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ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

30 janvier 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑614/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 6 octobre 2023,

Markus Schneider, demeurant à Bonn (Allemagne), représenté par Mes M. Bergermann et D. Graetsch, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Frutaria Innovation, SL, anciennement Frutaria Comercial de Frutas y Hortalizas, SL, établie à Zaragoza (Espagne),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, MM. P.G. Xuereb et A. Kumin (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. Campos Sánchez-Bordona, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Markus Schneider demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 juillet 2023, Schneider/EUIPO – Frutaria Innovation (frutania) (T‑109/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:423), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 17 décembre 2021 (affaire R 1058/2017-1), relative à une procédure d’opposition entre Frutaria Innovation, SL, et M. Schneider.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, le requérant demande, à titre liminaire, la suspension de la présente procédure jusqu’à l’adoption d’une décision définitive dans la procédure de nullité concernant la marque antérieure no 5 922 885, à savoir la marque figurative Frutaria, entamée par ce dernier devant l’EUIPO (affaire n° C 53 087) et portant sur le prétendu caractère purement descriptif de l’élément verbal dominant qui compose celle-ci.

7        Par décision du 4 mai 2023, rendue dans cette procédure de nullité, la division d’annulation [de l’EUIPO] aurait déclaré que l’enregistrement de la marque antérieure était maintenu au motif que, en raison de la représentation graphique, le signe était perçu comme une marque et jouissait à tout le moins d’un niveau minimum de caractère distinctif. Le requérant considère que cette décision, contre laquelle il a introduit un recours, est manifestement erronée et contredit de manière flagrante les appréciations du Tribunal figurant dans l’arrêt attaqué. Or, il serait fort probable que ladite décision soit annulée par la chambre de recours et que cette dernière considère que la marque figurative Frutaria n’est pas susceptible d’être protégée.

8        Dans ces conditions, le requérant souligne que, afin d’éviter que soient prononcées des décisions contradictoires et que le requérant soit privé de sa position de priorité sur des demandes de marques plus récentes, acquise par le dépôt de sa demande d’enregistrement de marque pour le signe figuratif « frutania » le 16 juillet 2013, il est nécessaire de suspendre la présente procédure pour que l’arrêt attaqué ne soit pas revêtu de l’autorité de la chose jugée avant qu’une décision définitive ne soit rendue dans la procédure de nullité.

9        En outre, le requérant demande à la Cour de préciser la manière selon laquelle il convient de déterminer l’étendue générale de la protection d’une marque. Plus précisément, il soutient qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de l’examen du risque de confusion, il convient de considérer, en principe, la marque telle qu’elle a été enregistrée. Toutefois, il fait valoir que si, comme en l’espèce, une marque est enregistrée uniquement parce qu’elle contient d’autres éléments (des représentations graphiques), en plus d’un élément clairement descriptif (Frutaria), il conviendrait d’en tenir compte lors de la détermination de l’étendue de la protection de la marque. À cet égard, se poserait la question de savoir s’il est possible, comme l’aurait fait le Tribunal, d’identifier un élément qui, en soi, n’est pas susceptible de protection, en tant qu’élément dominant, et de procéder à un examen du risque de confusion au regard de cet élément.

10      Par ailleurs, le requérant considère qu’il est important, au regard du droit de l’Union, de savoir si le caractère distinctif peut être apprécié de manière différente dans le cadre de l’enregistrement d’une marque et dans le cadre de l’examen du risque de confusion. En effet, le caractère enregistrable de la marque antérieure Frutaria reposerait sur le fait qu’elle comprend, outre l’élément verbal, également des éléments graphiques. Toutefois, ces derniers ne seraient pas pris en considération lors d’un examen du risque de confusion. Le requérant soutient, en substance, qu’une telle approche est constitutive d’une insécurité juridique et nécessite des clarifications par la Cour.

11      Enfin, le requérant met en exergue le fait que la situation dans laquelle un terme qui ne peut pas être enregistré dans un État membre pour défaut de caractère distinctif pourrait devenir un terme susceptible d’être protégé peut mener à un risque considérable d’abus et d’injustice. À cet égard, le requérant suggère de remédier à cette situation par la prise en considération, lors de l’interprétation de l’étendue de la protection d’une marque, de tous les publics « adéquats » et non pas seulement de ceux sélectionnés.

12      Or, toutes les questions soulevées dans le cadre de la présente affaire seraient importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

 Appréciation de la Cour

13      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22 et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

16      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 9 novembre 2023, Consulta/EUIPO, C‑443/23 P, EU:C:2023:859, point 15).

17      En l’occurrence, s’agissant de la demande de suspension de la présente procédure, compte tenu, notamment, de l’article 55, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, elle ne saurait être accueillie à ce stade de la procédure.

18      Pour ce qui est de l’argumentation du requérant résumée aux points 6 à 12 de la présente ordonnance, il y a lieu de relever que seules les erreurs de droit résultant de l’arrêt attaqué sont susceptibles de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union (ordonnance du 8 décembre 2021, Franz Schröder/EUIPO, C‑473/21 P, EU:C:2021:1001, point 15 et jurisprudence citée).

19      Or, dans sa demande d’admission du pourvoi, non seulement le requérant n’indique aucune disposition de droit de l’Union qui aurait été méconnue ni les points de l’arrêt attaqué susceptibles d’être entachés d’une erreur de droit commise par le Tribunal, mais il n’allègue pas non plus l’existence d’une telle erreur, se limitant, en réalité, à critiquer la décision de la division d’annulation de l’EUIPO rendue dans le cadre d’une autre procédure.

20      Dès lors, le requérant n’a pas respecté les exigences mentionnées au point 15 de la présente ordonnance.

21      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par le requérant n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

22      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

23      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

24      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que le requérant supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      M. Markus Schneider supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.