Language of document : ECLI:EU:C:2018:815

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 4 octobre 2018 (1)

Affaire C‑493/17

Heinrich Weiss,

Jürgen Heraeus,

Patrick Adenauer,

Bernd Lucke,

Hans-Olaf Henkel,

Joachim Starbatty,

Bernd Kölmel,

Ulrike Trebesius,

Peter Gauweiler,

Johann Heinrich von Stein,

Gunnar Heinsohn,

Otto Michels,

Reinhold von Eben-Worlée,

Michael Göde,

Dagmar Metzger,

Karl-Heinz Hauptmann,

Stefan Städter,

Markus C. Kerber

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Politique économique et monétaire – Décision (UE) 2015/774 de la Banque centrale européenne (BCE) – Programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires – Validité – Articles 119 et 127 TFUE – Attributions de la BCE et du Système européen des banques centrales – Maintien de la stabilité des prix – Proportionnalité – Article 123 TFUE – Interdiction du financement monétaire des États membres de la zone euro »






Table des matières


I. Introduction

II. Le cadre juridique

A. Le traité FUE

B. Le protocole sur le SEBC et la BCE

C. La décision 2015/774

1. Le texte consolidé de la décision 2015/774

2. Les considérants de la décision 2015/774 et des décisions qui l’ont modifiée

a) Les considérants de la décision 2015/774

b) Les considérants de la décision 2015/2101

c) Les considérants de la décision 2015/2464

d) Les considérants de la décision 2016/702

e) Les considérants de la décision 2017/100

III. Les faits des litiges au principal

A. Les principales caractéristiques du PSPP

B. Les procédures au principal et la décision de renvoi

IV. La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

V. Analyse

A. Remarque liminaire sur la version de la décision 2015/774 pertinente

B. Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

C. Sur les première et deuxième questions préjudicielles

1. Le cadre d’analyse défini à l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C62/14, EU:C:2015:400)

2. Sur l’application des principes au PSPP

a) Sur l’absence de certitude des opérateurs

1) Sur l’adéquation des garanties prévues par la décision 2015/774 [première question préjudicielle, en ce compris sous a) et b)]

2) Sur l’absence d’incidence de la conservation des obligations jusqu’à leur échéance et l’achat d’obligations à rendement négatif [première question préjudicielle sous c) et d)]

i) Sur la conservation des obligations jusqu’à leur échéance

ii) Sur l’achat d’obligations à rendement négatif

3) Sur l’absence d’incidence de la prétendue déterminabilité des titres qui seront acquis sur la validité de la décision 2015/774 [première question préjudicielle sous a) et deuxième question préjudicielle]

b) Sur l’incitation à mener une politique budgétaire saine

3. Conclusion sur les première et deuxième questions

D. Sur les troisième et quatrième questions

1. Le cadre d’analyse défini aux arrêts du 27 novembre 2012, Pringle (C370/12, EU:C:2012:756), et du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C62/14, EU:C:2015:400)

a) Sur la définition de la politique monétaire

b) Sur le principe de proportionnalité et l’étendue du contrôle juridictionnel y afférant

2. Sur l’application des principes du PSPP

a) Sur le respect du mandat de la BCE

1) Sur l’objectif et les instruments utilisés par le PSPP

2) Sur les effets indirects du PSPP

i) Réflexions théoriques sur les rapports entre politique monétaire et politique économique et l’étendue du contrôle juridictionnel

ii) Sur les garanties du PSPP qui limitent ses incidences en termes de politique économique

b) Sur la proportionnalité du PSPP

1) Sur l’aptitude du PSPP à atteindre les objectifs du SEBC et sa nécessité

2) Sur la proportionnalité stricto sensu du PSPP

3. Conclusion sur les troisième et quatrième questions

VI. Conclusion


I.      Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle porte sur la validité de la décision (UE) 2015/774 de la Banque centrale européenne, du 4 mars 2015, concernant un programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (2), telle que modifiée par la décision (UE) 2015/2101 de la Banque centrale européenne, du 5 novembre 2015 (3), et par la décision (UE) 2016/702 de la Banque centrale européenne, du 18 avril 2016 (4) (ci-après la « décision 2015/774 »), et sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, TUE, des articles 119, 123, 125 et 127 TFUE, ainsi que des articles 17 à 24 du protocole nº 4 sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne (5) (ci-après le « protocole sur le SEBC et la BCE »).

2.        Cette demande a été présentée par le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne) dans le cadre de plusieurs recours constitutionnels au sujet de l’applicabilité, en République fédérale d’Allemagne, de diverses décisions de la Banque centrale européenne (BCE), du concours apporté par la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale d’Allemagne, Allemagne) à la mise en œuvre de ces décisions ou de sa carence alléguée face à celles-ci, ainsi que de la carence alléguée du Bundesregierung (gouvernement fédéral, Allemagne) et du Deutscher Bundestag (chambre basse du parlement fédéral, Allemagne) face à ce concours et aux mêmes décisions.

3.        L’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), s’inscrit inévitablement en filigrane de cette nouvelle affaire. En effet, d’une part, la demande de décision préjudicielle est à nouveau adressée à la Cour par le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) dans le cadre d’une procédure qui vise à faire établir qu’un acte de la BCE serait manifestement ultra vires et contraire à l’identité constitutionnelle allemande. D’autre part, les actes en cause dans la présente affaire et dans celle ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), sont tous deux relatifs à des programmes de la BCE dits « non conventionnels » qui ne relèveraient pas de la politique monétaire et porteraient atteinte à l’interdiction du financement monétaire stipulée à l’article 123 TFUE.

4.        Toutefois, l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), portait sur un communiqué de presse de la BCE qui rendait compte d’une décision autorisant un programme d’acquisition de titres de dette publique émis par les États membres de la zone euro baptisé « Outright Monetary Transactions » (opérations monétaires sur titres, ci-après l’« OMT ») qui n’avait pas – et, à ce jour, n’a jamais – été mis en œuvre. En revanche, le programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (« public sector asset purchase programme », ci-après le « PSPP ») en cause dans la présente affaire a non seulement été formellement adopté, mais est également mis en œuvre depuis plus de trois ans. En outre, l’OMT et le PSPP présentent des différences objectives qui concernent tant l’objectif annoncé et les modalités techniques prévues que les montants en cause.

II.    Le cadre juridique

A.      Le traité FUE

5.        Les dispositions pertinentes sont inscrites, pour l’essentiel, au titre VIII de la troisième partie du traité FUE intitulé « La politique économique et monétaire ». C’est ainsi que, aux termes de l’article 119 TFUE :

« 1.      Aux fins énoncées à l’article 3 du traité sur l’Union européenne, l’action des États membres et de l’Union comporte, dans les conditions prévues par les traités, l’instauration d’une politique économique fondée sur l’étroite coordination des politiques économiques des États membres, sur le marché intérieur et sur la définition d’objectifs communs, et conduite conformément au respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.

2.      Parallèlement, dans les conditions et selon les procédures prévues par les traités, cette action comporte une monnaie unique, l’euro, ainsi que la définition et la conduite d’une politique monétaire et d’une politique de change uniques dont l’objectif principal est de maintenir la stabilité des prix et, sans préjudice de cet objectif, de soutenir les politiques économiques générales dans l’Union, conformément au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.

3.      Cette action des États membres et de l’Union implique le respect des principes directeurs suivants : prix stables, finances publiques et conditions monétaires saines et balance des paiements stable. »

6.        L’article 123, paragraphe 1, TFUE prévoit quant à lui l’interdiction du financement monétaire des États membres en ces termes :

« 1.      Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées “banques centrales nationales”, d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite. »

7.        Les objectifs et les missions fondamentales de la BCE sont fixés à l’article 127 TFUE dans les termes suivants :

« 1.      L’objectif principal du Système européen de banques centrales, ci-après dénommé “SEBC”, est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union, tels que définis à l’article 3 du traité sur l’Union européenne. Le SEBC agit conformément au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, en favorisant une allocation efficace des ressources et en respectant les principes fixés à l’article 119.

2.      Les missions fondamentales relevant du SEBC consistent à :

–        définir et mettre en œuvre la politique monétaire de l’Union ;

–        conduire les opérations de change conformément à l’article 219 ;

–        détenir et gérer les réserves officielles de change des États membres ;

–        promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement.

[…] »

B.      Le protocole sur le SEBC et la BCE

8.        Le protocole sur le SEBC et la BCE énumère les instruments de politique monétaire dont dispose la BCE. Parmi ces instruments figurent les opérations d’open market et de crédit. Elles sont définies en ces termes à l’article 18.1 du protocole sur le SEBC et la BCE :

« Afin d’atteindre les objectifs du SEBC et d’accomplir ses missions, la BCE et les banques centrales nationales peuvent :

–        intervenir sur les marchés de capitaux, soit en achetant et en vendant ferme (au comptant et à terme), soit en prenant et en mettant en pension, soit en prêtant ou en empruntant des créances et des titres négociables, libellés en euros ou d’autres monnaies, ainsi que des métaux précieux ;

–        effectuer des opérations de crédit avec des établissements de crédit et d’autres intervenants du marché sur la base d’une sûreté appropriée pour les prêts. »

C.      La décision 2015/774

1.      Le texte consolidé de la décision 2015/774

9.        La décision de la BCE au centre des questions préjudicielles posées par le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) est la décision 2015/774. Depuis son adoption le 4 mars 2015, cette décision a été modifiée par les décisions 2015/2101, 2015/2464, 2016/702, ainsi que par la décision 2017/100.

10.      L’article 1er de la décision 2015/774, intitulé « Instauration et portée du PSPP », dispose :

« Par la présente décision, l’Eurosystème instaure le PSPP, aux termes duquel les banques centrales de l’Eurosystème achètent sur les marchés secondaires, et à des conditions particulières, des titres de créance négociables éligibles, tels que définis à l’article 3, auprès de contreparties éligibles, telles que définies à l’article 7. »

11.      L’article 3 de la décision 2015/774, intitulé « Critères d’éligibilité des titres de créance négociables », prévoit :

« 1.      Sous réserve des conditions énoncées à l’article 3, les titres de créance négociables libellés en euros émis par des administrations centrales, régionales ou locales d’un État membre dont la monnaie est l’euro, par des agences reconnues situées dans la zone euro, par des organisations internationales situées dans la zone euro et par des banques multilatérales de développement situées dans la zone euro peuvent faire l’objet des achats effectués par les banques centrales de l’Eurosystème au titre du PSPP. Dans des circonstances exceptionnelles, lorsque le montant des achats prévu ne peut être atteint, le conseil des gouverneurs peut décider d’acheter des titres de créance négociables émis par d’autres entités situées dans la zone euro [...]

2.      Afin de pouvoir faire l’objet des achats au titre du PSPP, les titres de créance négociables remplissent les critères d’éligibilité des actifs négociables destinés aux opérations de crédit de l’Eurosystème conformément à la quatrième partie de l’orientation (UE) 2015/510 de la Banque centrale européenne (BCE/2014/60), sous réserve des conditions suivantes :

a)      l’émetteur ou le garant des titres de créance négociables bénéficie d’une évaluation de la qualité du crédit au moins équivalente à l’échelon 3 de qualité du crédit dans l’échelle de notation harmonisée de l’Eurosystème [...]

[...]

d)      si l’évaluation du crédit fournie par un [organisme externe d’évaluation du crédit] accepté concernant l’émetteur, le garant ou l’émission ne correspond pas au moins à l’échelon 3 de qualité du crédit dans l’échelle de notation harmonisée de l’Eurosystème, les titres de créance négociables ne sont éligibles que s’ils sont émis ou totalement garantis par les administrations centrales d’États membres de la zone euro faisant l’objet d’un programme d’assistance financière et que si le conseil des gouverneurs a suspendu à leur égard l’application du seuil de qualité du crédit conformément à l’article 8 de l’orientation BCE/2014/31 ;

e)      si un programme d’assistance financière en cours fait l’objet d’un examen, l’éligibilité des achats destinés au PSPP est suspendue et uniquement rétablie en cas de résultat positif de l’examen.

3.      Afin de pouvoir faire l’objet des achats au titre du PSPP, les titres de créance, au sens des paragraphes 1 et 2, ont une échéance résiduelle minimum de 1 an et une échéance résiduelle maximum de 30 ans au moment de leur achat par la banque centrale de l’Eurosystème concernée. [...]

[...]

5.      Les achats de titres de créance négociables nominaux avec un rendement à échéance négatif (ou avec le rendement le plus défavorable) supérieur ou égal au taux d’intérêt de la facilité de dépôt, sont autorisés. Les achats de titres de créances négociables nominaux avec un rendement à échéance négatif (ou avec le rendement le plus défavorable) inférieur au taux d’intérêt de la facilité de dépôt, sont autorisés dans la mesure nécessaire. »

12.      L’article 4, paragraphe 1, de la décision 2015/774, intitulé « Limites concernant l’exécution des achats », énonce :

« Afin de permettre la formation d’un prix de marché pour les titres éligibles, il est interdit d’effectuer des achats de titres nouvellement émis ou émis en continu ainsi que de titres de créance négociables avec une échéance résiduelle dont la date se situe peu avant ou peu après l’échéance des titres de créance négociables à émettre, pendant une durée qui sera déterminée par le conseil des gouverneurs (“période de fenêtre négative”). Pour les syndications, cette période doit être respectée, dans toute la mesure du possible, avant l’émission. »

13.      L’article 5, paragraphes 1 et 2, de la décision 2015/774, intitulé « Limites d’achat », est libellé comme suit :

« 1.      Sous réserve de l’article 3, une limite de détention par code ISIN [(international securities identification number)] s’applique, conformément au PSPP, aux titres de créance négociables remplissant les critères énoncés à l’article 3, après regroupement des avoirs de tous les portefeuilles des banques centrales de l’Eurosystème. La limite de détention est la suivante :

a)      50 % par code ISIN pour les titres de créance négociables éligibles émis par des organisations internationales et des banques multilatérales de développement éligibles ;

b)      33 % par code ISIN pour les autres titres de créance négociables éligibles ; [...]

2.      Tous les titres de créance négociables qui peuvent faire l’objet d’achats au titre du PSPP et dont l’échéance résiduelle est conforme aux dispositions de l’article 3 font l’objet d’une limite agrégée, après regroupement des avoirs de tous les portefeuilles des banques centrales de l’Eurosystème, égale à :

a)      50 % des encours de titres d’un émetteur qui est une organisation internationale ou une banque multilatérale de développement éligible ; ou

b)      33 % des encours de titres d’un émetteur qui n’est pas une organisation internationale ou une banque multilatérale de développement éligible. »

14.      L’article 6 de la décision 2015/774, intitulé « Répartition des portefeuilles », précise :

« 1.      La valeur comptable des achats de titres de créance négociables en vertu du PSPP est répartie de la façon suivante : les titres émis par des organisations internationales ou des banques multilatérales de développement éligibles représentent 10 % de la valeur comptable des achats, tandis que les titres émis par des administrations centrales, régionales ou locales éligibles et des agences reconnues [...] représentent 90 % de la valeur comptable des achats. Cette répartition fait l’objet d’une révision par le conseil des gouverneurs. Seules les [Banques centrales nationales d’un État membre dont la monnaie est l’euro (BCN)] effectuent les achats de titres de créance émis par des organisations internationales, des banques multilatérales de développement et des administrations régionales et locales éligibles.

2.      La quote-part des BCN dans la valeur comptable des achats de titres de créance négociables éligibles au PSPP est de 90 %, la BCE achetant la quote-part résiduelle, soit 10 %. Les achats sont répartis entre les pays selon la clé de répartition pour la souscription au capital de la BCE prévue à l’article 29 des statuts du SEBC.

3.      Les banques centrales de l’Eurosystème appliquent un dispositif de spécialisation pour la répartition des titres de créance négociables achetés conformément au PSPP. Le conseil des gouverneurs autorise des écarts ponctuels par rapport à ce dispositif si des raisons objectives empêchent l’exécution de ce dernier ou rendent souhaitables ces écarts afin d’atteindre les objectifs généraux de politique monétaire du PSPP. En particulier, chaque BCN achète des titres éligibles provenant d’émetteurs de son propre pays. Toutes les BCN peuvent acheter des titres de créance émis par des organisations internationales et banques multilatérales de développement éligibles. La BCE achète des titres émis par des administrations centrales et des agences reconnues de l’ensemble des pays. »

15.      Aux termes de l’article 8 de la décision 2015/774, intitulé « Transparence » :

« 1.      L’Eurosystème publie chaque semaine la valeur comptable globale des titres détenus conformément au PSPP dans le commentaire de sa situation financière hebdomadaire consolidée.

2.      L’Eurosystème publie chaque mois l’échéance résiduelle pondérée moyenne, par résidence de l’émetteur, de ses titres détenus conformément au PSPP, en séparant les organisations internationales et les banques multilatérales de développement des autres émetteurs.

3.      La valeur comptable des titres détenus conformément au PSPP est publiée chaque semaine sur le site [I]nternet de la BCE à la rubrique des opérations d’open market. »

2.      Les considérants de la décision 2015/774 et des décisions qui l’ont modifiée

a)      Les considérants de la décision 2015/774

16.      Les considérants 2, 3 et 4 de la décision 2015/774 sont ainsi rédigés :

« (2)      Le 4 septembre 2014, le conseil des gouverneurs a décidé de lancer un troisième programme d’achat[s] d’obligations sécurisées (ci‑après le “CBPP3”) et un programme d’achat[s] de titres adossés à des actifs (asset-backed securities purchase programme – ABSPP). En parallèle avec les opérations de refinancement à plus long terme ciblées lancées en septembre 2014, ces programmes d’achat[s] d’actifs visent à améliorer davantage la transmission de la politique monétaire, à faciliter la fourniture de crédit à l’économie de la zone euro, à assouplir les conditions d’emprunt des ménages et des entreprises et à favoriser le retour à des taux d’inflation plus proches de 2 %, ce qui s’inscrit dans la logique de l’objectif principal de la BCE, à savoir le maintien de la stabilité des prix.

(3)      Le 22 janvier 2015, le conseil des gouverneurs a décidé qu’il convenait de développer les achats d’actifs pour inclure un programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (public sector asset purchase programme – PSPP). Conformément au PSPP, les BCN, dans des proportions reflétant leur quote-part respective dans la clé de répartition du capital de la BCE, ainsi que la BCE, peuvent effectuer des achats fermes de titres de créance négociables, sur les marchés secondaires, auprès de contreparties éligibles. Cette décision a été prise dans le cadre de la politique monétaire unique, à la lumière d’un certain nombre de facteurs qui ont nettement augmenté le risque d’une baisse des perspectives d’évolution des prix à moyen terme, compromettant ainsi la réalisation, par la BCE, de son objectif principal de maintien de la stabilité des prix. Parmi ces facteurs, il convient de citer l’effet de relance moins important que prévu des mesures de politique monétaire adoptées, une tendance à la baisse, à des niveaux historiquement bas, des principaux indicateurs de l’inflation courante et anticipée dans la zone euro (que ce soit les mesures de l’inflation globale ou les mesures de l’inflation excluant l’incidence des éléments volatils tels que l’énergie et l’alimentation), ainsi que l’éventualité accrue d’effets de second tour sur les salaires et la fixation des prix, dus à la baisse sensible des cours du pétrole.

(4)      Le PSPP représente une mesure appropriée pour atténuer les risques pesant sur les perspectives d’évolution des prix. En effet, il contribuera à assouplir les conditions monétaires et financières, dont les conditions d’emprunt des sociétés non financières et des ménages de la zone euro, ce qui soutiendra la consommation globale et les dépenses d’investissement dans cette zone et favorisera, en fin de compte, le retour à moyen terme à des taux d’inflation inférieurs à, mais proches de, 2 %. Dans un contexte où les taux directeurs de la BCE ont atteint leur limite inférieure et où la portée des programmes d’achat[s] axés sur des actifs du secteur privé, même si elle est mesurable, est considérée comme insuffisante pour faire face aux risques de baisse concernant la stabilité des prix, il est nécessaire d’ajouter le PSPP aux mesures de politique monétaire de l’Eurosystème, étant donné que cet instrument possède un potentiel élevé de transmission à l’économie réelle. Par son effet de rééquilibrage de portefeuille, le volume notable des achats effectués par l’intermédiaire du PSPP contribuera à atteindre l’objectif sous-jacent de politique monétaire, qui est d’inciter les intermédiaires financiers à accroître leur fourniture de liquidité au marché interbancaire et de crédit à l’économie de la zone euro. »

b)      Les considérants de la décision 2015/2101

17.      Les considérants 2 et 3 de la décision 2015/2101 sont rédigés comme suit :

« (2)       Le 3 septembre 2015, le conseil des gouverneurs a décidé, en principe, d’augmenter la limite de détention par code ISIN, au titre du PSPP, de 25 % à 33 %, à condition de vérifier, au cas par cas, que la détention de 33 % par code ISIN ne conduise pas les banques centrales de l’Eurosystème à détenir une minorité de blocage dans le cadre de restructurations ordonnées de dettes.

(3)      L’objet de l’augmentation envisagée de la limite de détention, dans le cadre du PSPP, est de promouvoir la mise en œuvre harmonieuse et complète du PSPP tout en permettant, parallèlement, le bon fonctionnement des marchés des titres de créance négociables éligibles et en évitant de faire obstacle aux restructurations ordonnées de dettes. »

c)      Les considérants de la décision 2015/2464

18.      Les considérants 2 à 5 de la décision 2015/2464 énoncent :

« (2)      Le 3 décembre 2015, conformément à sa mission consistant à assurer la stabilité des prix, le conseil des gouverneurs a décidé de revoir certaines des caractéristiques de conception du PSPP, de manière à obtenir, à moyen terme, un ajustement durable de l’évolution de l’inflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 %. Ces révisions sont conformes à la mission de politique monétaire du conseil des gouverneurs et tiennent dûment compte de considérations relatives à la gestion des risques.

(3)      Par conséquent, afin d’atteindre les objectifs du PSPP, le conseil des gouverneurs a décidé de prolonger les achats prévus selon le PSPP jusqu’à la fin de mars 2017, voire au-delà, si nécessaire et, dans tous les cas, jusqu’à ce que le conseil observe un ajustement durable de l’évolution de l’inflation qui soit compatible avec son objectif d’obtention, à moyen terme, de taux d’inflation inférieurs à, mais proches de 2 %. Le conseil des gouverneurs a décidé de prolonger, en conséquence, les achats prévus dans le cadre du CBPP3 et de l’ABSPP.

(4)      Afin de rendre le PSPP plus souple et, ce faisant, de favoriser la mise en œuvre continue et harmonieuse des achats au moins jusqu’à la date finale envisagée, le conseil des gouverneurs a également décidé que les titres de créance négociables libellés en euros émis par les administrations locales et régionales de la zone euro seraient éligibles aux achats réguliers effectués dans le cadre du PSPP par les banques centrales nationales du pays où est située l’entité émettrice.

(5) Le conseil des gouverneurs a également décidé de réinvestir les remboursements du principal des titres acquis dans le cadre de l’APP au fur et à mesure de l’échéance des titres sous-jacents, aussi longtemps que nécessaire, ce qui contribuera à assurer à la fois des conditions de liquidité favorables et une orientation appropriée de la politique monétaire. »

d)      Les considérants de la décision 2016/702

19.      Les considérants 2 à 5 de la décision 2016/702 précisent :

« (2)      Conformément au mandat du conseil des gouverneurs consistant à assurer la stabilité des prix, il convient de modifier certaines caractéristiques du PSPP afin de garantir un ajustement durable de l’évolution de l’inflation conforme à son objectif de taux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme. Les modifications sont conformes au mandat de politique monétaire du conseil des gouverneurs et tiennent dûment compte des considérations relatives à la gestion des risques.

(3)      Plus précisément, pour atteindre les objectifs du PSPP, il convient de porter à 80 milliards d’[euros] les liquidités fournies au marché à travers les achats mensuels combinés au titre de l’APP.

(4)      En outre, il convient d’accroître les limites de détention par émetteur et par émission pour les titres négociables émis par des organisations internationales et des banques multilatérales de développement éligibles. Le nouveau seuil a été fixé de manière à garantir que les achats envisagés resteront proportionnés aux objectifs du PSPP et en tenant compte du risque limité de faire obstacle aux restructurations ordonnées de dettes.

(5)      À compter d’avril 2016, la répartition entre les achats de titres de créance négociables éligibles émis par des organisations internationales et des banques multilatérales de développement et les autres titres de créance négociables éligibles dans le cadre du PSPP doit être modifiée afin d’atteindre les objectifs du PSPP, de garantir sa bonne mise en œuvre pour la durée dudit programme, compte tenu du volume d’achats accru. »

e)      Les considérants de la décision 2017/100

20.      Les considérants 3 à 6 de la décision 2017/100 sont libellés comme suit :

« (3)      Le 8 décembre 2016, le conseil des gouverneurs a décidé, conformément à son mandat de maintien de la stabilité des prix, qu’il convenait d’ajuster certains paramètres de l’APP afin d’atteindre les objectifs de celui-ci. Ces ajustements sont conformes au mandat de politique monétaire du conseil des gouverneurs, respectent entièrement les obligations incombant aux banques centrales de l’Eurosystème en vertu des traités et tiennent dûment compte des considérations relatives à la gestion des risques.

(4)      Plus précisément, il convient de prolonger la période envisagée pour les achats prévus au titre de l’APP jusqu’à fin décembre 2017, voire au-delà, si nécessaire, et dans tous les cas, jusqu’à ce que le conseil des gouverneurs observe un ajustement durable de l’évolution de l’inflation conforme à son objectif de taux d’inflation inférieurs à, mais proches de 2 %, à moyen terme.

(5)      La liquidité fournie au marché par les achats mensuels cumulés au titre de l’APP devrait se maintenir à un niveau de 80 milliards d’euros jusqu’à fin mars 2017. À partir d’avril 2017, les achats mensuels cumulés au titre de l’APP devraient s’effectuer au rythme de 60 milliards d’euros, et ce jusqu’à fin décembre 2017, voire au-delà, si nécessaire, et dans tous les cas, jusqu’à ce que le conseil des gouverneurs observe un ajustement durable de l’évolution de l’inflation conforme à son objectif de taux d’inflation. Si, entre-temps, les perspectives se détériorent ou si les conditions financières s’avèrent incompatibles avec des améliorations conduisant à un ajustement durable de l’évolution de l’inflation, le conseil des gouverneurs prévoit d’augmenter le volume et/ou la durée du programme.

(6)      Afin de favoriser la mise en œuvre continue et harmonieuse des achats au titre de l’APP au cours de la période envisagée, il convient d’élargir la plage d’échéances du PSPP en raccourcissant l’échéance résiduelle minimum des titres éligibles, de deux ans à un an. En outre, il convient d’autoriser, dans la mesure nécessaire, les achats de titres au titre de l’APP avec un rendement à échéance inférieur au taux d’intérêt de la facilité de dépôt de la BCE. »

III. Les faits des litiges au principal

A.      Les principales caractéristiques du PSPP

21.      La décision 2015/774, sur laquelle portent les questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi, constitue la formalisation juridique du PSPP. Ce dernier constitue l’un des quatre sous-programmes du programme étendu d’achats d’actifs (« Expanded Asset Purchase Programme », ci-après l’« APP ») annoncé par la BCE le 22 janvier 2015.

22.      L’APP prévoit donc, à côté des sous-programmes existants pour l’achat d’obligations du secteur privé (6), l’achat d’obligations du secteur public sur les marchés secondaires. Ce type de programme est généralement qualifié d’« assouplissement quantitatif » (« quantitative easing ») en raison de l’augmentation du volume de monnaie de banque centrale que les achats d’obligations en grande quantité suscitent. Il a été décidé par la BCE, au mois de janvier 2015, en réaction à la forte pression à la baisse sur l’inflation dans la zone euro.

23.      Les principales caractéristiques du PSPP, telles que prévues dans la version actuellement en vigueur de la décision 2015/774, peuvent être résumées comme suit :

–        Les obligations éligibles en vue d’un achat dans le cadre du PSPP sont les titres de créance négociables libellés en euros, émis par l’administration centrale, régionale ou locale d’un État membre dont la monnaie est l’euro, par des agences reconnues situées dans la zone euro, par des organisations internationales et par des banques multilatérales de développement situées dans la zone euro (7). Les obligations éligibles doivent avoir une échéance résiduelle d’un an minimum et de trente ans maximum au moment de l’achat sur les marchés secondaires (8).

–        Il existe pour chaque obligation une limite d’achat fixée, en principe, à 33 % par émission pour autant que l’Eurosystème ne puisse pas obtenir ainsi une minorité de blocage décisive dans le cadre de procédures de restructuration de la dette impliquant des « clauses d’action collective ». En outre, l’Eurosystème ne peut en aucun cas détenir plus de 33 % des encours des titres d’un émetteur (9).

–        Les émetteurs (ou les garants) des titres de créance négociables doivent avoir au moins une note correspondant à l’échelon 3 de qualité du crédit dans l’échelle de notation harmonisée de l’Eurosystème pour que les titres soient éligibles au titre du PSPP (10).

–        Les achats au titre du PSPP sont opérés en fonction de certaines clés de répartition définies dans la décision PSPP. Premièrement, les achats se composent pour 10 % d’obligations émises par des organisations internationales ou des banques de développement multilatérales et pour 90 % d’obligations émises par les administrations centrales, régionales ou locales des États membres et des agences reconnues. La quote-part des banques centrales nationales dans la valeur comptable des achats des obligations éligibles au PSPP s’élève à 90 % (répartis entre les États membres de la zone euro en fonction de la clé de répartition pour la souscription au capital de la BCE), la BCE achetant la quote-part résiduelle, soit 10 %. Outre les obligations internationales, chaque banque centrale nationale n’achète que des obligations émanant d’émetteurs de son propre pays (11).

–        Les risques et les pertes sont partagés entre les banques centrales nationales à hauteur de 20 % des achats au total (composés de 10 % des achats de la BCE elle-même et de 10 % des achats d’obligations d’organisations internationales achetées par les banques centrales nationales) alors qu’aucun partage des risques et des pertes n’est prévu pour les 80 % d’achats restants, chaque banque centrale nationale supportant ses propres risques (12).

–        Enfin, plusieurs garanties, telles qu’une période de fenêtre négative minimale (aussi appelée « période d’embargo » ou « blackout period »), sont précisées dans des lignes directrices (non publiques) du 4 mars 2015 relatives à un programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (BCE/2015/NP3) (ci-après les « lignes directrices PSPP »).

B.      Les procédures au principal et la décision de renvoi

24.      Plusieurs groupes de particuliers ont introduit, devant la juridiction de renvoi, différents recours constitutionnels portant sur diverses décisions de la BCE relatives à l’APP, sur le concours apporté par la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale d’Allemagne) à la mise en œuvre de ces décisions ou sur la carence alléguée face auxdites décisions ainsi que sur la carence alléguée du gouvernement fédéral et de la chambre basse du parlement fédéral face à ce concours et aux mêmes décisions.

25.      Selon les requérants au principal, le PSPP enfreindrait l’interdiction du financement monétaire des États membres inscrit à l’article 123 TFUE et le principe d’attribution des compétences inscrit à l’article 5, paragraphe 1, TUE, lu conjointement avec les articles 119 et 127 TFUE. Les décisions relatives au PSPP violeraient, par ailleurs, le principe de démocratie consacré dans la Grundgesetz (loi fondamentale allemande) et porteraient atteinte, de ce fait, à l’identité constitutionnelle allemande.

26.      La juridiction de renvoi relève que, si la décision 2015/774 viole l’article 123 TFUE ou excède le mandat de la BCE, elle devra constater un excès manifeste et structurellement significatif des compétences de la BCE et, par voie de conséquence, accueillir les recours au principal. Il en irait également ainsi si le régime de répartition des pertes découlant de la décision 2015/774 affectait le pouvoir budgétaire de la chambre basse du parlement fédéral.

27.      Dans ces conditions, le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) a décidé de surseoir à statuer et d’interroger la Cour à titre préjudiciel.

IV.    La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

28.      Par décision du 18 juillet 2017, parvenue à la Cour le 15 août 2017, le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) a donc décidé de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La décision […] 2015/774 […] dans la version […] de la décision […] 2016/1041 […] ou la manière dont elle est mise en œuvre, enfreint-elle l’article 123, paragraphe 1, TFUE ?

Y a-t-il notamment violation de l’article 123, paragraphe 1, TFUE si, dans le cadre du [PSPP],

a)      Des détails relatifs aux achats sont communiqués d’une manière qui fait naître sur les marchés la certitude de fait que l’Eurosystème achètera pour partie des obligations qui seront émises par les États membres ?

b)      Même a posteriori, aucun détail relatif au respect de délais minimaux entre l’émission d’un titre de créance sur le marché primaire et son achat sur les marchés secondaires n’est communiqué, si bien qu’aucun contrôle juridictionnel n’est possible à cet égard ?

c)      La totalité des obligations acquises est non pas revendue mais conservée jusqu’à l’échéance et donc retirée du marché ?

d)      L’Eurosytème acquiert des titres de créance négociables nominaux à un taux de rendement actuariel négatif ?

2)      La décision visée sous [la première question] enfreint-elle en tout cas l’article 123 TFUE si, en raison de modifications de la situation sur les marchés financiers, notamment à cause de la raréfaction des titres de créance susceptibles d’être achetés, la poursuite de sa mise en œuvre requiert un assouplissement continu des règles d’achat applicables initialement et si les limites fixées par la jurisprudence de la Cour à un programme d’achat[s] d’obligations comme le PSPP sont privées d’effet ?

3)      La décision […] 2015/774 […] visée sous [la première question] dans sa version actuelle, enfreint-elle l’article 119 et l’article 127, paragraphes 1 et 2, TFUE, ainsi que les articles 17 à 24 du protocole sur [le SEBC et la BCE], aux motifs qu’elle excède le mandat de la [BCE] en matière de politique monétaire, tel que le régissent ces dispositions, et empiète par conséquent sur la compétence des États membres ?

Y a-t-il notamment dépassement du mandat de la BCE aux motifs que :

a)      La décision visée sous [la première question] a une influence importante sur les conditions de refinancement des États membres en raison du volume du PSPP, qui s’élevait à 1 534,8 milliards d’euros le 12 mai 2017 ?

b)      Compte tenu de l’amélioration des conditions de financement des États membres visées sous a) et des effets de celle-ci sur les banques commerciales, non seulement la décision visée sous [la première question] a des conséquences indirectes en matière de politique économique, mais aussi ses effets objectivement déterminables laissent penser que, outre l’objectif de politique monétaire, le programme poursuit au moins autant un objectif de politique économique ?

c)      En raison de ses effets importants en matière de politique économique, la décision visée sous [la première question] est contraire au principe de proportionnalité ?

d)      En l’absence de motivation spécifique, depuis que la décision visée sous [la première question] est en cours d’exécution, c’est‑à‑dire depuis plus de 2 ans, il est impossible de contrôler si elle reste nécessaire et proportionnée ?

4)      La décision visée sous [la première question] enfreint-elle en tout cas l’article 119 et l’article 127, paragraphes 1 et 2, TFUE, ainsi que les articles 17 à 24 du protocole sur [le SEBC et la BCE], aux motifs que son volume et son exécution en cours depuis plus de 2 ans, ainsi que les effets en matière de politique économique qui en découlent, incitent à changer d’appréciation quant à la nécessité et à la proportionnalité du PSPP et que, ainsi, à partir d’un certain moment, elle excède le mandat de politique monétaire de la [BCE]?

5)      La répartition illimitée des risques entre les banques centrales nationales de l’Eurosystème en cas de défaillance concernant des obligations de gouvernements centraux et d’émetteurs assimilés, qu’a peut-être instaurée la décision visée sous [la première question], enfreint-elle les articles 123 et 125 TFUE, ainsi que l’article 4, paragraphe 2, TUE, si elle peut rendre nécessaire une recapitalisation de banques centrales nationales avec des ressources budgétaires ? »

29.      Des observations écrites ont été déposées par M. Weiss e.a., par M. Lucke e.a., par M. von Stein e.a., par la BCE, par la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale d’Allemagne), par les gouvernements allemand, grec, français, italien, portugais et finlandais ainsi que par la Commission européenne. À l’exception du gouvernement finlandais, ils se sont tous exprimés lors de l’audience qui s’est tenue le 10 juillet 2018. M. Gauweiler a également fait part de ses arguments à cette occasion.

V.      Analyse

A.      Remarque liminaire sur la version de la décision 2015/774 pertinente

30.      Par ses questions, le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) demande à la Cour de se prononcer sur la validité de la décision 2015/774. Dans sa première question, la juridiction de renvoi précise qu’il s’agit de la décision 2015/774 telle que modifiée par la décision 2015/2101 et par la décision 2016/702, ainsi que par la décision (UE) 2016/1041 de la BCE, du 22 juin 2016, concernant l’éligibilité des titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique et abrogeant la décision (UE) 2015/300 (BCE/2016/18) (13).

31.      Si la décision 2016/1041 se fonde sur la décision 2015/774, elle ne l’a pas modifiée. En revanche, la décision 2015/774 l’a été par la décision 2015/2464 ainsi que par la décision 2017/100. Bien que la juridiction de renvoi ne fasse pas expressément référence à ces deux dernières décisions, j’estime qu’il convient d’y avoir égard pour répondre aux questions posées.

32.      En effet, dans sa première question, le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) envisage la décision 2015/774 « ou la manière dont elle est mise en œuvre ». Or, à la date de la demande de décision préjudicielle, les décisions 2015/2464 et 2017/100 avaient déjà été adoptées. Sa mise en œuvre s’effectuait donc, nécessairement, sur la base des quatre décisions ayant modifié le texte initial. En outre, dans sa troisième question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la décision 2015/774 « visée sous [la première question] dans sa version actuelle », c’est-à-dire le 18 juillet 2017. Enfin, l’interprétation du droit de l’Union proposée par la juridiction de renvoi dans la demande de décision préjudicielle semble elle-même fondée, à certains égards, sur la dernière version de la décision 2015/774.

33.      Je rejoins donc l’avis de la Commission selon lequel il apparaît plus judicieux d’apprécier la validité de la décision 2015/774 dans la version en vigueur à la date de la demande de décision préjudicielle, avec toutes les caractéristiques qui étaient les siennes à ce moment-là.

B.      Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

34.      Le gouvernement italien soutient à titre liminaire l’irrecevabilité de l’ensemble des questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi. À l’exception de la cinquième question, j’estime toutefois que la demande de décision préjudicielle est recevable.

35.      En effet, j’observe que la présente demande de décision préjudicielle porte sans conteste sur l’interprétation et l’application du droit de l’Union. Or, comme la Cour l’a rappelé à l’occasion de l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), cela implique que la réponse de la Cour aura des conséquences concrètes pour la solution du litige au principal et que l’arrêt à intervenir, comme tout arrêt rendu à titre préjudiciel, liera le juge de renvoi, quant à l’interprétation ou à la validité des actes de la BCE en cause, pour la solution du litige au principal (14).

36.      En outre, il ressort également de la décision de renvoi que la juridiction nationale est saisie d’un litige réel dans lequel se pose, à titre incident, la question de la validité d’un acte de l’Union. La demande de décision préjudicielle est donc recevable en son principe (15).

37.      Il est vrai que, si les première, deuxième et quatrième questions portent sur la validité de la décision 2015/774 au regard, notamment, des articles 119, 123 et 127 TFUE, la juridiction y exprime des doutes qui proviennent davantage de son exécution que de la décision elle-même. Or, la légalité d’un acte doit être appréciée au regard des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle il a été adopté et ne saurait, notamment, dépendre d’appréciations rétrospectives concernant le degré d’efficacité de cet acte (16). Comme la Cour a déjà eu l’occasion de le préciser, cela signifie que, « [p]ar analogie, l’appréciation de la validité d’un acte, à laquelle il appartient à la Cour de procéder dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, doit normalement être fondée sur la situation qui existe au moment de l’adoption de cet acte » (17).

38.      Toutefois, il ressort de l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), que, lorsque la BCE procède à l’acquisition d’obligations souveraines sur les marchés secondaires, son intervention doit être entourée de garanties suffisantes pour concilier celle-ci avec l’interdiction de financement monétaire découlant de l’article 123, paragraphe 1, TFUE (18). En outre, le programme qui autorise une telle acquisition ne peut être valablement adopté et mis en œuvre que pour autant que les mesures qu’il comporte sont proportionnées aux objectifs de la politique monétaire, conformément à l’article 119, paragraphe 2 et à l’article 127, paragraphe 1, TFUE (19).

39.      Or, les éléments évoqués par la juridiction de renvoi dans sa première question préjudicielle ont trait aux garanties susceptibles de conditionner la validité de la décision 2015/774. Dans ces circonstances, ils m’apparaissent pouvoir être pris en considération. Tel me semble, par ailleurs, également être le cas de la deuxième question préjudicielle qui envisage les « limites fixées par la jurisprudence de la Cour à un programme d’achat[s] d’obligations comme le PSPP ».

40.      Certes, cette deuxième question présente des éléments d’incertitude dès lors qu’elle envisage l’éventuel assouplissement des règles applicables dans l’hypothèse d’une modification de la situation sur les marchés financiers. Toutefois, elle répond à un besoin objectif pour la solution des litiges dont est saisie la juridiction de renvoi (20) puisqu’elle se rapporte, en substance, aux garanties qui doivent encadrer le PSPP pour ne pas enfreindre l’article 123 TFUE. Elle m’apparaît par conséquent recevable et pouvoir être traitée conjointement avec la première question préjudicielle.

41.      En ce qui concerne la quatrième question préjudicielle, celle-ci porte, en substance, sur le rattachement du PSPP à la politique monétaire et à l’examen de proportionnalité auquel la décision 2015/774 doit être soumise. Il m’apparaît donc possible de la considérer comme recevable et d’y apporter une réponse utile en l’examinant conjointement avec la troisième question qui porte sur la même problématique.

42.      En revanche, je suis plus circonspect sur la recevabilité de la cinquième question préjudicielle. En effet, si les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence, cette présomption doit être écartée « s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées » (21).

43.      À l’instar de la BCE, des gouvernements grec, français, italien, portugais, finlandais ainsi que de la Commission, je constate que la cinquième question préjudicielle porte sur une évolution qui est incertaine, et ce à double titre. D’une part, l’hypothèse de départ de cette cinquième question est une répartition illimitée des risques entre les États membres de la zone euro en cas de défaillance concernant des obligations de gouvernements centraux et d’émetteurs assimilés qu’aurait « peut-être instaurée la décision [2015/774] » (22). Or, une telle répartition illimitée n’existe pas, dans l’état actuel des textes applicables, dans le cadre du PSPP. Au contraire, la volonté de limiter strictement la répartition des pertes entre banques centrales est constante depuis l’annonce du programme le 22 mars 2015 (23).

44.      D’autre part, à supposer qu’une telle répartition illimitée soit décidée, la possibilité d’une contradiction avec les articles 123 et 125 TUE, ainsi qu’avec l’article 4, paragraphe 2, TUE, ne se pose, comme la juridiction de renvoi le précise elle-même dans le libellé de sa question, que « si [cette répartition illimitée des risques] peut rendre nécessaire une recapitalisation de banques centrales nationales avec des ressources budgétaires » (24). Il s’agit donc bel et bien d’une simple hypothèse dont la possibilité de se voir concrétisée n’est, à ce jour, aucunement démontrée. Certes, la demande de décision préjudicielle fait état d’une augmentation substantielle de la provision des risques de la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale d’Allemagne) au cours de l’exercice 2016. Toutefois, la juridiction de renvoi précise que cette décision a été justifiée par le fait que les décisions du conseil des gouverneurs de la BCE pour étendre l’APP au PSPP, prises au cours de l’exercice 2016, auraient entraîné des risques supplémentaires. Or, force est de constater qu’aucune des décisions relatives au PSPP n’envisage un partage illimité des risques. Par conséquent, le défaut d’éléments supplémentaires sur les raisons qui ont conduit à l’augmentation de la provision des risques de la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale d’Allemagne) ne permet pas de concrétiser l’hypothèse purement théorique d’une recapitalisation des banques centrales nationales en cas de défaillance majeure due au PSPP.

45.      Le problème soulevé par la cinquième question préjudicielle m’apparaît donc bel et bien de nature hypothétique puisque tant le contexte juridique que le contexte factuel qui rendraient nécessaire une réponse à cette question ne correspondent pas à la situation actuelle et que la probabilité de leur survenance n’est pas démontrée avec une certitude suffisante. En tout état de cause, s’il devait être considéré qu’un partage illimité des risques est une situation dont la probabilité aurait été démontrée à suffisance, quod non, il est incontestable que ce partage des risques n’a pas encore été concrétisé dans une norme du droit de l’Union, ni même annoncé. Dans ces circonstances, comment la Cour pourrait-elle se prononcer sur la validité d’une règle qui n’existe pas encore ?

46.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je considère donc que cette cinquième question est, dans ce contexte et à ce jour, irrecevable.

C.      Sur les première et deuxième questions préjudicielles

1.      Le cadre d’analyse défini à l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C62/14, EU:C:2015:400)

47.      Les deux premières questions préjudicielles portent, en substance, sur le respect de l’interdiction du financement monétaire des dettes souveraines imposé à l’article 123, paragraphe 1, TFUE.

48.      L’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), a fourni, à cet égard, le cadre d’analyse pertinent. En effet, malgré les différences qui distinguent le PSPP de l’OMT, il s’agit de deux programmes d’achats d’obligations souveraines sur les marchés secondaires. Or, la Cour a précisé dans l’arrêt précité les limites qui doivent être respectées par la BCE lorsqu’elle met en œuvre un programme d’acquisition d’obligations souveraines. La grande majorité des parties ayant déposé des observations dans le cadre de la présente procédure s’inscrit d’ailleurs dans cette grille d’analyse.

49.      D’emblée, la Cour a confirmé que l’article 123, paragraphe 1, TFUE interdisait toute assistance financière du SEBC à un État membre sans exclure la faculté pour le premier d’acquérir des obligations souveraines sur les marchés secondaires (25).

50.      Toutefois, la Cour a encadré cette possibilité de deux limites :

–        En premier lieu, « le SEBC ne saurait valablement acquérir des obligations souveraines sur les marchés secondaires dans des conditions qui donneraient, en pratique, à son intervention un effet équivalent à celui de l’acquisition directe d’obligations souveraines auprès des autorités et des organismes publics des États membres » (26). Tel serait le cas si les opérateurs susceptibles d’acquérir des obligations souveraines sur le marché primaire avaient la certitude que le SEBC va procéder au rachat de ces obligations dans un délai et dans des conditions permettant à ces opérateurs d’agir, de facto, comme des intermédiaires du SEBC pour l’acquisition directe desdites obligations auprès des autorités et des organismes publics de l’État membre concerné.

–        En second lieu, le programme de la BCE qui autorise l’achat d’obligations souveraines sur les marchés secondaires ne doit pas être de nature à soustraire les États membres à l’incitation à mener une politique budgétaire saine. « En effet, dès lors qu’il ressort des articles 119, paragraphe 2, TFUE, 127, paragraphe 1, TFUE et 282, paragraphe 2, TFUE que, sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, les actions menées par le SEBC sur la base de l’article 123 TFUE ne peuvent être de nature à contrevenir à l’efficacité de ces politiques en soustrayant les États membres concernés à l’incitation à mener une politique budgétaire saine » (27).

51.      Il découle de ces deux limites que, lorsque la BCE procède à l’acquisition d’obligations souveraines sur les marchés secondaires, elle doit entourer son intervention de garanties, d’une part, suffisantes pour concilier celle-ci avec l’interdiction du financement monétaire découlant de l’article 123, paragraphe 1, TFUE et, d’autre part, destinées à limiter les effets du programme de la BCE sur l’incitation à mener une politique budgétaire saine (28).

2.      Sur l’application des principes au PSPP

52.      La légalité de principe d’une opération d’achat d’obligations souveraines sur les marchés secondaires par le SEBC n’est pas discutable (29). Elle trouve un appui à l’article 18, paragraphe 1, du protocole sur le SEBC et la BCE qui « permet au SEBC, afin d’atteindre ses objectifs et d’accomplir ses missions, d’intervenir sur les marchés des capitaux, entre autres, en achetant et en vendant ferme des titres négociables, dont font partie les obligations souveraines, sans soumettre cette autorisation à des conditions particulières sauf à méconnaître le caractère même des opérations d’open market » (30), ainsi que dans le règlement (CE) nº 3603/93 du Conseil, du 13 décembre 1993, précisant les définitions nécessaires à l’application des interdictions énoncées à l’article 104 et à l’article 104 B paragraphe 1 du traité [devenus les articles 123 et 125 TFUE] (31). En effet, aux termes du septième considérant de ce règlement, la possibilité d’achats d’obligations souveraines est expressément prévue puisqu’il y est indiqué que « les achats effectués sur les marchés secondaires ne doivent pas servir à contourner l’objectif poursuivi par [l’article 123 TFUE] ».

53.      La validité d’un programme tel que le PSPP dépend donc des garanties qui l’entourent. Concrètement, il convient de vérifier leur aptitude, d’une part, à empêcher que les opérateurs actifs sur les marchés des obligations souveraines puissent agir, de facto, comme des intermédiaires du SEBC pour l’acquisition directe des obligations auprès des autorités et des organismes publics de l’État membre concerné et, d’autre part, à ne pas détourner les États membres de l’incitation à mener une politique budgétaire saine.

a)      Sur l’absence de certitude des opérateurs

54.      À l’exception des requérants dans les affaires au principal, les États membres et les institutions de l’Union qui se sont exprimés sont tous d’avis que le PSPP offre suffisamment de garanties pour empêcher que l’acquisition d’obligations souveraines sur les marchés secondaires ait un effet équivalent à celui de l’acquisition directe de telles obligations sur les marchés primaires. Je partage cette analyse.

1)      Sur l’adéquation des garanties prévues par la décision 2015/774 [première question préjudicielle, en ce compris sous a) et b)]

55.      Premièrement, le fait que le conseil des gouverneurs soit compétent pour décider de la portée, du début, de la poursuite et de la suspension des interventions sur les marchés secondaires prévues par le PSPP n’est pas anodin. Il s’agit d’un élément qui avait été expressément pris en compte par la Cour dans l’évaluation de la validité du programme OMT (32). Or, il ressort, notamment, des comptes rendus des réunions de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE que le PSPP est constamment évalué et adapté, de façon indépendante, dans la limite nécessaire pour atteindre l’objectif annoncé (33).

56.      Deuxièmement, le PSPP n’est qu’un des quatre sous-programmes de l’APP. Or, l’achat des obligations souveraines sur les marchés secondaires qu’il autorise est subsidiaire par rapport aux trois autres programmes qui concernent l’achat d’obligations privées (34). Le fait que le volume des achats d’obligations souveraines autorisé soit déterminé, chaque mois, sur la base de la prédictibilité des achats dans les trois autres sous-programmes est un élément qui contribue à empêcher la certitude d’un rachat des obligations souveraines acquises sur le marché primaire.

57.      Troisièmement, l’absence de sélectivité du PSPP concourt également à assurer l’imprévisibilité des modalités d’exécution concrète de ce programme. En effet, contrairement à l’OMT, le PSPP ne prévoit pas l’acquisition d’obligations de manière sélective, mais de manière représentative de tous les États membres de la zone euro. Conformément à l’article 6, paragraphe 2, de la décision 2015/774, les achats sont répartis entre les États membres sur la base de la clé de répartition pour la souscription au capital de la BCE prévue à l’article 29 du protocole sur le SEBC et la BCE (35).

58.      Quatrièmement, il ne saurait être question de certitude de rachat dans le chef des opérateurs actifs sur les marchés primaires alors que l’article 5 de la décision 2015/774 soumet les achats d’obligations souveraines sur les marchés secondaires à deux limites – après regroupement des avoirs de tous les portefeuilles des banques centrales du SEBC – qui visent, d’une part, l’émission de titres et, d’autre part, l’émetteur. En principe, la première autorise la détention d’obligations à 33 % d’une seule émission (36) ; la seconde interdit la détention par le SEBC de plus de 33 % des encours d’obligations d’un même émetteur sur toute la durée du PSPP (37). Outre le fait qu’il s’agit de limites maximales et non d’une obligation d’acheter des obligations souveraines dans ces proportions, les limites prévues à l’article 5 de la décision 2015/774 ont pour conséquence que le détenteur d’une obligation souveraine ne peut avoir la certitude que le SEBC pourra racheter son obligation ou si, au contraire, ce rachat est impossible en raison de l’atteinte de l’un des deux plafonds précités. Le contrôle quotidien de ces limites par le comité de la gestion des risques du SEBC est de nature à assurer l’efficacité de cette garantie (38).

59.      Cinquièmement, l’existence d’un délai minimal entre l’émission d’un titre sur le marché primaire et son rachat sur les marchés secondaires concourt également à ce que les conditions d’émission d’obligations souveraines ne soient pas altérées par la certitude que ces obligations seront rachetées par le SEBC après leur émission (39). Ce délai est nécessaire pour permettre la formation d’un prix de marché. Or, une telle période de fenêtre négative est expressément prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2015/774 et précisée à l’article 15 des lignes directrices PSPP.

60.      L’absence d’information précise relative à cette période est une condition sine qua non de son efficacité. Divulguer la durée de la période de fenêtre négative serait susceptible d’influencer la prévisibilité des achats et la formation du prix. Dans la mesure où la conformité des transactions au prix du marché est contrôlée par le comité de la gestion des risques du SEBC (40), l’information selon laquelle le délai minimal entre l’émission d’une obligation souveraine sur le marché primaire et son achat sur les marchés secondaires est mesuré en jours plutôt qu’en semaines me paraît suffisante pour assurer le contrôle juridictionnel de la conformité de la décision 2015/774 à l’article 123 TFUE (41). D’une part, le comité de la gestion des risques du SEBC possède davantage qu’une juridiction les compétences et l’expertise nécessaires pour juger de la formation d’un prix aux conditions du marché et, par voie de conséquence, de l’adéquation de la période de fenêtre négative de nature à la garantir. D’autre part, il ne peut être exclu que la divulgation précise de la période de fenêtre négative, même a posteriori, entraînerait des attentes dans le chef des opérateurs actifs sur les marchés susceptibles d’obvier la formation d’un prix de marché.

61.      Sixièmement, l’équilibre entre le type d’informations communiquées et le degré de précision des éléments dévoilés permet d’assurer l’efficacité du PSPP tout en empêchant que les opérateurs actifs sur les marchés primaires acquièrent la certitude d’un rachat des obligations souveraines sur les marchés secondaires.

62.      Les principales modalités du PSPP, telles que le volume d’achats mensuel, la durée prévisionnelle de l’APP ou encore le critère de répartition des achats des obligations souveraines entre les États membres de la zone euro ou le partage des risques éventuels, ont été communiquées dès le 22 janvier 2015 par le président de la BCE (42). Cette annonce participe à l’efficacité de l’APP ; elle vise à renforcer les effets recherchés des achats d’obligations des secteurs privé et public mis en place par ce programme. Au travers de cette communication, la BCE affirme son engagement à contrer les tendances déflationnistes en expliquant de façon crédible l’action entreprise à cette fin. Il s’agit d’un moyen par lequel la BCE transmet à l’économie réelle l’assouplissement des conditions monétaires et financières créé par le PSPP. C’est ce que l’on appelle en économie le « canal de signalisation ». Il permet de renforcer efficacement les effets recherchés par un programme d’assouplissement quantitatif (43).

63.      Toutefois, comme le relève la BCE dans ses observations écrites, cette communication joue uniquement au niveau macroéconomique. Les informations données ne permettent pas aux opérateurs susceptibles d’acquérir des obligations souveraines sur le marché primaire d’avoir la certitude que le SEBC va procéder au rachat de ces obligations dans un délai et dans des conditions leur permettant d’agir, de facto, comme des intermédiaires du SEBC pour l’acquisition directe desdites obligations auprès des autorités et des organismes publics de l’État membre concerné. Lors de l’audience du 10 juillet 2018, le directeur du service juridique de la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale d’Allemagne) a confirmé que s’il y avait une certaine prévisibilité en raison des annonces de la BCE – notamment sur le fait qu’un tiers des obligations souveraines pourrait être acquis dans le cadre du PSPP –, cela ne jouait pas à un niveau microéconomique.

64.      En effet, les modalités du PSPP communiquées par la BCE restent d’ordre général. Le montant des acquisitions mensuelles du programme APP est une donnée indicative qui n’est pas autrement détaillée, que ce soit en termes de date d’achat ou de maturité. En outre, le degré d’utilisation des limites d’achat, par émission et par émetteur, n’est pas non plus communiqué. Enfin, si le portefeuille d’obligations du PSPP est publié de façon hebdomadaire, il l’est uniquement sur une base agrégée (44), tandis que l’échéance résiduelle est publiée mensuellement, par résidence de l’émetteur, sur une base pondérée moyenne (45). Comme expliqué lors de l’audience du 10 juillet 2018 par la BCE, les informations communiquées sur le site Internet de la BCE doivent être suffisantes pour que les opérateurs actifs sur les marchés sachent les titres dont dispose le SEBC, mais pas la pratique concrète d’achats.

65.      Ces différentes garanties me semblent aptes à éviter que les conditions d’émission d’obligations souveraines soient altérées par la certitude que ces obligations seront rachetées par le SEBC après leur émission. Elles permettent donc d’exclure que la mise en œuvre d’un programme tel que le PSPP ait, en pratique, un effet équivalent à celui de l’acquisition directe d’obligations souveraines auprès des autorités et des organismes publics des États membres.

2)      Sur l’absence d’incidence de la conservation des obligations jusqu’à leur échéance et l’achat d’obligations à rendement négatif [première question préjudicielle sous c) et d)]

66.      Dans le développement de la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’incidence que peuvent avoir sur la légalité du PSPP au regard de l’article 123, paragraphe 1, TFUE, d’une part, la conservation de la totalité des obligations acquises jusqu’à leur échéance et, d’autre part, l’acquisition de titres de créance négociables nominaux à un taux de rendement actuariel négatif. Je ne considère pas que ces éléments soient susceptibles d’invalider la décision 2015/774.

i)      Sur la conservation des obligations jusqu’à leur échéance

67.      En ce qui concerne la conservation des obligations jusqu’à leur terme, la Cour a jugé, à l’occasion de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), que la possibilité de conserver les obligations acquises jusqu’à leur terme ne jouait pas un rôle déterminant dans le cadre de l’appréciation de la validité de l’OMT « puisque cette possibilité [était] subordonnée à la nécessité d’une telle action pour atteindre les objectifs visés et qu’elle ne permet[tait] pas, en tout état de cause, aux opérateurs impliqués d’avoir la certitude que le SEBC fera[it] usage de cette faculté » (46). Par ailleurs, la Cour a rappelé que l’article 18, paragraphe 1, du protocole sur le SEBC et la BCE n’interdisait nullement cette pratique, laquelle n’implique aucune renonciation au paiement, par l’État membre émetteur, de sa dette une fois le terme de l’obligation échue (47).

68.      Je constate que l’article 18, paragraphe 1, du protocole sur le SEBC et la BEC prévoit expressément la possibilité d’acheter et de vendre à terme des titres négociables sur les marchés de capitaux sans assortir cette possibilité d’une quelconque réserve. Dans ces conditions, contrairement à ce que suggère la juridiction de renvoi, l’absence d’incidence de la conservation d’une obligation jusqu’à son échéance sur la licéité d’un programme comme le PSPP ne me paraît pas subordonnée au caractère exceptionnel de l’opération. En revanche, il est requis qu’elle réponde à l’objectif du programme en cause.

69.      Tel me semble être le cas en l’espèce. À titre liminaire, je constate que les lignes directrices PSPP confirment que le SEBC peut vendre les titres acquis dans le cadre de ce programme à tout moment pour des raisons de politique monétaire (48). En outre, l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2015/774 autorise l’acquisition de titres ayant une échéance résiduelle de 1 an à 30 ans et 364 jours. Grâce à une telle largesse dans la répartition des titres, les opérateurs économiques ne peuvent être certains que le SEBC détiendra toutes les obligations jusqu’à leur terme.

70.      Surtout, la conservation des titres acquis jusqu’à leur échéance me paraît susceptible de répondre à l’objectif du PSPP. En effet, le PSPP vise au maintien de la stabilité des prix. De façon plus précise, le considérant 4 de la décision 2015/774 ajoute que, « [p]ar son effet de rééquilibrage de portefeuille, le volume notable des achats effectués par l’intermédiaire du PSPP contribuera à atteindre l’objectif sous-jacent de politique monétaire, qui est d’inciter les intermédiaires financiers à accroître leur fourniture de liquidité au marché interbancaire et de crédit à l’économie de la zone euro ».

71.      Au vu de cet objectif particulier, je rejoins l’avis du gouvernement allemand selon lequel il semble plausible que les actifs acquis ne soient appelés à être revendus que lorsque l’effet de l’achat sur la politique monétaire ne s’en trouvera plus compromis (49). Or, un tel effet nécessite un accroissement suffisant de liquidités sur le marché afin d’entraîner un rééquilibrage de portefeuille et, par voie de conséquence, l’absence de revente prématurée des titres acquis. La conservation des obligations souveraines, voire d’une majorité d’entre elles, jusqu’à leur terme me paraît donc conforme à l’objectif poursuivi par le PSPP.

ii)    Sur l’achat d’obligations à rendement négatif

72.      L’article 3, paragraphe 5, de la décision 2015/774 autorise les achats de créances négociables nominaux avec un rendement à échéance négatif supérieur ou égal au taux d’intérêt de la facilité de dépôt. Cette possibilité ne me paraît pas conduire à contourner l’interdiction de financement monétaire découlant de l’article 123, paragraphe 1, TFUE.

73.      Tout d’abord, il importe de rappeler que les opérations d’openmarket que la BCE est menée à prendre comprennent inévitablement pour elle un risque de pertes et ce, indépendamment du rendement annoncé (50). En outre, en ce qui concerne le PSPP, la BCE a expressément indiqué que la priorité devait être donnée à l’achat de titres qui possèdent un taux de rendement positif (51).

74.      Ensuite, puisque les obligations de certains États membres de la zone euro sont émises à un taux négatif en raison des conditions du marché, interdire l’achat de leurs titres irait à l’encontre du principe de l’open market qui doit régir l’action du SEBC sur les marchés de capitaux en vertu de l’article 18, paragraphe 1, du protocole sur le SEBC et la BCE (52). Comme le soulignent la BCE et la Commission, exclure l’achat d’obligations à rendement négatif du PSPP serait contraire au principe de neutralité du marché, lequel fait partie du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre qui conditionne l’action du SEBC en vertu de l’article 127, paragraphe 1, TFUE (53).

75.      Enfin, comme le relève pertinemment le gouvernement allemand, renoncer à l’achat des obligations souveraines émises à un taux négatif contredirait un élément essentiel du PSPP qui prévoit l’acquisition d’obligations souveraines de tous les États membres de la zone euro, ce qui assure la poursuite de l’objectif de politique monétaire.

76.      Dans ces circonstances, l’achat d’obligations souveraines à rendement négatif ne me paraît par contraire à l’article 123, paragraphe 1, TFUE.

3)      Sur l’absence d’incidence de la prétendue déterminabilité des titres qui seront acquis sur la validité de la décision 2015/774 [première question préjudicielle sous a) et deuxième question préjudicielle]

77.      Selon la juridiction de renvoi, la combinaison entre le volume global annoncé de l’APP, sa ventilation selon la clé de répartition pour la souscription du capital de la BCE et la part constante occupée par les achats d’obligations souveraines dans l’APP permettrait de déterminer de façon anticipée le volume d’achats mensuels des obligations émises par le secteur public d’un État membre donné. Dans ce contexte, la raréfaction des obligations souveraines susceptibles d’être achetées, au regard de l’étroitesse des conditions d’éligibilité relatives à l’échéance résiduelle et au rendement, ainsi que la règle limitant les acquisitions du SEBC à 33 % du volume d’une émission permettraient aux opérateurs d’acquérir une certitude de fait quant aux titres concrets qui seront acquis dans le cadre du PSPP.

78.      Cette éventuelle certitude, non pas juridique mais factuelle, fondée sur les modalités annoncées par la BCE en combinaison avec la pratique des achats de titres observée depuis l’entrée en vigueur du PSPP ne me paraît pas de nature à invalider la décision 2015/774.

79.      Tout d’abord, s’il y a certitude sur l’achat d’obligations souveraines, celle-ci serait de nature macroéconomique et non microéconomique (54). En outre, les analyses sur lesquelles se fonde la juridiction de renvoi ne semblent pas prendre en compte, à tout le moins suffisamment, le fait qu’une partie des achats effectuée au titre du PSPP concerne des obligations qui ne sont pas émises par les gouvernements centraux des États membres (55).

80.      Ensuite, cette prétendue certitude ne serait possible qu’en raison de la raréfaction des titres disponibles. Or, à supposer que cette raréfaction soit avérée (56) et qu’il soit démontré qu’elle permette de déduire, avec certitude, l’achat d’obligations souveraines précises, ces constatations conduiraient à apprécier l’efficacité des garanties prévues par la décision 2015/774 sur la base d’éléments de fait postérieurs à son adoption. Or, comme je l’ai rappelé lors de l’examen de la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, la légalité d’un acte doit être appréciée au regard des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle il a été adopté et ne saurait, notamment, dépendre d’appréciations rétrospectives concernant le degré d’efficacité de cet acte (57).

81.      Lorsque les effets d’une mesure ne peuvent être prévus avec exactitude au moment de leur adoption, l’appréciation de l’autorité compétente ne peut être censurée que si elle apparaît manifestement erronée au vu des éléments dont elle disposait au moment de l’adoption de la réglementation en cause (58). En l’occurrence, la décision 2015/774 ne me paraît pas être le résultat d’une appréciation « manifestement erronée ». Au contraire, il n’est pas contesté que, comme indiqué en préambule à la décision 2015/774, celle-ci a été adoptée « dans un contexte où les taux directeurs de la BCE [avaient] atteint leur limite inférieure et où la portée des programmes d’achat[s] axés sur des actifs du secteur privé, même si elle [était] mesurable, [était] considérée comme insuffisante pour faire face aux risques de baisse concernant la stabilité des prix » (59). Dans ces circonstances, il a pu légitimement apparaître « nécessaire d’ajouter le PSPP aux mesures de politique monétaire de l’Eurosystème, étant donné que cet instrument possède un potentiel élevé de transmission à l’économie réelle » (60). Les garanties qui encadrent le PSPP achèvent d’asseoir ma conviction d’une appréciation réfléchie et mesurée dans le chef de la BCE au moment de l’adoption de la décision 2015/774.

82.      Certes, je suis sensible à la thèse récemment soutenue par l’avocat général Bobek dans ses conclusions dans l’affaire Confédération paysanne e.a. (C‑528/16, EU:C:2018:20) selon laquelle toute évolution n’est pas sans pertinence pour évaluer la validité d’un acte juridique de l’Union (61). Il existerait donc un devoir de maintenir à jour la législation qui pourrait, « dans des cas extrêmes d’absence de réactivité technique ou sociale », conduire à une déclaration d’invalidité (62).

83.      Toutefois, nous ne sommes pas dans ce cas de figure dès lors que la décision 2015/774 a fait l’objet de différentes modifications successives qui ont, peut-être, assoupli les règles d’achat prévues initialement mais ont, également, concouru à maintenir l’efficacité des garanties nécessaires à sa validité. Je pense, notamment, à l’augmentation de la limite de détention des titres par émission (63) ou à l’inclusion des obligations des administrations locales et régionales dans la liste des actifs éligibles (64). Ces mesures sont, théoriquement, de nature à empêcher ou, à tout le moins, à atténuer la raréfaction des titres disponibles. Telle était d’ailleurs la raison expressément avancée au soutien de la seconde modification citée. En effet, selon le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 2 et 3 décembre 2015, « [i]l a été estimé que [l’inclusion des obligations des administrations locales et régionales dans la liste des actifs éligibles] contribuerait à éviter toute tension susceptible de s’exercer sur la disponibilité des titres » (65).

b)      Sur l’incitation à mener une politique budgétaire saine

84.      À ce stade de mon analyse, je suis d’avis que l’achat d’obligations souveraines sur les marchés secondaires autorisé par le PSPP n’a pas un effet équivalent à celui d’une acquisition directe de ce type d’obligations auprès des autorités et des organismes publics des États membres. Toutefois, pour que le PSPP ne soit pas contraire à l’interdiction de financement monétaire prescrit à l’article 123, paragraphe 1, TFUE, les garanties qui l’entourent doivent également limiter ses effets sur l’incitation à mener une politique budgétaire saine.

85.      Outre le fait que les effets d’un programme tel que le PSPP sur l’incitation à mener une politique budgétaire saine sont, déjà, limités par la faculté du SEBC de revendre les obligations acquises à tout moment (66) ou de décider de l’arrêt du programme, trois caractéristiques de ce programme me paraissent essentielles.

86.      Premièrement, l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la décision 2015/774 impose que l’émetteur ou le garant des titres de créance négociables dans le cadre du PSPP bénéficie d’une évaluation de la qualité du crédit au moins équivalente à l’échelon 3 de qualité du crédit dans l’échelle de notation harmonisée de l’Eurosystème. À défaut, l’article 3, paragraphe 2, sous d), de la décision 2015/774 précise que les titres de créance négociables ne sont éligibles que s’ils sont émis ou totalement garantis par les administrations centrales d’États membres de la zone euro faisant l’objet d’un programme d’assistance financière et si le conseil des gouverneurs de la BCE a suspendu à leur égard l’application du seuil de qualité du crédit conformément à l’article 9 de l’orientation BCE/2014/31 de la BCE, du 9 juillet 2014, relative à des mesures temporaires supplémentaires concernant les opérations de refinancement de l’Eurosystème et l’éligibilité des garanties, et modifiant l’orientation BCE/2007/9 (67).

87.      Cette exigence constitue une garantie importante au regard de l’incitation à mener une politique budgétaire saine. En effet, si un émetteur d’obligations souveraines ne mène plus de politique budgétaire saine, les obligations émises risquent de perdre cette notation de la qualité du crédit. Or, cette perte entraînerait automatiquement la fin des achats de ces obligations (68).

88.      Deuxièmement, les achats entre les émetteurs publics de tous les États membres de la zone euro sont répartis selon un critère objectif et indépendant de la situation économique ou de leur politique budgétaire, à savoir la clef de répartition du capital de la BCE. Par conséquent, le PSPP ne saurait être interprété comme un mécanisme susceptible d’aider les États en difficulté de financement. La limite globale par émetteur imposée à l’article 5, paragraphe 2, de la décision 2015/774 accroît encore cette garantie en faisant dépendre les États membres de la zone euro de la demande, pour l’essentiel des obligations qu’ils émettent, des investisseurs privés.

89.      Troisièmement, la limitation du partage des risques aux achats effectués par la BCE elle-même et aux achats d’obligations d’organisations internationales, soit 20 % du PSPP, concourt également à la préservation de l’incitation à mener une politique budgétaire saine. En effet, comme le relève la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale d’Allemagne) dans ses observations écrites, pour 80 % des achats effectués au titre du PSPP, ce sont les contribuables locaux ou les autres créanciers des emprunts publics qui devront supporter les éventuelles pertes et la recapitalisation de la banque centrale en cause. Or, il s’agit là d’un « paramètre clef » du PSPP (69).

90.      Certes, ce partage des risques n’apparaît pas expressément dans la décision 2015/774. Toutefois, il est expressément mentionné dans la déclaration introductive du président de la BCE du 22 janvier 2015 ainsi que dans les communiqués de presse de la BCE du 22 janvier 2015 et du 10 mars 2016. En outre, selon la BCE, la répartition entre les banques centrales de l’Eurosystème des pertes pouvant résulter de l’acquisition d’obligations d’organisations internationales et de banques de développement multilatérales dont le siège est établi dans la zone euro se reflète dans la décision non publiée de la BCE du 19 novembre 2015 concernant la répartition des pertes résultant d’opérations de politique monétaire (version révisée) (BCE/2015/NP29), fondée sur l’article 32, paragraphe 4, deuxième alinéa, des statuts du SEBC et de la BCE. La répartition des pertes de la BCE pouvant résulter de l’acquisition d’obligations des États membres de la zone euro serait, quant à elle, traitée conformément à l’article 33, paragraphe 2, des statuts du SEBC et de la BCE. Ainsi, les éventuelles pertes diminueraient l’excédent annuel que la BCE peut verser aux banques centrales de l’Eurosystème ou entraîneraient un report de pertes.

91.      Ces différentes caractéristiques me semblent suffisantes pour éviter qu’un programme tel que le PSPP conduise à soustraire les États membres à l’incitation à mener une politique budgétaire saine. Il peut d’ailleurs être constaté que, le Conseil ayant décidé, le 22 juin 2018, de clôturer la procédure de déficit excessif relative à la France (70), il n’y a plus qu’un seul État membre sous le coup d’une procédure pour déficit excessif alors qu’ils étaient vingt-quatre en 2011 (71). Cette situation objective tend à démontrer la poursuite d’une politique budgétaire saine par les États membres de la zone euro.

3.      Conclusion sur les première et deuxième questions

92.      Il résulte de ce qui précède, d’une part, que le PSPP ne donne pas à l’intervention du SEBC un effet équivalent à celui de l’acquisition directe d’obligations souveraines auprès des autorités et des organismes publics des États membres et, d’autre part, qu’il n’est pas de nature à soustraire les États membres à l’incitation à mener une politique budgétaire saine. Dans ces conditions, la décision 2015/774 ne m’apparaît pas contraire à l’article 123, paragraphe 1, TFUE.

D.      Sur les troisième et quatrième questions

93.      Les troisième et quatrième questions portent, en substance, sur le rattachement du PSPP à la politique monétaire – laquelle circonscrit le mandat de la BCE – et sur l’examen de proportionnalité auquel la décision 2015/774 doit être soumise pour contrôler sa conformité à l’article 119, TFUE et à l’article 127, paragraphes 1 et 2, TFUE (ainsi qu’aux articles 17 à 24 du protocole sur le SEBC et la BCE). La juridiction de renvoi se demande si le PSPP peut encore être considéré comme relevant du mandat de la BCE au regard de son volume, de sa durée d’application et des conséquences qui en résultent.

94.      Conformément au principe d’attribution des compétences énoncé à l’article 5, paragraphe 2, TUE, le SEBC doit agir dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés par le droit primaire. Il ne saurait dès lors valablement adopter et mettre en œuvre un programme qui sortirait du domaine attribué à la politique monétaire par le droit primaire. En outre, afin d’assurer le respect de ce principe, les actes du SEBC se trouvent soumis, dans les conditions prévues par les traités, au contrôle juridictionnel de la Cour (72).

95.      Les paramètres nécessaires pour répondre à ces questions ont été établis dans les arrêts du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756), et du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400)

1.      Le cadre d’analyse défini aux arrêts du 27 novembre 2012, Pringle (C370/12, EU:C:2012:756), et du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C62/14, EU:C:2015:400)

a)      Sur la définition de la politique monétaire

96.      Si le traité FUE ne définit pas de façon précise la politique monétaire, la Cour a néanmoins constaté qu’il en définissait les objectifs et qu’il était possible d’identifier les moyens dont dispose le SEBC pour mettre en œuvre cette politique (73).

97.      À cet égard, si les arrêts du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756), et du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), démontrent une certaine évolution dans leur expression, celle-ci ne me semble pas porter à conséquence. Dans le premier arrêt, la Cour a jugé que le traité FUE se réfère, dans ses dispositions relatives à la politique monétaire, « aux objectifs de celle-ci plutôt qu’à ses instruments » (74). Or, cette hiérarchisation a disparu dans le second arrêt, la Cour jugeant alors que le traité FUE « définit à la fois les objectifs de la politique monétaire et les moyens dont dispose le SEBC pour mettre en œuvre cette politique »(75). Toutefois, malgré cette différence lexicale, lorsqu’il s’agit de déterminer si une mesure relève de la politique monétaire, il est certain qu’il convient de se référer aux objectifs poursuivis et aux moyens mis en œuvre (76).

98.      Il est également important de rappeler qu’une mesure de politique monétaire ne peut être assimilée à une mesure de politique économique du seul fait qu’elle est susceptible d’avoir des effets indirects sur la stabilité de la zone euro (77). En effet, d’éventuelles incidences indirectes ne sauraient impliquer qu’un programme de la BCE doive nécessairement être assimilé à une mesure de politique économique puisqu’il ressort du traité lui-même, en particulier de l’article 119, paragraphe 2, TFUE, de l’article 127, paragraphe 1, TFUE et de l’article 282, paragraphe 2, TFUE, que, sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union (78).

b)      Sur le principe de proportionnalité et l’étendue du contrôle juridictionnel y afférant

99.      S’il apparaît qu’un programme de la BCE relève de la politique monétaire, il découle de l’article 119, paragraphe 2, TFUE et de l’article 127, paragraphe 1, TFUE, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 4, TUE, qu’un programme d’acquisitions d’obligations tel que le PSPP ne peut être valablement adopté et mis en œuvre que pour autant que les mesures qu’il comporte sont proportionnées aux objectifs de cette politique (79). Cela signifie concrètement que le PSPP, comme tout acte d’une institution de l’Union, doit être apte à réaliser les objectifs légitimes qu’il poursuit, nécessaire, et ne pas dépasser les limites de ce qui est nécessaire à leur réalisation.

100. Toutefois, en ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces conditions, la même réserve que celle que la Cour s’était imposée à l’égard de l’OMT au point 68 de l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), s’impose à l’égard du PSPP. En effet, lorsqu’il élabore et met en œuvre un programme d’opérations d’open market tel que le PSPP, le SEBC est également appelé à procéder à des choix de nature technique et à effectuer des prévisions et des appréciations complexes. Dans ce cadre, il y a donc lieu de lui reconnaître un large pouvoir d’appréciation.

101. Néanmoins, la Cour a précisé que, dans ces hypothèses où une institution de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect de certaines garanties procédurales revêt une importance fondamentale et que, parmi ces garanties, figure l’« obligation pour le SEBC d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents de la situation en cause et de motiver ses décisions de façon suffisante » (80).

2.      Sur l’application des principes du PSPP

a)      Sur le respect du mandat de la BCE

1)      Sur l’objectif et les instruments utilisés par le PSPP

102. Aux termes de l’article 119, paragraphe 2, TFUE, et de l’article 127, paragraphe 1, TFUE, l’objectif principal du SEBC est de maintenir la stabilité des prix. Or, l’objectif du PSPP – et plus généralement de l’APP dont il est un des quatre sous-programmes – est de contribuer à cette stabilité des prix en contrant la baisse de l’inflation observée depuis 2013 et fortement aggravée en 2014.

103. Cet objectif est expressément visé au considérant 4 de la décision 2015/774. La BCE y constate que « [l]e PSPP contribuera à assouplir les conditions monétaires et financières, dont les conditions d’emprunt des sociétés non financières et des ménages de la zone euro, ce qui soutiendra la consommation globale et les dépenses d’investissement dans cette zone et favorisera, en fin de compte, le retour à moyen terme à des taux d’inflation inférieurs à, mais proches de, 2 % », et ce « [d]ans un contexte où les taux directeurs de la BCE ont atteint leur limite inférieure ». Il a également guidé chacune des adaptations du PSPP (81).

104. Dans sa déclaration introductive du 22 janvier 2015, le président de la BCE a d’ailleurs confirmé que les achats effectués au titre de l’APP seraient effectués jusqu’à ce que le conseil des gouverneurs de la BCE observe « un ajustement durable de l’évolution de l’inflation conforme à [l’]objectif de taux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme ». Cet objectif étant en voie d’être atteint, la BCE a d’ailleurs prévu, lors de la réunion du conseil des gouverneurs du 14 juin 2018, que le rythme mensuel des achats nets d’actifs effectués dans le cadre de l’APP serait, en principe, réduit à 15 milliards d’euros du mois d’octobre 2018 jusqu’à la fin du mois de décembre 2018, date à laquelle les achats nets arriveront à leur terme (82).

105. Les relations du PSPP avec la stabilité des prix et, par conséquent, avec le mandat de politique monétaire de la BCE paraissent donc incontestables, de même que la nécessité d’une réaction face aux risques de déflation objectivement constatés lors de l’adoption du PSPP (83). En outre, comme le soulignent notamment les gouvernements italien et finlandais dans leurs observations écrites, l’objectif de politique monétaire du programme est conforté par l’absence de sélectivité du PSPP (84).

106. Les moyens utilisés sont également des instruments de politique monétaire puisqu’il s’agit, conformément à l’article 3 de la décision 2015/774, d’autoriser l’achat de titres de créances du secteur public sur les marchés secondaires. Or, comme la Cour l’a constaté au point 54 de l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), « il ressort clairement de l’article 18, paragraphe 1, du protocole sur le SEBC et la BCE, figurant sous le chapitre IV de celui-ci, que, afin d’atteindre les objectifs du SEBC et d’accomplir ses missions, tels qu’ils résultent du droit primaire, la BCE et les banques centrales nationales peuvent, en principe, intervenir sur les marchés de capitaux en achetant et en vendant ferme des titres négociables libellés en euros ».

107. La juridiction de renvoi elle-même considère que l’objectif du PSPP et les moyens utilisés constituent une concrétisation en principe licite de la mission de la BCE consistant à garantir la stabilité des prix. En effet, puisque le taux d’inflation dépend de façon décisive de la consommation des ménages et de l’économie réelle, l’augmentation des liquidités dont disposent les banques commerciales et leurs clients – ce que vise le PSPP – peut être considérée comme un objectif intermédiaire approprié sur la voie conduisant à agir sur l’augmentation des prix (85).

2)      Sur les effets indirects du PSPP

108. Le volume élevé des achats autorisés par la décision 2015/774 et la durée du PSPP suscitent néanmoins des doutes dans le chef du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) qui s’interroge, dès lors, sur l’incidence que peuvent avoir les effets du PSPP en termes de politique économique sur la validité de la décision 2015/774.

109. En premier lieu, le volume du PSPP entraînerait nécessairement une réorientation de la politique économique. Le fait que les banques puissent, en raison du PSPP, vendre au SEBC un nombre très important de titres à risques dont elles n’auraient pas pu se défaire sans le PSPP (ou uniquement en subissant des pertes) traduirait un objectif de politique économique, car le PSPP améliorerait de façon considérable la situation économique des banques et augmenterait leur solvabilité. En second lieu, le PSPP améliorerait les conditions de refinancement des États membres qui pourraient emprunter à des conditions sensiblement plus favorables sur le marché des capitaux que ce ne serait le cas en l’absence du PSPP. Étant donné le volume particulièrement important du PSPP, cela pourrait conduire à considérer ce programme, sur un plan qualitatif, comme relevant principalement de la politique économique.

i)      Réflexions théoriques sur les rapports entre politique monétaire et politique économique et l’étendue du contrôle juridictionnel

110. Que la mise en œuvre du PSPP entraîne des conséquences sur la politique économique menée par les États membres est inéluctable, et ce d’autant plus que, en vertu de l’article 119, paragraphe 2, TFUE, de l’article 127, paragraphe 1, TFUE et de l’article 282, paragraphe 2, TFUE, l’objectif secondaire de la BCE est de soutenir les politiques économiques de l’Union (86). C’est pourquoi, comme la Cour l’a jugé à l’occasion de l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 59), des incidences indirectes ne sauraient impliquer qu’un programme de la BCE qui poursuit un objectif de politique monétaire et utilise à cette fin des instruments propres à cette politique soit assimilé à une mesure de politique économique.

111. La difficulté réside donc dans la délimitation des « effets indirects » d’une mesure de politique monétaire. Selon le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale), cette notion ne saurait viser une conséquence certaine et prévisible de la mesure attaquée, mais uniquement les incidences liées à d’autres étapes intermédiaires de celle-ci. Je ne partage pas cette interprétation.

112. Tout d’abord, j’observe que, si la Cour n’a pas défini la notion d’« incidences indirectes » à l’occasion de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), l’incidence examinée dans le cadre de cette affaire n’était pas liée à une étape « intermédiaire » de l’OMT mais, au contraire, à une condition sine qua non de son applicabilité – à savoir la subordination de la mise en œuvre du programme au respect intégral des programmes d’ajustement macroéconomique du FESF ou du MES. La Cour a reconnu que, avec cette condition, il n’était pas exclu que l’OMT soit susceptible de renforcer, « de manière incidente », l’incitation à respecter ces programmes d’ajustement et favorise ainsi, dans une certaine mesure, la réalisation des objectifs de politique économique que ceux-ci poursuivent. Toutefois, ces incidences, plus que probables et en lien immédiat avec le programme en cause, ont été considérées comme indirectes (87).

113. Ensuite, sauf à dénaturer le sens de l’adjectif utilisé par la Cour, le concept d’« effet indirect » ne peut être assimilé à un effet qui ne serait que « limité », « accessoire » ou encore « marginal ». Une telle interprétation serait d’ailleurs en contradiction avec les termes du traité FUE. En effet, celui-ci adjoint à l’objectif de stabilité des prix le soutien des politiques économiques générales dans l’Union sans limiter l’ampleur d’un tel soutien. Au contraire, l’article 127, paragraphe 1, TFUE, enjoint le SEBC à agir de la sorte puisque, rédigé à l’indicatif présent, il stipule que « le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union, tels que définis à l’article 3 du traité sur l’Union européenne ». La seule limite à ce soutien est de ne pas porter préjudice à l’objectif de politique monétaire.

114. Enfin, j’estime que la Cour doit se garder d’effectuer un contrôle d’opportunité alors que le SEBC dispose d’un large pouvoir d’appréciation « lorsqu’il élabore et met en œuvre un programme d’opération d’open market » (88), et ce en raison des choix de nature technique auxquels il procède ainsi que des prévisions et appréciations complexes à effectuer.

115. Dans ces conditions, j’estime que, s’il a été constaté que les objectifs du programme en cause et les instruments choisis pour son exécution relèvent de la politique monétaire, il est nécessaire mais il suffit que l’organe juridictionnel constate l’existence de garanties théoriquement suffisantes pour empêcher que ce programme ne poursuive, en réalité, un objectif prépondérant de politique économique ou ne porte atteinte à l’objectif de stabilité des prix.

116. Cela me semble correspondre à l’office du juge qui, lorsqu’il est admis que l’auteur de la norme dispose d’un large pouvoir d’appréciation en raison d’éléments factuels d’ordre économique, scientifique ou technique hautement complexes, doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir ou encore si l’auteur de la norme n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (89). « Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut en effet substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre [économique,] scientifique et technique à celle [de l’institution] à qui le traité a conféré cette tâche » (90).

117. Un tel contrôle peut sembler limité, voire formel. Il ne saurait pourtant être reproché à la Cour – ou à une autre juridiction – de procéder de la sorte alors qu’une analyse plus approfondie ne serait plus juridique mais, en l’espèce, économique, laquelle ne relève pas de la compétence technique du juge (91). Or, la question de l’expertise doit nécessairement entrer en considération dans une réflexion sur la séparation des pouvoirs et la résolution des conflits d’ordre constitutionnel (92). Pas plus que les organes de la BCE, les juridictions appelées à contrôler la validité des décisions de cette institution ne sont élus. Les uns et les autres puisent leur légitimité non seulement dans leur indépendance – ce qui ne veut pas dire impunité –, mais aussi dans leur expertise, laquelle permet de déterminer les limites de leur mandat.

ii)    Sur les garanties du PSPP qui limitent ses incidences en termes de politique économique

118. Le premier effet du PSPP dénoncé par la juridiction de renvoi parce qu’il aurait un objectif de politique économique serait l’amélioration de la situation économique des banques et l’augmentation de leur solvabilité en raison de la vente au SEBC d’un volume important de titres à risques dont elles n’auraient pu se défaire sans le PSPP (sauf à subir des pertes).

119. À cet égard, l’exigence de qualité de crédit imposée à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la décision 2015/774 constitue non seulement une garantie qui contribue au respect de l’incitation à mener une politique budgétaire saine, mais démontre également que l’objectif du PSPP n’est pas de permettre aux banques commerciales de se défaire des titres à risques qu’elles possèdent.

120. Le second effet indirect évoqué par la juridiction de renvoi serait l’amélioration des conditions de refinancement des États membres qui pourraient emprunter à des conditions sensiblement plus favorables sur le marché des capitaux que ce ne serait le cas en l’absence de programme PSPP. Étant donné le volume particulièrement important du PSPP, cela pourrait conduire à considérer ce programme, sur un plan qualitatif, comme relevant principalement de la politique économique.

121. Comme la Cour l’a déjà constaté de façon pertinente, la conduite de la politique monétaire implique en permanence d’agir sur les taux d’intérêt et les conditions de refinancement des banques, ce qui a nécessairement des conséquences sur les conditions du financement du déficit public des États membres (93). L’action de la BCE ne peut toutefois équivaloir à l’octroi d’une assistance financière à un État membre, une telle mesure ne relevant à l’évidence pas de la politique monétaire (94).

122. À ce propos, certaines garanties qui légitiment le PSPP au regard de l’article 123 TFUE permettent également de s’assurer qu’il ne poursuit pas, à titre principal, un objectif de politique économique. Outre la subordination de l’achat des obligations souveraines à la qualité du crédit (95), trois garanties me paraissent essentielles. Premièrement, les achats d’obligations souveraines au titre du PSPP sont subsidiaires par rapport aux actions autorisées par les trois autres programmes de l’APP qui concernent tous l’achat d’obligations privées (96). Deuxièmement, les achats autorisés par le PSPP sont répartis entre tous les États membres de la zone euro selon une clef de répartition, fixe et objective, indépendante de la situation économique individuelle de ces États. Troisièmement, le partage des risques est limité à 20 % des achats effectués au titre du PSPP. Ces caractéristiques, qui conditionnent et encadrent la mise en œuvre du PSPP, empêchent d’assimiler ce programme à l’octroi d’une assistance financière à un État membre.

123. Au vu des considérations qui précèdent, il ne m’apparaît donc pas que la BCE ait commis une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination de l’objectif du programme ni dans le choix des instruments à mettre en œuvre. Elle n’a pas non plus commis de détournement de pouvoir (97) ni manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. Cela étant, si le PSPP poursuit un objectif de politique monétaire au moyen d’instruments qui relèvent de cette même politique, encore faut-il que les mesures qu’il comporte soient proportionnées à l’objectif annoncé.

b)      Sur la proportionnalité du PSPP

124. Il découle de l’article 119, paragraphe 2, TFUE et de l’article 127, paragraphe 1, TFUE, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 4, TUE, qu’un programme d’acquisitions d’obligations relevant de la politique monétaire ne peut être valablement adopté et mis en œuvre que pour autant que les mesures qu’il comporte sont proportionnées aux objectifs de cette politique (98).

125. Comme je l’ai déjà évoqué à plusieurs reprises dans les présentes conclusions, le SEBC disposait, toutefois, d’un large pouvoir d’appréciation puisqu’il était appelé, lorsqu’il a élaboré et mis en œuvre un programme d’opérations d’open market tel que le PSPP, à procéder à des choix de nature technique et à effectuer des prévisions et des appréciations complexes (99). Dans ce cadre, « le contrôle du respect de certaines garanties procédurales revêt une importance fondamentale. Parmi ces garanties figure l’obligation pour le SEBC d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents de la situation en cause et de motiver ses décisions de façon suffisante » (100).

1)      Sur l’aptitude du PSPP à atteindre les objectifs du SEBC et sa nécessité

126. Aux termes du considérant 4 de la décision 2015/774, le PSPP représenterait une mesure appropriée pour atténuer les risques pesant sur les perspectives d’évolution des prix car « il contribuera[it] à assouplir les conditions monétaires et financières, dont les conditions d’emprunt des sociétés non financières et des ménages de la zone euro, ce qui soutiendra[it] la consommation globale et les dépenses d’investissement dans cette zone et favorisera[it], en fin de compte, le retour à moyen terme à des taux d’inflation inférieurs à, mais proches de, 2 % ». Toujours selon le même considérant, la mesure serait justifiée car, « [d]ans un contexte où les taux directeurs de la BCE ont atteint leur limite inférieure et où la portée des programmes d’achat[s] axés sur des actifs du secteur privé, même si elle est mesurable, est considérée comme insuffisante pour faire face aux risques de baisse concernant la stabilité des prix, il est nécessaire d’ajouter le PSPP aux mesures de politique monétaire de l’Eurosystème, étant donné que cet instrument possède un potentiel élevé de transmission à l’économie réelle. Par son effet de rééquilibrage de portefeuille, le volume notable des achats effectués par l’intermédiaire du PSPP contribuera à atteindre l’objectif sous-jacent de politique monétaire, qui est d’inciter les intermédiaires financiers à accroître leur fourniture de liquidité au marché interbancaire et de crédit à l’économie de la zone euro ».

127. Le risque d’une déflation, au moment où la décision 2015/774 a été adoptée, n’est pas contesté (101). Le contexte déflationniste dans lequel s’inscrit le PSPP est, par ailleurs, décrit au considérant 3 de la décision 2015/774. En effet, aux termes de ce considérant, la BCE constate que la décision a été prise « à la lumière d’un certain nombre de facteurs qui ont nettement augmenté le risque d’une baisse des perspectives d’évolution des prix à moyen terme, compromettant ainsi la réalisation, par la BCE, de son objectif principal de maintien de la stabilité des prix. Parmi ces facteurs, il convient de citer l’effet de relance moins important que prévu des mesures de politique monétaire adoptées, une tendance à la baisse, à des niveaux historiquement bas, des principaux indicateurs de l’inflation courante et anticipée dans la zone euro (que ce soit les mesures de l’inflation globale ou les mesures de l’inflation excluant l’incidence des éléments volatils tels que l’énergie et l’alimentation), ainsi que l’éventualité accrue d’effets de second tour sur les salaires et la fixation des prix, dus à la baisse sensible des cours du pétrole ».

128. Or, comme le reconnaît la juridiction de renvoi, le taux d’inflation dépend de façon décisive de la consommation des ménages et de l’économie réelle. À cet égard, l’augmentation des liquidités dont disposent les banques commerciales et leurs clients peut être considérée comme un objectif intermédiaire approprié sur la voie conduisant à influer sur l’augmentation des prix (102).

129. La doctrine économique invoquée par la BCE tend à confirmer qu’un programme d’assouplissement quantitatif est apte à atteindre l’objectif de stabilité des prix en raison de son impact significatif et persistant sur l’économie. En effet, un achat important de titres, y compris d’obligations du secteur public, provoque un assouplissement des conditions monétaires et financières qui permet aux entreprises et aux ménages d’obtenir des financements à des prix plus avantageux. Cela a, en principe, pour conséquence de stimuler les investissements et la consommation, ce qui contribue au retour des taux d’inflation à un niveau inférieur, mais proche, de 2 %.

130. Comme la BCE l’explique de façon convaincante dans ses observations écrites, la décision 2015/774 est apte à atteindre son objectif grâce à la mobilisation de trois canaux d’influence différents : le canal de signalisation, le canal de durée et le canal de redistribution de portefeuille. Tout d’abord, le PSPP signale la disposition de la BCE à contrer les tendances de déflation et consolide de la sorte la crédibilité de la communication sur l’évolution future des taux directeurs. Ensuite, le PSPP a pour effet de réduire les primes de risque liées à l’échéance exigées par les acteurs du marché, lesquelles sont liées à la prise de risques du taux d’intérêt. Enfin, la baisse des rendements des obligations du secteur public causée par la diminution de l’offre incite les investisseurs privés à redistribuer leurs portefeuilles dans d’autres segments du marché, notamment par l’achat d’obligations d’entreprises ou, dans le cas des banques, par un accroissement de l’octroi de crédits aux ménages et aux entreprises privées.

131. Par ailleurs, le PSPP était nécessaire car la BCE avait déjà épuisé les autres mesures de politique monétaire tout aussi efficaces. La seule catégorie de titres qui était apte à fournir le volume d’achats nécessaire pour combler l’écart d’inflation, en raison de son volume de marché existant, était celle des obligations du secteur public.

132. Ces caractéristiques d’une mesure d’assouplissement quantitatif et le contexte dans lequel la décision 2015/774 s’inscrit ont été explicités par le président de la BCE à l’occasion de sa déclaration introductive du 22 janvier 2015 et, plus encore, dans le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE, des 21 et 22 janvier 2015, au cours duquel le PSPP fut décidé. Or, si l’obligation de motivation qui pèse sur la BCE est importante, son respect doit être apprécié non seulement au regard du libellé de l’acte concerné, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (103). Les déclarations introductives du président de la BCE et les comptes rendus des réunions de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE font incontestablement partie des documents susceptibles de dépeindre ce « contexte ».

133. La déclaration introductive du président de la BCE est un premier élément de motivation utile. En effet, celui-ci y explique dans un langage clair et accessible que « [l]a décision de politique de ce jour concernant les achats d’actifs supplémentaires a été prise pour faire face à deux évolutions défavorables. Premièrement, la dynamique de l’inflation demeure plus faible qu’attendu. Si la forte baisse des cours du pétrole ces derniers mois reste le principal facteur déterminant l’inflation globale actuelle, les risques d’effets de second tour sur la formation des salaires et des prix se sont renforcés et pourraient affecter négativement l’évolution des prix à moyen terme. Cette évaluation est étayée par un nouveau repli des mesures des anticipations d’inflation fondées sur les marchés sur l’ensemble des horizons et par la plupart des indicateurs de l’inflation effective ou attendue, qui ont atteint, ou sont très proches de leurs niveaux planchers historiques. Dans le même temps, la forte sous-utilisation des capacités de production dans la zone euro demeure et les évolutions de la monnaie et du crédit restent atones. Deuxièmement, les mesures de politique monétaire adoptées entre juin et septembre 2014 ont entraîné une nette amélioration des prix sur les marchés financiers, mais il n’en a pas été de même pour les résultats quantitatifs. Par conséquent, le caractère accommodant de la politique monétaire n’a pas été suffisant pour contrer de façon adéquate les risques accrus d’une période trop prolongée de faible inflation. Étant donné que les taux d’intérêt directeurs de la BCE se situent à leurs niveaux planchers, l’adoption, ce jour, de nouvelles mesures de bilan est devenue nécessaire pour atteindre notre objectif de stabilité des prix ».

134. Le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015 est encore plus complet. C’est ainsi, notamment, que les perspectives d’inflation dans la zone euro y sont qualifiées de « moroses », la hausse annuelle des indices des prix à la consommation harmonisés (IPCH) s’établissant à – 0,2 % en décembre 2014 « en raison essentiellement d’un fléchissement du taux de variation annuel de la composante énergie mais également de la composante produits alimentaires » (104). Sous le titre « Réflexions et options possibles de politique monétaire » du point 1 « Examen des évolutions financières, économiques et monétaires et des options possibles », la question de savoir si « la relance monétaire déjà engagée demeure adaptée pour atteindre des taux d’inflation inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme ou si un programme étendu d’achats d’actifs est devenu nécessaire afin de remplir le mandat de la stabilité des prix de la BCE » est expressément posée, et ce alors que « les risques macroéconomiques liés à une période trop prolongée de faible inflation se sont encore intensifiés et que les risques d’effets de second tour se sont accrus » (105). Il est également constaté que l’élément « quantitatif » des mesures prises antérieurement par le conseil des gouverneurs n’a pas répondu aux attentes initiales.

135. C’est dans ce contexte que M. Praet, membre du directoire de la BCE, a suggéré que deux options de politique monétaire étaient envisageables, soit l’accentuation immédiate de l’orientation monétaire accommodante – deux variantes étant exposées –, soit une approche attentiste, étant précisé qu’il « serait nécessaire de prendre dûment en compte les risques découlant de la décision de ne pas agir lors de la présente réunion, qui pourraient être plus importants que les risques liés à la prise de mesures » (106). La question du partage des risques a également été exposée à cette occasion, ainsi que les différentes formules possibles (107). Les détails opérationnels d’un éventuel programme d’achats de titres du secteur public ont, ensuite, été développés par M.Coeuré, autre membre du directoire de la BCE.

136. Le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015 fait état d’une réelle discussion sur l’évolution des prix – laquelle ne démontrait pas de situation déflationniste, mais présentait néanmoins un risque d’effets de second tour qui devait être envisagé très sérieusement. C’est sur ces bases de discussion que les décisions en termes de politique monétaire ont été prises. Le compte rendu relate expressément que « [p]lusieurs éléments en faveur du maintien d’une orientation attentiste lors de cette réunion ont également été avancés par certains membres, qui jugeaient que l’évaluation coûts-avantages des mesures proposées n’était pas favorable » (108). Ces éléments sont détaillés dans la suite du compte rendu, de même que les solutions alternatives proposées.

137. Toutefois, « il a été largement estimé que, compte tenu du niveau actuel des rendements des obligations du secteur privé et de la taille du marché de ces obligations, les achats de ce type de titres avaient un potentiel relativement faible d’assouplissement du crédit et n’offraient par conséquent qu’une possibilité limitée de fournir l’orientation accommodante nécessaire à ce stade » (109). C’est donc au terme d’une discussion ouverte et argumentée que « [l]es achats de dette souveraine sont apparus comme le seul instrument disponible qui offrait une ampleur suffisante pour fournir la relance nécessaire au respect de l’objectif de la BCE en termes de stabilité des prix » (110). Le partage des risques, le volume du programme et les caractéristiques techniques du PSPP ont ensuite été discutés et décidés.

138. Il découle des observations qui précèdent que le raisonnement et les décisions du SEBC apparaissent de façon claire et non équivoque, soit directement des considérants de la décision 2015/774, éclairés par la déclaration introductive du président de la BCE du 22 janvier 2015, soit du compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015. La décision 2015/774 répond donc aux exigences de motivation imposées à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE puisque les intéressés sont capables de connaître les justifications de la mesure prise et la Cour d’exercer son contrôle.

139. Il ressort par ailleurs de ces éléments de motivation que le SEBC a examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents de la situation en cause et que son analyse de la situation économique ne paraissait pas, à la date de l’annonce du programme et de la décision 2015/774, entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

2)      Sur la proportionnalité stricto sensu du PSPP

140. Si le PSPP est apte à atteindre l’objectif de stabilité des prix qu’il poursuit, encore faut-il qu’il n’aille pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire.

141. À cet égard, les considérants 5 et 7 de la décision 2015/774 précisent, d’une part, que « [l]e PSPP comporte un certain nombre de garde-fous garantissant que les achats prévus seront proportionnés à ses objectifs et que la conception du programme a dûment pris en compte les risques financiers associés, qui seront limités par la gestion des risques » et, d’autre part, que, « [e]n ce qui concerne la taille du PSPP, de l’ABSPP et du CBPP3, la liquidité fournie au marché par les achats mensuels combinés atteindra 60 milliards d’[euros]. Il est prévu d’effectuer des achats jusqu’à la fin septembre 2016 et, dans tous les cas, jusqu’à ce que le conseil des gouverneurs perçoive un ajustement durable de la trajectoire suivie par l’inflation qui soit compatible avec son objectif d’obtention, à moyen terme, de taux d’inflation inférieurs à, mais proches de 2 % ».

142. Tout d’abord, le montant de 60 milliards d’euros ne paraît pas aller au-delà de ce qui était alors nécessaire. En effet, il ressort du compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015 qu’un programme d’un volume « de l’ordre de 50 milliards d’euros s’étalant de mars 2015 à fin 2016 » a été jugé « nécessaire pour compenser l’affaiblissement des perspectives d’inflation conjugué à la relance monétaire plus modérée que prévu ». Toutefois, c’est « [a]fin d’accélérer l’impact [du PSPP qu’] un large soutien s’est dégagé en faveur d’une certaine anticipation en portant le volume mensuel des achats à 60 milliards d’euros, à compter de mars 2015 et jusqu’à fin septembre 2016, tout en ne modifiant pas significativement le volume global des achats prévus » (111).

143. Ensuite, ce sont les évolutions défavorables observées au cours des années 2015 et 2016 qui ont justifié les modifications de la décision 2015/774, notamment quant à la durée et au volume du PSPP.

144. C’est ainsi, notamment, que la prolongation du PSPP, décidée le 3 décembre 2015, a été adoptée après une discussion argumentée sur la base de plusieurs données qui confirmaient que l’ajustement de l’inflation vers des taux plus proches de 2 % prendrait plus de temps que prévu au mois de mars 2015 (112). Il n’est pas douteux qu’une balance des intérêts en présence a été opérée. En effet, le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 2 et 3 décembre 2015 relate, notamment, qu’il « a été avancé que le risque associé à l’inaction était nettement supérieur à celui de l’action », mais également que certains membres du conseil des gouverneurs ont « estimé insuffisants les éléments allant dans le sens d’un recalibrage de la politique monétaire au cours de cette réunion », ou encore ont « attiré l’attention sur le fait que le jugement sur la nécessité d’agir ne pouvait être séparé de la nature des instruments disponibles restants » et que « l’efficacité des mesures de politique monétaire supplémentaires devait être évaluée au regard de leurs coûts et effets secondaires potentiels ». C’est ainsi que, si la proposition de prolonger l’APP du mois de septembre 2016 au mois de mars 2017 a bénéficié d’un important soutien, un large consensus s’est dégagé sur le fait que la conjoncture ne justifiait pas d’autres options telles qu’une prolongation plus étendue du programme ou l’extension du volume mensuel d’acquisitions (113).

145. La décision d’augmenter le volume des achats mensuels au titre de l’APP à 80 milliards d’euros le 8 décembre 2016 a été prise à la suite d’un débat similaire, et ce après qu’une nouvelle détérioration des perspectives d’un ajustement durable de l’inflation avait été constatée en raison, principalement, de la dégradation des conditions extérieures (114). Comme relaté – et détaillé – dans le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 9 et 10 mars 2016, « des opinions diverses se sont exprimées s’agissant des différentes composantes des mesures proposées » (115). C’est ainsi, notamment, que les coûts et les risques d’un engagement plus important dans les achats d’actifs du secteur public ont été évoqués par certains (116) ou encore que l’introduction d’un régime d’exemption du taux de la facilité de dépôt applicable aux excédents de réserves constitués par les banques n’a pas été considérée comme justifiée (117).

146. La décision de prolonger l’APP jusqu’au mois de décembre 2017 répond également à une analyse sérieuse des perspectives d’évolution des prix. C’est ainsi que, sans occulter le redressement de l’inflation, M. Praet a attiré l’attention du conseil des gouverneurs de la BCE, à l’occasion de son exposé sur l’environnement international et les évolutions économiques et monétaires dans la zone euro, sur le fait que l’inflation sous-jacente n’avait pas encore affiché de tendance haussière convaincante. C’est au regard de l’ensemble des paramètres dont la BCE disposait alors que M. Praet a estimé que le prolongement du programme d’achats d’actifs au-delà du mois de mars 2017 apparaissait justifié, les progrès vers un ajustement durable de l’évolution de l’inflation étant encore insuffisants (118). Deux options ont alors été proposées au conseil des gouverneurs : continuer les achats au rythme mensuel de 80 milliards d’euros pendant six mois ou prolonger le programme de neuf mois à un rythme mensuel de 60 milliards d’euros. Tant M. Praet que M. Cœuré – après avoir exposé les questions que soulevait la mise en œuvre des deux options – se sont exprimés en faveur de la seconde option (119).

147. Ces options ont fait l’objet d’un réel débat au sein du conseil des gouverneurs de la BCE. En effet, il ressort du compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 7 et 8 décembre 2016 que des arguments en faveur d’un horizon d’achats plus court ou plus long ont été exposés, d’autres membres ne soutenant aucune des options proposées (120). La prolongation des achats sur un horizon de neuf mois à un rythme de 60 milliards d’euros a, finalement, été considérée comme l’option qui « assurait le juste équilibre entre l’envoi d’un signal de confiance et la nécessité de préserver la stabilité dans un environnement incertain, tout en présentant l’avantage de la flexibilité face à des circonstances défavorables et en maintenant la faisabilité opérationnelle » (121).

148. Les différentes modifications du PSPP, notamment en termes de durée et de volume, sont donc bien le fruit d’une pondération des intérêts en présence. À cet égard, la pratique de la BCE consistant à publier les comptes rendus des réunions de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE au cours desquelles les décisions relatives au PSPP se prennent assure une motivation spécifique et suffisante qui répond aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Annoncées dans les communiqués de presse de la BCE et reprises dans les considérants des décisions de la BCE modifiant la décision 2015/774, la force obligatoire des volumes mensuels d’achats et la durée d’application de l’APP à l’égard du SEBC ne sauraient être contestées, ne serait-ce qu’en raison du principe patere legem quam ipse fecisti. Selon la BCE, ces modifications ont, en outre, entraîné la modification de l’article 2, paragraphe 2, et de l’article 3 des lignes directrices PSPP afin de mettre en œuvre les modifications du volume d’achats mensuel de l’APP ainsi que les prolongations de la durée d’application de celui-ci.

149. Par ailleurs, au-delà de la subordination de la poursuite du PSPP à l’objectif d’obtenir, à moyen terme, un taux d’inflation inférieur à, mais proche de 2 % – ce qui conditionne sa durée, mais aussi son volume –, l’ampleur potentielle du PSPP est limitée de plusieurs manières par la décision 2015/774.

150. Ces limitations correspondent à certaines des garanties qui empêchent que les opérateurs actifs sur les marchés des obligations souveraines puissent agir, de facto, comme des intermédiaires du SEBC pour l’acquisition directe des obligations auprès des autorités et des organismes publics de l’État membre concerné. Je me contenterai donc de les rappeler :

–        premièrement, le PSPP n’est qu’un des quatre sous-programmes de l’APP et l’achat des obligations souveraines sur les marchés secondaires qu’il autorise est subsidiaire par rapport aux trois autres programmes qui concernent l’achat d’obligations privées (122) ;

–        deuxièmement, il découle de l’article 6, paragraphe 2, de la décision 2015/774 que les achats autorisés sont répartis entre tous les États membres de la zone euro sur la base de la clé de répartition pour la souscription au capital de la BCE prévue à l’article 29 du protocole sur le SEBC et la BCE, et

–        troisièmement, l’article 5 de la décision 2015/774 soumet les achats d’obligations souveraines sur les marchés secondaires à deux limites relatives, d’une part, à l’émission de titres et, d’autre part, à l’émetteur.

151. Il apparaît donc des caractéristiques du PSPP telles qu’elles ont été établies par la décision 2015/774 que le SEBC a pondéré les différents intérêts en présence de manière à éviter que puissent se produire, lors de la mise en œuvre du programme considéré, des inconvénients manifestement disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis.

152. Ma conclusion n’est pas une négation des controverses relatives à l’efficacité du PSPP. Cependant, comme la Cour a déjà eu l’occasion de le souligner de façon pertinente, « au vu du caractère controversé que revêtent habituellement les questions de politique monétaire et du large pouvoir d’appréciation du SEBC, il ne saurait être exigé davantage de celui-ci que l’utilisation de son expertise économique et des moyens techniques nécessaires dont il dispose afin d’effectuer la même analyse avec toute diligence et précision » (123). Or, les comptes rendus des réunions de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE relatifs à la décision 2015/774 font suffisamment preuve de cette diligence.

3.      Conclusion sur les troisième et quatrième questions

153. Il résulte de ce qui précède que la BCE, en adoptant la décision 2015/774, n’a pas outrepassé son mandat tel que défini à l’article 119 TFUE et à l’article 127, paragraphes 1 et 2, TFUE et que le PSPP a été décidé et mis en œuvre dans le respect des principes d’attribution et de proportionnalité énoncés à l’article 5, paragraphes 2 et 4, TUE.

VI.    Conclusion

154. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne) de la manière suivante :

« L’examen de la décision (UE) 2015/774 de la Banque centrale européenne, du 4 mars 2015, concernant un programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires, telle que modifiée par la décision (UE) 2015/2101 de la Banque centrale européenne, du 5 novembre 2015, par la décision (UE) 2016/702 de la Banque centrale européenne, du 18 avril 2016, par la décision (UE) 2015/2464 de la Banque centrale européenne, du 16 décembre 2015, ainsi que par la décision (UE) 2017/100 de la Banque centrale européenne, du 11 janvier 2017, n’a relevé aucun élément de nature à affecter sa validité. »


1      Langue originale : le français.


2      JO 2015, L 121, p. 20.


3      JO 2015, L 303, p. 106.


4      JO 2016, L 121, p. 24. Bien que la juridiction de renvoi n’y fasse pas référence dans ses questions, la décision 2015/774 a également été modifiée par la décision (UE) 2015/2464 de la Banque centrale européenne, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 344, p. 1), ainsi que par la décision (UE) 2017/100 de la Banque centrale européenne, du 11 janvier 2017 (JO 2017, L 16, p. 51).


5      JO 2012, C 326, p. 230.


6      C’est-à-dire le programme d’achats de titres adossés à des actifs (« asset-backed securities purchase programme » ou « ABSPP ») et le troisième programme d’achats d’obligations sécurisées (« covered bond purchase programme » ou « CBPP 3 »). Le quatrième sous-programme, le programme d’achat de titres du secteur des entreprises (« corporate sector purchase programme » ou « CSPP »), a été décidé le 10 mars 2016 [voir décision (UE) 2016/948 de la BCE, du 1er juin 2016, relative à la mise en œuvre du programme d’achat de titres du secteur des entreprises (BCE/2016/16), JO 2016, L 157, p. 28].


7      Article 3, paragraphe 1, de la décision 2015/774.


8      Article 3, paragraphe 3, de la décision 2015/774.


9      Article 5 de la décision 2015/774. Les limites d’achat s’élèvent à 50 % pour les obligations d’organisations internationales et de banques multilatérales de développement.


10      Article 3, paragraphe 2, de la décision 2015/774. Des règles spéciales s’appliquent aux obligations d’États membres soumis à un programme d’assistance financière.


11      Article 6 de la décision 2015/774.


12      Voir déclaration introductive du président de la BCE du 22 janvier 2015 et le communiqué de presse de la BCE du même jour, ainsi que le communiqué de presse de la BCE du 10 mars 2016 relatif à l’ajout du CSPP à l’APP et aux modifications de l’APP.


13      JO 2016, L 169, p. 14.


14      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, points 14 et 16).


15      Voir, en ce sens, arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial TobaccoBritish American Tobacco (Investments) et Imperial TobaccoBritish American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco (C‑491/01, EU:C:2002:741, point 40) et du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 29).


16      Voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2002, National Farmers’' UnionNational Farmers’' UnionNational Farmers’' UnionNational Farmers’' Union (C‑241/01, EU:C:2002:604, point 37 et jurisprudence citée).


17      Arrêt du 17 juillet 1997, SAM Schiffahrt et StapfSAM Schiffahrt et StapfSAM Schiffahrt et StapfSAM Schiffahrt et Stapf (C‑248/95 et C‑249/95, EU:C:1997:377, point 46). Voir, également, arrêt du 1er octobre 2009, Gaz de France – Berliner Investissement (C‑247/08, EU:C:2009:600, point 49).


18      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 102).


19      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 66).


20      Voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, EU:C:1995:463, point 65), ainsi que du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 28).


21      Arrêt du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 14). Voir, également, arrêts du 26 février 2013, Melloni (C‑399/11, EU:C:2013:107, point 29), et du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 25).


22      C’est moi qui souligne.


23      La position de la BCE en faveur d’une répartition des pertes entre banques centrales nationales limitée à 12 % des achats effectués a été annoncée dans la déclaration introductive du président de la BCE du 22 janvier 2015 et publiée dans un communiqué de presse du même jour. Ce partage a même été ultérieurement réduit à 10 % en raison d’une évolution de la ventilation des achats (voir communiqué de presse de la BCE du 10 mars 2016 et la modification apportée à l’article 6 de la décision 2015/774 par l’article 1er de la décision 2016/702).


24      C’est moi qui souligne.


25      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 95).


26      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 97).


27      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 109).


28      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, points 102 et 115).


29      Voir, en ce sens, Wilsher, D., « Ready to Do Whatever it Takes ? The Legal Mandate of the European Central Bank and the Economic Crisis », Cambridge Yearbook of European Legal Studies, vol. 15, 2012-2013, p. 510 à 536, spéc. p. 514.


30      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 96).


31      JO 1993, L 332, p. 1.


32      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 106).


33      Il ressort ainsi du compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015 que l’APP « débuterait en mars 2015 et porterait sur des achats mensuels à hauteur de 60 milliards d’euros et ce jusqu’à la fin septembre 2016, et en tout cas jusqu’à ce que le conseil des gouverneurs constate un ajustement durable de l’inflation qui soit conforme à son objectif de taux inférieurs à, mais proches de 2 % » (p. 21 de la version en langue française ; voir, également, communiqué de presse de la BCE du 22 janvier 2015). Les comptes rendus ultérieurs confirment « [l]a volonté et [l]a capacité d’agir [du conseil des gouverneurs], si nécessaire, en utilisant tous les instruments disponibles dans le cadre de son mandat, notamment la flexibilité des programmes d’achats d’actifs s’agissant de l’ajustement de leur dimension, de leur composition et de leur durée » (compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 2 et 3 septembre 2015, p. 19 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France ; c’est moi qui souligne). Voir, également, compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 2 et 3 décembre 2015, spéc. p. 18 à 20 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France ou encore le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 7 et 8 décembre 2016 dans lequel on peut lire qu’il « est important de réaffirmer qu’étant donné les incertitudes actuelles, le [c]onseil des gouverneurs continuera de suivre attentivement l’évolution des perspectives en matière de stabilité des prix et que, si cela était nécessaire pour atteindre son objectif, il agirait en utilisant tous les instruments à sa disposition dans le cadre de son mandat » (p. 15 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France).


34      Article 2, paragraphe 2, des lignes directrices PSPP.


35      Sous réserve de l’exclusion de la Grèce en raison des exigences de qualité du crédit. Sur le fondement de ces garanties, les banques centrales de l’Eurosystème n’ont pas acheté d’obligations grecques du secteur public dans le cadre du PSPP (voir décision 2016/1041). Sur ces conditions, voir points 86 et 87 des présentes conclusions.


36      Exceptionnellement, ce plafond est limité à 25 % [article 5, paragraphe 1, sous b), de la décision 2015/774]. Il est, par ailleurs, porté à 50 % pour les obligations émises par les organisations internationales et les banques multilatérales de développement [article 5, paragraphe 1, sous a), de la décision 2015/774].


37      Le plafond par émetteur s’élève à 50 % pour les émetteurs qui sont des organisations internationales ou des banques multilatérales de développement [article 5, paragraphe 2, sous a), de la décision 2015/774].


38      Article 4, paragraphe 3, des lignes directrices PSPP, lu conjointement avec le point 5 de son annexe.


39      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, points 106 et 107).


40      Article 9 des lignes directrices PSPP, lu conjointement avec le point 6 de son annexe.


41      L’information a été donnée par la BCE dans le cadre du renvoi préjudiciel (point 89 des observations de la BCE). En outre, j’observe que la BCE a également précisé que le délai qui s’écoulait réellement entre l’émission d’une obligation sur le marché primaire et son achat sur les marchés secondaires était généralement plus long que celui imposé par la période de fenêtre négative. Cette prolongation « de fait » de la période de fenêtre négative accentue l’incertitude des opérateurs sur la revente des obligations du secteur public acquises sur le marché primaire et la formation d’un prix correspondant à celui du marché.


42      Voir déclaration introductive du président de la BCE du 22 janvier 2015 ainsi que le communiqué de presse de la BCE du même jour. Les adaptations du PSPP ont également été régulièrement communiquées (voir, notamment, communiqués de presse de la BCE du 10 mars 2016 relatif aux décisions de politique monétaire et relatif aux changements apportés à l’APP, ainsi que du 8 décembre 2016 relatif aux décisions de politique monétaire).


43      Voir, notamment, en ce sens, Krishnamurthy A., et Vissing-Jorgensen, A., « The Effects of Quantitative Easing on Interest Rates : Channels and Implications for Policy », Brookings Papers on Economic Activity, 2011, p. 215 à 287 ; Bauer, M. D., et Rudebusch, Gl. D., « The Signaling Channel for Federal Reserve Bond Purchases », International Journal of Central Banking, 2014, p. 233 à 289.


44      Article 8, paragraphe 1, de la décision 2015/774.


45      Article 8, paragraphe 2, de la décision 2015/774.


46      Point 118 de cet arrêt.


47      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 118).


48      Article 12, paragraphe 2, des lignes directrices PSPP.


49      Point 16 des observations écrites du gouvernement allemand.


50      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 125).


51      Voir communiqué de presse de la BCE du 19 janvier 2017 relatif aux détails sur les achats d’actifs de l’APP avec des rendements inférieurs au taux de la facilité de dépôt.


52      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 96).


53      Voir, également, article 119, paragraphe 2, TFUE. Le considérant 6 de la décision 2015/774 fait expressément référence au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.


54      Voir point 63 des présentes conclusions.


55      Selon la BCE, cela représenterait un huitième du volume des obligations en circulation dans le cadre du PSPP.


56      L’affirmation a été formellement contestée par plusieurs États membres en réponse aux questions posées par la Cour. Par ailleurs, la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale d’Allemagne) a affirmé, dans ses réponses écrites aux questions posées par la Cour, que, si l’existence d’indices de rareté sur le marché des obligations souveraines allemandes avait pu être constatée en 2016, les obligations souveraines allemandes avaient néanmoins toujours été disponibles en quantité suffisante.


57      Voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2002, National Farmers’ UnionNational Farmers’ UnionNational Farmers’ UnionNational Farmers’ Union (C‑241/01, EU:C:2002:604, point 37 et jurisprudence citée).


58      Voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 1994, Crispoltoni e.a.Crispoltoni e.a.Crispoltoni e.a.Crispoltoni e.a. (C‑133/93, C‑300/93 et C‑362/93, EU:C:1994:364, point 43) et du 12 juillet 2001, Jippes e.a.Jippes e.a.Jippes e.a.Jippes e.a. (C‑189/01, EU:C:2001:420, point 84).


59      Considérant 4 de la décision 2015/774.


60      Considérant 4 de la décision 2015/774.


61      Voir points 131 à 142 de ces conclusions et voir, également, mes conclusions dans l’affaire Coman e.a.Coman e.a.Coman e.a.Coman e.a. (C‑673/16, EU:C:2018:2, note en bas de page 25).


62      Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Confédération paysanne e.a.Confédération paysanne e.a.Confédération paysanne e.a. (C‑528/16, EU:C:2018:20, point 140).


63      Voir décision 2015/2101.


64      Voir décision 2015/2464.


65      Compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 2 et 3 décembre 2015, p. 18 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


66      Voir, en ce sens, à propos de l’OMT, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 117).


67      JO 2014, L 240, p. 28.


68      L’exclusion des obligations grecques du PSPP confirme l’efficacité de cette garantie (voir décision 2016/1041).


69      Voir, en ce sens, déclaration de M. Cœuré (compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 9 et 10 mars 2016, p. 8 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France).


70      Conformément à la recommandation de la Commission, du 23 mai 2018, d’abroger la décision 2009/414/CE sur l’existence d’un déficit excessif en France [voir décision de la Commission COM(2018) 433 final].


71      Il s’agit de l’Espagne.


72      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 41).


73      Voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, point 53), et du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 42).


74      C’est moi qui souligne.


75      C’est moi qui souligne.


76      Voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, point 55), et du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 46).


77      Voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, point 56), et du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 52).


78      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 59).


79      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 66).


80      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 69).


81      C’est ainsi que la BCE précise, au considérant 2 de la décision 2015/2464, que « [l]e 3 décembre 2015, conformément à sa mission consistant à assurer la stabilité des prix, le conseil des gouverneurs a décidé de revoir certaines des caractéristiques de conception du PSPP, de manière à obtenir, à moyen terme, un ajustement durable de l’évolution de l’inflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 % ». Voir, également, considérant 2 de la décision 2016/702, ainsi que considérants 3 et 4 de la décision 2017/100. Aux termes d’une décision du conseil des gouverneurs de la BCE prise en 1998, la stabilité des prix était définie comme une progression sur un an de l’indice des prix à la consommation harmonisé inférieur à 2 %. Tout en confirmant cette définition, le conseil des gouverneurs a décidé, le 8 mai 2003, que, dans le cadre de la poursuite de l’objectif de stabilité des prix, il viserait à maintenir les taux d’inflation à des niveaux proches de 2 % à moyen terme. Ce faisant, la BCE entendait aménager une marge de sécurité suffisante pour se prémunir contre les risques de déflation (voir communiqué de presse de la BCE du 8 mai 2003 relatif à la stratégie de politique monétaire de la BCE).


82      Voir communiqué de presse de la BCE du 14 juin 2018 relatif aux décisions de politique monétaire.


83      Voir, en ce sens, Antonin, C., Blot, Chr., Le Bayon, St., Péléraux, H., Rifflart, Chr., et al., « Banques centrales, dernier rempart contre la déflation : Perspectives économiques 2014-2015 pour l’économie mondiale », Revue de l’OFCE – Analyse et prévisions, 2014, p. 11 à 51.


84      Sur le lien entre la politique monétaire et l’unicité d’application du PSPP dans tous les États membres de la zone euro, voir Adamski, D., « Economic Constitution of the Euro Area After the Gauweiler Preliminary Ruling », Common Market Law Review, vol. 52, 2015, p. 1451 à 1490, spéc. p. 1488, note en bas de page 122. Dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400), la Cour a considéré que le seul fait que l’OMT se limite spécifiquement aux obligations souveraines de certains États membres n’était pas de nature à impliquer, en tant que tel, que les instruments utilisés par le SEBC ne relevaient pas de la politique monétaire (point 55). Il en est, a fortiori, ainsi lorsqu’une telle sélectivité fait défaut.


85      Voir point 117 de la demande de décision préjudicielle.


86      Voir, en ce sens, Martucci, Fr., « La Cour de justice face à la politique monétaire en temps de crise de dettes souveraines : l’arrêt Gauweiler entre droit et marché », Cahiers de droit européen, 2015, p. 493 à 534, spéc. p. 513 et 514. L’auteur parle de « porosité » entre, d’une part, les domaines de compétence en matière de politique monétaire et, d’autre part, en matière de politique économique.


87      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, points 56 à 59).


88      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 68, c’est moi qui souligne).


89      Voir, en ce sens, à propos du contrôle de l’activité du législateur de l’Union en matière économique, arrêt du 11 janvier 2017, Espagne/Conseil (C‑128/15, EU:C:2017:3, point 46) ou, en matière scientifique, arrêt du 21 juin 2018, Pologne/Parlement et Conseil (C‑5/16, EU:C:2018:483, point 150).


90      Arrêt du 21 juin 2018, Pologne/Parlement et Conseil (C‑5/16, EU:C:2018:483, point 150). Voir, également, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil (C‑301/97, EU:C:2001:621, point 135), et du 8 juillet 2010, Afton ChemicalAfton Chemical (C‑343/09, EU:C:2010:419, point 28).


91      Voir, en ce sens, Martucci, Fr., « La Cour de justice face à la politique monétaire en temps de crise de dettes souveraines : l’arrêt Gauweiler entre droit et marché », Cahiers de droit européen, 2015, p. 493 à 534, spéc. p. 509 ; Classen, Cl. D., « Funktionsadäquate checks and balances statt richterliche Vollkontrolle unter demokratischem Vorwand », Europarecht, 2015, vol. 4, p. 477 à 486 ; Herrmann, Chr., et Dornacher, C., « Grünes Licht vom EuGH für EZB-Staatsanleihenkäufe – ein Lob der Sachlichkeit! », Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, 2015, p. 579 à 583, ainsi que Hinarejos, A., « Gauweiler and the Outright Monetary Transactions Programme : The Mandate of the European Central Bank and the Changing Nature of Economic and Monetary Union », European Constitutional Law Review, vol. 11, 2015, p. 563-576, spéc. p. 575. Certains de ces auteurs s’appuient également sur la nécessaire indépendance de la BCE pour justifier le caractère limité du contrôle auquel la Cour doit procéder.


92      Voir, à ce propos, Halberstam, D., « Constitutional Heterarchy : The Centrality of Conflict in the European Union and the United States », inDunoff, J., et Trachtman, J., (éd.), Ruling the World ? Constitutionalism, International Law and Global Government, Cambridge University Press, 2009, p. 326 à 355. Voir, également, pour une application de la théorie de D. Halberstam aux décisions prises par l’Union pour lutter contre la crise financière, Fabbrini, F., « The Euro-Crisis and the Courts : Judicial Review and the Political Process in Comparative Perspective », Berkeley Journal of International Law, vol. 32:1, 2014, p. 64 à 123, spéc. p. 116 et suiv.


93      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 110).


94      Voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, point 57).


95      Sur cette condition, voir points 86 et 87 des présentes conclusions.


96      Article 2, paragraphe 2, des lignes directrices PSPP.


97      Pour rappel, un acte est entaché de détournement de pouvoir « s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce » [arrêt du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil (C‑301/97, EU:C:2001:621, point 153)].


98      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 66).


99      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 68).


100      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 69).


101      Voir, notamment, Antonin, C., Blot, Chr., Le Bayon, St., Péléraux, H., Rifflart, Chr., et al., « Banques centrales, dernier rempart contre la déflation : Perspectives économiques 2014-2015 pour l’économie mondiale », Revue de l’OFCE – Analyse et prévisions, 2014, p. 11 à 51.


102      Voir point 117 de la demande de décision préjudicielle,


103      Voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 70).


104      Compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015, p. 4 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


105      Compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015, p. 7 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


106      Compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015, p. 8 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


107      Voir compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015, p. 9 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


108      Compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015, p. 16 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


109      Compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015, p. 17 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


110      Compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015, p. 17 et 18 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


111      Compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 21 et 22 janvier 2015, p. 19 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France. Dans ses observations écrites, la BCE précise avoir eu recours à plusieurs modèles économétriques pour estimer les volumes d’achat approximatifs nécessaires pour atteindre le taux d’inflation visé (voir point 22 desdites observations).


112      Voir, à ce propos, l’exposé de M. Praet et la discussion au sein du conseil des gouverneurs à ce sujet dans le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 2 et 3 décembre 2015, spéc. p. 6, 11 et 12 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


113      Voir compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 2 et 3 décembre 2015, spéc. p. 15 à 17 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


114      Notamment la baisse des prix de l’énergie et l’évolution du taux de change. Voir compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 9 et 10 mars 2016, spéc. p. 12 et 22 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


115      En particulier p. 15 dudit compte rendu dans la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


116      Voir compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 9 et 10 mars 2016, spéc. p. 17 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


117      Voir compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 9 et 10 mars 2016, spéc. p. 19 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


118      Sur la prise en considération des progrès réalisés et leur insuffisance, voir également la discussion au sein du conseil des gouverneurs de la BCE (compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 7 et 8 décembre 2016, spéc. p. 9 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France).


119      Compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 7 et 8 décembre 2016, spéc. p. 6 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


120      En particulier p. 13 et 14 dudit compte rendu dans la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


121      Voir compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE des 7 et 8 décembre 2016, p. 12 de la version en langue française disponible sur le site Internet de la Banque de France.


122      Article 2, paragraphe 2, des lignes directrices PSPP.


123      Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 75).