Language of document : ECLI:EU:F:2009:58

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

11 juin 2009 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recours – Réclamation administrative préalable – Réponse d’attente – Erreur excusable – Absence – Décision implicite de rejet – Réclamation tardive – Irrecevabilité – Arrêt d’une juridiction communautaire – Fait nouveau substantiel – Absence »

Dans l’affaire F‑72/08,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Michalis Ketselidis, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me S. A. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. D. Martin et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. P. Mahoney (rapporteur), président, H. Kreppel et S. Van Raepenbusch, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 25 août 2008 par télécopie (l’original ayant été déposé le 27 août suivant), M. Ketselidis demande l’annulation de la décision implicite par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté sa demande tendant à un nouveau calcul de ses annuités de pension résultant du transfert, vers le régime communautaire, de l’équivalent actuariel des droits à pension qu’il a acquis en Grèce.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction en vigueur antérieurement au 1er mai 2004 (ci-après l’« ancien statut ») :

« Le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

–        exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, au moment de sa titularisation, de faire verser aux Communautés, soit l’équivalent actuariel, soit le forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, compte tenu du grade de titularisation, le nombre des annuités qu’elle prend en compte d’après son propre régime au titre de la période de service antérieur sur la base du montant de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat. »

3        Aux termes de l’article 4, paragraphe 4, des dispositions générales d’exécution de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de l’ancien statut, telles que modifiées par décisions de la Commission des Communautés européennes des 4 février 1972 et 16 mars 1977 (Informations administratives n° 789, du 16 avril 1993, ci-après les « DGE »), « [l]e montant transféré au compte des [C]ommunautés dans une monnaie autre que le franc belge est – pour la détermination du nombre d’annuités – converti en francs belges conformément aux modalités suivantes : […] pour le fonctionnaire titularisé après le 31 décembre 1971 […] le montant transféré est […] [converti] sur la base du taux actualisé moyen fixé par la Commission pour la période du 1er janvier 1972 jusqu’à la date de la titularisation du fonctionnaire ».

4        Dans l’affaire Chatziioannidou/Commission (arrêt du Tribunal du 14 novembre 2006, Chatziioannidou/Commission, F‑100/05, RecFP p. I‑A‑1‑129 et II‑A‑1‑487, ci-après l’« arrêt Chatziioannidou/Commission »), la Commission faisait valoir que l’introduction de l’euro aurait eu pour conséquence économique et logique inévitable l’inapplicabilité de l’article 4, paragraphe 4, des DGE. Elle aurait ainsi été tenue d’abandonner le mécanisme de change moyen qu’elle avait jusqu’alors appliqué, celui-ci étant frappé de caducité.

5        Le Tribunal a rejeté cette argumentation en considérant que la Commission avait ainsi méconnu les dispositions du règlement (CE) n° 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l’introduction de l’euro (JO L 162, p. 1), qui visent à garantir que l’introduction de l’euro s’effectue, au nom du principe de sécurité juridique, dans la plus grande neutralité possible (arrêt Chatziioannidou/Commission, point 36).

6        Par conséquent, le Tribunal a annulé les décisions de la Commission portant calcul de la bonification d’annuités de pension résultant du transfert vers le régime communautaire de l’équivalent actuariel des droits à pension acquis en Grèce par la requérante, Mme Chatziioannidou.

7        La Commission a introduit un pourvoi à l’encontre de l’arrêt Chatziioannidou/Commission le 26 janvier 2007.

8        Par arrêt du 12 septembre 2007, Commission/Chatziioannidou (T‑20/07 P, RecFP p. I‑B‑1‑0000 et II‑B‑1‑0000, ci-après l’« arrêt Commission/Chatziioannidou »), le Tribunal de première instance des Communautés européennes a rejeté le pourvoi introduit par la Commission à l’encontre de l’arrêt Chatziioannidou/Commission.

 Faits à l’origine du litige

9        Le requérant, de nationalité grecque, est entré au service de la Commission le 16 mars 1997, en tant qu’agent temporaire. Il a été nommé fonctionnaire stagiaire le 16 décembre 2003 et a été titularisé le 16 septembre 2004.

10      Le 2 octobre 2003, le requérant a sollicité, au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de l’ancien statut, le transfert, vers le régime communautaire de pension, des droits à pension acquis, avant son entrée en service à la Commission, auprès de deux organismes de pension en Grèce (TSMEDE et ELPP).

11      Par une note du 7 février 2005, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission a communiqué au requérant la bonification d’annuités qui résulterait du transfert de ses droits acquis auprès des deux organismes de pension en Grèce. Ces bonifications ont été calculées à partir des montants transférables notifiés par les organismes en cause. Le 5 avril 2005, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er mai 2004 (ci-après le « statut »), à l’encontre de la note du 7 février 2005. La réclamation du requérant a été rejetée par décision de l’AIPN du 5 juillet 2005, notifiée à l’intéressé le 12 juillet suivant. Le requérant n’a pas introduit de recours contentieux à l’encontre de cette dernière décision.

12      Par note du 15 juin 2007, le requérant a sollicité la révision du calcul des annuités de pension résultant du transfert de ses droits à pension, en faisant valoir que l’arrêt Chatziioannidou/Commission constituerait un fait nouveau substantiel justifiant le réexamen de sa situation.

13      Par note du 12 octobre 2007, le chef de l’unité « Pensions » du PMO a informé le requérant que le service juridique de l’institution avait été consulté sur la portée des arrêts Chatziioannidou/Commission et Commission/Chatziioannidou. Il indiquait également au requérant que, dans un souci de bonne administration, la demande de celui-ci serait examinée, en tenant compte de sa spécificité, dès que son service disposerait des résultats de cette consultation, et qu’il tiendrait le requérant informé dès qu’une décision serait prise à son égard.

14      Le 11 février 2008, le requérant a introduit une réclamation auprès de l’AIPN sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

15      Par décision du 23 mai 2008, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant, au motif que les arrêts Chatziioannidou/Commission et Commission/Chatziioannidou ne constitueraient pas un fait nouveau substantiel justifiant un réexamen de la situation de l’intéressé.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 13 octobre 2008, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité sur le fondement de l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure.

17      Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 27 novembre 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 1er décembre suivant), le requérant a fait valoir ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

18      Par un courrier en date du 9 février 2009, le Tribunal a informé les parties qu’il envisageait de soulever d’office, sur le fondement de l’article 77 du règlement de procédure, la fin de non-recevoir d’ordre public tirée de la tardiveté de la réclamation du 7 février 2008.

19      Le 13 février 2009, la Commission a déposé ses observations écrites sur la fin de non-recevoir d’ordre public relevée par le Tribunal. Dans ses observations, la Commission soutient que la réclamation introduite le 11 février 2008 serait tardive, dans la mesure où le délai de trois mois prévu par l’article 90, paragraphe 1, du statut pour introduire une telle réclamation aurait expiré le 15 janvier 2008.

20      Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 20 février 2009 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 25 février suivant), le requérant a formulé ses observations sur la fin de non-recevoir relevée par le Tribunal. Le requérant fait valoir que, suite à la note du 12 octobre 2007, il ne pouvait pas se permettre de former une plainte contre une administration qui lui avait montré son intention de régler son affaire « en tenant compte de sa spécificité », et qui lui demandait plus de temps en raison de la complexité de sa demande. Vu la réponse de l’administration, qui demandait au requérant de bien vouloir patienter, et l’engagement de celle-ci de se prononcer dès qu’elle disposerait du résultat de la consultation du service juridique de l’institution, le requérant dans un esprit de confiance, aurait considéré que le délai de quatre mois prévu par l’article 90, paragraphe 1, du statut aurait été interrompu. En tout état de cause, une réclamation introduite à ce stade aurait risqué d’être rejetée comme inadmissible en tant que prématurée. Le requérant aurait donc attendu l’écoulement d’un délai de deux mois à compter du courrier du 12 octobre 2007. À l’expiration de ce délai, se serait formée une décision implicite de rejet, conformément à l’article 232 CE. Sa réclamation du 7 février 2008 aurait donc été introduite dans les délais.

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer l’exception d’irrecevabilité inadmissible ou non fondée ;

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler la décision implicite de rejet de sa demande ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

23      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou de certaines de ses conclusions ou lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

24      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Arguments des parties

 Arguments de la Commission

25      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission soulève deux fins de non-recevoir.

26      La Commission estime, premièrement, que la requête ne contiendrait pas les moyens invoqués au soutien du recours, en violation de l’article 35 du règlement de procédure.

27      La Commission fait valoir, deuxièmement, que la requête serait irrecevable en raison de sa tardiveté. Selon elle, l’arrêt Chatziioannidou/Commission ne saurait constituer un fait nouveau substantiel justifiant le réexamen de la situation du requérant. En effet, selon la jurisprudence, les effets juridiques d’un arrêt annulant un acte ne se rapporteraient, outre aux parties, qu’aux personnes directement concernées par l’acte annulé lui-même. Dès lors, un arrêt ne serait susceptible de constituer un fait nouveau qu’à l’égard de ces personnes. Un arrêt ne saurait être invoqué par ceux qui ont omis de faire usage, dans les délais, des possibilités de recours qui leur étaient offertes par le statut.

 Arguments du requérant

28      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant fait valoir que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission par acte séparé, en application de l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure, serait irrecevable. En effet, cet article exigerait que la partie défenderesse n’engage pas le débat au fond. Or, en l’espèce, les arguments soulevés par la Commission au soutien de son exception d’irrecevabilité seraient indissociablement liés au fond de l’affaire. Il ne serait pas possible d’examiner la question de savoir si l’arrêt Chatziioannidou/Commission constitue un fait nouveau substantiel à l’égard du requérant sans examiner le fond du litige.

29      S’agissant de la fin de non-recevoir tirée du non-respect des conditions de recevabilité prévues par l’article 35 du règlement de procédure, le requérant rétorque qu’il résulterait à l’évidence de la requête qu’il aurait soulevé un moyen tiré de la violation du règlement n° 1103/97, ainsi que les moyens tirés de la méconnaissance des principes de bonne administration, d’égalité de traitement, et du devoir de sollicitude qui incombe à l’administration.

30      S’agissant de la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête, le requérant objecte que l’arrêt Chatziioannidou/Commission constituerait un fait nouveau substantiel justifiant le réexamen de sa situation. Il estime, plus largement, que, en vertu des principes de bonne administration et d’égalité de traitement ainsi que du devoir de sollicitude, la Commission aurait dû, à la suite des arrêts Chatziioannidou/Commission et Commission/Chatziioannidou, retirer, de sa propre initiative, toutes les décisions illégales qu’elle avait adoptées. Le bénéfice de la jurisprudence résultant des arrêts susmentionnés aurait dû être étendu à l’ensemble des fonctionnaires se trouvant dans une situation identique à celle de la requérante dans l’affaire F‑100/05.

 Appréciation du Tribunal

 Remarques préliminaires

31      En premier lieu, il convient de constater que le Tribunal n’a pas à statuer sur les conclusions du requérant tendant à ce que le Tribunal déclare l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission irrecevable, dans la mesure où il est fait application dans la présente ordonnance de l’article 76 du règlement de procédure, et non de l’article 78 dudit règlement.

32      En deuxième lieu, il importe de rappeler les conditions qui doivent être réunies pour qu’un fonctionnaire puisse demander le réexamen d’une décision le concernant devenue définitive.

33      Selon la jurisprudence, les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut, étant destinés à assurer la sécurité des situations juridiques, sont d’ordre public et s’imposent aux parties et au juge. Dès lors, un fonctionnaire ne saurait, en saisissant l’AIPN d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, faire renaître, à son profit, un droit de recours contre une décision devenue définitive à l’expiration des délais de recours (arrêts du Tribunal de première instance du 22 septembre 1994, Carrer e.a./Cour de justice, T‑495/93, RecFP p. I‑A‑201 et II‑651, point 20, et du 14 juillet 1998, Lebedef/Commission, T‑42/97, RecFP p. I‑A‑371 et II‑1071, point 25).

34      Toutefois, l’existence d’un fait nouveau et substantiel peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une telle décision (voir, notamment, arrêt de la Cour du 26 septembre 1985, Valentini/Commission, 231/84, Rec. p. 3027, point 14).

35      Selon les exigences de la jurisprudence, le fait concerné doit être susceptible de modifier de façon substantielle la situation de celui qui entend obtenir le réexamen d’une décision devenue définitive (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 novembre 1986, Becker/Commission, 232/85, Rec. p. 3401, point 10 ; arrêt du Tribunal de première instance du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, Rec. p. II‑557, point 51).

36      En outre, pour pouvoir utilement invoquer un fait nouveau et substantiel, il incombe au fonctionnaire d’introduire sa demande administrative dans un délai raisonnable. L’intérêt du fonctionnaire à demander l’adaptation de sa situation administrative à une nouvelle réglementation doit, en effet, être mis en balance avec l’impératif de sécurité juridique (ordonnance du Tribunal de première instance du 25 mars 1998, Koopman/Commission, T‑202/97, RecFP p. I‑A‑163 et II‑511, point 24 ; arrêt du Tribunal du 16 janvier 2007, Genette/Commission, F‑92/05, RecFP p. I‑A‑1‑1 et II‑A‑1‑1, point 62).

37      En troisième lieu, il convient de préciser l’objet du litige.

38      À cet égard, il doit être constaté que le requérant demande l’annulation de la décision implicite de rejet par laquelle la Commission a refusé de faire droit à sa demande tendant à ce que soit réexaminée la décision fixant les annuités de pension résultant du transfert, vers le régime communautaire, de l’équivalent actuariel des droits à pension qu’il a acquis en Grèce. La demande du requérant se distingue donc d’une demande qui tendrait à l’annulation de cette dernière décision.

39      Par conséquent, l’objet du litige réside simplement dans la question de savoir si le requérant avait droit, à la suite de l’arrêt Chatziioannidou/Commission, à un réexamen de la décision fixant les annuités de pension résultant du transfert de l’équivalent actuariel de ses droits à pension acquis en Grèce.

40      C’est au regard de l’objet du litige tel qu’ainsi défini qu’il convient d’examiner si le recours est recevable.

41      S’agissant des deux conditions cumulatives qui doivent être réunies pour qu’un fonctionnaire ou agent puisse obtenir le réexamen d’une décision le concernant devenue définitive, à savoir l’existence d’un fait nouveau substantiel et l’introduction d’une demande dans un délai raisonnable, il y a lieu de préciser que la première de ces conditions a trait au fond de la demande, tandis que la seconde concerne la recevabilité de celle-ci.

42      Il est vrai que, dans des cas similaires, dans lesquels l’institution défenderesse avait introduit par acte séparé une exception fondée sur l’irrecevabilité du recours au regard des délais, c’est dans le cadre de l’examen de ladite exception que le Tribunal de première instance a analysé la question de savoir si un arrêt constituait un fait nouveau substantiel à l’égard des fonctionnaires concernés (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal de première instance du 11 juillet 1997, Chauvin/Commission, T‑16/97, RecFP p. I‑A‑237 et II‑681 ; du 19 août 1998, Gevaert/Commission, T‑160/97, RecFP p. I‑A‑465 et II‑1363, et du 11 décembre 2001, Stols/Conseil, T‑99/97, RecFP p. I‑A‑233 et II‑1061).

43      Toutefois, une telle analyse est concevable uniquement lorsque la juridiction communautaire constate que le fait invoqué par le requérant ne peut pas être qualifié de nouveau et substantiel.

44      En effet, si, au terme de son analyse relative à la question de savoir si un fait invoqué par un requérant constitue un fait nouveau substantiel, le Tribunal donnait une réponse positive à cette question et jugeait le recours par conséquent recevable, il ne resterait plus rien à juger s’agissant du fond du litige.

45      L’existence d’un fait nouveau substantiel ne peut donc pas être analysée comme une condition de recevabilité d’une demande tendant à l’annulation d’une décision ayant refusé le réexamen d’une décision administrative individuelle, mais doit être analysée comme une condition de fond pour qu’il soit fait droit à une telle demande. Parmi les deux conditions requises par la jurisprudence pour autoriser le réexamen d’une décision administrative devenue définitive, seule la condition selon laquelle la demande tendant au réexamen doit être présentée dans un délai raisonnable à compter du fait que le requérant invoque comme étant nouveau et substantiel est une condition de recevabilité de la demande, à laquelle il convient d’ajouter le respect de la procédure précontentieuse, telle qu’organisée aux articles 90 et 91 du statut et, notamment, le respect des délais prescrits.

 Sur la recevabilité

46      Sans qu’il soit besoin d’examiner si la demande du requérant du 15 juin 2007, introduite environ sept mois après le prononcé de l’arrêt Chatziioannidou/Commission le 14 novembre 2006, a été présentée dans un délai raisonnable, il y a lieu d’examiner d’office si la réclamation introduite par le requérant à l’encontre du rejet de sa demande l’a été dans le respect du délai de trois mois visé à l’article 90, paragraphe 2, du statut. Le Tribunal ne peut que constater que tel n’a pas été le cas en l’espèce.

47      En vertu de l’article 91, paragraphe 2, du statut, un recours n’est recevable que si l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut dans le délai de trois mois prévu par cet article.

48      Selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours, visés aux articles 90 et 91 du statut, sont d’ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties et du juge à qui il appartient de vérifier, même d’office, s’ils sont respectés. Ces délais répondent à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, notamment, arrêts de la Cour du 7 juillet 1971, Müllers/CES, 79/70, Rec. p. 689, point 18, et du 29 juin 2000, Politi/Fondation européenne pour la formation, C‑154/99 P, Rec. p. I‑5019, point 15 ; ordonnance du Tribunal du 15 mai 2006, Schmit/Commission, F‑3/05, RecFP p. I‑A‑1‑9 et II‑A‑1‑33, point 24).

49      En l’espèce, le requérant a introduit sa demande de réexamen le 15 juin 2007. Ainsi, le délai de quatre mois dont disposait l’AIPN pour prendre position sur la demande de l’intéressé, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, expirait normalement le 15 octobre 2007.

50      Toutefois, par note du 12 octobre 2007, le chef de l’unité « Pensions » du PMO a indiqué au requérant que, dans un souci de bonne administration, la demande de celui-ci serait examinée, « en tenant compte de sa spécificité », dès que son service disposerait des résultats de la consultation du service juridique relative à la portée des arrêts Chatziioannidou/Commission et Commission/Chatziioannidou, et qu’il tiendrait le requérant informé dès qu’une décision serait prise à son égard.

51      Le requérant fait valoir à ce sujet qu’il ne pouvait raisonnablement pas introduire une réclamation envers une administration qui, dans sa note du 12 octobre 2007, lui indiquait avoir besoin de plus de temps pour traiter son dossier et, qui plus est, manifestait sa volonté de traiter ce dossier « en tenant compte de sa spécificité ». Ainsi, au vu de la note du 12 octobre 2007, le requérant aurait considéré que le délai de quatre mois prévu par l’article 90, paragraphe 1, du statut aurait été interrompu. Le requérant aurait ensuite attendu l’écoulement d’un délai de deux mois à compter de la note du 12 octobre 2007. À l’expiration de ce délai, se serait formée une décision implicite de rejet, conformément à l’article 232 CE. La réclamation du 7 février 2008 aurait donc été introduite de manière régulière.

52      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la communication signalant qu’une demande introduite au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut est à l’étude et que les services de l’institution concernée ne sont pas encore parvenus à une conclusion définitive ne produit aucun effet juridique et n’est pas de nature, en particulier, à prolonger les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut. Il ne saurait appartenir aux parties de prolonger à leur convenance les délais prévus par l’article 91 du statut, ceux-ci étant d’ordre public et leur respect rigoureux étant de nature à assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 juin 1965, Müller/Conseils, 43/64, Rec. p. 499, et du 17 février 1972, Richez-Parise/Commission, 40/71, Rec. p. 73, points 8 et 9).

53      Par ailleurs, doit être écarté l’argument du requérant selon lequel, à compter du 12 octobre 2007, l’administration aurait bénéficié d’un délai de deux mois pour prendre position, conformément à l’article 232 CE, relatif au recours en carence des institutions. En effet, conformément au principe de l’autonomie du contentieux de la fonction publique communautaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, Rec. p. 1171, point 7), cette disposition du traité n’est pas applicable au litige entre un fonctionnaire et son institution, qui est régi par l’article 236 CE.

54      Une décision implicite de rejet de la demande du requérant est donc intervenue le 15 octobre 2007. Ainsi, le requérant disposait d’un délai allant jusqu’au 15 janvier 2008 pour introduire une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre de ladite décision. Or, le requérant n’a introduit sa réclamation que le 11 février 2008.

55      Certes, la jurisprudence admet que la méconnaissance des règles en matière de délais de réclamation et de recours peut ne pas conduire au rejet de la requête pour irrecevabilité, dans les cas où cette méconnaissance est due à une erreur excusable de la part du fonctionnaire. Conformément à cette jurisprudence, la notion d’erreur excusable ne peut cependant viser que des circonstances exceptionnelles (arrêt de la Cour du 15 mai 2003, Pitsiorlas/Conseil et BCE, C‑193/01 P, Rec. p. I‑4837, point 22 ; arrêt du Tribunal de première instance du 10 avril 2003, Robert/Parlement, T‑186/01, RecFP p. I‑A‑131 et II‑631, point 54), notamment celles dans lesquelles l’institution aurait adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’une personne normalement avertie (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p. I‑A‑43 et II‑167, point 40).

56      Le requérant ne soutient pas expressément avoir été induit en une erreur excusable par la note de l’administration datée du 12 octobre 2007. Néanmoins, dans la mesure où l’argumentation du requérant pourrait être considérée comme revenant, en substance, à évoquer un tel argument, il y a lieu d’examiner, en tout état de cause, si tel n’a pas été le cas.

57      En l’espèce, admettre le caractère excusable de l’erreur commise par le requérant reviendrait à priver d’effet la jurisprudence établie selon laquelle la communication signalant qu’une demande est à l’étude ne produit aucun effet juridique et, en particulier, n’est pas de nature à prolonger les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut.

58      Dès lors, compte tenu de l’interprétation restrictive que fait la jurisprudence de la notion d’erreur excusable, un tel argument n’est pas susceptible de prospérer dans les circonstances particulières de l’espèce.

59      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet du 15 octobre 2007 doivent être rejetées comme manifestement irrecevables en raison de la tardiveté de la réclamation.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

61      Il résulte des motifs ci-dessus énoncés que le requérant est la partie qui succombe. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé qu’il soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      M. Ketselidis est condamné à supporter l’ensemble des dépens.

Fait à Luxembourg, le 11 juin 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.