Language of document : ECLI:EU:C:2013:771

Affaire C‑50/12 P

Kendrion NV

contre

Commission européenne

«Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché des sacs industriels en plastique – Imputabilité à la société mère de l’infraction commise par la filiale – Responsabilité solidaire de la société mère pour le paiement de l’amende infligée à la filiale – Durée excessive de la procédure devant le Tribunal – Principe de protection juridictionnelle effective»

Sommaire – Arrêt de la Cour (grande chambre) du 26 novembre 2013 

1.        Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Imputation – Société mère et filiales – Unité économique – Critères d’appréciation – Présomption d’une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle-ci – Obligations probatoires de la société désirant renverser cette présomption

[Art. 81, § 1, CE (devenu art. 101, § 1, TFUE)]

2.        Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Décision d’application des règles de concurrence

(Art. 296 TFUE)

3.        Concurrence – Règles de l’Union – Infraction commise par une filiale – Imputation à la société mère – Responsabilité solidaire pour le paiement de l’amende – Portée – Société mère et filiale ayant formé, à l’époque de la commission de l’infraction, une entreprise au sens de l’article 81 CE et ayant cessé d’exister sous cette forme au jour de l’adoption d’une décision imposant une amende – Conséquences sur la détermination du montant maximal de l’amende

[Art. 81, § 1, CE (devenu art. 101, § 1, TFUE); règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2]

4.        Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Principe d’égalité de traitement – Différences entre entreprises résultant de l’application du montant maximal – Admissibilité

[Art. 81, § 1, CE (devenu art. 101, § 1, TFUE); règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2]

5.        Droit de l’Union européenne – Principes – Droits fondamentaux – Respect assuré par la Cour – Droit de toute personne à un procès équitable – Respect d’un délai raisonnable – Consécration par la convention européenne des droits de l’homme – Référence à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à une protection juridictionnelle effective

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47)

6.        Procédure juridictionnelle – Durée de la procédure devant le Tribunal – Délai raisonnable – Litige portant sur l’existence d’une infraction aux règles de concurrence – Non-respect du délai raisonnable – Conséquences

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47, al. 2)

7.        Procédure juridictionnelle – Durée de la procédure devant le Tribunal – Délai raisonnable – Critères d’appréciation

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47, al. 2)

8.        Responsabilité non contractuelle – Demande fondée sur une durée excessive de la procédure devant le Tribunal – Conditions – Illégalité – Préjudice – Lien de causalité – Critères d’appréciation – Composition de la formation de jugement

(Art. 256 TFUE, 269 TFUE et 340 TFUE; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47, al. 2)

1.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 27-34)

2.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 41-48)

3.        Lorsque, tant la responsabilité d’une société mère que celle d’une filiale reposent sur le fait que ces sociétés faisaient toutes deux partie de l’entité économique qui a enfreint l’article 81 CE, la société mère est, de ce fait, censée avoir commis elle-même l’infraction aux règles de concurrence du droit de l’Union. Il s’ensuit que, en ce qui concerne le paiement de l’amende, le rapport de solidarité qui existe entre deux sociétés constituant une telle entité économique ne saurait se réduire à une forme de caution fournie par la société mère pour garantir le paiement de l’amende infligée à la filiale.

Dans l’hypothèse où deux personnes morales distinctes, telles qu’une société mère et sa filiale, ne constituent plus une entreprise au sens de l’article 81 CE à la date de l’adoption d’une décision leur infligeant une amende pour violation des règles de concurrence, chacune d’entre elles a le droit de se voir appliquer individuellement le plafond de 10 % du chiffre d’affaires. Dans ces conditions, la société mère ne peut prétendre à bénéficier du plafond applicable à son ancienne filiale.

Par conséquent, une société mère peut être condamnée au paiement d’une amende d’un montant supérieur à celui de l’amende infligée à sa filiale.

(cf. points 55-58)

4.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 62-68)

5.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 77, 78, 106)

6.        Une violation, par une juridiction de l’Union, de son obligation résultant de l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de juger les affaires qui lui sont soumises dans un délai raisonnable doit trouver sa sanction dans un recours en indemnité porté devant le Tribunal, un tel recours constituant un remède effectif.

Il s’ensuit qu’une demande visant à obtenir réparation du préjudice causé par le non-respect, par le Tribunal, d’un délai de jugement raisonnable ne peut être soumise directement à la Cour dans le cadre d’un pourvoi, mais doit être introduite devant le Tribunal lui-même.

Par ailleurs, en l’absence de tout indice selon lequel la durée excessive de la procédure devant le Tribunal aurait eu une incidence sur la solution du litige, le non-respect d’un délai de jugement raisonnable ne saurait conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué. En outre, compte tenu de la nécessité de faire respecter les règles de concurrence du droit de l’Union, la Cour ne saurait permettre, au seul motif de la méconnaissance d’un délai de jugement raisonnable, à la partie requérante de remettre en question le bien-fondé ou le montant d’une amende alors que l’ensemble des moyens dirigés contre les constatations opérées par le Tribunal au sujet du montant de cette amende et des comportements qu’elle sanctionne ont été rejetés.

(cf. points 81, 82, 87, 94, 95)

7.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 96-98, 102-106)

8.        Dans le cadre de l’examen d’une demande visant à obtenir réparation du préjudice causé par le non-respect, par le Tribunal, d’un délai de jugement raisonnable, il appartiendra au Tribunal d’apprécier tant la matérialité du dommage invoqué que le lien de causalité de celui-ci avec la durée excessive de la procédure juridictionnelle litigieuse en procédant à un examen des éléments de preuve fournis à cet effet.

À cet égard, dans le cas d’un recours en indemnité fondé sur une violation, par le Tribunal, de l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce qu’il aurait méconnu les exigences liées au respect du délai de jugement raisonnable, il incombe à celui-ci, conformément à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, de prendre en considération les principes généraux applicables dans les ordres juridiques des États membres pour traiter les recours fondés sur des violations similaires. Dans ce contexte, le Tribunal doit notamment rechercher s’il est possible d’identifier, outre l’existence d’un préjudice matériel, celle d’un préjudice immatériel qui aurait été subi par la partie affectée par le dépassement de délai et qui devrait, le cas échéant, faire l’objet d’une réparation adéquate.

Il appartient dès lors au Tribunal, compétent en vertu de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, de se prononcer sur de telles demandes d’indemnité, en statuant dans une formation différente de celle qui a eu à connaître du litige ayant donné lieu à la procédure dont la durée est critiquée et en appliquant les critères définis par la Cour afin d’apprécier si le Tribunal a respecté le principe du délai raisonnable.

(cf. points 99-101)