Language of document : ECLI:EU:C:2019:376

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 mai 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement (UE) n° 1215/2012 – Article 7, point 1, sous a) – Compétence spéciale en matière contractuelle – Notion de “matière contractuelle” – Décision de l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble – Obligation incombant aux copropriétaires d’acquitter les contributions financières annuelles au budget de la copropriété fixées par cette décision – Action judiciaire tendant à obtenir l’exécution de cette obligation – Loi applicable aux obligations contractuelles – Règlement (CE) n° 593/2008 – Article 4, paragraphe 1, sous b) et c) – Notions de “contrat de prestation de services” et de “contrat ayant pour objet un droit réel immobilier” – Décision de l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble relative aux frais d’entretien des parties communes de celui-ci »

Dans l’affaire C‑25/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Okrazhen sad – Blagoevgrad (tribunal régional de Blagoevgrad, Bulgarie), par décision du 19 décembre 2017, parvenue à la Cour le 16 janvier 2018, dans la procédure

Brian Andrew Kerr

contre

Pavlo Postnov,

Natalia Postnova,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteure), vice‑présidente de la Cour, Mme C. Toader, MM. L. Bay Larsen et M. Safjan, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement letton, par Mmes I. Kucina et V. Soņeca, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin ainsi que par Mmes M. Heller et Y. Marinova, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 31 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, point 1, sous a), du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1), ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO 2008, L 177, p. 6).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Brian Andrew Kerr à M. Pavlo Postnov et à Mme Natalia Postnova au sujet du non-paiement, par ces derniers, de contributions financières annuelles au budget de la copropriété relatives à un immeuble à appartements, dont M. Kerr, en sa qualité de syndic, assure la gérance.

 Le cadre juridique

 Le règlement n° 1215/2012

3        Les considérants 4, 15 et 16 du règlement n° 1215/2012 énoncent :

« (4)      Certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur. Des dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de garantir la reconnaissance et l’exécution rapides et simples des décisions rendues dans un État membre sont indispensables.

[...]

(15)      Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de compétence.

(16)      Le for du domicile du défendeur devrait être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice. L’existence d’un lien étroit devrait garantir la sécurité juridique et éviter la possibilité que le défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pouvait pas raisonnablement prévoir. Cet aspect est important, en particulier dans les litiges concernant les obligations non contractuelles résultant d’atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité, notamment la diffamation. »

4        L’article 4, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

5        L’article 7 dudit règlement prévoit :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1)      a)      en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ;

[...] ».

6        L’article 24 du même règlement est libellé comme suit :

« Sont seules compétentes les juridictions ci-après d’un État membre, sans considération de domicile des parties :

1)      en matière de droits réels immobiliers et de baux d’immeubles, les juridictions de l’État membre où l’immeuble est situé.

[...] »

 Le règlement n° 593/2008

7        Les considérants 7 et 17 du règlement n° 593/2008 énoncent :

« (7)      Le champ d’application matériel et les dispositions du présent règlement devraient être cohérents par rapport au règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale [(JO 2001, L 12, p. 1)] (Bruxelles I) et au règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles [(« Rome II ») (JO 2007, L 199, p. 40)].

[...]

(17)      S’agissant de la loi applicable à défaut de choix, les notions de “prestation de services” et de “vente de biens” devraient recevoir la même interprétation que celle retenue pour l’application de l’article 5 du règlement [n° 44/2001], dans la mesure où ce dernier couvre la vente de biens et la fourniture de services. Les contrats de franchise ou de distribution, bien qu’ils soient des contrats de services, font l’objet de règles particulières. »

8        L’article 1er du règlement n° 593/2008 dispose :

« 1.      Le présent règlement s’applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale.

[...]

2.      Sont exclus du champ d’application du présent règlement :

[...]

f)      les questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales, telles que la constitution, par enregistrement ou autrement, la capacité juridique, le fonctionnement interne et la dissolution des sociétés, associations et personnes morales, ainsi que la responsabilité personnelle légale des associés et des agents pour les dettes de la société, association ou personne morale ;

[...] »

9        Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement :

« À défaut de choix exercé conformément à l’article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit :

a)      le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ;

b)      le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ;

c)      le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d’immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’immeuble ;

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

10      M. Postnov et Mme Postnova, domiciliés à Dublin (Irlande), sont propriétaires d’un appartement faisant partie d’un immeuble en copropriété situé à Bansko (Bulgarie), qu’ils ont acquis en vertu d’un contrat de vente conclu le 30 mai 2008.

11      Lors des assemblées générales annuelles des copropriétaires de cet immeuble, tenues au cours des mois de janvier 2013, janvier 2014, février 2015, mars 2016 et mars 2017, des décisions relatives aux contributions financières annuelles au budget de la copropriété, au titre de l’entretien des parties communes, ont été adoptées.

12      Soutenant que M. Postnov et Mme Postnova ne s’étaient pas entièrement acquittés de leur obligation de payer ces contributions annuelles, M. Kerr a, en sa qualité de syndic dudit immeuble, introduit une requête devant le Rayonen sad Razlog (tribunal d’arrondissement de Razlog, Bulgarie), tendant à ce que ceux-ci soient condamnés au paiement du montant desdites contributions, augmenté d’une indemnité de retard.

13      Par une ordonnance statuant sur cette requête, le Rayonen sad Razlog (tribunal d’arrondissement de Razlog) a considéré que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, il n’était pas compétent pour connaître du litige opposant M. Kerr à M. Postnov et à Mme Postnova, au motif que ceux-ci étaient domiciliés à Dublin (Irlande) et que les conditions d’application des exceptions à la règle de compétence générale énoncée à cette disposition n’étaient pas réunies.

14      M. Kerr a introduit un recours contre cette ordonnance devant la juridiction de renvoi.

15      Celle-ci s’interroge sur la nature juridique des obligations issues d’une décision d’une collectivité dépourvue de la personnalité juridique, telle qu’une assemblée générale de copropriétaires d’un immeuble à appartements.

16      C’est dans ces conditions que l’Okrazhen sad – Blagoevgrad (tribunal régional de Blagoevgrad, Bulgarie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les décisions de communautés de droit – qui sont dépourvues de la personnalité juridique et qui ont été spécialement instituées par la loi pour exercer certains droits – lesquelles ont été adoptées par la majorité de leurs membres mais sont contraignantes pour tous, y compris ceux qui n’ont pas pris part au vote, constituent-elles une source d’“obligations contractuelles” aux fins de la détermination de la compétence internationale de juridiction, conformément à l’article 7, point 1, sous a), du règlement [n° 1215/2012] ?

2)      Si la réponse à la première question est négative, convient-il d’appliquer à ces décisions les règles de détermination de la loi applicable aux relations contractuelles, codifiées dans le règlement [n° 593/2008] ?

3)      Si les réponses à la première et à la deuxième questions sont négatives, convient-il d’appliquer à ces décisions les dispositions du règlement [n° 864/2007], ainsi que les règles précisant lesquelles des sources de responsabilité non contractuelle spécifiées dans ce règlement sont applicables ?

4)      Si la réponse à la première ou à la deuxième question est affirmative, les décisions de communautés dépourvues de la personnalité juridique, relatives aux frais d’entretien de bâtiments, doivent-elles être considérées comme des “contrats de prestation de services”, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement [n° 593/2008] ou encore comme des “contrats ayant pour objet un droit réel immobilier” ou “un bail”, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de ce même règlement ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

17      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, point 1, sous a), du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’un litige portant sur une obligation de paiement découlant d’une décision de l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble à appartements dépourvue de la personnalité juridique et spécialement instituée par la loi pour exercer certains droits, adoptée à la majorité de ses membres, mais contraignante pour tous les membres de celle-ci, doit être regardé comme relevant de la notion de « matière contractuelle », au sens de cette disposition.

18      En l’occurrence, l’obligation dont l’exécution est demandée découle d’une décision adoptée par l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble à appartements, fixant le montant des contributions financières annuelles au budget de la copropriété au titre de l’entretien des parties communes de cet immeuble.

19      Dans la mesure où le règlement n° 1215/2012 abroge et remplace le règlement n° 44/2001, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de ce dernier règlement vaut également pour le règlement n° 1215/2012 lorsque les dispositions de ces deux instruments de droit de l’Union peuvent être qualifiées d’équivalentes (arrêt du 15 novembre 2018, Kuhn, C‑308/17, EU:C:2018:911, point 31 et jurisprudence citée).

20      Par conséquent, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne l’article 5, point 1, du règlement n° 44/2001 vaut également pour l’article 7, point 1, du règlement n° 1215/2012, dans la mesure où ces dispositions peuvent être qualifiées d’équivalentes (arrêt du 15 juin 2017, Kareda, C‑249/16, EU:C:2017:472, point 27).

21      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la compétence prévue à l’article 4 du règlement n° 1215/2012, à savoir celle des juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile, constitue la règle générale. Ce n’est que par dérogation à cette règle générale que ledit règlement prévoit des règles de compétence spéciale et exclusive dans des cas limitativement énumérés dans lesquels le défendeur peut ou doit, selon le cas, être attrait devant une juridiction d’un autre État membre (arrêts du 7 mars 2018, E.ON Czech Holding, C‑560/16, EU:C:2018:167, point 26, et du 12 septembre 2018, Löber, C‑304/17, EU:C:2018:701, point 18).

22      Dès lors, les règles de compétence spéciales prévues par le règlement n° 1215/2012 sont d’interprétation stricte et ne permettent pas une interprétation allant au-delà des hypothèses envisagées de manière explicite par ledit règlement (arrêts du 18 juillet 2013, ÖFAB, C‑147/12, EU:C:2013:490, point 31 ; du 17 octobre 2013, OTP Bank, C‑519/12, non publié, EU:C:2013:674, point 23, et du 14 juillet 2016, Granarolo, C‑196/15, EU:C:2016:559, point 18).

23      Concernant la règle de compétence spéciale prévue à l’article 7, point 1, sous a), du règlement n° 1215/2012, la Cour a jugé que la conclusion d’un contrat ne constitue pas une condition d’application de cette disposition (arrêts du 28 janvier 2015, Kolassa, C‑375/13, EU:C:2015:37, point 38, et du 21 avril 2016, Austro-Mechana, C‑572/14, EU:C:2016:286, point 34).

24      Si cette disposition n’exige pas la conclusion d’un contrat, l’identification d’une obligation est néanmoins indispensable à l’application de celle-ci, étant donné que la compétence juridictionnelle en vertu de ladite disposition est établie en fonction du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée. Ainsi, la notion de « matière contractuelle », au sens de cette même disposition, ne saurait être comprise comme visant une situation dans laquelle il n’existe aucun engagement librement assumé d’une partie envers une autre (arrêts du 14 mars 2013, Česká spořitelna, C‑419/11, EU:C:2013:165, point 46 ; du 28 janvier 2015, Kolassa, C‑375/13, EU:C:2015:37, point 39, et du 21 avril 2016, Austro-Mechana, C‑572/14, EU:C:2016:286, point 35).

25      Par conséquent, l’application de la règle de compétence spéciale prévue en matière contractuelle à l’article 7, point 1, sous a), du règlement n° 1215/2012 présuppose la détermination d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur (arrêts du 14 mars 2013, Česká spořitelna, C‑419/11, EU:C:2013:165, point 47 ; du 18 juillet 2013, ÖFAB, C‑147/12, EU:C:2013:490, point 33 , et du 21 avril 2016, Austro-Mechana, C‑572/14, EU:C:2016:286, point 36).

26      S’agissant de l’article 5, point 1, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), dont le libellé correspond à celui de l’article 7, point 1, du règlement n° 1215/2012, si bien que, ainsi qu’il a été rappelé au point 19 du présent arrêt, l’interprétation donnée par la Cour de la première de ces dispositions vaut également pour la seconde, la Cour a déjà jugé que les obligations ayant pour objet le versement d’une somme d’argent et trouvant leur fondement dans les liens existant entre une association et ses adhérents doivent être regardées comme relevant de la « matière contractuelle », au sens de cette disposition, au motif que l’adhésion à une association crée entre les associés des liens étroits de même type que ceux qui s’établissent entre les parties à un contrat (arrêts du 22 mars 1983, Peters Bauunternehmung, 34/82, EU:C:1983:87, points 13 et 15 ; du 10 mars 1992, Powell Duffryn, C‑214/89, EU:C:1992:115, point 15, ainsi que du 20 janvier 2005, Engler, C‑27/02, EU:C:2005:33, point 47).

27      Or, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 54 de ses conclusions, même si la participation à une copropriété est requise par la loi, il n’en demeure pas moins que les détails de l’administration des parties communes de l’immeuble concerné sont, le cas échéant, réglés par contrat et que l’entrée dans la copropriété se fait par un acte d’acquisition volontaire conjointe d’un appartement et de parts de copropriété dans ces parties communes, de telle sorte qu’une obligation des copropriétaires à l’égard de la copropriété, telle que celle en cause au principal, doit être considérée comme étant une obligation juridique librement consentie, au sens de la jurisprudence citée au point 25 du présent arrêt.

28      La circonstance que cette obligation résulte exclusivement de cet acte d’acquisition ou découle à la fois de celui-ci et d’une décision adoptée par l’assemblée générale des copropriétaires dudit immeuble est sans incidence sur l’application de l’article 7, point 1, sous a), du règlement n° 1215/2012 à un litige relatif à ladite obligation (voir, par analogie, arrêt du 22 mars 1983, Peters Bauunternehmung, 34/82, EU:C:1983:87, point 18).

29      De même, le fait que les copropriétaires concernés n’ont pas participé à l’adoption de cette décision ou s’y sont opposés mais que, en vertu de la loi, ladite décision et l’obligation qui en découle ont un caractère contraignant et s’imposent à eux, est sans incidence sur cette application, puisque, en devenant et en demeurant copropriétaire d’un immeuble, chaque copropriétaire consent à se soumettre à l’ensemble des dispositions de l’acte réglementant la copropriété concernée ainsi qu’aux décisions adoptées par l’assemblée générale des copropriétaires de cet immeuble (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1992, Powell Duffryn, C‑214/89, EU:C:1992:115, points 18 et 19).

30      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 7, point 1, sous a), du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’un litige portant sur une obligation de paiement découlant d’une décision de l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble à appartements dépourvue de la personnalité juridique et spécialement instituée par la loi pour exercer certains droits, adoptée à la majorité de ses membres, mais contraignante pour tous les membres de celle-ci, doit être regardé comme relevant de la notion de « matière contractuelle », au sens de cette disposition.

 Sur les deuxième et troisième questions

31      Les deuxième et troisième questions n’étant posées que pour le cas où une réponse négative serait donnée à la première question, il n’y a pas lieu d’y répondre.

 Sur la quatrième question

32      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un litige portant sur une obligation de paiement résultant d’une décision de l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble à appartements, relative aux frais d’entretien des parties communes de cet immeuble, doit être regardé comme concernant un contrat de prestation de services, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 593/2008, ou un contrat ayant pour objet un droit réel immobilier, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de ce règlement.

33      À titre liminaire, il convient de relever que l’exclusion du champ d’application du règlement n° 593/2008 des questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales, telles que la constitution, par enregistrement ou autrement, la capacité juridique, le fonctionnement interne et la dissolution des sociétés, associations et personnes morales, énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, sous f), de ce règlement, vise non pas une demande d’une communauté de droit, en l’occurrence celle constituée par les copropriétaires d’un immeuble à appartements représentés par le gérant de celui-ci, tendant au paiement de contributions financières annuelles au budget de la copropriété de cet immeuble, qui relève du droit commun des obligations contractuelles, mais exclusivement les aspects organiques de ces sociétés, associations et personnes morales.

34      À cet égard, il convient de relever également que cette interprétation est corroborée par le rapport concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, rédigé par Mario Giuliano, professeur à l’université de Milan, et Paul Lagarde, professeur à l’université de Paris I (JO 1980, C 282, p. 1), selon lequel l’exclusion desdites questions du champ d’application de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO 1980 L 266, p. 1), qui a été remplacée, entre les États membres, par le règlement n° 593/2008, vise tous les actes de nature complexe nécessaires à la création d’une société ou réglant sa vie interne ou sa dissolution, c’est-à-dire des actes qui relèvent du droit des sociétés.

35      Il s’ensuit que le règlement n° 593/2008 s’applique à une situation telle que celle en cause au principal.

36      Conformément au considérant 7 du règlement n° 593/2008, le champ d’application matériel et les dispositions de ce règlement devraient être cohérents par rapport au règlement n° 44/2001. Dans la mesure où ce dernier a été abrogé et remplacé par le règlement n° 1215/2012, cet objectif de cohérence vaut également pour celui-ci.

37      À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant de l’article 24, point 1, du règlement n° 1215/2012, qui prévoit une compétence exclusive des juridictions de l’État membre où l’immeuble est situé en matière de droits réels immobiliers et de baux d’immeubles, la Cour a déjà jugé que cette compétence englobe non pas l’ensemble des actions qui concernent des droits réels immobiliers, mais seulement celles d’entre elles qui, tout à la fois, entrent dans le champ d’application de ce règlement et sont au nombre de celles qui tendent, d’une part, à déterminer l’étendue, la consistance, la propriété, la possession d’un bien immobilier ou l’existence d’autres droits réels sur ces biens et, d’autre part, à assurer aux titulaires de ces droits la protection des prérogatives qui sont attachées à leur titre (arrêts du 17 décembre 2015, Komu e.a., C‑605/14, EU:C:2015:833, point 26, ainsi que du 16 novembre 2016, Schmidt, C‑417/15, EU:C:2016:881, point 30).

38      Compte tenu de ces éléments et dans la mesure où l’action à l’origine du litige au principal ne relève d’aucune de ces actions mais est fondée sur les droits de la copropriété au paiement des contributions relatives à l’entretien des parties communes d’un immeuble, cette action ne doit pas être considérée comme concernant un contrat ayant pour objet un droit réel immobilier, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 593/2008.

39      En ce qui concerne la notion de « services », au sens de l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement n° 1215/2012, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que cette notion implique, pour le moins, que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d’une rémunération (arrêts du 23 avril 2009, Falco Privatstiftung et Rabitsch, C‑533/07, EU:C:2009:257, point 29 ; du 19 décembre 2013, Corman-Collins, C‑9/12, EU:C:2013:860, point 37 ; du 10 septembre 2015, Holterman Ferho Exploitatie e.a., C‑47/14, EU:C:2015:574, point 57 ; du 15 juin 2017, Kareda, C‑249/16, EU:C:2017:472, point 35, ainsi que du 8 mars 2018, Saey Home & Garden, C‑64/17, EU:C:2018:173, point 38).

40      En l’occurrence, l’action dont est saisie la juridiction de renvoi tend à obtenir l’exécution d’une obligation de paiement de la contribution des intéressés aux charges de l’immeuble dans lequel ils sont propriétaires, dont le montant a été fixé par l’assemblée générale des copropriétaires.

41      Dès lors, un litige tel que celui en cause au principal doit être considéré comme ayant pour objet non pas un droit réel immobilier, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 593/2008, mais une prestation de services, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de celui-ci.

42      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 593/2008 doit être interprété en ce sens qu’un litige, tel que celui en cause au principal, portant sur une obligation de paiement résultant d’une décision de l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble à appartements, relative aux frais d’entretien des parties communes de cet immeuble, doit être regardé comme concernant un contrat de prestation de services, au sens de cette disposition.

 Sur les dépens

43      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 7, point 1, sous a), du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’un litige portant sur une obligation de paiement découlant d’une décision de l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble à appartements dépourvue de la personnalité juridique et spécialement instituée par la loi pour exercer certains droits, adoptée à la majorité de ses membres, mais contraignante pour tous les membres de celle-ci, doit être regardé comme relevant de la notion de « matière contractuelle », au sens de cette disposition.

2)      L’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), doit être interprété en ce sens qu’un litige, tel que celui en cause au principal, portant sur une obligation de paiement résultant d’une décision de l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble à appartements, relative aux frais d’entretien des parties communes de cet immeuble, doit être regardé comme concernant un contrat de prestation de services, au sens de cette disposition.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.