Language of document : ECLI:EU:C:2020:882

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

29 octobre 2020 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non‑admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑305/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 juillet 2020,

Kerry Luxembourg Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, MM. T. von Danwitz (rapporteur) et P. G. Xuereb, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Kerry Luxembourg Sàrl demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 avril 2020, Kerry Luxembourg/EUIPO – Döhler (TasteSense) (T‑109/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:162), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 27 novembre 2018 (affaire R 1178/2018-2), relative à une procédure d’opposition entre Döhler GmbH et Kerry Luxembourg (ci-après la « décision litigieuse »).

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, de ce règlement, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante invoque, en substance, trois arguments par lesquels elle fait valoir que son pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, justifiant son admission.

7        Par son premier argument, la requérante fait valoir que son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union en ce que le Tribunal a vicié la procédure dont il était saisi, en refusant d’accepter des éléments de preuve provenant de sources accessibles au public illustrant le degré de connaissance de la langue anglaise par le public en Pologne et en Espagne. Plus précisément, elle considère que la connaissance des langues est une question d’ordre factuel, susceptible d’être établie au moyen de preuves, mais qu’elle relève en l’espèce des faits « notoires », de sorte que le Tribunal n’aurait pas été en droit de rejeter des éléments de preuve provenant de sources accessibles au public au seul motif que de tels éléments n’avaient pas été présentés dans le cadre des procédures devant l’EUIPO.

8        Par son deuxième argument, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), en commettant des erreurs de droit lors de l’interprétation de la liste des produits pour lesquels l’enregistrement de la marque faisant l’objet de la procédure d’opposition devant l’EUIPO avait été demandé et, partant, lors de la détermination du public pertinent. Selon la requérante, le public pertinent est composé exclusivement de professionnels, à savoir d’un public spécialisé, et non également du grand public, comme l’a considéré le Tribunal au point 50 de l’arrêt attaqué. Elle soutient que la question de l’interprétation de la liste des produits, qui a une incidence sur la définition du public pertinent, est une question de droit importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

9        Par son troisième argument, la requérante fait valoir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union en ce que le Tribunal s’est fondé sur des critères juridiques erronés pour confirmer la conclusion de la décision litigieuse relative à l’existence d’un risque de confusion. L’erreur consisterait, premièrement, en l’affirmation selon laquelle le risque de confusion s’entend comme un risque de confusion entre les signes. Deuxièmement, en confirmant la conclusion de la décision litigieuse, selon laquelle un risque de confusion ne saurait être « exclu » ou « exclu avec certitude », le Tribunal se serait écarté de la jurisprudence de la Cour. L’EUIPO ainsi que le Tribunal devraient parvenir à un constat positif de l’existence d’un risque de confusion.

10      De manière transversale, la requérante soutient que les questions de droit concernant l’interprétation et l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 qui sont visées par les trois arguments susmentionnés se posent dans un grand nombre d’affaires, de sorte qu’une décision de la Cour serait nécessaire pour préserver l’unité et la cohérence du droit de l’Union et pour assurer un développement cohérent du droit de l’Union.

11      À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 16 septembre 2019, Kiku/OCVV, C-444/19 P, non publiée, EU:C:2019:746, point 11, ainsi que du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 13).

12      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 3 septembre 2020, Gamma-A/EUIPO, C‑199/20 P, non publiée, EU:C:2020:662, point 10 et jurisprudence citée).

13      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

14      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

15      En l’occurrence, tout d’abord, il convient de rejeter l’argumentation que la requérante développe de manière transversale dans le cadre de ses trois arguments, à savoir que le grand nombre d’affaires soulevant des questions similaires à celles soulevées dans le cadre du pourvoi rend nécessaire une décision de la Cour pour préserver l’unité et la cohérence du droit de l’Union et pour assurer un développement cohérent du droit de l’Union au regard de l’application et de l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. En effet, le fait qu’une question pourrait concerner un grand nombre d’affaires ne saurait manifestement être considéré comme pertinent pour établir l’importance juridique de la question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 19 décembre 2019, Hauzenberger/EUIPO, C‑696/19 P, non publiée, EU:C:2019:1116, point 20).

16      Ensuite, s’agissant du premier argument de la requérante, résumé au point 7 de la présente ordonnance, selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en refusant d’accepter des éléments de preuve provenant de sources accessibles au public illustrant le degré de connaissance de la langue anglaise par le public en Pologne et en Espagne, il importe de souligner que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, un tel argument n’est pas, en soi, suffisant pour établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance.

17      Or, en l’espèce, la requérante n’expose pas les raisons concrètes pour lesquelles le refus d’examiner des preuves qui n’ont pas été produites dans le cadre de la procédure administrative soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. À cet égard, il convient de relever notamment que, dans son ordonnance du 17 juillet 2014, MOL/OHMI (C‑468/13 P, non publiée, EU:C:2014:2116, point 42), la Cour s’est déjà prononcée sur la question visée par le premier argument de la requérante, à savoir la question de savoir si un élément de preuve qui concerne prétendument les faits notoires peut être produit devant le Tribunal même s’il n’a pas été présenté préalablement devant un organe tel que celui en cause. Or, la requérante n’indique pas les raisons pour lesquelles, en présence de cette jurisprudence de la Cour, le premier argument est susceptible de constituer une question qui est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

18      En outre, quant au deuxième argument avancé par la requérante, évoqué au point 8 de la présente ordonnance, selon lequel le Tribunal aurait interprété, de manière erronée, la liste des produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé, ce qui aurait eu une incidence sur la définition du public pertinent, il convient de constater que la requérante cherche, en substance, à remettre en cause les constatations du Tribunal relatives aux caractéristiques du public pertinent. Or, il résulte d’une jurisprudence constante que de telles constatations relèvent du domaine des appréciations de nature factuelle pour lesquelles le Tribunal est seul compétent (voir, notamment, arrêt du 25 juillet 2018, QuaMa Quality Management/EUIPO, C‑139/17 P, non publié, EU:C:2018:608, point 55 et jurisprudence citée). Dès lors, une telle argumentation ne saurait soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 10 octobre 2019, KID-Systeme/EUIPO, C‑577/19 P, non publiée, EU:C:2019:854, point 20).

19      Enfin, s’agissant du troisième argument de la requérante, figurant au point 9 de la présente ordonnance, selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a confirmé les conclusions de la décision litigieuse concernant l’existence d’un risque de confusion, d’une part, il convient de relever que l’allégation de la requérante, selon laquelle le Tribunal aurait considéré qu’un risque de confusion entre les signes suffit pour constater qu’il y a un risque de confusion entre les marques en cause, est fondée sur une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal a procédé, aux points 73 à 84 de l’arrêt attaqué, à sa propre appréciation globale du risque de confusion pour en conclure, au point 83 de l’arrêt attaqué, qu’en raison du fait que les signes en conflit étaient similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009  et que les produits en cause étaient identiques ou similaires à un degré élevé, il existait un risque de confusion.

20      D’autre part, s’agissant de l’affirmation selon laquelle le Tribunal se serait écarté de la jurisprudence de la Cour, il importe de souligner que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 17 et jurisprudence citée). Or, la requérante, qui ne précise pas la jurisprudence de la Cour prétendument violée, n’a pas respecté l’ensemble de ces exigences.

21      Dans ces conditions, il convient de conclure que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

22      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

23      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

24      En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.


Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Kerry Luxembourg Sàrl supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.