Language of document : ECLI:EU:F:2012:55

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

25 avril 2012 (*)

«Fonction publique – Concours général – Non-admission au concours –Procédure précontentieuse – Déroulement irrégulier – Irrecevabilité manifeste»

Dans l’affaire F‑108/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Valentin Oprea, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes A. Fratini et F. Filpo, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch, président, R. Barents et K. Bradley (rapporteur), juges,

greffier: Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 24 octobre 2011, M. Oprea a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision du jury du concours général EPSO/AD/198/10 (ci-après le «jury du concours») de ne pas l’admettre audit concours en raison du non‑respect des conditions ayant trait à l’expérience professionnelle.

 Faits à l’origine du litige

2        Le 22 octobre 2010, le requérant a présenté sa candidature au concours général EPSO/AD/198/10, dont l’avis avait été publié en langue roumaine au Journal Officiel de l’Union européenne du 23 septembre 2010 (JO C 256 A) et qui était destiné à la constitution d’une réserve de recrutement de chefs d’unité de citoyenneté roumaine.

3        Le 19 janvier 2011, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a informé le requérant qu’il avait réussi les tests d’accès.

4        Toutefois, par courrier daté du 11 avril 2011, l’EPSO a informé le requérant que le jury du concours avait décidé qu’il ne pouvait pas être admis à concourir, du fait qu’il n’avait pas obtenu ou n’avait pas prouvé dans son acte de candidature qu’il disposait des qualifications requises, à savoir une expérience professionnelle d’une durée minimale de dix ans en rapport avec la nature des fonctions, dont trois ans dans des fonctions d’encadrement et/ou de coordination du personnel impliquant de réelles responsabilités en matière de gestion de personnel.

5        Le 15 avril 2011, le requérant a demandé au jury du concours de réexaminer sa décision.

6        Par lettre du 26 mai 2011, l’EPSO a informé le requérant que le jury avait maintenu la décision de ne pas l’admettre à concourir.

7        Le 11 juillet 2011, le requérant a introduit, par le moyen d’un courrier électronique, une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut»), contre la décision du jury du concours de confirmer sa décision initiale.

8        Le 12 juillet 2011, le requérant a reçu, en réponse à son courrier électronique de la veille, un courrier électronique de la part d’un agent de l’EPSO.

 Conclusions des parties et procédure

9        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la décision de l’EPSO de ne pas l’admettre au concours général EPSO/AD/198/10;

–        ordonner à la Commission européenne de prendre toutes les mesures nécessaires pour le rétablir dans une situation similaire à celle qui aurait été la sienne s’il avait été admis au concours;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      La Commission demande au Tribunal de:

–        rejeter le recours;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

11      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est, en tout ou partie, manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

12      Il est de jurisprudence constante que, lorsque, à la lecture du dossier d’une affaire, la formation de jugement, s’estimant suffisamment éclairée par les pièces dudit dossier, est entièrement convaincue de l’irrecevabilité de la requête et considère de surcroît que la tenue d’une audience ne serait pas de nature à offrir le moindre élément nouveau à cet égard, le rejet de la requête par voie d’ordonnance motivée sur le fondement de l’article 76 du règlement de procédure, non seulement contribue à l’économie du procès, mais épargne également aux parties les frais que la tenue d’une audience comporterait (voir, par exemple, ordonnance du Tribunal du 3 février 2009, Carvalhal Garcia/Conseil, F‑40/08, point 14).

13      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces produites par le requérant à l’appui de son recours et décide, en application de la disposition susmentionnée, de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

14      Il convient tout d’abord de rappeler que, selon l’article 91, paragraphe 2, du statut, le recours contentieux en matière de fonction publique n’est recevable que si l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN») a été préalablement saisie d’une réclamation et si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet.

15       Toutefois, le juge de l’Union a constaté que la condition de l’article 91 du statut ne vise que les actes que l’AIPN peut éventuellement réformer (arrêts de la Cour du 16 mars 1978, Ritter von Wüllerstorff und Urbair/Commission, 7/77, point 9, et du 14 juillet 1983, Detti/Cour de justice, 144/82, point 16), de sorte que, selon une jurisprudence constante, la voie de droit ouverte à l’égard d’une décision d’un jury de concours consiste normalement en une saisine directe du juge de l’Union (arrêt du Tribunal de première instance du 31 mai 2005, Gibault/Commission, T‑294/03, point 22; arrêt du Tribunal du 23 novembre 2010, Bartha/Commission, F‑50/08, point 25).

16      En outre, la jurisprudence constante a également rappelé que, si l’intéressé choisit néanmoins de s’adresser préalablement à l’administration par la voie d’une réclamation administrative dirigée contre une décision d’un jury de concours, la recevabilité du recours contentieux introduit ultérieurement contre la décision de rejet de cette réclamation dépendra du respect par l’intéressé de l’ensemble des contraintes procédurales qui s’attachent à la voie de la réclamation préalable (voir, par exemple, arrêt Gibault/Commission, précité, point 22). Notamment, pour autant qu’une réclamation ait été introduite contre une décision d’un jury de concours, le délai de recours commence à courir, conformément à l’article 91 du statut, à partir du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation (arrêt Detti/Cour de justice, précité, point 17; arrêt du Tribunal de première instance du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T‑156/89, point 90; arrêt Bartha/Commission, précité, point 26).

17      En l’espèce, il ressort des pièces produites par le requérant qu’il a reçu la décision de rejet de sa demande de réexamen le 26 mai 2011. Par conséquent, la saisine directe du juge contre cette décision aurait dû intervenir au plus tard le 6 septembre 2011, de sorte que le recours introduit le 24 octobre 2011, dans la mesure où il saisit directement le juge de la décision du 26 mai 2011, est tardif et, par suite, manifestement irrecevable.

18      Toutefois, il est constant que le requérant a contesté la décision du jury du concours, du 26 mai 2011, en introduisant le 11 juillet 2011 une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

19      Le courrier électronique reçu par le requérant en réponse à sa réclamation, le 12 juillet 2011, était rédigé dans les termes suivants:

«Nous avons examiné votre correspondance et votre dossier d’inscription et puisque le jury du concours a déjà examiné votre demande de réexamen à la suite de l’épreuve orale et confirmé sa décision, j’attire votre attention sur le point 6 du guide applicable aux concours généraux qui concerne les procédures en vigueur en vue de contestations ultérieures, au cas où vous estimeriez que cela est nécessaire.»

20      Or, force est de constater que le courrier électronique du 12 juillet 2011 ne peut en aucun cas être considéré comme étant une réponse à la réclamation du requérant et que manifestement ce courrier électronique a été envoyé au requérant par erreur. En effet, il apparaît clairement que ledit courrier prend en considération une situation qui n’était pas celle du requérant en faisant référence à une demande de réexamen présentée après l’épreuve orale, alors que le requérant avait été informé par l’EPSO dès le 11 avril 2011 qu’il n’avait pas été admis à concourir. Par conséquent, il n’avait pas participé à l’épreuve orale.

21      Par ailleurs, bien que la qualification juridique d’un acte tel que le courrier électronique du 12 juillet 2011 relève de la seule appréciation du juge et non de la volonté des parties (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 avril 2011, Scheefer/Parlement, F‑105/09, point 24), il y a lieu d’observer que le requérant lui-même est arrivé à la même conclusion en affirmant dans sa requête que «le [courrier électronique] du 12 juillet 2011 ne constitue pas une décision au fond sur la réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut».

22      Il résulte de ce qui précède que la réclamation introduite par le requérant n’a pas fait l’objet d’une décision explicite et qu’une décision implicite s’est formée seulement le 11 novembre 2011, soit à une date postérieure à l’introduction, le 24 octobre 2011, du présent recours.

23      Il s’ensuit que, dans la mesure où le présent recours a été introduit suite à la réclamation mais avant la décision de rejet de celle-ci, il est, en raison de son caractère prématuré, irrecevable en vertu de l’article 91, paragraphe 2, du statut (voir arrêts du Tribunal de première instance du 20 juin 1990, Marcato/Commission, T‑47/89 et T‑82/89, point 32, et du 3 mai 2007, Tsarnavas/Commission, T‑343/04, point 93).

24      Reste toutefois à examiner si le requérant pourrait bénéficier de l’existence d’une erreur excusable.

25      À cet égard, il doit être rappelé que la notion d’erreur excusable doit être interprétée de façon restrictive et ne vise que des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque les institutions ont adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti (arrêt du Tribunal de première instance du 11 novembre 2008, Speiser/Parlement, T‑390/07, point 33; ordonnance du Tribunal du 10 mai 2011, Barthel e.a./Cour de justice, F‑59/10, point 28).

26      Tel n’est pas le cas en l’espèce.

27      En effet, il est certes regrettable que l’EPSO ait adressé au requérant le courrier électronique du 12 juillet 2011 qui était manifestement dépourvu de toute pertinence. Toutefois, au vu du contenu de ce courrier électronique, un candidat normalement attentif aurait dû douter de sa nature juridique, de sorte qu’il ne saurait être soutenu que l’envoi dudit courrier électronique était susceptible, à lui seul ou dans une mesure déterminante, de provoquer une confusion admissible dans l’esprit du requérant.

28      En outre, le Tribunal rappelle qu’il incombe aux parties de surveiller soigneusement le déroulement de la procédure et, notamment, de faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 8 novembre 2007, Belgique/Commission, C‑242/07 P, point 17; ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 12 décembre 2011, AO/Commission, T‑365/11 P, point 32).

29      Or, il est certes vrai que le statut ne soumet la réponse à la réclamation à aucune formalité. Toutefois, le fait que les décisions du jury du concours des 11 avril 2011 et 26 mai 2011 avaient été transmises au requérant par des lettres contenant des références précises au concours concerné, au numéro de candidat du requérant et la mention «For the Chairperson of the Selection Board» ainsi que le nom et la qualité du signataire et une signature électronique, aurait dû amener le requérant, en vertu de l’obligation de diligence rappelée ci-dessus, au moins à demander à l’EPSO des éclaircissements sur la nature exacte du courrier électronique du 12 juillet 2011 qui ne présentait aucun des éléments susmentionnés.

30      Il découle de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

31      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

32      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la partie requérante a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant à supporter l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

ordonne:

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      M. Oprea supporte l’ensemble des dépens.

Fait à Luxembourg, le 25 avril 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure: l’anglais.