre la décision du 25 octobre 2005, n’est parvenue à l’administration que le 31 août 2006, soit postérieurement à l’expiration du délai de trois mois susmentionné.

27      Dans ces conditions, la décision du 25 octobre 2005, dès lors qu’elle a été notifiée au requérant postérieurement à la naissance de la décision implicite de rejet devenue définitive, ne constitue qu’un acte purement confirmatif de cette dernière décision et ne saurait donc être regardée comme un acte faisant grief susceptible de faire l’objet, en application de l’article 91, paragraphe 1, du statut, d’un recours en annulation.

28      À titre surabondant, il convient d’ajouter que, quand bien même les conclusions susmentionnées, formellement dirigées contre la décision du 25 octobre 2005, devraient, en fait, être considérées comme visant la décision implicite de rejet, lesdites conclusions ne seraient pas davantage recevables. En effet, ainsi qu’il vient d’être dit, la réclamation introduite par le requérant n’est parvenue à l’administration que le 31 août 2006, soit postérieurement à l’expiration du délai de réclamation ouvert contre la décision implicite de rejet.

29      Il s’ensuit que les conclusions susmentionnées doivent être rejetées comme manifestement irrecevables.

 Sur la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de la décision du 30 novembre 2006

30      La décision du 25 octobre 2005 ne constituant pas, ainsi qu’il a été dit, un acte attaquable, du fait de son caractère purement confirmatif, la décision du 30 novembre 2006, prise en réponse à la réclamation dirigée contre la décision du 25 octobre 2005, n’est pas davantage un acte attaquable (voir arrêt du Tribunal de première instance du 9 juin 2004, Camós Grau/Commission, T‑96/03, RecFP p. I‑A‑157 et II‑707, point 41). Il s’ensuit que les conclusions susmentionnées doivent être rejetées comme manifestement irrecevables.

 Sur la recevabilité des conclusions tendant à la déclaration de l’inexistence légale ou à titre subsidiaire à l’annulation de l’avis de la « commission médicale »

31      Il convient à titre liminaire de relever qu’en visant, dans les conclusions susmentionnées, l’avis de la « commission médicale », le requérant doit être regardé comme contestant, en fait, l’avis du médecin-conseil du bureau liquidateur sur lequel l’AIPN s’est fondée pour rejeter la demande de reconnaissance de maladie grave.

32      Selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, en principe, que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêts de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 10, et du 22 juin 2000, Pays‑Bas/Commission, C‑147/96, Rec. p. I‑4723, point 26 ; arrêt du Tribunal de première instance du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I‑A-337 et II‑1657, point 28).

33      En l’espèce, l’avis du médecin-conseil du bureau liquidateur ne constituant qu’un acte préparatoire, insusceptible de faire l’objet d’un recours (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de première instance du 22 avril 2005, Lucaccioni/Commission, T‑399/03, non publiée au Recueil, points 24 à 32, et la jurisprudence citée, en particulier le point 31), les conclusions tendant à son annulation doivent être rejetées comme manifestement irrecevables.

34      Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il y ait lieu d’ordonner la mesure d’instruction sollicitée par le requérant, que le recours doit être rejeté dans son ensemble comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

35      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

36      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Toutefois, en vertu de cet article et de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens pour des motifs exceptionnels.

37      En l’espèce, alors que le requérant soutient, sans être sérieusement contredit, que la décision du 25 octobre 2005 lui a été notifiée postérieurement à la naissance de la décision implicite de rejet de la demande de reconnaissance de maladie grave, il ressort des pièces du dossier que la Commission n’a aucunement, dans la décision du 30 novembre 2006, informé l’intéressé que la décision du 25 octobre 2005, du fait de sa date de notification, ne constituait qu’un acte purement confirmatif et ne pouvait faire l’objet d’un recours en annulation. Par ailleurs, la Commission n’a pas davantage, dans la décision du 30 novembre 2006, évoqué l’hypothèse d’une éventuelle tardiveté de la réclamation.

38      La Commission a donc pu, en méconnaissance du devoir de sollicitude, donner l’impression erronée au requérant que s’il entendait introduire un recours à l’encontre de la décision du 25 octobre 2005, celui-ci serait recevable.

39      Dans ces conditions, et alors même que le requérant, qui était, avant d’être mis à la retraite par la décision du 30 mai 2005, fonctionnaire de grade A*8, et avait introduit plusieurs requêtes devant les juridictions communautaires, disposait d’une certaine connaissance des règles de recevabilité des recours en matière de contentieux de la fonction publique européenne, les circonstances rappelées aux paragraphes précédents constituent un motif exceptionnel justifiant que soit mis à la charge de la Commission, outre ses propres dépens, le tiers de ceux exposés par le requérant (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 10 septembre 2007, Speiser/Parlement, F‑146/06, non encore publiée au Recueil, point 32, ordonnance faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de première instance, affaire T‑390/07 P).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      La Commission des Communautés européennes supporte, en plus de ses propres dépens, le tiers de ceux exposés par M. Marcuccio.

Fait à Luxembourg, le 4 novembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’italien.