Language of document : ECLI:EU:F:2011:150

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

26 septembre 2011 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Nomination – Article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut – Concours internes de passage de catégorie publiés avant le 1er mai 2004 – Candidats inscrits sur les listes de réserve avant le 1er mai 2006 – Classement en grade – Application d’un facteur de multiplication inférieur à 1 – Perte des points de promotion »

Dans l’affaire F‑29/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Andres Arnaldos Rosauro, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), et les cinq autres fonctionnaires dont les noms figurent en annexe, représentés initialement par Mes S. Rodrigues et A. Jaume, puis par Me S. Rodrigues, et, en dernier lieu, par Mes S. Rodrigues, A. Blot et C. Bernard-Glanz, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et H. Krämer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, M. H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 février 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 13 mars 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 20 mars suivant), M. Arnaldos Rosauro et cinq autres fonctionnaires de la Commission européenne, lauréats de concours internes de passage de catégorie dont les avis ont été publiés avant le 1er mai 2004, demandent principalement l’annulation des décisions les nommant dans la catégorie supérieure, en tant qu’elles fixent leur classement en grade.

 Cadre juridique

2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut » ou le « nouveau statut »), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, est entré en vigueur le 1er mai 2004. Ces dispositions ont remplacé celles qui étaient applicables jusqu’au 30 avril 2004 (ci-après l’« ancien statut »).

3        Le règlement no 723/2004 a introduit un nouveau système de carrières dans la fonction publique européenne en substituant les nouveaux groupes de fonctions d’administrateurs (AD) et d’assistants (AST) aux anciennes catégories de fonctionnaires A, B, C et D. Afin de faciliter le passage à ce nouveau système, le nouveau statut est doté d’une annexe, l’annexe XIII, qui prévoit, pour une période transitoire allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2006 (ci-après la « période transitoire »), des nouvelles catégories « intermédiaires » A*, B*, C* et D*.

4        L’article 31, paragraphe 1, de l’ancien statut dispose :

« Les candidats […] sont nommés :

–        fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique : au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre,

–        fonctionnaires des autres catégories : au grade de base correspondant à l’emploi pour lequel ils ont été recrutés. »

5        Aux termes de l’article 5, paragraphe 5, du nouveau statut :

« Les fonctionnaires appartenant au même groupe de fonctions sont soumis à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière. »

6        L’article 31, paragraphe 1, du nouveau statut énonce désormais ce qui suit :

« Les candidats […] sont nommés au grade du groupe de fonctions indiqué dans l’avis du concours auquel ils ont été reçus. »

7        Aux termes de l’article 45 bis du nouveau statut :

« 1. Par dérogation à l’article 5, paragraphe 3, [sous] b) et c), tout fonctionnaire du groupe de fonctions AST peut, à partir du grade 5, être nommé à un emploi du groupe de fonctions AD, à condition :

a)       qu’il ait été sélectionné conformément à la procédure prévue au paragraphe 2 du présent article pour participer à un programme de formation obligatoire tel que visé au […] présent paragraphe[, sous b)] ;

b)       qu’il ait suivi un programme de formation défini par l’autorité investie du pouvoir de nomination et comprenant une série de modules de formation obligatoires, et

c)       qu’il figure sur la liste, arrêtée par l’autorité investie du pouvoir de nomination, des candidats qui ont réussi une épreuve écrite et une épreuve orale attestant qu’il a suivi avec succès le programme de formation visé au […] présent paragraphe[, sous b)]. La teneur de ces épreuves est déterminée conformément à l’article 7, paragraphe 2, [sous] c), de l’annexe III.

[…]

3. La nomination à un poste du groupe de fonctions AD ne modifie ni le grade ni l’échelon atteints par le fonctionnaire au moment de sa nomination.

[…] »

8        Aux termes de l’article premier de l’annexe XIII du nouveau statut :

« 1. Pendant la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, les paragraphes 1 et 2 de l’article 5 du statut sont remplacés par le texte suivant :

‘1. Les emplois relevant du statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A*, B*, C*, D*.

2. La catégorie A* comprend douze grades, la catégorie B* neuf grades, la catégorie C* sept grades et la catégorie D* cinq grades.’

2. Toute référence à la date de recrutement s’entend comme faite à la date d’entrée en service. »

9        Selon l’article 2 de l’annexe XIII du statut :

« 1. Le 1er mai 2004 et sous réserve de l’article 8 de la présente annexe, les grades des fonctionnaires placés dans l’une des positions visées à l’article 35 du statut sont renommés comme suit :

Ancien
grade

Nouveau grade
(intermédiaire)

Ancien
grade

Nouveau grade
(intermédiaire)

Ancien
grade

Nouveau grade
(intermédiaire)

Ancien
grade

Nouveau grade
(intermédiaire)

A 1

A*16

      

A 2

A*15

      

A 3/LA 3

A*14

      

A 4/LA 4

A*12

      

A 5/LA 5

A*11

      

A 6/LA 6

A*10

B 1

B*10

    

A 7/LA 7

A*8

B 2

B*8

    

A 8/LA 8

A*7

B 3

B*7

C 1

C*6

  
  

B 4

B*6

C 2

C*5

  
  

B 5

B*5

C 3

C*4

D 1

D*4

    

C 4

C*3

D 2

D*3

    

C 5

C*2

D 3

D*2

      

D 4

D*1


2. Sous réserve des dispositions prévues à l’article 7 de la présente annexe, le traitement mensuel de base est fixé pour chaque grade et chaque échelon conformément aux tableaux suivants (montants en euros)

Catégorie A […]

anciens grades

nouveaux grades intermédiaires

1

2

3

4

5

6

7

8

A 1

A*16

14822,86

15445,74

16094,79

16094,79

16094,79

16094,79

  
  

12717,09

13392,63

14068,17

14743,71

15419,25

16094,79

  
  

0,8579377

0,8670760

0,8740822

0,9160548

0,9580274

1,0

  

A 2

A*15

13100,93

13651,45

14225,11

14620,87

14822,86

15445,74

  
  

11285,38

11930,01

12574,64

13219,27

13863,90

14508,53

  
  

0,8614182

0,8739006

0,8839749

0,9041370

0,9353053

0,9393224

  

A 3

A*14

11579,04

12065,60

12572,62

12922,41

13100,93

13651,45

14225,11

14822,86

  

9346,34

9910,20

10474,06

11037,92

11601,78

12165,64

12729,50

13293,36

  

0,8071775

0,8213599

0,8330849

0,8541688

0,8855692

0,8911610

0,8948613

0,8968148

 

A*13

10233,93

10663,98

11112,09

11421,25

11579,04

   

A 4

A*12

9045,09

9425,17

9821,23

10094,47

10233,93

10663,98

11112,09

11579,04

  

7851,92

8292,03

8732,14

9172,25

9612,36

10052,47

10492,58

10932,69

  

0,8680864

0,8797751

0,8891086

0,9086411

0,9392638

0,9426565

0,9442490

0,9441793

A 5

A*11

7994,35

8330,28

8680,33

8921,83

9045,09

9425,17

9821,23

10233,93

  

6473,51

6857,02

7240,53

7624,04

8007,55

8391,06

8774,57

9158,08

  

0,8097606

0,8231440

0,8341307

0,8545377

0,8852925

0,8902821

0,8934288

0,8948742

A 6

A*10

7065,67

7362,57

7671,96

7885,41

7994,35

8330,28

8680,33

9045,09

  

5594,32

5899,56

6204,80

6510,04

6815,28

7120,52

7425,76

7731,00

  

0,7917607

0,8012909

0,8087633

0,8255804

0,8525121

0,8547756

0,8554698

0,8547179

 

A*9

6244,87

6507,29

6780,73

6969,38

7065,67

   

A 7

A*8

5519,42

5751,35

5993,03

6159,77

6244,87

6507,29

  
  

4815,59

5055,21

5294,83

5534,45

5774,07

6013,69

  
  

0,8724812

0,8789606

0,8834980

0,8984832

0,9246101

0,9241466

  

A 8

A*7

4878,24

5083,24

5296,84

5444,21

5519,42

   
  

4258,95

4430,71

      
  

0,8730505

0,8716311

      
 

A*6

4311,55

4492,73

4681,52

4811,77

4878,24

   
 

A*5

3810,69

3970,82

4137,68

4252,80

4311,55

   


Catégorie B […]

anciens grades

nouveaux grades intermédiaires

1

2

3

4

5

6

7

8

 

B*11

7994,35

8330,28

8680,33

8921,83

9045,09

   

B 1

B*10

7065,67

7362,57

7671,96

7885,41

7994,35

8330,28

8680,33

9045,09

  

5594,32

5899,56

6204,80

6510,04

6815,28

7120,52

7425,76

7731,00

  

0,7917607

0,8012909

0,8087633

0,8255804

0,8525121

0,8547756

0,8554698

0,8547179

 

B*9

6244,87

6507,29

6780,73

6969,38

7065,67

   

B 2

B*8

5519,42

5751,35

5993,03

6159,77

6244,87

6507,29

6780,73

7065,67

  

4847,05

5074,29

5301,53

5528,77

5756,01

5983,25

6210,49

6437,73

  

0,8781810

0,8822781

0,8846160

0,8975611

0,9217181

0,9194688

0,9159029

0,9111280

B 3

B*7

4878,24

5083,24

5296,84

5444,21

5519,42

5751,35

5993,03

6244,87

  

4065,67

4254,62

4443,57

4632,52

4821,47

5010,42

5199,37

5388,32

  

0,8334297

0,8369898

0,8389096

0,8509077

0,8735465

0,8711729

0,8675695

0,8628394

B 4

B*6

4311,55

4492,73

4681,52

4811,77

4878,24

5083,24

5296,84

5519,42

  

3516,44

3680,31

3844,18

4008,05

4171,92

4335,79

4499,66

4663,53

  

0,8155860

0,8191701

0,8211393

0,8329679

0,8552101

0,8529580

0,8494989

0,8449312

B 5

B*5

3810,69

3970,82

4137,68

4252,80

4311,55

4492,73

4681,52

4878,24

  

3143,24

3275,85

3408,46

3541,07

3673,68

3806,29

3938,90

4071,51

  

0,8248480

0,8249807

0,8237611

0,8326444

0,8520555

0,8472109

0,8413720

0,8346268

 

B*4

3368,02

3509,54

3657,02

3758,76

3810,69

   
 

B*3

2976,76

3101,85

3232,19

3322,12

3368,02

   


Catégorie C […]

anciens grades

nouveaux grades intermédiaires

1

2

3

4

5

6

7

8

 

C*7

4878,24

5083,24

5296,84

5444,21

5519,42

   

C 1

C*6

4311,55

4492,73

4681,52

4811,77

4878,24

5083,24

5296,84

5519,42

  

3586,63

3731,26

3875,89

4020,52

4165,15

4309,78

4454,41

4599,04

  

0,8318656

0,8305106

0,8279127

0,8355595

0,8538223

0,8478411

0,8409561

0,8332470

C 2

C*5

3810,69

3970,82

4137,68

4252,80

4311,55

4492,73

4681,52

4878,24

  

3119,61

3252,15

3384,69

3517,23

3649,77

3782,31

3914,85

4047,39

  

0,8186470

0,8190122

0,8180164

0,8270387

0,8465100

0,8418734

0,8362348

0,8296824

C 3

C*4

3368,02

3509,54

3657,02

3758,76

3810,69

3970,82

4137,68

4311,55

  

2910,01

3023,56

3137,11

3250,66

3364,21

3477,76

3591,31

3704,86

  

0,8640121

0,8615260

0,8578323

0,8648224

0,8828349

0,8758292

0,8679526

0,8592873

C 4

C*3

2976,76

3101,85

3232,19

3322,12

3368,02

3509,54

3657,02

3810,69

  

2629,42

2735,93

2842,44

2948,95

3055,46

3161,97

3268,48

3374,99

  

0,8833161

0,8820317

0,8794161

0,8876711

0,9071977

0,9009642

0,8937550

0,8856638

C 5

C*2

2630,96

2741,52

2856,72

2936,20

2976,76

   
  

2424,48

2523,83

2623,18

2722,53

    
  

0,9215191

0,9205951

0,9182489

0,9272291

    
 

C*1

2325,33

2423,04

2524,86

2595,11

2630,96

   


[…]

3. Les traitements afférents aux nouveaux grades intermédiaires sont considérés comme étant les montants d’application au sens de l’article 7 de la présente annexe. »

10      L’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut est accompagné d’une note explicative de bas de page numéro 1, laquelle est rédigée comme suit :

« Les chiffres imprimés en italique dans les tableaux [ci-dessus] correspondent aux anciens traitements fixés à l’article 66 [de l’ancien statut]. Ces chiffres sont mentionnés à titre explicatif et n’ont aucune portée juridique. »

11      L’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut est libellé comme suit :

« Les fonctionnaires inscrits avant le 1er mai 2006 sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie sont classés, si le passage dans la nouvelle catégorie a lieu après le 1er mai 2004 dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient dans l’ancienne catégorie et, à défaut, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie. »

12      Aux termes de l’article 7 de l’annexe XIII du statut :

« Le traitement mensuel de base des fonctionnaires recrutés avant le 1er mai 2004 est fixé selon les règles suivantes :

1. Le traitement mensuel de base versé à chaque fonctionnaire ne subit aucune modification en raison du changement de dénomination des grades opéré en application de l’article 2, paragraphe 1.

2. Pour chaque fonctionnaire, un facteur de multiplication est calculé au 1er mai 2004. Ce facteur de multiplication est égal au rapport existant entre le traitement mensuel de base versé au fonctionnaire avant le 1er mai 2004 et le montant d’application défini à l’article 2, paragraphe 2.

Le traitement mensuel de base versé au fonctionnaire au 1er mai 2004 est égal au produit du montant d’application par le facteur de multiplication.

Ce facteur de multiplication est appliqué pour déterminer le traitement mensuel de base du fonctionnaire lors de l’avancement d’échelon ou lors de l’adaptation des rémunérations.

[…] »

13      L’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut dispose :

« Les fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 sont classés :

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A *, B * ou C *, dans le grade publié dans l’avis de concours,

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A, LA, B ou C, selon le tableau suivant :

Grade du concours

Grade du recrutement

A 8/LA 8

A*5

A 7/LA 7 et A 6/LA 6

A*6

A 5/LA 5 et A 4/LA 4

A*9

A 3/LA 3

A*12

A 2

A*14

A 1

A*15

B 5 et B 4

B*3

B 3 et B 2

B*4

C 5 et C 4

C*1

C 3 et C 2

C*2

»

14      Les dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut arrêtées par la Commission le 23 décembre 2004 (ci-après les « DGE 45 »), applicables à compter de l’exercice de promotion 2005, prévoient, dans leur article 3 intitulé « Points de mérite » :

« […]

4. Lorsque le fonctionnaire a changé de catégorie au cours de la période de référence ou que sa situation administrative pertinente aux fins de l’exercice de promotion a été modifiée, les points de mérite sont calculés à partir de la note de mérite en tenant compte du nombre de jours écoulés depuis le changement de catégorie ou de situation et selon la méthode décrite à l’annexe II. Les points accumulés au cours des exercices de promotion antérieurs sont annulés.

[…] »

15      Le 13 février 2006, le bureau du Parlement européen a adopté la décision de « reclasser, sur la base de leur salaire, les collègues qui, au 1er mai 2004, bénéficiaient d’une indemnité compensatoire » et de « reclasser les collègues recrutés comme agents temporaires avant le 1er mai 2004, qui ont réussi un concours interne ou un concours général publié avant le 1er mai 2004 et qui ont [par la suite] été nommés fonctionnaires dans la même catégorie, mais dans un grade inférieur à celui auquel ils auraient été nommés avant le 1er mai 2004 », et « d’appliquer cette approche à toute nomination future en tant que fonctionnaires de collègues recrutés comme agents temporaires avant le 1er mai 2004 qui ont réussi un concours interne ou un concours général publié avant cette date » (ci-après la « décision du bureau du Parlement du 13 février 2006 »).

 Faits à l’origine du litige

16      La Commission a porté à la connaissance de son personnel, avant le 1er mai 2004, l’avis de concours interne COM/PA/04 de passage de la catégorie B à la catégorie A, visant à constituer une réserve de recrutement d’administrateurs de carrière A 7/A 6, et l’avis de concours interne COM/PB/04 de passage de la catégorie C à la catégorie B, visant à constituer une réserve de recrutement d’assistants adjoints de carrière B 5/B 4. Les deux concours étaient ouverts aux agents temporaires et aux fonctionnaires.

17      Au point 1 intitulé « Généralités » du titre I « Introduction », ainsi qu’au titre VIII relatif aux conditions de nomination de chacun des avis de concours figurait, complétée du lien vers la page intranet de la Commission pour toutes informations complémentaires, la mention suivante :

« Le Conseil [de l’Union européenne] a adopté un nouveau statut. Ce statut comporte une nouvelle structure de carrière[s]. Les lauréats de ce concours se verront proposer un recrutement sur [la] base des dispositions du nouveau statut, selon les modalités établies à l’annexe XIII, notamment l’article 5 du nouveau statut […] »

18      Au 30 avril 2004, les requérants étaient, pour cinq d’entre eux, fonctionnaires de catégorie C, le dernier de catégorie B, et classés dans les anciens grades C 5, C 4, C 3 et B 3. Le 1er mai 2004, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, ces grades ont été renommés, respectivement, C*2, C*3, C*4 et B*7.

19      Les requérants se sont portés candidats aux concours susmentionnés, dont la date limite d’inscription avait été fixée au 12 mai 2004, et ont été inscrits sur les différentes listes de réserve dressées à l’issue du déroulement des épreuves. Par des décisions individuelles adoptées en 2005, les requérants ont chacun été nommés dans un emploi de la catégorie supérieure (ci-après les « décisions de nomination ») et ont été classés au même grade et au même échelon que ceux qu’ils détenaient dans leur ancienne catégorie ou, lorsque cela n’était pas possible, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie. Ainsi, d’une part, un fonctionnaire de grade C*2 a été classé au grade intermédiaire B*3, premier échelon. D’autre part, deux fonctionnaires de grade C*3, deux fonctionnaires de grade C*4 et un fonctionnaire de grade B*7 ont été classés, respectivement, aux grades intermédiaires B*3, B*4 et A*7, avec maintien de leur échelon.

20      Les décisions de nomination ont été notifiées aux requérants à des dates non déterminées.

21      Quatre décisions de nomination indiquaient que le facteur de multiplication appliqué dans l’ancienne catégorie, lequel était inférieur à 1, était maintenu ou qu’un autre facteur multiplicateur, inférieur à 1, serait appliqué. Deux requérants étaient destinataires d’une décision de nomination qui ne contenait pas une telle information. Ces derniers ont pris connaissance du fait qu’un facteur multiplicateur inférieur à 1 était appliqué à leur traitement de base par le biais de leurs bulletins de rémunération.

22      À une date non déterminée, les requérants ont pris connaissance de ce que les points de promotion qu’ils avaient accumulés dans leur ancienne catégorie avaient été supprimés.

23      Il ressort du dossier que chacun des requérants a introduit dans le délai une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dirigée contre sa décision de nomination en ce qu’elle fixe son classement, applique un facteur de multiplication inférieur à 1 et supprime ses points de promotion.

24      Par décisions prises entre le 2 décembre 2005 et le 20 janvier 2006, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté les réclamations introduites par les requérants.

 Conclusions des parties

25      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « annuler les décisions [de nomination] en ce qu’elles nomment les requérants dans le grade B*3/B*4, maintiennent la rémunération des requérants antérieure au changement de catégorie et suppriment le ‘sac à dos’ des requérants suite à leur passage de la catégorie C à la catégorie B.

–        indiquer à l’AIPN les effets de cette annulation, à savoir avec effet rétroactif au jour de leur passage de la catégorie C à la catégorie B :

1)      nommer les requérants dans le grade B*5/B*6 en application de l’article 2 de l’annexe XIII du statut,

2)      appliquer aux requérants le traitement de base auquel ils ont droit en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut sans facteur multiplicateur, et

3)      maintenir après le passage des requérants dans la catégorie B, les points de mérite et les points de transition qu’ils ont accumulés lorsqu’ils étaient en fonction dans la catégorie C. »

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 Procédure

27      La présente affaire ayant été introduite avant l’entrée en vigueur, le 1er novembre 2007, du règlement de procédure du Tribunal, les requérants se sont vus fixer, en application de l’article 47 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes (dénommé Tribunal de l’Union européenne depuis le 1er décembre 2009), applicable mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal jusqu’au 1er novembre 2007, un délai pour la présentation d’une réplique, qu’ils n’ont pas respecté. La procédure écrite a donc été clôturée à l’expiration du délai pour présenter la réplique, soit le 14 septembre 2006.

28      En vertu de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 78 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, lorsque le Tribunal de première instance et le Tribunal sont saisis d’affaires soulevant la même question d’interprétation ou mettant en cause la validité du même acte, le Tribunal peut suspendre la procédure jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal de première instance.

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance le 31 janvier 2005, Mme Angé Serrano et cinq autres fonctionnaires du Parlement avaient introduit un recours en annulation contre les décisions de cette institution portant sur leur nouveau classement en grade, prises en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut. Ce recours avait été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous la référence T‑47/05.

30      Le Tribunal a considéré que le présent recours et celui introduit devant le Tribunal de première instance sous la référence T‑47/05 soulevaient la même question d’interprétation des dispositions de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut.

31      Après avoir invité les parties à présenter leurs observations au sujet de la suspension envisagée, et en l’absence d’objection de leur part, le président de la deuxième chambre du Tribunal a décidé, par ordonnance du 23 novembre 2006 adoptée en vertu de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de l’annexe I du statut de la Cour de justice et de l’article 78 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, de suspendre la procédure jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal de première instance mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑47/05.

32      L’arrêt du Tribunal de première instance ayant été prononcé le 18 septembre 2008 (Angé Serrano e.a./Parlement, T‑47/05), le Tribunal a communiqué aux parties la reprise de la procédure le 9 octobre 2008.

33      Toutefois, l’arrêt Angé Serrano e.a./Parlement, précité, ayant fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour (affaire C‑496/08 P), le président de la deuxième chambre du Tribunal, après avoir constaté que les parties ne soulevaient pas d’objection, a adopté, le 19 février 2009, une nouvelle ordonnance suspendant la procédure jusqu’au prononcé de la décision de la Cour sur ledit pourvoi, en application de l’article 71, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure du Tribunal entré en vigueur le 1er novembre 2007.

34      À la suite d’une modification dans la composition des chambres du Tribunal, la présente affaire qui, dans un premier temps, avait été attribuée à la deuxième chambre, a, par décision du président du Tribunal du 7 octobre 2009, été réattribuée à la première chambre du Tribunal.

35      Après le prononcé, le 4 mars 2010, de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C-496/08 P, rejetant le pourvoi contre l’arrêt Angé Serrano e.a./Parlement, T‑47/05, précité, le Tribunal a invité les parties, par lettre du greffe du 19 mars 2010, à faire part de leurs observations sur les conséquences éventuelles de cet arrêt sur la suite de la procédure. Les requérants et la Commission ont déféré à cette demande, respectivement, les 18 et 19 mai 2010.

36      Dans ses observations, la Commission a fait valoir que la présente affaire soulève des questions juridiques qui ont été abordées par le Tribunal de première instance et par la Cour dans leurs arrêts respectifs Angé Serrano e.a./Parlement, précités, ainsi que dans l’arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission (T‑58/05, ci-après l’« arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla »), confirmé sur pourvoi par l’arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission (C‑443/07 P, ci-après l’« arrêt de la Cour Centeno Mediavilla »). Les requérants, en revanche, ont répondu au Tribunal qu’ils ne formulaient aucune observation particulière sur les conséquences pour la présente affaire de l’arrêt de la Cour, Angé Serrano e.a./Parlement, précité.

37      Les parties requérantes n’ayant pas déposé de mémoire en réplique dans le délai imparti et le Tribunal s’estimant, au vu du dossier, en mesure de statuer sans procédure orale, les parties ont été invitées, par courrier du greffe du 3 novembre 2010, à faire part au Tribunal de leurs observations sur la proposition de statuer sans audience, et en cas d’accord sur ladite proposition, à prendre position sur les conséquences éventuelles pour la suite de la procédure de l’arrêt du Tribunal du 12 mai 2010, Peláez Jimeno/Parlement (F‑13/09), portant sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut. Le Tribunal a, en outre, demandé aux conseils des parties requérantes de clarifier la situation de deux d’entre elles, Mmes Durán-Ortiz et Peritore, qui sont également requérantes, avec d’autres, dans l’affaire enregistrée sous la référence F‑23/06, Abad-Villanueva e.a./Commission.

38      La Commission et les requérants ont déféré à la demande du Tribunal, respectivement, le 19 novembre 2010 et le 1er décembre 2010.

39      La Commission a donné son accord à la proposition du Tribunal de statuer sans audience. Elle a également présenté ses observations sur les répercussions que l’arrêt Peláez Jimeno/Parlement, précité, pourrait avoir dans la présente affaire. Selon elle, plusieurs considérations pertinentes pour le règlement du présent litige peuvent être déduites de cet arrêt même si l’affaire y ayant donné lieu n’est pas identique en tous les points à celle de l’espèce.

40      Les requérants, en revanche, ont exprimé le souhait qu’une audience soit organisée pour leur permettre de présenter, notamment, leurs observations sur les conséquences de l’arrêt Peláez Jimeno/Parlement, précité, pour le règlement de la présente affaire. S’agissant de la situation de Mmes Durán-Ortiz et Peritore, les conseils des parties requérantes s’en sont remis à la sagesse du Tribunal.

 En droit

1.     Observation liminaire

41      Il ressort du dossier que les décisions de supprimer les points de promotion accumulés dans l’ancienne catégorie et d’appliquer un facteur multiplicateur, qui s’avère pour tous les requérants inférieur à 1, sont inhérentes aux décisions de nomination. Dès lors, il y a lieu de comprendre les conclusions des requérants en ce sens qu’ils demandent, premièrement, l’annulation des décisions de nomination (ci-après les « décisions attaquées ») en tant qu’elles fixent leur classement en grade, deuxièmement, l’annulation des décisions attaquées en ce qu’elles suppriment les points de promotion accumulés et, troisièmement, l’annulation des décisions attaquées en ce qu’elles appliquent un facteur multiplicateur inférieur à 1.

2.     Sur l’exception de litispendance

42      La Commission fait valoir que la recevabilité du recours, en ce qu’il a été introduit par Mmes Durán-Ortiz et Peritore, se heurte à l’exception de litispendance, le Tribunal étant déjà saisi par les mêmes requérantes d’un recours, enregistré sous la référence F‑23/06, dans une affaire en substance identique.

43      À cet égard, lorsqu’un recours présente une identité de parties, d’objet et de moyens avec un recours déposé antérieurement, il doit, conformément à une jurisprudence constante, être rejeté comme irrecevable (ordonnance du Tribunal du 19 septembre 2006, Vienne e.a./Parlement, F‑22/06, point 12, et la jurisprudence citée).

44      En l’espèce, il est constant que Mmes Durán-Ortiz et Peritore sont requérantes dans la présente affaire et dans l’affaire enregistrée sous la référence F‑23/06 et que l’objet des deux recours est le même. Toutefois, les moyens invoqués à l’appui de ces deux recours sont différents.

45      Dès lors, il y a lieu de rejeter l’exception de litispendance.

3.     Sur la recevabilité du recours introduit par Mme Hania

46      Sans soulever d’exception d’irrecevabilité, la Commission a signalé dans son mémoire en défense qu’il fallait « apporter une rectification aux informations fournies dans la requête » dans la mesure où il n’y serait question que du concours interne de passage de catégorie COM/PB/04, alors que l’une des requérantes, Mme Hania, serait lauréate d’un autre concours interne de passage de catégorie, à savoir le concours COM/PA/04.

47      Il ressort des annexes jointes à la requête que Mme Hania est effectivement lauréate du concours COM/PA/04 et que, suite à la réussite audit concours, elle a changé de catégorie et est passée du grade B*7 au grade A*7, avec maintien de son échelon. Or, le Tribunal observe que les conclusions du recours tendent à l’annulation des décisions attaquées « en ce qu’elles nomment les requérants dans le grade B*3/B*4, maintiennent la rémunération des requérants antérieure au changement de catégorie et suppriment le ‘sac à dos’ des requérants suite à leur passage de la catégorie C à la catégorie B ». Mme Hania ne demande donc pas formellement l’annulation de la décision par laquelle elle a été nommée dans le grade A*7, ni de la décision par laquelle son sac à dos a été supprimé. Elle ne demande pas non plus que le Tribunal ordonne à la Commission de la nommer dans un grade supérieur, en lui appliquant son traitement de base sans facteur de multiplication et avec maintien de son sac à dos.

48      Compte tenu des explications données par le représentant de Mme Hania à l’audience selon lesquelles cette formulation des conclusions résulterait d’une erreur de plume, compte tenu également de ce que la Commission n’a pas invoqué une exception d’irrecevabilité du recours en ce qu’il est présenté par Mme Hania et compte tenu enfin que, de surcroît, le raisonnement que le Tribunal est appelé à tenir lorsqu’il va examiner le passage de la catégorie C* à la catégorie B* s’applique mutatis mutandis au passage de la catégorie B* à la catégorie A*, il y a lieu de déclarer le recours recevable en ce qu’il a été introduit par Mme Hania et de rectifier l’erreur de plume commise dans la rédaction des conclusions.

49      Par conséquent, il convient d’interpréter les conclusions de la requête, telles qu’elles figurent au point 25 du présent arrêt, en ce sens qu’elles tendent également à ce que le Tribunal annule la décision de nomination en ce qu’elle nomme Mme Hania dans le grade A*7, en ce qu’elle lui applique un facteur multiplicateur inférieur à 1 et en ce qu’elle supprime les points de promotion dont celle-ci bénéficiait avant son passage de la catégorie B* vers la catégorie A* et à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de nommer Mme Hania dans un grade supérieur, en lui appliquant son traitement de base sans facteur de multiplication et avec maintien de son sac à dos.

4.     Sur la demande en annulation des décisions attaquées en tant qu’elles fixent le classement en grade des requérants

50      À l’appui de cette demande en annulation, les requérants soulèvent en substance deux moyens tirés, le premier, de la violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union, et le deuxième, de la violation de l’article 2 de l’annexe XIII.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, « du principe d’équivalence de carrière » et du maintien des droits acquis

 Arguments des parties

51      Les requérants soutiennent qu’il ressort de l’arrêt du Tribunal de première instance du 9 juillet 1997, Monaco/Parlement (T‑92/96), qu’il existe une confiance légitime dans le chef d’un lauréat d’un concours, dans l’hypothèse où il est recruté, à l’être selon les conditions mentionnées dans l’avis de concours.

52      Les requérants font aussi valoir qu’un livre blanc de la Commission sur la réforme statutaire ainsi que le règlement no 723/2004 ont fait naître des espérances légitimes dans leur chef d’être classés, en cas de sélection, dans lesdites conditions. À titre surabondant, ils estiment qu’un candidat à un concours doit pouvoir se fier à l’emploi et au grade mentionnés dans l’avis de concours afin d’apprécier s’il y a lieu pour lui de faire acte de candidature.

53      Les requérants affirment qu’ils pouvaient légitimement penser qu’en cas de réussite aux concours ils pourraient prétendre, conformément à leurs droits acquis, à être recrutés à un grade équivalent à l’un des grades, B 4 ou B 5 et A 7 ou A 6, visés dans les avis de concours en cause tels que renommés par l’article 2 de l’annexe XIII du statut. S’il est vrai que les avis de concours contenaient un avertissement concernant le nouveau statut, cet avertissement n’aurait en rien affecté la confiance des requérants, dans la mesure où il ne précisait pas que le grade du recrutement pourrait ne pas être l’un des grades, B 4 ou B 5 et A 7 ou A 6, mentionnés dans les avis de concours en cause et où nul ne pouvait raisonnablement penser que les grades mentionnés dans les avis de concours, tels que renommés selon le nouveau système de carrières, ne seraient pas équivalents aux anciens grades, B 4 ou B 5 et A 7 ou A 6.

54      Lors de l’audience, les requérants ont fait valoir que la lecture de l’arrêt Peláez Jimeno/Parlement, précité, dans lequel il est question de l’application de la décision du bureau du Parlement du 13 février 2006, les conforte dans leur opinion selon laquelle la Commission avait la faculté de protéger la confiance qu’ils avaient pu placer dans l’attribution, après leur passage de catégorie, d’un grade conforme à celui annoncé dans les avis de concours publiés avant le 1er mai 2004.

55      La Commission conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

56      Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union a fait naître chez lui des espérances fondées, en lui fournissant des assurances précises sous la forme de renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 96).

57      En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêt du Tribunal de première instance du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T‑273/01, point 26, et la jurisprudence citée).

58      Or, force est de constater que le dossier ne contient aucun élément permettant aux requérants de conclure que la Commission leur aurait fourni de quelconques assurances susceptibles de faire naître des espérances légitimes dans le maintien, lors de leur passage de catégorie, des anciens critères statutaires de classement en grade.

59      En effet, les avis de concours en cause ont averti les candidats du fait que le Conseil avait adopté un nouveau statut qui comportait une nouvelle structure de carrières. Ainsi les candidats savaient que les lauréats se verraient proposer « un recrutement sur [la] base des dispositions du nouveau statut, selon les modalités établies à l’annexe XIII, notamment l’article 5 du nouveau statut ». Comme indiqué au point 17 du présent arrêt, les avis de concours susmentionnés indiquaient également un lien vers la page du site intranet de la Commission où les candidats pouvaient obtenir des informations complémentaires.

60      S’il est vrai que les requérants pouvaient ne pas avoir eu accès au texte définitif du nouveau statut avant leur inscription à l’un des concours litigieux, étant donné que le règlement nº 723/2004 n’a été publié au Journal officiel de l’Union européenne que le 27 avril 2004 et que la date limite pour postuler aux concours était le 12 mai 2004, il demeure que l’avertissement susmentionné, qui figurait à deux endroits des avis de concours en cause, indiquait clairement que les lauréats seraient recrutés (pour les agents temporaires) ou nommés (pour les fonctionnaires) dans la catégorie supérieure conformément aux dispositions du nouveau statut, et non pas selon celles de l’ancien statut. En tout état de cause, il ressort du dossier qu’au moment du déroulement de la première épreuve les requérants avaient accès au nouveau statut. Par conséquent, dès ce moment là, ils étaient en mesure de connaître les dispositions transitoires qui, en cas de réussite au concours, leur seraient d’application et, notamment, le fait que lors de leur passage de catégorie ils seraient classés, dans la nouvelle catégorie, dans le même grade et dans le même échelon que ceux qu’ils détenaient dans leur ancienne catégorie.

61      C’est à tort que les requérants ont affirmé à l’audience que la Commission, sous peine de violer le « principe d’unicité du statut », aurait dû adopter une décision de la même teneur que celle du bureau du Parlement du 13 février 2006, que la Commission avait la faculté de protéger la confiance qu’ils avaient pu placer dans l’attribution, lors de leur passage de catégorie, d’un grade conforme à celui annoncé dans les avis de concours en cause et qu’en vertu du « principe d’unicité du statut » les institutions ne sauraient adopter des approches différentes quant au classement des fonctionnaires étant donné que le statut est le même pour tous et devrait, partant, être appliqué de manière identique.

62      En effet, si, selon le principe d’unicité de la fonction publique tel qu’il est énoncé à l’article 9, paragraphe 3, du traité d’Amsterdam, tous les fonctionnaires de toutes les institutions de l’Union sont soumis à un statut unique, un tel principe n’implique pas, contrairement à ce que semblent soutenir les requérants, que les institutions doivent user à l’identique du pouvoir d’appréciation qui leur a été reconnu par le statut dans la gestion de leur personnel alors que, au contraire, ces dernières jouissent d’un « principe d’autonomie » (arrêt du Tribunal du 9 décembre 2010, Ezerniece Liljeberg e.a./Commission, F‑83/05, point 58). Il s’ensuit, sans préjuger de la légalité de la décision du bureau du Parlement du 13 février 2006, que la Commission n’était nullement tenue d’adopter en faveur des requérants une décision de même teneur.

63      En outre, le Tribunal observe que la décision du bureau du Parlement du 13 février 2006 est applicable notamment aux agents temporaires recrutés par le Parlement avant le 1er mai 2004, ayant réussi un concours interne ou général publié avant cette date. Or, les requérants étaient fonctionnaires, et non agents temporaires, lorsqu’ils se sont présentés aux concours COM/PA/04 et COM/PB/04, et il est de jurisprudence que les fonctionnaires, en raison même de leur statut de fonctionnaire, se trouvent dans une situation juridique différente de celle des agents temporaires (arrêt du Tribunal de première instance du 7 mai 1991, Jongen/Commission, T‑18/90, point 31).

64      Le Tribunal ne peut que constater que les requérants ne se trouvent pas, à la Commission, dans la même situation juridique que celle dans laquelle se trouvent, au Parlement, les destinataires de la décision du bureau du Parlement du 13 février 2006. En effet, les requérants sont des fonctionnaires lauréats de concours internes de passage de catégorie, alors que les destinataires de la décision du bureau du Parlement du 13 février 2006 sont des agents temporaires lauréats de concours internes ou généraux qui ne sont devenus fonctionnaires qu’après avoir été titularisés dans la même catégorie.

65      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

–       Sur la violation du « principe d’équivalence de carrière »

66      Aux termes de l’article 35, paragraphe 1, sous d) et e), du règlement de procédure, la requête contient, notamment, l’objet du litige ainsi que les moyens et arguments de fait et de droit invoqués.

67      Il est de jurisprudence constante que de tels éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 14 mai 2008, Taruffi/Commission, F‑95/06, point 124, et du 30 novembre 2009, de Britto Patrício-Dias/Commission, F‑16/09, point 42).

68      Or, en l’espèce, le grief tiré de la violation du « principe d’équivalence de carrière » n’est même pas sommairement argumenté. Les requérants se bornent à le mentionner dans le titre du moyen, mais n’apportent aucun argument à son soutien. Dès lors, les requérants ne permettent pas à la Commission de préparer utilement sa défense ni au Tribunal de statuer sur ledit grief.

69      Il s’ensuit que ce grief doit être écarté comme irrecevable.

–       Sur la violation du principe du maintien des droits acquis

70      Selon une jurisprudence constante, il est de principe que, en cas de modification de dispositions d’application générale et, singulièrement, des dispositions du statut, une règle nouvelle s’applique immédiatement aux effets futurs de situations juridiques, qui sont nées, sans être cependant entièrement constituées, sous l’empire de la règle antérieure (arrêts de la Cour du 5 décembre 1973, SOPAD, 143/73, point 8, et du 10 juillet 1986, Licata/CES, 270/84, point 31).

71      En l’espèce, les décisions attaquées n’ont pas pu violer un droit à l’application des anciens critères statutaires de classement dont les requérants auraient été titulaires. L’inscription de lauréats de concours internes de passage de catégorie sur les listes de réserve dressées à l’issue des opérations de sélection n’emporte en effet au profit des intéressés qu’une simple vocation à être nommés dans la catégorie supérieure, comme le rappelaient, d’ailleurs, les avis des concours internes en cause (voir, en ce sens, par analogie avec les lauréats de concours généraux, arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 52).

72      Cette vocation est nécessairement exclusive de tout droit acquis, le classement en grade d’un lauréat inscrit sur la liste de réserve d’un concours interne ne pouvant être considéré comme acquis aussi longtemps qu’il n’a pas fait l’objet d’une décision de nomination en bonne et due forme.

73      À supposer même que les requérants aient réussi les concours en cause avant le 1er mai 2004, leur inscription sur une liste d’aptitude avant cette date ne leur aurait pas conféré un droit à être nommés, en cas de recrutement après ladite date, au grade mentionné dans l’avis de concours, ou au grade correspondant selon l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, et conformément à l’article 31 de l’ancien statut (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, points 79 à 81).

74      Un fonctionnaire ne peut en effet se prévaloir d’un droit acquis que si le fait générateur de celui-ci s’est produit sous l’empire d’un statut déterminé antérieur à la modification des dispositions statutaires (arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 58).

75      Il s’ensuit que le grief tiré de la violation du principe du maintien des droits acquis doit être écarté.

76      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2 de l’annexe XIII du statut

 Arguments des parties

77      Les requérants soutiennent que, conformément à l’article 2 de l’annexe XIII du statut, ils auraient dû être classés, pour cinq d’entre eux, dans le grade B*5 ou le grade B*6 et, s’agissant de Mme Hania, dans le grade A*8 ou le grade A*10, c’est-à-dire dans l’un des nouveaux grades intermédiaires correspondant, respectivement, aux grades B 5 et B 4, et A 7 et A 6, mentionnés dans les avis des concours en cause.

78      La Commission rétorque que c’est à juste titre que les requérants ont été classés dans la catégorie supérieure en application de l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut et conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

79      Les requérants ne spécifient pas quels sont les paragraphes de l’article 2 de l’annexe XIII du statut qu’ils estiment méconnus par les décisions attaquées. Il ressort toutefois de leurs écritures qu’ils se réfèrent au paragraphe 1 de cette disposition.

80      À cet égard, le Tribunal constate que l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut dispose que, le 1er mai 2004 et sous réserve de l’article 8 de cette annexe, les grades des « fonctionnaires placés dans l’une des positions visées à l’article 35 du statut » sont renommés comme indiqué dans le tableau repris dans ladite disposition, lequel spécifie pour chaque « ancien grade » quel est le « nouveau grade (intermédiaire) » correspondant.

81      Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort du libellé même de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut que cette disposition ne vise que les personnes qui, à la date du 1er mai 2004, avaient déjà la qualité de fonctionnaire et étaient classées dans l’un des grades figurant dans la colonne intitulée « ancien grade ».

82      Cette lecture est corroborée par la jurisprudence. En effet, il a été jugé que les grades qui figurent dans le tableau de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut sont les anciens grades des fonctionnaires en poste avant le 1er mai 2004 lesquels sont convertis en nouveaux grades intermédiaires (arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 112). Il a également été jugé que l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut a seulement eu pour objet de renommer, au 1er mai 2004, les grades dont étaient titulaires ceux qui avaient la qualité de fonctionnaire au 30 avril 2004 dans la perspective de leur rendre applicable la nouvelle structure de carrières appelée à entrer pleinement en vigueur le 1er mai 2006 et ne saurait se voir reconnaître une portée s’étendant au-delà de l’établissement de cette relation intermédiaire (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2010, De Luca/Commission, F‑20/06, point 91, faisant l’objet d’un pourvoi actuellement pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑563/10 P). Il résulte de ce qui précède que cette disposition n’avait donc pas vocation à s’appliquer pour fixer le classement en grade des requérants dont les nominations dans la catégorie supérieure sont intervenues en 2005, au vu de leur qualité de lauréats de concours internes de passage de catégorie dont les épreuves se sont déroulées après le 1er mai 2004.

83      En effet, il résulte de la jurisprudence que la nomination dans une catégorie supérieure à l’issue d’un concours interne de passage de catégorie varie en fonction de la date à laquelle la réussite à ce concours produit ses effets. Si ceux-ci se produisent avant le 1er mai 2004, sous l’empire de l’ancien statut, il y a lieu d’appliquer d’abord l’article 31, paragraphe 1, deuxième tiret, de l’ancien statut, puis l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du nouveau statut. Si, au contraire, s’agissant d’un fonctionnaire inscrit sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006, les effets ont lieu après le 1er mai 2004, sous l’empire du nouveau statut, c’est l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut qui est d’application (voir, par analogie, arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano e.a./Parlement, précité, points 152 à 154, confirmé par arrêt de la Cour Angé Serrano e.a./Parlement, précité, point 107).

84      Le Tribunal rappelle que la détermination du niveau des postes à pourvoir et des conditions de nomination des lauréats à ces postes, à laquelle la Commission avait procédé dans le cadre des dispositions de l’ancien statut en rédigeant les avis de concours litigieux, n’a pu prolonger ses effets au-delà de la date du 1er mai 2004 retenue par le législateur de l’Union pour l’entrée en vigueur de la nouvelle structure des carrières des fonctionnaires (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 109).

85      La suppression, à compter du 1er mai 2004, des grades de classement dans les carrières indiquées dans les avis des concours, qui provient de l’introduction du nouveau système de carrières, a amené le législateur à adopter les dispositions transitoires de l’annexe XIII du statut et, singulièrement, son article 5, paragraphe 2, aux fins de déterminer le classement en grade des lauréats de concours de passage de catégorie inscrits sur des listes de réserve avant le 1er mai 2006, mais dont le passage de catégorie a lieu après le 1er mai 2004 (voir, par analogie, arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 110).

86      Afin de déterminer si, comme l’affirme la Commission, il devait être fait application de l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut lors de l’adoption des décisions attaquées, il convient de délimiter le champ d’application personnel de cette disposition.

87      L’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut vise les fonctionnaires qui étaient inscrits, avant le 1er mai 2006, « sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie » et qui sont effectivement passés dans une autre catégorie après le 1er mai 2004. À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 45, paragraphe 2, de l’ancien statut, le passage de fonctionnaires ou d’agents dans une autre catégorie ne pouvait avoir lieu qu’après un concours. Par définition, il ne peut s’agir que d’un concours interne. Il convient dès lors d’admettre que, en mentionnant précisément les fonctionnaires « inscrits sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie », le législateur a entendu viser les candidats ayant passé avec succès ce type spécifique de concours (arrêt du Tribunal du 28 octobre 2010, Kay/Commission, F‑113/05, point 52).

88      Il doit en être déduit que l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut concerne seulement les fonctionnaires changeant de catégorie à l’issue d’un concours interne (arrêt Kay/Commission, précité, point 54).

89      En l’espèce, force est de constater que les requérants, fonctionnaires lauréats, avant le 1er mai 2006, des concours internes COM/PA/04 et COM/PB/04 relèvent de la catégorie des candidats lauréats de concours internes visée à l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut et, dès lors, entrent dans le champ d’application personnel de cette disposition.

90      Le Tribunal reconnaît que les classements en grade déterminés par l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut ne correspondent pas aux grades annoncés dans les avis de concours internes publiés avant le 1er mai 2004 et que cette disposition déroge à la règle figurant à l’article 31 du statut, reprise de l’article 31 de l’ancien statut. Toutefois, au vu de son objet, l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut constitue une disposition transitoire de caractère spécial qui peut, en tant que telle, déroger, pour une catégorie déterminée de fonctionnaires, à la règle de caractère général prévue à l’article 31 du statut. Il y a en effet lieu de rappeler que les contraintes inhérentes au passage d’un mode de gestion à un autre, s’agissant de la carrière des fonctionnaires, peuvent imposer à l’administration de s’écarter temporairement, et dans certaines limites, de l’application stricte des règles et principes de valeur permanente s’appliquant ordinairement aux situations en cause (voir, en ce sens, arrêt De Luca/Commission, précité, point 86, et la jurisprudence citée).

91      Dans la présente affaire, il n’est pas contesté que les avis de concours COM/PA/04 et COM/PB/04 ont été publiés avant le 1er mai 2004 et que, par conséquent, la Commission les a rédigés dans le cadre des dispositions de l’ancien statut. Or, dans la mesure où ces avis de concours ont produit leurs effets sous l’empire du nouveau statut, force est de constater que la Commission était tenue d’appliquer l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut en tant que disposition transitoire de caractère spécial, dérogeant, pour une catégorie déterminée de fonctionnaires à laquelle appartiennent les requérants, à la règle de caractère général prévue à l’article 31 du statut.

92      En l’espèce, il n’est pas contesté que, au 30 avril 2004, les requérants étaient tous fonctionnaires classés dans les anciens grades C 5, C 4, C 3 et B 3. Dès lors, c’est à juste titre que, le 1er mai 2004, leurs grades ont été renommés en nouveaux grades intermédiaires, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, respectivement, C*2, C*3, C*4 et B*7, et qu’ils ont par la suite été classés, lors de leur passage de catégorie, en application de l’article 5, paragraphe 2, de la même annexe, respectivement, dans les grades B*3, B*4 et A*7.

93      Au vu de ce qui précède, les requérants ne sont donc pas fondés à invoquer la violation de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut.

94      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

95      Les deux moyens soulevés étant écartés, il y a lieu de rejeter dans sa totalité la demande en annulation des décisions attaquées en ce qu’elles fixent le classement en grade des requérants.

5.     Sur la demande en annulation des décisions attaquées en ce qu’elles appliquent un facteur de multiplication inférieur à 1

96      À l’appui de cette demande en annulation, les requérants invoquent quatre moyens tirés, le premier, de la violation du statut, le deuxième, de la violation du principe de non-discrimination et du principe d’équivalence entre la nature des fonctions et la rémunération, le troisième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime, et le quatrième, de la violation du principe du maintien des droits acquis.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du statut

 Arguments des parties

97      Les requérants se plaignent du fait que leur passage de catégorie n’a pas entraîné de gain salarial étant donné que la Commission applique un facteur de multiplication inférieur à 1 pour le calcul de leur rémunération. Ils indiquent qu’ils perçoivent le traitement mensuel de base dont le montant figure en italique dans le tableau de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut, ce qui serait contraire à la note explicative de bas de page numéro 1 de cette disposition. En effet, il ressortirait de cette note explicative que le paiement, après le 1er mai 2004, des mêmes traitements que ceux versés avant cette date serait illégal.

98      À cet égard, les requérants font valoir que l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut ne fait aucunement référence à l’application d’un quelconque facteur de multiplication. Les facteurs de multiplication seraient prévus à l’article 2, paragraphe 2, de ladite annexe. Or cette dernière disposition ne mentionnerait pas de facteur de multiplication pour les grades B*3 et B*4.

99      Il s’ensuivrait, d’une part, qu’aucun facteur de multiplication ne pourrait être appliqué pour les grades B*3 et B*4 et, d’autre part, qu’il n’y a pas lieu d’appliquer un facteur de multiplication lorsqu’un fonctionnaire passe d’une catégorie à une autre.

100    Les requérants en déduisent que l’application dans leurs cas respectifs d’un facteur multiplicateur est contraire au statut et demandent que la Commission n’affecte pas leur rémunération d’un tel facteur.

101    La Commission conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

102    Il y a lieu d’examiner l’application du facteur de multiplication à la lumière de sa base légale, laquelle est énoncée à l’article 7 de l’annexe XIII du statut, et non, comme soutenu par les requérants, aux articles 2 et 5 de ladite annexe.

103    Le Tribunal observe, en premier lieu, que l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut prévoit que le traitement mensuel de base des fonctionnaires recrutés avant le 1er mai 2004 ne subit aucune modification en raison du changement de dénomination des grades opéré à cette date en application de l’article 2, paragraphe 1, de cette annexe. À cet effet, le paragraphe 2 de l’article 7 susmentionné dispose que, pour chaque fonctionnaire, un facteur de multiplication est calculé au 1er mai 2004, qui est égal au rapport existant entre le traitement mensuel de base versé à chacun de ces fonctionnaires avant le 1er mai 2004 et le montant d’application défini à l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut. Le paragraphe 3 de cet article 2 dispose que les traitements afférents aux nouveaux grades intermédiaires sont considérés comme étant les montants d’application au sens de l’article 7 de l’annexe XIII du statut.

104    Ainsi l’article 7 de l’annexe XIII du statut vise-t-il à éviter que le fait de renommer les grades conduise à une quelconque modification des traitements mensuels de base des fonctionnaires recrutés sous l’empire de l’ancien statut et, en particulier, à un enrichissement sans cause de leur part (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 11 mai 2011, Caminiti/Commission, F‑71/09, point 46).

105    D’autre part, dans la mesure où les grades B*3 et B*4 sont de nouveaux grades intermédiaires, expressément visés à l’article 2, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, il y a lieu de conclure que les traitements afférents à ces nouveaux grades intermédiaires peuvent également faire l’objet d’un facteur de multiplication lorsque lesdits grades sont détenus par des personnes recrutées avant le 1er mai 2004. Si le paragraphe 2 de cet article 2 ne mentionne aucun facteur de multiplication pour les nouveaux grades intermédiaires B*3 et B*4, cela est dû au fait que, conformément au paragraphe 1 de ce même article, ces deux nouveaux grades intermédiaires ne correspondent à aucun grade de l’ancien statut.

106    Enfin, si la note de bas de page numéro 1 du paragraphe 2 de l’article 2 de l’annexe XIII du statut indique que les chiffres imprimés en italique correspondent aux montants des traitements versés aux fonctionnaires avant le 1er mai 2004 et qu’ils ne sont mentionnés qu’à titre explicatif et n’ont aucune portée juridique, force est de constater que ces chiffres sont repris aux fins du calcul du facteur de multiplication. Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette note de bas de page ne permet pas de conclure que le paiement, après le 1er mai 2004, d’un traitement égal à celui versé sous le régime de l’ancien statut serait illégal.

107    Il y a lieu d’ajouter que l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut fixe le traitement mensuel de base pour chaque grade et chaque échelon des nouveaux grades intermédiaires. Selon cette disposition, lue en combinaison avec l’article 8 de l’annexe XIII du statut régissant la nouvelle dénomination des grades intermédiaires en nouveaux grades des deux groupes de fonctions issus du nouveau statut, les salaires afférents aux différents grades et échelons du groupe de fonctions AST sont égaux à ceux afférents aux grades et échelons du groupe de fonctions AD avec lesquels ils se recoupent.

108    De son côté, l’article 45 bis du statut prévoit un système selon lequel, à partir du 1er mai 2006, le passage du groupe de fonctions AST (remplaçant les anciennes catégories B, C et D) au groupe de fonctions AD (remplaçant l’ancienne catégorie A) ne s’opère plus par concours interne, mais par le biais d’une procédure dite « de certification », qui est basée sur la participation, avec succès, à un programme de formation.

109    Au paragraphe 3 de l’article 45 bis du statut, il est expressément prévu que la « nomination à un poste du groupe de fonctions AD ne modifie ni le grade ni l’échelon atteints par le fonctionnaire au moment de sa nomination ».

110    Il résulte de la lecture combinée de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut et de l’article 45 bis du statut que le législateur a souhaité que le passage au groupe de fonctions supérieur entraîne l’exercice de fonctions d’administrateur et une perspective de carrière plus avantageuse mais n’entraîne pas de gain salarial immédiat.

111    Il doit être conclu de ces considérations que le nouveau statut ne prévoit pour le fonctionnaire aucun changement du traitement de base ni du fait de son entrée en vigueur ni du fait du passage dudit fonctionnaire dans le groupe de fonctions supérieur.

112    Si, en adoptant l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut, le législateur a voulu accorder un avantage aux fonctionnaires qui, à l’issue d’un concours interne de passage de catégorie, ont fait preuve de leur aptitude à occuper des postes de la catégorie supérieure, il n’a pas souhaité pour autant que cet avantage dépasse celui des fonctionnaires qui, à partir du 1er mai 2006, réussissent une procédure de certification.

113    Partant, conformément à l’article 7 de l’annexe XIII du statut et en l’absence de dispositions explicites en sens contraire dans ladite annexe, le salaire des fonctionnaires qui sont nommés au titre de l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut doit être calculé, à l’instar de celui des fonctionnaires recrutés avant le 1er mai 2004, avec application d’un facteur de multiplication.

114    Par conséquent, le premier moyen soulevé doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes de non- discrimination et d’équivalence entre la nature des fonctions et la rémunération

 Arguments des parties

115    Les requérants estiment que l’article 5, paragraphe 5, du statut, qui est l’expression, en matière de fonction publique, du principe d’égalité de traitement, doit être interprété à l’aune des textes du droit international au rang desquels l’article 7 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 3 janvier 1976, l’article 23 de la déclaration universelle des droits de l’homme et la convention no 111 de l’Organisation internationale du travail (OIT) concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, adoptée le 25 juin 1958. Pour les requérants, ces dispositions de droit international expriment un principe selon lequel un même travail doit être rémunéré par un même salaire.

116    Or, les requérants soutiennent que l’application d’un facteur de multiplication inférieur à 1 méconnaît le principe « à travail égal, salaire égal ». En effet, ils s’estiment discriminés par rapport aux « fonctionnaires qui ont été nommés dans l[es] catégorie[s] [A ou] B sans passer par l[es] catégorie[s] [B ou] C[, respectivement,] » dans la mesure où ceux-ci perçoivent les traitements de base tels que prévus par l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut, alors que la rémunération des requérants est restée identique à celle qu’ils percevaient dans leur ancienne catégorie, suite à l’application d’un facteur de multiplication.

117    La Commission estime que ce moyen n’est pas fondé.

 Appréciation du Tribunal

118    Il y a lieu d’observer que le droit pour les salariés d’un même employeur, qui effectuent un travail de même valeur, de recevoir la même rémunération constitue l’expression spécifique du principe général d’égalité, dont le Tribunal a pour mission d’assurer le respect. Ce droit est, en effet, énoncé à l’article 7 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et dans la convention no 111 de l’OIT (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2010, Torijano Montero/Conseil, F‑76/05, point 67).

119    Selon une jurisprudence constante, il y a violation du principe d’égalité lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (voir arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano e.a./Parlement, précité, point 142, et la jurisprudence citée). Le principe d’égalité de traitement exige donc qu’un traitement différent soit appliqué à deux catégories de personnes dont les situations factuelle et juridique présentent une différence essentielle.

120    En l’espèce, les requérants comparent deux groupes de fonctionnaires qui selon eux se trouveraient dans des situations comparables : d’une part, ceux qui, comme eux, ont réussi un concours interne de passage de catégorie avant le 1er mai 2006 et ont été nommés dans la catégorie supérieure après le 1er mai 2004, d’autre part, les personnes qui, après avoir réussi un concours général, sont directement titularisées dans ladite catégorie supérieure, qu’ils soient ou non issus d’une catégorie inférieure.

121    Il est vrai que les fonctionnaires de ce second groupe perçoivent effectivement les traitements mensuels de base fixés à l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut, sans qu’un quelconque facteur de multiplication ne leur soit appliqué. En effet, dans la mesure où l’article 7, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut ne prévoit l’application d’un facteur de multiplication que pour les traitements des fonctionnaires recrutés avant le 1er mai 2004, cette disposition ne leur est pas applicable.

122    Mais la réussite d’un concours interne de passage de catégorie, pour les fonctionnaires du premier groupe mentionné ci-dessus, et celle d’un concours général, pour les fonctionnaires du second groupe mentionné ci-dessus, constitue un facteur objectif qui différencie les deux groupes de fonctionnaires précités. Les fonctionnaires du premier groupe étaient déjà fonctionnaires sous l’ancien statut et ont réussi un concours interne de passage de catégorie. Les fonctionnaires du second groupe, en revanche, ont été recrutés sous l’empire du nouveau statut et après avoir réussi un concours général.

123    C’est pourquoi le législateur, dans le cadre de l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, a décidé de traiter différemment les deux groupes susmentionnés de fonctionnaires. S’agissant du premier groupe, il a décidé, ainsi que cela a été indiqué au point 112 du présent arrêt, de favoriser ces fonctionnaires, lauréats avant le 1er mai 2006 d’un concours interne de passage de catégorie, en permettant leur classement, dans la catégorie supérieure, dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient dans la catégorie inférieure, mais sans que ce classement n’entraîne un gain salarial immédiat. Par contre, pour les fonctionnaires du deuxième groupe, lauréats d’un concours général et recrutés sous le nouveau statut, le législateur a décidé que, dans la mesure où ils sont recrutés à des grades inférieurs à ceux de fonctionnaires recrutés sous l’ancien statut pour pourvoir les mêmes postes, aucun facteur multiplicateur ne leur serait appliqué.

124    Dès lors, il y a lieu de conclure que le deuxième moyen soulevé doit être écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

 Arguments des parties

125    Les requérants soutiennent qu’avant leur passage de catégorie, ils n’avaient pas été mis au courant de ce qu’un facteur de multiplication leur serait appliqué. S’il est vrai que les avis de concours faisaient référence à l’annexe XIII du statut, cette annexe, quant à elle, ne faisait aucune allusion à l’application de ce facteur de multiplication. Dès lors, ils pouvaient légitimement croire que, après leur passage dans la catégorie supérieure, ils auraient droit aux traitements mensuels de base mentionnés à l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut, sans facteur de multiplication.

126    La Commission estime que ce moyen n’est pas fondé.

 Appréciation du Tribunal

127    Au vu des développements exposés aux points 56 et 57 du présent arrêt, le Tribunal constate que le dossier ne contient aucun élément permettant aux requérants de conclure que la Commission leur aurait fourni de quelconques assurances susceptibles de faire naître des espérances légitimes qu’aucun facteur multiplicateur ne leur serait appliqué.

128    Dès lors, force est de conclure que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe du maintien des droits acquis

 Arguments des parties

129    Selon les requérants, il ressortirait de la jurisprudence du Tribunal administratif de l’OIT, qui serait applicable mutatis mutandis au cas de l’espèce, qu’ils avaient droit, lors de la réforme de l’ancien statut, à ne pas voir modifiées les « conditions fondamentales » qui avaient présidé à leur nomination ni leurs « conditions d’emploi » en vigueur lors de leur recrutement, et ce, en termes à la fois d’évolution de carrière, de promotion et de rémunération. Or, en appliquant, en méconnaissance du statut et de cette jurisprudence, un facteur de multiplication aux fins de maintenir la rémunération que les requérants percevaient dans leur ancienne catégorie, l’AIPN aurait violé leurs droits acquis à se voir accorder une augmentation de traitement.

130    La Commission estime que ce moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Appréciation du Tribunal

131    Comme il a été rappelé au point 74 du présent arrêt, aux termes d’une jurisprudence bien établie un fonctionnaire ne peut se prévaloir d’un droit acquis que si le fait générateur de celui-ci s’est produit sous l’empire d’un statut déterminé antérieur à la modification des dispositions statutaires.

132    Selon une jurisprudence également bien établie, le législateur peut à tout moment apporter, pour l’avenir, aux dispositions statutaires les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service, même si celles-ci sont, comme en l’espèce, moins favorables (arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 86, et la jurisprudence citée).

133    Dès lors, dans la mesure où la réussite aux concours internes de passage de catégorie, qui constitue le fait générateur des droits acquis invoqués, a eu lieu sous l’empire du nouveau statut, les requérants ne sont pas recevables à se prévaloir du maintien de prétendus droits acquis en termes d’augmentation de traitement à l’occasion de leur nomination dans la catégorie supérieure, intervenu également après l’entrée en vigueur du nouveau statut.

134    En effet, ainsi que l’observe la Commission à juste titre, il ressort de l’arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano e.a./Parlement, précité, que l’introduction dans le statut d’un nouveau système de carrières ne devait pas entraîner un désavantage pécuniaire pour les requérants dans ladite affaire. En l’espèce, les requérants n’ont pas non plus subi de désavantage pécuniaire puisqu’ils perçoivent le même traitement que dans leur ancienne catégorie.

135    Par ailleurs, l’argument des requérants selon lequel la Cour aurait déjà fait application du principe du maintien des droits acquis dans son arrêt du 14 juin 1988, Lucas/Commission (47/87), ne peut être retenu. En effet, au point de cet arrêt cité par les requérants (point 13) la Cour se limite à préciser que l’article 46 de l’ancien statut, dans sa version applicable aux faits dudit litige, avait « notamment pour but d’assurer, pendant le déroulement de la carrière d’un fonctionnaire, la plus grande continuité possible dans l’évolution de son ancienneté et de son traitement, et cela même en cas de changement de catégorie » (arrêt Lucas/Commission précité, point 13). Cette précision ne permet donc pas de conclure, comme le font erronément les requérants, que ces derniers avaient un droit acquis à percevoir, lors de leur passage dans la catégorie supérieure, un traitement de base plus élevé que celui qu’ils percevaient dans leur ancienne catégorie.

136    Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation des droits acquis doit être rejeté comme non fondé.

137    Les quatre moyens soulevés étant écartés, il y a donc lieu de rejeter la demande en annulation des décisions attaquées en ce qu’elles appliquent un facteur de multiplication inférieur à 1.

6.      Sur la demande en annulation des décisions attaquées en ce qu’elles suppriment les points de promotion des requérants

138    À l’appui de cette demande en annulation, les requérants invoquent en substance deux moyens. Le premier est pris de l’illégalité des DGE 45 et le deuxième de la violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité des DGE 45

 Arguments des parties

139    Les requérants font valoir que les DGE 45, selon lesquelles les points de promotion accumulés par un fonctionnaire sont annulés lorsqu’il change de catégorie, violent l’article 45 bis du statut et l’article 5 de l’annexe XIII du statut. En effet, ni ces deux articles ni aucune autre disposition du statut ne prévoiraient la perte des points de promotion en cas de passage de catégorie. Au contraire, ces deux dispositions statutaires prévoiraient que la nomination d’un fonctionnaire dans une nouvelle catégorie « ne modifie ni le grade ni l’échelon atteints par le fonctionnaire au moment de sa nomination ». Dès lors, les requérants estiment qu’ils avaient droit au maintien de leurs points de promotion (« sac à dos »).

140    La Commission propose de rejeter ce moyen comme non fondé.

 Appréciation du Tribunal

141    Pour commencer, le Tribunal constate que ni l’article 45 bis du statut, ni l’article 5 de l’annexe XIII du statut, ni aucune autre disposition du statut ne font mention, pour les cas de passage de catégorie, des points de promotion accumulés dans l’ancienne catégorie et a fortiori du traitement qui doit leur être appliqué. Il convient de relever toutefois que le statut fixe les règles de base du régime juridique s’appliquant aux fonctionnaires et que, conformément à son article 110, paragraphe 1, il revient à chaque institution d’adopter les dispositions générales d’exécution du statut, lesquelles peuvent fixer des critères aptes à guider l’administration dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire ou à préciser la portée des dispositions statutaires manquant de clarté (arrêt du Tribunal de première instance du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑308/04, point 38). Ainsi, en application de l’article 110, paragraphe 1, du statut, la Commission a-t-elle adopté les DGE 45 afin d’assurer la mise en œuvre de la procédure de promotion.

142    Ensuite, le Tribunal rappelle que la nomination à un grade supérieur, à la suite d’un concours interne, est assimilée à une promotion et que, dès lors, les règles du statut concernant la promotion proprement dite sont d’application (voir arrêt de la Cour du 13 décembre 1984, Vlachos/Cour de justice, 20/83 et 21/83, points 22 à 24 ; arrêt du Tribunal du 28 juin 2007, Da Silva/Commission, F‑21/06, point 75).

143    Par conséquent, dans la mesure où la nomination à un grade supérieur à la suite d’un concours interne est assimilée à une promotion, à plus forte raison doit-il en être de même pour une nomination dans la catégorie supérieure à la suite d’un concours interne de passage de catégorie : le passage à la catégorie supérieure, qui implique l’exercice de fonctions différentes, constitue une promotion et les règles concernant la promotion sont d’application.

144    Dès lors, même si les requérants n’ont pas accédé à la catégorie supérieure par le biais d’une promotion prévue à l’article 45 du statut, il n’en demeure pas moins que les règles concernant la promotion leur sont applicables.

145    Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, c’est à juste titre que la Commission a supprimé les points de promotion qu’ils avaient accumulés dans leur ancienne catégorie.

146    Il y a d’ailleurs lieu de souligner que la non-suppression des points accumulés par un fonctionnaire nommé dans une catégorie supérieure sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut aurait pour effet de faciliter la promotion de ce dernier, principalement sur la base de points acquis dans son ancienne catégorie, ce qui serait en contradiction avec l’article 45 du statut aux termes duquel la comparaison des mérites d’un fonctionnaire en vue de sa promotion doit se faire par rapport à ses collègues du même grade. Il ressort effectivement de cet article du statut que l’administration doit prendre en compte, lors de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables du même grade, les points de promotion que ces derniers ont accumulés dans le grade concerné. Or, les points accumulés par les requérants avant leur passage de catégorie correspondent à des mérites démontrés dans des postes d’une catégorie inférieure et dans l’exerçice d’un type de fonctions différent. Ces points servaient donc pour une promotion vers le grade suivant dans la catégorie inférieure et ne sauraient servir pour une promotion vers le grade suivant dans la catégorie supérieure dans laquelle les requérants n’ont pas encore fait preuve de leurs mérites.

147    En outre, la thèse défendue par les requérants aurait pour conséquence de permettre aux fonctionnaires classés en application de l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut à la suite d’un passage de catégorie, de bénéficier d’une chance de promotion rapide plus élevée que leurs collègues du même grade ayant accédé à la catégorie supérieure au titre de l’article 45 du statut, ce qui serait contraire tant à l’article 5, paragraphe 5, du statut, en ce qui concerne les conditions de déroulement de carrière, qu’au principe d’égalité de traitement, lequel implique que l’ensemble des fonctionnaires du même grade bénéficient, à mérite égal, des mêmes chances d’être promus au grade supérieur.

148    À titre surabondant, le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger dans une affaire dans laquelle le requérant, fonctionnaire de la catégorie B*, avait été nommé dans la catégorie A* à l’issue d’un concours général, que, sous peine de fausser la comparaison des mérites entre candidats à une promotion, l’article 45 du statut s’oppose à ce qu’un fonctionnaire de catégorie B*, nommé dans la catégorie supérieure A*, conserve les points qui lui avaient été accordés au vu de ses prestations antérieures dans la catégorie inférieure où il exerçait un type de fonctions différent et qu’il découle, dès lors, de l’article 45 du statut que le requérant n’avait, à aucun moment, pu acquérir un quelconque droit au maintien de ses points de promotion en cas de changement de catégorie (arrêt, Kay/Commission, précité, point 83).

149    Des considérations qui précèdent il y a lieu de conclure que les points de promotion accumulés doivent être supprimés lorsqu’un fonctionnaire est nommé dans la catégorie supérieure en application de l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut.

150    Cette constatation n’est pas remise en cause par la thèse des requérants selon laquelle la décision de supprimer leur sac à dos serait illégale dans la mesure où sa base juridique, à savoir les DGE 45, serait illégale, car contraire à l’article 45 bis du statut et à l’article 5 de l’annexe XIII du statut.

151    S’agissant de la contrariété des DGE 45 avec l’article 45 bis du statut, il y a lieu de constater que l’article 45 bis du statut régit la procédure de certification, laquelle n’a débuté qu’en 2006. Partant, ladite disposition ne saurait être utilement soulevée pour contester la légalité des DGE 45 applicables à compter de l’exercice de promotion 2005.

152    S’agissant de la contrariété des DGE 45 avec l’article 5 de l’annexe XIII du statut, le Tribunal observe que les requérants n’ont pas précisé, et encore moins établi, dans quelle mesure les DGE 45 violeraient l’article 5 de l’annexe XIII du statut.

153    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen soulevé comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

 Arguments des parties

154    Les requérants font valoir que la suppression de leur sac à dos constitue une double discrimination. D’une part, ils auraient été discriminés par rapport aux lauréats des concours COM/PA/04 et COM/PB/04 nommés dans la catégorie supérieure après le 1er mai 2006, étant donné que l’AIPN leur aurait promis qu’ils conserveraient leur sac à dos. D’autre part, ils n’auraient pas dû être traités de la même manière que les fonctionnaires ayant bénéficié d’une promotion dans un grade supérieur dans la même catégorie. En effet, ils mériteraient un traitement différent dans la mesure où ils n’ont pas bénéficié d’une promotion, mais d’un simple passage de catégorie.

155    La Commission conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

156    S’agissant de la prétendue discrimination dont seraient victimes les requérants par rapport aux lauréats des concours COM/PA/04 et COM/PB/04 nommés dans la catégorie supérieure après le 1er mai 2006 en ce que ces derniers n’auraient pas perdu leurs points de promotion accumulés dans leur ancienne catégorie, le Tribunal observe que les requérants se limitent à des affirmations spéculatives, sans apporter le moindre élément de preuve permettant au Tribunal d’examiner si l’AIPN a effectivement soumis les lauréats des concours COM/PA/04 et COM/PB/04 à un traitement différent en ce qui concerne leur sac à dos selon qu’ils ont été nommés dans la catégorie supérieure avant ou après le 1er mai 2006.

157    S’agissant de la prétendue discrimination liée à la perte du sac à dos, à l’instar des fonctionnaires ayant bénéficié d’une promotion dans un grade supérieur dans la même catégorie, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, il y a violation du principe d’égalité lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (voir arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano e.a./Parlement, précité, point 142, et la jurisprudence citée).

158    Comme il a été indiqué au point 146 du présent arrêt, l’examen comparatif des mérites aux fins d’une promotion exige que soient examinés les mérites dont les différents candidats du même grade ont fait preuve dans ce grade, et seulement dans ce grade. Par suite, lorsqu’un fonctionnaire est promu à un grade supérieur de la même catégorie ou du même groupe de fonctions, il se voit supprimer les points correspondant au seuil de promotion qu’il avait acquis dans son ancien grade. Ces points de promotion ne sauraient de toute évidence être utilisés aux fins d’une nouvelle promotion dans le nouveau grade étant donné qu’ils reflètent les mérites reconnus dans l’ancien grade.

159    Au vu de ce qui précède, force est de constater que la situation des requérants est tout à fait comparable à celle des fonctionnaires qui bénéficient d’une promotion à l’intérieur d’une même catégorie ou d’un même groupe de fonctions : or, ces fonctionnaires perdent les points correspondant au seuil de promotion. Aussi doit-il en être de même pour les requérants. Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen soulevé doit être rejeté comme non fondé.

160    Les deux moyens soulevés étant écartés, il y a lieu de rejeter la demande en annulation des décisions attaquées en ce qu’elles suppriment les points de promotion des requérants.

7.     Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de nommer les requérants dans des grades supérieurs, sans facteur multiplicateur et avec maintien de leur sac à dos

161    Il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions à l’administration dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut (arrêts du Tribunal de première instance du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, point 16, et du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, point 63). Il s’ensuit que les conclusions susmentionnées ne peuvent qu’être rejetées comme manifestement irrecevables.

162    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

163    En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

164    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre l’Union et ses agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

165    Les requérants ayant succombé en leur recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Gervasoni

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 septembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni


Table des matières


Cadre juridique

Faits à l’origine du litige

Conclusions des parties

Procédure

En droit

1.  Observation liminaire

2.  Sur l’exception de litispendance

3.  Sur la recevabilité du recours introduit par Mme Hania

4.  Sur la demande en annulation des décisions attaquées en tant qu’elles fixent le classement en grade des requérants

Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, « du principe d’équivalence de carrière » et du maintien des droits acquis

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

–  Sur la violation du « principe d’équivalence de carrière »

–  Sur la violation du principe du maintien des droits acquis

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2 de l’annexe XIII du statut

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

5.  Sur la demande en annulation des décisions attaquées en ce qu’elles appliquent un facteur de multiplication inférieur à 1

Sur le premier moyen, tiré de la violation du statut

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes de non- discrimination et d’équivalence entre la nature des fonctions et la rémunération

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe du maintien des droits acquis

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

6.  Sur la demande en annulation des décisions attaquées en ce qu’elles suppriment les points de promotion des requérants

Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité des DGE 45

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

7.  Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de nommer les requérants dans des grades supérieurs, sans facteur multiplicateur et avec maintien de leur sac à dos

Sur les dépens

ANNEXE

Maria-Isabel Duran Ortiz, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique),

Evelyne Hania, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles,

Graziana Lonero, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à La Hulpe (Belgique),

Isabelle Mazingant, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles,

Sarina Peritore, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles.


* Langue de procédure : le français.