Language of document : ECLI:EU:F:2006:140

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE

14 décembre 2006 (*)

« Procédure de référé – Avis de concours – Recevabilité du recours au principal – Urgence – Absence »

Dans l’affaire F‑120/06 R,

ayant pour objet une demande introduite au titre des articles 242 CE, 243 CE, 157 EA et 158 EA,

Noémi Dálnoky, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me P. Horváth, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et H. Kraemer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 26 octobre 2006, Mme Dálnoky demande la suspension du déroulement des épreuves du concours général EPSO/AD/47/06 (ci-après le « concours »), jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours visant à l’annulation de l’avis dudit concours publié au Journal officiel de l’Union européenne du 21 juin 2006 (JO C 145 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »).

 Cadre juridique

2        L’article 6 du traité sur l’Union européenne dispose :

« 1.      L’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes qui sont communs aux États membres.

2.      L’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.

[…] »

3        L’article 12 du traité CE dispose :

« Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.

Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, peut prendre toute réglementation en vue de l’interdiction de ces discriminations. »

4        La directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO L 180, p. 22) a pour objet d’établir un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique, et de favoriser, dans les États membres, le respect du principe de l’égalité de traitement.

5        Aux termes de l’article 8 du règlement (CEE) n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 920/2005 du Conseil, du 13 juin 2005 (JO L 156, p. 3) :

« En ce qui concerne les États membres où existent plusieurs langues officielles, l’usage de la langue sera, à la demande de l’État intéressé, déterminé suivant les règles générales découlant de la législation de cet État. »

6        L’article 1er quinquies, paragraphe 1, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« Dans l’application du présent statut est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. »

7        Aux termes de l’article 28, sous f), du statut, nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues des Communautés et une connaissance satisfaisante d’une autre langue des Communautés dans la mesure nécessaire aux fonctions qu’il est appelé à exercer.

8        L’article premier, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous f), de l’annexe III du statut prévoit que l’avis de concours arrêté par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») doit spécifier, éventuellement, les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir.

 Faits à l’origine du litige

9        La requérante, de nationalité roumaine, appartient à la minorité hongroise de Roumanie, qui compte environ 1,4 millions de citoyens, soit 6,6 % de la population totale de ce pays.

10      Elle s’est portée candidate au concours organisé par l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) pour la constitution d’une réserve de recrutement d’administrateurs de citoyenneté roumaine (concours EPSO/AD/47/06, JO C 145 A, p. 1).

11      L’une des conditions, prévue au point A II 3, sous a), de l’avis de concours, relative à la langue principale du candidat, est de posséder une connaissance approfondie de la langue roumaine.

12      Le point C 1, sous c), de l’avis de concours prévoit, parmi les épreuves écrites, la rédaction d’une brève note, dans la langue principale du candidat, qui « vise à tester la maîtrise [par le] candidat de sa langue principale tant par la qualité de la rédaction que de la présentation » (ci-après l’« épreuve litigieuse »). Cette épreuve est notée de 0 à 10 points, le minimum requis étant de 8 points.

13      Le point C 2 de l’avis de concours prévoit que seuls les candidats ayant obtenu les meilleures notes pour l’ensemble des épreuves écrites ainsi que le minimum requis à chacune de ces épreuves sont invités à l’épreuve orale.

14      Suite à la publication de l’avis de concours, la requérante a, le 2 juillet 2006, envoyé à l’EPSO un courrier électronique, dans lequel elle critique cet avis, en ce qu’il exige une connaissance approfondie de la langue roumaine. Elle considère que celui-ci serait discriminatoire vis-à-vis des ressortissants roumains de langue maternelle hongroise, et demande en conséquence qu’il soit modifié, afin que soit requise « une connaissance approfondie d’une langue de la Communauté ». Elle précise également avoir déposé une plainte en ce sens auprès du Médiateur européen.

15      Par courrier électronique du 4 juillet 2006, l’EPSO a refusé de faire droit à sa demande.

16      Par courrier électronique du même jour, la requérante a développé ses arguments à l’encontre de la légalité de l’avis de concours.

17      Par courrier électronique du 5 juillet 2006, l’EPSO a réaffirmé et précisé sa position, tout en attirant l’attention de la requérante sur les voies de recours indiquées dans l’avis de concours.

 Procédure et conclusion des parties

18      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 26 octobre 2006, la requérante demande, d’une part, l’annulation de l’avis de concours, d’autre part, qu’il soit ordonné à l’EPSO de ne pas commettre de discriminations similaires à l’avenir, et enfin, pour le cas où le concours se serait déjà déroulé ou serait en cours lors du prononcé de la décision du Tribunal, qu’il soit ordonné à l’EPSO d’éliminer tout désavantage subi par elle ou par toute autre personne concernée, en raison de la disposition discriminatoire dudit avis. Cette requête a été enregistrée au greffe du Tribunal sous le numéro F‑120/06.

19      Par acte séparé du même jour, la requérante a introduit une demande en référé visant à obtenir la suspension du déroulement des épreuves du concours, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond du recours. Cette demande a été enregistrée au greffe du Tribunal sous le numéro F‑120/06 R.

20      Dans sa demande en référé, la requérante conclut à ce qu’il plaise au juge des référés de suspendre la procédure de concours engagée par l’EPSO sur la base de l’avis de concours, jusqu’à la décision du Tribunal sur le fond du litige.

21      La Commission des Communautés européennes, qui a déposé ses observations écrites le 14 novembre 2006, conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        rejeter la demande en référé ;

–        réserver les dépens.

22      En l’état du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments lui permettant de statuer sans qu’il soit besoin d’entendre les parties en leurs explications orales.

 En droit

 Arguments des parties

23      S’agissant des moyens de fait et de droit justifiant, à première vue, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée, la requérante soutient que l’avis de concours violerait plusieurs dispositions du droit communautaire, en ce qu’il exige que les candidats possèdent une connaissance approfondie de la langue roumaine.

24      Dans son premier moyen, elle soutient que l’avis de concours, en ce qu’il avantagerait de manière injustifiée les citoyens roumains de langue maternelle roumaine par rapport à ceux de langue maternelle hongroise, violerait l’article 6 UE, qui prévoit que l’Union est fondée sur le principe du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que l’article 1er quinquies, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, qui prohibe toute discrimination fondée notamment sur les origines ethniques, la langue ou l’appartenance à une minorité nationale. Elle fait en outre valoir que l’avis de concours serait discriminatoire au sens de la directive 2000/43/CE.

25      Dans son deuxième moyen, elle soutient que l’avis de concours, en ce qu’il ne permettrait pas aux ressortissants roumains de faire valoir une connaissance approfondie d’une langue officielle de l’Union européenne autre que le roumain, violerait l’article 12 CE qui interdit toute discrimination fondée sur la nationalité. En effet, selon la requérante, les dispositions de plusieurs avis de concours publiés dans le passé auraient permis aux ressortissants de certains États membres de faire valoir une connaissance approfondie d’une langue officielle de l’Union européenne autre que la langue principale de l’État membre dont ils étaient ressortissants.

26      Enfin, elle soutient, dans son troisième moyen, que l’avis de concours, en ce qu’il exige une connaissance approfondie de la langue roumaine, violerait, d’une part, l’article 28, sous f), du statut, qui exige du fonctionnaire une connaissance approfondie d’une des langues des Communautés « dans la mesure nécessaire aux fonctions qu’il est appelé à exercer », ainsi que, d’autre part, l’article premier, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous f), de l’annexe III dudit statut, qui fait référence à « des connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir ». Selon la requérante, la description des fonctions telle qu’elle se présente dans l’avis de concours ne se réfèrerait à aucune particularité des postes à pourvoir qui justifierait l’exigence d’une connaissance approfondie de la langue roumaine.

27      S’agissant de la condition relative à l’urgence, la requérante soutient que plus le déroulement des épreuves du concours sera avancé lorsque le Tribunal rendra sa décision sur le fond du litige, plus il sera difficile pour l’EPSO d’éliminer tout désavantage subi par elle et par toute autre personne concernée, si cette décision fait droit à sa demande.

28      Selon la requérante, si une telle décision intervient après le déroulement des épreuves écrites, elle ainsi que d’autres candidats devront être autorisés à repasser l’épreuve écrite en cause, ce qui sera coûteux en temps et en argent pour toutes les parties en présence et négatif pour l’image de la Commission. Si une telle décision intervient après le déroulement des épreuves orales, la situation sera encore plus complexe.

29      Elle fait également valoir que, dans l’hypothèse où le Tribunal ferait droit à sa demande sur le fond du litige, il devrait être accordé aux personnes qui auraient pu être dissuadées de se présenter au concours en raison de l’exigence d’une connaissance approfondie de la langue roumaine la possibilité d’introduire leur candidature. Selon elle, il serait relativement simple d’organiser de nouveaux tests de présélection pour ces personnes avant la date à laquelle le groupe de candidats ayant réussi ces tests sera convoqué pour les épreuves écrites, alors qu’il serait beaucoup plus compliqué de procéder de la sorte après cette date.

30      La requérante en conclut que la suspension du déroulement des épreuves du concours serait « la meilleure solution pour toutes les parties en cause ».

31      La Commission conteste la recevabilité de la demande en référé, au motif que le recours au principal serait irrecevable pour une double raison. D’une part, celui-ci aurait été introduit en dehors des délais prévus par le statut, et d’autre part, il ne serait pas dirigé contre un acte faisant grief à la requérante.

32      En effet, selon la Commission, le recours au fond aurait dû être introduit dans le délai de trois mois prévu par les articles 90 et 91 du statut, augmenté d’un délai de distance de 10 jours, prévu par l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier. Le point de départ du délai de trois mois étant la publication de l’avis de concours au Journal officiel, à savoir le 21 juin 2006, le recours au fond, déposé le 26 octobre 2006, aurait été introduit en dehors du délai prévu par le statut. La Commission fait valoir que, même si l’on considérait l’échange de courriers électroniques entre la requérante et l’EPSO comme une réclamation et un rejet de ladite réclamation, le recours au fond aurait en toute hypothèse été introduit en dehors dudit délai.

33      La Commission considère en outre que l’avis de concours ne ferait pas grief à la requérante, dans la mesure où il n’aurait pas eu pour effet d’exclure sa candidature.

34      S’agissant de la condition relative à l’urgence, la Commission fait valoir qu’aucun risque de préjudice grave et irréparable ne menacerait les intérêts de la requérante.

35      Elle observe, d’une part, qu’il n’existe pas en l’espèce de décision portant rejet de la candidature de la requérante et qu’une telle décision n’existera peut-être jamais.

36      D’autre part, elle relève que selon une jurisprudence constante, en cas d’annulation de la décision par laquelle le jury d’un concours général organisé pour la constitution d’une réserve de recrutement a refusé à un candidat son inscription sur une liste de réserve, les droits de l’intéressé sont adéquatement protégés si le jury et l’AIPN reconsidèrent leurs décisions et cherchent une solution équitable à son cas, sans qu’il y ait lieu de mettre en cause l’ensemble des résultats du concours ou d’annuler les nominations intervenues à la suite de celui-ci.

37      S’agissant du fumus boni juris, la Commission réfute la thèse de la requérante selon laquelle l’avis de concours violerait l’article 6 UE, la directive 2000/43/CE, l’article 1er quinquies, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, l’article 12 CE, ainsi que les articles 27 et 28 du statut. Elle fait notamment valoir que la Roumanie n’aurait pas formulé de demande tendant à ce qu’elle soit considérée comme un État membre possédant plusieurs langues officielles, et à ce que la langue hongroise soit utilisée dans ses relations avec les institutions communautaires, comme elle aurait eu la possibilité de le faire en vertu de l’article 8 du règlement n° 1.

38      Enfin, s’agissant de la mise en balance des intérêts en présence, la Commission fait valoir qu’une décision suspendant le déroulement des épreuves du concours affecterait de manière disproportionnée ses intérêts et ceux des autres candidats.

 Appréciation du juge des référés

39      En vertu, d’une part, des dispositions combinées des articles 242 CE, 243 CE, 157 EA et 158 EA, et d’autre part, de l’article 39 du statut de la Cour de justice et de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I dudit statut, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire des mesures provisoires.

40      L’article 104, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance prévoit qu’une demande de sursis à l’exécution d’un acte d’une institution aux termes des articles 242 CE et 157 EA n’est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal. Le deuxième alinéa dudit article 104, paragraphe 1, précise que toute demande relative à l’une des autres mesures provisoires visées aux articles 243 CE et 158 EA n’est recevable que si elle émane d’une partie à une affaire dont le Tribunal est saisie et si elle se réfère à ladite affaire.

41      Selon une jurisprudence constante, la question de la recevabilité du recours au principal ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure en référé, mais doit être réservée à l’analyse dudit recours, sauf dans l’hypothèse où celui-ci apparaît, à première vue, manifestement irrecevable. Statuer sur la recevabilité au stade du référé, lorsque celle-ci n’est pas, prima facie, totalement exclue, reviendrait, en effet, à préjuger la décision du Tribunal statuant au principal (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 4 février 1999, Peña Abizanda e.a./Commission, T‑196/98 R, RecFP p. I‑A‑5 et II‑15, point 10, et la jurisprudence citée).

42      Conformément à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, les demandes relatives à des mesures provisoires doivent spécifier les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi des mesures auxquelles elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu’une demande relative à de telles mesures doit être rejetée dès lors que l’une d’elles fait défaut (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 9 août 2001, De Nicola/BEI, T‑120/01 R, RecFP p. I‑A‑171 et II‑783, point 12). Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 10 septembre 1999, Elkaïm et Mazuel/Commission, T‑173/99 R, RecFP p. I‑A‑155 et II‑811, point 18).

43      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (ordonnance De Nicola/BEI, précitée, point 13).

44      Dans les circonstances de l’espèce, il y a tout d’abord lieu d’examiner si, à première vue, le recours au principal n’est pas manifestement irrecevable.

45      En vertu de l’article 91, paragraphe 2, du statut, un recours devant le juge communautaire n’est recevable que dans la mesure où l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, dudit statut contre un acte faisant grief.

46      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, sauf dans l’hypothèse où le recours est dirigé contre un acte qui n’émane pas de l’AIPN elle-même, tel qu’une décision d’un jury de concours (arrêt du Tribunal de première instance du 20 juin 1990, Burban/Parlement, T‑133/89, Rec. p. II‑245, point 17) ou un rapport de notation (arrêt du Tribunal de première instance du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T‑1/91, Rec. p. II‑2145, point 23), le défaut d’introduction préalable d’une réclamation dans le délai imparti entraîne l’irrecevabilité manifeste du recours (ordonnance de la Cour du 10 juin 1987, Pomar/Commission, 317/85, Rec. p. 2467, points 11 et 13).

47      L’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe III du statut prévoit qu’un avis de concours est un acte arrêté par l’AIPN. La contestation d’un avis de concours doit donc être précédée d’une réclamation introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de première instance du 2 mai 2001, Barleycorn Mongolue et Boixader Rivas/Conseil et Parlement, T‑208/00, RecFP p. I‑A‑103 et II‑479, points 30 à 32).

48      En vertu de l’article 91, paragraphe 3, du statut, le recours devant le Tribunal doit être formé dans un délai de trois mois à compter du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation.

49      En l’espèce, il y a lieu de constater que, quand bien même le courrier électronique envoyé par la requérante à l’EPSO, le 2 juillet 2006, serait susceptible d’être considéré comme une réclamation et la réponse qui y a été apportée le 4 juillet 2006 comme une décision explicite de rejet de ladite réclamation, le recours au fond, introduit le 26 octobre 2006, l’a été après l’expiration du délai de recours de trois mois prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut.

50      Dès lors, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si l’avis de concours constitue un acte faisant grief à la requérante au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, il y a lieu de considérer que le recours au principal apparaît, à première vue, manifestement irrecevable.

51      En tout état de cause, force est constater que la condition relative à l’urgence fait défaut.

52      En effet, il est constant que la finalité de la procédure en référé est de garantir la pleine efficacité de l’arrêt au fond. Pour atteindre cet objectif, il faut que les mesures sollicitées soient urgentes en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’elles soient prononcées et produisent leurs effets dès avant la décision au principal (ordonnance du président de la Cour du 25 mars 1999, Willeme/Commission, C‑65/99 P(R), Rec p. I‑1857, point 62).

53      Selon une jurisprudence constante, lorsqu’une épreuve d’un concours général organisé pour la constitution d’une réserve de recrutement est annulée, les droits d’un requérant ayant échoué à cette épreuve sont adéquatement protégés si le jury et l’AIPN reconsidèrent leur décision et cherchent une solution équitable à son cas, sans qu’il y ait lieu de mettre en cause l’ensemble du résultat du concours ou d’annuler les nominations intervenues à la suite de celui-ci (arrêts de la Cour du 14 juillet 1983, Detti/Cour de justice, 144/82, Rec. p. 2421, point 33, et du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a., C‑242/90 P, Rec. p. I‑3839, points 13 et14).

54      Il s’ensuit que le préjudice que pourrait subir la requérante en cas de rejet de sa candidature n’est pas irréparable.

55      Il y a d’ailleurs lieu de relever que celle-ci n’allègue l’existence d’aucun préjudice grave et irréparable menaçant ses intérêts. Elle se borne tout au plus à soutenir que la suspension du déroulement des épreuves du concours serait « la meilleure des solutions pour toutes les parties en question ». En particulier, elle reconnaît que le préjudice quelle pourrait subir, en cas de rejet de sa candidature, pourrait être réparé, en cas d’annulation de l’avis de concours par le Tribunal, par une réorganisation de l'épreuve litigieuse. La requérante reconnaît donc implicitement que le préjudice quelle pourrait subir n'est pas irréparable.

56      S’agissant, d’une part, de l’argument selon lequel une nouvelle organisation de l’épreuve litigieuse serait coûteuse en temps et en argent pour toutes les parties en présence et négative pour l’image de la Commission, et d’autre part, de l’argument selon lequel les personnes qui auraient pu être dissuadées de présenter leur candidature en raison de l’exigence d’une connaissance approfondie de la langue roumaine devraient avoir la possibilité d’introduire une telle candidature, il convient de relever que de tels arguments ne sont pas personnels à la requérante et ne sont donc pas susceptibles d’établir l’existence de la condition d’urgence, laquelle se rapporte à un préjudice qui doit être personnel à l'intéressé.

57      Au surplus, les préjudices allégués par la requérante ne sauraient l’emporter sur les inconvénients et préjudices, pour l’institution défenderesse et pour les autres candidats, qui résulteraient de la suspension des opérations de concours et auxquels il ne pourrait être remédié en cas de rejet ultérieur du recours au principal (ordonnance du président de la deuxième chambre de la Cour du 3 juin 1987, Muysers et Tülp/Cour des comptes, 161/87 R, Rec. p. 2381, point 13 ; ordonnances du président du Tribunal de première instance du 15 juillet 1999, Giulietti/Commission, T‑167/99 R, RecFP p. I‑A‑139 et II‑751, point 31, et Elkaïm et Mazuel/Commission, précitée, point 28).

58      L’existence de l’urgence n’étant pas établie et la mise en balance des intérêts en présence excluant la suspension des épreuves du concours, il y a lieu de rejeter, également pour ces motifs, la présente demande, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la condition relative au fumus boni juris est remplie.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 14 décembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure : l’anglais.