Language of document : ECLI:EU:C:2020:653

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

3 septembre 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Transport aérien – Règlement (CE) no 261/2004 – Article 5, paragraphe 3 – Indemnisation des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol – Portée – Exonération de l’obligation d’indemnisation – Notion de “circonstances extraordinaires” – Absence de précisions suffisantes concernant le cadre factuel et réglementaire du litige au principal, ainsi que les raisons justifiant la nécessité d’une réponse aux questions préjudicielles – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑137/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Judicial da Comarca dos Açores (tribunal d’arrondissement des Açores, Portugal), par décision du 10 janvier 2020, parvenue à la Cour le 12 mars 2020, dans la procédure

MV

contre

SATA International – Serviços de Transportes Aéreos SA,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, MM. D. Šváby (rapporteur) et N. Piçarra, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 3, du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MV à SATA International – Serviços de Transportes Aéreos SA, un transporteur aérien, au sujet du refus de ce dernier d’indemniser MV, en sa qualité de passager, en raison de l’annulation d’un vol devant être emprunté par ce dernier.

 Le cadre juridique

3        L’article 3, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 est libellé dans les termes suivants :

« Le présent règlement s’applique :

a)      aux passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité ;

b)      aux passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité, à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire. »

4        Sous l’intitulé « Annulations », l’article 5 de ce règlement dispose :

« 1.      En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :

[...]

c)      ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7 [...]

3.      Un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il est en mesure de prouver que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises.

[...] »

5        Sous l’intitulé « Droit à indemnisation », l’article 7 dudit règlement prévoit, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :

a)      250 euros pour tous les vols de 1 500 kilomètres ou moins ;

b)      400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres ;

c)      600 euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b).

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

6        Il ressort de la question contenue dans la demande de décision préjudicielle que, le 6 juin 2016, le vol réservé par MV a été annulé en raison des mauvaises conditions météorologiques à l’aéroport de destination, conduisant à ce que les conditions de sécurité requises ne soient pas remplies pour la manœuvre d’atterrissage de l’aéronef opérant ce vol, les limites minimales de visibilité horizontale ainsi que verticale de la piste n’y étant pas garanties à l’heure de départ du vol et s’avérant sans perspective d’amélioration.

7        SATA International – Serviços de Transportes Aéreos ayant refusé l’indemnisation réclamée par MV au titre de l’article 5, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7 du règlement no 261/2004, ce dernier a saisi la juridiction de renvoi.

8        Dans ce contexte, le Tribunal Judicial da Comarca dos Açores (tribunal d’arrondissement des Açores, Portugal) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Des circonstances telles que celles survenues le 6 juin 2016, dans lesquelles un vol a été annulé en raison des conditions météorologiques à l’aéroport de destination, où les limites minimales de visibilité horizontale ainsi que les limites minimales de visibilité verticale de la piste n’étaient pas garanties à l’heure de départ du vol, les conditions de sécurité requises n’étant ainsi pas remplies pour la manœuvre d’atterrissage de l’avion en cause à l’aéroport en question, alors que les prévisions faisaient encore état d’une aggravation de ces conditions atmosphériques au cours des heures suivantes, doivent-elles être qualifiées de “circonstances extraordinaires” au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004, qui exonèrent le transporteur aérien de l’obligation d’indemnisation ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

9        Conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

10      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

11      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (ordonnances du 25 février 2003, Simoncello et Boerio, C‑445/01, EU:C:2003:105, point 20, et du 28 mai 2020, U.T.G. – Prefettura di Foggia, C‑17/20, non publiée, EU:C:2020:409, point 21).

12      Or, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. La décision de renvoi doit, en outre, indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour (ordonnances du 15 mai 2019, MC, C‑827/18, non publiée, EU:C:2019:416, point 33, et du 10 mars 2020, SATA International, C‑766/19, non publiée, EU:C:2020:187, point 15).

13      Ces exigences cumulatives concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, dont la juridiction de renvoi est censée avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement dans le cadre de la coopération instituée à l’article 267 TFUE. Lesdites exigences sont également reflétées, notamment, dans la dernière version des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1) (ordonnance du 10 mars 2020, SATA International, C‑766/19, non publiée, EU:C:2020:187, point 16 et jurisprudence citée).

14      En effet, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation d’un texte du droit de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale. Ainsi, une demande de décision préjudicielle doit être suffisamment complète et contenir toutes les informations pertinentes de manière à permettre à la Cour, ainsi qu’aux intéressés en droit de déposer des observations, de bien comprendre le cadre factuel et réglementaire de l’affaire au principal (ordonnance du 10 mars 2020, SATA International, C‑766/19, non publiée, EU:C:2020:187, point 17).

15      À cet égard, il est important de souligner que les informations contenues dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (ordonnance du 15 mai 2019, MC, C‑827/18, non publiée, EU:C:2019:416, point 35 et jurisprudence citée).

16      En l’occurrence, il convient de constater que la demande de décision préjudicielle ne répond pas aux exigences rappelées aux points 12 à 14 de la présente ordonnance.

17      En effet, hormis les éléments pouvant être déduits du libellé de la question posée, la décision de renvoi ne fournit aucun exposé, ne serait-ce que sommaire, de l’objet du litige au principal, permettant d’établir, notamment, que le règlement no 261/2004 est applicable au litige au principal, eu égard aux conditions visées à l’article 3 de celui-ci.

18      Cette demande ne contient pas non plus d’exposé suffisamment détaillé des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi, et ne précise pas, notamment, si l’annulation du vol en cause au principal trouve son origine dans une décision relative à la gestion du trafic aérien ou dans une décision du transporteur, éventuellement motivée par des considérations techniques liées à l’aéronef effectuant le vol, alors même que de tels éléments sont déterminants aux fins de la qualification de « circonstances extraordinaires », au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, peuvent être qualifiés de « circonstances extraordinaires », au sens de cette disposition, les événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à la maîtrise effective de celui-ci, ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du 11 juin 2020, Transportes Aéreos Portugueses, C‑74/19, EU:C:2020:460, point 37 et jurisprudence citée).

19      Enfin, elle ne contient pas non plus d’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation de la disposition du droit de l’Union visée, cette juridiction se limitant à indiquer qu’elle souscrit aux considérations relatives au droit de l’Union développées par la partie défenderesse, sans même les rapporter.

20      Dans ces conditions, la demande de décision préjudicielle ne permet pas à la Cour de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi afin qu’elle puisse trancher le litige au principal ni ne donne aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

21      Partant, il convient de constater, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que la présente demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.

22      En tout état de cause, dans l’hypothèse où une interprétation du droit de l’Union demeurerait nécessaire à la résolution du litige dont elle est saisie, la juridiction de renvoi conserve la faculté de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle lorsqu’elle sera en mesure de fournir l’ensemble des éléments permettant à la Cour de statuer (voir, en ce sens, ordonnance du 10 mars 2020, SATA International, C‑766/19, non publiée, EU:C:2020:187, point 24 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens

23      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

La demande de décision préjudicielle introduite par le Tribunal Judicial da Comarca dos Açores (tribunal d’arrondissement des Açores, Portugal), par décision du 10 janvier 2020, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.