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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

20 décembre 2023 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 – Obligation de motivation – Principe de bonne administration – Principe de protection juridictionnelle effective – Exception d’illégalité – Limitation des effets de l’arrêt dans le temps »

Dans l’affaire T‑383/21,

La Banque postale, établie à Paris (France), représentée par Mes A. Gosset-Grainville et M. Trabucchi, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par M. J. Kerlin, Mme C. De Falco et M. C. Flynn, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann, F. Louis, P. Gey et V. Del Pozo Espinosa de los Monteros, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par MM. J. Etienne, O. Denkov et M. Menegatti, en qualité d’agents,

par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes E. d’Ursel, A. Westerhof Löfflerová et M. J. Bauerschmidt, en qualité d’agents,

et par

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou, A. Nijenhuis et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík (rapporteur), K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 10 mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, La Banque postale, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante est un établissement de crédit établi en France.

3        Par la décision attaquée, le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante »), pour l’année 2021 (ci-après la « période de contribution 2021 »), des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.

4        Par avis de perception du 28 avril 2021, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, France), en sa qualité d’autorité de résolution nationale au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint à la requérante d’acquitter sa contribution ex ante pour la période de contribution 2021, telle qu’elle avait été fixée par le CRU.

II.    Décision attaquée

5        La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné de trois annexes.

6        Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2021, qui est applicable à tous les établissements.

7        Plus particulièrement, dans la section 5 de ladite décision, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2021 (ci-après le « niveau cible annuel »).

8        Le CRU a expliqué qu’il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,35 % du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’ensemble des établissements en 2020 (ci-après le « montant moyen des dépôts couverts en 2020 »), tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts conformément à l’article 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

9        Dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021. À cet égard, il a précisé, au considérant 59 de ladite décision, que, pour cette période, 13,33 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par des établissements agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »), conformément à l’article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), et conformément à l’article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 86,67 %) a été calculé sur la « base de l’union bancaire », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU) (ci-après la « base de l’union » et les « États membres participants »), conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81.

10      Ensuite, le CRU a calculé les contributions ex ante des établissements, tels que la requérante, en suivant les phases principales suivantes.

11      Dans la première phase, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif total de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.

12      Dans la seconde phase du calcul de la contribution ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés d’indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur niveau de risque, tout d’abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2021 – des bins (paniers) dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l’indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque » de l’établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d’ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d’ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.

13      Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.

14      Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.

15      L’annexe I de la décision attaquée contient une fiche individuelle pour chaque établissement soumis au versement des contributions ex ante, dont la requérante, qui comporte les résultats du calcul de la contribution ex ante de chacun de ces établissements (ci-après la « fiche individuelle »). Chacune de ces fiches expose le montant de la contribution annuelle de base de l’établissement concerné ainsi que la valeur de son multiplicateur d’ajustement, tant sur la base de l’union que sur la base nationale, en mentionnant, pour chaque indicateur de risque, le numéro du bin auquel ledit établissement a été assigné. En outre, la fiche individuelle expose des données qui sont utilisées pour le calcul des contributions ex ante de tous les établissements concernés et que le CRU a déterminées en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous ces établissements. Enfin, cette fiche comporte les données déclarées par l’établissement concerné dans le formulaire de déclaration et utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante.

16      L’annexe II de la décision attaquée comprend des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée. Cette annexe précise, notamment, le montant global des contributions ex ante à verser par les établissements concernés pour chacun de ces États membres. Par ailleurs, ladite annexe énumère, pour chaque indicateur de risque, le nombre de bins, le nombre d’établissements appartenant à chacun des bins ainsi que les valeurs minimales et maximales de ces bins. Dans le cas des bins relatifs à la base nationale, ces valeurs sont, pour des raisons de confidentialité, diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, la répartition originale des établissements étant maintenue.

17      L’annexe III de la décision attaquée, intitulée « Évaluation des commentaires soumis dans le cadre de la consultation sur les contributions ex ante au Fonds de résolution unique pour 2021 », examine les observations présentées par les établissements lors de la procédure de consultation menée par le CRU entre les 5 et 19 mars 2021 en vue de l’adoption de la décision attaquée.

III. Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne ;

–        condamner le CRU aux dépens.

19      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où celui-ci accueillerait le sixième, le septième ou le huitième moyen du recours, annuler uniquement la section 11 de la décision attaquée portant sur les engagements de paiement irrévocables (ci-après les « EPI ») ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de ladite décision jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.

20      Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en ce qu’il est fondé sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 ;

–        condamner la requérante aux dépens.

21      Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

22      La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

23      À l’appui de son recours, la requérante soulève huit moyens, tirés, le premier, d’une atteinte au principe d’égalité de traitement, le deuxième, d’une atteinte au principe de proportionnalité, le troisième, d’une atteinte au principe de sécurité juridique, le quatrième, d’une atteinte au principe de bonne administration, le cinquième, d’une atteinte au principe de protection juridictionnelle effective, le sixième, d’une violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne le recours aux EPI, le septième, d’erreurs manifestes d’appréciation du CRU en ce qui concerne la limitation du recours aux EPI à 15 % du montant des contributions ex ante et la limitation des garanties aux seules espèces et, le huitième, d’une erreur de droit en ce qui concerne la limitation du recours aux EPI.

24      Lors de l’audience, la requérante a indiqué qu’elle retirait le sixième moyen.

A.      Sur les fins de non-recevoir

25      Les cinq premiers moyens contiennent des exceptions d’illégalité de plusieurs dispositions du règlement no 806/2014, du règlement délégué 2015/63 et du règlement d’exécution 2015/81.

26      La Commission considère que les exceptions d’illégalité qui viennent au soutien des trois premiers moyens doivent être rejetées comme irrecevables.

27      Le CRU n’a soulevé aucune fin de non-recevoir dans la présente affaire.

28      Or, dès lors que la Commission, en tant que partie intervenante, n’a qualité pour soulever des fins de non-recevoir que dans la mesure où de telles fins de non-recevoir ont été soulevées par la partie qu’elle soutient (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, points 20 à 22 ; du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil, T‑174/95, EU:T:1998:127, points 77 et 78, et du 7 mars 2013, Cindu Chemicals e.a./ECHA, T‑95/10, EU:T:2013:108, point 32), ce qui n’est pas le cas en l’espèce, les fins de non-recevoir qu’elle soulève sont irrecevables.

29      Toutefois, il convient d’examiner d’office la recevabilité des exceptions d’illégalité soulevées par la requérante, dès lors que lesdites fins de non-recevoir sont d’ordre public.

30      Selon celles-ci, la Commission considère que la requérante ne démontre pas l’existence d’un lien de connexité entre la décision attaquée et les dispositions contestées et qu’elle n’a pas d’intérêt à obtenir une déclaration d’illégalité des dispositions contestées.

31      À cet égard, d’une part, il ressort de la jurisprudence qu’une exception d’illégalité, soulevée de manière incidente en vertu de l’article 277 TFUE à l’occasion de la contestation au principal de la légalité d’un acte tiers, n’est recevable que dès lors qu’il existe un lien de connexité entre cet acte et la norme dont l’illégalité prétendue est excipée (arrêts du 30 avril 2019, Wattiau/Parlement, T‑737/17, EU:T:2019:273, point 56, et du 16 juin 2021, Krajowa Izba Gospodarcza Chłodnictwa i Klimatyzacji/Commission, T‑126/19, EU:T:2021:360, point 33).

32      En l’espèce, il découle de la décision attaquée que l’ensemble des dispositions dont la requérante excipe de l’illégalité est appliqué dans cette décision, soit en ce que ces dispositions constituent le fondement des contributions ex ante réclamées à la requérante, comme c’est le cas de l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014, soit en ce qu’elles déterminent les paramètres du calcul de ces contributions, comme c’est le cas des articles 6 et 7 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63. Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il existe un lien juridique direct entre la décision attaquée et les dispositions contestées.

33      D’autre part, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est certes recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. L’intérêt à agir d’une partie requérante doit être né et actuel. Il ne peut concerner une situation future et hypothétique (voir arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA, T‑611/18, EU:T:2021:241, points 139 et 141 et jurisprudence citée).

34      Cela étant, en l’espèce, toutes les dispositions visées par les exceptions d’illégalité soit constituent le fondement des contributions ex ante qui ont été réclamées à la requérante au titre de l’année 2021, soit déterminent les paramètres du calcul de ces contributions, de sorte que la requérante dispose d’un intérêt né et actuel à obtenir le constat de leur illégalité. En effet, dans l’hypothèse où la requérante obtiendrait gain de cause, de telles contributions seraient dépourvues de base légale. Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la Commission, la requérante a un intérêt à obtenir une déclaration d’illégalité de ces dispositions.

35      Par conséquent, les fins de non-recevoir de la Commission doivent être rejetées.

B.      Sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014, du règlement délégué 2015/63, et du règlement d’exécution 2015/81

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

36      Par son premier moyen, la requérante soutient que l’article 70, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a) et b), du règlement no 806/2014 ainsi que les articles 6 et 7 et l’annexe I du règlement délégué 2015/63 violent le principe d’égalité de traitement. L’argumentation venant au soutien de ce moyen s’articule autour de quatre branches, tirées, la première, de l’absence de prise en compte des différences de situation entre les établissements de l’union bancaire, la deuxième, du caractère injustifié de l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base, la troisième, du caractère injustifié de l’absence de déduction des engagements éligibles et, la quatrième, du caractère inapproprié des critères d’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque.

37      À titre liminaire, il convient de préciser qu’aucune de ces branches ne peut être comprise en ce sens que la requérante fait valoir, en réalité, que les dispositions susmentionnées sont entachées d’une erreur d’appréciation pour les motifs évoqués au point 36 ci-dessus. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a en effet confirmé que, par l’ensemble du premier moyen, elle alléguait la seule violation du principe d’égalité de traitement, et non une erreur d’appréciation.

38      En ce qui concerne, par ailleurs, la violation du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de rappeler que ce principe, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 95).

39      La requérante ayant invoqué la violation du principe d’égalité de traitement, c’est à elle qu’il incombe d’identifier avec précision les situations comparables dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière différente ou les situations différentes dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière identique [arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 311].

40      Selon une jurisprudence constante, le caractère comparable de telles situations s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte (voir arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 99 et jurisprudence citée).

41      En ce qui concerne l’objet et le but du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, il convient de rappeler que, tout comme la directive 2014/59, ces actes relèvent du domaine du MRU, dont la création vise, conformément au considérant 12 du règlement no 806/2014, à garantir une approche neutre dans le traitement des établissements défaillants, à renforcer la stabilité des établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres ne participant pas à ce mécanisme, afin de faciliter le fonctionnement du marché intérieur dans son ensemble.

42      En vue d’assurer un financement des activités du MRU, la directive 2014/59, le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63 ont instauré les contributions ex ante dont la nature spécifique consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de cette directive et du considérant 41 de ce règlement, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions et à encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

43      C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner la légalité des dispositions dont la requérante excipe de l’illégalité.

44      Parmi ces dispositions figure tout d’abord l’article 70, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a) et b), du règlement no 806/2014, qui prévoit la définition du niveau cible annuel devant être réparti entre les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

45      Par ailleurs, la requérante conteste la légalité des articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63, qui précisent les critères de l’adaptation des contributions ex ante au profil de risque des établissements, tels qu’ils sont fixés par l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59. Plus concrètement, l’article 6 de ce règlement délégué énumère les piliers de risque et indicateurs de risque que le CRU doit prendre en compte pour évaluer le profil de risque des établissements, tandis que l’article 7 dudit règlement délégué précise la pondération relative de chaque pilier de risque et indicateur de risque qui doit être appliquée par le CRU lorsqu’il évalue le profil de risque de chaque établissement.

46      Enfin, la requérante excipe de l’illégalité de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, laquelle détaille les différentes étapes de la méthode de calcul utilisée par le CRU en vue de déterminer le montant des contributions ex ante et énonce les formules mathématiques devant être appliquées par le CRU.

a)      Sur les première et deuxième branches, tirées de l’absence de prise en compte des différences de situation entre les établissements de l’union bancaire et du caractère injustifié de l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base

47      La première branche du premier moyen s’articule autour de deux griefs, tirés, le premier, de l’absence de prise en compte des différences de situation entre les secteurs bancaires des États membres participants, et, le second, de l’incohérence liée à l’absence de prise en considération des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU).

48      Par la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient, en substance, que l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014 viole le principe d’égalité de traitement, puisqu’il prévoit une exclusion des dépôts couverts du passif dont il est tenu compte afin de calculer la contribution annuelle de base.

49      Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

1)      Sur le premier grief de la première branche, tiré de l’absence de prise en compte des différences de situation entre les secteurs bancaires des États membres participants, et sur la deuxième branche, relative au caractère injustifié de l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base

50      En premier lieu, dans le cadre du premier grief de la première branche, la requérante soutient que la répartition des contributions ex ante entre les différents établissements de l’union bancaire, réalisée sur le fondement de l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014 et des articles 6 et 7 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, est appliquée sur la base de critères dont les modalités de calcul ignorent les différences de situation entre les secteurs bancaires des États membres participants. En particulier, ces dispositions auraient omis de prendre en compte les caractéristiques propres et le profil singulier des établissements ayant leur siège en France (ci-après les « établissements français »), tels que la requérante. Ainsi, alors que ces établissements se trouveraient dans des situations différentes de celles des établissements ayant leur siège dans d’autres États membres participants (ci-après les « établissements des autres États membres »), ils seraient traités de manière identique en ce qui concerne le calcul du montant desdites contributions.

51      À cet égard, la requérante fait valoir que les établissements français se distinguent des établissements des autres États membres par le fait que, bien qu’ils possèdent, de manière générale, un montant total de passifs important, ils disposent d’un montant de dépôts couverts relativement faible.

52      La requérante soutient qu’elle présente cette caractéristique pour faire valoir qu’elle subirait elle-même une violation du principe d’égalité de traitement. Cette violation proviendrait du fait que le faible montant de ses dépôts couverts ne lui permettrait pas de réduire sa contribution annuelle de base et augmenterait donc « artificiellement » le poids relatif de cette contribution dans le calcul de la totalité de sa contribution ex ante.

53      L’argument de la requérante doit ainsi être compris en ce sens qu’elle soutient, en substance, qu’elle est désavantagée au regard des établissements disposant d’un montant élevé de dépôts couverts, qui sont, notamment, établis dans les autres États membres, en raison de la possibilité pour ces derniers de bénéficier d’une réduction plus importante des passifs qui sont utilisés aux fins du calcul de la contribution ex ante, de sorte qu’elle devrait, en réalité, être traitée de manière différente au regard de ces autres établissements.

54      Cet argument recoupe ceux soulevés dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, tirée du caractère injustifié de l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base. Par conséquent, il convient de les examiner ensemble.

55      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de constater que l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base, prévue à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, s’applique de la même manière à tous les établissements relevant de son champ d’application, y compris, donc, aux établissements français, dont la requérante, et aux établissements des autres États membres, indépendamment du montant de leurs dépôts couverts.

56      S’agissant, ensuite, de la question de savoir si les établissements français, dont la requérante, se trouvent dans une situation comparable à celle des établissements des autres États membres, aux fins de l’application de ladite exclusion, il convient de rappeler que la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 visent, notamment, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, comme cela est indiqué au point 42 ci-dessus. En contrepartie de leurs obligations de verser des contributions ex ante, tous les établissements bénéficient de ces contributions au travers de la stabilité du système financier assuré par le FRU. Ce bénéfice existe indépendamment du montant des dépôts couverts dont les établissements disposent et de la mesure dans laquelle ils peuvent exclure ce montant de la base de calcul de leur contribution annuelle de base.

57      Dans ces conditions, le seul fait que les établissements disposent de montants différents de dépôts couverts n’a pas pour conséquence de les placer dans des situations différentes à la lumière de l’objet et du but de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014.

58      Enfin, la circonstance selon laquelle l’application de ces critères conduit à des montants de contributions ex ante différents pour la requérante et pour les autres établissements est le résultat du simple fait qu’ils disposent de montants différents de dépôts couverts.

59      Or, à supposer même que les établissements français, dont la requérante, disposent d’un montant de dépôts couverts moins élevé que celui des établissements des autres États membres, cette circonstance ne suffit pas à établir une violation du principe d’égalité de traitement.

60      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l’adoption, par le législateur de l’Union, d’une réglementation dans un domaine d’action particulier peut avoir des répercussions différentes pour certains opérateurs économiques au regard de leur situation individuelle ou des règles nationales auxquelles ils sont par ailleurs soumis, une telle conséquence ne pouvant être considérée comme une atteinte au principe d’égalité de traitement si ladite réglementation est fondée sur des critères objectifs et adaptés aux buts poursuivis par celle-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 septembre 2013, Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, EU:C:2013:567, point 34 et jurisprudence citée).

61      En l’espèce, d’une part, il convient de constater que l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base est fondée sur des critères objectifs. À cet égard, il découle de l’article 3, paragraphe 1, point 11, du règlement no 806/2014, qui renvoie à l’article 2, paragraphe 1, point 5, de la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 2014, L 173, p. 149), que la notion de « dépôts couverts », au sens du règlement no 806/2014, correspond, aux fins de l’exclusion de ces dépôts de la base de calcul de la contribution annuelle de base, à la notion de « dépôts garantis » dans le cadre du système de garantie des dépôts (SGD). Or, cette dernière notion est définie sur la base des critères prévus à l’article 2, points 3 et 4, et à l’article 6 de la directive 2014/49, qui ont un caractère objectif.

62      D’autre part, force est de relever que cette exclusion est fondée sur des critères adaptés aux buts poursuivis par l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014. En effet, ainsi que l’a expliqué le CRU, ladite exclusion a, notamment, pour but d’éviter un effet de double comptage des dépôts couverts. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les établissements sont tenus, en raison desdits dépôts, de verser des contributions aux SGD dont ils relèvent, en application de la directive 2014/49. Or, si, comme le revendique la requérante, les dépôts couverts n’étaient pas exclus de la base de calcul des contributions ex ante, les établissements seraient tenus de payer, en raison de ces mêmes dépôts couverts, les contributions ex ante parallèlement aux contributions permettant le financement des SGD.

63      Dans ces conditions, le choix opéré par le législateur de l’Union, à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, d’exclure les dépôts couverts du total du passif des établissements dont il doit être tenu compte afin de calculer la contribution annuelle de base peut être considéré comme étant fondé sur des critères objectifs et adaptés aux buts poursuivis par cette disposition.

64      Par conséquent, il convient d’écarter le premier argument de la requérante soulevé à l’appui du premier grief de la première branche du premier moyen ainsi que la deuxième branche de ce moyen.

65      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la méthode de calcul prévue par les dispositions mentionnées au point 50 ci-dessus a pour conséquence que les contributions ex ante des établissements français sont notablement plus élevées que celles des établissements des autres États membres et qu’elles ont fortement augmenté depuis 2016.

66      À cet égard, tout d’abord, la requérante ne conteste pas que les critères de calcul de ces contributions ex ante s’appliquent de la même manière aux établissements français, dont elle fait partie, et aux établissements des autres États membres.

67      Ensuite, la requérante n’explique pas l’incidence de la circonstance évoquée au point 65 ci-dessus sur l’examen de la question de savoir si elle se trouve dans une situation différente de celle des établissements des autres États membres.

68      Enfin, et en tout état de cause, le montant élevé des contributions ex ante des établissements français s’explique par plusieurs facteurs qui n’ont pas été contestés par la requérante.

69      Premièrement, le CRU a précisé, sans être contredit, que les établissements français avaient généralement une part de passifs totaux plus importante que les établissements des autres États membres, correspondant à plus d’un tiers de ces passifs pendant la période pertinente pour le calcul des contributions ex ante.

70      Une telle circonstance a un impact significatif sur le montant des contributions annuelles de base des établissements concernés et, par voie de conséquence, sur le montant de leurs contributions ex ante. En effet, conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et à l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement est proportionnelle au montant du passif de cet établissement, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. L’application de ces dispositions conduit ainsi à ce que les contributions annuelles des établissements français soient souvent plus élevées que celles des établissements des autres États membres.

71      Or, la requérante n’a pas contesté la légalité de l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et de l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, en vertu desquels le législateur de l’Union a décidé de fonder le calcul des contributions ex ante sur le montant des passifs des établissements.

72      Deuxièmement, la requérante n’a pas davantage contesté l’affirmation du CRU selon laquelle la taille des bilans des établissements français et de leurs passifs avait augmenté entre 2016 et 2021, ce qui avait entraîné une augmentation de la contribution annuelle de base de ces établissements et, partant, des contributions ex ante que la requérante était tenue de verser.

73      Troisièmement, le CRU a expliqué, sans être contredit, que l’augmentation des contributions ex ante des établissements français avait été accélérée par le mécanisme dit de « phasing-in » du calcul de ces contributions, tel qu’il est prévu à l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 (ci-après le « mécanisme de ‟phasing-in” »). Selon ce mécanisme, d’ailleurs applicable à tous les établissements concernés, une part de plus en plus importante des contributions ex ante des établissements est calculée sur la base de l’union, plutôt que sur la base nationale, cette part s’élevant à 86,67 % pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021.

74      À cet égard, le CRU a précisé qu’une telle circonstance impliquait que le profil de risque des établissements français était de plus en plus mesuré en référence à celui des établissements des autres États membres. Ainsi, au regard de la part de passifs totaux des établissements français par rapport aux passifs totaux des établissements des autres États membres, comme cela est indiqué au point 69 ci-dessus, le mécanisme de « phasing-in » explique – selon les mêmes précisions non contestées du CRU – pourquoi le montant des contributions ex ante des établissements français, dont la requérante, a plus augmenté entre 2016 et 2021 que celui des établissements des autres États membres.

75      Par conséquent, l’augmentation de la contribution ex ante des établissements français, tels que la requérante, s’explique par un ensemble de facteurs objectifs, parmi lesquels figure le montant de plus en plus élevé de leurs passifs, et non par une inégalité de traitement dont ceux-ci auraient fait l’objet.

76      Dans ces conditions, la requérante n’a pas établi que les dispositions mentionnées au point 50 ci-dessus méconnaissaient le principe d’égalité de traitement.

77      En troisième lieu, l’argument de la requérante selon lequel, en substance, le mécanisme de « phasing-in » conduit à ne pas tenir compte des caractéristiques propres à chaque secteur bancaire et à créer une distorsion entre les secteurs bancaires au détriment du secteur français ne saurait non plus prospérer.

78      En effet, cet argument vise à remettre en cause l’existence même du mécanisme de « phasing-in », sans que la requérante excipe de l’illégalité de la disposition le prévoyant, à savoir l’article 8, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81.

79      En tout état de cause, cette disposition concerne l’ensemble des établissements, dont la requérante. Par conséquent, le mécanisme de « phasing-in » s’applique de manière identique aux établissements français, dont la requérante, et aux établissements des autres États membres. En outre, si la critique de la requérante devait être comprise en ce sens que cette dernière fait valoir que les établissements français ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle des établissements des autres États membres dans le cadre du mécanisme de « phasing-in », il convient de relever que la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui démontrerait que les premiers se trouvent effectivement dans une situation différente de celle des seconds dans le cadre de ce mécanisme.

80      En quatrième lieu, la requérante soutient que, outre le fait qu’elle ne présente pas le même risque que les établissements des autres États membres, il est peu probable qu’elle puisse bénéficier du FRU, eu égard à l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (ci-après l’« EMEE ») à laquelle elle est soumise ainsi qu’à la nécessaire mise en œuvre de l’instrument de renflouement interne dans des proportions importantes et avant toute intervention du FRU.

81      Tout d’abord, il convient de rappeler que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, point 40, du règlement no 806/2014, les fonds propres correspondent aux moyens mis à la disposition d’un établissement par ses actionnaires, ou d’autres investisseurs, ainsi qu’aux bénéfices qu’il a réalisés et qui n’ont pas été distribués.

82      Ensuite, selon l’article 3, point 49, du règlement no 806/2014, les « engagements éligibles » sont les engagements ou éléments de passif et les instruments de capital qui ne sont pas des instruments de fonds propres relevant de certaines catégories et qui ne sont pas exclus du champ d’application de l’instrument de renflouement interne.

83      En outre, l’article 12, paragraphe 16, premier alinéa, sous a) à f), du règlement no 806/2014 prévoit qu’un engagement éligible émis pour respecter l’EMEE au sens du paragraphe 1 de cette même disposition doit être un instrument émis et entièrement libéré, qu’il ne doit pas s’agir d’un engagement envers l’établissement lui-même ou garanti par celui-ci, que l’achat de l’instrument ne doit avoir été financé ni directement ni indirectement par l’établissement, que l’engagement doit avoir une échéance résiduelle d’au moins un an, que l’engagement ne doit résulter ni d’un produit dérivé ni d’un dépôt bénéficiant d’une préférence dans la hiérarchie nationale en matière d’insolvabilité.

84      Enfin, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 73 et de l’article 27 du règlement no 806/2014, l’instrument de renflouement interne limite les coûts de résolution d’une entité défaillante supportés par le contribuable en garantissant que les actionnaires et créanciers de l’entité défaillante subissent des pertes appropriées et assument une part appropriée des coûts dus à la défaillance de l’entité. De même, il ressort du considérant 83 du règlement no 806/2014 que, afin de garantir que l’instrument de renflouement interne est efficace, l’article 12 de ce règlement prévoit que les établissements doivent détenir des montants suffisants de fonds propres et d’engagements éligibles pour absorber des pertes et recapitaliser les établissements défaillants.

85      Cela étant, la requérante ne conteste pas que le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63 la traitent de la même manière que les autres établissements concernés s’agissant de la prise en considération des exigences en matière d’EMEE et de mise en œuvre de l’instrument de renflouement interne.

86      Si, dans ces conditions, l’argumentation de la requérante devait être comprise en ce sens que cette dernière soutient, en réalité, qu’elle a été désavantagée du fait que le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63 n’ont pas suffisamment pris en compte les exigences en matière d’EMEE et de mise en œuvre de l’instrument de renflouement interne aux fins du calcul du montant des contributions ex ante, il convient de relever ce qui suit.

87      Tout d’abord, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret visant à contester l’affirmation du CRU selon laquelle les établissements possédant des passifs importants, tels qu’elle-même, sont les plus à même de bénéficier des mécanismes de résolution arrêtés par le règlement no 806/2014, et ce malgré les exigences auxquelles ils sont soumis en matière d’EMEE ou d’autres exigences prudentielles. Sur ce point, le considérant 5 du règlement délégué 2015/63 souligne d’ailleurs que, plus un établissement est important, plus il est probable que, en cas de difficulté, l’autorité de résolution jugera qu’il est dans l’intérêt public de procéder à sa résolution et de recourir au FRU afin de garantir l’application effective des instruments de résolution.

88      Ensuite, l’article 6, paragraphe 2, sous a), du règlement délégué 2015/63 prévoit un indicateur de risque fondé, notamment, sur les exigences en matière d’EMEE, dans le cadre de l’évaluation du profil de risque des établissements, aux fins de calculer le montant de leur contribution ex ante. Or, la requérante n’a pas soutenu que le poids de cet indicateur de risque était insuffisant dans le cadre du calcul des contributions ex ante.

89      À cet égard, il convient d’ajouter que si, certes, l’article 20 du règlement délégué 2015/63 permet au CRU de ne pas tenir compte, à titre transitoire, dudit indicateur de risque lors du calcul de la contribution ex ante, la requérante n’a toutefois pas contesté la validité de cette disposition.

90      Enfin, il ressort des articles 22 et 27 du règlement no 806/2014 que, dans le cadre de l’adoption d’une résolution au titre de ce règlement, l’instrument de renflouement interne a vocation à s’appliquer, de la même manière, à tous les établissements avant le recours au FRU. De plus, la possibilité de recourir à l’instrument de renflouement interne n’exclut pas un éventuel recours au FRU. Dans ces conditions, la requérante n’a pas démontré que les établissements français se trouvaient dans une situation différente de celle des établissements des autres États membres en raison de leurs EMEE et de la possibilité pour eux d’appliquer l’instrument de renflouement interne.

91      En cinquième lieu, la requérante prétend que, lors de la réunion du 9 décembre 2014, le Conseil aurait établi un accord politique selon lequel les « contributions françaises et allemandes » devaient être au même niveau pendant la période transitoire.

92      Toutefois, il ne ressort pas du procès-verbal de cette réunion du Conseil, publié sur son site Internet, qu’un tel accord aurait été conclu.

93      Il y a donc lieu d’écarter l’argument de la requérante.

94      En sixième lieu, la requérante considère qu’elle a fait l’objet d’une inégalité de traitement au motif qu’elle n’a pas pu bénéficier du régime du calcul des contributions ex ante qui est applicable aux petits et aux moyens établissements.

95      L’article 10 du règlement délégué 2015/63 et l’article 8, paragraphe 5, du règlement d’exécution 2015/81 prévoient des régimes particuliers en faveur des petits et des moyens établissements, dont il découle, d’une part, que les contributions ex ante des petits établissements sont constituées, en principe et sauf circonstances particulières, de montants forfaitaires et, d’autre part, que les contributions ex ante des établissements moyens, pour une partie, sont forfaitaires et, pour l’autre partie, peuvent être calculées selon les règles applicables à tous les autres établissements. Cependant, compte tenu des considérations énoncées au point 87 ci-dessus, les établissements de grande taille ayant un montant de passifs très élevé, tels que la requérante, ne présentent pas, en ce qui concerne l’utilisation du FRU, un profil de risque équivalent à celui des petits et des moyens établissements ou plus faible que ce dernier. Par conséquent, ces deux catégories ne se trouvent pas dans une situation comparable aux fins du calcul des contributions ex ante.

96      Par suite, et eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la requérante n’a pas démontré que l’article 70, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a) et b), du règlement no 806/2014 ainsi que les articles 6 et 7 et l’annexe I du règlement délégué 2015/63 violaient le principe d’égalité de traitement.

97      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le premier grief de la première branche et la deuxième branche du premier moyen comme non fondés.

2)      Sur le second grief de la première branche, tiré de l’incohérence liée à l’absence de prise en considération des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU

98      La requérante soutient que, eu égard à la continuité et à la relation forte entre le MSU et le MRU, il est incohérent d’évaluer le risque présenté par un établissement dans le cadre du MRU sans prendre en considération les critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU, lesquels permettent de s’assurer que les établissements ayant la plus forte probabilité de recourir au FRU sont ceux qui contribuent le plus à son financement. L’absence de prise en considération des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU conduirait ainsi à pénaliser les établissements pour qui le recours au FRU est le moins probable, compte tenu, notamment, de leur solidité reconnue dans le cadre du MSU.

99      À cet égard, il convient tout d’abord de constater que, en dépit des exigences découlant de la jurisprudence citée aux points 38 et 39 ci-dessus, la requérante n’explique pas avec une clarté suffisante en quoi la prétendue exigence de cohérence avec les critères mentionnés au point 98 ci-dessus est pertinente aux fins d’établir si elle a subi une violation du principe d’égalité de traitement.

100    Si, dans ces conditions, l’argumentation de la requérante doit être comprise en ce sens que cette dernière soutient, en réalité, qu’elle est traitée de la même façon que les autres établissements qui ont un profil de risque plus élevé au regard des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU, alors même que, selon ces critères, la probabilité pour elle de recourir au FRU serait moindre, il convient de relever ce qui suit.

101    Il est certes vrai, ainsi qu’il ressort des considérants 11, 13, 15 et 52 du règlement no 806/2014, qu’il existe un lien de complémentarité entre les règles établies dans le cadre du MRU et celles adoptées dans le cadre du MSU.

102    En particulier, certains des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MRU se rapprochent de ceux utilisés dans le cadre du MSU, tels qu’ils sont prévus, notamment, par le règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1).

103    Ainsi, plusieurs critères de la réglementation relative au MRU utilisent des notions qui correspondent à celles de la réglementation adoptée dans le cadre du MSU et sont même définies par une référence expresse à cette dernière. Tel est, notamment, le cas des notions de « fonds propres », de « ratio de levier » ou de « ratio de fonds propres de base de catégorie I », qui sont déterminantes aux fins de l’application des indicateurs de risque énumérés à l’article 6, paragraphe 2, sous a) à c), du règlement délégué 2015/63 et qui sont définies à l’article 3 de ce règlement délégué, par référence au règlement no 575/2013.

104    Cependant, en dépit de ce lien de complémentarité, force est de constater que, ainsi que le fait valoir le CRU sans être contredit sur ce point, les objectifs poursuivis par la réglementation relative au MRU en matière de résolution des établissements sont différents de ceux que poursuit la réglementation relative au MSU en ce qui concerne les exigences en matière de supervision.

105    Ainsi, d’une part, la réglementation de l’Union en matière de résolution des établissements a pour objectif, en ce qui concerne les contributions ex ante, de garantir, comme cela ressort du point 42 ci-dessus, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions et d’encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

106    D’autre part, la réglementation de l’Union relative aux exigences prudentielles a, quant à elle, pour objectif, selon le considérant 32 du règlement no 575/2013, d’encourager les activités bancaires économiquement utiles qui servent l’intérêt général et de décourager la spéculation financière non viable, sans réelle valeur ajoutée, mais également, en vertu du considérant 42 de ce règlement, d’appliquer de meilleures méthodes de mesure et de gestion du risque et de les utiliser pour les exigences de fonds propres réglementaires.

107    Il s’ensuit, plus particulièrement, que l’évaluation du risque lors de l’application de la réglementation relative au MRU et l’évaluation du risque dans le cadre du MSU répondent à des objectifs différents. Ainsi, l’évaluation du risque dans le cadre du pilier II du MSU est effectuée afin de satisfaire aux exigences prudentielles fixées par celui-ci en vue de garantir qu’un établissement donné dispose des fonds propres suffisants pour faire face à tout risque spécifique qui ne serait pas couvert par le pilier I du MSU, lequel correspond à l’évaluation transversale du risque d’un établissement. Le résultat d’une telle évaluation tend à déterminer les exigences prudentielles auxquelles un établissement donné doit être soumis pour éviter qu’il ne se trouve dans une situation de défaillance.

108    En revanche, l’évaluation du risque dans le cadre de l’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque, prévue à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014 et aux articles 5 à 9 du règlement délégué 2015/63, est effectuée afin de répartir les contributions ex ante entre tous les établissements concernés. Le résultat d’une telle évaluation tend à apprécier non seulement le risque de défaillance d’un établissement donné, mais aussi, d’une manière plus large, le risque de recours au FRU par un établissement défaillant.

109    En outre, la réglementation relative au MRU répond à une logique particulière en ce sens que le profil de risque d’un établissement donné est également évalué au regard du profil de risque de l’ensemble des autres établissements concernés.

110    Compte tenu des objets et des buts spécifiques de la réglementation relative au MSU et de celle relative au MRU, ainsi que de la logique comparative de cette dernière, aucune violation du principe d’égalité de traitement ne saurait être tirée du seul fait que le cadre juridique régissant le calcul des contributions ex ante du MRU ne reprend pas, en tant que tels, les critères d’évaluation du risque prévus dans le cadre du MSU.

111    Par conséquent, il y a lieu d’écarter le second grief de la première branche du premier moyen comme non fondé et, avec lui, cette branche dans son ensemble.

b)      Sur la troisième branche, tirée du caractère injustifié de l’absence de déduction des engagements éligibles répondant aux exigences prudentielles au titre de l’EMEE

112    La requérante soutient que l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014 ainsi que les articles 6 et 7 et l’annexe I du règlement délégué 2015/63 enfreignent le principe d’égalité de traitement au motif que ni l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014 ni l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 ne prévoient de déduction des engagements éligibles du passif dont il est tenu compte afin de calculer la contribution annuelle de base. Cette réglementation aurait dû prévoir une telle déduction, puisque les engagements éligibles constitueraient des « quasi-fonds propres » qui seraient mis en place pour répondre aux exigences prudentielles au titre de l’EMEE et qui serviraient à absorber des pertes ainsi qu’à mettre en place l’instrument de renflouement interne.

113    Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

114    Au regard des précisions fournies par la requérante lors de l’audience, il convient de constater que celle-ci soutient, en substance, en premier lieu, que la violation du principe d’égalité de traitement découle du fait que les engagements éligibles se trouvent dans une situation comparable aux fonds propres, mais sont traités de manière différente de ces fonds dans la mesure où ils ne sont pas exclus, au titre de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, du passif dont il est tenu compte afin de calculer la contribution annuelle de base.

115    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, les fonds propres sont exclus du passif dont il est tenu compte afin de calculer la contribution annuelle de base. En revanche, ni l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 ni l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, qui prévoient l’exclusion de certains passifs du calcul de la contribution annuelle de base, n’ont exclu les engagements éligibles dudit passif.

116    Au regard de la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, il convient d’examiner si, à la lumière de l’objet et du but du règlement no 806/2014, les engagements éligibles se trouvent dans une situation comparable à celle des fonds propres, de sorte qu’ils devraient être exclus du calcul de la contribution annuelle de base.

117    Sur ce point, il convient de constater que, conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et à l’article 48, paragraphe 1, de la directive 2014/59, en cas d’application de l’instrument de renflouement interne à un établissement dans le cadre d’une procédure de résolution, les autorités nationales de résolution exercent les pouvoirs de dépréciation et de conversion des créances, d’abord sur les fonds propres et, ensuite – « si, et seulement si » les fonds propres disponibles n’ont pas été en mesure d’absorber les pertes –, sur les engagements éligibles.

118    En outre, en vertu de l’article 21, paragraphes 1 et 7 bis, du règlement no 806/2014, le CRU exerce les pouvoirs de dépréciation ou de conversion des engagements éligibles, indépendamment d’une mesure de résolution, uniquement en ce qui concerne les engagements éligibles qui remplissent les conditions spécifiques et restrictives de l’article 12 octies, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, excepté la condition liée à l’échéance résiduelle des engagements mentionnée à l’article 72 quater, paragraphe 1, du règlement no 575/2013. Ces dispositions démontrent que les possibilités pour le CRU de procéder, indépendamment d’une mesure de résolution, à la dépréciation et à la conversion des engagements éligibles sont encadrées par des conditions spécifiques et limitatives, à la différence de ce qu’il en est pour les fonds propres.

119    Enfin, l’article 27, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 prévoit que, dans des circonstances exceptionnelles, lorsque l’instrument de renflouement interne est appliqué, certains engagements éligibles peuvent être exclus totalement ou partiellement du champ d’application des pouvoirs de dépréciation ou de conversion. Or, une telle possibilité n’existe pas en ce qui concerne les fonds propres.

120    Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, les engagements éligibles n’ont pas la même capacité à absorber les pertes des établissements que les fonds propres.

121    Dans ces conditions, il convient de conclure que, en dépit des exigences découlant de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, la requérante n’a pas démontré que les engagements éligibles se trouvaient dans une situation comparable à celle des fonds propres en ce qui concernait leur capacité à absorber des pertes et à mettre en place l’instrument de renflouement interne.

122    En second lieu, la requérante critique le fait que l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 ne prévoit pas de déduction des engagements éligibles du passif servant de base de calcul pour déterminer la contribution annuelle de base.

123    À cet égard, il convient de constater que cette disposition ne prévoit pas non plus l’exclusion des fonds propres du passif servant de base de calcul pour déterminer la contribution annuelle de base, cette exclusion étant prévue à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014.

124    En outre, il ressort de la jurisprudence que la prise en compte du principe d’égalité de traitement ne saurait justifier la déduction des engagements éligibles du passif servant de base de calcul pour déterminer la contribution annuelle de base, dès lors que le règlement délégué 2015/63 a distingué des situations présentant des particularités notables, directement liées aux risques présentés par les passifs en cause (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 95).

125    Il découle de ce qui précède que le fait de ne pas avoir prévu à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 la déduction des engagements éligibles du passif servant de base de calcul pour déterminer la contribution annuelle de base ne constitue pas une violation du principe d’égalité de traitement.

126    Par conséquent, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

c)      Sur la quatrième branche, tirée du fait que les contributions ex ante ne sont pas représentatives du risque réellement supporté en raison des critères de calcul du multiplicateur d’ajustement

127    Par la quatrième branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014 ainsi que les articles 6 et 7 et l’annexe I du règlement délégué 2015/63 violent le principe d’égalité de traitement au motif que les contributions ex ante ne sont pas représentatives du risque réellement supporté en raison des critères de calcul du multiplicateur d’ajustement. À cet égard, la requérante soulève trois griefs tirés, le premier, de l’absence de prise en compte du profil de risque global intrinsèque de chaque établissement, le deuxième, de l’absence d’appréciation des facteurs de risque au regard de toute exigence imposée par l’autorité de supervision dans le cadre du MSU et, le troisième, de l’impossibilité de tenir compte de manière globale de chaque spécificité individuelle de chaque établissement.

1)      Sur le premier grief, tiré de l’absence de prise en compte du profil de risque global intrinsèque de chaque établissement

128    La requérante soutient que les critères fixés aux « articles 6 et suivants » du règlement délégué 2015/63 reposent sur la prise en compte de facteurs de risque appréhendés individuellement, et non sur la prise en compte du profil de risque global intrinsèque de chaque établissement.

129    Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

130    Tout d’abord, il convient de relever que, en méconnaissance de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, la requérante n’a pas identifié avec précision les situations comparables qui, selon elle, ont été traitées de manière différente ou les situations différentes qui, selon elle, ont été traitées de manière identique en ce qui concerne la détermination des critères d’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque par le législateur de l’Union.

131    Ensuite, il est constant que les critères de calcul du multiplicateur d’ajustement, qui conduisent à l’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du critère de risque, s’appliquent à tous les établissements concernés, tels que la requérante, hormis ceux qui sont éligibles au versement d’une contribution forfaitaire en vertu de l’article 10 du règlement délégué 2015/63 et ceux qui sont mentionnés à l’article 11 de ce règlement délégué. Dans ces conditions, la requérante n’est pas traitée de manière différente en ce qui concerne lesdits critères.

132    En outre, la requérante n’a pas soutenu, et encore moins démontré, que la violation du principe d’égalité de traitement découlerait du fait qu’elle ne devrait pas être traitée de la même manière que les autres établissements s’agissant de l’application des critères de calcul du multiplicateur d’ajustement susmentionnés.

133    Par ailleurs, à supposer même que la critique de la requérante doive être comprise en ce sens que cette dernière fait valoir qu’elle ne se trouve pas dans une situation comparable à celle des autres établissements et qu’elle doit être traitée de manière différente, il convient de relever que la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui démontrerait qu’elle se trouve dans une telle situation.

134    Enfin, et en tout état de cause, l’argumentation de la requérante repose sur des prémisses erronées. En premier lieu, la requérante soutient à tort que les critères fixés par le règlement délégué 2015/63 ne tiennent pas compte du profil de risque global intrinsèque des établissements. En effet, plusieurs des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, notamment celui relatif à l’importance de l’établissement pour la stabilité du système financier ou de l’économie, permettent une telle analyse globale.

135    En second lieu, il convient de rejeter les critiques de la requérante à l’encontre des critères prévus aux « articles 6 et suivants » du règlement délégué 2015/63 au motif qu’ils tiennent compte des banques régionales de petite taille, ce qui induirait un biais négatif à l’encontre des établissements de grande taille en raison de la détention par ces banques régionales d’un montant significatif de dépôts couverts, et ce contrairement aux établissements de grande taille, comme la requérante, dont les activités ne seraient pourtant pas plus risquées.

136    En effet, d’une part, il ressort des points 51 à 63 ci-dessus que la requérante n’a pas établi que l’exclusion des dépôts couverts aux fins du calcul de la contribution ex ante méconnaissait le principe d’égalité de traitement. D’autre part, compte tenu des considérations énoncées aux points 94 et 96 ci-dessus, les établissements de grande taille ayant un montant de passifs très élevé, tels que la requérante, ne présentent pas un profil de risque équivalent à celui des petits et des moyens établissements ou plus faible que ce dernier. Par conséquent, ces deux catégories ne se trouvent pas dans une situation comparable aux fins de l’appréciation que doit effectuer le CRU pour calculer les contributions ex ante.

137    Dès lors, il y a lieu d’écarter le présent grief comme non fondé.

2)      Sur le deuxième grief, tiré de l’absence d’appréciation des facteurs de risque au regard des exigences imposées par l’autorité de supervision dans le cadre du MSU

138    La requérante soutient que la méthode d’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque conduit à ce que les facteurs de risque soient appréciés indépendamment de toute exigence imposée par l’autorité de supervision dans le cadre du MSU. Or, selon les critères relevant du MSU, les établissements français seraient les moins risqués de l’union bancaire, alors qu’ils apparaîtraient comme étant les plus risqués selon les critères d’évaluation énoncés par le règlement délégué 2015/63.

139    Le CRU et le Conseil contestent cette argumentation.

140    Le présent grief et le second grief de la première branche du premier moyen, qui a été rejeté aux points 100 à 110 ci-dessus, se recoupent en substance.

141    Le présent grief doit ainsi être écarté pour les mêmes motifs.

3)      Sur le troisième grief, tiré de l’impossibilité de tenir compte de manière globale de chaque spécificité individuelle de chaque établissement

142    La requérante considère que l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014 et les articles 6 et 7 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63 violent le principe d’égalité de traitement au motif que, dans le cadre d’un processus appliqué de manière uniforme à tous les établissements et en vue de répartir le montant correspondant au niveau cible annuel de manière égale et proportionnelle entre ceux-ci, il n’est pas possible de tenir compte de manière globale de chaque spécificité individuelle de chaque établissement.

143    Le CRU et le Conseil contestent cette argumentation.

144    Tout d’abord, il convient de relever que, par la formulation de son grief, la requérante reconnaît elle-même que la méthode de calcul des contributions ex ante critiquée s’applique de la même manière à tous les établissements.

145    Ensuite, si la critique de la requérante devait être comprise en ce sens que cette dernière fait valoir qu’elle ne se trouve pas dans une situation comparable à celle des autres établissements et qu’elle devrait être traitée de manière différente, il convient de relever que la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui démontrerait qu’elle se trouve dans une telle situation.

146    Enfin, et en tout état de cause, l’argumentation de la requérante revient à soutenir, en réalité, que les critères d’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque ne sont pas appropriés. Or, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément circonstancié qui viserait à démontrer, d’une manière concrète, le caractère inapproprié de ces critères, en se bornant à formuler des affirmations non étayées.

147    Par conséquent, le troisième grief doit être écarté et, avec lui, la quatrième branche du premier moyen ainsi que ce moyen dans son ensemble.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

148    La requérante soutient que l’article 70, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a) et b), du règlement no 806/2014 ainsi que les articles 6 et 7 et l’annexe I du règlement délégué 2015/63 établissent des modalités de calcul des contributions ex ante qui méconnaissent le principe de proportionnalité.

149    Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

150    Le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés au regard des buts visés (arrêts du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 165, et du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 142 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 51).

151    En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions mentionnées au point 150 ci-dessus, il convient de rappeler que, lors de la détermination du mode de calcul des contributions ex ante, le législateur de l’Union bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation, puisqu’il est amené à intervenir dans un domaine impliquant, de sa part, des choix de nature politique et économique et dans lequel il est appelé à effectuer des appréciations complexes (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 117 et 118).

152    De même, dans le contexte d’un pouvoir délégué au sens de l’article 290 TFUE, la Commission dispose, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée, notamment, à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 53 et jurisprudence citée).

153    Il en va, notamment, ainsi pour le règlement délégué 2015/63, par lequel la Commission a précisé les règles d’ajustement des contributions ex ante au profil de risque, en application de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

154    En effet, ainsi qu’il ressort des documents afférents à l’adoption du règlement délégué 2015/63, notamment les documents « JRC technical work supporting Commission second level legislation on risk based contributions to the (single) resolution fund » [Étude technique du JRC au soutien de la législation de deuxième niveau de la Commission sur les contributions fondées sur les risques au fonds de résolution (unique), ci-après l’« étude technique du JRC »], et « Commission Staff Working Document: estimates of the application of the proposed methodology for the calculation of contributions to resolution financing arrangements » (Document de travail des services de la Commission : estimations de l’application de la méthode proposée pour le calcul des contributions aux dispositifs de financement des résolutions), l’élaboration de telles règles impliquait des appréciations et des évaluations complexes de la part de la Commission dans la mesure où celle-ci devait examiner les différents éléments au vu desquels les divers types de risque étaient appréhendés dans les secteurs bancaire et financier.

155    Dans ces conditions, et conformément à la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 2016, Pologne/Parlement et Conseil, C‑358/14, EU:C:2016:323, points 79, 96 et 97 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2022, Firearms United Network e.a./Commission, T‑187/21, non publié, sous pourvoi, EU:T:2022:848, points 122 et 123 et jurisprudence citée), le contrôle, par le Tribunal, du respect du principe de proportionnalité doit se limiter à examiner si les mesures arrêtées par le législateur de l’Union et par la Commission sont manifestement inappropriées au regard de l’objectif poursuivi, si elles ne vont pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ou si elles n’entraînent pas d’inconvénients manifestement disproportionnés au regard dudit objectif.

156    À cet égard, la requérante fait valoir, en substance, trois arguments.

157    En premier lieu, il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel l’article 70, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a) et b), du règlement no 806/2014 ainsi que les articles 6 et 7 et l’annexe I du règlement délégué 2015/63 violent le principe de proportionnalité au motif que le calcul de la contribution ex ante de chaque établissement dépend de la situation d’autres établissements, sans pour autant que l’objectif de répartition équilibrée, en fonction du risque, soit respecté. En particulier, en raison de cette interdépendance entre les établissements, le secteur bancaire français subirait une charge disproportionnée.

158    S’agissant, tout d’abord, du caractère approprié de la méthode de calcul des contributions ex ante, d’une part, il convient de rappeler que la Cour a déjà admis que le législateur de l’Union ait pu opter, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, pour un mode de calcul des contributions ex ante qui reposait sur la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé dans les États membres participants (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

159    D’autre part, la requérante n’a invoqué aucun élément susceptible de remettre en cause les motifs appuyant cette constatation ou l’affirmation du CRU selon laquelle une telle méthode de calcul vise à encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués en les incitant, en particulier, à améliorer leur position au regard de celle des autres établissements.

160    Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir que le calcul des contributions ex ante sur la base de la prise en compte comparative de la situation financière de chaque établissement constitue une mesure manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif mentionné au point 159 ci-dessus.

161    En ce qui concerne le caractère nécessaire de la méthode mentionnée au point 159 ci-dessus, la requérante fait valoir que les contributions ex ante auraient pu être calculées par le biais d’une autre méthode, qui serait uniquement fondée sur les données propres à l’établissement concerné. Cependant, à supposer qu’une telle méthode aboutisse à une contribution ex ante moins élevée et qu’elle soit ainsi moins contraignante pour les établissements, il n’est pas établi qu’elle permettrait d’atteindre l’objectif énoncé au point 159 ci-dessus aussi efficacement que la méthode de calcul comparative mise en place par le législateur de l’Union et la Commission.

162    Au regard de la teneur des arguments de la requérante, il n’est ainsi pas établi que la méthode de calcul va manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif mentionné au point 159 ci-dessus.

163    Enfin, la requérante n’a pas démontré que le calcul des contributions ex ante sur la base de la prise en compte comparative de la situation financière de chaque établissement entraînerait des inconvénients manifestement disproportionnés au regard de l’objectif poursuivi, décrit au point 159 ci-dessus.

164    En deuxième lieu, la requérante soutient que l’évaluation du profil de risque des établissements aux fins du calcul des contributions ex ante est fondée sur des critères qui ne sont pas corrélés à ceux qui sont appliqués dans le cadre du MSU. En raison de cette absence de corrélation, la requérante serait soumise à une contribution ex ante dont le montant serait artificiellement élevé et disproportionné.

165    S’agissant, premièrement, du caractère approprié des critères d’évaluation du profil de risque des établissements, tels qu’ils sont établis par l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 – auquel renvoie d’ailleurs l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014 – et les articles 6 et 7 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63, il ressort de leur contenu ainsi que du considérant 107 de la directive 2014/59, du considérant 109 du règlement no 806/2014 et du considérant 5 du règlement délégué 2015/63 que ces critères visent à assurer que les établissements ayant un mode de fonctionnement plus risqué sont tenus de verser des contributions ex ante plus élevées que ceux ayant adopté un mode de fonctionnement moins risqué.

166    Or, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui remettrait en cause le fait que lesdits critères sont de nature à permettre d’atteindre un tel objectif. À cet égard, elle s’est bornée à formuler une affirmation non étayée selon laquelle les critères employés pour l’évaluation du risque dans le cadre du MSU seraient plus appropriés pour assurer que les établissements présentant un risque élevé contribuent le plus au FRU. Or, au regard des considérations énoncées aux points 104 à 111 ci-dessus, un tel argument ne peut être accueilli, les objectifs de la réglementation relative au MRU et ceux de celle concernant le MSU étant différents.

167    Dans ces conditions, les arguments de la requérante visant à démontrer que les dispositions mentionnées au point 165 ci-dessus, qui prévoient les critères d’adaptation des contributions ex ante au profil de risque des établissements, sont manifestement inappropriées au regard de l’objectif rappelé audit point doivent être rejetés.

168    En ce qui concerne, deuxièmement, le caractère nécessaire de la prise en compte des critères issus des dispositions mentionnées au point 165 ci-dessus, la requérante prétend qu’une éventuelle prise en compte des critères utilisés dans le cadre du MSU, aux fins de calculer les contributions ex ante, pourrait entraîner moins de charges pour les établissements concernés.

169    Cependant, ainsi que la Cour l’a relevé dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113), les critères prévus par les dispositions mentionnées au point 165 ci-dessus visent à répartir le montant du niveau cible annuel entre tous les établissements concernés. Ainsi, si des critères de substitution à ceux issus de ces dispositions, tels que les critères utilisés dans le cadre du MSU, entraînaient moins de charges pour certains établissements, ils engendreraient, en même temps, plus de charges pour d’autres établissements. Malgré cela, la requérante n’a pas expliqué comment l’application desdits critères de substitution créerait moins de charges pour tous les établissements concernés.

170    En outre, à supposer que de tels critères aboutissent à une contribution ex ante moins élevée pour les établissements, la requérante ne précise pas comment l’application de ces critères permettrait d’atteindre l’objectif énoncé au point 165 ci-dessus aussi efficacement que l’application des critères issus des dispositions mentionnées audit point, malgré le fait que, ainsi qu’il découle des points 104 à 111 ci-dessus, les objectifs poursuivis par le MSU et, plus particulièrement, par la réglementation de l’Union concernant les exigences en matière de supervision sont différents de ceux visés par la réglementation propre à la résolution des établissements.

171    Dans ces conditions, la requérante n’a pas établi en quoi les critères mis en place par les dispositions mentionnées au point 165 ci-dessus allaient manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif énoncé au même point.

172    Troisièmement, la requérante n’a pas démontré non plus que l’adaptation des contributions ex ante au profil de risque des établissements, au regard des critères institués par les dispositions mentionnées au point 165 ci-dessus, entraînait des inconvénients manifestement disproportionnés au regard de l’objectif poursuivi décrit au point susmentionné.

173    En troisième lieu, la requérante fait valoir que le principe de proportionnalité est méconnu, puisque le montant des contributions ex ante est quasi exclusivement déterminé par la contribution annuelle de base. Selon elle, le principal paramètre des contributions ex ante reste la taille du bilan plutôt que le multiplicateur d’ajustement qui, en ce qu’il varie de 0,8 à 1,5, aurait une influence limitée. Un tel mécanisme impliquerait que les établissements de grande taille voient leurs contributions annuelles de base surévaluées, quand bien même ils présenteraient un profil de risque faible dans le cadre du MSU.

174    À cet égard, il ressort de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, lu conjointement avec le considérant 5 du règlement délégué 2015/63, que la contribution annuelle de base est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, cette contribution étant ainsi fondée sur la taille de l’établissement.

175    S’agissant du caractère approprié de la prise en compte de la taille des établissements aux fins du calcul de la contribution annuelle de base, il convient de rappeler, compte tenu des considérations énoncées au point 87 ci-dessus, que les établissements possédant des passifs importants – et présentant donc une grande taille – sont les plus susceptibles de se voir appliquer un instrument de résolution et de bénéficier ainsi des financements du FRU.

176    Or, c’est en se fondant sur le critère de l’importance des passifs des établissements – et, partant, sur leur taille – que le législateur de l’Union et la Commission ont voulu garantir les objectifs rappelés au point 42 ci-dessus, qui consistent, d’une part, à procurer au MRU des ressources financières suffisantes aux fins d’une application efficiente des instruments de résolution et, d’autre part, à inciter les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués en réduisant, notamment, leurs passifs.

177    À ce titre, la requérante n’a pas démontré que, en fondant le calcul de la contribution annuelle de base sur la taille des établissements, le législateur de l’Union et la Commission avaient préconisé une mesure manifestement inappropriée pour atteindre les objectifs mentionnés au point 176 ci-dessus.

178    S’agissant du caractère nécessaire du critère relatif à la taille, la requérante soutient, en substance, que, si le calcul des contributions ex ante était plus fondé sur le multiplicateur d’ajustement que sur la taille des établissements, le montant de ces contributions serait moins élevé, puisqu’il refléterait le profil de risque faible des établissements.

179    Or, si l’argumentation de la requérante devait être interprétée en ce sens que cette dernière réclame l’application d’une fourchette du multiplicateur d’ajustement plus large que celle prévue à l’article 9, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63, à savoir une fourchette comprenant aussi des valeurs supérieures à 1,5 %, il n’est pas établi que le calcul des contributions ex ante sur la base d’une telle fourchette entraînerait moins de charges pour les établissements. En effet, dans une telle hypothèse, le multiplicateur d’ajustement pourrait être fixé à une valeur supérieure à 1,5 %, de sorte que le montant de ces contributions croîtrait.

180    Il ne saurait ainsi être allégué que, en fondant le calcul de la contribution ex ante plus sur la taille des établissements que sur le multiplicateur d’ajustement, la méthode de calcul desdites contributions prévue par le législateur de l’Union et précisée par la Commission va manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif mentionné au point 176 ci-dessus.

181    Ainsi, la requérante n’a pas démontré que la prise en compte de la taille des établissements aux fins du calcul des contributions ex ante entraînait des inconvénients manifestement disproportionnés au regard des objectifs poursuivis.

182    Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter le deuxième moyen comme non fondé.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique

183    Par son troisième moyen, la requérante soutient que l’article 69, paragraphes 1 et 2, et l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014, l’article 4, paragraphe 2, les articles 6 et 7 et l’annexe I du règlement délégué 2015/63 ainsi que l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81 violent le principe de sécurité juridique. L’argumentation venant au soutien de ce moyen s’articule autour de trois branches, tirées, la première, de l’impossibilité pour les établissements de connaître à l’avance le montant de leurs contributions ex ante, la deuxième, de l’absence de prise en compte de certains indicateurs de risque et, la troisième, des modalités inappropriées de détermination du « taux d’accroissement des dépôts couverts » servant à déterminer le niveau cible annuel. Dans le cadre du présent moyen, la requérante a également soulevé une quatrième branche, tirée de la méconnaissance de l’article 290 TFUE.

184    À titre liminaire, il y a lieu de préciser la portée de la présente exception d’illégalité.

185    À cet égard, force est de relever que, même si la requérante soulève formellement une exception d’illégalité à l’encontre de toutes les dispositions mentionnées au point 183 ci-dessus, son argumentation à l’appui de cette exception vise la seule conformité des articles 6 et 7 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63 avec le principe de sécurité juridique. Partant, la requérante n’avance aucune argumentation concernant spécifiquement la légalité, à l’aune dudit principe, de l’article 69, paragraphes 1 et 2 et de l’article 70, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014, de l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 ainsi que de l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81. Dans ces conditions, il convient de constater que la présente exception d’illégalité porte, en réalité, sur les seuls articles 6 et 7 ainsi que sur l’annexe I du règlement délégué 2015/63.

a)      Sur la première branche, tirée de l’impossibilité de connaître à l’avance le niveau de la contribution ex ante

186    La requérante soutient, en substance, que les articles 6 et 7 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63 méconnaissent le principe de sécurité juridique, car elle ne peut connaître suffisamment à l’avance le montant de la contribution ex ante qui lui sera imposée. Tout d’abord, la méthode de calcul dans son intégralité serait opaque. Ensuite, l’ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque dépendrait des modalités prévues par ces dispositions, qui seraient opaques. Enfin, son assignation aux différents bins serait faite de manière unilatérale et opaque.

187    En outre, la fixation des contributions ex ante serait fondée sur l’utilisation de données qui n’ont pas été rendues publiques. Enfin, le montant des contributions ex ante dépendrait de l’évolution de la situation des autres établissements, ce qui créerait des interdépendances fortes entre les montants des contributions individuelles des différents établissements, rendant impossible le calcul par anticipation d’une contribution ex ante exacte.

188    Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

189    Le principe de sécurité juridique exige, d’une part, que les règles de droit soient claires et précises et, d’autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir des conséquences défavorables. Ledit principe exige, notamment, qu’une réglementation permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêts du 29 avril 2021, Banco de Portugal e.a., C‑504/19, EU:C:2021:335, point 51, et du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 319).

190    Pour autant, ces exigences ne sauraient être comprises comme s’opposant à ce qu’une institution de l’Union, dans le cadre d’une norme qu’elle adopte, emploie une notion juridique abstraite ni comme imposant qu’une telle norme abstraite mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle est susceptible de s’appliquer, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance par ladite institution (voir, par analogie, arrêts du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, points 39 et 40, et du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 320).

191    En conséquence, une disposition d’un acte de l’Union ne viole le principe de sécurité juridique, en raison de son manque de clarté, que si elle présente une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes sur la portée ou le sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, EU:C:2005:223, point 31, et du 22 mai 2007, Mebrom/Commission, T‑216/05, EU:T:2007:148, point 108).

192    De même, le fait qu’un acte de l’Union confère un pouvoir d’appréciation aux autorités chargées de sa mise en œuvre ne méconnaît pas en soi l’exigence de prévisibilité, à la condition que l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir soient définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir une protection adéquate contre l’arbitraire (voir arrêt du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 321 et jurisprudence citée).

193    Conformément à la jurisprudence citée aux points 191 et 192 ci-dessus, il convient ainsi d’examiner, en l’espèce, si la réglementation applicable présente une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les établissements puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes quant à la portée ou au sens des articles 6 et 7 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, dont la requérante excipe de l’illégalité.

194    En premier lieu, s’agissant du prétendu caractère opaque de la méthode de calcul dans son intégralité, il appartient à la requérante d’identifier le manque de clarté, les imprécisions ou le manque de prévisibilité dans les règles de droit qu’elle conteste. Or, la requérante ne les a pas identifiés, en se bornant à formuler des affirmations générales et non étayées.

195    En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence que la réglementation applicable ne doit pas nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante, puisqu’une telle exigence impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union et à la Commission d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doivent disposer, à cette fin, le législateur et la Commission, en les empêchant, notamment, d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier, par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant au FRU (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

196    Ainsi, il est suffisant que les personnes concernées par une décision fixant des contributions ex ante, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

197    Parmi les informations devant ainsi être mises à la disposition des établissements figurent, notamment, les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s’y rapportant, sur la base desquelles la contribution ex ante des établissements a été adaptée au profil de risque de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 167).

198    En outre, le règlement délégué 2015/63 ne fait aucunement obstacle à la possibilité, pour le CRU, de divulguer, sous une forme agrégée et anonymisée, des informations suffisantes pour permettre à un établissement de comprendre de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte dans le calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 139).

199    Dans ces conditions, il convient de rejeter le premier grief.

200    En deuxième lieu, en ce qui concerne l’ajustement de la contribution annuelle de base des établissements en fonction du profil de risque, il y a lieu de relever que la requérante se limite à soutenir que les articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63 sont « opaques par leur ampleur » et donc à faire valoir, de manière générale, que les notions utilisées dans ces dispositions présentent un manque de clarté tel que cela conduirait à une violation du principe de sécurité juridique.

201    Pour autant, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret afin de contester la légalité des articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63 au motif de leur prétendu manque de clarté, de leur imprécision ou de leur manque de prévisibilité.

202    Dans ces conditions, le deuxième grief ne saurait être accueilli.

203    En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la méthode dite « de binning », décrite au point 204 ci-après, notamment l’assignation aux différents bins, est mise en œuvre de manière unilatérale et opaque, il convient de relever ce qui suit.

204    En application de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, il appartient au CRU de calculer, dans un premier temps, un nombre de bins afin de comparer les établissements eu égard aux différents indicateurs et sous-indicateurs de risque. Dans un deuxième temps, il incombe au CRU d’assigner les établissements à chaque bin. Dans un troisième temps, il appartient au CRU d’assigner à tous les établissements figurant dans un bin donné le même score, dénommé « indicateur discrétisé », dont il doit tenir compte pour le reste du calcul de leur multiplicateur d’ajustement.

205    Par ailleurs, l’annexe I du règlement délégué 2015/63 détaille, notamment, les différentes étapes de la méthode de binning et énonce les formules mathématiques devant être appliquées par le CRU.

206    Or, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui viserait à identifier un manque de clarté, de précision ou de prévisibilité en ce qui concerne ces différentes étapes ou ces formules.

207    En tout état de cause, au regard des considérations énoncées aux points 195 à 197 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de prévoir que les établissements se voient fournir des données leur permettant de vérifier, de manière complète, l’exactitude de l’application de la méthode de binning.

208    En outre, le règlement délégué 2015/63 n’empêche aucunement le CRU de divulguer, afin de satisfaire aux exigences mentionnées aux points 196 et 197 ci-dessus, les valeurs limites de chaque bin et les indicateurs s’y rapportant, en vue de permettre à l’établissement concerné de s’assurer, notamment, que le classement qui lui a été attribué lors de la discrétisation des indicateurs, telle que définie à l’annexe I de ce règlement délégué, correspond effectivement à sa situation économique, que cette discrétisation a été opérée de manière conforme à la méthode définie par ce règlement délégué sur la base de données plausibles et que l’ensemble des facteurs de risque devant être pris en considération en application du règlement no 806/2014 ainsi que dudit règlement délégué l’ont bien été.

209    En quatrième lieu, la requérante ne saurait invoquer, à l’appui de la présente exception d’illégalité, le fait que l’outil de calcul mis à la disposition des établissements par le CRU avant l’adoption de la décision attaquée n’aurait pas permis de contrôler les analyses effectuées par ce dernier pour assigner les établissements aux différents bins. En effet, cet outil de calcul n’est pas prévu par la réglementation applicable, plus particulièrement par le règlement délégué 2015/63. Par conséquent, une telle critique concerne la légalité des actes du CRU, et non la légalité de ce règlement délégué.

210    À supposer que ledit grief doive être compris en ce sens que, par celui-ci, la requérante conteste la légalité de la décision attaquée, il suffit de relever que cette dernière n’explique pas comment, malgré le fait que la réglementation applicable n’oblige pas le CRU à mettre à la disposition des établissements l’outil de calcul mentionné au point 209 ci-dessus et que la communication de ce dernier précède l’adoption de cette décision, des données prétendument insuffisantes dans ledit outil affecteraient la validité de ladite décision. En tout état de cause, il découle de la jurisprudence citée aux points 195 et 196 ci-dessus que le CRU n’est pas tenu de divulguer des données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés.

211    En cinquième lieu, la requérante souligne que la publication de certains agrégats de données confidentielles dans les décisions déterminant les contributions ex ante d’une année donnée serait insuffisante, puisque d’autres éléments non confidentiels nécessaires à la bonne compréhension et à l’anticipation des calculs ne seraient toujours pas publiés par le CRU.

212    Or, par une telle argumentation, la requérante ne remet pas non plus en cause les dispositions de la réglementation applicable, mentionnées au point 186 ci-dessus, dont elle excipe de l’illégalité au regard du principe de sécurité juridique.

213    En effet, la requérante se borne à critiquer l’absence de publication, par le CRU, de certains éléments non confidentiels nécessaires au calcul des contributions ex ante, antérieurement à l’adoption des décisions déterminant ces contributions. Par conséquent, ce grief ne concerne pas la légalité de la réglementation applicable, mais les modalités de son application par le CRU.

214    À supposer que ledit grief doive être compris en ce sens que, par celui-ci, la requérante conteste la légalité de la décision attaquée, la requérante n’explique pas avec une clarté suffisante quels éléments concrets le CRU était tenu de publier afin de satisfaire aux exigences qui ressortent de la jurisprudence citée aux points 195 et 196 ci-dessus, alors qu’il ne l’a pas fait. À cet égard, il découle d’ailleurs de cette même jurisprudence qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul de la contribution ex ante de chaque établissement concerné (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 123 et jurisprudence citée).

215    En sixième lieu, s’agissant du fait que le calcul des contributions ex ante d’un établissement dépendrait des données confidentielles relatives à la situation des autres établissements, ce qui accroîtrait l’imprévisibilité de la méthode de calcul, il convient de relever que l’argumentation de la requérante à cet égard n’est aucunement développée.

216    En tout état de cause, cette argumentation se heurte aux enseignements découlant de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), qui portent certes sur le respect de l’obligation de motivation, mais valent tout autant s’agissant du respect du principe de sécurité juridique.

217    Dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), la Cour a admis que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu’il ressortait de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, pouvait impliquer l’utilisation, par le CRU, de données d’autres établissements couvertes par le secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).

218    Dans ces conditions, d’une part, la requérante ne saurait s’appuyer sur la seule circonstance selon laquelle elle ne peut pas, du fait que les données des autres établissements ne sont pas portées à sa connaissance, calculer à l’avance la contribution ex ante dont elle est redevable.

219    D’autre part, ainsi qu’il a été relevé au point 198 ci-dessus, le règlement délégué 2015/63 ne fait aucunement obstacle à la possibilité, pour le CRU, de divulguer, sous une forme agrégée et anonymisée, des informations suffisantes pour permettre à un établissement de comprendre de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte dans le calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés.

220    Par conséquent, il convient d’écarter la première branche du troisième moyen.

b)      Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de prévisibilité quant à l’application de certains indicateurs de risque

221    La requérante soutient que certains indicateurs de risque n’ont pas été appliqués pour calculer les contributions ex ante pour la période de contribution 2021, à savoir le « ratio de financement net stable », l’EMEE ainsi que la « complexité » et la « résolvabilité ». L’absence de prise en compte de ces indicateurs de risque, ainsi que l’absence de prévisibilité quant à leur mise en place, irait à l’encontre du principe de sécurité juridique, dans la mesure où la requérante ne pourrait pas anticiper leur mise en œuvre.

222    En outre, le fait que le règlement délégué 2015/63 laisserait, dans ses dispositions transitoires, la possibilité au CRU de ne pas retenir certains indicateurs de risque, tout en lui permettant pourtant d’ajuster la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque, serait source d’insécurité juridique.

223    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

224    Conformément à la jurisprudence citée aux points 189 à 192 ci-dessus, il convient d’examiner, en l’espèce, si la réglementation applicable présente une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les établissements puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes quant à l’application de certains indicateurs de risque, tels que le « ratio de financement net stable », l’EMEE ainsi que la « complexité » et la « résolvabilité ».

225    Les conditions dans lesquelles le CRU peut s’abstenir, à titre transitoire, d’appliquer de tels indicateurs de risque sont prévues à l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 selon lequel « [l]orsque les informations requises au titre d’un indicateur de risque spécifique visé à l’annexe II [de ce règlement délégué] ne font pas partie des exigences d’information prudentielle, visées à l’article 14 [dudit règlement délégué], applicables pour l’exercice de référence, cet indicateur de risque ne s’applique pas tant que cette exigence d’information prudentielle n’est pas devenue applicable ».

226    L’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 prévoit ainsi deux conditions dans lesquelles le CRU n’applique pas, à titre transitoire, un indicateur de risque, à savoir, en premier lieu, celle dans laquelle les informations requises au titre d’un tel indicateur ne font pas partie des exigences d’information prudentielle mentionnées à l’article 14 de ce règlement délégué et, en second lieu, celle dans laquelle cet indicateur est mentionné à l’annexe II dudit règlement délégué, qui est intitulée « Données à soumettre aux autorités de résolution » et qui contient quinze catégories de données. Or, la requérante n’a pas soutenu, et encore moins démontré, que ces conditions présentaient une ambiguïté telle qu’elles feraient obstacle à ce que les établissements puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes quant à l’application de certains indicateurs de risque.

227    Dans ces conditions, les arguments de la requérante visant à démontrer que le règlement no 806/2014 ou le règlement délégué 2015/63 seraient illégaux du fait d’une prétendue atteinte au principe de sécurité juridique en raison de l’absence de prévisibilité quant à la mise en place des indicateurs de risque doivent être rejetés.

228    Dès lors, il convient d’écarter la deuxième branche du troisième moyen.

c)      Sur la troisième branche, tirée des modalités de détermination du « taux d’accroissement des dépôts couverts »

229    La requérante considère que l’objectif d’atteindre un niveau cible final – égal à 1 % du montant des dépôts couverts de l’union bancaire – implique que, chaque année, le CRU évalue un « taux d’accroissement de ces dépôts couverts », qui serait déterminé de façon opaque et dont l’évolution serait difficilement prévisible par les établissements.

230    Le CRU conteste cette argumentation.

231    Il convient de relever que la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui viserait à démontrer que les dispositions mentionnées au point 183 ci-dessus présentent une ambiguïté telle qu’elles feraient obstacle à ce que les établissements puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes quant à la détermination du niveau cible final ou du niveau cible annuel.

232    En outre, par une partie de son argumentation, la requérante conteste, en réalité, le défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel. Ce grief ne concerne pas la légalité des dispositions mentionnées au point 183 ci-dessus et sera examiné aux points 271 à 308 ci-après.

233    Dès lors, il convient de rejeter la troisième branche du troisième moyen dans la mesure où la requérante conteste la légalité de ces dispositions.

d)      Sur la quatrième branche, tirée de la méconnaissance de l’article 290 TFUE par les critères de calcul définis par le règlement délégué 2015/63

234    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante a également considéré que le fait que les critères essentiels de calcul aient été définis par le règlement délégué 2015/63, et non pas par le règlement no 806/2014, entraînait une violation de l’article 290 TFUE. Lors de l’audience, la requérante a précisé que, par cet argument, elle soutenait que la directive 2014/59 avait seulement fixé les grandes catégories de risque, qu’elle avait regroupées en quatre piliers de risque, mais qu’elle ne s’était pas prononcée sur les critères eux-mêmes, qui avaient été définis par la Commission dans le règlement délégué 2015/63.

235    Le Parlement conteste le bien-fondé de cette branche du troisième moyen et s’interroge sur sa recevabilité, puisqu’elle n’a pas été soulevée d’une manière suffisamment claire et précise dans la requête.

236    À cet égard, il découle de la jurisprudence que, pour qu’un recours soit recevable, il est nécessaire que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice. Ainsi, tout moyen qui n’est pas suffisamment articulé dans la requête introductive d’instance doit être considéré comme étant irrecevable. Des exigences analogues sont imposées lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen. Cette fin de non-recevoir d’ordre public doit être relevée d’office par le juge de l’Union (voir arrêts du 30 juin 2021, Italie/Commission, T‑265/19, non publié, EU:T:2021:392, point 33 et jurisprudence citée, et du 7 juillet 2021, Bateni/Conseil, T‑455/17, EU:T:2021:411, point 135 et jurisprudence citée).

237    En l’occurrence, la requête s’est limitée, à son point 125, à indiquer que « la fonction éminemment structurante et déterminante des critères de calcul définis par le [r]èglement délégué [2015/63] condui[sai]t à considérer que ces critères [étaie]nt, par définition, essentiels au [règlement no 806/2014], ce qui entraîn[ait] une violation de l’article 290 du TFUE » et, à son point 139, à énoncer que « le fait que des critères essentiels de calcul aient été adoptés dans le cadre du [r]èglement délégué et non pas du [règlement no 806/2014] contrev[enai]t à l’article 290, [paragraphe 1,] du TFUE ».

238    Ces affirmations n’ont pas été accompagnées d’une quelconque argumentation dans la requête. Ainsi, la requérante n’a, notamment, pas identifié les dispositions du règlement délégué 2015/63 qui, selon elle, contenaient des éléments essentiels au sens de l’article 290, paragraphe 1, second alinéa, seconde phrase, TFUE, lesquels auraient dû figurer dans la directive 2014/59. De même, la requérante n’a ni précisé quels éléments concrets desdites dispositions revêtiraient un caractère « essentiel » ni fourni d’argumentation à cette fin.

239    Enfin, le manque de clarté de la présente branche est aggravé par le fait que celle-ci a été soulevée dans le cadre d’un moyen tiré de la violation d’une règle de droit différente, à savoir le principe de sécurité juridique.

240    Par conséquent, il convient de constater que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fonde le grief tiré de la violation de l’article 290 TFUE ne ressortent pas, à tout le moins sommairement, du texte de la requête elle-même. Un tel grief ne répond ainsi pas aux exigences énoncées au point 236 ci-dessus.

241    Dans ces conditions, l’argumentation de la requérante lors de l’audience ne peut être considérée comme une ampliation du grief énoncé aux points 125 et 139 de la requête, un tel grief n’ayant pas été invoqué valablement.

242    Partant, il convient d’écarter la quatrième branche du troisième moyen comme irrecevable.

4.      Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés de la violation du principe de bonne administration et de la violation du principe de protection juridictionnelle effective, en ce qu’ils comportent une exception d’illégalité

243    La requérante considère que tant l’article 4, paragraphe 2, les articles 6 et 7 et l’annexe I du règlement délégué 2015/63 que la décision attaquée, laquelle se fonde sur ces dispositions, violent le principe de bonne administration, qui comprend l’obligation de motivation, ainsi que le principe de protection juridictionnelle effective. Selon la requérante, les établissements n’ont pas accès à l’ensemble des données qui sont essentielles pour leur permettre de comprendre et de vérifier la décision attaquée. En particulier, les modalités détaillées du calcul du « taux d’ajustement des dépôts couverts » ne seraient pas connues des établissements, ce qui les empêcherait de s’assurer de la validité des calculs réalisés à ce titre.

244    Le CRU conteste cette argumentation.

245    En premier lieu, il convient de rappeler que le principe de bonne administration exige, dans les cas où, comme en l’espèce, les institutions ou organes de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, parmi lesquelles figure, notamment, l’obligation pour l’institution ou l’organe compétent d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14 ; du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, EU:T:2003:245, point 404, et du 9 avril 2019, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, T‑371/17, non publié, EU:T:2019:232, point 200).

246    En second lieu, selon une jurisprudence constante, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle communique lesdits motifs, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêts du 26 avril 2018, Donnellan, C‑34/17, EU:C:2018:282, point 55, et du 24 novembre 2020, Minister van Buitenlandse Zaken, C‑225/19 et C‑226/19, EU:C:2020:951, point 43).

247    En outre, eu égard au principe du contradictoire, lequel fait partie des droits de la défense mentionnés à l’article 47 de la Charte, les parties à un procès doivent avoir le droit de prendre connaissance de toutes les pièces ou observations présentées au juge en vue d’influer sur sa décision et de les discuter. En effet, le droit fondamental à un recours juridictionnel effectif ne permet pas de fonder une décision juridictionnelle sur des faits et des documents dont les parties elles-mêmes, ou l’une d’entre elles, n’ont pas pu prendre connaissance et sur lesquels elles n’ont donc pas été en mesure de prendre position (voir arrêts du 4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, EU:C:2013:363, points 55 et 56, et du 23 octobre 2014, Unitrading, C‑437/13, EU:C:2014:2318, point 21).

248    Cependant, dans certains cas exceptionnels, une autorité de l’Union peut s’opposer à la communication à l’intéressé des motifs précis et complets qui constituent le fondement d’une décision prise à l’encontre de celui-ci, en invoquant des raisons relevant de la protection des données confidentielles. Dans un tel cas, il est nécessaire de mettre en œuvre des techniques et des règles de droit permettant de concilier, d’une part, les considérations légitimes relatives à la protection de données confidentielles ayant été prises en considération pour l’adoption d’une telle décision et, d’autre part, la nécessité de garantir à suffisance au justiciable le respect de ses droits procéduraux, tels que le droit d’être entendu ainsi que le principe du contradictoire (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 115 à 120 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 125).

249    Au regard de la nature spécifique des contributions ex ante, une telle conciliation doit être également effectuée dans le cas du calcul de ces contributions. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, lesdites contributions visent à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués. Ainsi, le calcul de ces contributions repose, non sur l’application d’un taux à une assiette, mais, en application des articles 102 et 103 de la directive 2014/59 ainsi que des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, sur la définition d’un niveau cible final devant être atteint par la somme de ces mêmes contributions prélevées avant la fin de la période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016 (ci-après la « période initiale » et le « niveau cible final »), puis d’un niveau cible annuel devant être réparti entre les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

250    Dès lors que le niveau cible final est défini comme devant s’élever à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble de ces établissements et que la contribution annuelle de base de chaque établissement est calculée proportionnellement au montant de son passif (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, rapporté au passif cumulé (hors fonds propres) moins les dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, il apparaît que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu’il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, implique l’utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).

251    Or, les institutions et organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est, notamment, concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 109 et 114 et jurisprudence citée).

252    Dans ces conditions, il appartenait à la Commission et au Conseil de l’Union européenne, lors de la mise en place du système de calcul des contributions ex ante par le règlement délégué 2015/63 et le règlement d’exécution 2015/81, de concilier le respect du secret des affaires avec le principe de protection juridictionnelle effective, de sorte que les données couvertes par ce secret ne puissent pas être communiquées aux intéressés et qu’elles ne puissent pas, notamment, être incluses dans la motivation des décisions fixant le montant des contributions ex ante.

253    Cette caractéristique du système de calcul des contributions ex ante n’empêche pas pour autant l’exercice d’un contrôle juridictionnel effectif par le juge de l’Union.

254    En effet, d’une part, rien dans les dispositions dont la requérante excipe de l’illégalité ne s’oppose à ce que, conformément à l’article 88, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 806/2014, le CRU divulgue, lors de l’adoption de sa décision fixant les contributions ex ante, des informations confidentielles obtenues dans le cadre de son activité sous une forme résumée ou agrégée, de telle sorte que les établissements concernés ne puissent être identifiés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 136).

255    D’autre part, lorsque la motivation d’une telle décision doit être limitée en vue d’assurer la protection des données confidentielles, il appartient à l’auteur de cette décision, en cas de recours devant les juridictions de l’Union mettant en cause ces données, de se justifier devant ces dernières dans le cadre de l’instruction contentieuse (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 110, et du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 145).

256    Le cas échéant, afin d’exercer un contrôle juridictionnel effectif conforme aux exigences de l’article 47 de la Charte, les juridictions de l’Union peuvent solliciter du CRU la production de données susceptibles de justifier les calculs dont l’exactitude est contestée devant elles, en assurant, en tant que de besoin, la confidentialité de ces données (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 146).

257    En outre, en procédant à un examen de l’ensemble des éléments de droit et de fait fournis par le CRU, il incombe au juge de l’Union de vérifier le bien-fondé des raisons invoquées par celui-ci pour s’opposer à la communication des données utilisées aux fins du calcul de la contribution ex ante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 126).

258    S’il s’avère que les raisons invoquées par le CRU s’opposent effectivement à la communication d’informations ou d’éléments de preuve produits devant le juge de l’Union, il est nécessaire de mettre en balance de manière appropriée les exigences liées au droit à une protection juridictionnelle effective, en particulier au respect du principe du contradictoire, et celles découlant de la protection du secret des affaires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 128).

259    Il découle de ce qui précède que le calcul des contributions ex ante sur la base de données couvertes par le secret des affaires, conformément à l’article 4, paragraphe 2, aux articles 6 et 7 ainsi qu’à l’annexe I du règlement délégué 2015/63, et sans que lesdites données soient mises à la disposition des intéressés, n’implique pas en soi que ces dispositions sont incompatibles avec le principe de bonne administration et le principe de protection juridictionnelle effective.

260    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

261    À cet égard, premièrement, la requérante ne peut s’appuyer sur les arrêts du 28 novembre 2019, Portigon/CRU (T‑365/16, EU:T:2019:824), et du 23 septembre 2020, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T‑411/17, EU:T:2020:435). D’une part, ce dernier arrêt a été annulé par la Cour dans son arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), les considérations relatives au principe de protection juridictionnelle effective sur lesquelles la requérante se fonde ayant été censurées. D’autre part, l’arrêt du 28 novembre 2019, Portigon/CRU (T‑365/16, EU:T:2019:824), contrairement à ce qu’allègue la requérante, ne contient aucune analyse concernant spécifiquement le principe de protection juridictionnelle effective.

262    Deuxièmement, la requérante ne peut contester la légalité du règlement délégué 2015/63 au motif que ni le règlement no 806/2014 ni la directive 2014/59 n’imposent une méthode de calcul des contributions ex ante suivant laquelle un niveau cible serait d’abord défini, puis une distribution relative de ces mêmes contributions entre les établissements serait opérée.

263    À cet égard, il suffit de rappeler que, comme cela a été relevé aux points 254 à 258 ci-dessus, la Cour a admis la possibilité pour le législateur de l’Union de recourir à une méthode de calcul fondée sur la définition d’un niveau cible, puis d’un niveau cible annuel devant être réparti entre tous les établissements, sans pour autant que soient méconnus l’obligation de motivation ou le principe de protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 136, 145 et 146).

264    Dans ces conditions, le règlement délégué 2015/63 pouvait également mettre en place une telle méthode.

265    Troisièmement, la requérante considère que les établissements n’ont pas accès à l’ensemble des données qui sont essentielles pour leur permettre de comprendre et de vérifier la décision attaquée.

266    À cet égard, d’une part, il suffit de rappeler que les dispositions évoquées au point 243 ci-dessus n’empêchent aucunement le CRU de divulguer, afin de satisfaire aux exigences mentionnées aux points 245 à 258 ci-dessus, les informations nécessaires pour permettre aux établissements concernés de s’assurer, notamment, qu’ils ont accès à l’ensemble des données qui sont essentielles pour comprendre et vérifier la décision attaquée.

267    D’autre part, dans la mesure où ledit grief vise la légalité de la décision attaquée, la requérante n’a soumis au Tribunal aucune argumentation à son appui.

268    Un tel grief ne saurait donc prospérer.

269    Quatrièmement, s’agissant de l’argumentation de la requérante portant sur l’absence, dans la décision attaquée, de données relatives à la fixation du « taux d’ajustement des dépôts couverts » servant à déterminer le niveau cible annuel, une telle argumentation ne remet pas en cause les dispositions mentionnées au point 243 ci-dessus, dont la requérante excipe de l’illégalité au regard du principe de bonne administration et du principe de protection juridictionnelle effective, mais la légalité de la décision attaquée. Elle sera ainsi examinée aux points 309 à 314 ci-après.

270    Il y a donc lieu de rejeter les quatrième et cinquième moyens en tant qu’ils sont soulevés à l’appui de l’exception d’illégalité de l’article 4, paragraphe 2, des articles 6 et 7 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63.

C.      Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1.      Sur la motivation de la détermination du niveau cible annuel

271    Comme cela est indiqué au point 232 ci-dessus, par la troisième branche du troisième moyen, la requérante conteste, notamment, en réalité, le défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.

272    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, au terme de la période initiale, les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

273    Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 272 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.

274    L’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 précise que, chaque année, les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final.

275    En ce qui concerne le mode de calcul des contributions ex ante, l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU détermine leur montant sur la base du niveau cible annuel, compte tenu du niveau cible final, et sur la base du montant moyen des dépôts couverts de l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

276    De même, selon l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le CRU calcule la contribution ex ante pour chaque établissement sur la base du niveau cible annuel, qui doit être établi au regard du niveau cible final et conformément à la méthode exposée dans le règlement délégué 2015/63.

277    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 48 de la décision attaquée, le CRU a fixé, pour la période de contribution 2021, le montant du niveau cible annuel à 11 287 677 212,56 euros.

278    Aux considérants 36 et 37 de la décision attaquée, le CRU a expliqué, en substance, que le niveau cible annuel devait être déterminé sur la base d’une analyse portant sur l’évolution des dépôts couverts au cours des années précédentes, sur toute évolution pertinente de la situation économique ainsi que sur une analyse portant sur les indicateurs relatifs à la phase du cycle d’activité et sur les effets que des contributions procycliques auraient sur la situation financière des établissements. Par la suite, le CRU a considéré approprié de fixer un coefficient qui était fondé sur cette analyse et sur les moyens financiers disponibles dans le FRU (ci-après le « coefficient »). Le CRU a appliqué ce coefficient à un huitième du montant moyen des dépôts couverts en 2020, aux fins d’obtenir le niveau cible annuel.

279    Le CRU a exposé la démarche suivie pour fixer le coefficient aux considérants 38 à 47 de la décision attaquée.

280    Au considérant 38 de la décision attaquée, le CRU a constaté une tendance constante à la hausse des dépôts couverts pour tous les établissements des États membres participants. En particulier, le montant moyen de ces dépôts, calculé trimestriellement, s’élevait pour l’année 2020 à 6,689 billions d’euros.

281    Aux considérants 40 et 41 de la décision attaquée, le CRU a présenté l’évolution pronostiquée des dépôts couverts pour les trois années restantes de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Il a estimé que les taux annuels de croissance des dépôts couverts jusqu’à la fin de la période initiale se situeraient entre 4 % et 7 %.

282    Aux considérants 42 à 45 de la décision attaquée, le CRU a présenté une évaluation de la phase du cycle d’activité et de l’effet procyclique potentiel que les contributions ex ante pourraient avoir sur la situation financière des établissements. Pour ce faire, il a indiqué avoir tenu compte de plusieurs indicateurs, tels que la prévision de croissance du produit intérieur brut de la Commission et les projections de la Banque centrale européenne (BCE) à cet égard ou le flux de crédit du secteur privé en pourcentage du produit intérieur brut.

283    Au considérant 46 de la décision attaquée, le CRU a conclu que, s’il était raisonnable de s’attendre à la poursuite de la croissance des dépôts couverts au sein de l’union bancaire, le rythme de cette croissance serait inférieur à celui de l’année 2020. À cet égard, le CRU a indiqué, au considérant 47 de la décision attaquée, avoir adopté une « approche prudente » en ce qui concernait les taux de croissance des dépôts couverts pour les années à venir jusqu’à 2023.

284    Au regard de ces considérations, le CRU a fixé, au considérant 48 de la décision attaquée, la valeur du coefficient à 1,35 %. Il a ensuite calculé le montant du niveau cible annuel, en multipliant le montant moyen des dépôts couverts en 2020 par ce coefficient et en divisant le résultat de ce calcul par huit, conformément à la formule mathématique suivante, figurant au considérant 48 de ladite décision :

« Cible0 [montant du niveau cible annuel] = Total dépôts couverts2020 * 0,0135 * ⅛ = EUR 11 287 677 212,56 ».

285    Lors de l’audience, le CRU a cependant indiqué qu’il avait déterminé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 comme suit.

286    Premièrement, sur la base d’une analyse prospective, le CRU a fixé le montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, pronostiqué pour la fin de la période initiale, à environ 7,5 billions d’euros. Pour aboutir à ce montant, le CRU a pris en compte le montant moyen des dépôts couverts en 2020, à savoir 6,689 billions d’euros, un taux de croissance annuel des dépôts couverts de 4 % ainsi que le nombre de périodes de contribution restantes jusqu’à la fin de la période initiale, à savoir trois.

287    Deuxièmement, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU a calculé 1 % de ces 7,5 billions d’euros pour obtenir le montant estimé du niveau cible final devant être atteint à la fin de la période initiale, à savoir environ 75 milliards d’euros.

288    Troisièmement, le CRU a déduit de ce dernier montant les ressources financières déjà disponibles dans le FRU en 2021, c’est-à-dire environ 42 milliards d’euros, pour obtenir le montant qu’il restait à percevoir pendant les périodes de contribution restantes avant la fin de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Ce montant s’élevait à environ 33 milliards d’euros.

289    Quatrièmement, le CRU a divisé ce dernier montant par trois pour le répartir uniformément entre lesdites trois périodes de contribution restantes. Le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 a été ainsi fixé au montant mentionné au point 277 ci-dessus, à savoir environ 11,287 milliards d’euros.

290    Le CRU a également affirmé, lors de l’audience, qu’il avait rendu publics des éléments d’information sur lesquels avait été fondée la méthode décrite aux points 286 à 289 ci-dessus et qui auraient permis à la requérante de comprendre la méthode par laquelle le niveau cible annuel avait été déterminé. En particulier, il a précisé qu’il avait publié sur son site Internet, en mai 2021, c’est-à-dire après l’adoption de la décision attaquée, mais avant l’introduction du présent recours, une fiche descriptive dénommée « Fact Sheet 2021 » (ci-après la « fiche descriptive »), qui indiquait le montant estimé du niveau cible final. De même, le CRU a affirmé que le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU était également disponible sur son site Internet ainsi que par le biais d’autres sources publiques, et ce bien avant l’adoption de la décision attaquée.

291    Afin d’examiner si le CRU a respecté son obligation de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, il convient tout d’abord de rappeler qu’un défaut ou une insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée). Par conséquent, le Tribunal peut, voire doit, prendre en compte également d’autres défauts de motivation que ceux invoqués par la requérante, et ce, notamment, lorsque ceux-ci se révèlent au cours de la procédure.

292    À cette fin, les parties ont été entendues, au cours de la phase orale de la procédure, sur tous les éventuels défauts de motivation dont serait entachée la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel. En particulier, interrogé expressément à cet égard, le CRU a confirmé la méthode qu’il avait réellement suivie pour déterminer le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021, telle qu’elle est exposée aux points 286 à 289 ci-dessus.

293    En ce qui concerne, ensuite, le contenu de l’obligation de motivation, il ressort de la jurisprudence que la motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).

294    Une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, en fonction de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).

295    Par ailleurs, cette motivation doit être, notamment, dépourvue de contradictions pour permettre aux intéressés de connaître les motifs réels de cette décision, en vue de défendre leurs droits devant la juridiction compétente, et à cette dernière d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169 et jurisprudence citée ; du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 20 et 45 à 47, et du 16 décembre 2015, Grèce/Commission, T‑241/13, EU:T:2015:982, point 56).

296    De même, lorsque l’auteur de la décision attaquée fournit certaines explications concernant les motifs de celle-ci au cours de la procédure devant le juge de l’Union, ces explications doivent être cohérentes avec les considérations exposées dans cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 45 à 47, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 54 et 55).

297    En effet, si les considérations exposées dans la décision attaquée ne sont pas cohérentes avec de telles explications fournies lors de la procédure juridictionnelle, la motivation de la décision concernée ne remplit pas les fonctions rappelées aux points 293 et 294 ci-dessus. En particulier, une telle incohérence empêche, d’une part, les intéressés de connaître les motifs réels de la décision attaquée, avant l’introduction du recours, et de préparer leur défense à leur égard et, d’autre part, le juge de l’Union d’identifier les motifs ayant servi de véritable support juridique à cette décision et d’examiner leur conformité aux règles applicables.

298    Enfin, il y a lieu de rappeler que, lorsque le CRU adopte une décision fixant les contributions ex ante, il doit porter à la connaissance des établissements concernés la méthode de calcul de ces contributions (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

299    Il doit en aller de même pour la méthode de détermination du niveau cible annuel, ce montant revêtant une importance essentielle dans l’économie d’une telle décision. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le mode de calcul des contributions ex ante consiste en la répartition dudit montant entre tous les établissements concernés, de sorte qu’une augmentation ou une réduction de ce même montant entraîne une augmentation ou une réduction correspondante de la contribution ex ante de chacun de ces établissements.

300    Il ressort de ce qui précède que, si le CRU est tenu de fournir aux établissements, par le biais de la décision attaquée, des explications concernant la méthode de détermination du niveau cible annuel, ces explications doivent être cohérentes avec les explications fournies par le CRU pendant la procédure juridictionnelle et portant sur la méthode réellement appliquée.

301    Or, tel n’est pas le cas dans la présente affaire.

302    En effet, il convient tout d’abord de relever que la décision attaquée a exposé, au considérant 48, une formule mathématique qu’elle a présentée comme étant à la base de la détermination du niveau cible annuel. Or, il s’avère que cette formule n’intègre pas les éléments de la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience. En effet, ainsi qu’il ressort des points 286 à 289 ci-dessus, le CRU a obtenu le montant du niveau cible annuel, dans le cadre de cette méthode, en déduisant du niveau cible final les moyens financiers disponibles dans le FRU, en vue de calculer le montant qu’il restait à percevoir jusqu’à la fin de la période initiale, et en divisant ce dernier montant par trois. Or, ces deux étapes du calcul ne trouvent aucune expression dans ladite formule mathématique.

303    Par ailleurs, cette constatation ne saurait être remise en cause par l’affirmation du CRU selon laquelle il a publié, en mai 2021, la fiche descriptive, qui contenait une fourchette indiquant les éventuels montants du niveau cible final, et, sur son site Internet, le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU. En effet, indépendamment de la question de savoir si la requérante avait effectivement connaissance de ces montants, ces derniers n’étaient pas, à eux seuls, de nature à lui permettre de comprendre que les deux opérations mentionnées au point 302 ci-dessus avaient été effectivement appliquées par le CRU, étant précisé, au surplus, que la formule mathématique prévue au considérant 48 de la décision attaquée ne les mentionnait même pas.

304    Des incohérences similaires affectent également la manière dont a été fixé le coefficient de 1,35 %, qui joue pourtant un rôle primordial dans la formule mathématique mentionnée au point 303 ci-dessus. En effet, ce coefficient pourrait être compris en ce sens qu’il est fondé, parmi d’autres paramètres, sur la croissance pronostiquée des dépôts couverts pendant les années restantes de la période initiale. Or, cela est incohérent avec les explications fournies par le CRU lors de l’audience, dont il découle que ce coefficient a été fixé de manière à pouvoir justifier le résultat du calcul du montant du niveau cible annuel, c’est-à-dire après que le CRU a calculé ce montant en application des quatre étapes exposées aux points 286 à 289 ci-dessus et, notamment, par la division par trois du montant issu de la déduction des moyens financiers disponibles dans le FRU du niveau cible final. Or, cette démarche ne ressort aucunement de la décision attaquée.

305    En outre, il convient de rappeler que, selon la fiche descriptive, le montant du niveau cible final estimé se situait dans une fourchette comprise entre 70 et 75 milliards d’euros. Or, cette fourchette s’avère incohérente avec la fourchette du taux de croissance des dépôts couverts comprise entre 4 % et 7 % figurant au considérant 41 de la décision attaquée. En effet, le CRU a indiqué à l’audience que, aux fins de la détermination du niveau cible annuel, il avait tenu compte du taux de croissance des dépôts couverts de 4 % – qui était le taux le plus bas de la seconde fourchette – et qu’il avait ainsi obtenu le niveau cible final estimé de 75 milliards d’euros – qui constituait la valeur la plus élevée de la première fourchette. Il s’avère ainsi qu’il existe une discordance entre ces deux fourchettes. En effet, d’une part, la fourchette portant sur le taux d’évolution des dépôts couverts comprend également des valeurs supérieures au taux de 4 %, dont l’application aurait pourtant abouti à un montant estimé du niveau cible final supérieur à ceux inclus dans la fourchette relative à ce niveau cible. D’autre part, il est impossible pour la requérante de comprendre la raison pour laquelle le CRU a inclus dans la fourchette afférente audit niveau cible des montants inférieurs à 75 milliards d’euros. En effet, pour y aboutir, il aurait été nécessaire d’appliquer un taux en deçà de 4 %, qui n’est pourtant pas compris dans la fourchette relative au taux de croissance des dépôts couverts. Dans ces conditions, la requérante n’était pas en mesure de déterminer la manière dont le CRU avait utilisé la fourchette portant sur le taux d’évolution de ces dépôts pour aboutir au calcul du niveau cible final estimé.

306    Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience, ne correspond pas à celle décrite dans la décision attaquée, de sorte que les motifs réels, au regard desquels a été fixé ce niveau cible, ne pouvaient être identifiés sur la base de la décision attaquée ni par les établissements ni par le Tribunal.

307    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.

308    La troisième branche du troisième moyen, en tant qu’elle est tirée d’un défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, doit ainsi être accueillie. Compte tenu des enjeux juridiques et économiques de la présente affaire, il est pourtant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de poursuivre l’examen des autres moyens du recours.

2.      Sur le surplus des quatrième et cinquième moyens, tirés de la violation du principe de bonne administration et de la violation du principe de protection juridictionnelle effective par le CRU dans la décision attaquée

309    Comme cela ressort du point 269 ci-dessus, par ses quatrième et cinquième moyens, la requérante conteste également la violation du principe de bonne administration et du principe de protection juridictionnelle effective par la décision attaquée elle-même.

310    L’argumentation de la requérante porte plus précisément sur l’absence, dans la décision attaquée, de données relatives à la fixation du « taux d’ajustement des dépôts couverts » servant à déterminer le niveau cible annuel, à savoir le coefficient.

311    Ainsi qu’il résulte de l’examen figurant aux points 271 à 308 ci-dessus, le CRU a violé l’obligation de motivation en ce qui concernait la fixation du niveau cible annuel.

312    En outre, il découle de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte et de la jurisprudence citée au point 246 ci-dessus que la motivation d’une décision d’un organe de l’Union constitue l’une des conditions de l’effectivité des principes de bonne administration et de protection juridictionnelle effective.

313    Il s’ensuit que la violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel constitue également une violation du principe de bonne administration et du principe de protection juridictionnelle effective.

314    Il y a donc lieu d’accueillir les quatrième et cinquième moyens dans la mesure où ils visent la violation des principes de bonne administration et de protection juridictionnelle effective du fait de la violation de l’obligation de motivation.

3.      Sur les septième et huitième moyens, tirés d’erreurs manifestes d’appréciation et de l’erreur de droit résultant des limitations imposées au recours aux EPI

315    Par le septième moyen, la requérante soutient que le CRU a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation lorsqu’il a évalué le niveau de recours aux EPI et les garanties à accepter en contrepartie.

316    Par le huitième moyen, la requérante soutient que le CRU a violé l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 et l’article 103, paragraphe 3, de la directive 2014/59 lorsqu’il a fixé le niveau du recours aux EPI et les garanties à accepter en contrepartie.

317    Le CRU conteste cette argumentation.

318    À titre liminaire, il convient de rappeler que les contributions ex ante peuvent être payées soit par le biais d’un versement immédiat en espèces, soit par le biais d’un EPI, conformément à l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014. Dans le cas de l’utilisation d’un EPI, l’établissement conclut avec le CRU un accord par lequel il prend l’engagement de payer la somme correspondante, en tant que partie de la contribution ex ante, à la première demande.

319    À cet égard, il convient de préciser que, dans la décision attaquée, le CRU a limité le recours aux EPI à 15 % du montant des contributions ex ante dues au titre de la période de contribution 2021 et les garanties présentées au titre des EPI aux seules espèces.

320    En outre, il y a lieu de rappeler que l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 prévoit que les moyens financiers disponibles à prendre en compte pour atteindre le niveau cible final peuvent inclure des EPI entièrement garantis par des actifs à faible risque non grevés de droits de tiers, réservés à l’utilisation exclusive du CRU, étant précisé que la part des EPI ne peut dépasser 30 % du montant total des contributions ex ante chaque année. Une telle possibilité est également prévue à l’article 103, paragraphe 3, de la directive 2014/59.

321    Selon l’article 13, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63, il appartient au CRU de préciser, dans la décision portant sur les contributions ex ante au titre d’une période de contribution donnée, la part des EPI que chaque établissement peut utiliser, le CRU n’acceptant les garanties que si leur type et les conditions dont elles sont assorties permettent leur libération rapide, y compris dans le cas où une décision de procéder à une résolution serait prise pendant un week-end.

322    Lorsque le CRU définit la part de ces EPI, il doit veiller, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, à ce que le recours aux EPI ne compromette en aucune manière la capacité financière ou la liquidité du FRU.

323    Enfin, l’article 8, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2015/81 indique que, au cours de la période initiale, dans des conditions normales, le CRU autorise le recours aux EPI à la demande d’un établissement et en assure une répartition équitable entre les établissements qui en font la demande. Cette disposition précise également que le montant des EPI attribués ne peut être inférieur à 15 % du total des obligations de paiement de l’établissement concerné et que, lorsqu’il calcule les contributions annuelles de chaque établissement, le CRU veille à ce que, pour toute année donnée, la somme desdits EPI ne dépasse pas 30 % du montant total de ces contributions.

324    Il résulte des dispositions susmentionnées, d’une part, que le taux spécifique des EPI accordés à un établissement qui en fait la demande s’élève, au minimum, à 15 % du total de ses obligations de paiement et, d’autre part, que la somme de l’ensemble des EPI autorisés ne doit pas dépasser la limite maximale de 30 % du total des contributions ex ante pour toute la période de contribution donnée. Ce dernier plafond fixé par le législateur de l’Union vise, ainsi que le confirme l’article 7, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, à ne pas mettre en péril la liquidité et la capacité opérationnelle du FRU.

325    Ainsi, il appartient au CRU de fixer la part précise des EPI accordés à un établissement qui en fait la demande, cette part ne pouvant être inférieure à 15 % du total de ses obligations de paiement, tout en veillant à ce que le plafond maximal mentionné au point 324 ci-dessus concernant la somme de l’ensemble des EPI autorisés ne soit pas dépassé. En outre, si ces dispositions ne contiennent pas de précisions s’agissant de la nature des garanties à accepter, il n’en reste pas moins que le CRU ne peut accepter des EPI que si ceux-ci sont garantis par des actifs à faible risque non grevés de droits de tiers et si les conditions dont elles sont assorties permettent leur libération rapide.

326    La détermination de la part précise des EPI accordée à un établissement qui en fait la demande et de la nature des garanties acceptables implique ainsi des évaluations complexes d’ordre économique et technique, de sorte que le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice du pouvoir d’appréciation octroyé au CRU n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir, ou si le CRU n’a pas manifestement dépassé les limites de ce pouvoir.

327    C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

328    En premier lieu, s’agissant de la limitation du recours aux EPI à 15 % du montant des contributions ex ante, la requérante considère qu’une telle limitation est contraire à l’esprit, au contexte et aux objectifs de l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014, en ce que le CRU n’aurait pas cherché à offrir pleinement aux établissements la possibilité d’utiliser des EPI au-delà de ce seuil de 15 %.

329    À cet égard, comme cela a déjà été indiqué au point 320 ci-dessus, l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 précise que la part des EPI ne peut pas dépasser le seuil de 30 % du montant total de l’ensemble des contributions ex ante versées chaque année. En revanche, cette disposition ne prévoit pas que le CRU doit fixer la part des EPI à 30 % du total des obligations de paiement de l’établissement qui en fait la demande.

330    En outre, la détermination, par le CRU, de la part des EPI accordée aux établissements qui en font la demande doit être fondée sur une appréciation concrète de la situation desdits établissements et de celle du FRU, le CRU devant également veiller à ce que le recours aux EPI ne compromette en aucune manière la capacité financière ou la liquidité du FRU, conformément au considérant 16 et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81.

331    Or, ainsi qu’il ressort, notamment, du considérant 150 de la décision attaquée, le CRU a décidé de ne pas fixer la part des EPI à un niveau supérieur à 15 % du montant des contributions ex ante sur la base d’un examen concret de toutes les circonstances qu’il a considérées comme étant pertinentes, notamment celles liées à la pandémie de COVID‑19, ainsi que des conséquences sur le long terme qu’aurait un appel d’un montant plus élevé des EPI sur la situation des établissements.

332    Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir que la limitation du recours aux EPI à 15 % du total des obligations de paiement de l’établissement qui en fait la demande serait contraire à l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014.

333    En deuxième lieu, la requérante soutient, s’agissant de l’exigence imposée par le CRU selon laquelle les garanties des EPI doivent être constituées d’espèces, que ni l’article 103, paragraphe 3, de la directive 2014/59 ni l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 ne laissent à la discrétion du CRU le choix de définir le type de garantie que les établissements peuvent fournir. Le CRU irait donc au-delà des prescriptions légales encadrant ses compétences en imposant, par principe et de manière quasi réglementaire, un tel type de garantie.

334    À cet égard, ainsi qu’il a été constaté au point 326 ci-dessus, il ressort des dispositions mentionnées aux points 320 à 323 ci-dessus que le CRU dispose d’un pouvoir d’appréciation en ce qui concerne les modalités de recours aux EPI et la nature des garanties à accepter en contrepartie de ces derniers.

335    Certes, ce pouvoir est encadré par l’exigence selon laquelle ces garanties doivent être des actifs à faible risque non grevés de droits de tiers, réservés à l’utilisation exclusive du CRU, qui ne compromettent en aucune manière la capacité financière ou la liquidité du FRU.

336    Cependant, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément susceptible de démontrer quels autres types d’actifs présenteraient des garanties comparables aux espèces en ce qui concernait ces conditions.

337    Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir que le CRU a méconnu l’article 103, paragraphe 3, de la directive 2014/59 et l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 en définissant le type de garantie que les établissements devaient fournir au titre des EPI.

338    Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que le CRU a justifié cette exigence en faisant référence, au considérant 152 de la décision attaquée, aux EPI déjà contractés lors des périodes de contribution précédentes, une telle circonstance n’ayant aucune incidence sur l’erreur de droit alléguée.

339    En troisième lieu, la requérante fait valoir que l’encadrement du recours aux EPI est opaque, car le CRU a refusé la demande de certains établissements que leur soit communiquée ou que soit publiée sa décision SRB/ES/2020/71, du 16 décembre 2020, fixant la politique pour la période de contribution 2021 concernant les EPI (ci-après la « décision fixant la politique EPI »).

340    À cet égard, la requérante n’explique pas suffisamment l’incidence de cette circonstance sur l’examen de l’erreur de droit invoquée dans le cadre des présents moyens.

341    En outre, dans la mesure où le présent grief doit être compris en ce sens que, par celui-ci, la requérante met en cause le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée, il convient de relever que ce grief et le sixième moyen, tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée concernant les EPI, se recoupent. Or, lors de l’audience, la requérante a retiré ce moyen, en sous-entendant ainsi qu’elle ne contestait plus la motivation de la décision attaquée en ce qui concernait le recours aux EPI.

342    En tout état de cause, le CRU a produit, en réponse à une mesure d’instruction du Tribunal du 9 novembre 2022, les décisions intermédiaires qui étaient pertinentes pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021. Ces décisions, qui ont été ensuite signifiées à la requérante dans leur version non confidentielle, comportent, notamment, la décision fixant la politique EPI. En outre, la décision attaquée elle-même fournit, à ses considérants 145 à 155, une motivation concernant les EPI.

343    Par ailleurs, la requérante n’a identifié aucun élément figurant dans la décision fixant la politique EPI qui n’a pas été repris dans la décision attaquée elle-même.

344    Par conséquent, rien n’indique que l’absence de publication de la décision fixant la politique EPI ait eu une incidence quelconque sur l’étendue des informations dont la requérante disposait afin de pouvoir vérifier la légalité du recours aux EPI.

345    En quatrième lieu, la requérante soutient que le CRU a commis des erreurs manifestes d’appréciation s’agissant des risques de liquidité et de procyclicité qu’engendrerait un recours aux EPI au-delà de 15 % des contributions ex ante. En effet, contrairement à l’appréciation du CRU, le recours aux EPI aurait été prévu pour atténuer les effets procycliques que les contributions ex ante pourraient entraîner en raison de leur montant. Ainsi, au regard du contexte macroéconomique de l’année 2020, un recours accru aux EPI aurait permis de contrebalancer la hausse de ces contributions due à la hausse des dépôts des établissements.

346    À cet égard, il est vrai que, si le CRU fixe la part des EPI de chaque établissement qui en fait la demande à un niveau supérieur à 15 % du total de ses obligations de paiement, ce niveau peut présenter un allègement à court terme pour les établissements en cause, comme le soutient la requérante, en ce qu’il réduit la part de leurs contributions ex ante devant être versées immédiatement en espèces.

347    Cependant, ainsi que le relève en substance le CRU, sans être contredit sur ce point, un niveau supérieur à 15 % risque d’avoir des effets procycliques sur la position des établissements à long terme. En effet, l’article 7, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2015/81 prévoit que, lorsqu’une mesure de résolution fait intervenir le FRU conformément à l’article 76 du règlement no 806/2014, tout ou partie des EPI sont appelés par le CRU afin que les sommes correspondantes soient versées au FRU. Il en découle que, dans une telle situation, les établissements ayant recours aux EPI doivent mobiliser ces derniers et verser les sommes correspondantes, ce qui entraîne un risque de pertes importantes pour eux, lequel serait encore plus important si la part des EPI était fixée à un niveau élevé.

348    Il en va d’autant plus ainsi que la décision attaquée a été adoptée dans des circonstances particulières, qui étaient marquées par l’incertitude économique liée à la pandémie de COVID‑19. Dans ce contexte, les effets provoqués par un éventuel appel des EPI sur la position des établissements auraient pu être encore aggravés, ainsi que le relève en substance le CRU aux considérants 150, 152 et 153 de la décision attaquée.

349    Dans ces conditions, le CRU pouvait estimer qu’un niveau plus élevé d’EPI pourrait avoir des effets procycliques sur le long terme pour les établissements en augmentant leurs pertes à la suite du paiement des sommes correspondant aux EPI dans le cadre d’une éventuelle mesure de résolution.

350    Partant, la requérante n’a pas démontré que le CRU avait commis une erreur manifeste d’appréciation ou un détournement de pouvoir ou qu’il avait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation en fixant la part des EPI à 15 % du montant des contributions ex ante pour la période de contribution 2021.

351    Cette constatation n’est pas remise en cause par les arrêts mentionnés par la requérante, à savoir les arrêts du 9 septembre 2020, Société générale/BCE (T‑143/18, non publié, EU:T:2020:389), du 9 septembre 2020, Crédit agricole e.a./BCE (T‑144/18, non publié, EU:T:2020:390), du 9 septembre 2020, Confédération nationale du Crédit mutuel e.a./BCE (T‑145/18, non publié, EU:T:2020:391), du 9 septembre 2020, BPCE e.a./BCE (T‑146/18, non publié, EU:T:2020:392), du 9 septembre 2020, Arkéa Direct Bank e.a./BCE (T‑149/18, non publié, EU:T:2020:393), et du 9 septembre 2020, BNP Paribas/BCE (T‑150/18 et T‑345/18, EU:T:2020:394). Ces arrêts concernent des décisions de la BCE par lesquelles cette dernière a imposé que les montants cumulés des EPI souscrits envers le FRU ou les SGD soient déduits des fonds propres. Dans ces arrêts, le juge de l’Union ne s’est pas prononcé sur la détermination par le CRU du niveau de recours aux EPI ni sur les garanties à accepter en contrepartie.

352    En cinquième lieu, la requérante soutient que le CRU n’a pas expliqué en quoi il existait un risque de liquidité dans le cas de garanties exclusivement constituées d’espèces et libellées en euros. À cet égard, le modèle d’accord concernant les EPI prévoirait un mécanisme assurant la bonne liquidité du FRU, puisqu’il stipulerait, d’une part, la possibilité pour le CRU de saisir, à bref délai, des espèces correspondant aux EPI fournies à titre de garantie et, d’autre part, la pleine propriété du CRU de ces espèces ainsi que la possibilité pour ce dernier d’en disposer librement en cas de non-paiement par l’établissement concerné.

353    Dans la mesure où le présent grief doit lui aussi être compris en ce sens que, par celui-ci, la requérante met en cause le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne le risque de liquidité dans le cas de garanties exclusivement constituées d’espèces et libellées en euros, il convient de relever que ce grief et le sixième moyen, tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne les EPI, se recoupent. Or, comme cela est indiqué au point 341 ci-dessus, lors de l’audience, la requérante a retiré ce moyen.

354    Par ailleurs, si l’argumentation de la requérante relative à ce grief devait être comprise en ce sens que cette dernière soutient que le CRU a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’il a limité la part des EPI à 15 % du montant des contributions ex ante, alors que de telles garanties sont constituées exclusivement d’espèces et ne présentent donc pas de risque de liquidité au regard du modèle d’accord concernant les EPI, il convient de relever ce qui suit.

355    D’une part, bien qu’il soit constant que les garanties relatives aux EPI constituées exclusivement d’espèces sont des actifs à faible risque en raison de la possibilité de les liquider à bref délai, cette circonstance ne remet pas en cause les considérations énoncées aux points 347 à 349 ci-dessus, selon lesquelles le CRU pouvait estimer, dans les circonstances particulières marquant la période concernée et sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, qu’un taux d’EPI supérieur à 15 % du montant des contributions ex ante pourrait avoir des effets procycliques sur le long terme pour les établissements.

356    D’autre part, la requérante s’appuie à tort sur le modèle d’accord concernant les EPI pour soutenir que le CRU aurait dû autoriser une part des EPI plus élevée que 15 % au motif que ce modèle stipulerait que le CRU a la pleine propriété des espèces transférées, de sorte que ces espèces constituent des actifs à faible risque.

357    Certes, le modèle d’accord concernant les EPI prévoit, à son article 3.1, que, afin de garantir le paiement intégral et ponctuel des obligations garanties, l’établissement constitue une garantie en espèces en faveur du CRU et lui transfère la pleine propriété d’un montant en espèces égal au montant des EPI et, à son article 3.5, que le CRU a la pleine propriété des espèces transférées et qu’il a le droit de les utiliser librement, sous réserve de l’obligation de restituer le montant correspondant de la garantie en espèces en cas de paiement des obligations garanties à leur date d’échéance.

358    Pour autant, les articles 2, 5 et 6 du modèle d’accord concernant les EPI fixent une procédure par laquelle le CRU appelle le paiement de l’EPI ainsi que les conséquences pour l’établissement concerné.

359    Aux articles 2.1 et 2.2 du modèle d’accord concernant les EPI, il est prévu que le CRU envoie à l’établissement un avis demandant le paiement de l’EPI. L’article 5 du même modèle d’accord stipule que, dès la réception du paiement appelé, le CRU restitue un montant de garantie en espèces égal au montant du paiement appelé et versé. L’article 6 du modèle d’accord concernant les EPI stipule, notamment, que, en cas de non-paiement sur première demande par l’établissement, le CRU a le droit de confisquer la garantie en espèces pour acquit des obligations garanties et peut notamment, à ce titre, procéder à une compensation entre le montant des obligations garanties impayées et son obligation de rembourser la garantie en espèces.

360    Il ressort de l’analyse des stipulations du modèle d’accord concernant les EPI que, même si le CRU dispose de la pleine propriété des espèces qui garantissent les EPI, il ne peut mobiliser celles-ci, en faveur du FRU, qu’en suivant une procédure particulière.

361    Dans ces conditions, le CRU pouvait estimer, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81, que de tels EPI ne présentaient pas le même degré de garantie en ce qui concernait la capacité financière et la liquidité du FRU qu’un versement immédiat en espèces.

362    En sixième lieu, si la requérante fait valoir que le CRU n’a pas évoqué la possibilité de recourir à d’autres types d’actifs que des espèces qui pourraient tout de même être considérés comme étant à faible risque et non grevés de droits de tiers, elle n’a pas précisé quels autres types d’actifs présenteraient des garanties comparables aux espèces en ne compromettant pas la capacité financière ou la liquidité du FRU, de sorte que cet argument doit être écarté.

363    Dans ces conditions, la requérante n’a pas démontré que le CRU avait commis des erreurs manifestes d’appréciation ou une erreur de droit lorsqu’il avait limité le recours aux EPI à 15 % du montant des contributions ex ante dues au titre de la période de contribution 2021 et les garanties présentées au titre des EPI aux seules espèces.

364    Par conséquent, il convient d’écarter les septième et huitième moyens.

D.      Conclusion

365    Compte tenu du bien-fondé de la troisième branche du troisième moyen et des quatrième et cinquième moyens en tant qu’ils sont dirigés directement contre la décision attaquée, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, en ce qu’elle concerne la requérante.

E.      Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

366    Le CRU demande au Tribunal de maintenir, en cas d’annulation de la décision attaquée, les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle l’arrêt est devenu définitif.

367    La requérante a relevé pendant l’audience qu’une éventuelle annulation de la décision attaquée en raison d’une illégalité au fond devrait conduire le CRU à lui restituer le montant de sa contribution ex ante. En outre, une telle annulation n’aurait aucun impact sur le fonctionnement du CRU ni sur la stabilité financière de l’Union, car le FRU serait très avancé dans sa constitution.

368    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, le juge de l’Union peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme étant définitifs.

369    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, les effets d’un tel acte peuvent être maintenus, notamment lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs de violation des formes substantielles (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 175 et jurisprudence citée).

370    En l’espèce, la décision attaquée a été prise en violation des formes substantielles. En revanche, le Tribunal n’a pas constaté, dans la présente procédure, d’erreur affectant la légalité au fond de cette décision.

371    En outre, à l’instar de ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 177), il convient de constater que prononcer l’annulation de la décision attaquée sans prévoir le maintien de ses effets jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par un nouvel acte serait de nature à porter atteinte à la mise en œuvre de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, qui constituent une partie essentielle de l’union bancaire, laquelle contribue à la stabilité de la zone euro.

372    Dans ces circonstances, il y a lieu de maintenir les effets de la décision attaquée, en ce qu’elle concerne la requérante, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au FRU de la requérante pour la période de contribution 2021.

 Sur les dépens

373    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

374    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement, le Conseil et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique est annulée en ce qu’elle concerne La Banque postale.

2)      Les effets de la décision SRB/ES/2021/22, en ce qu’elle concerne La Banque postale, sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au Fond de résolution unique de cet établissement pour la période de contribution 2021.

3)      Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par La Banque postale.

4)      Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Kornezov

De Baere

Petrlík

Kecsmár

 

Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023.

Le greffier

 

Le président

T. Henze, greffier adjoint

 

M. van der Woude


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Décision attaquée

III. Conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur les fins de non-recevoir

B. Sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014, du règlement délégué 2015/63, et du règlement d’exécution 2015/81

1. Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

a) Sur les première et deuxième branches, tirées de l’absence de prise en compte des différences de situation entre les établissements de l’union bancaire et du caractère injustifié de l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base

1) Sur le premier grief de la première branche, tiré de l’absence de prise en compte des différences de situation entre les secteurs bancaires des États membres participants, et sur la deuxième branche, relative au caractère injustifié de l’exclusion des dépôts couverts de la base de calcul de la contribution annuelle de base

2) Sur le second grief de la première branche, tiré de l’incohérence liée à l’absence de prise en considération des critères d’évaluation utilisés dans le cadre du MSU

b) Sur la troisième branche, tirée du caractère injustifié de l’absence de déduction des engagements éligibles répondant aux exigences prudentielles au titre de l’EMEE

c) Sur la quatrième branche, tirée du fait que les contributions ex ante ne sont pas représentatives du risque réellement supporté en raison des critères de calcul du multiplicateur d’ajustement

1) Sur le premier grief, tiré de l’absence de prise en compte du profil de risque global intrinsèque de chaque établissement

2) Sur le deuxième grief, tiré de l’absence d’appréciation des facteurs de risque au regard des exigences imposées par l’autorité de supervision dans le cadre du MSU

3) Sur le troisième grief, tiré de l’impossibilité de tenir compte de manière globale de chaque spécificité individuelle de chaque établissement

2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique

a) Sur la première branche, tirée de l’impossibilité de connaître à l’avance le niveau de la contribution ex ante

b) Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de prévisibilité quant à l’application de certains indicateurs de risque

c) Sur la troisième branche, tirée des modalités de détermination du « taux d’accroissement des dépôts couverts »

d) Sur la quatrième branche, tirée de la méconnaissance de l’article 290 TFUE par les critères de calcul définis par le règlement délégué 2015/63

4. Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés de la violation du principe de bonne administration et de la violation du principe de protection juridictionnelle effective, en ce qu’ils comportent une exception d’illégalité

C. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1. Sur la motivation de la détermination du niveau cible annuel

2. Sur le surplus des quatrième et cinquième moyens, tirés de la violation du principe de bonne administration et de la violation du principe de protection juridictionnelle effective par le CRU dans la décision attaquée

3. Sur les septième et huitième moyens, tirés d’erreurs manifestes d’appréciation et de l’erreur de droit résultant des limitations imposées au recours aux EPI

D. Conclusion

E. Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.