Language of document : ECLI:EU:C:2018:377

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 31 mai 2018 (1)

Affaires jointes C54/17 et C55/17

Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato

contre

Wind Tre SpA, anciennement Wind Telecomunicazioni SpA,

et

Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato

contre

Vodafone Italia SpA, anciennement Vodafone Omnitel NV,

en présence de :

Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni,

Altroconsumo,

Vito Rizzo,

Telecom Italia SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Pratiques commerciales déloyales – Pratiques commerciales agressives – Fourniture non demandée – Directive 2005/29/CE – Article 3, paragraphe 4 – Domaine d’application – Services de télécommunications – Directive 2002/21/CE – Directive 2002/22/CE – Préactivation de services sur une carte SIM sans en informer le consommateur »






1.        Le droit de l’Union dispose d’un système général de protection des consommateurs face aux pratiques commerciales déloyales des entreprises, consacré dans la directive 2005/29/CE (2), ainsi que d’autres instruments normatifs sectoriels veillant aux intérêts desdits consommateurs dans des secteurs spécifiques du marché.

2.        L’un des instruments sectoriels est la directive 2002/22/CE (3) qui protège les droits des utilisateurs des services de télécommunications. Son articulation avec le cadre général (4) de protection du consommateur n’est pas sans difficultés. Pour les résoudre, la règle établie par la directive 2005/29 consiste en ce que ses dispositions ne s’appliquent pas en cas de conflit avec d’autres dispositions du droit de l’Union régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales.

3.        Dans les litiges ayant conduit aux présents renvois préjudiciels, il y a lieu de déterminer quel est le régime réglementaire régissant la commercialisation de téléphones mobiles dont les cartes SIM (5) contenaient des facilités ou des services préinstallés qui n’avaient pas été portés à la connaissance des consommateurs au moment de la vente.

4.        La juridiction de renvoi demande, dans ce contexte et en résumé, a) si ce comportement constitue, au regard de la directive 2005/29, une « fourniture non demandée » ou une « pratique commerciale agressive », b) si, en application de l’article 3, paragraphe 4, de la directive précitée, les conditions pour faire primer l’application d’autres règles du droit de l’Union sont réunies et c) si ces dernières peuvent être constituées par les dispositions nationales adoptées dans le cadre de la marge d’appréciation que le droit de l’Union confère aux États membres.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      La directive 2005/29

5.        Conformément à l’article 2 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

d)      “pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs” (ci‑après également dénommées “pratiques commerciales”) : toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs ;

[…]

j)      “influence injustifiée” : l’utilisation d’une position de force vis-à-vis du consommateur de manière à faire pression sur celui‑ci, même sans avoir recours à la force physique ou menacer de le faire, de telle manière que son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause soit limitée de manière significative ;

[…] »

6.        L’article 3 dispose :

« 1.      La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit.

[…]

4.      En cas de conflit entre les dispositions de la présente directive et d’autres règles communautaires régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques.

[…] »

7.        Aux termes de l’article 5 :

« 1.      Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

2.      Une pratique commerciale est déloyale si :

a)      elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,

et

b)      elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.

[…]

4.      En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont :

a)      trompeuses au sens des articles 6 et 7,

ou

b)      agressives au sens des articles 8 et 9.

5.      L’annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. Cette liste unique s’applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu’au travers d’une révision de la présente directive. »

8.        L’article 7, paragraphe 1, prévoit :

« Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. »

9.        Conformément à l’article 8 :

« Une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d’une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard d’un produit, et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. »

10.      L’article 9 indique les éléments devant être pris en considération « [a]fin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée ».

11.      L’annexe I, intitulée « Pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances », décrit, au point 29, la pratique suivante :

« Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de substitution fourni conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/7/CE (fournitures non demandées). »

2.      La directive 2002/21/CE

12.      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2002/21/CE (6) :

« La présente directive crée un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques, des réseaux de communications électroniques et des ressources et services associés. Elle fixe les tâches incombant aux autorités réglementaires nationales et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de [l’Union]. »

13.      L’article 2, sous g), définit la notion d’« autorité réglementaire nationale » comme suit :

« […] l’organisme ou les organismes chargés par un État membre d’une quelconque des tâches de réglementation assignées dans la présente directive et dans les directives particulières » (7).

14.      L’article 3 prévoit :

« 1.      Les États membres veillent à ce que chacune des tâches assignées aux autorités réglementaires nationales dans la présente directive et dans les directives particulières soit accomplie par un organisme compétent.

2.      Les États membres garantissent l’indépendance des autorités réglementaires nationales en faisant en sorte que celles-ci soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes de toutes les organisations assurant la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de communications électroniques. […]

[…]

4.      Les États membres publient les tâches à accomplir par les autorités réglementaires nationales d’une manière aisément accessible, en particulier lorsque ces tâches sont confiées à plusieurs organismes. […]

5.      Les autorités réglementaires nationales et les autorités nationales en matière de concurrence se communiquent les informations nécessaires à l’application des dispositions de la présente directive et des directives particulières. […]

6.      Les États membres notifient à la Commission toutes les autorités réglementaires nationales chargées d’accomplir des tâches en application de la présente directive et des directives particulières, ainsi que leurs responsabilités respectives. »

3.      La directive 2002/22

15.      Conformément à l’article 1er :

« 1.      Dans le cadre de la directive 2002/21/CE […], la présente directive a trait à la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques aux utilisateurs finals. Elle vise à assurer la disponibilité, dans toute [l’Union], de services de bonne qualité accessibles au public grâce à une concurrence et à un choix effectifs et à traiter les cas où les besoins des utilisateurs finals ne sont pas correctement satisfaits par le marché. […]

2.      La présente directive établit les droits des utilisateurs finals et les obligations correspondantes des entreprises fournissant des réseaux et des services de communications électroniques accessibles au public. […]

[…]

4.      Les dispositions de la présente directive en ce qui concerne les droits des utilisateurs finals s’appliquent sans préjudice de la réglementation [de l’Union] relative à la protection des consommateurs, en particulier les directives 93/13/CEE [(8)] et 97/7/CE [(9)], ni de la réglementation nationale conforme à la législation [de l’Union] ».

16.      Aux termes de l’article 20 :

« 1.      Les États membres veillent à ce que, lors de la souscription de services fournissant la connexion à un réseau de communications public et/ou de services de communications électroniques accessibles au public, les consommateurs, ainsi que les autres utilisateurs finals qui le demandent, aient droit à un contrat conclu avec une ou plusieurs entreprises fournissant une telle connexion et/ou de tels services. Le contrat précise, sous une forme claire, détaillée et aisément accessible, au moins les éléments suivants :

a)      l’identité et l’adresse de l’entreprise ;

b)      les services fournis […] ;

[…]

d)      le détail des prix et des tarifs pratiqués […] ;

[…] »

17.      L’article 21, paragraphe 1, prévoit :

« Les États membres veillent à ce que les autorités réglementaires nationales soient en mesure d’exiger des entreprises fournissant des réseaux publics de communications électroniques et/ou des services de communications électroniques accessibles au public la publication d’informations transparentes, comparables, adéquates et actualisées concernant les prix et les tarifs pratiqués, les frais dus au moment de la résiliation du contrat ainsi que les conditions générales, en ce qui concerne l’accès aux services fournis par lesdites entreprises aux utilisateurs finals et aux consommateurs et l’utilisation de ces services, conformément à l’annexe II. Ces informations sont publiées sous une forme claire, détaillée et facilement accessible. […] »

B.      Le droit italien : le code de la consommation

18.      Conformément à l’article 19, paragraphe 3, du decreto legislativo n. 206 – Codice del consumo (10) :

« En cas de contradiction, les dispositions figurant dans des directives ou dans d’autres dispositions [de l’Union] et dans les dispositions nationales de transposition qui régissent des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales prévalent sur les dispositions du présent titre et s’appliquent à ces aspects spécifiques. »

19.      L’article 27, paragraphe 1, du code de la consommation prévoit :

« L’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato [(11)] […] exerce les attributions régies par le présent article également en tant qu’autorité compétente pour la mise en œuvre du règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 2004, relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs [(12)], dans les limites des dispositions légales. »

20.      Aux termes de l’article 27, paragraphe 1 bis, du code de la consommation :

« Même dans les secteurs réglementés, […] la compétence pour intervenir à l’encontre des comportements des professionnels qui constituent une pratique commerciale déloyale […] incombe, à titre exclusif, à l’[AGCM], qui l’exerce sur la base des pouvoirs prévus au présent article, après avoir obtenu l’avis de l’autorité réglementaire compétente […] »

21.      La section III (« Droits de l’utilisateur final ») du decreto legislativo n. 259 – Codice delle comunicazioni elettroniche (13) contient une série de dispositions visant à la protection des consommateurs dans le secteur spécifique des communications, les pouvoirs réglementaire et de sanction correspondants ayant été confiés à l’Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni (14).

II.    Les faits

22.      L’AGCM a infligé des amendes aux sociétés Wind Telecomunicazioni (actuellement Wind Tre) et Vodafone Omnitel (actuellement Vodafone Italia) pour pratique commerciale agressive consistant dans la commercialisation de cartes SIM contenant des services préinstallés (15) qui n’avaient pas été portés à la connaissance des consommateurs.

23.      Le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), devant lequel les deux sociétés ont attaqué la décision de l’AGCM, a fait droit aux recours au motif que cette autorité n’était pas compétente pour punir un comportement (la fourniture de services non demandée) relevant des pouvoirs de sanction de l’AGCom.

24.      L’AGCM a interjeté appel du jugement de première instance devant la sixième chambre du Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), qui a sursis à statuer pour consulter son assemblée plénière sur ce point.

25.      Par décision du 9 février 2016, l’assemblée plénière du Consiglio di Stato (Conseil d’État) a jugé que l’AGCM était compétente. En substance, elle a considéré ce qui suit :

–        le comportement litigieux constituait une « pratique commerciale agressive en toutes circonstances » au sens de l’article 26 du code de la consommation ;

–        même si cette pratique impliquait également le manquement à des obligations imposées par des règles sectorielles (telles que le décret législatif no 259 du 1er août 2003), il s’agissait d’un cas spécifique de progression de conduites dommageables, de sorte que le manquement initial à de simples obligations d’information avait donné lieu à une infraction plus large et plus grave, prévue dans le code de la consommation et pouvant donc être sanctionnée par l’AGCM.

26.      L’assemblée plénière est parvenue à cette conclusion en procédant à une interprétation du principe de spécialité s’écartant de la jurisprudence applicable jusqu’alors. Elle a justifié cet écart en affirmant que cela était imposé par ledit principe, consacré dans la directive 2005/29, dont la Commission européenne avait fait grief du non‑respect dans une procédure d’infraction engagée à l’encontre de la République italienne.

27.      L’affaire étant revenue devant la sixième chambre du Consiglio di Stato (Conseil d’État), cette juridiction a posé à la Cour, dans chacun des deux litiges, les mêmes questions préjudicielles.

III. Les questions préjudicielles

28.      Les questions préjudicielles posées sont les suivantes :

« 1)      Les articles 8 et 9 de la [directive 2005/29] s’opposent-ils à ce que les dispositions nationales de transposition (constituées respectivement par les articles 24 et 25 du code de la consommation) soient interprétées en ce sens que pourrait être qualifié d’“influence injustifiée”, et donc de “pratique commerciale agressive” de nature à altérer “de manière significative” la liberté de choix ou de comportement d’un consommateur moyen, le comportement d’un opérateur de téléphonie consistant en une omission d’information concernant la préinstallation sur la carte SIM de certains services téléphoniques (c’est-à-dire le service de messagerie vocale ou celui de navigation internet), en particulier dans le cas où aucun autre comportement matériel distinct n’est reproché à l’opérateur de téléphonie lui-même ?

2)      Le point 29 de l’annexe I de la directive 2005/29 […] peut-il s’interpréter en ce sens qu’il y a “fourniture non demandée” lorsqu’un opérateur de téléphonie mobile demande à son client de payer des services de messagerie vocale ou de navigation sur internet dans une situation caractérisée par les éléments suivants :

–        lors de la conclusion du contrat de téléphonie mobile, l’opérateur de téléphonie n’aurait pas correctement informé le consommateur de la circonstance que les services de messagerie vocale et de navigation internet sont préinstallés sur la carte SIM, avec la conséquence que lesdits services peuvent être utilisés par le consommateur lui-même sans une opération de réglage à cet effet (setting) ;

–        pour bénéficier effectivement de ces services, le consommateur doit néanmoins accomplir les opérations nécessaires à cet effet (par exemple, composer le numéro de la messagerie vocale ou introduire les commandes qui activent la navigation internet) ;

–        les reproches adressés à l’opérateur ne concernent ni les modalités techniques et opérationnelles de l’utilisation concrète des services par le consommateur ni l’information relative à ces modalités et au prix des services eux-mêmes, mais seulement l’omission de l’information relative à la préinstallation des services sur la carte SIM ?

3)      La finalité de la directive “générale” 2005/29, considérée en tant que “filet de sécurité” pour la protection des consommateurs, ainsi que le considérant 10 et l’article 3, paragraphe 4, de cette même directive, s’opposent-ils à une réglementation nationale qui rattache l’appréciation du respect des obligations spécifiques prévues, pour la protection de l’utilisateur, par la directive sectorielle 2002/22 au champ d’application de la directive générale 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales, en excluant, par voie de conséquence, l’intervention de l’autorité compétente pour réprimer une violation de la directive sectorielle dans tous les cas où cette violation serait également susceptible de constituer une pratique commerciale incorrecte ou déloyale ?

4)      Le principe de spécialité consacré à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 doit-il être compris comme un principe régissant les rapports entre législations (législation générale et législations sectorielles) ou les rapports entre règles (règles générales et règles spéciales), ou encore les rapports entre les autorités indépendantes chargées de la régulation et de la surveillance de leurs domaines respectifs ?

5)      La notion de “conflit” visée à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 peut-elle être considérée comme portant seulement sur les cas d’antinomie radicale entre les dispositions de la réglementation sur les pratiques commerciales déloyales et les autres règles du droit de l’Union régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales ou suffit-il que les règles en question prescrivent un régime s’écartant de la législation sur les pratiques commerciales déloyales et provoquent ainsi un conflit de règles (Normenkollision) dans un cas concret ?

6)      La notion de “règles [de l’Union]” visée à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 porte-t-elle seulement sur les dispositions figurant dans les règlements et dans les directives de l’Union ainsi que sur les règles transposant directement celles-ci, ou inclut-elle également les dispositions législatives et réglementaires de mise en œuvre de principes de droit européen ?

7)      Le principe de spécialité, prévu au considérant 10 et à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29, et les articles 20 et 21 de la directive 2002/22 ainsi que les articles 3 et 4 de la directive 2002/21 s’opposent-ils à ce que les dispositions nationales de transposition soient interprétées en ce sens que, à chaque fois que se produit, dans un secteur réglementé qui connaît un régime sectoriel de droit de la consommation avec attribution de pouvoirs réglementaire et répressif à l’autorité sectorielle, un comportement relevant de la notion de “pratique agressive” au sens des articles 8 et 9 de la directive 2005/29 ou “agressive en toutes circonstances” au sens de l’annexe I de la directive 2005/29, la réglementation générale sur les pratiques déloyales doit toujours trouver application et ce même lorsqu’il existe une réglementation sectorielle exhaustive, adoptée pour protéger les (mêmes) consommateurs et fondée sur des dispositions du droit de l’Union, qui régit les mêmes “pratiques agressives” et “pratiques agressives en toutes circonstances” ou, en tout état de cause, les mêmes “pratiques déloyales” ? »

IV.    La procédure devant la Cour

29.      Les renvois préjudiciels ont été enregistrés au greffe de la Cour le 1er février 2017 et il a été décidé de joindre les deux procédures.

30.      Des observations écrites ont été déposées par Wind Tre, Vodafone Italia, Telecom Italia, le gouvernement italien et la Commission, qui ont également comparu lors de l’audience qui s’est tenue le 8 mars 2018.

V.      Analyse

A.      Considérations préliminaires

31.      Bien qu’aucune des parties ne l’ait mise en doute, je dois rappeler que la qualité de la sixième chambre du Consiglio di Stato (Conseil d’État) pour introduire une demande de décision préjudicielle dans laquelle elle défend une thèse qui ne coïncide pas nécessairement avec celle avancée par l’assemblée plénière de cette juridiction a été reconnue par la Cour (16).

32.      Concernant le fond du litige, toutes les parties s’accordent sur le fait que les sept questions posées par la juridiction de renvoi peuvent être regroupées en deux :

–        la première (les première et deuxième questions) vise à déterminer si, conformément à la directive 2005/29, le comportement des opérateurs de téléphonie peut être qualifié de « fourniture non demandée » ou de « pratique commerciale agressive » ;

–        la seconde (les troisième à septième questions) cherche à préciser si, en application de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29, les dispositions de cette dernière doivent céder devant d’autres règles de l’Union et, le cas échéant, devant des dispositions nationales mettant ces règles en œuvre.

B.      Sur les notions de « pratique commerciale agressive » et de « fourniture non demandée » (les première et deuxième questions)

33.      Il convient tout d’abord d’établir si le comportement litigieux constitue une « pratique commerciale déloyale » interdite par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2005/29 (17).

1.      Résumé des observations des parties

34.      Wind Tre soutient, relativement à la première question, que, eu égard à l’article 2, sous j), et aux articles 8 et 9 de la directive 2005/29, on ne saurait qualifier de « pratique commerciale agressive » ce qui, selon elle, est une simple « omission d’information » quant à la préinstallation de services sur une carte SIM.

35.      Concernant la deuxième question, Wind Tre affirme que le point 29 de l’annexe I de la directive 2005/29 n’est pas applicable, car, pour bénéficier des services, l’utilisateur doit accomplir certaines opérations. En outre, il n’a pas été fait grief de la préinstallation de ces services en tant que telle et le caractère approprié des informations sur l’existence, les modalités et les prix des services eux-mêmes n’est pas non plus contesté.

36.      Vodafone Italia ne considère pas que le simple comportement par omission consistant à commercialiser des cartes SIM contenant des services de base préinstallés dont la consommation n’est facturée qu’au consommateur qui les utilise de manière consciente et volontaire constitue une « pratique commerciale agressive ». Il n’y a pas non plus d’éléments de fait permettant d’attester l’existence de pressions ou d’influences injustifiées.

37.      Telecom Italia soutient, concernant la première question, qu’une « pratique commerciale agressive » implique que le professionnel mette en œuvre des conduites positives autres que de simples actions ou omissions en matière d’information, conduites susceptibles de forcer la volonté du consommateur moyen en l’amenant à prendre des décisions commerciales sans être convaincu qu’elles sont à son avantage. Par conséquent, selon elle, la simple omission par un professionnel d’informations substantielles ne saurait être qualifiée d’« influence injustifiée ».

38.      Relativement à la deuxième question, Telecom Italia affirme que, dans les circonstances de l’espèce, on ne saurait parler de « fourniture non demandée ».

39.      Le gouvernement italien propose d’examiner conjointement les première et deuxième questions et de le faire sur la base de la qualification juridique des faits par l’AGCM. Selon lui, la directive 2005/29 définit de manière suffisamment claire les éléments constitutifs des pratiques commerciales agressives, en les caractérisant non seulement par leur incidence sur la possibilité pour le consommateur d’acquérir les connaissances lui permettant de prendre une décision en connaissance de cause, mais surtout par le fait qu’elles tendent à forcer la volonté de celui‑ci.

40.      Pour le gouvernement italien, les pratiques commerciales agressives requièrent l’existence de conditions fonctionnelles et structurelles. Parmi ces dernières se trouve l’influence injustifiée, au sens de l’article 2, sous j), de la directive 2005/29, qui peut consister dans l’exploitation consciente par la société, à son propre avantage, d’asymétrie d’informations.

41.      Le gouvernement italien considère que l’absence d’information lors de la vente de la carte SIM ne saurait être assimilée à l’omission d’informations visée à l’article 7 de la directive 2005/29 (pratique commerciale trompeuse). Le fait que la société n’ait eu aucun comportement matériel ultérieur est sans pertinence, dans la mesure où, grâce à la préinstallation des services, cela n’est pas nécessaire pour mettre en œuvre la « conduite » qui a été antérieurement définie comme « exploitation de la position de force ».

42.      La Commission reconnaît que, dans la présente affaire, il y a une « fourniture non demandée » au sens du point 29 de l’annexe I de la directive 2005/29. Le comportement reprochable n’est pas tant d’avoir mis à la disposition du consommateur certains services que ce dernier pouvait ou non activer, mais d’avoir préinstallé – c’est-à-dire en pratique d’avoir imposé – ces services au consommateur sans l’avoir informé de manière claire et adéquate.

43.      Sur le fondement de cette prémisse, la Commission considère qu’il est inutile de répondre à la première question. Toutefois, à titre subsidiaire, elle affirme que, pour que le comportement puisse être qualifié de pratique agressive au sens des articles 8 et 9 de la directive 2005/29, il convient de tenir compte non seulement des éléments mentionnés à l’article 9 précité, mais également de tous les facteurs pertinents en l’espèce, tâche qui incombe au juge national.

2.      Appréciation

44.      Inversant l’ordre proposé par la juridiction de renvoi, je crois qu’il convient d’examiner, d’emblée, si le comportement litigieux répond à la notion de « fourniture non demandée ». Si c’était le cas, il serait satisfait à l’une des deux conditions requises pour que ce comportement puisse être qualifié de « déloyal en toutes circonstances », pour employer l’expression de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2005/29, qui renvoie à la liste (noire) des pratiques énumérées à son annexe I. Si, en outre, le fournisseur exigeait illégalement le paiement de ce service, la deuxième condition prévue dans cette liste serait remplie, ce qui rendrait inutile l’examen du point de savoir si ce comportement peut relever d’autres dispositions de la directive 2005/29.

a)      Sur la notion de « fourniture non demandée »

45.      Aux termes du point 29 de l’annexe I de la directive 2005/29, « [e]xiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation […] (fournitures non demandées) » constitue, ainsi que le prévoit l’article 5, paragraphe 5, de cette directive, une pratique commerciale déloyale « en toutes circonstances » (18). Un tel comportement consiste en ce que, alors qu’ils n’ont pas été demandés, le professionnel exige le paiement des produits (ou leur renvoi ou leur conservation, en ce qui concerne les biens) (19).

46.      Conformément au considérant 17 de la directive 2005/29, les pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances ne requièrent pas « une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 [de la directive 2005/29] ».

47.      Ainsi qu’il ressort du libellé de la deuxième question préjudicielle, dans la présente affaire, « l’opérateur de téléphonie n’aurait pas correctement informé le consommateur de la circonstance que les services de messagerie vocale et de navigation internet sont préinstallés sur la carte SIM, avec la conséquence que lesdits services peuvent être utilisés par le consommateur lui-même sans une opération de réglage à cet effet (setting) ». Il y aurait par conséquent eu « fourniture » de deux services (messagerie vocale et internet) auxquels l’utilisateur pouvait par la suite accéder, fourniture qui, pour les raisons déjà indiquées, ne pourrait pas être considérée comme ayant été portée à la « connaissance » du consommateur. La question qui se pose est de savoir si cette seule circonstance en ferait, en outre, une « fourniture non demandée ».

48.      Selon moi, le niveau élevé de protection des consommateurs visé par la directive 2005/29, conformément à son article 1er, plaide en faveur d’une interprétation de la notion de « demande de fourniture » permettant de qualifier de « non demandée » la fourniture relativement à laquelle des informations aussi essentielles que le prix de la prestation (20) et a fortiori celle relative à son existence n’ont pas été données.

49.      La fourniture d’un service ou d’un bien doit être précédée des informations appropriées pour que le consommateur puisse, selon les termes de l’article 7 de la directive 2005/29, « prendre une décision commerciale en connaissance de cause » (21). L’information la plus élémentaire est, de toute évidence, celle relative au bien ou au service que le professionnel doit livrer ou fournir : sa description doit être conforme à ce que le consommateur a demandé ou à ce que le professionnel lui a proposé. En tout état de cause, que le bien ou le service ait été demandé ou proposé, l’objet de l’information doit correspondre à ce que les deux ont convenu.

50.      Du fait de la protection élevée que la directive 2005/29 entend donner aux consommateurs, la possibilité de l’acceptation implicite d’une fourniture relativement à laquelle le consommateur n’a pas été explicitement informé ne peut être admise qu’exceptionnellement.

51.      Dans la présente affaire, les cartes SIM étaient vendues en vue d’être placées dans des téléphones intelligents (smartphones). Par conséquent, un consommateur moyen normalement informé pouvait difficilement ignorer, ainsi que l’indique la juridiction de renvoi, que « composer le numéro de la messagerie vocale ou introduire les commandes qui activent la navigation internet » actionnait les deux services, ce qui suppose, en toute logique, qu’il savait également ou devait savoir que ces services avaient été installés sur le téléphone. Dans la mesure où il ne pouvait ignorer cette circonstance, l’utilisation des deux services par l’utilisateur pourrait être considérée comme l’acceptation implicite de leur fourniture (22).

52.      Toutefois, comme la Commission l’a indiqué (23), certaines applications pour téléphones mobiles peuvent entraîner une consommation automatique de trafic internet sans aucune intervention de la part de l’utilisateur, voire même à son insu (24). Il est certes possible de l’éviter en reconfigurant le téléphone au moyen de l’action dite de « optout », mais cela nécessite des connaissances et des aptitudes qui, me semble-t-il, ne correspondent pas au profil du « consommateur moyen » (25) visé dans la directive 2005/29.

53.      Bien que ce soit à la juridiction de renvoi qu’il appartient de l’établir, à la lumière des faits qu’elle jugera finalement attestés, je considère qu’un consommateur moyen n’a aucune raison de se douter, raisonnablement, que son dispositif électronique est doté d’un service dont il n’a pas été informé de l’existence et pour la désactivation duquel il doit procéder à une opération de reconfiguration qui n’est sans doute pas à sa portée.

54.      Par conséquent, on ne peut en principe pas exclure l’existence, dans la présente affaire, d’une « fourniture [de services] non demandée ».

55.      Toutefois, cela n’est pas suffisant en soi pour que le comportement litigieux puisse être qualifié de « pratique commerciale déloyale » au sens du point 29 de l’annexe I de la directive 2005/29.

56.      En effet, il ne suffit pas que la fourniture en cause n’ait pas été demandée par le consommateur. Il est en outre nécessaire que le professionnel exige le paiement de ce service.

57.      Selon moi, l’exigence du paiement prévue par cette disposition ne peut être qu’une exigence indue, en ce qu’elle tire son origine d’une fourniture non consentie, ce qui est le cas lorsque la fourniture n’a pas même été demandée.

58.      Cela étant, dans la présente affaire, et à nouveau selon les éléments figurant dans la décision de renvoi, il semble que, en tant que tel, le paiement exigé des consommateurs pourrait avoir été consenti, quand bien même la préinstallation des services litigieux, et donc leur fourniture, ne l’aurait pas été. La juridiction de renvoi affirme, à cet égard, que « les reproches adressés à l’opérateur ne concernent ni les modalités techniques et opérationnelles de l’utilisation concrète des services par le consommateur ni l’information relative à ces modalités et au prix des services eux-mêmes, mais seulement l’omission de l’information relative à la préinstallation des services sur la carte SIM » (26).

59.      Si cette affirmation s’avérait exacte, l’opérateur aurait donné au consommateur, dans des termes qui sont, pour la juridiction de renvoi, exempts de tout reproche, suffisamment d’informations, non seulement sur les modalités techniques et opérationnelles pour accéder aux services préinstallés, mais également sur leur prix. Dans ces conditions, le consommateur moyen, y compris celui dont on ne saurait attendre qu’il possède les connaissances technologiques mentionnées précédemment, aurait pu déduire que la carte SIM achetée était en mesure de lui offrir des services dont l’information sur les coûts n’aurait sinon eu aucun sens.

60.      Il appartient au juge national d’établir dans quelle mesure les informations sur les prix des services de messagerie vocale ou d’accès à internet ont été données dans des termes ne soulevant aucun doute quant au fait que ces services étaient préinstallés et que leur utilisation entraînait un coût, dont le consommateur était ou aurait dû être conscient, précisément grâce aux informations données lors de l’achat de la carte SIM. Dans ces conditions, l’« exigence de paiement » pour la prestation de ces deux services, qui aurait été précédée de l’information appropriée quant à leur prix, ne saurait relever du point 29 de l’annexe I de la directive 2005/29.

b)      Sur la notion de « pratique commerciale agressive »

61.      L’omission d’information sur la préactivation des services litigieux, « dans le cas où aucun autre comportement matériel distinct n’est reproché à l’opérateur de téléphonie », est‑elle une « pratique commerciale agressive » susceptible d’« altérer de manière significative […] la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen » ?

62.      L’article 8 de la directive 2005/29 définit comme « agressive » la pratique commerciale qui, compte tenu de l’ensemble des caractéristiques et des circonstances factuelles du cas d’espèce, provoque un résultat donné au travers de certains moyens.

63.      Ce résultat doit se traduire en une atteinte, réelle ou potentielle, si « importante » à la liberté de choix du consommateur relativement au produit qu’elle entraîne ou pourrait entraîner une décision que ce dernier n’aurait pas prise autrement. Conformément à cet article, ce résultat doit avoir été atteint au moyen du « harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d’une influence injustifiée ».

64.      L’omission d’informations reprochée aux opérateurs de téléphonie en l’espèce ne relève d’aucun de ces moyens, eu égard aux éléments énumérés à l’article 9 de la directive 2005/29 afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte ou à une influence injustifiée (27). J’estime que tant le harcèlement que la contrainte – et de toute évidence le recours à la force physique – impliquent un comportement actif qui n’existe pas dans le cas d’une omission d’informations.

65.      On pourrait toutefois penser qu’une « influence injustifiée » peut être exercée au travers d’une omission, si celle‑ci a entraîné la décision du consommateur. L’influence visée aux articles 8 et 9 de la directive 2005/29 n’est cependant pas celle qui résulte simplement de la tromperie (donc celle prévue à l’article 7 de la directive), mais celle qui comporte de manière active, au moyen d’une pression, le conditionnement forcé de la volonté du consommateur (28).

66.      Le gouvernement italien soutient que, au-delà de l’omission de l’information relative aux services préinstallés, le fait même de la préactivation et l’obligation consécutive de paiement par le consommateur qui a utilisé ces services implique l’exploitation d’une position de force par le professionnel.

67.      Je considère toutefois que, de même que la capacité d’influer inhérente à une omission ne saurait être confondue avec l’« influence injustifiée » au sens de l’article 8 de la directive 2005/29, deux aspects de la position de force doivent également être distingués :

–        d’une part, l’exploitation d’une position de force qui permet au professionnel de porter atteinte à la liberté du consommateur lors du choix d’un produit ;

–        d’autre part, la position de force dans laquelle se trouve juridiquement le professionnel qui, une fois le contrat conclu, peut réclamer au consommateur la contrepartie à laquelle celui‑ci s’est engagé lorsqu’il a souscrit le contrat.

68.      La « pratique commerciale agressive » est celle qui, profitant de la position d’infériorité du consommateur par rapport au professionnel (29) et usant d’une position de force acquise illégalement – par harcèlement, contrainte, force physique ou influence proactive – porte atteinte à la liberté du consommateur en l’amenant à conclure un contrat auquel il ne consentirait pas en l’absence de cet avantage illicite.

69.      Précisément parce que la conclusion d’un contrat implique d’assumer certaines obligations que le cocontractant peut réclamer en justice, la directive 2005/29 protège la liberté du consommateur à s’engager en connaissance de cause, en acceptant uniquement les obligations qu’il est disposé, dans le cadre de l’exercice de cette liberté, à assumer. La directive n’offre donc pas de protection à l’égard des obligations légales déjà librement assumées par le consommateur, mais à l’égard des obligations acceptées en conséquence d’une pratique commerciale déloyale.

70.      Par conséquent, afin d’établir si l’omission d’informations relatives à l’installation de services préactivés constitue une pratique commerciale agressive, l’élément déterminant consiste à savoir si, par cette omission, le professionnel a porté atteinte à la liberté de choix du consommateur, au point de le forcer à accepter des obligations contractuelles que, dans d’autres circonstances, il n’aurait pas acceptées. En revanche, le fait que le professionnel puisse, en vertu du contrat déjà conclu, faire valoir les droits découlant du contrat (par exemple le paiement des services) à l’encontre du consommateur est dénué de pertinence. Ce dont il est question en définitive est que le professionnel ne puisse pas faire valoir la position de force (juridique) résultant d’un contrat.

71.      En somme, je considère que le comportement faisant l’objet du litige ne réunit pas les caractéristiques des pratiques commerciales agressives, au sens des articles 8 et 9 de la directive 2005/29.

C.      L’articulation de la directive 2005/29 avec d’autres règles régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales (les troisième à septième questions préjudicielles)

72.      La réponse que je propose d’apporter aux deux premières questions préjudicielles rend superflu l’examen des autres questions. Je les analyserai toutefois à titre subsidiaire.

1.      Résumé des observations des parties

73.      Wind Tre examine séparément la portée du principe de spécialité, la notion de « conflit » et la notion de « règles [de l’Union] ».

74.      Relativement au principe lex specialis, elle indique que, lorsqu’une matière est réglementée exhaustivement par des règles nationales (telles que celles qui transposent la directive 2002/22 ou celles adoptées par les autorités réglementaires nationales), celles‑ci sont les seules applicables, et non les règles générales de protection des consommateurs.

75.      Pour Wind Tre, le « conflit » se réfère non pas à des cas d’antinomie, mais de « recoupement » entre des dispositions ayant pour objet la protection des consommateurs et qui, dans certains cas, se distinguent par leur caractère spécifique.

76.      Quant aux « règles [de l’Union] », elles comprennent, selon Wind Tre, celles adoptées par les autorités réglementaires nationales dans l’exercice de leurs fonctions de protection des consommateurs, qui précisent les obligations énoncées dans les lois nationales de transposition des articles 20 et 21 de la directive 2002/22.

77.      Vodafone Italia soutient que les directives 2005/29, 2002/22 et 2002/21 s’opposent à ce que le « filet de sécurité » prévu par la directive 2005/29 s’applique également lorsque, dans un contexte factuel donné (et non dans un secteur entier), il existe une réglementation sectorielle exhaustive découlant du droit de l’Union.

78.      À titre subsidiaire, Vodafone Italia allègue que les directives précitées s’opposent également à ce que l’application de la réglementation sectorielle puisse être intégralement remplacée, par l’AGCM, par l’adoption d’une réglementation parallèle alternative, incompatible avec les aspects spécifiques de la réglementation sectorielle.

79.      Pour Telecom Italia, l’application de la directive 2005/29 n’est pas en soi exclue du simple fait qu’il existe d’autres instruments législatifs de l’Union réglementant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales. Il convient d’examiner chaque situation, au cas par cas, afin de vérifier si elle est intégralement régie par une réglementation spécifique, auquel cas il serait fait exclusivement application de cette dernière.

80.      Telecom Italia considère que la notion de « règles [de l’Union] » doit être entendue au sens large, comme incluant non seulement les dispositions figurant dans les règlements, dans les directives et dans les règles de transposition, mais également les actes adoptés par les États membres pour mettre en œuvre le droit de l’Union.

81.      Pour le gouvernement italien, l’article 27, paragraphe 1 bis, du code de la consommation n’introduit aucun nouveau critère ni dérogation à l’application du principe de spécialité prévu à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29. Selon lui, en confondant les rapports entre réglementations d’une part et la répartition des compétences d’autre part, la juridiction de renvoi pose un faux problème, à savoir la non-application de la directive 2002/22 aux aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales.

82.      Le gouvernement italien rappelle que la répartition des compétences internes incombe aux États membres et que l’article 27, paragraphe 1 bis, du code de la consommation visait à résoudre l’incertitude, surgie en Italie en 2012, quant à l’autorité compétente pour traiter les pratiques commerciales déloyales dans les secteurs réglementés. Dans ce même but, un protocole d’accord en matière de pratiques commerciales illégales a été signé le 23 décembre 2016 entre l’AGCom et l’AGCM, dont le contenu confirme que l’article 27, paragraphe 1 bis, du code de la consommation intègre l’examen des violations sectorielles dans le champ d’application de la réglementation générale prévue par la directive 2005/29.

83.      Relativement à la quatrième question préjudicielle, le gouvernement italien affirme que, pour que le principe de spécialité s’applique, il doit y avoir un conflit entre la réglementation générale et la réglementation spécifique : dans la présente affaire, ce principe entraînerait la non-application de la réglementation générale sur la protection des consommateurs.

84.      Le gouvernement italien estime que les cinquième et septième questions préjudicielles sont irrecevables en ce qu’elles sont hypothétiques, car, affirme-t-il, le comportement litigieux ne constitue pas une pratique commerciale agressive.

85.      En ce qui concerne la sixième question préjudicielle, le gouvernement italien soutient que la notion de « règles [de l’Union] » englobe uniquement les règles spécifiques figurant dans les règlements et dans les directives ainsi que les règles de transposition directe de celles‑ci.

86.      La Commission affirme, concernant la troisième question préjudicielle, que, conformément à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29, en cas de conflit entre une disposition de cette directive et une règle du droit de l’Union régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, cette dernière prime s’agissant uniquement des aspects spécifiques. La directive 2005/29 s’appliquerait parallèlement en ce qui concerne les autres aspects de ces pratiques.

87.      Selon la Commission, la directive 2002/22 ne contient pas de dispositions régissant, au sens de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29, des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales de ce type.

88.      Pour la Commission, concernant la quatrième question préjudicielle, l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 fixe un critère régulateur des rapports entre normes mais pas entre types de discipline (générale et sectorielle) et ne règle pas non plus les rapports de compétences entre les autorités nationales.

89.      Relativement à la cinquième question préjudicielle, la Commission considère que, puisque la directive 2002/22 ne contient pas de règles régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, au sens de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29, deux des conditions nécessaires à l’application de ce dernier article ne sont pas réunies, si bien qu’il n’est pas nécessaire de donner une interprétation exhaustive de la notion de « conflit ». Il n’y aurait par conséquent pas lieu de répondre à cette cinquième question préjudicielle.

90.      Concernant la sixième question préjudicielle, la Commission indique que l’AGCom a édicté une réglementation très détaillée, qui va bien au-delà de la transposition de la directive 2002/22. Selon elle, la cohérence juridique poursuivie par l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 serait mise en péril si l’on considérait que cet article se réfère non pas à l’acquis communautaire, mais à une situation juridique qui est non seulement nationale mais également éventuelle et future, ce qui serait contraire à l’exigence de sécurité juridique.

91.      S’agissant de la septième question préjudicielle, la Commission considère que les directives 2002/22 et 2002/21 ne sanctionnent pas la pratique agressive consistant dans la « fourniture non demandée » visée au point 29 de l’annexe I de la directive 2005/29 ; il n’y aurait donc pas lieu de répondre à cette question.

2.      Appréciation

a)      Le caractère restrictif de la règle d’inapplicabilité établie à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29

92.      L’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 prévoit que, en cas de conflit entre les dispositions de cette directive « et d’autres règles [de l’Union] régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales », ce sont ces dernières qui priment et s’appliquent « à ces aspects spécifiques ».

93.      Cette règle de primauté montre la vocation de la directive 2005/29 d’assurer « une protection aux consommateurs lorsqu’il n’existe aucune législation sectorielle spécifique à l’échelon [de l’Union] » (30). Il s’agit ainsi, en dernier lieu, d’instaurer un véritable système de protection des droits des consommateurs dans tous les secteurs (31).

94.      En réalité, je crois que l’objectif de la directive 2005/29 n’est pas tant – ou ne l’est pas à titre principal – de remédier aux lacunes d’autres règles sectorielles de l’Union protégeant les consommateurs que de devenir le noyau d’un régime général de protection incluant, outre ses propres règles, celles existant déjà dans certains secteurs régis par le droit de l’Union.

95.      Ce régime général doit « veiller à ce que la relation entre la […] directive [2005/29] et […] [l]es dispositions détaillées concernant les pratiques commerciales déloyales s’appliqu[a]nt à des secteurs spécifiques [soit cohérente] » (32). Un esprit de cohérence et d’harmonie dans l’interprétation et l’application de l’une et des autres doit donc régner.

96.      Il semble toutefois ressortir du débat entre les parties et de la décision de renvoi elle-même que le rapport entre l’une et les autres normes ne peut se poser qu’en termes de conflit et d’exclusion, comme si la clef du régime des relations entre la directive 2005/29 et d’autres dispositions réglementaires se résumerait aux dispositions de l’article 3, paragraphe 4, de cette directive.

97.      La directive 2005/29 préconise certes, au détriment de sa propre applicabilité, l’application « de dispositions [de l’Union] spécifiques régissant des aspects particuliers des pratiques commerciales déloyales, telles que [l]es prescriptions en matière d’information ou [l]es règles régissant la présentation des informations au consommateur (33). Il s’agit toutefois, selon moi, d’une solution extrême, conçue pour un cas également extrême qui ne recouvre pas tous les cas de coexistence pacifique entre la directive 2005/29 et d’autres règles de l’Union.

98.      L’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 instaure une règle de renvoi sélectif par cette directive aux (autres) dispositions du droit de l’Union traitant d’aspects très spécifiques, tels que les prescriptions d’information aux consommateurs. Ce renvoi est en outre restrictif quant à sa portée, puisqu’il est strictement limité « à ces aspects spécifiques », comme l’indique la disposition. Enfin, ce renvoi est extrême, puisqu’il n’intervient qu’en situation de « conflit ». On pourrait affirmer que l’on entend ainsi remédier à une pathologie du système, et non préciser sa physiologie.

99.      Concernant cette solution extrême – qui, je le répète, n’est pas la seule ni ne doit être la solution typique – et, dans la droite ligne de ce qui est indiqué au considérant 10 de la directive 2005/29, les termes de l’article 3, paragraphe 4, de cette directive plaident en faveur de l’interprétation restrictive du renvoi, dans cette disposition, à d’« autres règles [de l’Union] », qui ne peuvent être que celles « régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales » (34). La directive 2005/29 ne cède devant elles qu’en ce qui concerne strictement la réglementation de ces aspects spécifiques.

100. Toutefois, selon moi, ce n’est pas uniquement le libellé de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 qui préconise une interprétation stricte du renvoi à d’autres dispositions réglementaires. S’y ajoute le fait que la directive 2005/29 a mis en place un « niveau commun élevé de protection des consommateurs », fruit du « niveau élevé de convergence résultant du rapprochement des dispositions nationales assuré par [cette] directive » (35). Ainsi que l’avocat général Saugmandsgaard Øe l’a indiqué (36), toute non-application des dispositions de la directive « comporte le risque d’ouvrir une faille dans le filet de sécurité établi par cette directive lorsque les autres règles de l’Union – celles ayant primauté – ne garantissent pas un niveau de protection aussi élevé aux consommateurs » (37).

101. Par conséquent, le renvoi prescrit à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 doit être rigoureusement limité aux règles de l’Union régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales. Il ne doit en outre intervenir que lorsque ces règles sont en conflit avec celle de la directive 2005/29, ce qui nécessite un examen détaillé.

b)      Les conditions de la règle d’inapplicabilité

1)      Les règles faisant l’objet du rapport de spécialité de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29

102. Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si le principe de spécialité visé à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 gouverne « les rapports entre législations […] ou les rapports entre règles […] ou encore les rapports entre les autorités indépendantes chargées de la régulation et de la surveillance de leurs domaines respectifs ». La même question de fond est posée dans les troisième et septième questions, bien que, à chaque fois, sous un angle spécifique (38).

103. Selon moi, il ressort de l’interprétation conjointe du considérant 10 et de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 que l’intention du législateur de l’Union a été d’agir non pas tant en termes sectoriels que normatifs et relativement à tous les secteurs.

104. Ainsi que la Commission l’a indiqué, à la différence de l’article 3, paragraphe 9, de la directive 2005/29 (conformément auquel les États membres peuvent imposer des exigences plus rigoureuses que celles prévues par cette directive dans les secteurs des services financiers et des biens immobiliers), l’article 3, paragraphe 4, se réfère strictement au cas d’éventuels conflits « entre les dispositions de la présente directive et d’autres règles [de l’Union] régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales ». Il s’agit donc d’une disposition transversale, applicable à tous les secteurs de l’activité économique, comme il se doit pour une directive dont la première vocation est de s’appliquer à toute pratique commerciale déloyale, quel que soit le secteur économique concerné et afin de mieux protéger les consommateurs (39).

105. Parmi les « aspects spécifiques » éventuellement régis par « d’autres règles [de l’Union] », le considérant 10 de la directive 2005/29 mentionne les « prescriptions en matière d’information ou [l]es règles régissant la présentation des informations au consommateur ».

106. Il s’agit, en effet, de points très spécifiques qui peuvent se trouver dans différents types de règles ne devant pas nécessairement être intégrées dans un ensemble normatif apparaissant en tant que régime réglementant un secteur d’activité. Il n’y a par conséquent pas lieu d’opposer un régime général de protection des consommateurs représenté par la directive 2005/29 et les différents cadres sectoriels de protection du consommateur tel que celui établi, pour ce qui nous intéresse ici, par la directive 2002/22.

107. Pour que l’application des dispositions de la directive 2005/29 cède, l’existence d’un régime sectoriel de protection des consommateurs n’est pas nécessaire. En réalité, en tant que système de protection générale, le régime instauré par cette directive ne cède, en tant que tel, devant aucun autre régime. Seules certaines de ses dispositions cèdent, et uniquement dans la mesure où il en existe d’autres (intégrées ou non dans un régime de protection spécifique) régissant « des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales » et le faisant, en outre, en des termes conflictuels. En conséquence, la non‑application de la directive 2005/29 dans un tel cas se limite à la seule réglementation de ces « aspects spécifiques ».

108. Des exemples des « aspects spécifiques » mentionnés à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 sont donnés dans le considérant 10 de la directive 2005/29, qui renvoie aux « prescriptions en matière d’information ou [aux] règles régissant la présentation des informations au consommateur ». Précisément, les articles 20 et 21 de la directive 2002/22 cités par la juridiction de renvoi portent sur l’information devant figurer dans les contrats conclus avec des entreprises fournissant la connexion à un réseau de communications public ou à des services de communications électroniques.

109. Dans ces conditions, j’estime que les dispositions de la directive 2005/29 relatives à l’information devant être donnée, à titre général, aux consommateurs doivent céder, dans le domaine des services de communications électroniques, devant l’application des dispositions spécifiques contenues dans la directive 2002/22, mais uniquement sur ce point, et sans que cela suppose la non‑application de l’ensemble de la directive 2005/29, dont l’article 3, paragraphe 4, limite, je le répète, la non-application de cette directive aux « aspects spécifiques » régis par d’autres dispositions. Il doit en outre être satisfait à l’autre condition prévue par cette disposition (le conflit entre les règles), que j’examinerai ci‑après.

110. En définitive, l’exception prévue à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 se résume à cela (40), à condition bien entendu, j’insiste sur ce point, qu’il soit également satisfait à la condition du rapport conflictuel entre la directive 2005/29 et la disposition qui pourrait éventuellement écarter l’application de celle‑ci.

111. En somme, le rapport de spécialité établi à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 a pour objet des règles ou des dispositions, et non des régimes réglementaires sectoriels. Il est, en outre, étranger à la désignation des autorités administratives devant appliquer la réglementation correspondante, la répartition ou l’attribution de compétences entre elles incombant aux États membres.

112. Partant du postulat qu’il s’agit strictement de rapports entre règles, il convient de préciser de quelles règles il s’agit.

2)      Les règles en conflit

113. Dans sa sixième question, la juridiction de renvoi demande si la référence de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 à « d’autres règles [de l’Union] » porte seulement « sur les dispositions figurant dans les règlements et dans les directives de l’Union ainsi que sur les règles transposant directement celles-ci, ou inclut […] également les dispositions législatives et réglementaires de mise en œuvre de principes de droit européen ».

114. L’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 prévoyait initialement le cas d’un conflit « entre les dispositions de la présente directive et d’autres règles communautaires » (à l’heure actuelle, « de l’Union »).

115. Les règles communautaires ou de l’Union sont, au sens strict, celles adoptées par les institutions de l’Union, c’est-à-dire les « actes juridiques » énumérés à l’article 288 TFUE. Je considère donc qu’il n’y a pas lieu d’inclure dans cette catégorie les règles nationales, tant les « dispositions législatives et réglementaires de mise en œuvre de principes de droit européen » (41) mentionnées par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) que les règles nationales de transposition des directives.

116. Le gouvernement italien évoque toutefois la possibilité d’une interprétation large de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29, qui conduirait à inclure dans son champ d’application les dispositions nationales transposant les dispositions de l’Union en droit national. Dans le même ordre d’idées, certaines parties (42) ont fait remarquer que les autorités réglementaires nationales doivent mettre en œuvre une réglementation sectorielle très détaillée, qui céderait devant la directive 2005/29 si elle n’était pas considérée comme relevant de la notion d’« autres règles [de l’Union] ».

117. Selon moi, l’interprétation que je propose (et qui me semble découler directement de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29) est compatible avec la préoccupation exprimée par le gouvernement italien et par les autres parties au litige.

118. En effet, le caractère exhaustif de l’harmonisation faite par la directive 2005/29 a été confirmé par la Cour, pour qui cette directive procède « à une harmonisation complète [des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs] », de sorte que « les États membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par la directive, même aux fins d’assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs » (43).

119. Cette caractéristique d’exhaustivité ne signifie toutefois pas qu’il y a par principe lieu d’écarter toute réglementation nationale régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales dans des termes plus détaillés que ceux de la directive 2005/29. Afin de garantir l’applicabilité de ces règles nationales plus détaillées, il n’est pas nécessaire de les inclure dans la catégorie des « règles de l’Union ». Il suffit de les rattacher à la directive (sectorielle) dont elles proviennent et d’examiner si cette dernière, à son tour, doit primer sur la directive 2005/29 en raison de la réunion des conditions prévues à l’article 3, paragraphe 4, de cette dernière.

120. En d’autres termes, lorsque le droit de l’Union permet aux États membres de réglementer des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales dans des termes pouvant être plus stricts que ceux de la directive 2005/29, cette dernière ne sera pas écartée en raison de la règle nationale adoptée conformément à cette possibilité, mais en raison de la directive (sectorielle) le permettant.

3)      La nature de la contradiction – Conflit ou différence

121. L’existence d’autres règles de l’Union régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales n’est pas suffisante, à elle seule, pour que l’application de la directive 2005/29 doive céder devant celle de ces autres dispositions réglementaires. Il est en outre indispensable qu’une situation de « conflit » existe entre ces dernières et les dispositions de la directive (44).

122. La juridiction de renvoi souhaite savoir si la notion de « conflit » visée à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 porte sur l’« antinomie radicale » entre les unes et les autres dispositions ou si, au contraire, il suffit qu’elles établissent une réglementation distincte, en d’autres termes, si cette notion se réfère à une contradiction entre les règles insurmontable ou à un simple conflit de règles.

123. Dans le débat sur ce point, des notions très diverses ont été utilisées (parfois à la limite de la logomachie) afin de se référer au rapport entre des règles juridiques et d’autres : outre les mots antinomie et conflit précités, les termes collision, superposition, chevauchement, cohabitation ainsi que d’autres plus ou moins similaires ont été utilisés.

124. Selon moi, l’expression (« conflit ») choisie par le législateur de l’Union dénote un rapport entre les dispositions concernées allant au‑delà de la simple disparité ou de la simple différence. Dire de deux situations qu’elles se trouvent en conflit implique constater qu’il existe, bien entendu, entre elles une divergence, mais, en outre, qu’il s’agit d’une divergence impossible à surmonter au moyen d’une formule combinée rendant possible la coexistence des deux situations, sans devoir les dénaturer en tant que situations différentes.

125. La solution choisie par le législateur montre qu’il s’agit là du sens dans lequel la directive 2005/29 utilise le terme « conflit » : le législateur n’a pas opté pour l’interprétation combinée des règles en conflit, mais pour la pure et simple primauté des règles qui, dans les conditions exposées précédemment, s’opposent aux dispositions de la directive 2005/29.

126. Ainsi, dans la même ligne que celle défendue par l’avocat général Saugmandsgaard Øe (45), il me semble qu’un conflit tel que celui visé à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 n’existe que lorsque des dispositions étrangères à cette dernière régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales telles que les informations devant être données aux consommateurs imposent aux professionnels, sans aucune marge de manœuvre, des obligations incompatibles avec celles établies par la directive 2005/29.

c)      L’application de ces critères au litige au principal

127. Si la directive 2005/29 était applicable au comportement reproché aux opérateurs de téléphonie en ce qu’il relèverait des pratiques commerciales déloyales définies dans l’une des dispositions examinées précédemment (ce qui, selon moi, n’est pas le cas), je crois que les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 4, de cette directive ne seraient pas remplies pour que les dispositions de cette dernière cèdent devant d’autres règles de l’Union régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales.

128. Je partage l’avis de la Commission selon lequel, dans un tel cas de figure, l’application parallèle de la directive 2005/29 et de la directive 2002/22 serait possible. Alors que la première inclut l’exigence d’un prix pour une « fourniture non demandée » parmi les pratiques commerciales déloyales en toutes circonstances, la directive 2002/22 (articles 20 et 21) indique les informations que les entreprises de services de communications électroniques doivent fournir aux consommateurs, mais sans classer la fourniture non demandée, point litigieux des procédures au principal, en tant que comportement illégal.

129. Par conséquent, loin d’être en conflit, les deux directives devraient être appliquées de manière combinée, étant donné que, pour déterminer si la fourniture a ou non été demandée par le consommateur (directive 2005/29), il convient tout d’abord de vérifier, entre autres points, si l’information qui lui a été donnée est conforme aux exigences imposées au professionnel par la directive 2002/22.

VI.    Conclusion

130. Eu égard aux considérations exposées, je propose à la Cour de répondre à la sixième chambre du Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) comme suit :

1)      La directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, doit être interprétée en ce sens que :

–        les dispositions combinées de l’article 5, paragraphe 5, et du point 29 de l’annexe I de la directive précitée ne permettent pas de qualifier de pratique commerciale déloyale la simple omission d’informations à l’utilisateur relatives à la préinstallation, sur une carte SIM destinée à être insérée dans un téléphone intelligent, des services de messagerie vocale et d’accès à internet, lorsque cet utilisateur a été préalablement informé des « modalités techniques et opérationnelles de l’utilisation concrète des services [et du] prix des services eux-mêmes », ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier ;

–        les articles 8 et 9 de la directive 2005/29 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne permettent pas de qualifier de « pratique commerciale agressive » le comportement d’un opérateur de téléphonie décrit ci‑dessus.

2)      À titre subsidiaire : l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2005/29 doit être interprété en ce sens que l’application des dispositions de cette directive ne doit céder devant d’autres règles du droit de l’Union régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales que lorsqu’il existe une contradiction entre les premières et les secondes qui ne peut être résolue au moyen de l’application combinée ou cohérente des unes et des autres.


1      Langue originale : l’espagnol.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (JO 2005, L 149, p. 22).


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (JO 2002, L 108, p. 51), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 11) (ci-après la « directive 2002/22 »).


4      Outre la protection contre les pratiques déloyales des entreprises, les consommateurs peuvent bénéficier de la protection que leur confèrent d’autres directives, telles que celles relatives aux contrats conclus à distance ou aux clauses abusives dans les contrats qu’ils souscrivent.


5      SIM est l’acronyme anglais de subscriber identity module (module d’identification de l’abonné).


6      Directive du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (JO 2001, L 108, p. 33).


7      Conformément à l’article 2, sous l), la directive 2002/22 compte au nombre de ces directives particulières.


8      Directive du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).


9      Directive du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (JO 1997, L 144, p. 19), telle que modifiée par la directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (JO 2002, L 271, p. 16).


10      Decreto legislativo n. 206 – Codice del consumo, a norma dell’articolo 7 della legge 29 luglio 2003, n. 229 (décret législatif no 206 – Code de la consommation en vertu de l’article 7 de la loi no 229, du 29 juillet 2003), du 6 septembre 2005 (GURI no 235, du 8 octobre 2005) (ci‑après le « code de la consommation »).


11      Autorité garante de la concurrence et du marché (ci‑après l’« AGCM »).


12      JO 2004, L 364, p. 1.


13      Décret législatif no 259 – Code des communications électroniques, du 1er août 2003 (GURI no 214, du 15 septembre 2003), qui transpose, entre autres, les directives 2002/21 et 2002/22.


14      Autorité garante des communications (ci‑après l’« AGCom »).


15      Les décisions de renvoi utilisent les termes « servizi preimpostati » pour qualifier les fonctionnalités présentes sur la carte SIM, que l’utilisateur devait ensuite activer, en accomplissant les opérations nécessaires pour pouvoir en bénéficier. On peut parler, dans le même sens, de services préactivés.


16      Arrêt du 5 avril 2016, PFE (C-689/13, EU:C:2016:199, point 36), qui permet à « une chambre d’une juridiction statuant en dernier ressort, lorsqu’elle ne partage pas l’orientation définie par une décision de l’assemblée plénière de cette juridiction » de soumettre un renvoi préjudiciel concernant une question qui porte sur l’interprétation ou sur la validité du droit de l’Union.


17      Il n’est pas contesté que le comportement en cause en l’espèce est une « pratique commerciale » au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29. Il ne me semble pas indispensable d’approfondir les raisons de cette qualification, puisque, conformément à la jurisprudence de la Cour, cette directive possède un champ d’application matériel particulièrement large, ainsi que l’attestent les affaires mentionnées par l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans les conclusions qu’il a présentées dans l’affaire Dyson (C-632/16, EU:C:2018:95, point 75, note en bas de page 23).


18      Voir arrêts du 14 janvier 2010, Plus Warenhandelsgesellschaft (C-304/08, EU:C:2010:12, point 45), et du 9 novembre 2010, Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag (C-540/08, EU:C:2010:660, point 34).


19      Bien que le point 29 de l’annexe I de la directive 2005/29 mentionne certaines actions qui ne sont possibles que par rapport à des biens (par exemple leur renvoi ou leur conservation), il recouvre également les services, en tant que sous-catégorie du terme produit, défini à l’article 2, sous c), comme « tout bien ou service ».


20      Voir notamment arrêt du 26 octobre 2016, Canal Digital Danmark (C-611/14, EU:C:2016:800, point 55).


21      En ce sens, la Cour affirme, dans son arrêt du 7 septembre 2016, Deroo-Blanquart (C-310/15, EU:C:2016:633, point 40), que « l’information, avant la conclusion d’un contrat, sur les conditions contractuelles et les conséquences de ladite conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur la base de cette information que ce dernier décide s’il souhaite se lier contractuellement à un professionnel en adhérant aux conditions rédigées préalablement par celui-ci (arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 70) ».


22      Le libellé de la question de la juridiction de renvoi à cet égard peut donner lieu à une certaine équivoque. Après avoir affirmé que les services litigieux « sont préinstallés », le Consiglio di Stato (Conseil d’État) nuance en indiquant que, « pour bénéficier effectivement de ces services, le consommateur doit néanmoins accomplir les opérations nécessaires à cet effet » ; dans un autre passage, il affirme que « lesdits services peuvent être utilisés par le consommateur lui‑même sans une opération de réglage à cet effet ». Il est en outre signalé, au point 13.1 de la décision de renvoi dans l’affaire C‑54/17, que « le passage de la préinstallation des services sur la carte SIM achetée par le consommateur à l’utilisation effective des services se fait par l’intermédiaire d’une action autonome de l’utilisateur lui-même », action autonome qui, dans le contexte de ce point 13.1, ne consisterait pas à composer le numéro de la messagerie vocale ou à introduire les commandes qui activent la navigation internet. Il incombe à la juridiction de renvoi de préciser ce point.


23      Points 56 et 57 des observations écrites de la Commission.


24      Outre les procédés d’actualisation d’applications en arrière-plan, certaines fonctions de localisation peuvent s’activer de manière inaperçue (entraînant en outre des risques au regard du droit à la vie privée).


25      Est qualifié comme tel le « consommateur moyen qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques », conformément à l’arrêt du 12 mai 2011, Ving Sverige (C-122/10, EU:C:2011:299, point 22). Il ne s’agit en aucun cas d’une « notion statistique », comme souligné dans le considérant 18 de la directive 2005/29. Pour « déterminer la réaction typique de ce consommateur dans une situation donnée, les juridictions et les autorités nationales doivent s’en remettre à leur propre faculté de jugement », comme indiqué dans l’arrêt du 26 octobre 2016, Canal Digital Danmark (C-611/14, EU:C:2016:800, point 39).


26      Mise en italique par mes soins. L’audience a permis de se pencher sur ce point, à la suite des allégations de Wind Tre dans la note en bas de page 30 de ses observations écrites, où elle fait part des informations relatives aux prix et aux tarifs figurant dans les brochures des cartes SIM remises aux acheteurs et fournisseurs ainsi que sur les emballages du produit.


27      Il s’agit de : « a) le moment et l’endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance ; b) le recours à la menace physique ou verbale ; c) l’exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur ou circonstance particulière d’une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d’influencer la décision du consommateur à l’égard du produit ; d) tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels […] ; e) toute menace d’action alors que cette action n’est pas légalement possible ».


28      Conformément à l’article 2, sous j), de la directive 2005/29, il s’agit d’une conduite consistant dans l’« utilisation d’une position de force vis-à-vis du consommateur » afin de « faire pression sur celui-ci, même sans avoir recours à la force physique ou menacer de le faire, de telle manière que son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause soit limitée de manière significative ». Il ne suffit donc pas d’induire le consommateur en erreur en lui faisant croire à tort qu’il agit en toute liberté et connaissance de cause, mais de le forcer à s’engager contre sa volonté.


29      Arrêt du 16 avril 2015, UPC Magyarország (C-388/13, EU:C:2015:225, point 53).


30      Considérant 10 de la directive 2005/29.


31      C’est ce qu’indique la Commission : la directive « constitue le principal outil législatif général de l’Union européenne réglementant la publicité trompeuse et autres pratiques déloyales dans les transactions entre entreprises et consommateurs » et, dotée « d’un large champ d’application couvrant toutes les transactions entre entreprises et consommateur […], [elle] prévoit un niveau élevé de protection des consommateurs dans tous les secteurs », fonctionnant comme un « filet de sécurité là où la réglementation de l’Union spécifique à chaque secteur est lacunaire ». Voir section I de la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen relative à l’application de la directive sur les pratiques commerciales déloyales [COM(2013) 138 final].


32      Considérant 10 de la directive 2005/29.


33      Considérant 10 de la directive 2005/29.


34      Mise en italique par mes soins.


35      Considérant 11 de la directive 2005/29 : « Le niveau élevé de convergence résultant du rapprochement des dispositions nationales assuré par la présente directive crée un niveau commun élevé de protection des consommateurs. La présente directive établit une interdiction générale unique des pratiques commerciales déloyales qui altèrent le comportement économique des consommateurs. Elle établit également des règles sur les pratiques commerciales agressives, qui ne sont pas actuellement réglementées au niveau [de l’Union] ».


36      Conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Dyson (C‑632/16, EU:C:2018:95, points 81 à 85).


37      Conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Dyson (C‑632/16, EU:C:2018:95, point 82).


38      La troisième question porte sur la dimension organique du problème (à savoir sur ses effets quant à la répartition des compétences entre les autorités administratives), alors que la septième question aborde ce même problème sous l’angle du rapport entre une réglementation générale et une autre sectorielle, étant entendu que le principe de spécialité gouverne, en dernier lieu, cette dernière.


39      Dans le même sens, au point 81 de ses conclusions dans l’affaire Dyson (C-632/16, EU:C:2018:95), l’avocat général Saugmandsgaard Øe considère significatifs, à cet égard, l’objectif énoncé à l’article 1er de la directive 2005/29 (« […] contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et […] assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts économiques des consommateurs ») et la définition du champ d’application de la directive figurant à l’article 3, paragraphe 1 (les « […] pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs […] avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit »).


40      Exception, par conséquent, plutôt modeste, qui, dans le même temps, concorde avec l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2002/22, dans la mesure où les dispositions de cette dernière « en ce qui concerne les droits des utilisateurs finals s’appliquent sans préjudice de la réglementation [de l’Union] relative à la protection des consommateurs, en particulier les directives [ayant précédé la directive 2005/29] » (mise en italique par mes soins).


41      Ces « dispositions législatives et réglementaires » ne pourraient être que nationales, car, s’il s’agissait formellement de dispositions de l’Union, la question n’aurait pas de sens.


42      Ainsi, Wind Tre et Telecom Italia, respectivement aux points 71 à 75 et 43 à 50 de leurs observations écrites. Telecom Italia indique qu’une interprétation restrictive de cette notion conduirait à des « résultats manifestement inacceptables », tels que la non-application de toute disposition nationale régissant des aspects spécifiques de pratiques commerciales déloyales dans des termes plus stricts et offrant plus de garanties que la directive 2005/29.


43      Arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea (C-261/07 et C-299/07, EU:C:2009:244, point 52).


44      La Cour a examiné l’existence des deux conditions dans l’arrêt du 16 juillet 2015, Abcur (C‑544/13 et C-545/13, EU:C:2015:481, points 79 à 81).


45      Conclusions dans l’affaire Dyson (C-632/16, EU:C:2018:95, point 91).