Language of document : ECLI:EU:T:2018:533

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 septembre 2018 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Recrutement – Concours interne – Constitution d’une liste de réserve pour le recrutement d’assistants – Condition d’admission relative à l’ancienneté de service au sein de la Commission – Non-admission à participer aux épreuves d’un concours »

Dans l’affaire T‑55/17,

John Morrison Healy, agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Celbridge (Irlande), représenté par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Berscheid et Mme L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du jury du concours interne COM/02/AST/16 (AST 2) portant rejet de la candidature du requérant,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 18 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 janvier 2013, le requérant, M. John Morrison Healy, est entré en service à la Commission européenne en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions III (GF III), grade 11, échelon 1.

2        Le 9 février 2016, la Commission a publié un avis de concours internes sur épreuves, pour la constitution d’une liste de réserve pour le recrutement de secrétaires/commis de grade 2 (AST/SC 2), d’assistants de grade 2 (AST 2) et d’administrateurs de grade 6 (AD 6) (ci-après l’« avis de concours »). Ces trois concours étaient respectivement référencés comme suit : COM/01/AST-SC/16 (AST/SC 2) – Secrétaires/commis, COM/02/AST/16 (AST 2) – Assistants, et COM/03/AD/16 (AD 6) – Administrateurs.

3        Sous le titre III, intitulé « Éligibilité », l’article 2.1, sous a), de l’avis de concours prévoyait notamment ce qui suit s’agissant du statut administratif des candidats :

« [Vous devez] avoir acquis une ancienneté de service d’une durée minimale de 42 mois, qui ne sont pas nécessairement consécutifs, en tant que fonctionnaire, agent temporaire ou agent contractuel auprès de la Commission ; les périodes d’activité accomplies au sein des agences ou d’autres institutions ne sont pas prises en considération ; les périodes d’activité accomplies au sein de la Commission en tant qu’agent intérimaire, agent auxiliaire, agent local ou expert national détaché (END) ne sont pas non plus prises en considération. »

4        Sous le même titre, l’article 2.3 de l’avis de concours disposait ce qui suit quant au diplôme ou à l’expérience professionnelle requis :

« [Vous devez avoir] un niveau d’enseignement supérieur sanctionné par un diplôme, ou un niveau d’enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur et une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins, ou une formation professionnelle ou une expérience professionnelle de niveau équivalent. »

5        Aux termes de l’article 2 de l’avis de concours, les conditions d’éligibilité devaient toutes être remplies.

6        À une date indéterminée, le requérant s’est porté candidat au concours interne COM/02/AST/16 (AST 2).

7        Au 9 mars 2016, à savoir la date limite pour s’inscrire au concours, le requérant justifiait de 38 mois d’ancienneté de service au sein de la Commission en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions III.

8        Le 11 avril 2016, le jury du concours interne COM/02/AST/16 (AST 2) a informé le requérant de sa décision de rejeter sa candidature (ci-après la « décision attaquée »), dès lors qu’il ne remplissait pas la condition fixée par l’avis de concours exigeant une ancienneté de service au sein de la Commission d’une durée minimale de 42 mois (ci-après la « condition litigieuse »).

9        Le 11 juillet 2016, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée.

10      Par décision du 19 octobre 2016 notifiée le même jour au requérant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation de celui-ci.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 janvier 2017, le requérant a introduit le présent recours.

12      Interrogé à ce propos par le greffe du Tribunal, le requérant a, par courrier du 23 février 2017, déclaré être favorable à la jonction de la présente affaire et des affaires T‑73/17, RS/Commission, et T‑79/17, Schoonjans/Commission, aux fins de la phase orale de la procédure.

13      Le 3 avril 2017, la Commission a déposé le mémoire en défense.

14      Par courrier du 18 mai 2017, le requérant a indiqué renoncer à déposer une réplique.

15      Par courrier du 30 mai 2017, le requérant a sollicité la tenue d’une audience.

16      Par décision du 14 novembre 2017, le président de la neuvième chambre du Tribunal a décidé de ne pas joindre la présente affaire et les affaires T‑73/17, RS/Commission, et T‑79/17, Schoonjans/Commission.

17      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 18 janvier 2018.

18      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

20      À l’appui du recours, le requérant soulève un moyen unique, pris, en substance, d’une exception d’illégalité tirée de ce que la condition litigieuse, sur laquelle est fondée la décision attaquée, méconnaît les dispositions impératives de l’article 27, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »). En exigeant que les candidats disposent d’une ancienneté de service de 42 mois, l’AIPN aurait limité de façon disproportionnée l’accès au concours interne COM/02/AST/16 (AST 2).

21      D’après le requérant, l’article 27 du statut impose, au contraire, à l’AIPN de conduire les procédures de recrutement sur une base aussi large que possible, toute limitation du nombre de personnes pouvant participer à un concours interne devant être justifiée au regard des exigences liées aux emplois à pourvoir et, plus généralement, de l’intérêt du service.

22      Or, l’exigence de posséder une ancienneté de 42 mois au sein de la Commission ne serait pas justifiée par l’intérêt du service. Cet objectif ne serait d’ailleurs pas poursuivi de manière systématique, puisque, sous le titre III, intitulé « Éligibilité », l’article 2.3 de l’avis de concours énoncerait que les candidats doivent disposer d’une expérience professionnelle d’une durée de 36 mois au moins.

23      Au demeurant, une ancienneté de service de 42 mois ne saurait, selon le requérant, être automatiquement considérée comme plus pertinente qu’une ancienneté de 36 mois acquise au sein de la Commission. Cette condition, prise isolément, ne serait pas suffisante pour permettre à l’AIPN d’apprécier l’expérience professionnelle d’un agent et son aptitude à exercer les fonctions de l’emploi à pourvoir, dès lors qu’elle ne tiendrait pas compte d’autres circonstances – tel un renouvellement de contrat antérieur – révélatrices desdites expérience et aptitude.

24      En tout état de cause, en prévoyant que les agents contractuels des groupes de fonctions II à IV ne peuvent être autorisés à participer à des concours internes que s’ils ont accompli trois années de service au sein de l’institution, l’article 82, paragraphe 7, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), sur lequel se fonde la condition litigieuse, reposerait sur la présomption que les agents contractuels disposant d’une ancienneté de service inférieure à cette durée ne seraient jamais susceptibles d’être identifiés comme les candidats potentiels pouvant présenter les plus hautes qualités de compétence pour les emplois à pourvoir par le biais de concours internes.

25      En exigeant que les candidats justifient d’une ancienneté de service de 42 mois, l’avis de concours aurait dès lors négativement affecté la capacité de l’AIPN à faire le choix le plus judicieux parmi un cercle de candidats suffisamment élargi, et ce en violation de l’article 27, premier alinéa, du statut. Se fondant notamment sur l’arrêt du 31 mars 1965, Rauch/Commission (16/64, EU:C:1965:29), le requérant estime enfin que cette exigence serait d’autant plus illégale que, auparavant, l’expression « concours interne à l’institution » concernait, en principe, l’ensemble des personnes se trouvant au service de l’institution, à quelque titre que ce soit.

26      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

 Appréciation du Tribunal

27      Aux termes de l’article 27, premier alinéa, du statut, « le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union. Aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d'un État membre déterminé ».

28      En premier lieu, il convient de rappeler les principes posés par la jurisprudence relatifs aux conditions et aux modalités d’organisation d’un concours.

29      Premièrement, le rôle essentiel de l’avis de concours consiste à informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit, afin de les mettre en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (voir arrêt du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, point 63 et jurisprudence citée).

30      Deuxièmement, l’institution dispose, à cet égard, d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les critères de capacité exigés par les emplois à pourvoir et pour déterminer, en fonction de ces critères et dans l’intérêt du service, les conditions et les modalités d’organisation d’un concours (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C‑16/07 P, EU:C:2008:549, points 76 et 77 et jurisprudence citée ; du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, point 63 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, point 36 et jurisprudence citée).

31      Toutefois, l’exercice du pouvoir d’appréciation qui appartient aux institutions en matière d’organisation de concours, en particulier en ce qui concerne la fixation des conditions d’admission, doit être compatible avec les dispositions impératives de l’article 27, premier alinéa, et de l’article 29, paragraphe 1, du statut. C’est de manière impérative que l’article 27, premier alinéa, du statut définit le but de tout recrutement et que l’article 29, paragraphe 1, du statut fixe le cadre des procédures à suivre en vue de pourvoir aux vacances d’emploi. En conséquence, ce pouvoir doit toujours être exercé en fonction des exigences liées aux emplois à pourvoir et, plus généralement, de l’intérêt du service (voir arrêt du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, point 37 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, points 28 et 29 et jurisprudence citée).

32      S’agissant spécifiquement des conditions limitant l’inscription de candidats à un concours, si elles sont certes susceptibles de restreindre les possibilités pour l’institution de recruter les meilleurs candidats au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut, il n’en résulte pas pour autant que toute condition portant une telle limitation est contraire à l’article susmentionné. En effet, le pouvoir d’appréciation de l’administration dans l’organisation des concours et, plus généralement, l’intérêt du service permettent à l’institution de poser les conditions qu’elle juge appropriées et qui, tout en limitant l’accès des candidats à un concours, et donc forcément le nombre des candidats inscrits, ne comportent cependant pas le risque de compromettre l’objectif d’assurer l’inscription des candidats qui présentent les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, point 30).

33      Ne sont ainsi jugées contraires à l’article 27, premier alinéa, du statut que les conditions limitant l’accès des candidats à un concours qui comportent le risque de compromettre l’objectif d’assurer l’inscription des candidats qui présentent les plus hautes qualités (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Berge/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, EU:T:1997:28, point 40, et du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, point 32).

34      Troisièmement, il y a lieu de rappeler que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions en ce domaine, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à l’intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l’institution s’est tenue dans des limites raisonnables, non critiquables, et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2015, Z/Cour de justice, T‑88/13 P, EU:T:2015:393, point 106).

35      En second lieu, il convient de déterminer la portée de l’article 82, paragraphe 7, première phrase, du RAA.

36      L’article 82, paragraphe 7, première phrase, du RAA prévoit que les agents contractuels relevant des groupes de fonctions II à IV ne peuvent être autorisés à participer à des concours internes que s’ils ont accompli trois années de service au sein de l’institution.

37      Premièrement et contrairement à ce que soutient le requérant, le législateur de l’Union européenne a fait le choix, à l’article 82, paragraphe 7, première phrase, du RAA, de limiter la marge d’appréciation des institutions en fixant un seuil de trois années d’ancienneté de service en-dessous duquel les agents contractuels des groupes de fonctions II à IV ne peuvent pas, quels que soient leurs qualités et mérites professionnels, être autorisés à participer à des concours internes. Une telle limitation découle, eu égard à l’article 29, paragraphe 1, troisième alinéa, du statut, du caractère exceptionnel de l’organisation de concours internes ouverts auxdits agents contractuels. Cette interprétation est, du reste, corroborée par la lecture des travaux préparatoires du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15). La commission des affaires juridiques du Parlement européen avait ainsi précisé que des agents contractuels ne pouvaient être admis à de tels concours que « pour autant qu’ils aient travaillé au moins trois ans […] pour l’institution concernée à la date limite de réception des candidatures au concours » [amendement no 30 du Rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (COM(2011)0890 – C7-0507/2011 – 2011/0455(COD)), p. 26].

38      Deuxièmement, la jurisprudence avait déjà admis, avant cette réforme législative, des conditions d’ancienneté de service d’une durée de trois ans (arrêts du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Berge/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, EU:T:1997:28, point 47, et du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, point 31), de cinq ans (arrêt du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, points 38, 40 et 42) et de dix ans (arrêt du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T‑214/99, EU:T:2000:272, points 56 et 61), dès lors que, dans ces affaires, l’institution en cause avait exercé son large pouvoir d’appréciation dans le respect de la condition liée à l’intérêt du service.

39      Troisièmement, il a déjà été jugé que l’exigence d’un certain nombre d’années d’ancienneté de service constituait un moyen approprié pour s’assurer que les fonctionnaires possèdent les qualités prescrites par l’article 27, premier alinéa, du statut et, partant, pour garantir l’intérêt du service. En effet, la possession d’une certaine ancienneté, et donc d’une expérience significative au sein des institutions de l’Union européenne, constitue un « indice certain » de l’existence des qualités susvisées (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, point 40 et jurisprudence citée).

40      Une telle condition d’ancienneté permet d’assurer que les personnes admises au concours interne ont été soumises au régime applicable au personnel administratif des institutions, notamment aux règles relatives à la notation et à la discipline, pendant une certaine période et qu’elles ont fait preuve de leurs aptitudes dans ce cadre. La procédure de recrutement assure donc à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité telles qu’elles ont été appréciées par les institutions elles-mêmes (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, point 41).

41      Il s’ensuit que, comme le soutient la Commission, l’institution qui décide d’organiser, à titre exceptionnel, un concours interne ouvert aux agents contractuels relevant des groupes de fonctions II à IV est tenue de respecter le seuil des trois années d’ancienneté de service imposé par l’article 82, paragraphe 7, première phrase, du RAA. Il est toutefois loisible à cette institution, compte tenu de son large pouvoir d’appréciation et dans le respect des dispositions impératives de l’article 27, premier alinéa, et de l’article 29, paragraphe 1, du statut, de fixer, pour certains emplois ou pour certains groupes de fonctions, des conditions plus sévères en exigeant notamment de disposer d’une ancienneté de service supérieure au minimum prévu par l’article 82, paragraphe 7, première phrase, du RAA (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, EU:C:1989:325, point 24).

42      Cette conclusion, qui implique l’exclusion des agents contractuels ne remplissant pas les conditions d’ancienneté de service définies par l’institution en cause, ne saurait être infirmée, contrairement à ce que soutient le requérant, par le fait que, auparavant, l’expression « concours interne à l’institution » concernait, en principe, l’ensemble des personnes se trouvant au service de celle-ci, à quelque titre que ce soit.

43      En effet, l’obligation d’admettre à un concours interne à l’institution toutes les personnes se trouvant au service de celle-ci porterait atteinte à son large pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C‑16/07 P, EU:C:2008:549, points 70 à 76, et du 24 septembre 2009, Brown/Commission, F‑37/05, EU:F:2009:121, point 68) et aucun droit absolu de participer à un concours interne à une institution ne saurait, dès lors, être reconnu aux agents et aux fonctionnaires de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Berge/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, EU:T:1997:28, point 39, et du 8 novembre 2006, Chetcuti/Commission, T‑357/04, EU:T:2006:339, point 42).

44      En l’espèce, il y a lieu de constater que la condition litigieuse, exigeant que les candidats aux concours internes disposent d’une ancienneté de service de 42 mois, non nécessairement consécutifs, respecte la condition liée à l’intérêt du service.

45      Il ressort, en effet, de la jurisprudence citée aux points 38 à 40 ci-dessus que l’exigence d’un certain nombre d’années d’ancienneté de service constitue un « indice certain » de l’existence, chez les candidats aux concours internes, des qualités prescrites par l’article 27, premier alinéa, du statut.

46      À cet égard, l’avis de concours précise ainsi explicitement que l’intérêt du service commande que le recrutement d’agents temporaires en tant que fonctionnaires garantisse à la Commission les services de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité et que, à ce titre, seuls les candidats possédant une expérience avérée dans un groupe de fonctions donné deviennent des fonctionnaires immédiatement opérationnels.

47      Comme l’a indiqué la Commission dans le mémoire en défense, l’organisation des concours internes prévus dans l’avis de concours décline ainsi l’intérêt du service sous la forme d’un double objectif, à savoir, d’une part, régulariser la situation de certains agents temporaires et contractuels en les titularisant et, d’autre part, recruter un personnel non seulement hautement qualifié, mais immédiatement opérationnel.

48      Il convient encore de relever que, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a transmis le compte-rendu de la réunion de dialogue social sur les concours internes ouverts aux agents contractuels du 11 décembre 2015. Il en ressort que la Commission avait initialement prévu d’exiger une ancienneté de service de quatre années. Cette condition était motivée « par le fait qu’en imposant [quatre] ans d’expérience professionnelle dans les institutions, on avait une certaine assurance concernant la qualité professionnelle des agents concernés dans la mesure où ces agents ont bénéficié d’un renouvellement de contrat ». Toutefois, compte tenu des observations de plusieurs organisations syndicales qui proposaient que cette ancienneté de service soit de trois ans, la Commission a définitivement arrêté la durée de la condition litigieuse à trois ans et demi (page 4 du compte-rendu).

49      Dès le début, la Commission a ainsi entendu que les candidats disposent d’une ancienneté de service minimale, initialement de quatre ans et finalement de trois ans et demi, dès lors que celle-ci confère une certaine assurance concernant leur qualité professionnelle. Dans ces conditions, ladite institution n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée en exigeant comme condition relative à l’ancienneté de service dans l’avis de concours une durée excédant de six mois seulement la durée minimale prévue par l’article 82, paragraphe 7, première phrase, du RAA.

50      Par ailleurs, l’argument du requérant tiré de l’incompatibilité de la condition litigieuse avec le principe de proportionnalité ne peut davantage être accueilli.

51      Selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de proportionnalité requiert que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation de ces objectifs (arrêt du 8 avril 2014, Digital Rights Ireland e.a., C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, point 46 et jurisprudence citée). Par ailleurs, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’AIPN pour déterminer les critères de capacités exigés pour les emplois à pourvoir et pour déterminer, en fonction de ces critères et, plus généralement, dans l’intérêt du service, les conditions et les modalités d’organisation d’un concours (arrêt du 5 février 1997, Petit-Laurent/Commission, T‑211/95, EU:T:1997:13, point 54), seul le caractère manifestement inapproprié de la condition litigieuse par rapport aux objectifs poursuivis peut affecter la légalité de l’avis de concours (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 52). Enfin, il convient de rappeler que la finalité de tout concours organisé au sein de l’Union consiste, ainsi qu’il ressort de l’article 27, premier alinéa, du statut, à assurer à l’institution, comme à tout organe, le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité (arrêt du 14 avril 2011, Clarke e.a./OHMI, F‑82/08, EU:F:2011:45, point 181).

52      À cet égard, premièrement, il ressort des considérations exposées aux points 44 à 49 ci-dessus que l’exigence de disposer d’une ancienneté de service de 42 mois est apte à atteindre le double objectif poursuivi, à savoir, d’une part, régulariser la situation de certains agents temporaires et contractuels en les titularisant et, d’autre part, recruter un personnel non seulement hautement qualifié, mais immédiatement opérationnel.

53      Deuxièmement, la condition litigieuse ne dépasse pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation de ce double objectif. D’une part, en exigeant de disposer d’une ancienneté de service de 42 mois, elle n’excède que de six mois seulement la durée minimale prévue par l’article 82, paragraphe 7, première phrase, du RAA. Or, le Tribunal a déjà admis, comme il est indiqué au point 38 ci-dessus, des conditions d’ancienneté de service d’une durée bien supérieure à 42 mois, dès lors que, comme en l’espèce, l’institution en cause avait exercé son large pouvoir d’appréciation d’une manière compatible avec l’intérêt du service. D’autre part, comme l’a précisé la Commission en réponse à une question écrite du Tribunal, 84 % des 615 candidats inscrits au concours interne COM/02/AST/16 (AST 2) étaient éligibles.

54      Cette dernière constatation suffit, enfin, à écarter l’argument du requérant selon lequel la condition litigieuse n’aurait pas permis à l’AIPN de conduire la procédure de recrutement sur une base aussi large que possible. Il ressort en effet des chiffres communiqués par la Commission que 519 candidats ont pu participer au concours interne en cause.

55      Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer que, en établissant la condition litigieuse, la Commission n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée et que, partant, elle n’a pas méconnu les dispositions impératives de l’article 27, premier alinéa, du statut.

56      Il y a donc lieu d’écarter l’exception d’illégalité et, par voie de conséquence, de rejeter le recours.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. John Morrison Healy est condamné aux dépens.


Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


*      Langue de procédure : le français.