Language of document : ECLI:EU:C:2018:130

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

28 février 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Libre prestation des services – Article 56 TFUE – Article 4, paragraphe 3, TUE – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Restrictions – Jeux de hasard – Réglementation nationale – Exploitation de certaines formes de jeux de hasard par l’État – Exclusivité – Système de concession pour d’autres formes de jeux – Exigence d’une autorisation – Sanction administrative »

Dans l’affaire C‑3/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie), par décision du 4 octobre 2016, parvenue à la Cour le 3 janvier 2017, dans la procédure

Sporting Odds Ltd

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Központi Irányítása,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. C. G. Fernlund, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot et S. Rodin (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Sporting Odds Ltd, par MM. A. Nemescsói et Gy. V. Radics, ügyvédek,

–        pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par Mmes L. Van den Broeck et M. Jacobs, en qualité d’agents, assistées de Mes P. Vlaemminck, R. Verbeke et J. Auwerx, avocats,

–        pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement maltais, par Mme A. Buhagiar, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et M. Figueiredo ainsi que par Mmes A. Silva Coelho et P. de Sousa Inês, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme H. Tserepa-Lacombe et M. L. Havas, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de l’article 56 TFUE ainsi que des articles 41, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Sporting Odds Ltd au Nemzeti Adó- és Vámhivatal Központi Irányítása (direction centrale de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie) (ci-après l’« administration fiscale ») au sujet d’une décision par laquelle cette dernière a infligé à Sporting Odds une amende d’un montant de 3 500 000 forints hongrois (HUF) (environ 11 306 euros) (ci-après la « décision litigieuse ») pour avoir organisé des jeux de hasard en ligne sans disposer de la concession ni de l’autorisation requises à cette fin.

 Le cadre juridique

 La loi sur les jeux de hasard

3        L’article 2, paragraphe 2, de la szerencsejáték szervezéséről szóló 1991. évi XXXIV. törvény (loi no XXXIV de 1991 relative à l’organisation de jeux de hasard), telle qu’en vigueur à l’époque des faits de l’affaire au principal (ci-après la « loi sur les jeux de hasard »), est ainsi libellé :

« L’exercice d’une activité d’organisation de jeux de hasard requiert – sauf exception prévue par la présente loi – l’autorisation des autorités fiscales nationales. […] »

4        L’article 3, paragraphes 1, 1(a), 1(b) et 3, de cette loi se lit comme suit :

« (1)      À l’exception de l’organisation de jeux de hasard à distance et de l’organisation de jeux de casino en ligne, une activité d’organisation de jeux de hasard non libéralisés

a)      peut être assurée par un organisme économique détenu à 100 % par l’État hongrois, créé pour exercer de manière régulière une activité d’organisation de jeux de hasard (ci-après l’“opérateur étatique de jeux de hasard”), ainsi que par une société commerciale ayant l’opérateur étatique de jeux de hasard pour seul actionnaire, ainsi qu’un organisme économique dans lequel l’État détient une participation majoritaire,

b)      par contrat de concession, l’État peut, à titre temporaire, céder à une autre personne le droit d’exercer cette activité.

(1a)      L’organisation de jeux de hasard à distance ne peut être assurée

a)      que par la société Szerencsejáték Zrt., détenue à 100 % par l’État hongrois, sauf en ce qui concerne les paris hippiques,

b)      dans le cas des paris hippiques, que par la société Magyar Lóversenyfogadást-szervező Kft., détenue à 100 % par l’État hongrois.

(1b)      Le droit d’organiser des jeux de casino en ligne est exclusivement réservé aux personnes titulaires d’une concession relative à l’exploitation d’un casino situé sur le territoire de la Hongrie, qui peuvent organiser des jeux de casino en ligne par le biais de la société concessionnaire créée aux fins de l’organisation des jeux de casino.

[...]

(3)      Seul l’opérateur étatique de jeux de hasard a le droit d’organiser les loteries à tirages et les paris – à l’exception des paris hippiques, des jeux de hasard à distance et des paris relevant de l’activité des bookmakers. »

5        L’article 4, paragraphes 1 et 6, de ladite loi énonce :

« (1)      Aux fins de la conclusion d’un contrat de concession, le ministre émet un appel public à concurrence, conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la [koncesszióról szóló 1991. évi XVI. törvény (loi no XVI de 1991 relative aux concessions)]. L’émission d’un appel à concurrence pour l’attribution d’une concession requiert – sauf s’il s’agit d’un appel à concurrence national – l’approbation de l’organe représentatif de la collectivité territoriale d’implantation (à Budapest, assemblée de la collectivité métropolitaine). Lorsqu’un droit de concession est attribué par le biais d’un appel à concurrence national, l’autorité fiscale étatique délivre l’autorisation pour les lieux d’implantation situés dans les collectivités territoriales dont les organes représentatifs – à Budapest, l’assemblée de la collectivité métropolitaine – ont donné leur accord à l’exercice d’une telle activité sur leur territoire.

[...]

(6)      Sur le fondement de l’article 10/C, paragraphe 2, de la loi [no XVI de 1991] relative aux concessions, le ministre peut également conclure un contrat de concession sans émettre d’appel public à concurrence, en concluant un tel contrat avec un opérateur de jeux de hasard fiable au sens de la présente loi. »

6        L’article 5, paragraphe 1, de la loi sur les jeux de hasard est ainsi libellé :

« En cas d’appel public à concurrence en application de l’article 5, paragraphe 1, de la loi [no XVI de 1991] relative aux concessions, le ministre peut conclure le contrat de concession avec la personne ayant remporté le concours. »

7        L’article 37, point 30, de la loi sur les jeux de hasard énonce :

« Opérateur de jeux de hasard fiable : un opérateur de jeux de hasard qui est un organisme transparent au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 1, de la nemzeti vagyonról szóló 2011. évi CXCVI. törvény (loi no CXCVI relative aux biens nationaux) et

a)      qui a satisfait à toutes ses obligations de déclaration et de paiement relatives à des charges fiscales ou parafiscales excédant 500 000 HUF, enregistrées par l’administration fiscale nationale, et qui ne s’est jamais acquitté d’une telle obligation avec plus de 90 jours de retard,

b)      dont aucun des comptes bancaires n’a été grevé par un mandat de recouvrement au comptant excédant 500 000 forints de la part de l’administration fiscale, et qui, au cours de son activité, n’a pas vu de procédure d’exécution excédant 500 000 forints introduite à son égard,

c)      au cours de son activité, et dans ce contexte, n’a pas commis d’infraction pour laquelle il aurait été susceptible de se voir infliger une amende d’un montant supérieur à cinq millions de forints, [...]

d)      a exercé pendant au moins dix ans une activité visant à l’organisation de jeux de hasard en Hongrie,

e)      a intégralement respecté les règles relatives à l’établissement de l’identité des joueurs ainsi qu’au traitement des données y afférentes, pour autant qu’une telle obligation s’imposait à lui. »

 La loi no XVI de 1991 relative aux concessions

8        L’article 10/C, paragraphes 1 et 2, de la loi no XVI de 1991 relative aux concessions, telle qu’en vigueur à l’époque des faits au principal, est ainsi libellé :

« (1)      Un contrat de concession peut également être conclu avec un opérateur de jeux de hasard fiable, au sens de la loi sectorielle, conformément aux dispositions du présent article.

(2)      Le ministre compétent dans le domaine concerné peut renoncer à émettre un appel public à concurrence aux fins de l’attribution d’une concession lorsqu’il est également possible de conclure le contrat de concession avec un opérateur de jeux de hasard fiable. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        Sporting Odds est une société britannique qui possède une autorisation pour l’organisation de jeux de hasard en ligne au Royaume-Uni. Cette société offre les services d’un casino en ligne en Hongrie sans, toutefois, posséder de concession ou d’autorisation pour l’organisation de tels jeux dans cet État membre.

10      À la suite d’un contrôle du site Internet « hu.sportingbeteuro.com », effectué entre le 6 et le 12 janvier 2016, l’administration fiscale a établi que Sporting Odds s’était livrée à l’organisation de paris sportifs sans détenir à cette fin la concession ni l’autorisation requises par la législation hongroise. Tout en considérant que, en vertu du droit national, Sporting Odds ne devait pas, au préalable, être informée ni du contrôle ni de la procédure, l’administration fiscale a conclu à l’existence d’une infraction exclusivement sur la base des constats effectués lors du contrôle du site Internet de Sporting Odds. En conséquence, par la décision litigieuse, l’administration fiscale a infligé à Sporting Odds une amende d’un montant de 3 500 000 HUF.

11      Étant d’avis que la réglementation hongroise relative au secteur des jeux de hasard était contraire au droit de l’Union, Sporting Odds a décidé d’introduire un recours contre la décision litigieuse devant le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie).

12      La juridiction de renvoi doute, d’une part, que la procédure d’attribution des concessions pour l’organisation de jeux de hasard était organisée de manière à permettre à Sporting Odds d’introduire une demande en ce sens et, d’autre part, qu’un contrôle juridictionnel effectif de la procédure d’attribution de telles concessions était assuré. À cet égard, elle constate qu’aucun appel à concurrence n’était organisé par le ministre de l’Économie et que Sporting Odds n’était pas en mesure d’introduire une offre spontanée afin d’obtenir la concession pour l’organisation de jeux de hasard, réservée aux opérateurs de jeux de hasard considérés comme « fiables », en raison du fait que cette dernière catégorie ne comprenait que les opérateurs ayant exercé pendant dix années un service d’organisation de jeux de hasard en Hongrie.

13      Par ailleurs, cette juridiction souligne que la législation nationale n’indique pas si le ministre de l’Économie est tenu d’accepter une offre spontanée et constate que la décision de ce ministre n’est pas susceptible d’être contrôlée par les juridictions nationales, dès lors qu’elle ne constitue pas un acte administratif relevant de l’exercice de la puissance publique.

14      En outre, la juridiction de renvoi se penche sur les points de comparaison qui doivent être pris en compte dans le cadre de l’examen de cohérence et du systématisme des restrictions à l’article 56 TFUE, tant en ce qui concerne le régime du monopole étatique pour certains types de jeux de hasard, qu’en ce qui concerne le régime des concessions. À cet égard, elle observe que, s’agissant des jeux de casino et des jeux de casino en ligne, il y a eu, contrairement aux objectifs de protection des consommateurs et de la santé publique énoncés par la législation pertinente, une incitation des consommateurs à se tourner vers ce type de jeux de hasard.

15      Par ailleurs, selon cette juridiction, il ressort du registre de Szerencsejáték Zrt. (la société responsable pour l’organisation des jeux de hasard, détenue à 100 % par l’État hongrois) et des registres dédiés aux sociétés que seules celles enregistrées et ayant leur siège en Hongrie sont titulaires d’une concession de casino. À cet égard, elle se demande si une règle selon laquelle seules les sociétés ayant une concession pour un casino situé sur le territoire hongrois peuvent organiser des jeux de hasard en ligne constitue un obstacle non justifié.

16      La juridiction de renvoi s’interroge, également, sur le fondement de quelles règles il convient d’examiner la cohérence et le systématisme des mesures restreignant la libre prestation des services. À cet égard, elle se demande si, dans le cadre de l’examen de proportionnalité, elle doit rechercher d’office des preuves ou si elle doit procéder à une répartition de la charge de la preuve entre les parties à la procédure, voire d’autres personnes.

17      Par ailleurs, elle se demande si une règle nationale selon laquelle une partie n’est pas en mesure de soulever la question de compatibilité du droit national avec le droit de l’Union jusqu’à la phase de la procédure juridictionnelle enfreint le droit à une bonne administration garantie par la Charte, à savoir le droit d’être entendu et l’obligation de motivation.

18      Dans ces conditions, le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE, l’interdiction des discriminations ainsi que l’exigence selon laquelle les restrictions étatiques aux activités de jeux de hasard doivent limiter ces activités d’une manière cohérente et systématique, objectif légal que l’État membre justifie fondamentalement par la lutte contre l’addiction au jeu et la protection des consommateurs, en ce sens que ceux-ci s’opposent au monopole national d’État concernant les paris sportifs et les paris hippiques en ligne et hors ligne, dès lors que, par ailleurs, depuis la réorganisation du marché décidée par l’État, des prestataires de services de droit privé peuvent dans ce même État membre organiser dans des casinos situés sur le territoire hongrois, dans le cadre d’un régime de concession, d’autres jeux de hasard en ligne et hors ligne comportant un risque d’addiction élevé (jeux de casino, jeux de cartes, machines à sous, jeux de casino en ligne, jeux de cartes en ligne) ?

2)      Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE, l’interdiction des discriminations ainsi que l’exigence selon laquelle les restrictions étatiques aux activités de jeux de hasard doivent limiter ces activités d’une manière cohérente et systématique en ce sens que cet article est violé et que cette exigence n’est pas satisfaite si l’on peut constater que la réorganisation du marché justifiée par la lutte contre l’addiction au jeu et l’objectif légal de protection des consommateurs a pour conséquence ou pour traduction concrète une augmentation constante du nombre de casinos, de la taxe annuelle sur les jeux prélevée sur les casinos, des prévisions de recettes budgétaires de l’État provenant de la redevance sur les concessions de casinos, des jetons achetés par les joueurs et des sommes d’argent utilisées pour acquérir le droit de jouer sur une machine à sous depuis la réorganisation du marché décidée par l’État ?

3)      Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE, l’interdiction des discriminations ainsi que l’exigence selon laquelle les restrictions étatiques aux activités de jeux de hasard doivent limiter ces activités d’une manière cohérente et systématique en ce sens que cet article est violé et que cette exigence n’est pas satisfaite si l’on peut constater que l’introduction du monopole national d’État et l’organisation de jeux de hasard autorisée à des prestataires de services privés, fondamentalement motivées par la lutte contre l’addiction au jeu et l’objectif législatif de protection des consommateurs, ont également un objectif de politique économique, à savoir l’augmentation des recettes nettes provenant des activités de jeu et l’atteinte d’un niveau de profit particulièrement élevé sur le marché des casinos dans le laps de temps le plus bref possible, aux fins du financement d’autres dépenses budgétaires étatiques et tâches publiques ?

4)      Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE, l’interdiction des discriminations ainsi que l’exigence selon laquelle les restrictions étatiques aux activités de jeux de hasard doivent limiter ces activités d’une manière cohérente et systématique en ce sens que cet article est violé et que cette exigence n’est pas satisfaite, ou qu’il y a une discrimination injustifiée des prestataires de services si l’on peut établir que l’État membre continue de réserver certains services de jeux de hasard en ligne au monopole national d’État en invoquant la même raison d’ordre public que celle pour laquelle, dans le même temps, il rend accessibles d’autres services de jeux de hasard en ligne en octroyant un nombre croissant de concessions ?

5)      Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE et l’interdiction des discriminations en ce sens que ceux-ci s’opposent à ce que la possibilité d’obtenir une autorisation pour jeux de casino en ligne soit exclusivement réservée aux prestataires de services disposant d’un casino (concession) situé sur le territoire hongrois et que les prestataires de services qui ne disposent pas d’un casino situé sur le territoire hongrois – y compris les prestataires de services disposant d’un casino situé sur le territoire d’un autre État membre – en soient par conséquent exclus ?

6)      Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE et l’interdiction des discriminations en ce sens que ceux-ci s’opposent à une situation dans laquelle un État membre, soit en publiant un éventuel appel à concurrence pour l’attribution d’une concession de casino, soit en permettant à un opérateur de jeux de hasard fiable de présenter une offre spontanée pour l’obtention d’une concession de casino, assure en théorie à n’importe quel prestataire de services – y compris à un prestataire de services établi dans un autre État membre – répondant aux conditions légales la possibilité d’obtenir un droit de concession pour exploiter un casino situé sur le territoire hongrois, puis, une fois en possession de ce droit, une autorisation pour exploiter un casino en ligne, mais dans laquelle l’État membre concerné n’émet pas d’appel à concurrence public et transparent aux fins de l’attribution de la concession, pas plus que le prestataire de services ne peut en pratique exercer la possibilité de présenter une offre spontanée, et dans laquelle l’autorité nationale retient néanmoins une infraction à l’encontre du prestataire de services qui a exercé son activité sans être titulaire d’une autorisation et lui impose une sanction considérée comme étant une sanction administrative ?

7)      Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE, l’interdiction des discriminations et l’exigence d’un régime d’autorisation transparent, objectif et public en ce sens que ceux-ci s’opposent à une situation dans laquelle un État membre met en place un système d’appel à concurrence pour l’attribution de concessions en ce qui concerne certains services de jeux de hasard, mais dans laquelle l’organisme qui décide de l’attribution des concessions peut, au lieu de publier un appel à concurrence, conclure un contrat de concession avec certaines personnes qualifiées d’opérateurs de jeux de hasard fiables, alors qu’en publiant un seul appel à concurrence pour l’attribution de concessions, il permettrait à tous les prestataires de services de participer à l’appel à concurrence à des conditions identiques ?

8)      S’il est répondu par la négative à la septième question, et si un État membre peut mettre en place plusieurs types de procédure permettant d’obtenir une même concession, cet État membre doit-il, en application de l’article 56 TFUE, garantir leur équivalence pour assurer l’efficacité des dispositions du droit de l’Union relatives à cette liberté fondamentale, compte tenu de l’exigence d’un régime d’autorisation transparent, objectif et public, ainsi que de l’égalité de traitement ?

9)      Le fait que ni dans un cas ni dans l’autre la possibilité d’un contrôle juridictionnel ou d’un autre recours effectif ne soit assurée à l’encontre de la décision relative à l’attribution de la concession a-t-il une incidence sur les réponses à apporter aux sixième à huitième questions ?

10)      Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE, le principe de loyauté prévu à l’article 4, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne ainsi que le principe de l’autonomie institutionnelle et procédurale, en combinaison avec les articles 47 et 48 de la Charte et l’exigence du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense qui en découle en ce sens que la juridiction nationale saisie au principal peut, lors de l’examen des conditions du droit de l’Union découlant de la jurisprudence de la Cour, notamment lors de l’examen du caractère nécessaire et proportionné de la restriction imposée par l’État membre, ordonner et mener d’office un examen et une procédure de preuve, y compris dans le cas où la législation nationale applicable en matière de procédure contentieuse ne l’y autorise pas ?

11)      Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE, lu en combinaison avec les articles 47 et 48 de la Charte et l’exigence du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense qui en découle, en ce sens que la juridiction nationale saisie au principal ne peut pas, lors de l’examen des conditions du droit de l’Union découlant de la jurisprudence de la Cour, notamment lors de l’examen du caractère nécessaire et proportionné de la restriction imposée par l’État membre, faire peser la charge de la preuve sur le prestataire de services concerné par la restriction, mais que c’est à l’État membre et, concrètement, à l’autorité de cet État membre qui a pris la décision attaquée dans l’affaire au principal, qu’il incombe de justifier et de prouver la conformité au droit de l’Union et le caractère nécessaire et proportionné de la réglementation nationale, et que l’absence d’une telle démonstration, en soi, a pour conséquence que la réglementation nationale est contraire au droit de l’Union ?

12)      Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE, compte tenu du droit à une bonne administration prévu à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, du droit à être entendu prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte et de l’obligation de motivation prévue à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, ainsi que de la clause de loyauté prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE, parallèlement toutefois au principe de l’autonomie institutionnelle et procédurale des États membres, en ce sens que ces exigences ne sont pas satisfaites lorsque l’autorité compétente de l’État membre, conformément à une disposition de droit national, n’informe pas le prestataire proposant un service de jeux de hasard de l’ouverture d’une procédure de sanction administrative, qu’elle ne cherche pas, à un stade ultérieur de la procédure administrative, à recueillir son avis sur la compatibilité de la réglementation nationale avec le droit de l’Union, et qu’elle inflige, dans le cadre d’une procédure à un seul degré, une sanction considérée comme étant de nature administrative sans rendre compte de manière détaillée, dans la motivation de la décision, de cette compatibilité et des éléments de preuve qui l’étayent ?

13)      Compte tenu de l’article 56 TFUE, de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) et c), ainsi que des articles 47 et 48 de la Charte, et de l’exigence du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense qui en découle, les exigences contenues dans ces dispositions sont‑elles satisfaites si la faculté, pour le prestataire de services de jeux de hasard, de mettre en doute la conformité de la réglementation nationale au droit de l’Union peut être exercée exclusivement, et pour la première fois, devant la juridiction nationale ?

14)      L’article 56 TFUE ainsi que l’obligation de l’État membre de justifier ou de motiver une restriction à la libre prestation des services peuvent-ils être interprétés en ce sens que l’État membre n’a pas satisfait à cette obligation s’il n’existe, que ce soit à la date à laquelle la restriction a été décidée ou à la date à laquelle elle est examinée, aucune analyse pertinente des effets de cette restriction, corroborant l’idée que celle-ci poursuit des objectifs d’ordre public ?

15)      Compte tenu des limites légales fixées pour le montant de l’amende administrative susceptible d’être infligée, de la nature de l’activité frappée de cette sanction et, notamment, du fait qu’il s’agit d’une activité sensible au regard de l’ordre public et de la sécurité publique, ainsi que de l’objectif répressif de l’amende, peut-on constater, sur le fondement des articles 47 à 48 de la Charte, que l’amende administrative litigieuse est “de nature pénale”, et cette circonstance a-t-elle une incidence sur la réponse à apporter aux onzième à quatorzième questions ?

16)      Convient-il d’interpréter l’article 56 TFUE en ce sens que, si la juridiction saisie au principal constate, sur le fondement des réponses à apporter aux questions ci-dessus, que la réglementation et son application sont illégales, elle doit en conclure que la sanction fondée sur la réglementation nationale non conforme à l’article 56 TFUE est également contraire au droit de l’Union ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première à quatrième questions

19      Par ses première à quatrième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un système dual d’organisation du marché des jeux de hasard dans le cadre duquel certains types de jeux de hasard relèvent du système du monopole étatique, tandis que d’autres relèvent du système des concessions et des autorisations pour l’organisation de jeux de hasard.

20      D’abord, il convient de rappeler que la réglementation des jeux de hasard fait partie des domaines dans lesquels des divergences considérables d’ordre moral, religieux et culturel existent entre les États membres. En l’absence d’une harmonisation de l’Union européenne en la matière, il appartient à chaque État membre d’apprécier, dans ces domaines, selon sa propre échelle des valeurs, les exigences que comporte la protection des intérêts concernés (arrêt du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C‑42/07, EU:C:2009:519, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

21      Ensuite, il est constant que, dans le cadre d’une législation compatible avec le traité FUE, le choix des modalités d’organisation et de contrôle des activités d’exploitation et de pratique des jeux de hasard ou d’argent incombe aux autorités nationales dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2010, Carmen Media Group, C‑46/08, EU:C:2010:505, point 59).

22      Enfin, la Cour a précisé que, en matière de jeux de hasard, il convient, en principe, d’examiner séparément pour chacune des restrictions imposées par une législation nationale notamment si elle est propre à garantir la réalisation du ou des objectifs invoqués par l’État membre concerné et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt du 8 septembre 2010, Carmen Media Group, C‑46/08, EU:C:2010:505, point 60).

23      Ainsi, il ressort d’une jurisprudence constante que la circonstance que divers types de jeux de hasard sont soumis, les uns à un monopole public, les autres à un régime d’autorisations délivrées à des opérateurs privés ne saurait, à elle seule, conduire à priver de leur justification, au regard des objectifs légitimes qu’elles poursuivent, les mesures qui, à l’instar du monopole public, apparaîtraient prima facie comme les plus restrictives et les plus performantes. En effet, une telle divergence de régimes juridiques n’est pas, en soi, de nature à affecter l’aptitude d’un tel monopole public à atteindre l’objectif de prévention de l’incitation des citoyens à des dépenses excessives liées au jeu et de lutte contre l’assuétude à celui-ci pour lequel il a été institué (arrêt du 8 septembre 2010, Carmen Media Group, C‑46/08, EU:C:2010:505, point 63).

24      Toutefois, un système dual d’organisation du marché des jeux de hasard pourra s’avérer contraire à l’article 56 TFUE s’il est constaté que les autorités compétentes mènent des politiques visant à encourager la participation à des jeux de hasard, autres que ceux relevant du monopole étatique, plutôt qu’à réduire les occasions de jeu et à limiter les activités dans ce domaine d’une manière cohérente et systématique de telle sorte que l’objectif de prévention de l’incitation à des dépenses excessives liées au jeu et de lutte contre l’assuétude à celui-ci qui était à la base de l’institution du monopole ne peut plus être efficacement poursuivi au moyen de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2010, Carmen Media Group, C‑46/08, EU:C:2010:505, point 68).

25      En l’occurrence, le gouvernement hongrois invoque tant les motifs d’ordre public, de la santé publique et de la sécurité publique que les raisons impératives de protection des consommateurs, de prévention de l’assuétude et de la prévention de fraude afin de justifier le système dual de réglementation des jeux de hasard.

26      Il y a lieu de constater que de tels motifs sont susceptibles de justifier des restrictions aux activités de jeux de hasard tant en ce qui concerne le régime du monopole étatique sur certains types de tels jeux qu’en ce qui concerne le régime de concessions et d’autorisations pour l’organisation de jeux de hasard.

27      Afin de démontrer l’incohérence du système hongrois d’organisation de jeux de hasard, Sporting Odds fait cependant valoir que l’objectif principal de la législation nationale consiste, en réalité, à augmenter les recettes budgétaires générées par les taxes prélevées sur les casinos, par la hausse des prévisions de recettes provenant de la redevance sur les concessions des casinos, ainsi que par la valeur des jetons achetés par les joueurs. Elle ajoute que les mesures de libéralisation de certains types de jeux de hasard ont favorisé une expansion des activités de jeux de casino, contrairement aux objectifs de protection des consommateurs et de prévention d’assuétude.

28      À cet égard, s’il est constant que le seul objectif de maximiser les recettes du Trésor public ne saurait permettre une restriction à la libre prestation des services, la circonstance qu’une restriction aux activités de jeux de hasard bénéficie accessoirement au budget de l’État membre concerné n’empêche pas cette restriction d’être justifiée dans la mesure où elle poursuit d’abord effectivement des objectifs relatifs à des raisons impérieuses d’intérêt général, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, points 60 et 61).

29      En outre, s’agissant de la politique de libéralisation de certains types de jeux de hasard, susceptible de s’inscrire dans le cadre d’une politique d’expansion contrôlée des activités de jeux de hasard, la Cour a jugé qu’une telle politique peut être cohérente tant avec l’objectif consistant à prévenir l’exploitation des activités de jeux de hasard à des fins criminelles ou frauduleuses qu’avec celui de la prévention de l’incitation à des dépenses excessives liées au jeu et de lutte contre l’assuétude à celui-ci, en dirigeant les consommateurs vers l’offre émanant des opérateurs autorisés, offre censée être à la fois à l’abri d’éléments criminels et conçue pour mieux protéger les consommateurs contre des dépenses excessives et l’assuétude au jeu (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, point 69 ainsi que jurisprudence citée).

30      Ainsi, afin d’atteindre cet objectif de canalisation vers des circuits contrôlés, les opérateurs autorisés doivent constituer une alternative fiable, mais en même temps attrayante, à une activité interdite, ce qui peut impliquer notamment le recours à de nouvelles techniques de distribution (arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, point 70 ainsi que jurisprudence citée).

31      Toutefois, une politique d’expansion contrôlée des activités de jeux de hasard ne saurait être considérée comme cohérente que si, d’une part, les activités criminelles et frauduleuses liées au jeu et, d’autre part, l’assuétude au jeu pouvaient, à l’époque des faits au principal, constituer un problème en Hongrie et si une expansion des activités autorisées et réglementées aurait été de nature à remédier à un tel problème (arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, point 71 ainsi que jurisprudence citée).

32      Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, dans le cadre de l’affaire dont elle est saisie, si ces conditions se trouvent réunies et, le cas échéant, si la politique d’expansion en cause n’a pas une ampleur susceptible de la rendre inconciliable avec les objectifs invoqués par le gouvernement hongrois (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, point 72 ainsi que jurisprudence citée).

33      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première à quatrième questions que l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas, en principe, à un système dual d’organisation du marché des jeux de hasard dont certains types de ces jeux relèvent du système du monopole étatique, alors que d’autres relèvent du système des concessions et des autorisations pour l’organisation de jeux de hasard, dès lors que la juridiction de renvoi établit que la réglementation restreignant la libre prestation des services poursuit effectivement, de manière cohérente et systématique, les objectifs invoqués par l’État membre concerné.

 Sur la cinquième question

34      Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle l’octroi d’une autorisation pour l’organisation de jeux de hasard en ligne est exclusivement réservé aux opérateurs de jeux de hasard exploitant, en vertu d’une concession, un casino situé sur le territoire national.

35      Afin de répondre à cette question, il y a lieu de rappeler que la libre prestation des services implique l’élimination de toute discrimination exercée à l’encontre du prestataire en raison de sa nationalité ou de la circonstance qu’il soit établi dans un État membre autre que celui où la prestation doit être exécutée. La condition selon laquelle une entreprise doit créer un établissement stable ou une filiale dans l’État membre où la prestation est exécutée va directement à l’encontre de la libre prestation des services, dans la mesure où elle rend impossible la prestation, dans cet État membre, de services par des entreprises établies dans d’autres États membres (arrêt du 21 janvier 2010, Commission/Allemagne, C‑546/07, EU:C:2010:25, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

36      Si la Cour a jugé que l’article 56 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui interdit de proposer des jeux de hasard au moyen d’Internet sur le territoire d’un État membre à des opérateurs établis dans d’autres États membres dans lesquels ils fournissent légalement des services analogues (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C‑42/07, EU:C:2009:519, point 73), il y a lieu de rappeler que la réglementation nationale examinée dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt instaurait un monopole aux jeux de hasard assurant les droits exclusifs d’exploitation de ces jeux à un organisme sous tutelle effective de l’État.

37      Dans l’affaire au principal, la réglementation en cause restreint l’organisation de jeux de hasard sur Internet aux opérateurs exploitant un casino situé sur le territoire national et bénéficiant à cette fin d’une concession et d’une autorisation.

38      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante qu’un régime de concessions et d’autorisations pour l’organisation de jeux de hasard doit être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, de manière à encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités nationales afin que celui-ci ne puisse être utilisé de manière arbitraire (arrêt du 22 juin 2017, Unibet International, C‑49/16, EU:C:2017:491, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

39      Ainsi, une restriction, telle que celle constatée dans l’affaire au principal, présente un caractère discriminatoire. Elle n’est compatible avec le droit de l’Union que si elle relève d’une disposition dérogatoire expresse, tel l’article 52 TFUE, à savoir l’ordre public, la sécurité publique et la santé publique (arrêt du 9 septembre 2010, Engelmann, C‑64/08, EU:C:2010:506, point 34 ainsi que jurisprudence citée).

40      Le gouvernement hongrois invoque des motifs d’ordre public et de santé publique, soutenant que le contrôle étatique des jeux effectués en ligne est limité et que la règle nationale assure que les jeux de hasard en ligne, qui comportent des risques plus élevés que les jeux de hasard traditionnels, sont réservés à des opérateurs fiables exploitant un casino situé sur le territoire national qui satisfont aux exigences de protection des consommateurs et d’ordre public.

41      S’il est constant que, en raison du manque de contact direct entre le consommateur et l’opérateur, les jeux de hasard accessibles sur Internet comportent des risques de nature différente et d’une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux en ce qui concerne d’éventuelles fraudes commises par les opérateurs contre les consommateurs (arrêt du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C‑42/07, EU:C:2009:519, point 70), la règle en cause doit toutefois satisfaire aux conditions résultant de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne sa proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2007, Placanica e.a., C‑338/04, C‑359/04 et C‑360/04, EU:C:2007:133, point 48).

42      Plus précisément, afin que soit admise une restriction, telle que celle en cause au principal, selon laquelle un opérateur de jeux de hasard en ligne doit obtenir une concession de casino situé sur le territoire hongrois afin d’être en mesure d’offrir des jeux de hasard en ligne, il doit être établi que cette restriction constitue une condition indispensable pour atteindre l’objectif recherché (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 1997, Parodi, C‑222/95, EU:C:1997:345, point 31 et jurisprudence citée).

43      Or, il est manifeste qu’une telle restriction, laquelle revient à réserver aux exploitants de casinos situés sur le territoire national l’accès au marché des jeux de hasard en ligne, dépasse ce qui peut être considéré comme proportionné, dès lors qu’il existe des mesures moins restrictives permettant d’atteindre les objectifs invoqués par le gouvernement hongrois.

44      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la cinquième question que l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle l’octroi d’une autorisation pour l’organisation de jeux de hasard en ligne est exclusivement réservé aux opérateurs de jeux de hasard disposant d’une concession de casino situé sur le territoire national, dans la mesure où cette règle ne constitue pas une condition indispensable pour atteindre les objectifs recherchés et qu’il existe des mesures moins restrictives pour atteindre de tels objectifs.

 Sur les sixième à huitième questions

45      Par ses sixième à huitième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation, telle que celle en cause au principal, qui instaure un régime de concessions et d’autorisations pour l’organisation de jeux de hasard en ligne en vertu duquel les opérateurs peuvent conclure un contrat de concession de casino et, sur la base de ce dernier, obtenir l’autorisation pour l’organisation de jeux de hasard en ligne soit en participant à un appel à concurrence aux fins de la conclusion d’un contrat de concession organisé par le ministre de l’Économie, soit en présentant une offre spontanée à ce ministre aux fins de la conclusion d’un contrat de concession, cette dernière possibilité étant ouverte aux opérateurs de jeux de hasard qualifiés de « fiables », au sens de la législation nationale.

46      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà répondu à des questions portant sur les modalités d’attribution des concessions et des autorisations pour l’organisation de jeux de hasard en Hongrie dans l’arrêt du 22 juin 2017, Unibet International (C‑49/16, EU:C:2017:491). La seule différence entre la sixième question préjudicielle et celles auxquelles la Cour a déjà répondu porte sur le type de concession qui doit être obtenu afin qu’une autorisation pour l’organisation de jeux de hasard en ligne puisse être octroyée à un opérateur.

47      Or, il ressort de la décision de renvoi que les procédures d’octroi des concessions, à savoir l’appel à concurrence aux fins de la conclusion d’un contrat de concession organisé par le ministre de l’Économie, et la possibilité de présenter une offre spontanée à ce ministre aux fins de la conclusion d’un contrat de concession, réservée aux opérateurs de jeux de hasard qualifiés de « fiables », restent inchangées. En outre, il ressort également de cette décision qu’un appel à concurrence relevant de la compétence du ministre de l’Économie n’a toujours pas été organisé et que la condition selon laquelle un opérateur de jeux de hasard qualifié de « fiable » doit avoir exercé pendant dix années une activité d’organisation de jeux de hasard en Hongrie demeure dans la législation nationale, dans sa version applicable aux faits de l’affaire au principal.

48      Dès lors, sans qu’il soit nécessaire de procéder à l’examen du régime en cause au principal, il ressort du point 48 de l’arrêt du 22 juin 2017, Unibet International (C‑49/16, EU:C:2017:491), que ce régime est contraire à l’article 56 TFUE.

49      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux sixième à huitième questions que l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation, telle que celle en cause au principal, qui instaure un régime de concessions et d’autorisations pour l’organisation de jeux de hasard en ligne, dès lors que celle-ci contient des règles discriminatoires à l’égard des opérateurs établis dans d’autres États membres ou qu’elle prévoit des règles non discriminatoires, mais qui sont appliquées de manière non transparente ou mises en œuvre de manière à empêcher ou à rendre plus difficile la candidature de certains soumissionnaires établis dans d’autres États membres.

 Sur la neuvième question

50      Il y a lieu de constater que, dès lors qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle que Sporting Odds n’a ni demandé ni obtenu une concession, la réponse à cette question, qui porte sur les voies de recours disponibles contre les décisions relatives à l’attribution des concessions, est hypothétique.

51      Par conséquent, il convient de constater que la neuvième question est irrecevable.

 Sur la dixième question

52      Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 TFUE et l’article 4, paragraphe 3, TUE, lus en combinaison avec les articles 47 et 48 de la Charte, s’opposent à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne prévoit pas l’examen d’office du caractère proportionné des mesures restreignant la libre prestation des services, au sens de l’article 56 TFUE, et fait peser la charge de la preuve sur les parties à la procédure.

53      À cet égard, il est constant qu’il incombe aux juridictions nationales d’effectuer une appréciation globale des circonstances entourant l’adoption et la mise en œuvre d’une réglementation restrictive sur la base des éléments de preuve fournis par les autorités compétentes de l’État membre, tendant à démontrer l’existence d’objectifs propres à légitimer une entrave à une liberté fondamentale garantie par le traité FUE et la proportionnalité de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2017, Online Games e.a., C‑685/15, EU:C:2017:452, point 65).

54      Si ces juridictions peuvent être tenues, en application des règles procédurales nationales, de prendre les mesures nécessaires afin de favoriser la production de telles preuves, elles ne sauraient, en revanche, être tenues de se substituer auxdites autorités pour fournir les justifications que ces autorités ont l’obligation de fournir. Si ces justifications ne sont pas apportées du fait de l’absence ou de la passivité desdites autorités, les juridictions nationales doivent pouvoir tirer toutes les conséquences qui découlent d’un tel défaut (arrêt du 14 juin 2017, Online Games e.a., C‑685/15, EU:C:2017:452, point 66).

55      Par ailleurs, la Cour a jugé que le droit de l’Union ne s’oppose pas à un régime national dont une juridiction appelée à se prononcer sur la conformité au droit de l’Union d’une réglementation restreignant l’exercice d’une liberté fondamentale de l’Union est tenue d’instruire d’office les éléments de l’affaire dont elle est saisie, pourvu qu’un tel régime n’ait pas pour conséquence que cette juridiction soit tenue de se substituer aux autorités compétentes de l’État membre concerné, auxquelles il appartient de fournir les éléments de preuve nécessaires afin de permettre à ladite juridiction de contrôler si cette restriction est justifiée (arrêt du 14 juin 2017, Online Games e.a., C‑685/15, EU:C:2017:452, point 67).

56      Il s’ensuit que le droit de l’Union n’exige pas que les États membres prévoient un examen d’office des mesures restreignant les libertés fondamentales et, dès lors, ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui fait peser la charge de la preuve sur les parties.

57      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la dixième question que l’article 56 TFUE et l’article 4, paragraphe 3, TUE, lus en combinaison avec les articles 47 et 48 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne prévoit pas l’examen d’office du caractère proportionné des mesures restreignant la libre prestation des services, au sens de l’article 56 TFUE, et fait peser la charge de la preuve sur les parties à la procédure.

 Sur la onzième question

58      Par sa onzième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 TFUE, lu en combinaison avec les articles 47 et 48 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il incombe à un État membre, qui a mis en œuvre une réglementation restrictive, de fournir les éléments de preuve tendant à démontrer l’existence d’objectifs propres à légitimer une entrave à une liberté fondamentale garantie par le traité FUE et la proportionnalité de celle-ci ou s’il est permis de faire peser une telle obligation sur l’autre partie à la procédure.

59      D’une part, ainsi qu’il ressort des points 52 et 53 de cet arrêt, il incombe aux autorités compétentes d’un État membre qui a mis en œuvre une telle réglementation de fournir les éléments de preuve tendant à démontrer l’existence d’objectifs propres à légitimer une entrave à une liberté fondamentale garantie par le traité FUE et la proportionnalité de celle-ci. D’autre part, si ces justifications ne sont pas apportées du fait de l’absence ou de la passivité de ces autorités, les juridictions nationales doivent pouvoir tirer toutes les conséquences qui découlent d’un tel défaut.

60      Eu égard aux considérations qui précèdent, l’article 56 TFUE, lu en combinaison avec les articles 47 et 48 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il incombe à un État membre qui a mis en œuvre une réglementation restrictive de fournir les éléments de preuve tendant à démontrer l’existence d’objectifs propres à légitimer une entrave à une liberté fondamentale garantie par le traité FUE et la proportionnalité de celle-ci, faute de quoi la juridiction nationale doit pouvoir tirer toutes les conséquences qui découlent d’un tel défaut.

 Sur la quatorzième question

61      Par sa quatorzième question, qu’il convient d’examiner à la suite de la onzième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’un État membre n’a pas satisfait à son obligation de justifier une mesure restrictive en raison du fait qu’il n’a pas fourni d’analyse des effets de ladite mesure à la date de l’introduction de celle-ci dans la législation nationale ou à la date de l’examen d’une telle mesure par la juridiction nationale.

62      Il convient, à cet égard, de rappeler que c’est à l’État membre cherchant à se prévaloir d’un objectif propre à légitimer l’entrave à la liberté de prestation des services, qu’il incombe de fournir à la juridiction nationale tous les éléments de nature à permettre à celle-ci de s’assurer que ladite mesure satisfait bien aux exigences découlant du principe de proportionnalité (arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a., C‑390/12, EU:C:2014:281, point 50 ainsi que jurisprudence citée).

63      Cependant, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence qu’un État membre se trouverait privé de la possibilité d’établir qu’une mesure interne restrictive satisfait à de telles exigences, au seul motif que ledit État membre n’est pas en mesure de produire des études qui auraient servi de base à l’adoption de la réglementation en cause (arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a., C‑390/12, EU:C:2014:281, point 51 ainsi que jurisprudence citée).

64      En effet, il appartient à la juridiction nationale d’effectuer une appréciation globale des circonstances entourant l’adoption et la mise en œuvre d’une réglementation restrictive (arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a., C‑390/12, EU:C:2014:281, point 52) et non pas de constater uniquement qu’une étude préalable des effets d’une réglementation n’a pas été réalisée.

65      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatorzième question que l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne saurait être constaté qu’un État membre n’a pas satisfait à son obligation de justifier une mesure restrictive en raison du fait qu’il n’a pas fourni d’analyse des effets de ladite mesure à la date de l’introduction de celle-ci dans la législation nationale ou à la date de l’examen d’une telle mesure par la juridiction nationale.

 Sur la seizième question

66      Par sa seizième question, qu’il convient d’examiner avant les douzième, treizième et quinzième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une sanction, telle que celle en cause au principal, infligée en raison de la violation de la législation nationale instaurant un régime de concessions et d’autorisations pour l’organisation de jeux de hasard, dans l’hypothèse où une telle législation nationale s’avère être contraire à cet article.

67      À cet égard, il suffit de rappeler que, lorsqu’un régime restrictif a été mis en place en matière de jeux de hasard et que ce régime est incompatible avec l’article 56 TFUE, la violation dudit régime par un opérateur économique ne peut faire l’objet de sanction (arrêt du 22 juin 2017, Unibet International, C‑49/16, EU:C:2017:491, point 50 ainsi que jurisprudence citée).

68      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seizième question que l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une sanction, telle que celle en cause au principal, infligée en raison de la violation de la législation nationale instaurant un régime de concessions et d’autorisations pour l’organisation de jeux de hasard, dans l’hypothèse où une telle législation nationale s’avère être contraire à cet article.

69      Eu égard à la réponse apportée à cette question, il n’y a pas lieu de répondre aux douzième, treizième et quinzième questions.

 Sur les dépens

70      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas, en principe, à un système dual d’organisation du marché des jeux de hasard dont certains types de ces jeux relèvent du système du monopole étatique, alors que d’autres relèvent du système des concessions et des autorisations pour l’organisation de jeux de hasard, dès lors que la juridiction de renvoi établit que la réglementation restreignant la libre prestation des services poursuit effectivement, de manière cohérente et systématique, les objectifs invoqués par l’État membre concerné.

2)      L’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle l’octroi d’une autorisation pour l’organisation de jeux de hasard en ligne est exclusivement réservé aux opérateurs de jeux de hasard disposant d’une concession de casino situé sur le territoire national, dans la mesure où cette règle ne constitue pas une condition indispensable pour atteindre les objectifs recherchés et qu’il existe des mesures moins restrictives pour atteindre de tels objectifs.

3)      L’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation, telle que celle en cause au principal, qui instaure un régime de concessions et d’autorisations pour l’organisation de jeux de hasard en ligne, dès lors que celle-ci contient des règles discriminatoires à l’égard des opérateurs établis dans d’autres États membres ou qu’elle prévoit des règles non discriminatoires, mais qui sont appliquées de manière non transparente ou mises en œuvre de manière à empêcher ou à rendre plus difficile la candidature de certains soumissionnaires établis dans d’autres États membres.

4)      L’article 56 TFUE et l’article 4, paragraphe 3, TUE, lus en combinaison avec les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne prévoit pas l’examen d’office du caractère proportionné des mesures restreignant la libre prestation des services, au sens de l’article 56 TFUE, et fait peser la charge de la preuve sur les parties à la procédure.

5)      L’article 56 TFUE, lu en combinaison avec les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens qu’il incombe à un État membre qui a mis en œuvre une réglementation restrictive de fournir les éléments de preuve tendant à démontrer l’existence d’objectifs propres à légitimer une entrave à une liberté fondamentale garantie par le traité FUE et la proportionnalité de celleci, faute de quoi la juridiction nationale doit pouvoir tirer toutes les conséquences qui découlent d’un tel défaut.

6)      L’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne saurait être constaté qu’un État membre n’a pas satisfait à son obligation de justifier une mesure restrictive en raison du fait qu’il n’a pas fourni d’analyse des effets de ladite mesure à la date de l’introduction de celleci dans la législation nationale ou à la date de l’examen d’une telle mesure par la juridiction nationale.

7)      L’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une sanction, telle que celle en cause au principal, infligée en raison de la violation de la législation nationale instaurant un régime de concessions et d’autorisations pour l’organisation de jeux de hasard, dans l’hypothèse où une telle législation nationale s’avère être contraire à cet article.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.