Language of document : ECLI:EU:F:2011:169

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

29 septembre 2011 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Passage de catégorie sous l’empire de l’ancien statut – Règles transitoires de classement en grade au 1er mai 2004 – Décision du bureau du Parlement européen du 13 février 2006 – Reclassement sur la base du salaire des fonctionnaires bénéficiant d’une indemnité compensatoire – Facteur de multiplication applicable – Perte des points de promotion – Demande indemnitaire »

Dans l’affaire F‑9/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Pilar Angé Serrano, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me É. Boigelot, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté initialement par Mmes C. Burgos et K. Zejdová, puis par Mmes L.G. Knudsen et K. Zejdová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mmes M. Simm et I. Šulce, puis par Mme K. Zieleśkiewicz, M. M. Bauer et M. J. Monteiro, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, M. H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite,

vu l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2007, Mme Angé Serrano a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision du Parlement européen, du 20 mars 2006, par laquelle elle a été reclassée au grade B*6, échelon 8, à compter du 1er mai 2004 (ci-après la « décision attaquée »), ainsi qu’à la condamnation du Parlement à lui verser des dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral.

 Cadre juridique

2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut » ou le « nouveau statut »), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, est entré en vigueur le 1er mai 2004. Ces dispositions ont remplacé celles qui étaient applicables jusqu’au 30 avril 2004 (ci-après l’« ancien statut »).

3        L’article 46 de l’ancien statut dispose :

« Le fonctionnaire nommé à un grade supérieur bénéficie, dans son nouveau grade, de l’ancienneté correspondant à l’échelon virtuel égal ou immédiatement supérieur à l’échelon virtuel atteint dans son ancien grade majoré du montant de l’augmentation biennale d’échelon dans son nouveau grade.

[…] En aucun cas le fonctionnaire ne reçoit dans son nouveau grade un traitement de base inférieur à celui qu’il eût perçu dans son ancien grade.

[…] »

4        Aux termes du considérant 37 du règlement no 723/2004 :

« Il convient de prévoir un régime de transition afin de permettre une mise en œuvre progressive des nouvelles dispositions et mesures, sans préjudice des droits acquis du personnel dans le cadre du régime [applicable] avant l’entrée en vigueur de la présente modification du statut et en prenant en compte ses attentes légitimes. »

5        L’article 6 du nouveau statut prévoit :

« 1.      Un tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution fixe le nombre des emplois pour chaque grade et chaque groupe de fonctions.

2.      Afin de garantir l’équivalence entre la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur avant le 1er mai 2004 (ci-après dénommée ‘ancienne structure des carrières’) et la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur après le 1er mai 2004 (ci-après dénommée ‘nouvelle structure des carrières’) et sans préjudice du principe de promotion fondée sur le mérite, énoncé à l’article 45 du statut, ce tableau garantit que, pour chaque institution, le nombre d’emplois vacants pour chaque grade est égal, au 1er janvier de chaque année, au nombre de fonctionnaires en activité au grade inférieur au 1er janvier de l’année précédente, multiplié par les taux fixés, pour ce grade, à l’annexe I, point B. Ces taux s’appliquent sur une base quinquennale moyenne à compter du 1er mai 2004. »

6        Le règlement no 723/2004 a introduit une nouvelle structure des carrières dans la fonction publique européenne en créant deux nouveaux groupes de fonctions, le groupe de fonctions des administrateurs (AD) et le groupe de fonctions des assistants (AST), qui remplacent, respectivement, l’ancienne catégorie A et les anciennes catégories B, C et D. Afin de faciliter le passage à ce nouveau système, l’annexe XIII du nouveau statut prévoit, pour une période transitoire allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, des nouvelles catégories « intermédiaires » A*, B*, C* et D* qui se substituent, respectivement, aux anciennes catégories A, B, C et D.

7        L’article 7 de l’annexe XIII du statut dispose :

« Le traitement mensuel de base des fonctionnaires recrutés avant le 1er mai 2004 est fixé selon les règles suivantes :

1.      Le traitement mensuel de base versé à chaque fonctionnaire ne subit aucune modification en raison du changement de dénomination des grades opéré en application de l’article 2, paragraphe 1, [de l’annexe XIII du statut].

2.      Pour chaque fonctionnaire, un facteur de multiplication est calculé au 1er mai 2004. Ce facteur de multiplication est égal au rapport existant entre le traitement mensuel de base versé au fonctionnaire avant le 1er mai 2004 et le montant d’application défini à l’article 2, paragraphe 2, [de l’annexe XIII du statut].

Le traitement mensuel de base versé au fonctionnaire au 1er mai 2004 est égal au produit du montant d’application par le facteur de multiplication.

Ce facteur de multiplication est appliqué pour déterminer le traitement mensuel de base du fonctionnaire lors de l’avancement d’échelon ou lors de l’adaptation des rémunérations.

[…]

6.      Lors de [la] première promotion, un nouveau facteur de multiplication est déterminé […] »

8        Le 13 février 2006, le bureau du Parlement a approuvé la proposition du secrétaire général visant, notamment, à reclasser les fonctionnaires qui avaient changé de catégorie sous l’empire de l’ancien statut, mais qui, au 1er mai 2004, continuaient à percevoir le traitement de base de leur ancienne catégorie (ci-après la « décision du bureau du 13 février 2006 »). La volonté du Parlement de trouver une solution au problème des fonctionnaires qui avaient réussi un concours interne de passage de catégorie et accédé à la catégorie supérieure avant le 1er mai 2004, avant de se retrouver classés, à la suite de l’entrée en vigueur du nouveau statut, dans un grade inférieur à celui de collègues qui n’avaient pas participé à un tel concours ou qui ne l’avaient pas réussi, était à l’origine de cette proposition.

9        Il ressort du libellé de cette décision qu’elle a été adoptée « en vue de corriger les situations discriminatoires de fonctionnaires et d’agents temporaires suite à l’entrée en vigueur du nouveau statut ». Elle a la teneur suivante :

« Le [b]ureau

–        […]

–        décide d’approuver les propositions faites par le [s]ecrétaire général :

(i)      de reclasser, sur la base de leur salaire, les fonctionnaires qui, au 1er mai 2004, bénéficiaient d’une indemnité compensat[oire], et

[...] »

 Faits à l’origine du litige

10      Fonctionnaire du Parlement, la requérante avait atteint, au début de l’année 2002, le grade C 1, échelon 6.

11      Par décision du 25 février 2002, suite à la réussite du concours interne de passage de catégorie B/172, la requérante a été nommée au grade B 5, échelon 4, avec effet au 1er avril suivant. À partir de cette date, conformément à l’article 46 du statut, deuxième alinéa in fine, de l’ancien statut, son salaire a été calculé sur la base du traitement afférent au grade C 1, échelon 7, avec une ancienneté d’échelon au 1er mars 2001, ce qui lui a évité une réduction de sa rémunération, en raison notamment de la perte de l’indemnité de secrétariat. Il ressort de la décision de nomination que la requérante devait continuer à bénéficier des avancements d’échelon dans ce dernier grade.

12      Le 15 avril 2004, la requérante a signé une pétition adressée à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), via le comité du personnel du Parlement, lui demandant notamment de « mettre tout en œuvre pour que la situation particulière des [fonctionnaires] qui ont réussi un concours interne de passage de catégorie [avant] le 30 avril 2004 soit prise en compte de telle manière que leur classement dans la nouvelle grille soit conforme à leur salaire réel et non à leur classement actuel ».

13      Par une lettre non datée émanant du directeur général du personnel du Parlement, reçue au courant de la première semaine du mois de mai 2004, la requérante a été informée du nouveau grade intermédiaire qui serait le sien à compter du 1er mai 2004, conformément aux mesures transitoires prévues à l’annexe XIII du statut, notamment l’article 2 de cette annexe, à savoir le grade B*5. Ce grade intermédiaire de la requérante devait être renommé une deuxième fois avec effet au 1er mai 2006, à savoir à la fin de la période transitoire instaurée par le nouveau statut, en application de l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe XIII du nouveau statut, grade AST 5 (ci-après la « décision de classement au grade B*5 »).

14      Après avoir pris conscience que si, au lieu d’avoir été nommée dans la catégorie supérieure avant le 1er mai 2004 à l’issue du concours interne de passage de catégorie qu’elle avait réussi, elle était restée au grade C 1 qu’elle détenait lors de cette nomination elle aurait été classée C*6 à cette date, et AST 6 le 1er mai 2006, la requérante a introduit une réclamation le 12 juillet 2004 contre la décision de classement au grade B*5. La réclamation ayant été rejetée, elle a introduit le 31 janvier 2005, avec plusieurs autres requérants, un recours devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes enregistré sous la référence T‑47/05.

15      À la suite de la décision du bureau du 13 février 2006, le Parlement a pris la décision attaquée. Le 1er mai 2006, le grade B* 6 de la requérante est devenu le grade AST 6.

16      Considérant toutefois que la décision attaquée lui faisait également grief dans la mesure où elle se retrouvait ainsi classée dans le grade qu’elle aurait eu d’office si elle n’avait pas été nommée à la catégorie supérieure avant le 1er mai 2004 suite à sa réussite à un concours de passage de catégorie, la requérante a introduit une réclamation enregistrée le 5 mai 2006.

17      La réclamation ayant été rejetée, la requérante a saisi le Tribunal du présent recours le 5 février 2007.

18      Le Tribunal de première instance a rendu sa décision sur le recours de la requérante par arrêt du 18 septembre 2008, Angé Serrano e.a./Parlement (T‑47/05, ci-après l’« arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano »). Au vu de la décision attaquée dans la présente affaire, le Tribunal de première instance a considéré que le chef de conclusions qui visait à obtenir l’annulation de la décision de classement au grade B*5 était devenu sans objet et qu’il n’y avait pas lieu de statuer à son égard (arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano, point 90). Les autres conclusions ont été rejetées.

19      Tant le pourvoi introduit par les requérants le 17 novembre 2008 que le pourvoi incident introduit par le Parlement à l’encontre de l’arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano ont été rejetés par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 4 mars 2010, C‑496/08 P, Angé Serrano e.a./Parlement (ci-après l’« arrêt de la Cour Angé Serrano »).

 Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le Parlement au paiement, au titre du préjudice matériel et moral en raison de l’atteinte portée à sa carrière par la décision attaquée, d’une somme de 25 000 euros, sous réserve d’augmentation et/ou diminution en cours de procédure ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

21      Le Parlement demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

22      Le Conseil, partie intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours comme non fondé.

 Procédure

23      Par courrier enregistré le 27 février 2007, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions du Parlement. Le président de la deuxième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande par ordonnance du 27 mars 2007.

24      En vertu de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de l’annexe I du statut de la Cour de justice, lu en combinaison avec l’article 78 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal jusqu’à l’entrée en vigueur de son règlement de procédure, qui a eu lieu le 1er novembre 2007, la procédure peut être suspendue lorsque le Tribunal et une autre juridiction de l’Union sont saisis d’affaires soulevant la même question d’interprétation ou mettant en cause la validité du même acte, et ce jusqu’au prononcé de la décision de ladite juridiction.

25      Le 23 avril 2007, le Parlement a demandé au Tribunal de bien vouloir envisager la suspension de la présente affaire, compte tenu du fait qu’elle mettait en cause la légalité des mêmes dispositions du statut et soulevait les mêmes questions d’interprétation que l’affaire pendante devant le Tribunal de première instance T‑47/05, Angé Serrano.

26      Après avoir invité la requérante et le Conseil à présenter leurs observations au sujet de la suspension sollicitée et n’ayant reçu de leur part aucune objection, le président de la deuxième chambre du Tribunal a décidé, par ordonnance du 4 juin 2007, de suspendre la procédure dans la présente affaire, laquelle se trouvait au stade de la présentation de la réplique, jusqu’au prononcé de l’arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano.

27      L’arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano étant intervenu, la procédure a été reprise le 8 octobre 2008.

28      L’arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano ayant toutefois fait l’objet d’un pourvoi, le président de la deuxième chambre du Tribunal, après avoir constaté que les parties ne soulevaient pas d’objection, a adopté, le 19 février 2009, une nouvelle ordonnance suspendant la procédure jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour Angé Serrano, en application de l’article 71, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure du Tribunal désormais entré en vigueur.

29      À la suite d’une modification dans la composition des chambres du Tribunal, la présente affaire qui, dans un premier temps, avait été attribuée à la deuxième chambre, a, par décision du président du Tribunal du 7 octobre 2009, été réattribuée à la première chambre du Tribunal.

30      L’arrêt de la Cour Angé Serrano ayant été prononcé, la procédure a été reprise le 4 mars 2010. Le mémoire en intervention du Conseil est parvenu au greffe du Tribunal le 12 mai 2010.

31      Le Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur les conséquences éventuelles des deux arrêts Angé Serrano sur la suite de la procédure. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

32      Dans ses observations, la requérante a d’abord rappelé que la présente affaire concernait une décision individuelle distincte de la décision en cause dans les arrêts de la Cour et du Tribunal de première instance Angé Serrano ; elle a ensuite relevé qu’en l’espèce elle contestait, en outre, la perte de ses points de promotion et le maintien du facteur de multiplication correspondant au grade 6, échelon 8, de la catégorie C, et non de la catégorie B, et qu’au titre de sa demande indemnitaire, elle invoquait de nouveaux éléments de préjudice moral causés par l’adoption de la décision attaquée. Pour ces raisons, la requérante a conclu que la solution retenue dans les arrêts de la Cour et du Tribunal de première instance Angé Serrano n’était pas transposable à la présente procédure, laquelle mériterait une analyse spécifique de la part du Tribunal.

33      Dans ses observations, le Parlement a considéré que, dès lors que l’exception d’illégalité soulevée à l’égard des articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut a été rejetée par le Tribunal de première instance puis par la Cour dans leurs arrêts Angé Serrano respectifs, il ne restait, dans la présente affaire, qu’à trancher la question de la légalité de la décision individuelle attaquée. À cet égard, le Parlement a fait valoir que la requérante n’avait pas d’intérêt à demander l’annulation de la décision attaquée, car, si elle avait gain de cause, le Parlement devrait la reclasser sur le fondement des articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut, avec pour résultat qu’elle se retrouverait classée à un grade inférieur, à savoir, le grade B*5, avec effet au 1er mai 2004. Le Conseil a soutenu que l’exception d’illégalité soulevée était en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondée et a proposé au Tribunal de statuer par voie d’ordonnance motivée en application de l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal.

34      Les parties se sont vues fixer un délai pour la présentation d’une réplique et d’une duplique, lesquelles ont été introduites respectivement les 15 juillet et 1er septembre 2010.

35      Un double échange de mémoires ayant déjà eu lieu et le Tribunal s’estimant en mesure de statuer sans procédure orale, les parties ont été invitées, par courrier du greffe du 13 avril 2011, à faire part au Tribunal de leur accord, ou désaccord, sur la proposition de statuer sans audience, sur le fondement de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

36      Toutes les parties ont exprimé leur accord sur la proposition du Tribunal de statuer sans audience.

 Sur le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision attaquée

37      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante soulève plusieurs moyens qu’il convient de regrouper comme suit : premièrement, l’illégalité des articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut, deuxièmement, la violation des articles 6, 45 et 45 bis du statut, troisièmement, la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, du principe de confiance légitime et de sécurité juridique, quatrièmement, la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation, et, cinquièmement, la méconnaissance de principes généraux du droit, tel que le principe de promotion fondée sur les mérites ainsi que la violation « des principes qui imposent au Parlement de n’arrêter une décision que sur [la] base de motifs légalement admissibles, c’est-à-dire pertinents et non entachés d’erreur(s) manifeste(s) d’appréciation, de fait ou de droit ».

 Sur l’exception d’illégalité dirigée contre les articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut

 Arguments des parties

38      À l’appui de l’exception d’illégalité, la requérante invoque quatre griefs, à savoir la violation de l’obligation de motivation du règlement no 723/2004, la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, la violation du principe de proportionnalité et la violation du principe d’égalité et de non-discrimination.

39      Le Parlement observe dans la duplique que la requérante ne semble plus soulever une exception d’illégalité des dispositions du statut et conclut que, en tout état de cause, l’exception est à rejeter.

 Appréciation du Tribunal

40      Le Tribunal observe tout d’abord que, tant dans les observations présentées, respectivement, à la suite du prononcé de l’arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano et de celui de l’arrêt de la Cour Angé Serrano que dans la réplique, la requérante ne fait aucune allusion à l’exception d’illégalité des articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut soulevée dans la requête. Même si, dans la réplique, la requérante demande au Tribunal de lui allouer le bénéfice de sa requête, laquelle comprend l’exception d’illégalité susmentionnée, le Tribunal interprète, à l’instar du Parlement dans la duplique, que, au vu desdits arrêts, la requérante ne soulève plus ladite exception.

41      À supposer, cependant, que la requérante n’ait pas entendu se désister de l’exception d’illégalité, il y a lieu de rappeler que le juge de l’Union a reconnu l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, le principe d’autorité de la chose définitivement jugée. En effet, afin de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (arrêts de la Cour du 30 septembre 2003, Köbler, C‑224/01, point 38, et du 16 mars 2006, Kapferer, C‑234/04, point 20 ; arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, point 196).

42      Selon une jurisprudence constante, l’autorité de la chose jugée s’attachant à un arrêt est susceptible de faire obstacle à la recevabilité d’un recours si celui ayant donné lieu à l’arrêt en cause a opposé les mêmes parties, a porté sur le même objet et a été fondé sur la même cause (voir, en ce sens, arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, point 197, et jurisprudence citée).

43      L’autorité de la chose jugée ne s’attache toutefois qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision judiciaire en cause (arrêt de la Cour du 19 février 1991, Italie/Commission, C‑281/89, point 14, et ordonnance de la Cour du 28 novembre 1996, Lenz/Commission, C‑277/95 P, point 50).

44      Dans son arrêt Angé Serrano (points 92 à 156), le Tribunal de première instance a examiné la légalité des articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut à l’aune des mêmes griefs que ceux avancés dans la présente affaire, notamment, la violation des formes substantielles en ce que le règlement no 723/2004 ne serait pas suffisamment motivé, la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, la violation du principe de proportionnalité et la violation du principe d’égalité et de non-discrimination, et a rejeté l’exception d’illégalité.

45      La Cour, dans son arrêt Angé Serrano, a confirmé l’appréciation du Tribunal de première instance sur les griefs soulevés à l’appui de l’exception d’illégalité des articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut et, par voie de conséquence, confirmé le rejet de l’exception d’illégalité soulevée. Il s’ensuit que la décision du Tribunal de première instance de rejeter l’exception d’illégalité des articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut est une décision juridictionnelle devenue définitive.

46      Conformément à la jurisprudence citée au point 42 du présent arrêt, pour déterminer si le rejet de l’exception d’illégalité est revêtu de l’autorité de la chose jugée, il reste à examiner si le recours ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano et le recours introduit dans la présente affaire opposent les mêmes parties, portent sur le même objet et sont fondés sur la même cause.

47      S’agissant de la condition relative à l’identité des parties en cause dans le cadre des deux recours, force est de constater qu’elle est remplie en l’espèce. En effet, à l’instar du recours ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano, le recours introduit dans la présente affaire oppose Mme Angé Serrano au Parlement. S’il est vrai que, au point 90 dudit arrêt, le Tribunal de première instance a constaté que le premier chef de conclusions du recours, par lequel les requérants demandaient l’annulation de décisions individuelles de classement en grade, était devenu sans objet en ce qui concerne notamment Mme Angé Serrano et qu’il n’y avait pas lieu de statuer à l’égard de cette dernière au vu de l’adoption et de l’application rétroactive de la décision du Parlement européen, du 20 mars 2006, attaquée dans la présente procédure, décision qui lui a accordé un classement en grade plus favorable, il n’en demeure pas moins que Mme Angé Serrano a conservé sa qualité de partie à l’affaire.

48      S’agissant des conditions relatives à l’identité d’objet et de cause, il y a lieu de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano et dans la présente affaire, les requérants ont soulevé l’exception d’illégalité des articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut, exception qui, dans les deux cas est fondée sur les mêmes griefs. Il convient donc de constater que la question de droit porte sur le même objet et est fondée sur la même cause.

49      Les conditions d’identité de parties, d’objet et de cause étant remplies cumulativement en l’espèce, conformément à la jurisprudence citée au point 42 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que le point de droit concernant l’exception d’illégalité des articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut a été effectivement tranché par le Tribunal de première instance et qu’il est, dès lors, revêtu de l’autorité de la chose jugée.

50      Cette autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano fait donc obstacle à ce que l’exception d’illégalité des articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut, fondée sur la violation de l’obligation de motivation, la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, la violation du principe de proportionnalité, et la violation du principe d’égalité et de non-discrimination, soit à nouveau soumise au Tribunal et examinée par celui-ci.

51      Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

 Sur la recevabilité des autres moyens invoqués

52      En ce qui concerne les autres moyens invoqués à l’appui des conclusions aux fins d’annulation de la décision attaquée, le Tribunal constate que, dans ses écrits, la requérante ne développe son argumentation qu’à l’égard de la violation de l’article 6, paragraphe 2, du statut et du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, ainsi que des principes de bonne administration et du devoir de sollicitude.

53      Les moyens tirés de la violation des articles 45 et 45 bis du statut, de l’erreur manifeste d’appréciation, du principe de confiance légitime, de sécurité juridique, de la méconnaissance du principe de promotion fondée sur les mérites, « des principes qui imposent au Parlement de n’arrêter une décision que sur [la] base de motifs légalement admissibles, c’est-à-dire pertinents et non entachés d’erreur(s) manifeste(s) d’appréciation, de fait ou de droit », ainsi que le grief tiré de la violation de l’annexe XIII du statut, ne sont aucunement étayés par une quelconque argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure. Il y a donc lieu de déclarer respectivement ces moyens et grief irrecevables.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 2, du statut et de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination

 Arguments des parties

54      La requérante fait valoir, en premier lieu, qu’elle a subi une discrimination par l’effet de la réforme du statut intervenue en 2004 dans la mesure où des collègues qui relevaient auparavant d’une catégorie inférieure à la sienne ont obtenu le même grade qu’elle. Sa situation et celle de ces collègues présentant objectivement des différences substantielles, en ce sens que ces derniers n’ont pas réussi un concours interne de passage de catégorie sous l’empire de l’ancien statut, ils n’auraient pas dû être traités de la même manière. De plus, l’application de l’article 6, paragraphe 2, du statut, aurait permis aux collègues de la requérante se trouvant en fin de carrière des anciennes catégories D, C et B d’être promus, au 1er janvier 2005, au grade supérieur, ce qui les aurait placés au même grade, voire à un grade supérieur, que celui des fonctionnaires ayant réussi un concours interne de passage de catégorie.

55      En deuxième lieu, la requérante considère avoir fait l’objet de discrimination du fait que le facteur multiplicateur appliqué par la décision attaquée est celui qui correspond au grade C 1, échelon 8, et non celui qui correspond à son reclassement au grade B*6, échelon 8. À l’appui de cet argument, la requérante ajoute que, contrairement à elle, certains fonctionnaires se sont vu appliquer le facteur multiplicateur relatif à leur nouveau grade. En tout état de cause, et au vu de l’application du facteur multiplicateur, elle aurait dû être reclassée, en fonction du salaire perçu, au grade B*7, échelon 4, voire au grade B*8, échelon 1, ce qui n’aurait entraîné aucun coût supplémentaire pour l’institution. À cet égard, la requérante soutient que la décision du bureau du 13 février 2006, conformément à laquelle elle a été reclassée en 2006, permettait au Parlement de la classer au grade souhaité.

56      En troisième lieu, la requérante compare sa situation, dans laquelle le fait d’avoir changé de catégorie a entraîné la perte de ses points de promotion, d’une part, à celle de fonctionnaires qui n’ont pas été obligés de perdre lesdits points, à savoir ceux se trouvant en fin de carrière des catégories D* et C* et, d’autre part, à celle d’un ancien agent temporaire lauréat du même concours qu’elle, qui a été nommé fonctionnaire au grade B*6, échelon 6, après le 1er mai 2004. Par rapport à ce dernier, elle aurait subi un préjudice en terme de progression de carrière.

57      En quatrième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée a réduit à néant sa progression de carrière depuis son passage de catégorie. En effet, pour les exercices de promotion antérieurs à la date d’adoption de la décision attaquée, à savoir le 20 mars 2006, sa hiérarchie n’aurait pas pu la proposer pour un troisième point de promotion en raison du grade et de l’échelon qu’elle avait à l’époque, à savoir B*5, échelon 8, alors que si elle avait déjà été reclassée au grade B*6, échelon 8, le raisonnement aurait pu être différent.

58      Le Parlement conclu au rejet de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

59      En ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs aux effets discriminatoires de la réforme statutaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il y a violation du principe d’égalité de traitement, applicable au droit de la fonction publique de l’Union, lorsque deux catégories de personnes dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différence essentielle se voient appliquer un traitement différent lors de leur recrutement et qu’une telle différence de traitement n’est pas objectivement justifiée (arrêts de la Cour du 11 janvier 2001, Martínez del Peral Cagigal/Commission, C‑459/98 P, point 50 ; du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, point 76, et Angé Serrano, point 99). Il est également jugé qu’il y a violation du principe d’égalité lorsque deux situations différentes sont traitées de manière identique (voir, à cet égard, arrêts de la Cour du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil, C‑227/04 P, point 63 et Angé Serrano, point 101).

60      Il est également de principe que le législateur est tenu, lors de l’adoption de règles applicables notamment en matière de fonction publique de l’Union, au respect du principe général d’égalité de traitement (arrêt Centeno Mediavilla e.a./Commission, précité, point 78 et arrêt de la Cour Angé Serrano, point 100).

61      En l’espèce, la requérante soutient qu’elle a été traitée, en raison de son classement en grade par l’effet de la réforme de 2004, d’une manière identique à celle dont l’auraient été les fonctionnaires qui n’avaient pas réussi de concours interne de passage de catégorie sous l’empire de l’ancien statut.

62      En ce qui concerne son classement en grade, la requérante compare deux groupes de fonctionnaires qui se trouveraient dans des situations différentes : d’une part, ceux qui, comme elle, ont réussi un concours interne de passage de catégorie sous l’empire de l’ancien statut, d’autre part, ses collègues dans l’ancienne catégorie qui n’ont pas réussi un tel concours. La décision attaquée aboutirait à violer le principe d’égalité de traitement, puisque l’octroi d’un même grade à tous reviendrait à traiter de manière identique des situations différentes.

63      Ces griefs et arguments de la requérante sont les mêmes que ceux qui ont été avancés devant le Tribunal de première instance et devant la Cour, dans les affaires Angé Serrano, précitées, et rejetés par les deux juridictions.

64      À cet égard, le Tribunal de première instance a reconnu que les fonctionnaires ayant réussi un concours interne de passage de catégorie sous l’empire de l’ancien statut ne se trouvent pas dans la même situation juridique et factuelle que les fonctionnaires qui n’ont pas réussi un tel concours. Il a en outre jugé que les premiers ont acquis, conformément aux règles du statut, de meilleures perspectives de carrière par rapport aux seconds, dont il a été tenu compte dans les dispositions transitoires de l’annexe XIII du nouveau statut (voir arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano, points 145 à 147, confirmé par l’arrêt de la Cour Angé Serrano, point 102).

65      En effet, les perspectives de carrière des fonctionnaires sont déterminées en fonction de plusieurs facteurs – liés tant à des éléments qui sont propres à chaque fonctionnaire (à savoir, notamment, son mérite ou son âge) qu’à des éléments qui lui sont extérieurs (à savoir, notamment, des éléments concernant le service auquel il est affecté) – et ne sont pas déterminées par un seul élément, invoqué en l’espèce, à savoir le classement en grade. Par conséquent, même si l’effet des règles de classement en grade prévues dans les articles 2 et 8 de l’annexe XIII du statut, considéré isolément, est de modifier les rapports hiérarchiques créés sous l’empire de l’ancien statut entre la requérante et des fonctionnaires qui n’avaient pas réussi de concours interne de passage de catégorie, il n’en ressort pas nécessairement que les perspectives de carrière de la requérante ne sont pas meilleures que celles des fonctionnaires précités (arrêt du Tribunal de première instance Angé Serrano, point 113).

66      Partant, dès lors que, en adoptant un nouveau statut, le législateur a remodelé l’ensemble du système des carrières jusqu’alors en vigueur, il ne pouvait être tenu de reproduire exactement à l’identique la hiérarchie des grades de l’ancien statut, sauf à porter atteinte à la possibilité dont il dispose d’entreprendre des modifications statutaires. Dans ce contexte, la comparaison des rangs hiérarchiques antérieurs et postérieurs à la réforme du statut n’est pas, à elle seule, déterminante pour apprécier la conformité du nouveau statut au principe d’égalité de traitement (arrêt de la Cour Angé Serrano, point 105).

67      Le nouveau statut différencie la carrière des fonctionnaires appartenant, sous l’empire de l’ancien statut, aux divers grades de la hiérarchie et assure à ceux qui ont réussi un concours de passage de catégorie des perspectives de carrière différentes de celles des fonctionnaires n’ayant pas réussi le même concours. En particulier, le régime transitoire, et notamment l’article 10, paragraphes 1 et 2, de l’annexe XIII du statut, assure, à travers la règle du blocage de la progression de carrière et celle de la fixation de taux de promotion pour les différents grades, de meilleures perspectives de carrière aux fonctionnaires ayant des grades plus élevés sous le régime de l’ancien statut et, partant, à ceux qui ont avancé dans les grades à la suite de la réussite d’un concours de passage de catégorie (arrêt de la Cour Angé Serrano, point 106).

68      Il y a lieu d’ajouter, en outre, que, comme le fait valoir à juste titre le Parlement, la requérante ayant été promue au grade B*7 le 9 novembre 2006, avec effet au 1er janvier 2006, soit avant l’introduction de la requête dans la présente affaire, elle n’est pas, en tout état de cause, fondée à soutenir qu’elle se retrouve dans le même grade que ses collègues n’ayant pas réussi un concours de passage de catégorie, faute d’avoir identifié des fonctionnaires en fin de carrière au grade C 1, renommé C*6, qui auraient été promus au même grade qu’elle au plus tard avec effet au 1er janvier 2006.

69      En ce qui concerne le grief relatif au facteur multiplicateur appliqué à la requérante, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, le traitement mensuel de base des fonctionnaires recrutés avant le 1er mai 2004 ne subit aucune modification en raison du changement de dénomination des grades opéré en application de l’article 2, paragraphe 1, de cette annexe. À cet effet, le paragraphe 2 de l’article 7 susmentionné dispose que, pour chaque fonctionnaire, un facteur de multiplication est calculé au 1er mai 2004, qui est égal au rapport existant entre le traitement mensuel de base versé avant le 1er mai 2004 et le montant d’application défini à l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut.

70      Il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la décision attaquée, la requérante percevait le traitement mensuel de base correspondant à un fonctionnaire de grade C 1, échelon 8, grade qu’elle avait atteint avant sa nomination au grade B 5, échelon 4, le 25 février 2002, suite à sa réussite à un concours interne de passage de catégorie. En effet, le traitement mensuel de base afférent à ces derniers grade et échelon étant toujours, en mars 2006, inférieur au traitement qu’elle aurait perçu si elle n’avait pas réussi le concours de passage de catégorie et était restée classée au grade C 1, échelon 8, elle continuait à percevoir une indemnité compensatoire, par application de l’article 46, deuxième alinéa, in fine, de l’ancien statut, destinée à combler la différence entre les deux traitements.

71      Au demeurant, il n’est pas contesté qu’avec l’application du facteur multiplicateur calculé pour la requérante son traitement de base n’a pas subi de modification au 1er mai 2004, suite au changement de dénomination de son grade B 5 en grade B*5 ni que, en mars 2006, lors de son reclassement du grade B*5 au grade B*6, les seules modifications appliquées audit traitement résultaient des adaptations annuelles des rémunérations décidées par le législateur, le facteur multiplicateur étant demeuré le même.

72      La requérante fait néanmoins valoir que, avec l’adoption de la décision attaquée, le facteur multiplicateur applicable à son traitement de base aurait dû être celui afférent au grade B*6, échelon 8, grade et échelon auxquels elle a été reclassée par ladite décision, en mars 2006, avec effet au 1er mai 2004, et non celui calculé au 1er mai 2004 correspondant au traitement de base du grade C 1, devenu C*6, échelon 8.

73      À cet égard, il convient de rappeler que, par l’adoption de la décision du bureau du 13 février 2006, le Parlement a entendu mettre en œuvre le considérant 37 du règlement no 723/04 qui pose la nécessité d’établir un régime de transition aux fins de ne pas porter préjudice aux droits acquis par le personnel, en tenant compte, entre autres, de leurs attentes légitimes (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 28 septembre 2011, Prieto/Parlement, F‑42/07, point 87). Il ressort du libellé de ladite décision, qui avait notamment pour but de corriger certaines situations discriminatoires de fonctionnaires suite à l’entrée en vigueur du nouveau statut, que le reclassement dont la requérante a bénéficié, applicable aux fonctionnaires qui percevaient une indemnité compensatoire, devait avoir lieu sur la base de leur salaire.

74      Il est vrai que, en vertu de la décision attaquée, la requérante a progressé d’un grade dans sa carrière, son classement étant passé du grade B*5 au grade B*6 et que, selon l’article 7, paragraphe 6, de l’annexe XIII du statut, lors de la première promotion obtenue après le 1er mai 2004, un nouveau facteur de multiplication est déterminé. Il demeure toutefois que, en l’espèce, le changement de grade de la requérante n’a pas été le résultat d’une promotion au sens des articles 29 et 45 du statut mais d’un simple reclassement, conformément à la décision du bureau du 13 février 2006, sur la base du traitement qu’elle percevait.

75      En ce qui concerne la demande de la requérante d’être reclassée sur la base de son traitement au grade B*7, échelon 4, voire au grade B*8, échelon 1, à la date d’effet de la décision attaquée, il y a lieu de relever que, même si le traitement de base afférent au grade B*7, échelon 4, était également proche de celui que la requérante percevait à la date d’effet de la décision attaquée et qu’il est probable qu’un tel classement aurait eu des conséquences budgétaires neutres ou négligeables pour le Parlement, un tel classement aurait eu pour conséquence de lui accorder une promotion en dehors de tout examen comparatif des mérites, en violation de l’article 45 du statut, compte tenu de ce que, ainsi que cela ressort d’une des annexes jointes à la requête, la requérante n’a pas pu être prise en considération pour une promotion lors de l’exercice 2006 du fait qu’en 2005, elle n’avait pas encore acquis assez de points ou atteint le seuil de référence.

76      Dans ces conditions, c’est à bon droit, d’une part, que le Parlement a continué à appliquer au traitement de base de la requérante le même facteur multiplicateur calculé pour elle au 1er mai 2004 et, d’autre part, qu’en mars 2006 elle a été reclassée au grade B*6 avec effet au 1er mai 2004, et non dans un grade plus élevé.

77      La requérante fait encore valoir que, contrairement à elle, d’autres fonctionnaires se sont vus appliquer le facteur de multiplication afférent à leur nouveau grade et a joint à la requête copie de la décision du 14 octobre 2005 de nomination au grade C*4 d’un lauréat du concours interne C/348 et copie de la décision du 27 mai 2004 de nomination comme fonctionnaire stagiaire d’un lauréat du même concours interne que celui qu’elle a réussi, documents qui montreraient le traitement discriminatoire dont elle aurait fait l’objet de la part du Parlement.

78      Le Tribunal constate, à cet égard, d’une part, que la décision du 14 octobre 2005 susmentionnée concerne un fonctionnaire qui a été nommé à la catégorie supérieure en application de l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut et, d’autre part, que la décision du 27 mai 2004 susmentionnée concerne la nomination, avec effet au 1er juin 2004, comme fonctionnaire stagiaire d’un ancien agent temporaire. Or, aucun de ces deux fonctionnaires ne se trouvant dans la même situation que la requérante, laquelle avait changé de catégorie sous l’empire de l’ancien statut, dont le grade avait été renommé au 1er mai 2004 par application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, et qui a par la suite bénéficié d’un reclassement en vertu de la décision du bureau du 13 février 2006, l’argument de la requérante manque en droit.

79      À l’appui de son grief relatif à la violation du principe d’égalité de traitement, la requérante fait valoir, en outre, qu’elle aurait perdu ses points de promotion en raison de son changement de catégorie, alors que l’article 6, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut aurait permis aux collègues se trouvant en situation de fin de carrière des anciennes catégories D, C et B d’être promus, avec effet au 1er janvier 2005, au grade supérieur.

80      Il convient de rappeler que, sous l’empire de l’ancien statut, les fonctionnaires qui avaient atteint le dernier grade de leur catégorie se trouvaient en situation de fin de carrière et ne pouvaient pas être promus. Partant, dans la mesure où ils ne recevaient pas de point de promotion à l’occasion des exercices de promotion, ils ne pouvaient, avant le 1er mai 2004, ni en perdre, ni en conserver.

81      Comparée à celle de ses collègues se trouvant en situation de fin de carrière, la situation de la requérante a changé avec son passage de catégorie en 2002, date à laquelle elle a pu commencer à acquérir des points de promotion dans la catégorie B. En revanche, les collègues de la requérante qui sont restés en situation de fin de carrière ont dû attendre l’entrée en vigueur du nouveau statut pour avoir à nouveau le droit de recevoir des points de promotion et d’être susceptibles de bénéficier d’une promotion.

82      En tout état de cause, la requérante ne saurait se plaindre d’une progression de carrière nulle depuis son passage de catégorie. En effet, il ressort du dossier que, après l’adoption de la décision attaquée, et avant même l’introduction de la requête, la requérante avait déjà été promue au grade AST 7, échelon 1, avec effet au 1er janvier 2006, et que, à compter du 1er janvier 2008, elle a bénéficié d’une promotion au grade AST 8, échelon 1, avec facteur de multiplication de 1.

83      Enfin, la requérante fait valoir que, pour les exercices de promotion antérieurs à la date d’adoption de la décision attaquée, à savoir le 20 mars 2006, sa hiérarchie n’aurait pas pu la proposer pour un troisième point de promotion en raison du grade et de l’échelon qu’elle avait à l’époque, à savoir B*5, échelon 8, alors que si elle avait déjà été reclassée au grade B*6, échelon 8, le raisonnement aurait pu être différent.

84      Cet argument ne saurait davantage prospérer. En effet, comme le fait valoir à juste titre le Parlement, les décisions relatives à l’attribution de points de mérite pour les exercices précédant l’adoption de la décision attaquée n’ayant pas été contestées dans les délais, elles ne peuvent plus l’être à ce stade.

85      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de déclarer le présent moyen non fondé.

 Sur le moyen tiré de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

 Arguments des parties

86      La requérante considère que, pour prendre sérieusement en considération les intérêts des fonctionnaires, suivant le libellé du considérant 37 du règlement no 723/2004, le Parlement aurait dû mettre en place un régime transitoire, visant à accompagner l’entrée en vigueur de la réforme administrative, dans le but de préserver les droits acquis par les fonctionnaires et de garantir leurs attentes légitimes.

87      Le Parlement est d’avis que ce moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Appréciation du Tribunal

88      Il résulte d’une jurisprudence constante que le devoir de sollicitude ainsi que le principe de bonne administration impliquent notamment que, lorsqu’elle se prononce sur la situation d’un fonctionnaire, l’autorité compétente prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, point 99, et la jurisprudence citée).

89      Il résulte d’une jurisprudence tout aussi constante que le devoir de sollicitude ne saurait en aucun cas contraindre l’administration à agir à l’encontre des dispositions applicables. En particulier, le devoir de sollicitude ne saurait conduire l’administration à donner à une disposition du droit de l’Union un effet qui irait à l’encontre des termes clairs et précis de cette disposition. Dès lors, un requérant ne peut invoquer le devoir de sollicitude afin d’obtenir des avantages que le statut ne permet pas de lui octroyer (arrêt Di Marzio/Commission, précité, point 100, et la jurisprudence citée).

90      Or, en l’espèce, d’une part, comme il le fait valoir à juste titre, le Parlement n’avait pas le choix de ne pas appliquer les dispositions du nouveau statut en l’absence d’habilitation par le législateur à mettre un place un régime transitoire tel que souhaité par la requérante. D’autre part, en application de la décision du bureau du 13 février 2006, la requérante a bénéficié d’un reclassement au grade supérieur, à savoir le grade B*6, devenu AST 6, avantage considérable par rapport aux fonctionnaires des autres institutions, dont les grades ont simplement été renommés le 1er mai 2004 et le 1er mai 2006, tel que prévu par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut et par l’article 8, paragraphe 1, de la même annexe, respectivement. Il importe, à cet égard, de rappeler que l’application stricte de ces deux dernières dispositions aurait entraîné le classement de la requérante au grade B*5, devenu AST 5.

91      Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante n’a aucunement démontré que le Parlement a, en l’espèce, violé le principe de bonne administration ou son devoir de sollicitude. Le moyen doit donc être rejeté.

92      Les moyens soulevés à l’appui de l’annulation de la décision attaquée étant soit irrecevables soit non fondés, il convient de rejeter le premier chef de conclusions.

 Sur le second chef de conclusions, tendant à l’indemnisation d’un préjudice moral et matériel

 Arguments des parties

93      La requérante demande la condamnation du Parlement à lui verser des dommages et intérêts, car elle prétend avoir subi un préjudice tant matériel que moral en raison de l’atteinte portée à sa carrière par la décision attaquée. Elle est d’avis que le préjudice matériel sera réparé par un reclassement qui prendrait en considération son passage de catégorie ou, à défaut, par le remboursement des sommes qu’elle aurait perçues si elle avait été classée dans le grade correspondant à ses fonctions et responsabilités, préjudice qu’elle évalue dans sa requête à la somme de 25 000 euros, sous réserve d’augmentation ou de diminution en cours d’instance. Le préjudice moral aurait pour origine l’état d’inquiétude extrême dans lequel l’a placée l’AIPN, sans respect aucun pour le travail accompli au sein de l’institution, ainsi que l’état d’incertitude quant à son avenir financier, lequel ne pourrait qu’avoir des répercussions certaines et graves sur sa vie professionnelle et familiale. Au stade de la réplique, la requérante précise que la somme de 25 000 euros, sous réserve d’augmentation ou de diminution en cours d’instance, qu’elle demande est censée couvrir également le préjudice moral.

94      Le Parlement soutient que ce chef de conclusions doit être rejeté.

 Appréciation du Tribunal

95      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées soit comme irrecevables, soit comme non fondées (arrêt du Tribunal du 20 janvier 2011, Strack/Commission, F‑121/07, point 101, et la jurisprudence citée).

96      En l’espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation, la requérante soutenant que le préjudice qu’elle estime avoir subi résulte de la décision attaquée dont elle demande l’annulation.

97      Les conclusions en annulation ayant été rejetées, il convient de rejeter également les conclusions indemnitaires du recours.

98      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur les dépens

99      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

100    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre l’Union et ses agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

101    En l’espèce, la requérante ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

102    Selon l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Le Conseil, partie intervenante, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

(première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

3)      Le Conseil de l’Union européenne, partie intervenante, supporte ses propres dépens.

Gervasoni

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.