Language of document : ECLI:EU:T:2018:720

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

25 octobre 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne ‐ Procédure d’opposition ‐ Demande de marque de l’Union européenne verbale ALDI – Marque nationale figurative antérieure ALDO – Motif relatif de refus – Conditions de recevabilité de l’opposition – Règle 15 du règlement (CE) no 2868/95 [devenue article 2 du règlement délégué (UE) 2018/625] – Conditions de représentation de la marque antérieure – Règle 19 du règlement no 2868/95 (devenue article 7 du règlement délégué 2018/625) – Absence de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure – Article 42 du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 47 du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑359/17,

Aldo Supermarkets, établie à Varna (Bulgarie), représentée initialement par Me C. Saettel, puis par Mes T. Chevrier et M. Thewes, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme G. Sakalaite-Orlovskiene, M. A. Folliard-Monguiral et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes N. Lützenrath, U. Rademacher, N. Bertram et C. Fürsen, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 29 mars 2017 (affaire R 976/2016‑4), relative à une procédure d’opposition entre Aldo Supermarkets et Aldi Einkauf,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, R. Barents (rapporteur) et J. Passer, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 juin 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 13 novembre 2017,

à la suite de l’audience du 7 juin 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 mars 2014, l’intervenante, Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ALDI.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 4, 7, 9, 16, 24, 28, 31, 34 à 36, 38, 39 et 41 à 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        La classe 35, qui est seule pertinente dans le cadre de la présente affaire, puisque l’opposition a uniquement été dirigée contre cette classe, correspond à la description suivante : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; services de vente au détail, également par le biais d’Internet, en rapport avec des aliments, substances pour lessiver, produits de nettoyage, matériel de nettoyage, produits désinfectants, articles cosmétiques/produits de soins corporels, produits hygiéniques, médicaments en vente libre, compléments nutritionnels, feux d’artifice, appareils électriques/accessoires, appareils électroniques et leurs accessoires, ordinateurs et accessoires d’ordinateurs, disques compacts, conseils en matériel informatique et logiciels, produits éclairants, outillage, outils de jardinage et leurs accessoires, bicyclettes et leurs accessoires, accessoires d’automobiles, montres et bijouterie, articles d’écriture et articles de bureau, livres et autres produits de l’imprimerie, meubles et autres objets d’aménagement, mobilier de jardin, ustensiles de ménage et de cuisine ainsi que leurs accessoires, articles de ménage, protège-lits, y compris coussins, linge de lit, linge de maison, habillement, chapeaux, chaussures, engins de sport, jouets, articles de loisirs, aliments pour animaux, plantes, produits de tabac ; services de vente au détail de vêtements, menés également par l’internet, en matière de voyages, services d’impression et développement photographique ainsi que cinématographique, envoi de fleurs ainsi qu’offres téléphoniques et offres Internet ; services de supermarchés de détail, magasins de détail et magasins discount de détail pour aliments, substances pour lessiver, nettoyer, matériel de nettoyage, produits désinfectants, articles cosmétiques/produits de soins corporels, produits hygiéniques, médicaments en vente libre, compléments nutritionnels, feux d’artifice, appareils électriques/accessoires, appareils électroniques et leurs accessoires, ordinateurs et accessoires d’ordinateurs, disques compacts, conseils en matériel informatique et logiciels, produits éclairants, outillage, outils de jardinage et leurs accessoires, bicyclettes et leurs accessoires, accessoires d’automobiles, montres et bijouterie, articles d’écriture et articles de bureau, livres et autres produits de l’imprimerie, meubles et autres objets d’aménagement, mobilier de jardin, ustensiles de ménage et de cuisine ainsi que leurs accessoires, articles de ménage, protège-lits, y compris coussins, linge de lit, linge de maison, habillement, chapeaux, chaussures, engins de sport, jouets, articles de loisirs, aliments pour animaux, plantes, produits de tabac ; mise à disposition d’informations sur l’internet, à savoir d’informations sur les produits de consommation, sur les conseils aux consommateurs et sur les services à la clientèle ; courtage de contrats d’achat et de vente de marchandises pour le compte de tiers et de prestation de services, également sur l’internet (compris dans la classe 35) ».

5        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 91/2014, du 19 mai 2014.

6        Le 31 juillet 2014, la requérante, Aldo Supermarkets, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour une partie des services, à savoir uniquement ceux visés au point 3 ci-dessus.

7        L’opposition était fondée sur la marque bulgare figurative antérieure suivante, déposée le 12 août 2002 et enregistrée le 11 mars 2004 sous le numéro 47361 :

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8        L’opposition était fondée sur une partie des produits et des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, à savoir les services compris dans la classe 35, lesquels correspondent à la description suivante dans l’acte d’opposition : « Agences d’import-export, gestion des affaires commerciales et administration des transactions commerciales ; agences d’informations commerciales ; recherches de marché ; investigations pour affaires ; prévisions économiques ; services de conseils pour la direction des affaires ; conseils en organisation des affaires ; conseil en direction des affaires ; expositions à buts commerciaux ou de publicité ; organisation de foires à buts commerciaux ou de publicité ; livraison de produits pour des tiers ; renseignements d’affaires ; estimation en affaires commerciales ; décoration de vitrines ; démonstration de produits ; promotion de produits ; aide à la direction et aide opérationnelle aux affaires commerciales ; recherches pour affaires ; assistance en gestion d’activités commerciales ; mise à jour de documentation publicitaire ; diffusion d’annonces publicitaires ; diffusion [distribution] d’échantillons ; publicité extérieure ; publicité extérieure sur panneaux publicitaires ; publicité par correspondance ; agences de publicité ; gérance administrative d’hôtels ».

9        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement 2017/1001] et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001).

10      Le 29 août 2014, l’EUIPO a envoyé une communication à la requérante l’informant que l’opposition avait été jugée recevable. Il indiquait que le délai pour apporter la preuve de l’existence des droits antérieurs et présenter d’autres éléments expirait le 3 janvier 2015.

11      Cette communication était accompagnée d’une note informative, intitulée « Informations sur les procédures » qui précisait à la requérante, notamment, que, pour les enregistrements antérieurs d’une marque autre qu’une marque de l’Union européenne, tous les éléments de forme et de fond devaient être fournis, y compris une représentation du signe tel qu’il avait été déposé ou enregistré, en couleur le cas échéant, dans un certificat d’enregistrement ou un autre document équivalent montrant l’enregistrement de la marque, pour autant qu’il contienne, seul ou combiné à d’autres documents, tous les détails relatifs à l’enregistrement. Sous le titre « Notes importantes », il était mentionné que le document officiel remplaçant le certificat d’enregistrement devait comporter des informations complètes au sujet de tous les éléments de l’enregistrement et que, par exemple, une publication ne contenant pas de représentation de la marque, en couleur le cas échéant, serait insuffisante.

12      Le 22 septembre 2014, la requérante a présenté une copie en noir et blanc du certificat d’enregistrement de la marque bulgare no 47361, une traduction de ce certificat dans la langue de procédure ainsi que d’autres documents accompagnés de leur traduction concernant des changements dans la propriété, le renouvellement et l’enregistrement d’accords de licence auprès de l’Office des brevets de la république de Bulgarie. La marque était représentée ainsi :

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13      Sur requête de l’intervenante déposée le 6 février 2015, sur le fondement de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001), l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage de la marque antérieure pour les services sur lesquels l’opposition était fondée.

14      Le 15 avril 2015, la requérante a présenté des éléments de preuve au soutien de son affirmation selon laquelle la marque antérieure faisait l’objet d’un usage sérieux en Bulgarie au regard des informations d’affaires, des transactions commerciales et de l’administration commerciale, dont une liste des 17 supermarchés Aldo exploités en Bulgarie, les contrats de location et les certificats fiscaux de ces points de vente.

15      Par ailleurs, le 10 décembre 2015, en réponse aux observations de l’intervenante qui contestait le fait que la requérante avait seulement transmis une copie en noir et blanc de sa marque antérieure pour démontrer l’existence de ses droits antérieurs, la requérante a déposé, notamment, une nouvelle copie de l’acte d’opposition montrant la marque antérieure sous les couleurs suivantes :

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16      Par décision du 26 avril 2016, la division d’opposition a partiellement accueilli l’opposition et a rejeté la demande d’enregistrement pour les services suivants : « Services de vente au détail, également par le biais d’Internet, en rapport avec des aliments, substances pour lessiver, produits de nettoyage, matériel de nettoyage, produits désinfectants, articles cosmétiques/produits de soins corporels, produits hygiéniques, médicaments en vente libre, compléments nutritionnels, feux d’artifice, appareils électriques/accessoires, appareils électroniques et leurs accessoires, ordinateurs et accessoires d’ordinateurs, disques compacts, conseils en matériel informatique et logiciels, produits éclairants, outillage, outils de jardinage et leurs accessoires, bicyclettes et leurs accessoires, accessoires d’automobiles, montres et bijouterie, articles d’écriture et articles de bureau, livres et autres produits de l’imprimerie, meubles et autres objets d’aménagement, mobilier de jardin, ustensiles de ménage et de cuisine ainsi que leurs accessoires, articles de ménage, protège-lits, y compris coussins, linge de lit, linge de maison, habillement, chapeaux, chaussures, engins de sport, jouets, articles de loisirs, aliments pour animaux, plantes, produits de tabac ; services de vente au détail de vêtements, menées également par l’internet, en matière de voyages, services d’impression et développement photographique ainsi que cinématographique, envoi de fleurs ainsi qu’offres téléphoniques et offres Internet ; services de supermarchés de détail, magasins de détail et magasins discount de détail pour aliments, substances pour lessiver, nettoyer, matériel de nettoyage, produits désinfectants, articles cosmétiques/produits de soins corporels, produits hygiéniques, médicaments en vente libre, compléments nutritionnels, feux d’artifice, appareils électriques/accessoires, appareils électroniques et leurs accessoires, ordinateurs et accessoires d’ordinateurs, disques compacts, conseils en matériel informatique et logiciels, produits éclairants, outillage, outils de jardinage et leurs accessoires, bicyclettes et leurs accessoires, accessoires d’automobiles, montres et bijouterie, articles d’écriture et articles de bureau, livres et autres produits de l’imprimerie, meubles et autres objets d’aménagement, mobilier de jardin, ustensiles de ménage et de cuisine ainsi que leurs accessoires, articles de ménage, protège-lits, y compris coussins, linge de lit, linge de maison, habillement, chapeaux, chaussures, engins de sport, jouets, articles de loisirs, aliments pour animaux, plantes, produits de tabac ; mise à disposition d’informations sur l’internet, à savoir d’informations sur les produits de consommation, sur les conseils aux consommateurs et sur les services à la clientèle ; courtage de contrats d’achat et de vente de marchandises pour le compte de tiers et de prestation de services, également sur l’internet (compris dans la classe 35) ».

17      Le 31 mai 2016, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 60 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 68 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

18      Par décision du 29 mars 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a, en substance, annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté l’opposition dans son intégralité.

19      Aux points 17 et 18 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, puisque l’acte d’opposition contenait une représentation de la marque en couleur, l’opposition était recevable au titre du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [remplacé par le règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], en particulier de la règle 15, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 2868/95 [devenue article 2, paragraphe 2, sous f), du règlement délégué 2018/625].

20      S’agissant du respect des dispositions de la règle 19, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 (devenue article 7, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625), la chambre de recours a rappelé, d’une part, au point 19 de la décision attaquée, que, au cours du délai fixé par l’EUIPO pour étayer l’opposition aux termes de la règle 19, paragraphe 1, de ce règlement (devenue article 7, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625), l’opposante devait produire la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de sa marque antérieure et, d’autre part, au point 20 de ladite décision, que la production de documents officiels pour prouver l’existence et la validité des droits antérieurs n’était pas une question de recevabilité, mais visait à fonder l’opposition.

21      La chambre de recours a ajouté, au point 21 de la décision attaquée, que, conformément à la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 2868/95 [devenue article 7, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement délégué 2018/625], l’opposante devait, en ce qui concerne les marques antérieures autres qu’une marque de l’Union européenne, fournir une copie du certificat d’enregistrement correspondant ou tout autre document équivalent émanant de l’administration ayant procédé à l’enregistrement de ladite marque et, au point 22 de ladite décision, que cette obligation comprenait celle de fournir une représentation de la marque telle qu’enregistrée, ce qui incluait l’obligation de fournir une représentation en couleur si la marque était enregistrée en couleur.

22      La chambre de recours a relevé, au point 24 de la décision attaquée, que, le 22 septembre 2014, la requérante avait présenté une copie en noir et blanc du certificat d’enregistrement de la marque antérieure. Si ce document indiquait que les couleurs protégées étaient le « bleu, orange et blanc », il n’était pas précisé la répartition des couleurs. La chambre de recours a ajouté que, si la représentation de la marque présentée le 10 décembre 2015 montrait la marque en couleur, en revanche, elle ne comportait aucune référence, ni aucune indication de la source dont elle émanait. La chambre de recours en a tiré la conclusion, au point 25 de la décision attaquée, qu’aucun des deux documents ne satisfaisait aux exigences de la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 2868/95, en sorte que l’opposition devait être rejetée conformément à la règle 20, paragraphe 1, de ce même règlement.

23      La chambre de recours a précisé, au point 26 de la décision attaquée, que ces constatations ne pouvaient être mises en cause par le fait que l’intervenante avait contesté à tort les faits, preuves et observations sur le fondement de la règle 15, paragraphe 2, sous e), du règlement no 2868/95. En effet, selon le point 27 de la décision attaquée, les preuves de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de la marque antérieure qui doivent être produites au cours de la procédure d’opposition sont énumérées à la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), dudit règlement, disposition que la requérante était censée connaître avant même d’introduire son opposition. La communication du 29 août 2014 et la note informative jointe informaient la requérante de l’obligation de présenter, en tant que preuve de l’existence du droit antérieur, le certificat d’enregistrement ou le document officiel équivalent à présenter en tant que preuve de l’existence du droit antérieur qui devait inclure une représentation de la marque telle qu’enregistrée, c’est-à-dire en couleur le cas échéant.

24      S’agissant de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure au regard des services pour lesquels elle était enregistrée, la chambre de recours a considéré, au point 29 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas apporté cette preuve. La chambre de recours a relevé que la traduction anglaise du certificat d’enregistrement ne faisait pas mention de la « livraison de produits pour des tiers », contrairement à ce qu’avait considéré la division d’opposition, en sorte que, même si la preuve de la marque antérieure avait été apportée, la liste des services faisait uniquement mention de « services d’achats pour des tiers ». Or, la chambre de recours a rappelé, au point 33 de la décision attaquée, que l’usage sérieux de la marque antérieure devait être démontré « pour les produits ou les services pour lesquels elle [était] enregistrée et sur lesquels l’opposition [était] fondée ». Ainsi, l’appréciation ne pouvait se fonder que sur les services suivants au regard desquels la chambre de recours a considéré que l’usage sérieux n’avait pas été prouvé : « Agences d’import-export, gestion des affaires commerciales ; agences d’information commerciales ; études de marché ; investigations pour affaires ; prévisions économiques ; services de conseils en gestion des affaires commerciales ; conseils en organisation de l’entreprise ; organisation d’expositions à des fins commerciales ou publicitaire ; organisation de foires commerciales à des fins commerciales ou publicitaire ; services d’achat pour des tiers [achats de produits ou services pour d’autres entreprises] ; renseignements d’affaires ; estimation en matière commerciale ; décoration de vitrines ; démonstration de produits ; promotion de produits ; aide à la direction des entreprises commerciales ou industrielles ; recherches pour affaires ; aide à la direction d’entreprises ; mise à jour de matériel publicitaire ; diffusion de publicités ; distribution d’échantillons ; affichage ; services en matière de publicité extérieure ; publicité par correspondance ; agences publicitaires ; gérance commerciale d’hôtels ».

 Conclusions des parties

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la défenderesse aux dépens.

26      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

27      La requérante invoque quatre moyens au soutien de son recours. Le premier moyen est tiré de la violation de la règle 19 du règlement no 2868/95, tel que modifié par le règlement (CE) no 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005 (JO2005, L 172, p. 4), et du principe de sécurité juridique, le deuxième moyen est tiré d’une contradiction des motifs, le troisième moyen est tiré de la violation des droits de la défense et du principe du contradictoire et le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 et de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement no 2868/95 (devenue article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2018/625).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de la règle 19 du règlement no 2868/95 et du principe de sécurité juridique

28      La requérante invoque une violation de la règle 19 du règlement no 2868/95 et du principe de sécurité juridique, en ce que la chambre de recours a rejeté comme étant non fondée l’opposition qu’elle avait introduite à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, au motif qu’elle n’aurait pas apporté la preuve de l’existence de la marque antérieure requise au titre de la règle 19 du règlement no 2868/95, qui supposerait la production d’une représentation de la marque telle qu’elle a été enregistrée, à savoir, le cas échéant, la représentation de la marque en couleur. Or, selon la requérante, la règle 19 dudit règlement se borne à exiger « une copie du certificat d’enregistrement correspondant », sans préciser, ainsi que l’exige la règle 15 de ce même règlement, que, lorsque la marque enregistrée est une marque de couleur, l’opposante doive également verser une représentation de la marque telle qu’enregistrée, c’est-à-dire en couleur. La chambre de recours aurait donc ajouté une exigence qui ne serait pas expressément prévue par la règle 19 du règlement no 2868/95.

29      À cet égard, il convient de rappeler que la procédure d’opposition est régie par les règles 15 à 22 du règlement no 2868/95 (devenues articles 2 à 10 du règlement délégué 2018/625), et, s’agissant des conditions de représentation de la marque antérieure, des règles 15 et 19.

30      Premièrement, la règle 15, paragraphe 2, sous e), dudit règlement prévoit que l’acte d’opposition doit comporter « une représentation de la marque antérieure telle qu’elle est enregistrée ou demandée ; si la marque antérieure est en couleur, la représentation doit elle aussi être en couleur ».

31      Deuxièmement, la règle 19 du règlement no 2868/95 prévoit ce qui suit :

« 1.      L’[EUIPO] donne à l’opposant l’opportunité de présenter les faits, preuves et observations à l’appui de son opposition ou de compléter les faits, preuves et observations d’ores et déjà présentés conformément à la règle 15, paragraphe 3, dans un délai fixé par lui et qui doit être de deux mois au moins à partir de la date d’ouverture présumée de la procédure d’opposition conformément à la règle 18, paragraphe 1.

2.      Au cours du délai visé au paragraphe 1, l’opposant produit également la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de sa marque antérieure ou de son droit antérieur, ainsi que des éléments de preuve de son habilitation à former opposition. L’opposant produit notamment les preuves suivantes :

a)      si l’opposition est fondée sur l’existence d’une marque autre qu’une marque [de l’Union européenne], la preuve de son dépôt ou son enregistrement, en produisant :

[…]

ii)      si la marque est enregistrée, une copie du certificat d’enregistrement correspondant et, le cas échéant, du dernier certificat de renouvellement, attestant que le délai de protection de la marque dépasse le délai visé au paragraphe 1 et de toute extension de celui-ci, ou tout autre document équivalent émanant de l’administration auprès de laquelle la demande de marque a été déposée ;

[…]

3.      Les informations et les preuves visées aux paragraphes 1 et 2 sont présentées dans la langue de procédure ou accompagnées d’une traduction. La traduction est produite dans le délai fixé pour la production du document original.

4.      L’[EUIPO] ne prend pas en considération les observations écrites ou documents ou parties de ceux-ci qui ne sont pas présentés ou ne sont pas traduits dans la langue de procédure, dans le délai imparti par l’[EUIPO]. »

32      Aux termes de la règle 20, paragraphe 1, du règlement no 2868/95 (devenue article 8, paragraphes 1 et 7, du règlement délégué 2018/625), « [s]i, avant l’expiration du délai visé à la règle 19, paragraphe 1, l’opposant ne prouve pas l’existence, la validité et l’étendue de la protection de sa marque antérieure ou de son droit antérieur, ainsi que l’habilitation à former opposition, l’opposition est rejetée comme non fondée ».

33      La chambre de recours a entériné la décision de la division d’opposition en considérant que, conformément à la règle 15, paragraphe 2, sous e), du règlement no 2868/95, l’acte d’opposition contenait une représentation de la marque antérieure en couleur, en sorte que l’opposition était recevable (points 17 et 18 de la décision attaquée).

34      Selon la chambre de recours, conformément à la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 2868/95, il appartenait à la requérante de fournir une copie du certificat d’enregistrement correspondant ou tout autre document équivalent, ce qui incluait l’obligation de fournir une représentation en couleur si la marque enregistrée était en couleur (points 21 et 22 de la décision attaquée).

35      La chambre de recours a constaté, au point 24 de la décision attaquée, d’une part, que, par sa communication du 22 septembre 2014, la requérante avait présenté une copie en noir et blanc du certificat d’enregistrement de la marque antérieure et que ce document indiquait que les couleurs protégées étaient le bleu, l’orange et le blanc, sans préciser à quelle partie de la marque ces couleurs se rapportaient et, d’autre part, que la représentation de la marque présentée le 10 décembre 2015 montrait la marque en couleur, mais ne comportait aucune référence, ni aucune indication de la source dont elle émanait.

36      La chambre de recours a déduit de ces constatations qu’aucun de ces deux documents ne satisfaisait aux exigences de la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 2868/95, dès lors que le certificat d’enregistrement ne montrait pas la marque en couleur et que la représentation en couleur n’indiquait pas la source dont elle émanait, en sorte qu’elle a rejeté l’opposition.

37      Il convient de rappeler qu’il a déjà été jugé qu’il y a lieu d’interpréter la règle 19, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 en ce sens que la possibilité de fournir un document équivalent ne concerne pas seulement le certificat de renouvellement, mais tant le certificat d’enregistrement que le certificat de renouvellement. En effet, l’exigence de produire le certificat d’enregistrement n’est pas une fin en soi, mais vise à permettre à l’EUIPO de disposer d’une preuve fiable de l’existence de la marque sur laquelle l’opposition est fondée. Il convient également de rappeler que la première phrase de la règle 19, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 prévoit que l’opposant doit fournir la « preuve » de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de sa marque antérieure et que la deuxième phrase de la règle 19, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 constitue seulement une précision quant aux éléments qui doivent être fournis afin d’apporter cette « preuve ». Une interprétation téléologique de la règle 19, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 permet donc de conclure que, en définitive, l’essentiel est que l’EUIPO dispose d’une « preuve » fiable de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection d’une marque antérieure sur laquelle une opposition est fondée [arrêt du 5 février 2016, Kicktipp/OHMI – Italiana Calzature (kicktipp), T‑135/14, EU:T:2016:69, point 62].

38      En outre, la production d’un document, provenant de l’autorité compétente et contenant les mêmes informations que celles figurant dans un certificat d’enregistrement, satisfait à cette exigence. Il ne saurait être exigé d’un opposant qu’il produise un certificat d’enregistrement, lorsqu’il produit un document émanant de la même autorité, qui est donc aussi fiable qu’un certificat d’enregistrement, et qui contient toutes les informations nécessaires (arrêt du 5 février 2016, kicktipp, T‑135/14, EU:T:2016:69, point 63).

39      Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que les exigences légales concernant la production des faits, des preuves et des observations ainsi que les pièces justificatives à l’appui de l’opposition ne constituent pas des conditions de recevabilité de l’opposition, mais des conditions relevant de l’examen du fond de celle-ci [arrêt du 13 juin 2002, Chef Revival USA/OHMI – Massagué Marín (Chef), T‑232/00, EU:T:2002:157, point 37].

40      Contrairement à ce que prétend la requérante, la règle 19 du règlement no 2868/95, en exigeant la transmission de la « copie » du certificat dont il est fait état, ne peut viser qu’une copie qui soit identique en tous points à l’original détenu par le titulaire de la marque, en sorte que la copie doit être totalement fidèle à l’original et comporter ainsi les mêmes couleurs que l’original, sans modification ni altération.

41      C’est à cette condition que l’intervenante et l’EUIPO pouvaient être précisément à même de vérifier la matérialité et l’étendue de la protection dont bénéficiait la marque antérieure. En l’occurrence, il y a lieu de constater que trois représentations différentes de la marque antérieure ont été déposées devant l’EUIPO. Une première, déposée le 31 juillet 2014, comportant les couleurs orange, bleue et blanche, une deuxième, déposée le 22 septembre 2014, en noir et blanc et une troisième, déposée le 10 décembre 2015, comportant les couleurs noire, rouge et blanche.

42      Ainsi que l’a indiqué à juste titre l’EUIPO, l’exigence de preuve au titre de la règle 19, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 concerne la production d’un document officiel permettant de démontrer que la marque est effectivement enregistrée et, le cas échéant, montrant la forme sous laquelle elle est enregistrée. Cette exigence de preuve se distingue des conditions de recevabilité de l’opposition.

43      Ainsi, aux fins de la recevabilité, il est suffisant que l’acte d’opposition contienne une représentation, le cas échéant en couleur, de la marque antérieure, quelle qu’en soit sa source, permettant de l’identifier clairement et avec la fiabilité nécessaire. Ces exigences sont distinctes de celles applicables à la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de la marque antérieure, dans le cadre de laquelle la conformité du document transmis en copie doit être totale et incontestable avec le certificat d’enregistrement ou avec le document officiel prouvant que la marque est effectivement enregistrée et sous quelle forme.

44      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, la production d’une copie d’un certificat d’enregistrement qui soit en tous points conforme à l’original à partir duquel il a été copié répond non pas à un but d’identification, comme dans le cadre de l’acte d’opposition, mais à celui de démonstration de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de la marque antérieure telle qu’enregistrée.

45      En ce que la requérante prétend qu’une copie en noir et blanc du certificat d’enregistrement, complétée par un fichier PDF illustrant la marque antérieure et par le formulaire d’opposition dûment renseigné en couleur, serait parfaitement fiable, il y a lieu de relever que la règle 19 du règlement no 2868/95 prévoit expressément l’envoi d’une « copie » du certificat d’enregistrement, ce qui suppose précisément que cette copie soit en tous points identiques audit certificat, y compris bien évidemment en ce qui concerne les couleurs revendiquées par la marque antérieure, permettant ainsi de répondre à l’exigence d’une « preuve fiable » de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection d’une marque antérieure, telle que le Tribunal l’a reconnu au point 62 de l’arrêt du 5 février 2016, kicktipp (T‑135/14, EU:T:2016:69).

46      À défaut, il existerait une différence dans la représentation de la marque antérieure, l’une en noir et blanc et l’autre en couleur, sans que l’EUIPO puisse établir laquelle de ces représentations bénéficie d’une protection au titre du règlement no 207/2009.

47      À cet égard, il convient de rappeler que, dans sa communication du 29 août 2014 demandant à la requérante d’apporter la preuve de sa marque antérieure, il était expressément précisé, dans la note informative qui était jointe, que le certificat d’enregistrement ou tout autre document officiel équivalent à présenter en tant que preuve de l’existence du droit antérieur devait inclure une représentation de la marque telle qu’enregistrée, c’est-à-dire en couleur le cas échéant.

48      En outre, il convient, en tout état de cause, de constater que les différentes variations de représentations de la marque antérieure (en orange, bleu et blanc le 31 juillet 2014, en noir et blanc le 22 septembre 2014 et en rouge, noir et blanc le 10 décembre 2015) ne répondent certainement pas à la condition de précision et de fiabilité qui est inhérente à la règle 19 du règlement no 2868/95 et ne permettent donc pas de considérer que l’EUIPO dispose d’une preuve fiable de l’existence de la marque sur laquelle l’opposition est fondée et d’établir qu’elle est la marque antérieure dont l’EUIPO doit vérifier la matérialité et l’étendue de la protection.

49      Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, la formulation de la règle 19 du règlement no 2868/95 n’autorise nullement une certaine souplesse pas plus qu’il ne saurait être considéré que la chambre de recours aurait fait preuve d’un formalisme excessif.

50      À cet égard, il convient de relever qu’il a déjà été jugé que, lorsqu’une opposition est fondée sur une marque nationale antérieure enregistrée, il est constant que les preuves de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de cette marque, qui doivent être produites au cours de la procédure d’opposition, sont énumérées, de manière précise et exhaustive, à la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), et à la règle 19, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 (devenue article 7, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625), en sorte qu’une opposante est en mesure de connaître, avant même d’introduire son opposition, les documents précis qu’elle doit produire pour l’appuyer. Dès lors, la chambre de recours doit, dans ces conditions, exercer son pouvoir d’appréciation de manière restrictive [arrêt du 28 septembre 2016, Pinto Eliseu Baptista Lopes Canhoto/EUIPO – University College London (CITRUS SATURDAY), T‑400/15, non publié, EU:T:2016:569, point 31 ; voir également, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Rintisch/OHMI, C‑122/12 P, EU:C:2013:628, point 40].

51      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les directives de l’EUIPO, en particulier son point 4.2.3.5, permettraient la possibilité de présenter un document non officiel présentant une marque en couleur, accompagné d’un certificat d’enregistrement, en noir et blanc, de la même marque, il convient de rappeler que, ainsi que l’a fait valoir à juste titre l’EUIPO, dans certains États membres (République de Chypre et République de Lettonie), les marques nationales ne sont pas publiées en couleur pour des raisons uniquement techniques et, dans d’autres États membres, les publications en couleur n’existent que depuis peu de temps.

52      Or, lesdites directives, dans leur version du 1er février 2017, prévoient qu’un document officiel est présenté avec la représentation de la marque en couleur, conjointement avec une revendication des couleurs et une indication des couleurs, toutes deux étant traduites dans la langue de la procédure. Ces directives précisent, d’une part, que, « [l]orsque l’office national des marques ne fournit pas une revendication détaillée des couleurs identifiant ces dernières et mentionne à la place “revendication des couleurs” (ou une formulation similaire), cela n’est recevable que si cette saisie est traduite dans la langue de procédure » et, d’autre part, que, « [l]orsque l’office national (par exemple l’office portugais des marques) ne fournit aucune indication d’une revendication de couleurs dans son certificat ou extrait officiel, d’autres documents doivent être soumis afin de prouver cette revendication (par exemple une copie de la publication de la marque dans le bulletin) ».

53      Force est donc de constater que la possibilité offerte par les directives de l’EUIPO de fournir d’autres documents au soutien d’une revendication d’une marque en couleur n’est applicable qu’à l’égard des marques qui sont enregistrées dans des États dans lesquels le certificat ne permet pas de fournir de représentation de la marque enregistrée en couleur. Or, la requérante n’a nullement prétendu que, en Bulgarie, l’office national n’était pas en mesure de fournir de représentation desdites marques enregistrées en couleur.

54      Ainsi, en exigeant que la preuve des droits antérieurs soit apportée par une « copie du certificat d’enregistrement », la règle 19 du règlement no 2868/95 exige nécessairement, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, qu’il s’agisse de la reproduction exacte de l’original.

55      Cette interprétation est, en outre, confortée par la jurisprudence.

56      Ainsi, au point 51 de l’arrêt du 20 juillet 2017, Mediaexpert/EUIPO – Mediaexpert (mediaexpert) (T‑780/16, non publié, EU:T:2017:538), le Tribunal a jugé, parmi les raisons justifiant le rejet de la demande en nullité en raison de l’absence de traduction intégrale du certificat d’enregistrement de la marque antérieure, notamment, même si cette constatation a été faite à titre surabondant dans ledit arrêt, que la représentation de la marque antérieure soumise par la requérante était en noir et blanc, en sorte qu’elle ne correspondait pas à la marque antérieure telle qu’elle figurait, en couleur, dans le registre en ligne de l’Office des brevets polonais.

57      Il s’ensuit qu’il doit être constaté que, l’EUIPO n’étant pas compétent pour la gestion des enregistrements nationaux et n’étant pas l’administration auprès de laquelle la demande de marque a été déposée, au sens de la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 2868/95, les documents produits par la requérante ne constituaient pas, au sens de cette disposition, une preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de la marque antérieure [voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2014, Aldi Einkauf/OHMI – Alifoods (Alifoods), T‑240/13, EU:T:2014:994, point 28].

58      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une contradiction des motifs

59      Selon la requérante, il existe une contradiction des motifs, en ce que la chambre de recours a indiqué, au point 22 de la décision attaquée, que la preuve de l’existence de la marque antérieure comprenait l’obligation de fournir une représentation de la marque antérieure telle qu’enregistrée, ce qui incluait l’obligation de fournir une représentation en couleur, alors même que, à supposer que cette constatation soit correcte, une représentation en couleur avait précisément été jointe par la requérante à son formulaire d’opposition, ce que la chambre de recours a d’ailleurs constaté au point 18 de la décision attaquée et ce qui avait, par conséquent, permis de déclarer le recours recevable au titre de la règle 15, paragraphe 2, sous e), du règlement no 2868/95. Cette contradiction entacherait donc la décision attaquée d’un défaut de motivation.

60      Force est de constater que ce moyen procède d’une lecture erronée de la décision attaquée par la requérante.

61      En effet, le point 18 de la décision attaquée concerne la seule question de la recevabilité de l’opposition au regard de la règle 15, paragraphe 2, sous e), du règlement no 2868/95.

62      À cet égard, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que l’acte d’opposition comportait une représentation de la marque antérieure en couleur. La chambre de recours a pu tirer de cette constatation que l’opposition était recevable, dès lors qu’elle était conforme aux règles 15 à 17 du règlement no 2868/95.

63      En revanche, les points 19 à 28 de la décision attaquée ne concernent nullement la question de la recevabilité de l’opposition, mais la question de fond, à savoir la preuve par la requérante de son droit antérieur.

64      Or, il a déjà été jugé, d’une part, que le non-respect des conditions énoncées à la règle 15 du règlement no 2868/95 entraîne le rejet de l’opposition pour irrecevabilité et, d’autre part, que les exigences légales concernant la production des faits, des preuves et des observations ainsi que des pièces justificatives à l’appui de l’opposition, et leur traduction dans la langue de procédure de l’opposition, ne constituent pas des conditions de recevabilité de l’opposition, mais des conditions relevant de l’examen au fond de celle-ci [voir arrêt du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sánchez et Ricote Saugar (BoomerangTV), T‑420/03, EU:T:2008:203, points 65 et 66 et jurisprudence citée].

65      C’est donc sans contradiction de motifs que la chambre de recours a considéré, au point 18 de la décision attaquée, que l’opposition était recevable au titre de la règle 15 du règlement no 2868/95, dès lors que l’acte d’opposition comportait une représentation en couleur de la marque antérieure, et a, par ailleurs, estimé, au point 25 de la décision attaquée, quant à la preuve du droit antérieur, que la requérante n’avait pas apporté cette preuve, dès lors qu’elle n’avait pas déposé la copie du certificat d’enregistrement identique à l’original, à savoir en couleur, conformément aux prescriptions de la règle 19 du règlement no 2868/95.

66      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du principe du contradictoire

67      La requérante fait, en substance, grief à la chambre de recours d’avoir soulevé d’office l’absence de preuve de l’existence de la marque antérieure et d’avoir annulé, sur ce fondement, la décision de la division d’opposition, sans l’avoir entendue.

68      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 39 ci-dessus, les exigences légales concernant la production des faits, des preuves et des observations ainsi que des pièces justificatives à l’appui de l’opposition, et leur traduction dans la langue de procédure de l’opposition, ne constituent pas des conditions de recevabilité de l’opposition, mais des conditions relevant de l’examen au fond de celle-ci. Dès lors, la division d’opposition n’est pas tenue de signaler à l’opposant l’irrégularité consistant en son omission de produire de tels éléments à l’appui de l’opposition ou leur traduction dans la langue de procédure de l’opposition [arrêts du 13 juin 2002, Chef, T‑232/00, EU:T:2002:157, point 53 ; du 30 juin 2004, GE Betz/OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE), T‑107/02, EU:T:2004:196, point 70, et du 17 juin 2008, BoomerangTV, T‑420/03, EU:T:2008:203, point 66].

69      Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 50 ci-dessus, lorsqu’une opposition est fondée sur une marque nationale antérieure enregistrée, il est constant que les preuves de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de cette marque, qui doivent être produites au cours de la procédure d’opposition, sont énumérées, de manière précise et exhaustive, à la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), et à la règle 19, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, en sorte qu’une opposante est en mesure de connaître, avant même d’introduire son opposition, les documents précis qu’elle doit produire pour l’appuyer. Dès lors, la chambre de recours doit, dans ces conditions, exercer son pouvoir d’appréciation de manière restrictive et ne peut admettre la production tardive de tels documents que si les circonstances qui l’entourent sont susceptibles de justifier le retard occasionné dans l’administration de la preuve (arrêt du 28 septembre 2016, CITRUS SATURDAY, T‑400/15, non publié, EU:T:2016:569, point 31 ; voir également, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Rintisch/OHMI, C‑122/12 P, EU:C:2013:628, point 40).

70      En premier lieu, il convient de constater que, dans sa note informative jointe à sa communication du 29 août 2014, l’EUIPO a informé la requérante du fait que le certificat d’enregistrement ou un document officiel équivalent devait être présenté en tant que preuve de l’existence de ce droit antérieur et que ce document devait inclure une représentation de la marque telle qu’enregistrée, c’est-à-dire en couleur le cas échéant.

71      En deuxième lieu, dans son mémoire du 21 août 2015, donc antérieur à la décision de la division d’opposition, l’intervenante soutenait que la requérante n’avait nullement prouvé l’existence de ses droits antérieurs dans la mesure où, alors que, initialement, à savoir dans l’acte d’opposition, elle avait envoyé une représentation en couleur de la marque antérieure, elle avait uniquement joint, aux fins de démontrer l’existence de son droit antérieur, une copie en noir et blanc de la marque antérieure. L’intervenante réitérait le grief selon lequel la requérante n’avait pas prouvé l’existence de son droit antérieur dans son recours du 24 août 2016 devant la chambre de recours à l’encontre de la décision de la division d’opposition. Même si l’intervenante renvoyait à la règle 15 du règlement no 2868/95, elle invoquait néanmoins précisément une absence de preuve par la requérante de ses droits antérieurs, en sorte qu’il ne saurait être valablement soutenu que la chambre de recours aurait soulevé d’office cette question.

72      En troisième lieu, avertie du fait que l’intervenante lui reprochait l’absence de transmission de la copie du certificat d’enregistrement, la requérante a transmis, dans le cadre de son mémoire du 10 décembre 2015 devant la division d’opposition, non pas ladite copie, mais une nouvelle représentation de la marque antérieure dans les couleurs rouge, blanche et noire. La requérante n’a pas non plus transmis la copie dudit certificat d’enregistrement dans son mémoire du 21 octobre 2016 déposé devant la chambre de recours.

73      Eu égard à ces éléments et en tout état de cause, la chambre de recours devait donc examiner la question de la preuve de l’existence des droits antérieurs, nonobstant le fait que l’intervenante se référait à la règle 15 et non à la règle 19, et ce sans devoir préalablement en informer la requérante.

74      En effet, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 68 et 69, la chambre de recours n’est habilitée ni à fournir des indications concernant la production des éléments de preuve ni à aider un opposant à établir les faits, preuves ou arguments qu’il doit présenter pour démontrer l’existence de son droit antérieur.

75      Par ailleurs, eu égard aux circonstances dans lesquelles l’intervenante contestait les conditions de représentation de la marque antérieure, la requérante avait tout loisir de transmettre toutes les preuves qu’elle souhaitait, et en particulier le certificat d’enregistrement ou un autre document officiel équivalent.

76      Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 et de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement no 2868/95

77      La chambre de recours a considéré, au point 32 de la décision attaquée, que, même si la preuve de la marque antérieure avait été dûment apportée conformément à la règle 19, paragraphe 2, du règlement no 2868/95, l’opposition devrait être rejetée pour un autre motif, à savoir le fait que la requérante n’avait pas démontré l’usage sérieux de la marque antérieure pour les produits et les services pour lesquels ladite marque avait été enregistrée et l’opposition avait été fondée.

78      Il ressort de la décision attaquée que l’examen de l’usage sérieux a été effectué en tant que second motif pour lequel l’opposition devait être rejetée, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de l’emploi du terme « en outre » au début du point 29 de la décision attaquée. La requérante relève également que la question de l’usage sérieux a été examinée à titre surabondant par la chambre de recours, laquelle a considéré que, à supposer même que la preuve de la marque antérieure eût été apportée, l’usage sérieux de cette dernière ne l’aurait, en tout état de cause, pas été.

79      Il ressort de l’examen des premier à troisième moyens que la chambre de recours n’a commis aucune erreur en considérant que la preuve de la marque antérieure n’avait pas été apportée, en sorte que l’opposition devait être rejetée. Il s’ensuit que, la preuve de la marque antérieure n’ayant pas été apportée, il n’y a pas lieu d’examiner le quatrième moyen selon lequel la marque antérieure aurait été utilisée pour les produits et services pour lesquels l’enregistrement avait été octroyé, dès lors qu’il est inopérant.

80      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Aldo Supermarkets est condamnée aux dépens.

Collins

Barents

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.