Language of document : ECLI:EU:T:2018:76

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

8 février 2018 (*)

« Droit institutionnel – Parlement européen – Décision accordant une subvention à une fondation politique au titre de l’année 2017 et prévoyant le préfinancement à raison de 33 % du montant maximal de la subvention et l’obligation de fourniture d’une garantie bancaire de préfinancement – Recours en annulation – Acte attaquable – Recevabilité – Obligation d’impartialité – Droits de la défense – Règlement financier – Règles d’application du règlement financier – Règlement (CE) n° 2004/2003 – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑118/17,

Institute for Direct Democracy in Europe ASBL (IDDE), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes E. Plasschaert et É. Montens, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes C. Burgos et S. Alves, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision FINS-2017-28 du Parlement européen, du 12 décembre 2016, relative à l’octroi d’une subvention à la requérante, en ce que cette décision suspend le paiement de ladite subvention pour l’exercice 2017 et en ce qu’elle limite le préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. M. Collins (rapporteur), président, R. Barents et J. Passer, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Institute for Direct Democracy in Europe ASBL (IDDE), est une fondation politique au niveau européen, au sens de l’article 2, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1).

2        La requérante est affiliée à l’Alliance for Direct Democracy in Europe (ADDE), un parti politique au niveau européen au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2004/2003.

3        Dans le cadre de l’exercice 2015, la requérante a présenté, pour la première fois, une demande de financement à la charge du budget général de l’Union européenne. Elle a obtenu une subvention maximale de 730 053 euros.

4        La requérante a également déposé une demande de financement pour l’exercice 2016, qu’elle a obtenu et qui est sans rapport avec le présent litige.

5        Le 30 septembre 2016, la requérante a déposé une demande de financement pour l’exercice 2017.

6        Lors de sa réunion du 21 novembre 2016, le bureau du Parlement européen a examiné le rapport final présenté par la requérante après la clôture de ses comptes pour l’exercice 2015. Le bureau du Parlement a déclaré inéligible la somme de 33 863,50 euros et a fixé le montant de la subvention finale allouée à la requérante à 672 966,98 euros. Cette dernière ne conteste pas cette décision.

7        Selon certaines informations diffusées par les médias le 24 novembre 2016, la requérante aurait mis en place un système de réception de dons en échange de l’attribution de marchés aux donateurs pour des montants plus élevés.

8        Par lettre du 30 novembre 2016, le directeur général des finances du Parlement a informé la requérante que, à la suite de ces informations, ses services avaient réexaminé ses comptes pour l’exercice 2015. Ils auraient identifié plusieurs cas dans lesquels une société ou un particulier avait fait un don et où la même société ou une société liée au donateur s’était vu attribuer des marchés pour des sommes excédant le montant du don en question. Ces dons auraient été utilisés pour atteindre le seuil minimal de 15 % de fonds propres qui était nécessaire pour recevoir la subvention du Parlement. Pour ces raisons, le directeur général des finances a indiqué qu’un projet de décision visant à suspendre le paiement du solde final de la subvention pour l’exercice 2015 serait inclus dans l’ordre du jour de la réunion du bureau du Parlement prévue pour le 12 décembre 2016. La requérante a été invitée à présenter ses observations au plus tard le 6 décembre 2016.

9        Par lettre du 2 décembre 2016, le directeur général des finances du Parlement, se référant à sa lettre du 30 novembre 2016 ainsi qu’aux allégations exposées dans celle-ci, a informé la requérante que l’affaire serait portée à l’attention de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF). Par ailleurs, il lui a indiqué que, compte tenu des allégations graves concernant la mise en place d’un système de réception de dons en échange de l’attribution de marchés, il était envisagé de suspendre le paiement de la subvention pour l’exercice 2017. Cette question serait examinée par le bureau du Parlement lors de sa réunion du 12 décembre 2016. La requérante a été invitée à présenter ses observations au plus tard le 8 décembre 2016.

10      Le 6 décembre 2016, la requérante a présenté ses observations relatives à la suspension du paiement du solde final de la subvention pour l’exercice 2015, rejetant les allégations en question et contestant la décision envisagée. Par ailleurs, elle a demandé à être entendue lors de la réunion du bureau du Parlement prévue pour le 12 décembre 2016.

11      Le 8 décembre 2016, la requérante a présenté ses observations relatives à la suspension de la subvention pour l’exercice 2017, rejetant les allégations en question et contestant la suspension envisagée.

12      Lors de sa réunion du 12 décembre 2016, le bureau du Parlement a décidé d’adopter sa décision FINS-2017-28, accordant une subvention maximale de 670 654,76 euros à la requérante pour l’exercice 2017, mais dont le paiement resterait suspendu jusqu’à la vérification des irrégularités prétendument commises par cette dernière (ci-après la « décision attaquée »). Le bureau du Parlement a ajouté que, si les irrégularités n’étaient finalement pas démontrées, le paiement de la subvention serait mis en œuvre, mais que le préfinancement serait limité à 33 % du montant maximal de la subvention, et ce sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire à première demande. Cette décision a été signée et communiquée à la requérante le 15 décembre 2016.

13      Lors de la même réunion du 12 décembre 2016, le bureau du Parlement a décidé de suspendre le paiement du solde final de la subvention pour l’exercice 2015 jusqu’à la conclusion de l’enquête nécessaire. Cette décision n’est pas contestée dans le cadre du présent litige.

14      Le 20 décembre 2016, le Parlement a saisi l’OLAF de l’affaire en question.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 février 2017, la requérante a introduit le présent recours.

16      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé.

17      Cette demande a été rejetée par ordonnance du 4 juillet 2017, Institute for Direct Democracy in Europe/Parlement (T‑118/17 R, non publiée, EU:T:2017:465), et les dépens de cette instance ont été réservés.

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle suspend le paiement de la subvention pour l’exercice 2017 et en ce qu’elle limite le préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

19      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable ;

–        au surplus, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      Le Tribunal (huitième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

 En droit

21      La requérante demande l’annulation de la décision attaquée, d’une part, en ce qu’elle suspend le paiement de la subvention pour l’exercice 2017 et, d’autre part, en ce qu’elle limite le préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire.

 Sur la décision de suspension du paiement de la subvention pour l’exercice 2017

22      Au soutien de sa demande d’annulation de la décision de suspension du paiement de la subvention pour l’exercice 2017, y compris la suspension du préfinancement, la requérante avance trois moyens, tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense, le deuxième, de la violation de l’article 135 du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »), de l’article 208, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) n° 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement n° 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1, ci-après les « règles d’application du règlement financier »), de l’article 8, premier alinéa, sous a), de la décision du bureau du Parlement, du 29 mars 2004, fixant les modalités d’application du règlement n° 2004/2003, telle que modifiée (JO 2014, C 63, p. 1, ci-après la « décision du bureau du 29 mars 2004 »), ainsi que de l’article II.13.2 de la décision attaquée et, le troisième, de la violation du principe de proportionnalité.

 Sur la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense

23      Le premier moyen est divisé en deux branches. Par la première branche, la requérante fait valoir que le Parlement a violé le principe de bonne administration ainsi que l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que la décision attaquée ne serait pas équitable ni impartiale en raison de la composition du bureau du Parlement. En particulier, la requérante relève que le bureau du Parlement, composé du président et des quatorze vice-présidents du Parlement, ne compte pas un seul représentant des partis dits « eurosceptiques ». Dès lors, compte tenu de sa composition, le bureau du Parlement ne serait pas en mesure d’assurer le contrôle impartial et objectif des fonds alloués aux partis politiques européens et aux fondations politiques liées à ceux-ci. Cela serait par ailleurs confirmé par la création d’une autorité indépendante à ces fins, en vertu de l’article 6 du règlement (UE, Euratom) n° 1141/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2014, relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes (JO 2014, L 317, p. 1).

24      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

25      Aux termes de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, intitulé « Droit à une bonne administration », toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et les organes de l’Union.

26      Selon la jurisprudence, le principe de bonne administration implique l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, Schniga/OCVV, C‑625/15 P, EU:C:2017:435, point 47).

27      De plus, l’exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155). Il ressort de la jurisprudence que l’impartialité subjective est présumée jusqu’à preuve du contraire (arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 54, et du 19 février 2009, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement, C‑308/07 P, EU:C:2009:103, point 46).

28      À cet égard, il convient de relever que la requérante n’invoque aucun argument susceptible de mettre en cause l’impartialité personnelle des membres du bureau du Parlement ayant adopté la décision attaquée. En réalité, elle considère que, par sa nature, la composition de ce bureau est suffisante en elle-même pour mettre en cause l’impartialité objective de cet organe.

29      Cet argument ne saurait être accueilli pour trois raisons.

30      Premièrement, le bureau du Parlement est un organe collégial, composé du président et des quatorze vice-présidents du Parlement, qui sont tous élus au suffrage par les membres du Parlement, aux termes des articles 16 et 17 du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque. Dès lors, la composition de cet organe vise à refléter la pluralité existant au sein du Parlement lui-même.

31      Deuxièmement, il est sans pertinence que le règlement n° 1141/2014 ait créé une autorité indépendante pour exercer certaines fonctions au regard des fondations politiques au niveau européen, étant donné que ledit règlement n’est pas applicable aux faits à l’origine du présent litige. En effet, selon son article 41, ce règlement n’est devenu applicable qu’à partir du 1er janvier 2017. En tout état de cause, selon l’article 18, paragraphe 4, du règlement n° 1141/2014, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 1, de la décision du bureau du Parlement, du 12 juin 2017, fixant les modalités d’application du règlement n° 1141/2014 (JO 2017, C 205, p. 2), la compétence pour prendre les décisions sur les demandes de financement appartient toujours à ce bureau.

32      Troisièmement, ainsi que le relève à juste titre le Parlement, force est de constater que la requérante n’a pas soulevé d’exception d’illégalité au titre de l’article 277 TFUE à l’encontre des dispositions régissant la composition du bureau du Parlement et sa compétence pour prendre les décisions relatives au financement des fondations politiques au niveau européen, notamment les articles 24 et 25 du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque et l’article 4 de la décision du bureau du 29 mars 2004.

33      Dès lors, la première branche du premier moyen doit être rejetée.

34      Par la seconde branche du premier moyen, la requérante invoque la violation des droits de la défense. D’une part, le Parlement lui aurait accordé un délai excessivement court, à savoir quatre jours ouvrables, pour répondre aux allégations citées au point 9 ci-dessus. D’autre part, malgré sa demande en ce sens, elle n’aurait pas été invitée à être entendue par le bureau du Parlement lors de la réunion pendant laquelle la décision attaquée a été adoptée.

35      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

36      Il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, le droit à une bonne administration comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

37      De plus, le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit de l’Union qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief. En vertu de ce principe, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision. À cette fin, ils doivent bénéficier d’un délai suffisant (arrêt du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, points 36 et 37).

38      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, comme il ressort du point 9 ci-dessus, le 2 décembre 2016, le Parlement a invité la requérante à présenter ses observations au plus tard le 8 décembre suivant, à savoir dans un délai de six jours. S’il est vrai que ce délai était court, cela n’implique toutefois pas que le Parlement a violé, en l’espèce, les droits de la défense de la requérante.

39      Il convient de relever que le délai que le Parlement doit accorder à une fondation politique au niveau européen pour fournir ses observations en réponse à une lettre comme celle de l’espèce doit prendre en compte la complexité ainsi que le volume des allégations et des éléments factuels soulevés.

40      En l’occurrence, le Parlement a informé la requérante d’allégations concernant, en substance, la mise en place d’un système de réception de dons en échange de l’attribution de marchés, en mentionnant huit cas concrets qui supporteraient cette accusation. Ainsi, malgré la nature grave de l’accusation, il y a lieu de constater que la lettre du Parlement ne soulevait pas d’allégations ou d’éléments factuels particulièrement complexes ou volumineux.

41      De plus, ainsi qu’il ressort du point 8 ci-dessus, le Parlement avait déjà informé la requérante des allégations en cause dans la lettre du 30 novembre 2016, à laquelle il s’est référé dans sa lettre ultérieure, ce qui lui a donné deux jours supplémentaires pour préparer ses observations.

42      Par ailleurs, même si cette considération ne saurait justifier en elle-même une violation des droits de la défense, il y a lieu de relever que, selon l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, de la décision du bureau du 29 mars 2004, le bureau du Parlement devait prendre en principe sa décision concernant la liste des bénéficiaires et les montants retenus avant le 1er janvier 2017. Compte tenu du fait que la dernière réunion du bureau du Parlement de l’année 2016 était prévue pour le 12 décembre 2016, cela explique le contexte dans lequel le court délai a été accordé à la requérante pour livrer ses observations.

43      Enfin, il convient de constater que le Parlement a agi de manière diligente, en envoyant ses lettres à la requérante les 30 novembre et 2 décembre 2016, à savoir seulement quelques jours après la diffusion par les médias des premières informations relatives aux allégations en cause, le 24 novembre 2016, et après avoir réexaminé en interne les comptes de la requérante pour l’exercice 2015.

44      Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le grief tiré du délai excessivement court pour répondre aux allégations formulées à l’encontre de la requérante doit être rejeté.

45      En ce qui concerne le refus opposé à la requérante d’être entendue spécifiquement dans le cadre d’une audition lors de la réunion du bureau du Parlement ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, il suffit de constater que ni la réglementation en cause ni le principe général du respect des droits de la défense ne lui confèrent le droit à une audition formelle, la possibilité de présenter ses observations par écrit étant suffisante pour assurer le respect du droit à être entendu (voir, par analogie, arrêts du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, EU:T:2005:339, point 108, et du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 105).

46      Au vu de ce qui précède, la seconde branche du premier moyen doit être rejetée. Partant, le premier moyen est rejeté dans sa totalité comme non fondé.

 Sur la violation du règlement financier, des règles d’application du règlement financier, de la décision du bureau du 29 mars 2004 et des dispositions de la décision attaquée

47      Par le deuxième moyen, la requérante soutient que le Parlement a violé l’article 135 du règlement financier, l’article 208, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier, l’article 8, premier alinéa, sous a), de la décision du bureau du 29 mars 2004 et l’article II.13.2 de la décision attaquée dans la mesure où aucune de ces dispositions ne permettrait de suspendre la mise en œuvre de la subvention pour l’exercice 2017 en raison d’irrégularités prétendument commises concernant l’exercice 2015.

48      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

49      Premièrement, il y a lieu d’examiner le grief de la requérante selon lequel l’article 135 du règlement financier et l’article 208, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier ne permettent pas la suspension de la subvention pour l’exercice 2017 en raison des prétendues irrégularités commises en 2015.

50      Selon l’article 135, paragraphe 2, du règlement financier, lorsque la procédure d’octroi se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraudes, l’ordonnateur compétent la suspend et peut prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l’annulation de la procédure. L’ordonnateur compétent informe immédiatement l’OLAF des cas présumés de fraude.

51      Aux termes de l’article 208, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier, l’exécution de la convention ou décision de subvention, la participation d’un bénéficiaire à l’exécution ou des versements peuvent être suspendus afin de vérifier la réalité des erreurs et des irrégularités substantielles ou des fraudes présumées ou le défaut d’exécution des obligations. Si ces derniers ne sont pas confirmés, l’exécution est reprise dès que possible.

52      Contrairement à ce que soutient la requérante, le libellé de ces dispositions n’empêche pas les institutions de l’Union de suspendre la mise en œuvre d’une subvention concernant un exercice déterminé en raison d’irrégularités soupçonnées concernant un autre exercice.

53      Par ailleurs, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 135, paragraphe 5, du règlement financier, si des contrôles ou des audits révèlent l’existence d’erreurs, d’irrégularités, de fraudes ou de violations des obligations systémiques ou récurrentes imputables au bénéficiaire et ayant une incidence matérielle sur plusieurs subventions qui ont été octroyées audit bénéficiaire dans des conditions similaires, l’ordonnateur compétent peut suspendre la mise en œuvre de toutes les subventions concernées ou, le cas échéant, résilier les conventions ou décisions de subvention concernées passées avec ce bénéficiaire, en proportion de la gravité des erreurs, des irrégularités, des fraudes ou des violations des obligations, à condition que le bénéficiaire ait eu la possibilité de présenter des observations.

54      Il résulte de cette dernière disposition que des irrégularités systémiques ou récurrentes, ayant une incidence sur plusieurs subventions qui ont été octroyées dans des conditions similaires, sont susceptibles d’être prises en compte afin de suspendre ou même de résilier toutes les subventions concernées.

55      En l’espèce, les irrégularités reprochées ayant mené à la décision de suspension et à ce que le Parlement saisisse l’OLAF de l’affaire avaient un caractère grave et systémique, puisqu’elles concernaient la mise en place d’un mécanisme de réception de dons en échange de l’attribution de marchés. Dès lors, il serait illogique, voire contraire à la nécessité de protéger les intérêts financiers de l’Union, que les institutions soient contraintes de continuer à verser des fonds pendant le déroulement des enquêtes nécessaires à des bénéficiaires soupçonnés d’avoir commis des irrégularités sérieuses, même si ces irrégularités concernaient un exercice antérieur, et ce d’autant plus lorsque lesdites irrégularités, si elles devaient être avérées, sont susceptibles de conduire à la résiliation des subventions ultérieures. Dès lors, le premier grief de la requérante doit être rejeté.

56      Deuxièmement, la requérante invoque la violation de l’article 8, premier alinéa, sous a), de la décision du bureau du 29 mars 2004, qui, selon elle, permet seulement la suspension en cas d’utilisation confirmée de la subvention pour des dépenses non autorisées. Or, en l’espèce, les irrégularités alléguées ne seraient pas confirmées.

57      En vertu de l’article 8, premier alinéa, sous a), de la décision du bureau du 29 mars 2004, sur proposition du secrétaire général, le bureau du Parlement suspend les paiements, réduit la subvention et, le cas échéant, révoque la décision d’octroi de subvention, en demandant éventuellement le remboursement à due concurrence en cas d’utilisation de la subvention pour des dépenses non autorisées par le règlement n° 2004/2003.

58      Force est de constater que le libellé de cette disposition ne permet pas de soutenir l’interprétation avancée par la requérante. En effet, ladite disposition se limite à indiquer que l’utilisation irrégulière de la subvention pour des dépenses non autorisées est susceptible de justifier la suspension, la réduction et même la révocation de celle-ci. Il est logique que la réduction et la révocation de la subvention doivent être fondées sur des circonstances avérées. Par ailleurs, cette disposition n’exclut nullement la possibilité de suspendre la subvention pendant le déroulement de l’enquête nécessaire afin d’établir si des fonds ont été utilisés pour des dépenses non autorisées. Dès lors, le deuxième grief de la requérante doit être rejeté.

59      Troisièmement, la requérante invoque la violation de l’article II.13.2 de la décision attaquée, dans la mesure où cette disposition ne permettrait la suspension de la subvention que lorsqu’il existe des soupçons de dépenses non autorisées et que des vérifications additionnelles sont effectuées. Or, selon la requérante, ses comptes pour l’exercice 2015 ont déjà été vérifiés par un auditeur externe et par les services du Parlement, sans que les irrégularités soupçonnées aient été confirmées.

60      Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, même s’il est vrai que les comptes de la requérante ont été vérifiés par un auditeur externe à l’époque, des informations relatives à la commission d’irrégularités sérieuses ont été communiquées dans les médias le 24 novembre 2016. À la suite d’un réexamen des comptes de la requérante par les services du Parlement pour l’exercice 2015, le Parlement a considéré qu’il existait des indications suffisantes que les allégations en cause pouvaient être fondées et a décidé de saisir l’OLAF. Dès lors, le troisième grief doit être rejeté.

61      Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel elle n’a pas commis les irrégularités reprochées, il suffit de constater que la décision attaquée ne conclut pas à l’existence de ces irrégularités, mais se limite à suspendre la subvention jusqu’à la conclusion de l’enquête de l’OLAF, comme cela est indiqué dans la lettre du 2 décembre 2016.

62      À la lumière de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur la violation du principe de proportionnalité

63      Par le troisième moyen, la requérante invoque la violation du principe de proportionnalité. Selon elle, la suspension du paiement de la subvention pour l’exercice 2017 est disproportionnée, étant donné qu’en l’espèce il y a seulement des soupçons d’irrégularités commises trois ans plus tôt concernant une décision de subvention différente et ne portant que sur un montant de 68 000 euros environ.

64      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

65      À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêt du 11 juin 2009, Agrana Zucker, C‑33/08, EU:C:2009:367, point 31).

66      Ainsi qu’il a été indiqué au point 51 ci-dessus, il ressort de l’article 208, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier que le versement d’une subvention peut être suspendu afin de vérifier la réalité des erreurs et des irrégularités substantielles ou des fraudes présumées.

67      Il en résulte que le Parlement dispose d’une marge d’appréciation pour établir si, compte tenu de la gravité des allégations, il existe des « erreurs et irrégularités substantielles ou fraudes présumées ». Il dispose également d’une marge d’appréciation quant aux conséquences à tirer d’une telle situation, puisqu’il « peut » suspendre le versement de la subvention, sans y être obligé.

68      S’agissant du cas d’espèce, il y a lieu de considérer que les allégations en cause concernent des irrégularités sérieuses qui ont mené le Parlement à saisir l’OLAF.

69      De plus, la suspension de la subvention apparaît comme une mesure appropriée et nécessaire à la réalisation de l’objectif légitime poursuivi, à savoir la protection des intérêts financiers de l’Union, compte tenu du risque de l’impossibilité de récupérer ultérieurement les fonds si les irrégularités viennent à être confirmées.

70      Par ailleurs, malgré le fait que la requérante invoque le montant relativement modeste des sommes contestées pour l’exercice 2015 par rapport au montant de la subvention suspendue pour l’exercice 2017, il résulte de la lettre du 30 novembre 2016 qu’il existait un risque qu’elle n’atteigne pas le seuil minimal de 15 % de fonds propres qui était nécessaire pour recevoir la subvention du Parlement.

71      Enfin, il y a lieu de relever que la requérante ne propose aucune mesure alternative, moins contraignante pour elle, qui serait capable d’assurer la protection des intérêts financiers de l’Union de la même manière.

72      Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur la décision de limiter le préfinancement à 33 % du montant de la subvention maximale sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire

73      Au soutien de sa demande d’annulation de la décision attaquée, en ce qu’elle limite le préfinancement à 33 % du montant de la subvention maximale sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire, la requérante avance trois moyens, tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense, le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation, de l’article 134 du règlement financier et de l’article 206 des règles d’application du règlement financier et, le troisième, de la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

74      Sans soulever formellement d’exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure, le Parlement estime que cette partie du recours est irrecevable pour défaut d’acte attaquable.

75      Afin de statuer sur le bien-fondé des arguments relatifs à l’irrecevabilité partielle du recours, il y a lieu d’examiner la substance de l’acte attaqué plutôt que la forme qu’il revêt. Suivant la jurisprudence, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9).

76      Des actes indiquant simplement l’intention d’une institution, ou de ses services, de suivre une certaine ligne de conduite à l’avenir ne sont pas des actes susceptibles de produire des effets juridiques et ne constituent donc pas des actes attaquables (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 1988, Royaume-Uni/Commission, 114/86, EU:C:1988:449, point 13, et ordonnance du 8 mars 1991, Emerald Meats/Commission, C‑66/91 et C‑66/91 R, EU:C:1991:110, point 28).

77      En l’espèce, la décision attaquée indique ce qui suit :

« Un paiement à titre de préfinancement de 221 316,07 euros, représentant 33 % du montant maximum établi à l’article I.3.2, sera accordé au bénéficiaire si les irrégularités présumées ne sont pas confirmées sur le fondement d’une nouvelle décision du bureau du Parlement […] À la suite de cette décision du bureau [du Parlement], le bénéficiaire obtiendra une garantie à première demande (voir modèle à l’annexe III) pour le montant du préfinancement. »

78      Il ressort du libellé de la décision attaquée qu’elle ne produit pas les effets juridiques invoqués par la requérante, à savoir la limitation du montant du préfinancement à 33 % et l’exigence d’une garantie bancaire. En effet, ces effets sont subordonnés à l’adoption d’une nouvelle décision par le bureau du Parlement, comme la décision attaquée l’indique expressément. C’est donc uniquement dans l’hypothèse où, dans une future décision, le bureau du Parlement considérerait que les irrégularités n’ont pas été confirmées que cette même décision lèverait la suspension et pourrait éventuellement conditionner le paiement du préfinancement à la fourniture d’une garantie bancaire à première demande ainsi que limiter ce préfinancement à 33 %. À ce stade, cependant, ces passages de la décision attaquée ne peuvent être considérés que comme l’expression d’une intention future du Parlement.

79      C’est contre cette future décision que la requérante pourrait, le cas échéant, introduire un recours en annulation visant l’éventuelle limitation du préfinancement et l’obligation de fournir une garantie bancaire.

80      Au vu de ce qui précède, la demande d’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle limite le préfinancement à 33 % du montant de la subvention maximale sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire est rejetée comme irrecevable.

81      Partant, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

82      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux du Parlement, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Institute for Direct Democracy in Europe ASBL (IDDE) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Collins

Barents

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 février 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.