Language of document : ECLI:EU:C:2021:149

ORDONNANCE DU PRéSIDENT DE LA COUR

25 février 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Procédure accélérée – Absence d’effet utile –Articulation avec une procédure nationale de référé »

Dans les affaires jointes C‑14/21 et C‑15/21,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia (tribunal administratif régional pour la Sicile, Italie), par décisions du 23 décembre 2020, parvenues à la Cour le 8 janvier 2021, dans les procédures

Sea Watch eV

contre

Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti (C-14/21 et C-15/21),

Capitaneria di Porto di Palermo (C‑14/21),

Capitaneria di Porto di Porto Empedocle (C‑15/21),

Le président de lA COUR,

le juge rapporteur, M. J. Passer, et l’avocat général, M. A. Rantos, entendus,

rend la présente

Ordonnance

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de la directive 2009/16/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative au contrôle par l’État du port (JO 2009, L 131, p. 57), et de la convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, conclue à Londres le 1er novembre 1974 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1185, nº 18961, p. 3).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, d’une part, Sea Watch eV au Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti (ministère des Infrastructures et des Transports, Italie) ainsi qu’à la Capitaneria di Porto di Palermo (capitainerie du port de Palerme, Italie) et, d’autre part, Sea Watch à ce même ministère ainsi qu’à la Capitaneria di Porto di Porto Empedocle (capitainerie du port de Port-Empédocle, Italie), au sujet de deux ordres d’immobilisation donnés, respectivement, par chacune de ces capitaineries et portant, respectivement, sur les navires dénommés Sea Watch 4 et Sea Watch 3.

 Les litiges au principal

3        Sea Watch est une organisation humanitaire à but non lucratif ayant son siège à Berlin (Allemagne). Ses statuts stipulent qu’elle a pour objet, en particulier, le sauvetage de personnes en situation de détresse ou de danger en mer ainsi que l’entretien et l’exploitation de navires, de bateaux et d’appareils de vol en vue de venir au secours de ces personnes. Conformément à cet objet, elle exerce en pratique des activités de recherche et de sauvetage de personnes en mer Méditerranée au moyen de navires dont elle est à la fois le propriétaire et l’exploitant. Parmi ces navires figurent notamment deux navires, dénommés respectivement Sea Watch 3 et Sea Watch 4, qui sont enregistrés au registre national allemand, qui battent pavillon allemand et qui ont chacun été certifié par un organisme de classification et de certification établi en Allemagne en tant que « navire de charge général – polyvalent ».

4        Au cours de l’été 2020, le Sea Watch 3 et le Sea Watch 4 ont tour à tour quitté le port de Burriana (Espagne) et ont procédé au sauvetage de plusieurs centaines de personnes se trouvant en situation de détresse dans les eaux internationales de la mer Méditerranée. Les commandants respectifs de ces navires ont ensuite été informés par l’Italian Maritime Rescue Coordination Centre (Centre italien de coordination des sauvetages en mer) que le Ministero degli Interni (ministère de l’Intérieur, Italie) avait autorisé le débarquement et le transbordement des personnes concernées dans des navires se trouvant dans le port de Palerme (Italie), s’agissant du Sea Watch 4, et dans le port de Port-Empédocle (Italie), s’agissant du Sea Watch 3, et qu’il leur était donc donné instruction de diriger leur navire vers ces deux ports afin d’y procéder à ces opérations.

5        Une fois lesdites opérations effectuées, le Ministro della Sanità (ministre de la Santé publique, Italie) a ordonné que ces deux navires restent à l’ancre à proximité desdits ports à des fins, dans un premier temps, de confinement des équipages destiné à prévenir la propagation de la maladie Covid-19 et, dans un second temps, de nettoyage, de désinfection et de certification sanitaire.

6        À l’issue des procédures de nettoyage et de désinfection, la capitainerie du port de Palerme et celle du port de Port-Empédocle ont procédé à des inspections à bord, puis ont ordonné l’immobilisation, respectivement, du Sea Watch 4 et du Sea Watch 3 au motif qu’elles avaient constaté l’existence d’un ensemble d’irrégularités techniques et opérationnelles, dont certaines devaient être qualifiées de « graves » et justifiaient, en tant que telles, cette immobilisation.

7        Depuis lors, Sea Watch a mis fin à un certain nombre de ces irrégularités. En revanche, elle considère que les irrégularités restantes (ci-après les « irrégularités en cause ») ne sont pas établies. Ces irrégularités se rapportent, en substance, au fait que le Sea Watch 3 et le Sea Watch 4 ne sont, selon les autorités italiennes compétentes, ni certifiés pour accueillir à bord et pour transporter plusieurs centaines de personnes, comme ils l’ont fait au cours de l’été 2020, ni dotés d’équipements techniques adaptés, notamment en ce qui concerne le traitement des eaux usées, les douches et les toilettes.

8        Dans ces circonstances, Sea Watch a introduit, devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia (tribunal administratif régional pour la Sicile, Italie), deux recours en annulation contre les mesures par lesquelles la capitainerie du port de Palerme et celle du port de Port-Empédocle ont ordonné l’immobilisation, respectivement, du Sea Watch 4 et du Sea Watch 3 jusqu’à ce qu’il soit mis fin aux irrégularités en cause, ainsi que contre les rapports d’inspection joints à ces mesures et tout autre acte préalable, connexe ou consécutif auxdites mesures.

9        En outre, Sea Watch a assorti ces recours de demandes en référé, aux fins de l’adoption de mesures conservatoires, qu’elle a motivées par l’existence d’un risque de préjudice grave et irréparable, au sens des dispositions du droit italien applicables en la matière.

10      Dans ses demandes de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi indique notamment que les éléments figurant dans les dossiers respectifs des litiges au principal font apparaître que l’existence des irrégularités en cause fait l’objet de prises de position divergentes de la part non seulement des parties à ces litiges, mais également des autorités compétentes en Italie, État du port, et en Allemagne, État du pavillon. En effet, les autorités italiennes compétentes estiment, en substance, que ces irrégularités sont établies et qu’il doit y être mis fin, alors que les autorités allemandes compétentes considèrent qu’une juste interprétation des dispositions pertinentes du droit de l’Union et du droit international applicables permet de conclure à l’absence de telles irrégularités.

11      Eu égard à cette situation, la juridiction de renvoi considère que l’interprétation de la directive 2009/16 et de la convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer soulève des questions de droit complexes, nouvelles et d’importance majeure pour tous les États membres, dont la résolution est nécessaire pour lui permettre de trancher les litiges au principal.

12      Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia (tribunal administratif régional pour la Sicile) a décidé, dans chacun des deux litiges au principal, de surseoir à statuer et de poser à la Cour cinq questions préjudicielles libellées dans des termes quasi identiques. Elle a également demandé à la Cour de soumettre les présentes affaires à la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure de la Cour.

13      Par décision du président de la Cour du 2 février 2021, les présentes affaires ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de la décision de la Cour.

 Sur les demandes de mise en œuvre de la procédure accélérée

14      Aux termes de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque la nature d’une affaire exige son traitement dans de brefs délais, le président de la Cour peut, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, décider de soumettre cette affaire à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions de ce règlement de procédure.

15      En l’occurrence, la juridiction de renvoi motive ses demandes tendant à ce que les présentes affaires soient soumises à la procédure accélérée prévue à cette disposition en faisant valoir les éléments suivants.

16      Tout d’abord, cette juridiction souligne, en substance, que ces affaires concernent un domaine sensible en ce qu’elles portent sur les activités de sauvetage de personnes en situation de détresse qui sont exercées en mer Méditerranée, depuis les années 2014 et 2015, par des organisations non gouvernementales à vocation humanitaire au moyen, notamment, de navires de charge battant pavillon des États membres, au nombre desquels figurent le Sea Watch 3 et le Sea Watch 4.

17      Ensuite, ladite juridiction expose, en substance, que les mesures d’immobilisation imposées aux navires opérés par Sea Watch s’inscrivent dans le cadre d’un ensemble de mesures qui sont de nature à affecter, de manière générale, les activités visées au point précédent. En effet, la quasi-totalité des navires poursuivant ces activités ferait, à l’heure actuelle, l’objet de mesures d’immobilisation adoptées par les capitaineries de différents ports italiens (notamment celles des ports d’Olbia, de Palerme, de Port-Empédocle et de Venise) et motivées par le fait qu’ils ne respectent pas les exigences requises.

18      En outre, la juridiction de renvoi estime nécessaire, compte tenu de cette situation, de clarifier rapidement le cadre juridique dans lequel lesdites activités sont exercées, en relevant non seulement que le respect des exigences requises en matière de sécurité et de santé constitue une question d’ordre public, mais également qu’il n’existe à l’heure actuelle, en l’absence d’une telle clarification, aucun instrument permettant de mettre un terme à la pratique des immobilisations de navires.

19      Enfin, cette juridiction est d’avis que les délais moyens de traitement des affaires par la Cour ne lui permettront pas de trancher les litiges au principal avant le début de l’été 2021, alors que l’expérience des années passées montre que c’est pendant cette saison que se concentrent normalement les opérations de sauvetage de personnes en détresse devant être menées en mer Méditerranée par les organisations non gouvernementales telles que Sea Watch et ses homologues.

20      Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, ladite juridiction considère qu’il est nécessaire d’obtenir, à bref délai, des réponses aux questions qu’elle pose à la Cour, tout en faisant observer que, compte tenu de ses demandes tendant à ce que les présentes affaires soient soumises à la procédure accélérée, elle a elle-même rejeté, à titre purement provisoire et sans préjudice d’une décision définitive à ce sujet une fois connu le sort réservé par la Cour à ces demandes, les demandes en référé qui lui avaient été présentées par Sea Watch aux fins de l’adoption de mesures conservatoires.

21      Eu égard aux éléments avancés par la juridiction de renvoi, il convient de relever, en premier lieu, que, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, l’incertitude juridique qui peut peser sur les activités d’une partie à un litige national dans le cadre duquel la juridiction compétente estime nécessaire de saisir la Cour de questions d’interprétation du droit de l’Union, d’une part, et l’intérêt légitime de cette partie à connaître le plus rapidement possible les droits qu’elle tire du droit de l’Union, d’autre part, constituent des circonstances susceptibles de se présenter dans de nombreux litiges et ne sont donc pas de nature à justifier qu’une affaire préjudicielle soit soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 20 décembre 2017, M. A. e.a., C‑661/17, non publiée, EU:C:2017:1024, point 16, ainsi que arrêt du 14 janvier 2021, The International Protection Appeals Tribunal e.a., C‑322/19 et C‑385/19, EU:C:2021:11, point 47).

22      En effet, cette procédure accélérée constitue un instrument procédural destiné à répondre à une situation d’urgence extraordinaire, dont l’existence doit être établie par rapport à des circonstances exceptionnelles propres à l’affaire en lien avec laquelle une demande de procédure accélérée est introduite (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 20 décembre 2017, M. A. e.a., C‑661/17, non publiée, EU:C:2017:1024, point 17).

23      En deuxième lieu, et pour la même raison, le nombre important de personnes susceptibles de se trouver dans la même incertitude que les parties au litige au principal ou de situations juridiques potentiellement concernées par la décision que la juridiction de renvoi est appelée à rendre après avoir obtenu des réponses aux questions préjudicielles qu’elle a posées à la Cour ou par des décisions que cette juridiction ou d’autres juridictions nationales peuvent être appelées à rendre dans des litiges similaires ne constitue pas, en tant que tel, une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à la procédure accélérée [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 13 juillet 2016, Banco Santander, C‑96/16, non publiée, EU:C:2016:566, point 18 ; du 20 septembre 2018, Minister for Justice and Equality, C‑508/18 et C‑509/18, non publiée, EU:C:2018:766, point 14, ainsi que arrêt du 8 décembre 2020, Staatsanwaltschaft Wien (Ordres de virement falsifiés), C‑584/19, EU:C:2020:1002, point 36].

24      Par conséquent, il convient de considérer que, tout en mettant en évidence le caractère important et sensible des litiges au principal et des réponses que la Cour est susceptible d’apporter aux questions qui lui sont posées, dans le domaine concerné du droit de l’Union (voir, par analogie, ordonnances du président de la Cour du 8 mars 2018, Vitali, C‑63/18, non publiée, EU:C:2018:199, point 16, ainsi que du 27 février 2019, M.V. e.a., C‑760/18, non publiée, EU:C:2019:170, point 17), ces différents éléments, dont l’existence, en l’occurrence, ressort clairement des énonciations de la juridiction de renvoi résumées aux points 17 et 18 de la présente ordonnance, ne sont pas de nature à justifier que les présentes affaires soient soumises à la procédure accélérée.

25      En troisième et dernier lieu, il découle, à l’évidence, des énonciations de la juridiction de renvoi résumées aux points 16 et 19 de la présente ordonnance que les litiges dans le cadre desquels cette juridiction interroge la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union sont caractérisés, au-delà de leurs enjeux juridiques et de leurs répercussions concrètes, par une dimension humaine importante et délicate, dans la mesure où ils concernent les conditions dans lesquelles des organisations non gouvernementales à vocation humanitaire sont appelées à exercer des activités de sauvetage de personnes se trouvant en situation de détresse ou de danger en mer. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi souligne, en particulier, qu’elle demande la mise en œuvre de la procédure accélérée en vue d’obtenir, de la part de la Cour, des réponses dans un délai lui permettant de trancher les litiges au principal avant le début de l’été 2021, saison au cours de laquelle l’expérience enseigne que se concentrent normalement les opérations de sauvetage de personnes en détresse ou en danger devant être menées en mer Méditerranée.

26      Cependant, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, la circonstance qu’un litige national présente un caractère urgent et que la juridiction compétente soit tenue de tout mettre en œuvre pour en assurer le règlement rapide ne justifie pas, en elle-même, que la Cour soumette l’affaire préjudicielle correspondante à la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure (ordonnances du président de la Cour du 31 juillet 2017, Mobit, C‑350/17 et C‑351/17, non publiée, EU:C:2017:626, point 6, ainsi que du 29 novembre 2017, Bosworth et Hurley, C‑603/17, non publiée, EU:C:2017:933, point 9).

27      En effet, cette procédure se distingue, tant par son objet que par ses conditions de mise en œuvre, d’une procédure de référé telle que celle prévue aux articles 160 à 166 et 190 du règlement de procédure s’agissant des recours directs et des pourvois (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 7 avril 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, non publiée, EU:C:2016:232, point 18, et du 11 octobre 2017, Commission/Pologne, C‑441/17, non publiée, EU:C:2017:794, point 15), ou de celle applicable devant la juridiction de renvoi, telle que mentionnée au point 20 de la présente ordonnance.

28      En particulier, la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure a pour objectif de permettre à la Cour de rendre, dans un bref délai, une décision sur le fond dans l’affaire préjudicielle qui lui est soumise et non pas d’apprécier la nécessité d’adopter des mesures provisoires dans l’attente d’une telle décision.

29      En outre, à la différence des procédures de référé visées au point 27 de la présente ordonnance, la procédure accélérée ne permet pas à la Cour de se prononcer sans délai et, au besoin, de façon provisoire sur les questions qui lui sont posées, mais lui impose au préalable de respecter le droit de présenter des observations écrites que l’article 105, paragraphe 3, du règlement de procédure confère aux parties au litige au principal et aux autres intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, parmi lesquels figurent les États membres, qui, conformément à l’article 38, paragraphe 4, de ce règlement, peuvent déposer leurs observations dans leur propre langue officielle. Aux délais liés au respect de cette exigence s’ajoutent, notamment, ceux qu’impliquent la traduction de la demande de décision préjudicielle dans les différentes langues officielles de l’Union, celle des observations écrites déposées par les États membres dans la langue de procédure, puis celle de la décision de la Cour aux fins de sa publication.

30      Or, en l’occurrence, compte tenu de ces exigences et de la date à laquelle la juridiction de renvoi a présenté ses demandes de décision préjudicielle, il n’apparaît pas possible pour la Cour, même en soumettant les présentes affaires à la procédure accélérée, de rendre une décision sur celles-ci dans un délai qui respecte la bonne administration de la justice et qui permette à la juridiction de renvoi de trancher les litiges au principal avant le début de l’été 2021, comme celle-ci a indiqué devoir le faire pour les raisons évoquées aux points 19 et 25 de la présente ordonnance.

31      Il s’ensuit que le recours à une telle procédure ne peut, en tout état de cause, atteindre l’objectif visé au point précédent de la présente ordonnance et ne présente donc pas d’effet utile dans les présentes affaires (voir, par analogie, ordonnance du président de la Cour du 20 décembre 2017, de Diego Porras, C‑619/17, non publiée, EU:C:2017:1025, point 25). Partant, les circonstances de la présente affaire ne justifient pas que la Cour déroge aux dispositions généralement applicables de son règlement de procédure, en l’espèce, sur la base de l’article 105, paragraphe 1, de ce règlement.

32      Cela étant, la Cour a déjà jugé que tout juge national qui est saisi d’un litige régi par le droit de l’Union doit disposer du pouvoir d’accorder les mesures provisoires permettant de garantir la pleine efficacité de la décision à intervenir sur l’existence des droits invoqués sur la base de ce droit, le cas échéant en écartant l’application des règles du droit interne qui feraient obstacle à ce pouvoir. Il en va a fortiori ainsi lorsque le juge national compétent décide de surseoir à statuer et de poser des questions préjudicielles à la Cour, de telles mesures provisoires pouvant se révéler adéquates pour assurer l’effet utile du système de renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 1990, Factortame e.a., C‑213/89, EU:C:1990:257, points 21 à 23).

33      Ainsi, c’est, au premier chef, au juge national qui est saisi d’un litige présentant un caractère urgent, qui est le mieux placé pour en apprécier les enjeux concrets pour les parties et qui estime nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union, qu’il appartient d’adopter, dans l’attente de la décision de la Cour, toutes mesures provisoires adéquates pour garantir la pleine efficacité de la décision qu’il est lui-même appelé à rendre (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 10 avril 2018, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, non publiée, EU:C:2018:253, point 15 et jurisprudence citée).

34      En l’occurrence, c’est donc à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra, comme elle l’a envisagé dans ses demandes de décision préjudicielle, telles que résumées au point 20 de la présente ordonnance, de décider si des mesures provisoires sont adéquates pour assurer la pleine efficacité des décisions qu’elle est appelée à rendre et, le cas échéant, de déterminer les mesures devant être adoptées.

35      Pour sa part, la Cour jugera les présentes affaires par priorité, en application de l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure, eu égard aux circonstances particulières de ces affaires, telles qu’elles ressortent des énonciations de la juridiction de renvoi résumées aux points 16 à 19 de la présente ordonnance.

36      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les demandes de la juridiction de renvoi tendant à ce que les présentes affaires soient soumises à la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure ne peuvent être accueillies.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

Les demandes du Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia (tribunal administratif régional pour la Sicile, Italie) tendant à ce que les affaires jointes C14/21 et C15/21 soient soumises à la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure de la Cour sont rejetées.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.