Language of document : ECLI:EU:C:2019:596

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 11 juillet 2019 (1)

Affaires jointes C398/18 et C428/18

Antonio Bocero Torrico (C398/18)

Jörg Paul Konrad Fritz Bode (C428/18)

contre

Instituto Nacional de la Seguridad Social

Tesorería General de la Seguridad Social

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 5 – Prestation anticipée de vieillesse – Exigence que le montant de la prestation anticipée de vieillesse à percevoir soit supérieur au montant de la prestation minimale de vieillesse à l’âge de 65 ans – Méthode de calcul du montant du minimum – Législation nationale ne prenant en compte que les prestations à la charge de l’État membre compétent – Absence de prise en compte des prestations à la charge d’un autre État membre – Exigence d’assimilation des prestations »






I.      Introduction

1.        Les demandes de décision préjudicielle, déposées au greffe de la Cour respectivement le 15 juin 2018 (affaire C‑398/18) et le 28 juin 2018 (affaire C‑428/18), portent sur l’interprétation du droit de l’Union, en particulier de l’article 48 TFUE et des articles 5 et 6 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (2).

2.        Par sa question, le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne) demande essentiellement si l’article 48 TFUE s’oppose à une législation nationale qui, pour déterminer si une personne peut prétendre à une prestation anticipée de vieillesse, requiert notamment que le montant de la prestation reçue soit supérieur à celui de la prestation minimale de vieillesse à laquelle la personne concernée aurait droit, en vertu de cette législation, à la lumière de sa situation familiale à l’âge de 65 ans. En particulier, à cet égard, la législation espagnole ne prend en compte que la prestation de vieillesse payée par cet État membre et ne considère pas les prestations équivalentes que la personne concernée pourrait recevoir d’un ou de plusieurs autres États membres.

3.        Les demandes ont été introduites dans le cadre, d’une part, d’un litige entre M. Antonio Bocero Torrico et l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (Institut national de la sécurité sociale, ci‑après l’« INSS ») ainsi que la Tesorería General de la Seguridad Social (Trésorerie générale de la sécurité sociale, ci‑après la « TGSS ») (affaire C‑398/18) et, d’autre part, d’un litige entre M. Jörg Paul Konrad Fritz Bode et l’INSS ainsi que la TGSS (affaire C‑428/18).

4.        Il convient d’observer que l’article 48 TFUE prévoit que le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne adoptent « dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l’établissement de la libre circulation des travailleurs en instituant notamment un système permettant d’assurer aux travailleurs migrants [...] la totalisation […] de “toutes périodes” prises en considération par les différentes législations nationales » (3). Le système actuel de totalisation des périodes figure dans le règlement no 883/2004. À cet égard, l’article 6 du règlement no 883/2004 prévoit la totalisation des périodes d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence et les articles 52 et 58 de ce règlement contiennent des règles applicables au calcul des prestations de vieillesse et prestations minimales de vieillesse lorsqu’une personne a accompli des périodes d’assurance ou de résidence dans plus d’un État membre.

5.        Si la demande de décision préjudicielle renvoie spécifiquement à l’article 48 TFUE, il existe, selon moi, une réponse à cette question dans l’article 5 du règlement no 883/2004, qui énonce le principe, dégagé par la jurisprudence de la Cour, de l’assimilation de prestations, de revenus et de faits.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

6.        Les considérants 9, 10, 11 et 12 du règlement no 883/2004 énoncent :

« (9)      À plusieurs occasions, la [Cour] s’est exprimée sur la possibilité d’assimiler les prestations, les revenus et les faits ; ce principe devrait être adopté expressément et développé, dans le respect du fond et de l’esprit des décisions judiciaires.

(10)      Cependant, le principe d’assimilation de certains faits ou événements survenus sur le territoire d’un autre État membre à des faits ou événements semblables survenus sur le territoire de l’État membre dont la législation est applicable ne devrait pas interférer avec le principe de totalisation des périodes d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence accomplies sous la législation de tout autre État membre avec les périodes accomplies sous la législation de l’État membre compétent. En conséquence, la prise en compte de périodes accomplies sous la législation de tout autre État membre ne devrait relever que de l’application du principe de totalisation des périodes.

(11)      L’assimilation de faits ou d’événements survenus dans un État membre ne peut en aucune façon rendre un autre État membre compétent ou sa législation applicable.

(12)      Compte tenu de la proportionnalité, il convient de veiller à ce que le principe d’assimilation des faits ou événements ne donne pas lieu à des résultats objectivement injustifiés ou à un cumul de prestations de même nature pour la même période. »

7.        L’article 3 du règlement no 883/2004, intitulé « Champ d’application matériel », dispose :

« 1.      Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

[…]

d)      les prestations de vieillesse ;

[…] »

8.        Aux termes de l’article 5 du règlement no 883/2004, intitulé « Assimilation de prestations, de revenus, de faits ou d’événements » :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement et compte tenu des dispositions particulières de mise en œuvre prévues, les dispositions suivantes s’appliquent :

a)      si, en vertu de la législation de l’État membre compétent, le bénéfice de prestations de sécurité sociale ou d’autres revenus produit certains effets juridiques, les dispositions en cause de cette législation sont également applicables en cas de bénéfice de prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d’un autre État membre ou de revenus acquis dans un autre État membre ;

b)      si, en vertu de la législation de l’État membre compétent, des effets juridiques sont attribués à la survenance de certains faits ou événements, cet État membre tient compte des faits ou événements semblables survenus dans tout autre État membre comme si ceux‑ci étaient survenus sur son propre territoire. »

9.        Aux termes de l’article 6 du règlement no 883/2004, intitulé « Totalisation des périodes » :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, l’institution compétente d’un État membre dont la législation subordonne :

–        l’acquisition, le maintien, la durée ou le recouvrement du droit aux prestations,

–        l’admission au bénéfice d’une législation,

–        l’accès à l’assurance obligatoire, facultative continuée ou volontaire, ou la dispense de ladite assurance,

à l’accomplissement de périodes d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence accomplies sous la législation de tout autre État membre, comme s’il s’agissait de périodes accomplies sous la législation qu’elle applique. »

10.      L’article 52 du règlement no 883/2004, intitulé « Liquidation des prestations », dispose, à son paragraphe 1 :

« 1.      L’institution compétente calcule le montant de la prestation due :

a)      en vertu de la législation qu’elle applique, uniquement lorsque les conditions requises pour le droit aux prestations sont remplies en vertu du seul droit national (prestation indépendante) ;

b)      en calculant un montant théorique et ensuite un montant effectif (prestation au prorata), de la manière suivante :

i)      le montant théorique de la prestation est égal à la prestation à laquelle l’intéressé pourrait prétendre si toutes les périodes d’assurance et/ou de résidence accomplies sous les législations des autres États membres avaient été accomplies sous la législation qu’elle applique à la date de la liquidation de la prestation. Si, selon cette législation, le montant de la prestation est indépendant de la durée des périodes accomplies, ce montant est considéré comme le montant théorique ;

ii)      l’institution compétente établit ensuite le montant effectif de la prestation sur la base du montant théorique, au prorata de la durée des périodes accomplies avant la réalisation du risque sous la législation qu’elle applique, par rapport à la durée totale des périodes accomplies avant la réalisation du risque sous les législations de tous les États membres concernés. »

11.      L’article 58 du règlement no 883/2004, intitulé « Attribution d’un complément », dispose :

« 1.      Le bénéficiaire de prestations auquel le présent chapitre s’applique ne peut, dans l’État membre de résidence et en vertu de la législation duquel une prestation lui est due, percevoir un montant de prestations inférieur à celui de la prestation minimale fixée par ladite législation pour une période d’assurance ou de résidence égale à l’ensemble des périodes prises en compte pour la liquidation conformément au présent chapitre.

2.      L’institution compétente de cet État membre lui verse, pendant la durée de sa résidence sur son territoire, un complément égal à la différence entre la somme des prestations dues en vertu du présent chapitre et le montant de la prestation minimale. »

B.      Le droit espagnol

12.      Dans la version en vigueur à la date de la demande du requérant, l’article 208 de la Ley General de la Seguridad Social (loi générale sur la sécurité sociale), tel qu’il figure dans le texte consolidé approuvé par le Real Decreto Legislativo 8/2015 (décret royal législatif 8/2015), du 30 octobre 2015 (4), disposait :

« 1.      L’éligibilité à la retraite anticipée à la demande de l’intéressé(e) requiert la réunion des conditions suivantes :

a)      Avoir atteint un âge qui ne soit pas inférieur de plus de deux ans dans chaque cas d’espèce à l’âge fixé par l’article 205, paragraphe 1, sous a), sans prendre en compte les coefficients de réduction auxquels se réfère l’article 206.

b)      Avoir validé une durée minimale de cotisation effective de 35 ans […]

c)      Lorsque les conditions générales et spécifiques applicables au présent type de retraite sont remplies, le montant de la pension à percevoir doit être supérieur au montant minimal de pension applicable à l’intéressé compte tenu de sa situation familiale lorsqu’il atteint l’âge de 65 ans. Dans le cas contraire, l’intéressé ne peut pas bénéficier de ce type de retraite anticipée.

2.      Dans les cas d’éligibilité à la retraite anticipée visés par le présent article, pour chaque trimestre ou fraction de trimestre faisant défaut au travailleur au moment du fait générateur pour atteindre l’âge légal de départ en retraite fixé dans chaque cas d’espèce par l’article 205, paragraphe 1, sous a), la pension fera l’objet d’une réduction par application des coefficients qui suivent, en fonction de la durée de cotisation validée :

[…]

Aux seules fins de déterminer l’âge légal de départ en retraite, l’âge pris en compte est celui qu’aurait atteint le travailleur en continuant à cotiser pendant la période comprise entre la date du fait générateur et la date à laquelle il atteint l’âge légal de départ en retraite fixé par l’article 205, paragraphe 1, sous a).

Le calcul des périodes de cotisation est effectué sur la base de périodes complètes ; une fraction de période ne peut être considérée comme équivalente à une période complète. »

13.      L’article 14, paragraphe 3, du Real Decreto 1170/2015, de 29 de diciembre, sobre revalorización de pensiones del sistema de seguridad social y de otras prestaciones sociales públicas para el ejercicio 2016 (décret royal 1170/2015, du 29 décembre 2015, relatif à la revalorisation des pensions du système de sécurité sociale ainsi que d’autres prestations sociales publiques pour l’exercice 2016) (5) dispose :

« Si, après l’application des dispositions du paragraphe précédent, la somme des montants des pensions reconnues, en vertu d’un accord bilatéral ou multilatéral de sécurité sociale, tant par la législation espagnole que par la législation étrangère, est inférieure au montant minimal de la pension en cause en vigueur en Espagne, le bénéficiaire se voit garantir, à condition de résider sur le territoire national et de remplir toutes les exigences des règles générales, la différence entre la somme des pensions reconnues, espagnoles et étrangères, et ledit montant minimal.

S’agissant des pensions reconnues sur le fondement des règlements de l’Union en matière de sécurité sociale, les dispositions de l’article 50 du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté et de l’article 58 du règlement no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, s’appliquent.

[…] »

III. Le litige au principal et la question préjudicielle

14.      M. Bocero Torrico, né le 15 décembre 1953, est couvert par le système de sécurité sociale espagnol. Le 16 décembre 2016, il a présenté à l’administration de la sécurité sociale espagnole une demande de prestation anticipée de vieillesse, qui a été refusée par décision de l’INSS du 9 novembre 2016, au motif que la prestation calculée n’atteindrait pas le montant de la prestation minimale de vieillesse correspondant à sa situation familiale à son 65e anniversaire. M. Bocero Torrico a formé un recours administratif qui a fini par être rejeté par décision du 25 avril 2017 (6).

15.      M. Bocero Torrico a accompli une période de cotisation de 16 637 jours au total, dont 9 947 jours se rapportent à l’Espagne et 6 690 jours à l’Allemagne. Une prestation de vieillesse de 507,35 euros lui a été attribuée en Allemagne. La prestation anticipée de vieillesse qui lui serait due en Espagne serait de 530,15 euros mensuels, résultant de l’application d’un coefficient correcteur en raison de l’âge de 88 % à une base de calcul de 773,75 euros, ainsi que d’un prorata de 76,86 % à la charge de l’Espagne.

16.      M. Bode, né le 4 juin 1952, est couvert par le système de sécurité sociale espagnol. Le 31 mai 2015, il a présenté à la sécurité sociale espagnole une demande de prestation de retraite anticipée, refusée par décision de l’INSS du 26 août 2015, au motif que la prestation calculée n’atteindrait pas le montant de la pension minimale correspondant à sa situation familiale à son 65e anniversaire.

17.      M. Bode a accompli une période de cotisation de 16 725 jours au total, dont 2 282 jours se rapportent à l’Espagne et 14 443 jours à l’Allemagne. Une pension de retraite d’un montant effectif de 1 185,22 euros lui a été attribuée en Allemagne. La prestation anticipée de vieillesse qui lui serait due en Espagne serait de 206,60 euros, en conséquence de l’application d’un coefficient correcteur de 87 % au titre de l’âge à une base de calcul de 1 357,80 euros, dont un prorata de 17,49 % est à la charge de l’Espagne.

18.      En 2016, en Espagne, la prestation minimale de vieillesse pour les personnes de plus de 65 ans ayant un conjoint à charge était de 784,90 euros.

19.      MM. Bocero Torrico et Bode ont formé des recours devant le Juzgado de lo Social (tribunal du travail, Espagne) (7) contre l’INSS et la TGSS afin de faire constater qu’ils étaient en droit de recevoir, respectivement à compter du 1er janvier 2017 et du 1er juillet 2015, une prestation anticipée de vieillesse.

20.      Le Juzgado de lo Social (tribunal du travail) a conclu dans les deux affaires qu’en vertu de la législation nationale, le montant de la prestation anticipée de vieillesse à percevoir doit être supérieur au montant de la prestation minimale de vieillesse qui serait due à la personne concernée compte tenu de sa situation familiale à son 65e anniversaire. Il a considéré que le montant de la prestation de vieillesse à percevoir doit correspondre à la prestation de vieillesse espagnole proratisée, étant donné qu’il s’agit de la prestation réelle que le bénéficiaire recevra effectivement de l’Espagne, laquelle se distingue de celles provenant de tout autre État membre. Le Juzgado de lo Social (tribunal du travail) a donc accepté les arguments avancés par l’INSS eu égard à la finalité de la législation nationale, qui est d’éviter de compléter la prestation anticipée de vieillesse des personnes qui n’ont pas encore atteint l’âge légal de la retraite, pour lui faire atteindre le minimum légal, en maintenant ainsi ces personnes sur le marché de l’emploi.

21.      Les recours de MM. Bocero Torrico et Bode ont donc été rejetés par jugements, respectivement le 6 octobre 2017 et le 15 novembre 2017.

22.      MM. Bocero Torrico et Bode ont interjeté appel de ces jugements respectivement les 3 et 22 novembre 2017.

23.      La juridiction de renvoi considère que MM. Bocero Torrico et Bode ne représentent pas une charge pour le système de sécurité sociale espagnol, car leur prestation anticipée de vieillesse ne sera jamais complétée à la charge de l’Espagne par un supplément servant à porter leur prestation au niveau de la prestation minimale de vieillesse, étant donné qu’ils perçoivent également une prestation de vieillesse à la charge de l’Allemagne et que le montant total des deux prestations réelles et effectives de vieillesse est plus élevé que la prestation minimale de vieillesse en Espagne. Selon la juridiction de renvoi, l’article 14, paragraphe 3, du décret royal 1170/2015, qui renvoie à l’article 58 du règlement n° 883/2004, ne permet que le paiement de la différence entre le total des prestations dues en vertu de la réglementation de l’Union et la prestation minimale de vieillesse en Espagne. En d’autres termes, si la prestation anticipée de vieillesse était attribuée, les deux prestations effectivement perçues en Espagne et en Allemagne devraient être prises en compte, ce qui empêcherait les bénéficiaires de pouvoir prétendre à un complément pour porter une prestation à la hauteur de la prestation minimale.

24.      La juridiction de renvoi considère que, lorsqu’il s’agit de comparer un travailleur qui n’a pas migré et reçoit de l’Espagne une prestation anticipée de vieillesse d’un montant de 1 193,38 euros (8) et un travailleur migrant qui reçoit le même montant payé par deux ou plusieurs États membres, le travailleur migrant est désavantagé : il subit une discrimination fondée sur son déplacement vers d’autres États membres (en l’occurrence l’Allemagne), et il ne peut pas accéder à la prestation anticipée de vieillesse à laquelle le travailleur non migrant aurait droit. Cette juridiction considère donc que lorsque l’article 208, paragraphe 1, sous c), de la loi générale sur la sécurité sociale renvoie au « montant de la pension à percevoir », il convient d’interpréter cette notion comme indiquant la somme totale de la prestation de vieillesse réelle à la charge de l’Espagne et de la prestation de vieillesse réelle à la charge de l’Allemagne. Selon la juridiction de renvoi, cette approche permettrait en outre de respecter la finalité de la législation, consistant à éviter à l’Espagne de devoir verser un complément de retraite portant celle‑ci au minimum légal, sans oublier, comme précédemment mentionné, que conformément aux législations de l’Espagne et de l’Union, l’ouverture du droit à un complément au titre de la prestation minimale exigerait de tenir compte de la somme des deux prestations.

25.      Dans ces conditions le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 48 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, qui impose comme condition d’éligibilité à une pension de retraite anticipée que le montant de la pension à percevoir soit supérieur au montant minimal de pension que l’intéressé serait en droit de recevoir en vertu de cette même législation nationale, la notion de “pension à percevoir” étant entendue comme renvoyant à la pension effective à la charge du seul État membre compétent (en l’espèce, l’Espagne), sans prendre également en compte la pension effective que l’intéressé pourrait percevoir au titre de prestations de même nature à la charge d’un ou de plusieurs autres États membres ? »

IV.    La procédure devant la Cour

26.      MM. Bocero Torrico et Bode, l’INSS, le gouvernement espagnol et la Commission européenne ont déposé des observations écrites ; tous ont formulé des observations orales lors de l’audience du 2 mai 2019.

V.      Les observations soumises à la Cour

27.      MM. Bocero Torrico et Bode prétendent que les règles nationales qui subordonnent l’accès à une prestation anticipée de vieillesse au montant de la prestation proratisée que l’institution compétente doit payer au titre des cotisations versées en vertu de sa législation sont contraires au droit de l’Union. Ces règles subordonnent l’accès à la prestation aux cotisations versées dans un seul État membre et rendent ainsi inefficaces les règles et principes de droit de l’Union relatifs à la libre circulation et à la totalisation des périodes d’assurance, en particulier ceux relatifs à la totalisation des périodes d’assurance aux fins de l’accès aux périodes de prestation de vieillesse prévues aux articles 45 et 48 TFUE et aux articles 6, 50, 51, à l’article 52, paragraphe 1, sous b), et à l’article 58 du règlement no 883/2004.

28.      MM. Bocero Torrico et Bode considèrent que « le montant de la pension à percevoir » visée à l’article 208, paragraphe 1), sous c), de la loi générale sur la sécurité sociale devrait être assimilé au montant de la prestation théorique définie à l’article 52, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 883/2004, car cela aboutit à l’assimilation d’un travailleur migrant à un travailleur national, dans la même situation qui n’a pas migré. Ils prétendent à titre subsidiaire que ces termes devraient être interprétés conformément à l’article 5, sous a), du règlement no 883/2004 comme se référant à la somme de la prestation proratisée reçue par la personne concernée à la charge de deux ou de plusieurs États membres pour toutes les périodes d’assurance prises en compte aux fins de l’accès à la prestation anticipée de vieillesse et du calcul de celle‑ci. Ils observent cependant que cette approche présente deux inconvénients. Premièrement, elle subordonne l’accès au droit à la prestation anticipée de vieillesse en Espagne au montant découlant de la liquidation du droit à des prestations dans deux ou plusieurs États membres en vertu de l’article 52, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement no 883/2004, sans tenir compte du montant auquel la personne concernée aurait eu droit en Espagne si toutes les périodes d’assurance avaient été accomplies sous la législation espagnole et, deuxièmement, elle subordonne l’accès au droit à une prestation anticipée de vieillesse dans un État membre à l’accès et à la perception d’une prestation anticipée de vieillesse dans un autre État membre, sans tenir compte du fait que la retraite anticipée n’est pas prévue dans les législations de tous les États membres ni réglementée de la même manière dans les États prévoyant cette possibilité d’accéder de manière anticipée à une prestation de retraite.

29.      L’INSS prétend que, conformément à la nouvelle position interne 3/2018 du 13 février 2018, la condition imposée par l’article 208, paragraphe 1, sous c), de la loi générale sur la sécurité sociale est remplie sous réserve, premièrement, que le montant théorique de la prestation (9) soit supérieur au montant de la prestation minimale de vieillesse espagnole et, deuxièmement, que la somme de la prestation espagnole et de la prestation d’un ou de plusieurs autres États soit supérieure au montant de la prestation minimale de vieillesse. Selon l’INSS, si le montant théorique de la prestation est supérieur à celui de la prestation minimale de vieillesse en Espagne, alors il n’y a pas lieu de verser un complément en vertu de l’article 14, paragraphe 2, du décret royal 1170/2015 pour parvenir à un montant égal à la prestation minimale de vieillesse. En outre, si la somme des montants de la prestation espagnole et de la prestation d’un ou de plusieurs autres États est supérieure au montant de la prestation minimale de vieillesse espagnole, alors il n’y a pas lieu de verser de complément en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du décret royal 1170/2015. L’INSS considère donc que pour répondre à la question de la juridiction de renvoi, il y aurait lieu de prendre en compte la prestation théorique calculée par totalisation des périodes conformément aux articles 5, 6, 51 et 52 du règlement no 883/2004.

30.      Le gouvernement espagnol considère que le règlement no 883/2004 n’exige pas que les États membres complètent la prestation proratisée à la charge d’un État membre correspondant à une prestation anticipée de vieillesse pour atteindre la pension minimale à la charge de cet État membre à l’âge de 65 ans, car cela entraînerait une discrimination en faveur de travailleurs dont toute la période de cotisation ne s’est pas déroulée en Espagne. Il souligne que les cotisations de MM. Bocero Torrico et Bode en Allemagne ont été prises en compte par l’INSS en vertu de l’article 52 du règlement no 883/2004 en vue de calculer le montant de leur prestation anticipée de vieillesse. Toutefois, le règlement no 883/2004 ne prévoit pas d’additionner le montant de leurs prestations allemandes pour satisfaire aux conditions imposées par l’article 208, paragraphe 1, sous c), de la loi générale sur la sécurité sociale et cela entraînerait une distorsion de la loi espagnole sur la sécurité sociale.

31.      Le gouvernement espagnol confirme également que les deux conditions requises par la nouvelle position interne 3/2018 sont applicables aux demandes de prestation anticipée de vieillesse formées par MM. Bocero Torrico et Bode.

32.      La Commission considère que les demandes de prestation anticipée de vieillesse de M. Bocero Torrico et de M. Bode doivent être examinées à la lumière du principe d’assimilation de prestations, de revenus, de faits ou d’événements fixé à l’article 5, sous a), du règlement no 883/2004, tel qu’interprété à la lumière des articles 45 et 48 TFUE. Dès lors, le renvoi par la législation espagnole au « montant de la pension à percevoir » doit être interprété comme renvoyant à la somme des prestations espagnole et allemande en cause, qui sont des prestations équivalentes aux fins de cette disposition.

VI.    Analyse

33.      Afin d’apporter une réponse utile à la juridiction nationale, il importe tout d’abord de souligner que le règlement no 883/2004 n’organise pas un régime commun de sécurité sociale, mais laisse subsister des régimes nationaux distincts et a pour unique objet d’assurer une coordination entre ces derniers. Ainsi, selon une jurisprudence constante, les États membres conservent leur compétence pour aménager leur système de sécurité sociale. Dès lors, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer, notamment, les conditions qui donnent droit à des prestations. Dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent néanmoins respecter le droit de l’Union et, en particulier, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres (10). Les personnes qui exercent ce droit à la libre circulation ne sauraient être législativement pénalisées pour avoir exercé ce droit.

34.      Un État membre est en principe libre de prévoir un droit à une pension minimale de vieillesse (11) et de soumettre ce droit à des conditions d’accès, sous réserve que ces conditions ne fassent pas obstacle à la libre circulation des travailleurs aux fins de l’article 45 TFUE. C’est pourquoi j’estime qu’en principe, il est loisible à un État membre, comme en l’espèce, de soumettre l’octroi d’une prestation anticipée de vieillesse au fait qu’une personne ait atteint un certain âge, qu’elle ait accompli un certain nombre d’années de cotisations et qu’elle ait droit à une prestation supérieure au montant de la prestation minimale de vieillesse de cet État membre (12).

35.      En effet, il apparaît que les trois conditions imposées par l’article 208, paragraphe 1, de la loi générale sur la sécurité sociale ne sont pas elles‑mêmes contestées dans le cadre du litige au principal dont a été saisie la juridiction de renvoi. L’objet du litige porte plutôt sur la manière dont la troisième condition imposée par l’article 208, paragraphe 1 (13), de cette législation nationale est appliquée (14) à des personnes telles que MM. Bocero Torrico et Bode, qui ont exercé leur droit à la libre circulation.

36.      Il existe une claire divergence d’opinions dans les observations déposées devant la Cour quant au point de savoir si les articles 5 et 6 du règlement no 883/2004 sont applicables aux circonstances en cause dans la procédure au principal.

37.      Il est de jurisprudence constante (15) que l’acquisition du droit à une prestation de vieillesse relève du champ d’application de l’article 6 du règlement no 883/2004 (16). En revanche, les règles relatives au calcul du montant de la prestation sont établies aux articles 52 et suivants de ce règlement (17).

38.      L’article 6 du règlement no 883/2004 met en œuvre le principe de totalisation des périodes d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence tel que prévu à l’article 48 TFUE (18), en prévoyant notamment que lorsque la législation d’un État membre soumet l’acquisition du droit aux prestations à l’accomplissement de périodes d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence, l’institution compétente de cet État membre doit tenir compte de ces périodes accomplies en vertu de la législation d’un autre État membre comme si elles avaient été accomplies en vertu de la législation qu’elle met en œuvre. En d’autres termes, les périodes accomplies dans divers États membres doivent être totalisées (19).

39.      En ce qui concerne les prestations de vieillesse, l’article 52, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 883/2004 prévoit que l’institution compétente calcule le montant théorique de la prestation à laquelle l’intéressé pourrait prétendre comme si toutes les périodes d’assurance et/ou de résidence qu’il a accomplies dans différents États membres avaient été effectuées dans l’État membre de l’institution compétente. L’institution compétente est ensuite tenue d’établir, conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 883/2004, le montant effectif de la prestation sur la base du montant théorique au prorata de la durée des périodes d’assurance et/ou de résidence accomplies dans l’État membre de l’institution compétente, comparée à la durée totale des périodes d’assurance et/ou de résidence accomplies dans les différents États membres. Il s’agit, en d’autres termes, de la méthode de calcul au prorata (20).

40.      Il importe d’observer que le calcul du montant théorique et par conséquent les montants réels (proratisés) des prestations de vieillesse de MM. Bocero Torrico et Bode en Espagne et en Allemagne n’ont pas été contestés dans le cadre de la procédure au principal.

41.      L’INSS, le gouvernement espagnol et également MM. Bocero Torrico et Bode considèrent que le montant théorique d’une prestation calculée en vertu de l’article 52, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 883/2004 devrait être utilisé pour déterminer si la condition relative au montant de la prestation minimale imposée par l’article 208, paragraphe 1, sous c), de la loi générale sur la sécurité sociale est remplie.

42.      J’estime que ce n’est pas le cas.

43.      Selon moi, le montant théorique d’une prestation calculée conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 883/2004 est une étape intermédiaire du calcul de la prestation proratisée réelle à attribuer et ne saurait être utilisé pour déterminer si le droit à une prestation (anticipée) de vieillesse est, de fait, acquis (21). En outre, comme précisé aux points 37 et 38 des présentes conclusions, il existe une claire distinction, dans le règlement no 883/2004, entre les règles relatives à l’acquisition du droit à une prestation de vieillesse et celles relatives au calcul de la prestation (22).

44.      En outre, si l’acquisition du droit à une prestation de vieillesse relève du champ d’application de l’article 6 du règlement no 883/2004, cette disposition renvoie clairement à la totalisation des périodes d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence et non à d’autres conditions de ce droit (23). Étant donné que l’article 208, paragraphe 1, sous c), de la loi générale sur la sécurité sociale soumet le droit à une prestation anticipée de vieillesse notamment à la condition que le montant de la prestation perçue soit supérieur à celui de la prestation minimale de vieillesse que l’intéressé serait en droit de percevoir en Espagne, compte tenu de sa situation de famille au moment où il ou elle atteint l’âge de 65 ans, j’estime que l’article 5 du règlement no 883/2004 est la disposition pertinente qu’il y a lieu d’appliquer (24). En effet, le considérant 10 du règlement no 883/2004 prévoit que le principe d’assimilation ou d’égalité de traitement de prestations, de revenus, de faits ou d’événements dans un autre État membre en vertu de l’article 5 de ce règlement ne devrait pas interférer avec le principe, établi à l’article 6 de ce même règlement, de totalisation de certaines périodes, comme les périodes d’assurance, accomplies dans un autre État membre comme si elles avaient été accomplies en vertu de la législation de l’État membre compétent (25).

45.      Selon moi, l’exigence figurant à l’article 208, paragraphe 1, sous c), de la loi générale sur la sécurité sociale aux fins d’accéder à une pension anticipée de vieillesse garantit que la « perception » d’un montant donné (26) de prestation de vieillesse « produise ses effets juridiques », cette exigence doit dès lors respecter le principe d’égalité de traitement établi à l’article 5 du règlement no 883/2004 afin de ne pas pénaliser les travailleurs qui exercent leur droit à la libre circulation (27). J’estime dès lors que les prestations de vieillesse en Espagne doivent être additionnées à des prestations comparables ou équivalentes perçues dans un ou plusieurs autres États membres afin de satisfaire à la condition établie à l’article 208, paragraphe 1, sous c), de la loi générale sur la sécurité sociale.

46.      Il semble ressortir du dossier soumis à la Cour, sous réserve que la juridiction de renvoi établisse ce point, que la prestation anticipée de vieillesse prévue à l’article 208, paragraphe 1, de la loi générale sur la sécurité sociale (28) et les prestations de vieillesse allemandes de MM. Bocero Torrico et Bode (29) sont des prestations comparables ou équivalentes aux fins de l’article 5, sous a), du règlement no 883/2004 (30).

47.      Lors de l’audience du 2 mai 2019, l’INSS et le gouvernement espagnol ont déclaré que la finalité des dispositions nationales en cause était double, et qu’il s’agissait, premièrement, de faire en sorte que les demandeurs pouvant prétendre à la prestation anticipée de vieillesse prévue à l’article 208, paragraphe 1, de la loi générale sur la sécurité sociale ne deviennent pas une charge pour le système de sécurité sociale espagnol et, deuxièmement, d’encourager l’activité sur le marché de l’emploi et de dissuader ces demandeurs de demander une retraite anticipée.

48.      Aux termes explicites de l’article 208, paragraphe 1, sous c), de la loi générale sur la sécurité sociale, il semblerait que les dispositions nationales en cause soient spécifiquement destinées à garantir que les demandeurs de prestations de vieillesse aient droit au montant minimal de pension applicable et n’aient donc pas droit à certaines prestations complémentaires ou supplémentaires servant à atteindre ce montant minimal, et que ces dispositions garantissent ainsi que ceux‑ci ne deviennent pas une charge supplémentaire pour le système de sécurité sociale espagnol. Il convient de souligner que ce n’est en aucun cas cet objectif en soi qui est contesté dans la procédure en l’espèce, mais plutôt le fait que la législation nationale soit appliquée de manière discriminatoire au détriment de travailleurs qui ont exercé leur droit fondamental à la libre circulation. En outre, j’observe que la juridiction de renvoi elle‑même (31) a précisé que, après la prise en compte des deux prestations de vieillesse espagnole et allemande, ni M. Bocero Torrico ni M. Bode n’auraient droit à un complément (32). Dans ces circonstances, aucun des deux demandeurs ne représentera une charge pour le système de sécurité sociale espagnol.

49.      Si l’objectif de décourager ou de dissuader les demandeurs de prétendre à une retraite anticipée peut être louable afin d’accroître la productivité nationale et de réduire la charge qui pèse sur le système de sécurité sociale, en particulier en considération du vieillissement de la population et de l’augmentation de l’espérance de vie, on ne saurait l’atteindre en créant une discrimination à l’égard de ceux qui ont exercé leur droit fondamental à la libre circulation. À cet égard, je suis au regret de dire qu’en l’espèce il m’est difficile de me défaire de l’impression que les autorités espagnoles ont exercé les pouvoirs que leur confère la loi d’une manière manifestement discriminatoire à l’égard des demandeurs qui ont exercé leur droit à la libre circulation, discrimination qui n’est pas justifiable, ou tout du moins ne devrait guère l’être.

50.      Par conséquent, je considère que l’article 5, sous a), du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui impose, comme condition d’accès à une prestation anticipée de vieillesse, que le montant de prestation à percevoir soit supérieur à la prestation minimale à laquelle l’intéressé pourrait prétendre en vertu de cette même législation nationale sans prendre en compte également la prestation réelle que cette personne pourrait percevoir au titre d’une autre prestation du même type provenant d’un ou de plusieurs autres États membres.

VII. Conclusion

51.      Eu égard aux éléments qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne) de la façon suivante :

L’article 5, sous a), du règlement no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui impose, comme condition d’accès à une prestation anticipée de vieillesse, que le montant de prestation à percevoir soit supérieur à la prestation minimale à laquelle l’intéressé pourrait prétendre en vertu de cette même législation nationale sans prendre en compte également la prestation réelle que cette personne pourrait percevoir au titre d’une autre prestation du même type provenant d’un ou de plusieurs autres États membres.


1      Langue originale : l’anglais.


2      JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1.


3      Souligné par mes soins.


4      BOE no 261, du 31 octobre 2015, p. 103291, et rectificatif, BOE no 36, du 11 février 2016, p. 10898.


5      BOE no 312, du 30 décembre 2015, ci-après le « décret royal 1170/2015 ».


6      Ces dates ont été fournies par la juridiction de renvoi. Selon l’INSS et la Commission, la décision de rejet a été émise au mois de mars 2017.


7      Respectivement d’Orense et de La Corogne.


8      Sous réserve qu’elles répondent aux autres critères fixés par la législation espagnole. La juridiction de renvoi a précisé que ces autres critères ne sont pas en cause dans l’affaire au principal. Ce chiffre a été fourni par la juridiction de renvoi dans les deux affaires jointes (C‑398/18 et C‑428/18).


9      Voir article 52 du règlement no 883/2004, sur la méthode de calcul de la valeur théorique.


10      Voir, par analogie, arrêt du 7 décembre 2017 (C‑189/16, EU:C:2017:946, points 38 à 40 et jurisprudence citée).


11      Voir arrêt du 7 décembre 2017, Zaniewicz-Dybeck (C‑189/16, EU:C:2017:946, point 47).


12      MM. Bocero Torrico et. Bode ont précisé que cette condition a été imposée par la législation espagnole afin de garantir la viabilité du système public de prestations de vieillesse.


13      Article 208, paragraphe 1, sous c), de la loi générale sur la sécurité sociale.


14      Dès lors, MM. Bocero Torrico et. Bode ne contestent pas le droit du Royaume d’Espagne d’imposer des exigences concernant le montant minimal de la prestation qu’une personne recevrait pour pouvoir prétendre à une prestation anticipée de vieillesse.


15      Voir arrêt du 3 mars 2011, Tomaszewska (C‑440/09, EU:C:2011:114, point 22 et jurisprudence citée).


16      Voir, également, article 45, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) nº 118/97, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1, ci-après « le règlement nº 1408/71 »).


17      Voir, également, articles 46 et suivants du règlement no 1408/71.


18      Il s’agit de l’un des principes de base de la coordination, au niveau de l’Union, des régimes de sécurité sociale des États membres, tendant à garantir que l’exercice du droit à la liberté de circulation que confère le TFUE n’ait pas pour effet de priver un travailleur d’avantages de sécurité sociale auxquels il aurait pu prétendre s’il avait accompli toute sa carrière dans un seul État membre. Une telle conséquence pourrait dissuader le travailleur de l’Union d’exercer son droit à la liberté de circulation et constituerait, dès lors, une entrave à cette liberté (voir arrêt du 3 mars 2011, Tomaszewska, C‑440/09, EU:C:2011:114, point 30).


19      Voir arrêt du 7 décembre 2017, Zaniewicz-Dybeck (C‑189/16, EU:C:2017:946, point 41).


20      Voir arrêt du 7 décembre 2017, Zaniewicz-Dybeck (C‑189/16, EU:C:2017:946, point 42)


21      Le montant théorique n’a donc pas, en soi, de pertinence indépendante.


22      La portée limitée des règles de calcul des prestations établies à l’article 46, paragraphe 2, du règlement no 1408/71 [à présent l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 883/2004] a été soulignée par la Cour dans son arrêt du 7 décembre 2017, Zaniewicz-Dybeck (C‑189/16, EU:C:2017:946). En effet, la Cour a déclaré que cette disposition ne pouvait pas être utilisée pour calculer le montant d’une prestation minimale de vieillesse, car ce calcul doit être effectué conformément à l’article 50 du règlement no 1408/71 (devenu l’article 58 du règlement no 883/2004).


23      Dès lors, il est pertinent aux fins de l’article 208, paragraphe 1, sous b), de la loi générale sur la sécurité sociale et du calcul de la période minimale de cotisation de 35 ans. Dans l’affaire au principal, les périodes de cotisation de MM. Bocero Torrico et Bode en Espagne et en Allemagne doivent être totalisées aux fins de satisfaire à cette condition.


24      Le règlement no 1408/71 ne contenait pas de disposition équivalente à l’article 5 du règlement no 883/2004. Je suis d’avis que cet article 5 se borne à préciser le principe d’égalité de traitement énoncé à l’article 4 de ce règlement. La finalité dudit article 5 est de garantir que l’exercice du droit à la liberté de circulation n’ait pas pour effet de priver un travailleur d’avantages de sécurité sociale auxquels il aurait pu prétendre s’il avait accompli toute sa carrière dans un seul État membre. Il ressort clairement du considérant 9 du règlement no 883/2004 que l’assimilation ou l’égalité de traitement de prestations, de revenus, de faits ou d’événements dans un autre État membre en vertu de l’article 5 de ce règlement est une codification explicite du principe d’assimilation de prestations, de revenus, de faits ou d’événements établi dans de nombreux arrêts de la Cour. Le premier arrêt de la Cour fondé sur l’article 5 du règlement no 883/2004 est l’arrêt du 21 janvier 2016, Vorarlberger Gebietskrankenkasse et Knauer (C‑453/14, EU:C:2016:37).


25      Les considérants 10 à 12 du règlement no 883/2004 précisent que le principe d’assimilation ou d’égalité de traitement établi à l’article 5 de ce règlement est soumis à certaines limitations.


26      Au point 68 de l’arrêt du 28 avril 2004, Öztürk (C‑373/02, EU:C:2004:232), la Cour a conclu que le principe d’égalité de traitement prévu à l’article 3, paragraphe 1, de la décision no 3/80 du Conseil d’association du 19 septembre 1980 relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille (JO 1983, C 110, p. 60), doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application de la législation d’un État membre qui subordonne l’ouverture du droit à une pension de vieillesse anticipée pour cause de chômage à la condition que l’intéressé ait bénéficié, pendant une certaine période précédant la demande de pension, de prestations de l’assurance chômage dudit État membre uniquement. Je suis d’avis qu’aux fins de l’article 5, sous a), du règlement no 883/2004, on ne saurait percevoir de différence juridique significative entre l’exigence relative à la perception d’une prestation particulière et l’exigence relative à la perception d’un certain montant sur cette prestation. Voir, également, arrêt du 7 mars 1991, Masgio (C‑10/90, EU:C:1991:107), qui examine le principe d’égalité de traitement et les effets juridiques du montant d’une prestation. Au point 25 de cet arrêt, la Cour a conclu qu’« un travailleur migrant qui bénéficie d’une pension de vieillesse prévue par la législation d’un État membre et de prestations au titre d’une assurance contre les accidents versées par une institution d’un autre État membre [ne saurait faire], lors du calcul de la part des prestations devant être suspendue en application des dispositions nationales du premier État, l’objet d’un traitement moins favorable qu’un travailleur qui, n’ayant pas fait usage du droit de libre circulation, bénéficie des deux prestations au titre de la législation d’un même État membre ».


27      Voir, par analogie, arrêts du 7 juin 1988, Roviello (20/85, EU:C:1988:283, point 18) et du 18 décembre 2014, Larcher (C‑523/13, EU:C:2014:2458, point 46).


28      Voir article 1er, sous x), et article 3, sous d), du règlement no 883/2004. En vertu de l’article 1er, sous x), de ce règlement, le terme « prestation anticipée de vieillesse » « désigne une prestation servie avant que l’intéressé ait atteint l’âge normal pour accéder au droit à la pension et qui, soit continue à être servie une fois que cet âge est atteint, soit est remplacée par une autre prestation de vieillesse ».


29      Voir article 1er, sous x), et article 3, sous d), du règlement no 883/2004.


30      Voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2016, Vorarlberger Gebietskrankenkasse et Knauer (C‑453/14, EU:C:2016:37, point 35).


31      Voir point 23 des présentes conclusions.


32      Voir arrêt du 7 décembre 2017, Zaniewicz-Dybeck (C‑189/16, EU:C:2017:946, point 59), qui précise que, « lors du calcul des droits à une prestation minimale telle que la pension garantie en cause au principal, [l’article 58 du règlement no 883/2004] prévoit spécifiquement la prise en compte du montant effectif des pensions de retraite que l’intéressé perçoit d’un autre État membre ».