Language of document : ECLI:EU:F:2011:126

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

25 juillet 2011 (*)

«Fonction publique – Adaptation annuelle des rémunérations et pensions des fonctionnaires et autres agents – Non-lieu à statuer»

Dans l’affaire F‑108/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Stefania Filice et Michela Tucci, fonctionnaires de la Cour de justice de l’Union européenne, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), et 50 autres fonctionnaires et agents de la Cour de justice de l’Union européenne dont les noms figurent en annexe, représentés par Mes B. Cortese, C. Cortese et F. Spitaleri, avocats,

parties requérantes,

contre

Cour de justice de l’Union européenne, représentée par M. A. V. Placco, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. P. Mahoney, président, H. Kreppel et S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier: Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 26 octobre 2010 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 29 octobre suivant), les parties requérantes demandent au Tribunal:

–        l’annulation des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne trouvant leur expression dans leurs fiches de salaire des mois de janvier 2010 et suivants, ainsi que dans leurs fiches d’arriérés pour l’année 2009, en ce qu’elles font application d’un taux d’adaptation de 1,85 % au lieu d’un taux de 3,7 %;

–        la condamnation de la Cour de justice à leur rembourser la différence entre, d’une part, les rémunérations payées en application du règlement (UE, Euratom) n° 1296/2009 du Conseil, du 23 décembre 2009, adaptant, avec effet au 1er juillet 2009, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne, ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 348, p. 10) jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt à intervenir dans la présente affaire et, d’autre part, les rémunérations qui auraient dû leur être versées si l’adaptation des traitements avait été calculée correctement, cette différence devant être majorée d’intérêts au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement applicable pendant la période en question, augmenté de trois points et demi.

2        Dans son mémoire en défense, la Cour de justice soutient que les conclusions en annulation et en paiement des arriérés de rémunération sont devenues sans objet et qu’il convient de constater, dans cette mesure, qu’il n’y a plus lieu de statuer à la suite, premièrement, de l’annulation des dispositions du règlement n° 1269/2009 fixant le taux d’adaptation des traitements et pension à 1,85 % par l’arrêt de la Cour du 24 novembre 2010, Commission/Conseil (C‑40/10, ci-après l’«arrêt du 24 novembre 2010»), deuxièmement, de l’adoption par le Conseil du règlement (UE, Euratom) n° 1190/2010, du 13 novembre 2010, modifiant le règlement n° 1296/2010 (JO L 333, p. 1) et, troisièmement, du paiement des arriérés de rémunération à partir du 1er juillet 2009.

3        S’agissant des conclusions tendant au paiement d’intérêts de retard au taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement applicable pendant la période en question, augmenté de trois points et demi, la Cour de justice fait valoir, dans son mémoire en défense, qu’elle a versé des intérêts moratoires audit taux augmenté de deux points à compter du 1er janvier 2010. Concédant que, à cet égard, les conclusions des parties requérantes ne sont pas totalement devenues sans objet, la Cour de justice objecte néanmoins que, fusse par analogie, le paiement des rémunérations et des pensions des fonctionnaires et agents ne relève pas du champ d’application de l’article 86, paragraphe 2, premier alinéa, et de l’article 106, paragraphe 5, sous a), du règlement (CE, Euratom) nº 2342/2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1) sur lesquels les parties requérantes ont fondé leur prétention.

4        Enfin, la Cour de justice fait valoir que, en raison de la présomption de légalité s’attachant au règlement n° 1296/2009, elle était tenue de respecter celui-ci tant que son illégalité n’avait pas été constatée par le juge de l’Union, mais que les parties requérantes devaient s’attendre à ce qu’en cas d’annulation dudit règlement dans le cadre de l’affaire C‑40/10, le Conseil prendrait des mesures rétroactives et générales. En conséquence, la Cour de justice estime que le présent recours n’était pas nécessaire et conclut que les requérants devraient supporter l’entièreté des dépens ou, à tout le moins, leurs propres dépens.

5        Les parties requérantes n’ont pas formulé d’observations dans le délai, prorogé, qui leur avait été imparti par le Tribunal lors de la notification du mémoire en défense.

 Sur le non-lieu à statuer

6        Il convient de constater que le recours n’a plus d’objet en tant qu’il vise à l’annulation des fiches de salaire désignées au point 1 ci-dessus et à la condamnation de la Cour de justice à verser la différence de traitement entre celui résultant d’une adaptation à concurrence de 3,7 % et celle de 1,85 % consentie par le règlement n° 1269/2009. Cela en raison de l’annulation du règlement n° 1269/2009 par l’arrêt du 24 novembre 2010, du règlement n° 1190/2010 du Conseil et du paiement des arriérés de salaire à partir du 1er juillet 2009.

7        Une difficulté subsiste, en revanche, en ce qui concerne le versement d’intérêts moratoires, la Cour de justice ayant calculé ceux-ci sur la base d’un taux inférieur d’un point et demi à celui sollicité par les parties requérantes.

8        Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, dans les litiges à caractère pécuniaire, l’octroi d’intérêts moratoires au requérant qui obtient gain de cause constitue une composante indispensable de l’obligation de remise en état, laquelle implique de placer l’intéressé dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si la somme à laquelle il a droit avait été régulièrement versée, autrement dit, si elle l’avait été en temps voulu (voir en ce sens arrêt de la Cour du 2 juillet 1981, Garganese/Commission, 185/80, points 20 et 21; arrêt du Tribunal de première instance du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T‑171/99, point 54).

9        Toutefois, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal. De plus, il découle aussi de la jurisprudence qu’un recours peut, à titre exceptionnel, ne pas devenir sans objet, malgré le redressement ex tunc de l’illégalité commise, à condition que le requérant conserve un intérêt suffisant à agir (voir, par analogie, arrêt du Tribunal de première instance du 27 septembre 2002, Tideland Signal/Commission, T‑211/02, points 48 et 49; ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 12 janvier 2011, Terezakis/Commission, T‑411/09, point 17; sur la nécessité d’un intérêt suffisant, voir également, par analogie, arrêt du Tribunal du 21 octobre 2009, Ramaekers-Jørgensen/Commission, F‑74/08, points 30 à 35). En effet, chaque procédure doit être conduite de façon proportionnée, de façon à permettre aux parties concernées d’obtenir justice pour un coût qui soit en rapport avec l’enjeu et d’une manière qui permette aux autres justiciables d’obtenir leur juste part du temps dont dispose le Tribunal pour traiter leurs litiges.

10      Or, force est de constater, en l’espèce, que les parties requérantes n’ont avancé aucun élément justifiant la persistance d’un intérêt suffisant à obtenir un arrêt constatant l’illégalité formelle des fiches de salaire attaquées et l’octroi d’un complément d’intérêts moratoires, alors que leurs prétentions se résument désormais à un élément plus qu’accessoire de l’objet du recours consistant, plus précisément, dans le versement d’un complément d’intérêt moratoire d’1,5 % sur 1,85 % du traitement mensuel des fonctionnaires pendant une quinzaine de mois.

11      Il ressort de ce qui précède que les parties requérantes n’ont pas démontré qu’elles conservaient un intérêt suffisant à agir qui aurait pu justifier le maintien d’un objet au litige, malgré le redressement de la légalité, le versement des arriérés de rémunération et l’octroi d’intérêts moratoires. D’ailleurs, les parties requérantes n’ont pas déposé d’observations à la suite du mémoire en défense.

12      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater, conformément à l’article 75 du règlement de procédure, que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a pas lieu de statuer dans la présente affaire (voir, sur tout ce qui précède, ordonnance du Tribunal du 16 juin 2011, Ashbrook/Commission, F‑99/10, points 4 à 10).

 Sur les dépens

13      Aux termes de l’article 89, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

14      Dans le contexte de l’espèce, et compte tenu de ce que les parties requérantes ne pouvaient ignorer l’obligation pour la Cour de justice, saisie précisément de l’affaire C-40/10, d’afficher un comportement totalement impartial en raison de sa fonction juridictionnelle, il convient de décider que chaque partie supporte ses propres dépens (ordonnance du Tribunal du 20 juin 2011, Gross e.a./Cour de justice, F‑106/10, point 6).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

ordonne:

1)      Il n’y a pas lieu de statuer sur le recours F‑108/10, Filice e.a./Cour de justice.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 25 juillet 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu et font, en principe, l’objet d’une publication, par ordre chronologique, au Recueil de la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal ou au Recueil de jurisprudence – Fonction publique, selon le cas.

ANNEXE

Compte tenu du nombre élevé de requérants dans cette affaire, leurs noms ne sont pas repris dans la présente annexe.


* Langue de procédure: le français.