Language of document : ECLI:EU:C:2018:762

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

18 septembre 2018 (*)

« Procédure accélérée »

Dans l’affaire C‑402/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 10 mai 2018, parvenue à la Cour le 15 juin 2018, dans la procédure

Tedeschi Srl, agissant pour son propre compte et en qualité de mandataire d’un groupement temporaire d’entreprises,

Consorzio Stabile Istant Service, agissant pour son propre compte et en qualité de mandant d’un groupement temporaire d’entreprises,

contre

C.M. Service Srl,

Università degli Studi di Roma La Sapienza,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le juge rapporteur, M. E. Regan, et l’avocat général, M. M. Campos Sánchez‑Bordona, entendus,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49 et 56 TFUE, de l’article 25 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114), de l’article 71 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), telle que modifiée par le règlement délégué (UE) 2015/2170 de la Commission, du 24 novembre 2015 (JO 2015, L 307, p. 5), ainsi que du principe de proportionnalité.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Tedeschi Srl, agissant pour son propre compte et en qualité de mandataire d’un groupement temporaire d’entreprises, et Consorzio Stabile Istant Service, agissant pour son propre compte et en qualité de mandant d’un groupement temporaire d’entreprises à C.M. Service Srl et à l’Università degli Studi di Roma La Sapienza (Université de Rome, dénommée « La Sapienza », Italie) au sujet d’une décision prise par cette dernière, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, d’attribuer les services de nettoyage de locaux qu’elle utilise au groupement temporaire d’entreprises constitué par Tedeschi en qualité de mandataire de ce groupement et Consorzio Stabile Istant Service en qualité de mandant de celui-ci (ci-après, ensemble, le « GTE Tedeschi »).

3        Par un avis de marché public publié au Journal officiel de l’Union européenne le 24 décembre 2015, l’Université de Rome « La Sapienza » a lancé une procédure d’appel d’offres ouverte pour l’attribution desdits services de nettoyage. Ce marché public, d’une durée de cinq ans, devait être attribué selon le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse. La valeur de base dudit marché public avait été estimée à 46 300 968,40 euros, hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

4        C.M. Service, qui a été classée deuxième à l’issue de la procédure d’appel d’offres, a formé un recours devant le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie) tendant à l’annulation de la décision de l’Université de Rome « La Sapienza », du 12 avril 2017, d’attribuer le marché public au GTE Tedeschi pour un montant total de 31 744 359,67 euros, hors TVA et frais de sécurité. À l’appui de son recours, C.M. Service a soulevé un moyen tiré du fait que la part de marché que l’adjudicataire envisage de sous‑traiter représente plus de 30 % du montant total du marché public en cause, en violation des limitations générales prévues par le droit interne. Elle a également soutenu que l’offre présentée par l’adjudicataire n’avait pas fait l’objet d’un examen in concreto fiable par le pouvoir adjudicateur, au motif que ce dernier avait accepté, en violation des dispositions pertinentes du droit interne, que la rémunération des entreprises sous-traitantes soit inférieure de plus de 20 % par rapport aux prix unitaires résultant de l’adjudication.

5        Par le jugement n° 12511/2017, le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Latium) a fait droit au recours formé par C.M. Service.

6        Le GTE Tedeschi a interjeté appel devant la juridiction de renvoi de ce jugement. C.M. Service a également formé un appel incident, dans le cadre duquel elle a soulevé à nouveau les griefs qui n’avaient pas été accueillis en première instance, ainsi que celui tiré de la violation des dispositions de droit interne portant sur l’interdiction de sous-traiter plus de 30 % du montant total du marché public.

7        La juridiction de renvoi éprouve des doutes sur la compatibilité de la réglementation nationale en matière de marchés publics avec le droit de l’Union.

8        En particulier, la juridiction de renvoi fait observer que les limitations prévues par le droit interne en matière de sous-traitance peuvent rendre l’accès aux marchés publics plus difficile pour les entreprises, et en particulier pour les petites et moyennes entreprises, faisant ainsi obstacle à l’exercice de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services. Elle expose que ces limitations peuvent également priver les acheteurs publics de la possibilité de recevoir des offres plus nombreuses et plus diversifiées. En effet, le fait de ne permettre de recourir à la sous-traitance que pour une partie du marché, fixée de manière abstraite à un pourcentage déterminé du montant de ce dernier, indépendamment de la possibilité de vérifier la capacité des éventuels sous-traitants et sans mention du caractère essentiel des missions en cause, ne serait pas prévu par la directive 2004/18 et serait en contradiction avec l’objectif d’ouverture à la concurrence et avec celui consistant à faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics.

9        Toutefois, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) fait également observer que, dans le cadre des avis consultatifs qu’il a rendus sur la législation nationale en matière de sous-traitance, il a déjà considéré que l’objectif consistant à garantir l’intégrité des marchés publics et à empêcher leur infiltration par des organisations criminelles pouvait justifier d’instaurer une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services. En outre, il expose d’autres motifs qui, selon lui, justifient les seuils en question. Ainsi, il fait valoir, d’une part, que, si la limite de 20 % venait à être supprimée, des formes dissimulées de dumping salarial, susceptibles d’avoir un effet anticoncurrentiel, pourraient être pratiquées. D’autre part, il expose que si la limite de 30 % venait également à être supprimée, la mise en œuvre de certaines adjudications pourrait être mise en péril en raison de la difficulté qui pourrait s’ensuivre d’évaluer la viabilité – et donc l’absence d’anomalies – des offres, comme dans l’affaire au principal.

10      C’est dans ce contexte que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour à titre préjudiciel.

11      Cette juridiction demande également à la Cour de soumettre la présente affaire à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

12      Il ressort de cette disposition que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions de ce règlement.

13      À l’appui de sa demande de procédure accélérée, la juridiction de renvoi invoque, premièrement, le fait que la présente affaire soulève une question de principe, dès lors que la réglementation nationale sur la sous-traitance est d’application fréquente, deuxièmement, le fait que la résolution du litige au principal est subordonnée, en substance, à la décision que la Cour fournira à la question posée et, troisièmement, le fait que le marché public en cause au principal concerne l’exécution de marchés publics de services pour assurer le fonctionnement régulier de l’Université de Rome « La Sapienza ».

14      Toutefois, si la juridiction de renvoi a mis en évidence l’importance que revêt l’arrêt préjudiciel à venir pour la procédure au principal, elle n’a pas pour autant établi l’urgence à statuer dans de brefs délais sur sa demande, au titre de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure.

15      En effet, tout d’abord, s’agissant du fait que la réglementation italienne sur la sous-traitance est d’application fréquente, il convient de rappeler que le nombre important de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par les questions posées n’est pas susceptible, en tant que tel, de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une procédure accélérée (ordonnance du président de la Cour du 8 mars 2018, Vitali, C‑63/18, non publiée, EU:C:2018:199, point 17 et jurisprudence citée).

16      Ensuite, quant au fait que la solution du litige au principal dépendra de la réponse fournie par la Cour à la question posée, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le simple intérêt des justiciables, certes légitime, à déterminer le plus rapidement possible la portée des droits qu’ils tirent du droit de l’Union n’est pas de nature à établir l’existence d’une circonstance exceptionnelle, au sens de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure (ordonnance du président de la Cour du 8 mars 2018, Vitali, C‑63/18, non publiée, EU:C:2018:199, point 18 et jurisprudence citée).

17      Enfin, en ce qui concerne le caractère urgent des travaux faisant l’objet du marché public en cause au principal et, en particulier, le fait que les services de nettoyage en question serviront à assurer le fonctionnement régulier de l’Université de Rome « La Sapienza », il y a lieu de relever que l’exigence du traitement d’un litige pendant devant la Cour dans de brefs délais ne saurait découler du seul fait que la juridiction de renvoi est tenue d’assurer un règlement rapide du litige, ni de la seule circonstance que le retard ou la suspension de travaux faisant l’objet d’un marché public est susceptible de produire des effets dommageables aux personnes concernées (ordonnance du président de la Cour du 8 mars 2018, Vitali, C‑63/18, non publiée, EU:C:2018:199, point 19 et jurisprudence citée).

18      Dans ces conditions, la demande du Consiglio di Stato (Conseil d’État) tendant à ce que l’affaire C-402/18 soit soumise à une procédure accélérée ne saurait être accueillie.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

La demande du Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) tendant à ce que l’affaire C-402/18 soit soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour est rejetée.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.