Language of document : ECLI:EU:F:2008:162

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

9 décembre 2008 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Congé de maladie – Imputation des congés de maladie sur la durée du congé annuel – Perte du bénéfice de la rémunération – Demande de report du congé annuel – Irrecevabilité – Demande d’indemnité »

Dans l’affaire F‑106/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

T, ancienne fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes S. Rodrigues et Y. Minatchy, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Joris, en qualité d’agent, assisté initialement de MJ.‑A. Delcorde, avocat, puis de Me D. Waelbroeck, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, H. Tagaras et S. Gervasoni, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite à la suite de l’audience du 19 juin 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 2 novembre 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 3 novembre suivant), la requérante demande en substance, premièrement, l’annulation des décisions par lesquelles la Commission des Communautés européennes a considéré comme injustifiées certaines de ses absences en 2004 et 2005, a imputé les absences en question sur la durée de ses congés annuels et a opéré des réductions de sa rémunération, deuxièmement, l’annulation de la décision de la Commission refusant que le report sur l’année 2005 des congés annuels non pris durant l’année 2004 excède 12 jours, troisièmement, la condamnation de la Commission à lui payer des dommages-intérêts.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 59 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») :

« 1. Le fonctionnaire qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie ou d’accident bénéficie de plein droit d’un congé de maladie.

L’intéressé doit aviser, dans les délais les plus brefs, son institution de son indisponibilité en précisant le lieu où il se trouve. Il est tenu de produire, à partir du quatrième jour de son absence, un certificat médical. Ce certificat doit être envoyé au plus tard le cinquième jour de l’absence, le cachet de la poste faisant foi. À défaut, et sauf si le certificat n’est pas envoyé pour des raisons indépendantes de la volonté du fonctionnaire, l’absence est considérée comme injustifiée.

Le fonctionnaire en congé de maladie peut, à tout moment, être soumis à un contrôle médical organisé par l’institution. Si ce contrôle ne peut avoir lieu pour des raisons imputables à l’intéressé, son absence est considérée comme injustifiée à compter du jour où le contrôle était prévu.

Si le contrôle médical révèle que le fonctionnaire est en mesure d’exercer ses fonctions, son absence, sous réserve de l’alinéa ci-après, est considérée comme injustifiée à compter du jour du contrôle.

Si le fonctionnaire estime que les conclusions du contrôle médical organisé par l’autorité investie du pouvoir de nomination sont médicalement injustifiées, le fonctionnaire ou un médecin agissant en son nom peut, dans les deux jours, saisir l’institution d’une demande d’arbitrage par un médecin indépendant.

L’institution transmet immédiatement cette demande à un autre médecin désigné d’un commun accord par le médecin du fonctionnaire et le médecin-conseil de l’institution. À défaut d’un tel accord dans les cinq jours, l’institution choisit l’une des personnes inscrites sur la liste de médecins indépendants constituée chaque année à cette fin d’un commun accord par l’autorité investie du pouvoir de nomination et le comité du personnel. Le fonctionnaire peut contester, dans un délai de deux jours ouvrables, le choix de l’institution, auquel cas celle-ci choisit une autre personne dans la liste ; ce nouveau choix est définitif.

L’avis du médecin indépendant donné après consultation du médecin du fonctionnaire et du médecin-conseil de l’institution est contraignant. Lorsque l’avis du médecin indépendant confirme les conclusions du contrôle organisé par l’institution, l’absence est traitée comme une absence injustifiée à compter du jour dudit contrôle. Lorsque l’avis du médecin indépendant ne confirme pas les conclusions dudit contrôle, l’absence est traitée à tous égards comme une absence justifiée.

2. […]

3. Sans préjudice de l’application des dispositions relatives aux procédures disciplinaires, le cas échéant, toute absence considérée comme injustifiée au titre des paragraphes 1 et 2 est imputée sur la durée du congé annuel de l’intéressé. En cas d’épuisement de ce congé, le fonctionnaire perd le bénéfice de sa rémunération pour la période correspondante.

4. L’autorité investie du pouvoir de nomination peut saisir la commission d’invalidité du cas du fonctionnaire dont les congés cumulés de maladie excèdent douze mois pendant une période de trois ans.

5. Le fonctionnaire peut être mis en congé d’office à la suite d’un examen pratiqué par le médecin-conseil de l’institution, si son état de santé l’exige ou si une maladie contagieuse s’est déclarée dans son foyer.

En cas de contestation, la procédure prévue au paragraphe 1, cinquième à septième alinéas, s’applique.

[…] »

3        Aux termes de l’article 3 de l’annexe V du statut :

« Dans le cas où durant son congé annuel un fonctionnaire est atteint d’une maladie qui l’aurait empêché d’assurer son service s’il ne s’était pas trouvé en congé, le congé annuel est prolongé du temps de l’incapacité dûment justifiée par attestation médicale. »

4        L’article 4, premier et deuxième alinéas, de l’annexe V du statut prévoit :

« Si un fonctionnaire, pour des raisons non imputables aux nécessités du service, n’a pas épuisé son congé annuel avant la fin de l’année civile en cours, le report de congé sur l’année suivante ne peut excéder douze jours.

Si un fonctionnaire n’a pas épuisé son congé annuel au moment de la cessation de ses fonctions, il lui sera versé, à titre de compensation, par jour de congé dont il n’a pas bénéficié, une somme égale au trentième de sa rémunération mensuelle au moment de la cessation de ses fonctions. »

 Faits à l’origine du litige

5        La requérante, antérieurement juge administratif en Suède, a, à l’âge de 47 ans, été nommée au sein de la Commission, avec effet au 16 juillet 2000, fonctionnaire stagiaire de grade A 5 avant d’être titularisée par décision du 24 octobre 2001 avec effet au 16 octobre 2001.

6        À compter du 1er janvier 2003, la requérante a été affectée à l’unité 01 « Relations avec les institutions, ABM et Gestion des Documents », devenue par la suite unité D 2 (ci-après l’« unité D 2 »), dépendant de la direction D « Ressources » de la direction générale (DG) « Personnel et administration » de la Commission.

7        Au cours de l’année 2004, la Commission a rejeté les demandes de congé annuel introduites par la requérante et portant sur les périodes du 10 mai au 30 juin, du 19 mai au 8 juin, du 5 juillet au 13 août et du 27 septembre au 5 novembre.

8        Par lettre du 29 avril 2004, parvenue à l’unité « Recours » de la DG « Personnel et administration » le 3 mai suivant, la requérante a adressé à la Commission une « [d]emande d’assistance au titre de l’article 24 du statut […], valant également demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut – harcèlement moral » (ci-après la « demande d’assistance »). Elle s’y plaignait de plusieurs faits qu’elle qualifiait de harcèlement moral et y sollicitait l’ouverture d’une enquête administrative par une « instance neutre » étrangère à la DG « Personnel et administration ».

9        Le 3 septembre 2004, le service médical a enregistré un certificat médical produit par la requérante et portant sur la période allant du 28 août au 25 septembre 2004.

10      Le 6 septembre 2004, le médecin-conseil, ayant effectué le contrôle médical auquel la requérante avait été soumise suite au dépôt du certificat médical portant sur la période du 28 août au 25 septembre 2004, a conclu que l’intéressée était « apte [à] 100 % au travail ce jour » mais a toutefois indiqué qu’« un changement de poste [était] souhaitable pour la santé de [la requérante] ».

11      Le 7 septembre 2004, la requérante, estimant que les conclusions du contrôle médical n’étaient pas médicalement justifiées, a saisi la Commission d’une demande d’arbitrage par un médecin indépendant en application de l’article 59, paragraphe 1, cinquième alinéa, du statut.

12      Le 8 septembre 2004, la requérante s’est fait délivrer par son médecin traitant un certificat médical portant sur la période du 8 au 25 septembre 2004. Ce certificat médical a été refusé par le contrôle médical. Toutefois, la requérante ne s’est pas présentée sur son lieu de travail entre le 8 et le 25 septembre 2004.

13      Entre le 27 septembre et le 1er octobre 2004, la requérante a été absente de son lieu de travail pour raisons médicales. Le 4 octobre suivant, elle a produit un certificat médical portant sur la période correspondante. Ce certificat n’a pas été contesté par l’administration.

14      Le 2 octobre 2004, la requérante a introduit une demande de congé annuel couvrant la période du 4 octobre au 12 novembre 2004. Cette demande a été autorisée par le supérieur hiérarchique de l’intéressée le 7 octobre 2004 mais seulement à compter de cette dernière date.

15      Le 5 octobre 2004, la requérante s’est fait délivrer par son médecin traitant un certificat médical portant sur la période du 4 au 15 octobre 2004.

16      En conclusion de son rapport d’examen médico-psychologique daté du 6 octobre 2004, le médecin indépendant choisi suite à la demande d’arbitrage formée par la requérante (ci-après le « premier médecin indépendant ») a constaté que « l’intéressée [était] apte à pouvoir retravailler mais dans une autre [direction générale] ».

17      Le 15 octobre 2004, la requérante s’est fait délivrer un certificat médical portant sur la période du 16 octobre au 16 novembre 2004. Les pièces du dossier ne permettent pas de connaître la date à laquelle ce certificat médical est parvenu à la Commission.

18      Par une note datée du 10 novembre 2004 et dont la requérante indique avoir pris connaissance le 12 novembre suivant, le chef de l’unité « Ressources humaines – Admin[istration], réformes internes » de la DG « Personnel et administration » a informé la requérante de la décision suivante (ci-après la « décision du 10 novembre 2004 ») :

« Madame,

Le [s]ervice médical nous a informé que, selon l’avis du médecin désigné dans la procédure d’arbitrage, aucun argument médical ne permettait d’appuyer une incapacité de travail pour raison médicale du 8 au 25 septembre 2004 et que vous avez été reconnue apte au travail durant cette période.

En conséquence, votre absence durant la période est donc administrativement considérée comme injustifiée, et fera l’objet d’une déduction ([treize] jours) de vos droits à congé annuel dans l’application [informatique destinée à faciliter la gestion administrative des congés] conformément à l’article 60 du [s]tatut.

D’autre part, vous avez été informée par e-mail par [le chef de l’unité D 2], votre supérieur hiérarchique, que votre demande de congé annuel du 4 [octobre] au 12 [novembre 2004] n’avait été autorisée qu’à partir du 7 [octobre 2004]. En conséquence, l’absence du 4 [octobre 2004] au 6 [octobre 2004] est également injustifiée. Elle se porte en déduction de votre droit à congé annuel, portant vos droits à congés à un solde global négatif de [trois] jours.

Je vous informe également que le certificat médical que vous aviez introduit pour la période du 4 au 15 octobre a été intégralement refusé par le service médical et n’ouvre, dans ces conditions, aucun droit de récupération de congé pour la période du 7 au 15 octobre.

En résumé, la situation vous concernant est aujourd’hui la suivante :

Solde des congés mi-août : 38 jours

Congés autorisés du 7 [octobre] au 12 [novembre 2004] : -       25 jours

                  ----------

Solde des congés avant décision du [s]ervice [m]édical : +       13 jours

Déduction de l’absence injustifiée

du 8 au 25 [septembre 2004] : -       13 jours

Déduction de l’absence injustifiée

du 4 au 6 [octobre 2004] : -       3 jours

Solde global à ce jour : -       3 jours

Or, l’article 60 du [s]tatut stipule que le fonctionnaire perd le bénéfice de sa rémunération en cas d’épuisement du droit à congé annuel. Ceci devrait donc normalement conduire, dans la situation présente, à la déduction de [trois] jours de votre rémunération.

Toutefois, l’arbitrage médical concernant la période du 8 au 25 septembre ayant été rendu postérieurement à la date d’autorisation de vos congés pour la période du 7 octobre au 12 novembre, je vous informe que, en accord avec le [d]irecteur [g]énéral, il est décidé de ne pas appliquer exceptionnellement la déduction de ce solde global négatif ([trois] jours) en terme de salaire.

Dès lors, vous êtes informée par la présente que votre solde de congés est désormais de [zéro] jour et que les dispositions de l’article 60 seront, par contre, de pleine application au retour de votre période actuelle de congés autorisés. »

19      Le 22 novembre 2004, un nouveau certificat médical déposé par la requérante et portant sur la période du 16 novembre 2004 au 4 janvier 2005 a été enregistré au service médical. Le même jour, le service médical a rejeté ce certificat médical au motif que le médecin ayant établi ledit certificat s’était borné à indiquer que la requérante était « inapte à travailler dans la fonction actuelle » et que, ce faisant, il ne concluait pas à l’inaptitude de la requérante « à travailler de manière générale ».

20      Par une note datée du 26 novembre 2004, la requérante a introduit une réclamation dirigée, en particulier, contre la décision implicite de rejet de sa demande d’assistance.

21      Par courrier daté du 16 décembre 2004, que la requérante indique avoir reçu le 20 décembre suivant, le directeur général de la DG « Personnel et administration » a informé l’intéressée que son absence depuis le 15 novembre 2004 était « irrégulière » et que, du fait de l’épuisement de son congé annuel, elle ferait l’objet, en application de l’article 59, paragraphe 3, du statut, d’une réduction correspondante de sa rémunération (ci-après la « décision du 16 décembre 2004 »).

22      À la suite de la décision du 16 décembre 2004, l’administration a opéré des retenues sur la rémunération de la requérante pour un montant de 6 773,18 euros en janvier 2005, de 1 310,98 euros en avril 2005 et de 218,27 euros en mai 2005, soit un total de 8 302,43 euros.

23      Par une décision du 21 décembre 2004, la requérante a été affectée, à compter du 1er janvier 2005, à l’unité C 5 « Sécurité et [h]ygiène du [t]ravail » (ci-après l’« unité C 5 »), dépendant de la DG « Personnel et administration ».

24      Le 3 janvier 2005, la requérante s’est fait établir un certificat médical portant sur la période du 3 au 31 janvier 2005.

25      Le 6 janvier 2005, la requérante a eu un entretien avec le chef de l’unité C 5, à la suite duquel elle a définitivement cessé de se présenter à son poste de travail.

26      Par un courrier du 10 janvier 2005, le service médical a informé la requérante qu’il ne pouvait accepter le certificat médical portant sur la période du 3 au 31 janvier 2005, « dans la mesure où ce document ne justifi[ait] pas que ‘[l’intéressée fût] empêchée d’exercer [ses] fonctions par suite de maladie ou d’accident’ ».

27      Le 12 janvier 2005, suite au refus du service médical d’accepter le certificat médical portant sur la période du 3 au 31 janvier 2005, la requérante a formé une demande d’arbitrage. Après avoir examiné la requérante le 28 janvier 2005, le médecin indépendant choisi à cette fin (ci-après le « deuxième médecin indépendant ») a, dans un rapport d’expertise daté du 15 février 2005, conclu que la requérante était « actuellement totalement inapte à tout travail au sein de la Commission […], que ce soit dans la DG [‘Personnel et administration’] ou même une autre [direction générale] » et que son état de santé « justifi[ait] une interruption prolongée de toute activité […] au sein de la Commission ». Dans son rapport, le deuxième médecin indépendant précisait que, « pendant les dix premières minutes de l’entretien », la requérante avait été accompagnée par un médecin, le docteur I., et ajoutait qu’il avait eu un « contact téléphonique » avec le médecin traitant de l’intéressée et qu’il s’était, le 31 janvier 2005, « entretenu de vive voix » avec le docteur A., du service médical. Dans un courrier du 2 mars 2005, le service médical a indiqué à la requérante qu’il ne pouvait accepter les conclusions du deuxième médecin indépendant, dans la mesure où l’expertise, du fait de l’absence du médecin représentant la Commission lors de l’examen de l’intéressée, n’avait « pu se dérouler de manière indépendante ».

28      Le 1er février 2005, la requérante s’est fait établir un certificat médical portant sur la période du 1er au 28 février 2005.

29      Par un courrier du 8 février 2005, le service médical a informé la requérante qu’il ne pouvait non plus accepter le certificat médical portant sur la période du 1er au 28 février 2005, « dans la mesure où ce document ne justifi[ait] pas que ‘[la requérante fût] empêchée d’exercer [ses] fonctions par suite de maladie ou d’accident’ ».

30      Par une note datée du 10 février 2005, la requérante a introduit une réclamation contre la décision du 10 novembre 2004. Dans cette note, l’intéressée demandait également à l’administration que « [ses] 38 jours de congé soient reportés à l’année 2005 ».

31      Également le 10 février 2005, la requérante, suite au refus du service médical d’accepter le certificat médical portant sur la période du 1er au 28 février 2005, a formé une demande d’arbitrage et a souhaité que soit à nouveau désigné le deuxième médecin indépendant.

32      La Commission a désigné le docteur C. pour exercer les fonctions de médecin arbitre (ci-après le « troisième médecin indépendant »).

33      Le 28 février 2005, le service médical a envoyé à la requérante le télégramme suivant :

« Je vous confirme qu’un examen médical à titre d’arbitrage, en accord avec votre médecin [traitant], a été fixé pour vous auprès du [troisième médecin indépendant], le jeudi 3 [mars] 2005 […] »

34      En réponse à cette convocation, la requérante a, ce même 28 février 2005, demandé, en substance, au service médical que lui soit communiquée toute information relative à la « base légale » de l’examen médical devant avoir lieu le 3 mars 2005.

35      Également ce même 28 février 2005, le médecin traitant de la requérante a établi en faveur de celle-ci une attestation dans laquelle il indiquait « n’avoir en aucune manière donn[é son] accord concernant l’examen [médical du 3 mars 2005] ».

36      Par télégramme du 2 mars 2005, confirmé par un courrier du même jour, le service médical a indiqué à la requérante que l’examen médical aurait lieu le 7 mars 2005, et non plus le 3 mars 2005.

37      Le 3 mars 2005, la requérante a envoyé au service médical un courrier contenant le passage suivant :

« Les deux certificats [celui portant sur la période du 3 au 31 janvier 2005 et celui portant sur la période du 1er au 28 février 2005], ainsi que les deux décisions du [s]ervice [m]édical [rejetant lesdits certificats], sont identiques, sauf en ce qui concerne les dates. Il n’y a pas d’interruption entre les deux périodes. À mon avis, il s’agit donc d’une seule absence, du 3 [janvier] 2005 au 28 [février] 2005. Comme la question de cette absence fait déjà l’objet d’un arbitrage par le [deuxième médecin indépendant], je conteste votre décision de désigner [le troisième médecin indépendant] pour la même question. »

38      La requérante ne s’est pas présentée à l’examen médical du 7 mars 2005 chez le troisième médecin indépendant.

39      Le 8 mars 2005, le chef du service médical a écrit à la requérante le courrier suivant :

« Par lettre du 10 [février] 2005, vous avez contesté le fait que le [s]ervice [m]édical refusait votre certificat médical pour l’ensemble du mois de février.

Nous avons dès lors organisé un arbitrage auquel votre médecin, contacté par le [médecin-conseil du service médical], représentant l’[i]nstitution, s’il en a contesté l’opportunité (mais le pouvait-il, n’étant pas au fait des subtilités de notre [s]tatut) ne s’est pas opposé à la proposition visant à désigner le [docteur C.] comme médecin arbitre.

Vous avez été invitée à vous présenter chez ce dernier le 3 [mars] 2005 puis le 7 [mars] 2005. Vous n’avez pas cru bon de vous soumettre à cette expertise. Dès lors, les premières conclusions concernant le refus du certificat médical portant sur le mois de février sont maintenues.

[…] »

40      Par courrier du 14 mars 2005 adressé au service médical, le conseil de la requérante a demandé à celui-ci de lui « faire parvenir tout élément indiquant que le médecin traitant de [l’intéressée] a[vait] marqué son accord quant à la désignation du [docteur C.] en tant que médecin arbitre indépendant ».

41      Par des décisions du 14 mars et du 2 mai 2005, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a estimé que les absences de la requérante entre le 3 janvier et le 31 mars 2005 étaient « irrégulières » et que, pour ce motif, la situation administrative de l’intéressée ferait l’objet d’une correction visant à l’imputation des absences sur ses congés annuels ainsi que d’une retenue sur sa rémunération (ci-après, respectivement, la « décision du 14 mars 2005 » et la « décision du 2 mai 2005 »).

42      Par une note datée du 21 mars 2005 et parvenue le jour même à l’unité « Recours », la requérante a introduit une réclamation à l’encontre de la décision du 16 décembre 2004.

43      Le 23 mars 2005, le docteur A., médecin-conseil au service médical, a écrit au médecin traitant de la requérante le courrier suivant :

« En date du 25 [février] 2005, je vous ai donné un coup de téléphone pour vous demander, dans le cadre de l’arbitrage concernant le mois de février 2005, quel était votre choix pour l’expert désigné, entre le [docteur C.] et le [docteur H.], vous m’avez répondu que pour vous, cela était égal. Je vous ai dit que j’allais vous recontacter le 28 [février].

Le [28 février], vous m’avez dit que vous étiez contre le principe d’une nouvelle expertise et que vous ne compreniez pas l’administration. Je vous ai répondu que j’étais ten[u] de faire cet arbitrage, car [la requérante] elle-même le demandait […] Vous n’avez pas émis d’opposition au choix du [docteur C.]

Le 18 [mars] 2005, je vous ai reprécisé mes dires et vous n’avez pas émis d’objection à ceux-ci.

Pour la bonne règle du dossier, pourriez-vous me confirmer ces faits en apposant votre signature [ainsi que] votre cachet sur cette lettre, et me la retourner par [télécopie] […] »

44      Il ne ressort d’aucune pièce du dossier que le médecin traitant de la requérante aurait répondu à ce courrier.

45      Par une note du 9 juin 2005, parvenue le 13 juin suivant à l’unité « Recours », la requérante a introduit une réclamation à l’encontre des décisions du 14 mars et du 2 mai 2005 (ci-après la « réclamation du 9 juin 2005 »).

46      Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance le 4 juillet 2005, la requérante a demandé, notamment, l’annulation de la décision par laquelle la Commission a implicitement rejeté sa demande d’assistance. Ce recours, initialement enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous la référence T‑252/05, a été renvoyé devant le Tribunal et enregistré au greffe de ce dernier sous la référence F‑52/05.

47      Par une note datée du 20 juillet 2005 et notifiée à la requérante le 27 juillet suivant, l’AIPN, après avoir rappelé que les absences de celle-ci au cours des périodes du 8 au 25 septembre 2004, du 4 au 6 octobre 2004, du 7 octobre au 12 novembre 2004 et à compter du 15 novembre 2004 « étaient justifiées puisqu’elles étaient couvertes par des certificats médicaux régulièrement produits », en a conclu en substance que les réclamations dirigées contre les décisions du 10 novembre et du 16 décembre 2004 étaient fondées et que l’intéressée disposait donc, au 31 décembre 2004, d’un solde de congé annuel de 38 jours. En revanche, dans la même note, l’AIPN a considéré que « la demande de reporter 38 jours de congés à l’année 2005 n’[était] pas fondée en ce qu’elle [excédait] le plafond de 12 jours » et que cette demande devait être rejetée « pour les 26 jours restants ».

48      Par décision de la Commission du 23 août 2005, la requérante a été mise à la retraite pour invalidité à compter du 31 août 2005 et admise au bénéfice d’une allocation d’invalidité fixée « conformément aux dispositions de l’article 78, [troisième] alinéa […], du statut ».

49      Le 2 septembre 2005, l’unité « Ressources humaines – Admin[istration], réformes internes » de la DG « Personnel et administration », aux fins de « [m]ise en œuvre de la décision de l’AIPN du 20 [juillet] 2005 », a donné instruction à l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » de verser à la requérante la somme de 6 773,18 euros « correspondant aux rétentions sur salaire ».

50      Le 22 septembre 2005, le directeur général de la DG « Personnel et administration » a décidé de « donner une suite favorable » à la réclamation du 9 juin 2005 et de « retir[er] les décisions des 14 mars et 2 mai 2005 ». Il a par ailleurs précisé qu’il avait « donné instruction aux services compétents de […] restituer [à la requérante] [ses] jours de congé au titre de l’année 2005 ainsi que les sommes qui auraient été retenues, le cas échéant, à ce titre sur [son] salaire ».

51      Il a été remboursé à la requérante la somme de 6 560,79 euros en septembre 2005 puis celle de 1 741,64 euros en novembre 2005, soit un total de 8 302,43 euros, correspondant au montant des retenues sur salaire dont l’intéressée avait fait l’objet.

 Procédure et conclusions des parties

52      Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous la référence T‑400/05.

53      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance a, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous la référence F‑106/05.

54      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« ­–      déclarer la présente requête recevable ;

–        pour autant que [de] besoin, […] prononcer l’annulation de la décision du 20 juillet 2005 par laquelle la Commission a rejeté les réclamations de la requérante introduites le 10 février 2005 et le 21 mars 2005 contre la décision de la Commission relative à la perte de ses jours de congé pour 2004 ainsi que contre la décision de la Commission de considérer comme irrégulières les absences de la requérante depuis le 15 novembre 2004 ;

–        établir la responsabilité de la Communauté européenne engagée du fait de la décision attaquée ;

–        octroyer à la requérante des dommages-intérêts du fait des préjudices subis, pour un montant s’élevant à 58 395,39 euros [soit 8 395,39 euros au titre du préjudice matériel et 50 000 euros au titre du préjudice moral] ;

–        condamner la [Commission] en tou[s] dépens. »

55      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

56      Dans son mémoire en réplique, la requérante a indiqué que, suite au versement qui lui avait été fait, postérieurement à l’introduction du recours, de la somme de 1 741,64 euros, son préjudice matériel ne s’élèverait plus qu’à la somme de 6 653,75 euros et non, comme cela figurait dans la requête, à celle de 8 395,39 euros.

57      Suite à l’accord des deux parties à une tentative de règlement amiable, le juge rapporteur a invité celles-ci à une réunion informelle qui s’est tenue au Tribunal le 9 octobre 2006. Le 17 octobre suivant, le juge rapporteur a communiqué aux parties une proposition de règlement amiable. Par lettre du 24 octobre 2006, cette proposition a été rejetée par la Commission.

58      En vertu de l’article 64, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en application de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, le Tribunal a, par lettre du 19 mars 2007, posé des questions à la Commission. Celle-ci a déféré à la demande du Tribunal.

 En droit

I –  Observations liminaires sur l’objet du litige

59      Il importe de relever que, dans son deuxième chef de conclusion, la requérante a demandé au Tribunal, « pour autant que [de] besoin, [de] prononcer l’annulation de la décision du 20 juillet 2005 par laquelle la Commission a[vait] rejeté [ses] réclamations […] introduites le 10 février 2005 et le 21 mars 2005 contre la décision de la Commission relative à la perte de ses jours de congé pour 2004 ainsi que contre la décision de la Commission de considérer comme irrégulières [ses] absences […] depuis le 15 novembre 2004 ».

60      Il ressort de la teneur de la requête qu’en évoquant, dans ce deuxième chef de conclusion, la « décision de la Commission relative à la perte de ses jours de congé pour 2004 » ainsi que la « décision de la Commission de considérer comme irrégulières [ses] absences […] depuis le 15 novembre 2004 », la requérante a entendu viser, d’une part, la décision du 10 novembre 2004, d’autre part, la décision du 16 décembre 2004.

61      Ainsi, compte tenu de la jurisprudence selon laquelle une demande tendant à l’annulation d’une décision de rejet d’une réclamation a pour effet de saisir le juge communautaire de l’acte faisant grief contre lequel ladite réclamation a été présentée (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, RecFP p. I‑A‑95 et II‑427, point 19, et du 9 juin 2005, Castets/Commission, T‑80/04, RecFP p. I‑A‑161 et II‑729, point 15), le deuxième chef de conclusion doit être regardé comme tendant à l’annulation de la décision du 10 novembre 2004 et de la décision du 16 décembre 2004.

62      Par ailleurs, il importe d’ajouter que la requérante a également, dans la requête, demandé que lui soit accordé « le report sur l’année 2005 de ses [38] jours de congé pour l’année 2004 ».

63      À cet égard, il convient de souligner que, dans la note du 10 février 2005, la requérante a non seulement introduit une réclamation à l’encontre de la décision du 10 novembre 2004, mais a également formé, en application de l’article 90, paragraphe 1, du statut, une demande tendant à ce que ses congés annuels non pris au cours de l’année 2004 soient reportés sur l’année 2005 au-delà de la limite des douze jours. À l’expiration d’un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de cette dernière demande, le défaut de réponse a fait naître une décision implicite de rejet (ci-après la « décision refusant le report de plus de douze jours de congé annuel »), laquelle a été expressément confirmée par la décision du 20 juillet 2005. Ainsi, en sollicitant le « report sur l’année 2005 de ses [38] jours de congé pour l’année 2004 », la requérante doit être regardée comme demandant l’annulation de la décision refusant le report de plus de douze jours de congé annuel.

64      Il résulte de ce qui précède que le recours tend en substance :

–        à l’annulation de la décision du 10 novembre 2004, de la décision du 16 décembre 2004 ainsi que de la décision refusant le report de plus de douze jours de congé annuel ;

–        à la condamnation de la Commission à payer à l’intéressée des dommages-intérêts.

II –  Sur les conclusions tendant à l’annulation des décisions du 10 novembre 2004 et du 16 décembre 2004

65      La Commission conclut, à titre principal, à l’irrecevabilité des conclusions susmentionnées, à titre subsidiaire, à leur rejet au fond.

66      Il convient d’examiner la recevabilité desdites conclusions.

A –  Arguments des parties

67      La Commission soutient en substance que les conclusions tendant à l’annulation des décisions des 10 novembre et 16 décembre 2004 seraient irrecevables, dès lors que celles-ci auraient été retirées par la décision du 20 juillet 2005, intervenue antérieurement à l’introduction du présent recours.

68      Dans son mémoire en réplique, la requérante conclut à la recevabilité des conclusions susmentionnées. Elle souligne, premièrement, que les décisions des 10 novembre et 16 décembre 2004 n’auraient jamais été formellement retirées, deuxièmement, que, à la date d’introduction du présent recours, les retenues opérées sur sa rémunération à la suite de la décision du 16 décembre 2004 ne lui auraient pas été reversées dans leur totalité, troisièmement, que son absence pour maladie entre le 4 et le 6 octobre 2004, bien que n’ayant entraîné ni imputation sur la durée de son congé annuel ni réduction de sa rémunération, pourrait toujours donner lieu à une procédure disciplinaire.

B –  Appréciation du Tribunal

1.     Sur la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de la décision du 10 novembre 2004

69      Il convient, à titre liminaire, de rappeler la teneur de la décision du 10 novembre 2004 avant d’examiner la recevabilité des conclusions dirigées contre celle-ci.

70      Dans la décision du 10 novembre 2004, le chef de l’unité « Ressources humaines – Admin[istration], réformes internes », après avoir souligné que le solde des congés annuels de la requérante s’élevait à la « mi-août [2004] » à 38 jours, a d’abord constaté que la requérante avait été en congé annuel entre le 7 octobre et le 12 novembre 2004 et que le nombre de jours correspondant, soit 25 jours, serait imputé sur la durée du congé annuel, le solde de celui-ci s’établissant alors à 13 jours. Il a ensuite estimé que l’absence de la requérante entre le 8 et le 25 septembre 2004 n’était pas médicalement justifiée et en a imputé le nombre de jours, soit 13 jours, sur le solde du congé annuel, lequel s’est ainsi trouvé réduit à zéro. Enfin, il a considéré que l’absence pour maladie de la requérante du 4 au 6 octobre 2004, d’une durée de trois jours, n’était pas non plus médicalement justifiée mais a décidé, « exceptionnellement », de ne pas appliquer la réduction correspondante de sa rémunération.

71      À l’encontre de cette décision du 10 novembre 2004, la requérante a formé une réclamation par une note du 10 février 2005. Le défaut de réponse à cette réclamation a fait naître, quatre mois après son introduction, une décision implicite de rejet.

72      Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision du 10 novembre 2004 a été retirée par la décision du 20 juillet 2005.

73      En effet, dans la décision du 20 juillet 2005, qui a été notifiée à l’intéressée le 27 juillet suivant, la Commission a, en substance, estimé que les absences de la requérante lors des périodes du 8 au 25 septembre 2004, du 4 au 6 octobre 2004 et du 7 octobre au 12 novembre 2004, devaient toutes être considérées comme des absences médicalement justifiées et qu’aucune d’entre elles ne devait être imputée sur la durée du congé annuel. La Commission en a alors déduit que le solde des congés annuels non pris au 31 décembre 2004 s’établissait à 38 jours.

74      La décision du 10 novembre 2004 ayant, à la suite du retrait dont elle a fait l’objet, disparu rétroactivement de l’ordonnancement juridique, il s’ensuit que les conclusions tendant à l’annulation de cette décision étaient, à la date d’introduction du présent recours, dépourvues d’objet. Elles doivent, par voie de conséquence, être rejetées comme irrecevables.

75      Les considérations qui précèdent ne sauraient être infirmées par l’allégation de la requérante selon laquelle son absence lors de la période du 4 au 6 octobre 2004 pourrait encore donner lieu à une procédure disciplinaire à son encontre, dès lors, ainsi qu’il a été dit, que l’AIPN a, par la décision du 20 juillet 2005, estimé que l’absence en question était médicalement justifiée.

2.     Sur la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de la décision du 16 décembre 2004

76      Il convient également de rappeler la teneur de la décision du 16 décembre 2004 avant d’examiner la recevabilité des conclusions dirigées contre celle-ci.

77      Dans la décision du 16 décembre 2004, le directeur général de la DG « Personnel et administration » a estimé que l’absence de la requérante à partir du 15 novembre 2004 était injustifiée et que, du fait de l’épuisement de son congé annuel, elle ferait l’objet, en application de l’article 59, paragraphe 3, du statut, d’une réduction correspondante de sa rémunération.

78      À l’encontre de la décision du 16 décembre 2004, la requérante a formé une réclamation par une note du 21 mars 2005, parvenue le même jour à l’institution, et le défaut de réponse à cette réclamation a fait naître, quatre mois après son introduction, soit le 21 juillet 2005, une décision implicite de rejet.

79      Toutefois, ainsi qu’il a été dit, le 27 juillet 2005, la requérante s’est vue notifier la décision du 20 juillet 2005, par laquelle la Commission a estimé en substance que son absence du 15 novembre 2004 au 4 janvier 2005 était médicalement justifiée et que, partant, les retenues opérées sur sa rémunération devaient lui être remboursées. Il convient donc de considérer que la décision du 20 juillet 2005 a nécessairement rapporté la décision du 16 décembre 2004 et qu’un tel retrait a emporté disparition rétroactive de cette dernière décision de l’ordonnancement juridique.

80      Quant au fait que, à la date d’introduction de la requête, les retenues opérées sur la rémunération de la requérante ne lui avaient pas été reversées dans leur totalité, une telle circonstance, qui concerne les conditions d’exécution de la décision du 20 juillet 2005, en tant qu’elle a rapporté la décision du 16 décembre 2004, ne saurait avoir une incidence sur la réalité du retrait, par l’administration, de cette dernière décision.

81      Il en résulte que les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 16 décembre 2004 étaient, à la date d’introduction du recours, dépourvues d’objet. Elles doivent, par voie de conséquence, également être rejetées comme irrecevables.

C –  Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision refusant le report de plus de douze jours de congé annuel

82      La Commission conclut à l’irrecevabilité des conclusions susmentionnées.

83      À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 91, paragraphe 2, du statut, un recours devant le juge communautaire n’est recevable que dans la mesure où l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre l’acte faisant grief.

84      Ainsi, selon la jurisprudence, sauf dans l’hypothèse où le recours est dirigé contre un acte qui n’émane pas de l’AIPN elle-même, tel qu’une décision d’un jury de concours (arrêt du Tribunal de première instance du 20 juin 1990, Burban/Parlement, T‑133/89, Rec. p. II‑245, point 17) ou un rapport de notation (arrêt du Tribunal de première instance du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T‑1/91, Rec. p. II‑2145, point 23), le défaut d’introduction préalable d’une réclamation dans le délai imparti entraîne l’irrecevabilité du recours (ordonnance de la Cour du 10 juin 1987, Pomar/Commission, 317/85, Rec. p. 2467, points 11 et 13).

85      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision refusant le report de plus de douze jours de congé annuel, intervenue implicitement à l’expiration d’un délai de quatre mois après l’introduction de la note du 10 février 2005 et confirmée explicitement par la décision du 20 juillet 2005, n’a fait l’objet d’aucune réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Dès lors, il y a lieu de considérer que le recours, en tant qu’il vise à l’annulation de cette décision, est irrecevable, faute d’avoir été précédé d’une réclamation dont aurait été saisie l’AIPN.

III –  Sur les demandes indemnitaires

A –  Arguments des parties

86      La requérante sollicite en substance la réparation de trois chefs de préjudice distincts.

87      En premier lieu, la requérante indique qu’elle aurait subi un préjudice matériel et moral résultant de l’illégalité des décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005, ces décisions ayant, selon elle, méconnu les dispositions de l’article 59 du statut. Si, dans son mémoire en réplique, la requérante admet que les retenues sur salaire dont elle a fait l’objet à la suite de la décision du 16 décembre 2004 lui ont été restituées dans leur totalité, elle précise néanmoins que ces versements n’auraient pas réparé le préjudice moral causé par les décisions susmentionnées, ce préjudice étant constitué par l’incertitude sur les conséquences éventuelles en matière disciplinaire de ses absences considérées comme irrégulières et par la détérioration de son état de santé qui en aurait résulté.

88      En deuxième lieu, la requérante demande la réparation du préjudice prétendument causé par la décision refusant le report de plus de douze jours de congé annuel. Elle fait valoir à cet égard qu’un report en 2005 de ses jours de congé annuel non pris pour 2004, au-delà des douze jours accordés par la décision du 20 juillet 2005, à savoir pour les 26 jours restant, aurait donné droit au versement à son profit d’une indemnité compensatoire lors de la cessation de ses fonctions pour un montant initialement évalué dans la requête à 6 653,75 euros puis postérieurement estimé, lors de l’audience, à 7 128,83 euros.

89      En troisième lieu, la requérante demande au Tribunal la réparation du préjudice résultant de l’illégalité des décisions ayant rejeté les demandes de congé annuel introduites en 2004.

90      En défense, la Commission conclut à l’irrecevabilité de l’ensemble des conclusions indemnitaires. S’agissant en particulier des demandes tendant à la réparation des préjudices dont seraient à l’origine les décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005, la Commission fait valoir que la requérante ne justifierait plus d’un intérêt à agir, la totalité des sommes retenues sur la rémunération de l’intéressée lui ayant été restituée.

91      À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que la requérante resterait en défaut d’apporter un élément concret de nature à prouver l’existence et a fortiori l’étendue d’un véritable préjudice.

B –  Appréciation du Tribunal

1.     Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de la prétendue illégalité des décisions du 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005

a)     Sur la recevabilité

92      Si la Commission conteste la recevabilité des conclusions susmentionnées en se fondant sur l’absence d’intérêt à agir de la requérante, il importe, au préalable, d’examiner la recevabilité desdites conclusions au regard du respect des délais de réclamation et de recours.

 Sur le respect des délais de réclamation et de recours

93      Il y a lieu à titre liminaire de rappeler que, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires. Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir, dans les délais impartis, l’administration d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut visant à obtenir le dédommagement et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (arrêt du Tribunal de première instance du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T‑500/93, RecFP p. I‑A‑335 et II‑977, point 64). Enfin, lorsqu’il existe un lien direct entre un recours en annulation et une action en indemnité, cette dernière est recevable en tant qu’accessoire du recours en annulation, sans qu’elle doive nécessairement être précédée d’une demande invitant l’AIPN à réparer le préjudice prétendument subi et d’une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande.

94      Dans la situation particulière où un requérant entend solliciter l’indemnisation du préjudice que lui aurait causé un acte faisant grief qui aurait été retiré par l’administration, le Tribunal estime que la procédure ne saurait débuter par l’introduction d’une réclamation. En effet, il résulte de l’article 90, paragraphe 2, du statut, aux termes duquel « [t]oute personne […] peut saisir l’[AIPN] d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief », qu’une réclamation ne saurait être introduite contre un acte faisant grief qui a été retiré et qui, de ce fait, est censé ne jamais avoir existé. Il appartient donc à l’intéressé de saisir l’administration d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, puis, en cas de rejet de cette demande, d’une réclamation dirigée contre un tel rejet.

95      En revanche, dans l’hypothèse où le retrait de l’acte faisant grief intervient après l’introduction, dans les délais, d’une réclamation, il serait contraire à l’économie de la procédure d’exiger du requérant qu’il engage une nouvelle procédure précontentieuse et saisisse l’administration d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut. Il lui appartient seulement, après que l’administration a statué explicitement ou implicitement sur sa réclamation, d’introduire, dans les délais, un recours tendant à l’indemnisation du prétendu préjudice causé par l’acte retiré.

96      En l’espèce, les prétendus préjudices dont la requérante demande réparation résultent d’actes faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, en l’occurrence les décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005. Or, suite à l’introduction de réclamations, les décisions des 10 novembre 2004 et 16 décembre 2004 ont été retirées par la décision du 20 juillet 2005, tandis que les décisions des 14 mars 2005 et 2 mai 2005 l’ont été par la décision du 22 septembre 2005.

97      Il importe donc de vérifier si les réclamations et les conclusions indemnitaires subséquentes ont été introduites dans les délais.

98      À cet égard, il convient de préciser, en ce qui concerne la date d’expiration du délai de réclamation de trois mois visé à l’article 90, paragraphe 2, du statut, que, selon une jurisprudence établie, un tel délai expire à la fin du jour qui, dans le troisième mois, porte le même chiffre que le jour de l’événement ou de l’acte qui a fait courir le délai (voir arrêts de la Cour du 2 mai 1985, K/Parlement, 38/84, Rec. p. 1267, point 20, et du 15 janvier 1987, Misset/Conseil, 152/85, Rec. p. 223, points 8 et 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 26 septembre 1996, Maurissen/Cour des comptes, T‑192/94, RecFP p. I‑A‑425 et II‑1229, point 28, et du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T‑197/00, RecFP p. I‑A‑69 et II‑325, point 50).

99      Par ailleurs, en l’absence de règles spécifiques concernant les délais visés à l’article 90 du statut, il convient de se référer au règlement (CEE, Euratom) n° 1182/71 du Conseil, du 3 juin 1971, portant détermination des règles applicables aux délais, aux dates et aux termes, lequel règlement s’applique, comme le précise son article 1er , à tous les actes de la Commission, « [s]auf dispositions contraires » (ordonnance du Tribunal de première instance du 13 mars 1998, Lonuzzo-Murgante/Parlement, T‑247/97, RecFP p. I‑A‑119 et II‑317, point 38 ; arrêt Onidi/Commission, précité, point 47). Or, l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1182/71 prévoit que « [s]i le dernier jour d’un délai exprimé autrement qu’en heures est un jour férié, un dimanche ou un samedi, le délai prend fin à l’expiration de la dernière heure du jour ouvrable suivant ».

100    Enfin, s’agissant des délais de recours, l’article 91, paragraphe 3, du statut, prévoit que le recours doit être introduit dans un délai de trois mois et que ce délai court du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation ou à compter de la date d’expiration du délai de réponse lorsque le recours porte sur une décision implicite de rejet d’une réclamation. Toutefois, également selon l’article 91, paragraphe 3, du statut, lorsqu’une décision explicite de rejet d’une réclamation intervient après la décision implicite de rejet mais dans le délai de recours, elle fait à nouveau courir le délai de recours. En outre, selon l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, « [l]es délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours ».

–       Sur les conclusions tendant à l’indemnisation du prétendu préjudice résultant de la décision du 10 novembre 2004

101    En l’espèce, la requérante a elle-même indiqué avoir pris connaissance, le 12 novembre 2004, de la décision du 10 novembre 2004. Le délai de réclamation expirait donc, en principe, le 12 février 2005. Toutefois, ce jour étant un samedi et le 13 février 2005 un dimanche, le délai de trois mois prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut, a pris fin, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1182/71, « à l’expiration de la dernière heure du jour ouvrable suivant », soit le 14 février. Or, outre le fait qu’il n’existe aucune pièce du dossier qui permettrait avec certitude de connaître la date à laquelle la réclamation datée du 10 février est parvenue à l’institution, la Commission n’allègue pas que celle-ci aurait été introduite tardivement. Il convient donc de considérer que la réclamation a été formée dans le respect des délais prévus à l’article 90, paragraphe 2, du statut, soit au plus tard le 14 février 2005.

102    Quant au respect des délais de recours, il y a lieu de constater que le défaut de réponse à la réclamation a fait naître, au plus tard le 14 juin 2005, une décision implicite de rejet, de telle sorte que la requérante disposait d’un délai expirant au plus tard le lundi 26 septembre 2005 pour introduire un recours. Toutefois, par une décision du 20 juillet 2005 notifiée à la requérante le 27 juillet suivant, la Commission s’est explicitement prononcée sur la réclamation datée du 10 février 2005, ce qui a eu pour effet, par application de l’article 91, paragraphe 3, du statut, de rouvrir le délai de recours jusqu’au 7 novembre 2005. Dans ces conditions, le présent recours, qui est parvenu au greffe du Tribunal de première instance le 2 novembre 2005, est recevable en tant qu’il sollicite l’indemnisation du préjudice résultant de la prétendue illégalité de la décision du 10 novembre 2004.

–       Sur les conclusions tendant à la réparation du prétendu préjudice résultant de la décision du 16 décembre 2004

103    La décision du 16 décembre 2004 ayant été portée à la connaissance de la requérante le 20 décembre suivant, le délai de réclamation expirait, en principe, le 20 mars 2005. Toutefois, ce jour étant un dimanche, le délai a pris fin, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1182/71, « à l’expiration de la dernière heure du jour ouvrable suivant », soit le 21 mars. Or, la réclamation introduite contre cette dernière décision est parvenue à la Commission le 21 mars 2005, soit dans les délais. Par ailleurs, alors que la décision ayant explicitement statué sur la réclamation, datée du 20 juillet 2005, a été notifiée à l’intéressée le 27 juillet suivant, le recours comprenant les conclusions indemnitaires susmentionnées a été déposé, ainsi qu’il a été dit, le 2 novembre 2005, soit dans le délai de trois mois et dix jours.

–       Sur les conclusions tendant à la réparation du prétendu préjudice résultant des décisions des 14 mars et 2 mai 2005

104    Il ressort des pièces du dossier que la requérante a, par une note datée du 9 juin 2005 et enregistrée le 13 juin suivant à l’unité « Recours », introduit, dans le délai de trois mois, une réclamation à l’encontre de chacune des décisions des 14 mars et 2 mai 2005. Par ailleurs, après que l’AIPN, par une note du 22 septembre 2005, a statué sur ces réclamations, le recours comprenant les conclusions contre ces décisions a été déposé au greffe du Tribunal de première instance le 2 novembre 2005, soit à nouveau dans le délai de trois mois et dix jours.

105    Il résulte de ce qui précède que la requérante a satisfait aux conditions prévues à l’article 90, paragraphe 2, et à l’article 91, paragraphe 3, du statut, relatifs aux délais de réclamation et de recours.

 Sur l’intérêt à agir

106    Il importe de souligner que la requérante a demandé la réparation non seulement du préjudice matériel mais aussi du préjudice moral que lui auraient causés les décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005. Dans ces conditions, la circonstance que les retenues opérées, suite à la décision du 16 décembre 2004, sur la rémunération de la requérante lui auraient été entièrement restituées, ne saurait priver l’intéressée d’un intérêt à solliciter la réparation des autres dommages causés, le cas échéant, par les décisions susmentionnées. La fin de non-recevoir soulevée par la Commission tirée du défaut d’intérêt à agir doit donc être écartée.

107    Il s’ensuit que les conclusions tendant à la réparation des préjudices causés par les décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005, sont recevables.

b)     Sur le fond

108    Il résulte d’une jurisprudence constante dans le domaine de la fonction publique que l’engagement de la responsabilité de la Communauté est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30 ; arrêts du Tribunal de première instance du 16 septembre 1998, Rasmussen/Commission, T‑234/97, RecFP p. I‑A‑507 et II‑1533, point 71, et du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, RecFP p. I‑A‑203 et II‑903, point 51).

109    Il convient donc d’examiner s’il peut être reproché à la Commission d’avoir adopté des décisions entachées d’illégalités et, dans l’affirmative, si la requérante établit avoir subi un préjudice en rapport avec ces décisions.

 Sur l’existence de décisions illégales

110    La requérante fait valoir que les décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005 auraient été adoptées en violation des dispositions de l’article 59 du statut. Elle souligne que celles-ci seraient entachées d’illégalité, dans la mesure où l’AIPN ne saurait nier la validité de certificats médicaux régulièrement établis sans qu’aucun contrôle médical n’ait été organisé par l’administration. Par ailleurs, la requérante fait grief à la Commission d’avoir, en estimant médicalement injustifiée son absence entre le 8 et le 25 septembre 2004, méconnu l’avis du premier médecin indépendant du 6 octobre 2004.

111    En défense, la Commission conclut au rejet des arguments avancés par la requérante. Elle conteste en particulier avoir méconnu l’avis du premier médecin indépendant, celui-ci ayant, au contraire, indiqué qu’il n’y avait « aucun argument médical permettant d’appuyer une incapacité de travail pour raison médicale ».

112    À cet égard, il ressort des dispositions de l’article 59, paragraphe 1, du statut que l’administration ne peut, lorsqu’un fonctionnaire en absence pour maladie a produit un certificat médical, traiter cette absence comme injustifiée qu’à la condition, ou bien, que le contrôle médical auquel elle a soumis le fonctionnaire ait révélé que celui-ci était en mesure d’exercer ses fonctions, ou bien, en cas de contestation par l’intéressé du bien-fondé des conclusions du contrôle médical, que le médecin indépendant désigné dans le cadre de la procédure d’arbitrage ait confirmé lesdites conclusions. Ce n’est que lorsque cette condition est satisfaite que l’administration peut, en application de l’article 59, paragraphe 3, du statut, imputer l’absence injustifiée sur la durée du congé annuel du fonctionnaire et, en cas d’épuisement de ce congé, réduire sa rémunération pour la période correspondante.

113    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si les décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005 ont été prises en violation des dispositions de l’article 59 du statut.

–       Sur la légalité de la décision du 10 novembre 2004

114    Il convient de rappeler que, par la décision du 10 novembre 2004, la Commission a estimé, premièrement, que l’absence de la requérante lors de la période du 8 au 25 septembre 2004 était médicalement injustifiée et qu’elle devait être imputée sur la durée des congés annuels de l’intéressée, deuxièmement, que l’absence lors de la période du 4 au 6 octobre 2004 était également injustifiée, troisièmement, que la requérante avait été, lors de la période du 7 octobre au 12 novembre 2004, en congé annuel.

115    S’agissant, en premier lieu, de l’absence de la requérante lors de la période du 8 au 25 septembre 2004, il importe de relever que, suite à la contestation par l’intéressée du contrôle médical auquel elle avait été soumise après le dépôt d’un certificat médical portant sur la période du 28 août au 25 septembre 2004, le premier médecin indépendant a procédé à son examen médico-psychologique et, en conclusion de son rapport, daté du 6 octobre 2004, a constaté que « l’intéressée [était] apte à pouvoir retravailler mais dans une autre [direction générale] ». Or, alors qu’une telle mention aurait dû être interprétée comme signifiant que la requérante était, entre le 28 août et le 25 septembre 2004, au sein de la DG « Personnel et administration » dans laquelle elle était affectée, empêchée d’exercer ses fonctions par suite de maladie au sens de l’article 59, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, la Commission a, par la décision du 10 novembre 2004, conclu à l’aptitude de l’intéressée à travailler et a décidé que son absence lors de la période du 8 au 25 septembre 2004 serait, en application de l’article 59, paragraphe 3, du statut, imputée sur la durée de son congé annuel. La requérante est donc fondée à soutenir que la décision du 10 novembre 2004, en tant qu’elle a traité son absence du 8 au 25 septembre 2004 comme injustifiée, a été prise illégalement.

116    S’agissant, en deuxième lieu, de l’absence du 4 au 6 octobre 2004, il est constant que la requérante, qui avait produit un certificat médical portant sur la période du 4 au 15 octobre 2004, n’a été soumise à aucun contrôle médical au titre de cette période. Par suite, la décision du 10 novembre 2004, en tant qu’elle a estimé que l’absence du 4 au 6 octobre 2004 était injustifiée, a également été prise en violation de l’article 59, paragraphe 1, du statut.

117    S’agissant, en troisième lieu, de l’absence du 7 octobre au 12 novembre 2004, il est constant que l’intéressée a, le 2 octobre 2004, introduit une demande de congé annuel portant sur la période du 4 octobre au 12 novembre 2004 et que cette demande a, le 7 octobre 2004, été acceptée à compter de cette dernière date. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui avait, ainsi qu’il a été dit au point précédent, déjà produit un certificat médical portant sur la période du 4 au 15 octobre 2004, s’est fait délivrer, le 15 octobre 2004, un nouveau certificat médical portant sur la période du 16 octobre au 16 novembre 2004 et qu’elle n’a pas davantage fait l’objet, au titre de cette dernière période, d’un contrôle médical. Dans ces conditions, l’absence du 7 octobre au 12 novembre 2004 aurait dû être regardée comme une période d’absence médicalement justifiée et non comme une période de congé annuel. L’intéressée est ainsi fondée à soutenir que la décision du 10 novembre 2004, en ayant imputé cette période sur la durée de ses congés annuels, a, dans cette mesure, été prise illégalement.

118    Il résulte de ce qui précède que la décision du 10 novembre 2004 a été adoptée, dans son ensemble, en méconnaissance des dispositions de l’article 59, paragraphes 1 et 3, du statut.

–       Sur la légalité de la décision du 16 décembre 2004

119    Il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui avait produit des certificats médicaux pour les périodes du 16 octobre au 16 novembre 2004 et du 16 novembre 2004 au 4 janvier 2005, n’a fait l’objet, au titre de ces périodes, d’aucun contrôle médical. C’est donc également en méconnaissance des dispositions de l’article 59, paragraphe 1, du statut que la Commission a estimé, par la décision du 16 décembre 2004, que l’absence de la requérante à partir du 15 novembre 2004 était injustifiée et que, du fait de l’épuisement de son congé annuel, elle ferait l’objet d’une réduction correspondante de sa rémunération.

120    Aussi la requérante est-elle fondée à soutenir que la décision du 16 décembre 2004 a été prise illégalement.

–       Sur la légalité des décisions des 14 mars et 2 mai 2005

121    Il importe de rappeler que, par les décisions des 14 mars et 2 mai 2005, la Commission a estimé, compte tenu du caractère prétendument injustifié des absences pour maladie de la requérante entre le 3 janvier et le 31 mars 2005, que lesdites absences donneraient lieu à une imputation sur les congés annuels de l’intéressée ainsi qu’à une nouvelle retenue sur sa rémunération.

122    Or, il est constant que la requérante avait produit des certificats médicaux pour les périodes du 3 au 31 janvier 2005, du 1er au 28 février 2005 et du 1er au 31 mars 2005, et qu’elle n’avait été soumise à aucun contrôle médical, l’administration s’étant bornée à rejeter les certificats médicaux au motif que ceux-ci n’auraient pas justifié que « [l’intéressée fût] empêchée d’exercer [ses] fonctions par suite de maladie ou d’accident ».

123    Par ailleurs, s’agissant plus particulièrement de l’absence de la requérante lors de la période du 3 au 31 janvier 2005, il importe de relever que, suite au rejet du certificat médical portant sur cette période, l’intéressée a, le 12 janvier 2005, introduit une demande d’arbitrage et que le deuxième médecin indépendant, après l’avoir examinée le 28 janvier 2005, a, dans un rapport d’expertise daté du 15 février 2005, conclu qu’elle était « actuellement totalement inapte à tout travail au sein de la Commission […], que ce soit dans la DG [‘Personnel et administration’] ou même une autre [direction générale] » et que son état de santé « justifi[ait] une interruption prolongée de toute activité […] au sein de la Commission ». Or, le service médical, loin de se conformer à cet avis, a, par courrier du 2 mars 2005 adressé à l’intéressée, indiqué à celle-ci qu’il ne pouvait accepter les conclusions du deuxième médecin indépendant, dans la mesure où l’expertise, du fait de l’absence du médecin représentant la Commission lors de l’examen de l’intéressée, n’avait « pu se dérouler de manière indépendante ». Toutefois, d’une part, aucune disposition du statut n’imposait au deuxième médecin indépendant de procéder à l’examen médical de l’intéressée en présence conjointe du médecin désigné par celle-ci et du médecin-conseil de la Commission. D’autre part, s’il est vrai que l’article 59, paragraphe 1, septième alinéa, du statut impose au médecin indépendant choisi dans le cadre d’une procédure d’arbitrage, de donner son avis « après consultation du médecin du fonctionnaire et du médecin-conseil de l’institution », il ressort du contenu même du rapport d’expertise du deuxième médecin indépendant que celui-ci s’est, le 31 janvier 2005, soit antérieurement à l’établissement dudit rapport, « entretenu de vive voix » avec un médecin du service médical de la Commission, satisfaisant ainsi aux prescriptions de l’article 59, paragraphe 1, septième alinéa, du statut. Enfin, et en tout état de cause, il importe de souligner que, le 26 juillet 2005, soit moins de six mois après que le deuxième médecin indépendant a conclu à l’inaptitude totale de la requérante à tout travail au sein de la Commission, la commission d’invalidité a constaté que l’intéressée était « atteinte d’une invalidité permanente » et que, suite à cet avis, la Commission a, le 23 août 2005, mis celle-ci à la retraite pour invalidité à compter du 31 août 2005.

124    Enfin, s’agissant de l’absence de la requérante lors de la période du 1er au 28 février 2005, il est constant que, postérieurement au rejet du certificat médical établi au titre de cette période, la requérante a, le 10 février 2005, formé une nouvelle demande d’arbitrage, à la suite de laquelle la Commission l’a convoquée pour être examinée par un troisième médecin indépendant, le docteur C. Toutefois, alors qu’il ressort de l’article 59, paragraphe 1, sixième alinéa, du statut, que ce médecin indépendant devait être désigné d’un commun accord par le médecin de la requérante et le médecin-conseil de l’institution, il n’est nullement établi que le médecin de la requérante aurait donné son accord pour que le docteur C. exerce les fonctions de médecin indépendant. En particulier, si, dans un courrier du 23 mars 2005, le service médical a rappelé au médecin traitant de la requérante que celui-ci n’avait, lors d’entretiens téléphoniques intervenus les 25 et 28 février 2005, pas émis d’objection quant à la désignation du docteur C. en qualité de médecin indépendant, aucun élément du dossier n’établit avec certitude qu’un tel accord oral serait intervenu. Au demeurant, le médecin traitant de la requérante a refusé, en dépit de l’invitation qui lui avait été faite en ce sens dans le courrier du 23 mars 2005, de confirmer par écrit l’existence d’un accord de cette nature.

125    Il s’ensuit que les décisions des 14 mars 2005 et 2 mai 2005 ont été prises illégalement.

126    De ce qui précède, il découle que la Commission a, dans le traitement des absences pour maladie de la requérante, gravement et à plusieurs reprises, méconnu les dispositions de l’article 59 du statut. Du reste, la Commission a admis l’existence de telles illégalités puisque, par des décisions des 20 juillet et 22 septembre 2005, elle a considéré que les absences litigieuses de la requérante étaient justifiées et a retiré les décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005.

 Sur l’existence d’un préjudice en relation avec les décisions illégales

127    En ce qui concerne le préjudice matériel qui aurait résulté de la méconnaissance par l’administration des dispositions de l’article 59 du statut, la requérante a d’abord sollicité, dans sa requête, la condamnation de la Commission à lui payer la somme de 1 741,64 euros, correspondant au solde des retenues sur salaire qui, à la date du recours, ne lui avait pas encore été remboursé. Toutefois, l’intéressée a, tant dans son mémoire en réplique qu’à l’audience, admis que, postérieurement à l’introduction du présent recours, cette somme lui avait été versée.

128    Par ailleurs, si la requérante fait valoir que les décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005 auraient entraîné une dégradation de son état de santé, elle ne produit aucun élément probant à l’appui d’une telle affirmation. En tout état de cause, dans l’hypothèse où l’intéressée entendrait soutenir qu’elle aurait été victime d’une maladie professionnelle trouvant son origine dans l’exercice de ses fonctions au sein de la Commission, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le fonctionnaire victime d’une maladie professionnelle est uniquement en droit de demander une indemnisation complémentaire selon le droit commun, lorsque le régime statutaire instauré par l’article 73 du statut ne permet pas une indemnisation appropriée (arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, points 22, 23, 28 et 29 ; arrêts du Tribunal de première instance du 14 mai 1998, Lucaccioni/Commission, T‑165/95, RecFP p. I‑A‑203 et II‑627, point 74 ; du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T‑300/97, RecFP p. I‑A‑259 et II‑1263, point 94, et, en ce sens, du 9 mars 2005, L/Commission, T‑254/02, RecFP p. I‑A‑63 et II‑277, point 152). Or, en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’intéressée, par une demande introduite le 17 octobre 2005, a saisi la Commission d’une demande tendant à la reconnaissance, en tant que maladie professionnelle, au titre de l’article 73 du statut, du « syndrome anxio-dépressif » dont elle serait atteinte et que la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle des pathologies dont souffrirait l’intéressée est encore en cours. Il s’ensuit que la demande d’indemnisation susmentionnée est prématurée et ne saurait en l’état être accueillie.

129    En revanche, il ne saurait être contesté que les décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005, en imputant les absences de la requérante sur ses congés annuels et en procédant à des retenues sur sa rémunération, ont causé à celle-ci un important préjudice moral. De même, l’intéressée a été, du fait de ces décisions, placée dans un état d’inquiétude et d’incertitude sur les conséquences éventuelles en matière disciplinaire que ses absences prétendument injustifiées auraient été susceptibles d’entraîner.

130    Un tel préjudice moral n’ayant été suffisamment réparé ni par le retrait en juillet et septembre 2005 des décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005, ni par le constat, dans le présent arrêt, de leur illégalité, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la Commission à verser à la requérante la somme de 5 000 euros.

2.     Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de la prétendue illégalité de la décision refusant le report de plus de douze jours de congé annuel

131    Il est de jurisprudence établie que l’irrecevabilité, du fait du non-respect de la procédure précontentieuse, d’une demande en annulation entraîne celle de la demande en indemnité, étroitement liée à la demande en annulation (arrêt de la Cour du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 31 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 décembre 1967, Collignon/Commission, 4/67, Rec. p. 469, 480).

132    En l’espèce, les conclusions tendant à l’annulation de la décision refusant le report de plus de douze jours de congé annuel ont été rejetées comme irrecevables, la requérante n’ayant pas formé de réclamation à l’encontre de cette décision. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également les conclusions tendant à l’indemnisation du prétendu préjudice causé par cette décision.

3.     Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices résultant de la prétendue illégalité des décisions ayant rejeté les demandes de congé annuel introduites par la requérante en 2004

133    Il est de jurisprudence constante que le fonctionnaire qui a omis d’intenter, dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, un recours en annulation d’un acte lui faisant prétendument grief ne saurait, par le biais d’une demande en indemnisation du préjudice causé par cet acte, réparer cette omission et se ménager ainsi de nouveaux délais de recours (arrêt du Tribunal de première instance du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice, T‑547/93, RecFP p. I‑A‑63 et II‑185, points 174 et 175).

134    En l’espèce, il n’est ni établi ni même allégué par la requérante que celle-ci aurait formé une réclamation contre les décisions ayant rejeté les demandes de congé annuel introduites en 2004. L’intéressée ne saurait donc plus remettre en cause la validité de l’ensemble de ces actes par le biais de conclusions en indemnité.

135    En conséquence, les conclusions tendant à l’indemnisation des préjudices qui auraient résulté de l’illégalité des décisions ayant rejeté les demandes de congé annuel introduites en 2004 doivent être rejetées comme irrecevables.

136    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions indemnitaires formées par la requérante doivent être rejetées, à l’exception de celles visant à la réparation du préjudice moral résultant des décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005, pour lesquelles il y a lieu de condamner la Commission à payer à l’intéressée la somme de 5 000 euros.

 Sur les dépens

137    En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

138    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

139    En l’espèce, il est constant que les parties ont succombé respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusion. Toutefois, eu égard à la nature et à la gravité des illégalités entachant les décisions des 10 novembre 2004, 16 décembre 2004, 14 mars 2005 et 2 mai 2005, et compte tenu de ce que le présent recours a permis à la requérante d’obtenir la réparation du préjudice résultant de telles illégalités, il convient de mettre à la charge de la Commission, outre ses propres dépens, les trois quarts des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La Commission des Communautés européennes est condamnée à payer à T la somme de 5 000 euros.

2)      Le surplus de la requête est rejeté.

3)      La Commission des Communautés européennes supporte, en plus de ses propres dépens, les trois quarts de ceux exposés par T.

4)      T supporte le quart de ses propres dépens.

Kreppel

Tagaras

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le français.