Language of document : ECLI:EU:C:2018:111

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 22 février 2018 (1)

Affaire C44/17

The Scotch Whisky Association, The Registered Office

contre

Michael Klotz

[demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Protection des indications géographiques des boissons spiritueuses – Règlement (CE) nº 110/2008 – Article 16, sous a), b) et c) – Annexe III – Indication géographique enregistrée “Scotch Whisky” – Whisky produit en Allemagne et commercialisé sous la dénomination “Glen Buchenbach” – Notion d’“utilisation indirecte” d’une indication géographique enregistrée – Notion d’“évocation” d’une telle indication – Notion d’“indication fausse ou fallacieuse” – Nécessité d’une identité avec l’indication, d’une similitude phonétique et/ou visuelle, ou d’une quelconque association d’idées dans l’esprit du consommateur visé – Prise en compte éventuelle du contexte dans lequel s’intègre la dénomination litigieuse »






I.      Introduction

1.        La demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne) porte sur l’interprétation de l’article 16 du règlement (CE) n° 110/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2008, concernant la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses et abrogeant le règlement (CEE) nº 1576/89 du Conseil (2). Ledit article 16 protège l’ensemble des indications géographiques (3) qui sont enregistrées à l’annexe III du règlement n° 110/2008 contre les pratiques susceptibles d’induire les consommateurs en erreur quant à l’origine de tels produits.

2.        Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant une organisation du Royaume-Uni, qui a pour but de promouvoir les intérêts de l’industrie du whisky écossais, à un vendeur allemand, au sujet d’une action tendant à faire cesser la commercialisation par celui-ci d’un whisky produit en Allemagne et dénommé « Glen Buchenbach ». La requérante au principal soutient que l’usage du terme « Glen » porte atteinte à l’indication géographique enregistrée « Scotch Whisky », en ce qu’il constituerait à la fois une utilisation commerciale indirecte et une évocation de cette dernière, ainsi qu’une indication fausse ou fallacieuse, lesquelles sont prohibées respectivement par les points a), b) et c) de l’article 16 du règlement nº 110/2008.

3.        La juridiction de renvoi invite la Cour, tout d’abord, à dire si la notion d’« utilisation [...] indirecte », au sens de l’article 16, sous a), de ce règlement, suppose que l’indication géographique protégée soit utilisée sous une forme identique ou sous une forme phonétiquement et/ou visuellement similaire, ou bien s’il suffit que le terme litigieux crée, dans l’esprit des consommateurs ciblés, une association quelconque avec ladite indication. Elle demande en outre si, dans l’hypothèse où une simple association d’idées serait suffisante, il conviendrait de tenir compte, pour appliquer cette disposition, du contexte dans lequel s’intègre le terme utilisé pour désigner le produit concerné, et en particulier du fait que la véritable origine de ce produit est aussi indiquée sur son étiquette.

4.        Ensuite, cette juridiction interroge la Cour sur le point de savoir si la notion d’« évocation » figurant à l’article 16, sous b), dudit règlement implique qu’il existe une parenté phonétique et/ou visuelle entre l’indication géographique protégée et le terme en cause, ou bien s’il suffit que ce dernier suscite, auprès du public visé, n’importe quelle association d’idées avec ladite indication. Elle demande également si, dans l’hypothèse où une telle association serait suffisante, le contexte dans lequel est utilisé ce terme devrait être pris en considération aux fins d’appliquer ladite disposition.

5.        Enfin, elle souhaite savoir si la recherche de l’existence d’une « autre indication fausse ou fallacieuse », au sens de l’article 16, sous c), du même règlement, requiert de prendre en compte aussi le contexte entourant le terme litigieux.

6.        La présente affaire se distingue de celles dans lesquelles la Cour a déjà interprété les dispositions de l’article 16 du règlement nº 110/2008 (4), en ce qu’elle a pour particularité d’avoir pour objet la situation inédite où – comme les questions ici posées le mettent en exergue – la dénomination litigieuse ne présente aucune similitude, ni phonétique ni visuelle, avec l’indication géographique protégée, mais serait prétendument susceptible de conduire les consommateurs à faire un lien inapproprié avec cette dernière. De surcroît, la Cour est indirectement appelée à préciser la façon dont s’articulent les règles définies aux points a) à c) dudit article 16, au regard des différents cas de figure qui y sont visés.

II.    Le cadre juridique

7.        Le règlement n° 110/2008 prévoit à son article 16, intitulé « Protection des indications géographiques », que « les indications géographiques enregistrées à l’annexe III sont protégées contre :

a)      toute utilisation commerciale directe ou indirecte par des produits non couverts par l’enregistrement, dans la mesure où ces produits sont comparables à la boisson spiritueuse enregistrée sous cette indication géographique ou dans la mesure où cette utilisation exploite la réputation de l’indication géographique enregistrée ;

b)      toute usurpation, imitation ou évocation, même si la véritable origine du produit est indiquée ou si l’indication géographique est utilisée dans la traduction ou accompagnée d’une expression telle que “comme”, “type”, “style”, “élaboré”, “arôme” ou tout autre terme similaire ;

c)      toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, à l’origine, à la nature ou aux qualités substantielles du produit figurant dans la désignation, la présentation ou l’étiquetage du produit, de nature à créer une impression erronée sur l’origine ;

d)      toute autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. »

8.        L’annexe III du règlement n° 110/2008, intitulée « Indications géographiques », mentionne que le « Scotch Whisky » a été enregistré comme constituant une indication géographique relevant de la catégorie de produits nº 2, à savoir celle de « Whisky/Whiskey », et ayant pour pays d’origine le « Royaume-Uni (Écosse) ».

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

9.        The Scotch Whisky Association, The Registered Office (ci-après « TSWA ») est une organisation constituée selon le droit écossais qui a notamment pour but de veiller à la protection du commerce du whisky écossais tant en Écosse qu’à l’étranger.

10.      M. Michael Klotz commercialise, par l’intermédiaire d’un site Internet, un whisky dénommé « Glen Buchenbach » qui est produit par la distillerie Waldhorn, située à Berglen, dans la vallée de Buchenbach, en Souabe (Bade-Wurtemberg, Allemagne).

11.      L’étiquette apposée sur les bouteilles du whisky en cause comporte, outre l’adresse complète du producteur allemand et le dessin stylisé d’un cor de chasse (appelé « Waldhorn » en langue allemande), les informations suivantes : « Waldhornbrennerei [distillerie Waldhorn en langue française], Glen Buchenbach, Swabian Single Malt Whisky [whisky single malt souabe], 500 ml, 40 % vol, Deutsches Erzeugnis [produit allemand], Hergestellt in den Berglen [fabriqué dans les Berglen] ».

12.      TSWA a saisi le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) d’une action tendant à faire cesser l’usage par M. Klotz de la dénomination « Glen Buchenbach » pour le whisky en cause, au motif que cet usage serait contraire, en particulier, à l’article 16, sous a) à c), du règlement n° 110/2008 (5), qui protège les indications géographiques enregistrées à l’annexe III de ce règlement, parmi lesquelles figure l’indication « Scotch Whisky ». TSWA a fait notamment valoir, d’une part, que ces dispositions couvriraient non pas seulement l’utilisation d’une telle indication en elle-même mais aussi toute mention suggérant l’origine géographique protégée et, d’autre part, que la dénomination « Glen » éveillerait dans l’esprit du public visé une association avec l’Écosse et le Scotch Whisky, nonobstant l’ajout d’autres mentions concernant l’origine allemande du produit. M. Klotz a sollicité le rejet de ce recours.

13.      Dans ce contexte, par décision du 19 janvier 2017, parvenue à la Cour le 27 janvier 2017, le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’“utilisation commerciale [...] indirecte [...] de l’indication géographique enregistrée [pour une boisson spiritueuse]” conformément à l’article 16, sous a), du règlement nº 110/2008, requiert-elle que l’indication géographique enregistrée soit utilisée sous une forme identique ou similaire du point de vue phonétique et/ou optique [(6)], ou suffit-il que l’élément litigieux du signe éveille dans l’esprit du public visé quelque association que ce soit avec l’indication géographique enregistrée ou avec la zone géographique ?

S’il convient de retenir la deuxième alternative : lors de la vérification de l’existence d’une “utilisation commerciale indirecte”, le contexte dans lequel s’intègre l’élément litigieux du signe joue-t-il alors aussi un rôle, ou ce contexte ne peut-il faire obstacle à l’utilisation commerciale indirecte d’une indication géographique enregistrée, même lorsque l’élément litigieux du signe est accompagné d’une indication sur la véritable origine du produit ?

2)      L’“évocation” d’une indication géographique enregistrée conformément à l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008, requiert-elle qu’une similitude phonétique et/ou optique existe entre l’indication géographique enregistrée et l’élément litigieux du signe, ou suffit-il que l’élément litigieux du signe éveille dans l’esprit du public visé quelque association que ce soit avec l’indication géographique enregistrée ou avec la zone géographique ?

S’il convient de retenir la deuxième alternative : lors de la vérification de l’existence d’une “évocation”, le contexte dans lequel s’intègre l’élément litigieux du signe joue-t-il alors aussi un rôle, ou ce contexte ne peut-il faire obstacle à une évocation illégale par l’élément litigieux du signe, même lorsque l’élément litigieux du signe est accompagné d’une indication sur la véritable origine du produit ?

3)      Lors de la vérification de l’existence d’une “autre indication fausse ou fallacieuse” conformément à l’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008, le contexte dans lequel s’intègre l’élément litigieux du signe joue-t-il un rôle, ou ce contexte ne peut-il faire obstacle à une indication fallacieuse, même lorsque l’élément litigieux du signe est accompagné d’une indication sur la véritable origine du produit ? »

14.      Des observations écrites ont été déposées par TSWA, par M. Klotz, par les gouvernements hellénique, français, italien et néerlandais ainsi que par la Commission européenne. Il n’a pas été tenu d’audience de plaidoiries.

IV.    Analyse

A.      Observations liminaires

15.      Tout d’abord, je relève que les deux parties à la procédure au principal émettent des griefs à l’encontre du libellé de la décision de renvoi.

16.      D’une part, M. Klotz avance que la juridiction de renvoi a fait une présentation des faits du litige au principal tant raccourcie qu’incomplète et il fournit des indications aux fins de parachever cette présentation (7).

17.      À cet égard, je rappelle que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, la Cour n’est compétente ni pour vérifier ni pour apprécier les circonstances de fait relatives à l’affaire au principal et qu’il appartient uniquement aux juridictions nationales d’établir les faits qui ont donné lieu au litige ainsi que d’en tirer les conséquences pour la décision qu’elles sont appelées à rendre (8). Cependant, la Cour peut, dans un esprit de coopération, fournir à la juridiction de renvoi toutes les indications qu’elle juge nécessaires, afin de donner une réponse utile à cette juridiction (9).

18.      D’autre part, TSWA reproche à la juridiction de renvoi d’avoir mal formulé les questions préjudicielles (10). Dans ses observations auprès de la Cour, elle présente les questions telles que reformulées par ses soins et elle apporte des réponses au regard de celles-ci (11).

19.      Or, il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier tant la nécessité d’une question préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. Partant, il ne saurait être fait droit à la demande d’une partie au principal tendant à ce que la question posée soit reformulée dans les termes qu’elle indique (12). Toutefois, la Cour doit donner à ces juridictions une réponse utile qui leur permette de trancher le litige au principal et il lui incombe donc, le cas échéant, de reformuler les questions préjudicielles dont elle est saisie (13).

20.      Ensuite, en ce qui concerne l’articulation à opérer entre les divers points de l’article 16 du règlement nº 110/2008, je souligne d’emblée qu’il m’apparaît, à l’instar du gouvernement français, que ces dispositions protègent les indications géographiques enregistrées à l’annexe III dudit règlement en mentionnant une série d’hypothèses qui se réfèrent de plus en plus indirectement à ces dernières.

21.      En effet, je considère que le point a) couvre les cas où il est fait référence à l’indication géographique enregistrée elle-même ; le point b) prohibe toute usurpation, imitation ou évocation de cette indication, alors même que la dénomination litigieuse ne s’y réfère pas explicitement ; le point c) interdit toute autre mention trompeuse quant à l’origine du produit, tandis que le point d) vise toute autre pratique commerciale de nature à induire le consommateur en erreur quant à cette origine. Je reviendrai sur les spécificités différenciant lesdits points a) à c), visés dans la présente demande de décision préjudicielle, et sur l’interprétation s’en inférant selon moi, au fil de l’analyse qui suit (14).

B.      Sur la notion d’« utilisation […] indirecte » d’une indication géographique enregistrée au sens de l’article 16, sous a), du règlement n° 110/2008 (première question)

1.      Sur la forme requise de l’« utilisation […] indirecte » d’une indication géographique enregistrée au regard de l’article 16, sous a), du règlement n° 110/2008 (première partie de la première question)

22.      La première question préjudicielle invite la Cour à se prononcer sur ce qu’il convient d’entendre par une « utilisation commerciale [...] indirecte [d’une] indication géographique enregistrée » relative à une boisson spiritueuse, au sens de l’article 16, sous a), du règlement nº 110/2008.

23.      La première partie de cette question concerne en substance le point de savoir si, pour pouvoir constater l’existence d’une telle utilisation, interdite en vertu dudit point a), il faut que la mention litigieuse revête une forme qui est soit identique à l’indication géographique protégée soit similaire phonétiquement et/ou visuellement, ou bien il suffit que cette mention crée, dans l’esprit des consommateurs visés, une quelconque association avec l’indication ou avec la zone géographique y afférente.

24.      La juridiction de renvoi expose que deux interprétations de l’article 16, sous a), du règlement nº 110/2008 seraient envisageables. Suivant une première approche, qui est suggérée par une partie de la doctrine allemande (15), une « utilisation [...] indirecte », au sens de cette disposition, impliquerait que l’indication géographique enregistrée soit employée sous une forme identique ou, tout au moins, similaire du point de vue phonétique et/ou visuel, en étant mentionnée non pas sur le produit ou son emballage, comme en cas d’« utilisation [...] directe », mais dans tout autre cadre tel que, par exemple, dans une publicité ou des documents d’accompagnement. Cette juridiction indique qu’une telle interprétation la conduirait à juger que ledit point a) n’est pas applicable en l’espèce, puisque les dénominations « Glen » et « Scotch Whisky » ne sont ni identiques ni similaires. Au contraire, suivant une seconde approche, il suffirait que l’élément litigieux du signe éveille dans l’esprit du public visé quelque association que ce soit avec l’indication géographique ou avec la zone géographique en cause (16).

25.      TSWA ainsi que les gouvernements hellénique et italien défendent cette seconde interprétation. Au contraire, M. Klotz, les gouvernements français et néerlandais ainsi que la Commission considèrent, en substance, qu’il ne saurait y avoir d’« utilisation [...] indirecte » au sens dudit article 16, sous a), lorsqu’une désignation d’une toute autre forme que l’indication géographique enregistrée en cause est employée (17). Je partage ce dernier avis, pour les raisons qui suivent.

26.      Je rappelle, tout d’abord, que conformément à une jurisprudence constante de la Cour, aux fins d’interpréter une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (18).

27.      Premièrement, s’agissant du libellé de l’article 16, sous a), du règlement nº 110/2008, TSWA soutient, à tort selon moi, que cette disposition devrait être interprétée d’une manière large, en ce sens qu’une utilisation commerciale « indirecte » d’une indication géographique enregistrée supposerait non pas un usage de ladite indication en tant que telle, en totalité ou en partie, mais une référence implicite à celle-ci, pour autant que cette utilisation soit relative à des « produits [...] comparables » ou bien « exploite la réputation de l’indication géographique enregistrée » en cause (19).

28.      À cet égard, je suis d’avis que l’emploi, au point a) dudit article 16, de l’expression « utilisation commerciale directe ou indirecte [d’une] indication géographique enregistrée » (20) requiert un usage de l’indication concernée sous la forme dans laquelle elle a été enregistrée ou, à tout le moins, sous une forme présentant des liens tellement étroits avec celle-ci que le signe litigieux en est à l’évidence indissociable (21). Il m’apparaît, en effet, que le terme « utilisation » exige, par définition, qu’il soit fait usage de l’indication géographique protégée elle-même, laquelle doit donc être présente à l’identique ou au moins de façon similaire (22), phonétiquement et/ou visuellement, dans le signe litigieux (23).

29.      Je relève que la Cour a déjà donné des éléments de définition à l’égard de la notion d’utilisation « directe » au sens dudit article 16, sous a), en admettant qu’il puisse s’agir de l’usage d’une marque contenant une indication géographique ou un terme correspondant à cette indication et sa traduction pour des boissons spiritueuses ne répondant pas aux spécifications correspondantes, comme tel était le cas des marques figuratives qui étaient en cause dans le litige au principal. En revanche, la Cour ne s’est pas encore prononcée sur ce qu’il faut entendre par une utilisation « indirecte » au sens de cette même disposition.

30.      Pour ma part, je considère que ce caractère indirect renvoie non pas aux hypothèses où la dénomination considérée ne fait pas de référence explicite à l’une des indications géographiques enregistrées à l’annexe III du règlement nº 110/2008, comme TSWA le prétend, mais aux hypothèses où un moyen en quelque sorte détourné est employé pour faire usage d’une telle indication. En effet, à l’instar de M. Klotz, du gouvernement néerlandais et de la Commission, j’estime que contrairement à une utilisation « directe », laquelle implique que l’indication géographique protégée soit apposée directement sur le produit concerné ou son emballage propre, une utilisation « indirecte » suppose que cette indication figure dans des vecteurs complémentaires de marketing ou d’informations, tels qu’une publicité portant sur ce produit (24) ou des documents relatifs à celui-ci (25).

31.      Deuxièmement, s’agissant du contexte dans lequel s’inscrit la disposition en cause, je souligne que le point a) dudit article 16 a nécessairement un champ d’application distinct des règles qui le suivent dans le même article. Cette première disposition doit, en particulier, être dûment différenciée du point b), qui vise les cas d’« usurpation, imitation ou évocation », c’est-à-dire les cas dans lesquels l’indication géographique n’est pas employée en tant que telle mais est suggérée, par une référence plus subtile que celle appréhendée au point a), auprès des consommateurs ciblés.

32.      Or, le point b) dudit article 16 perdrait de son effet utile si le point a) de celui-ci était interprété de façon extensive, comme cela est envisagé dans la première question préjudicielle, en ce sens qu’il serait applicable dès que le signe litigieux éveille simplement une quelconque association d’idées avec une indication géographique enregistrée ou avec la zone géographique y afférente. Il résulte donc de l’économie générale de cet article, comme le gouvernement français et la Commission le soulignent, que la notion d’« utilisation commerciale directe ou indirecte [d’une] indication géographique enregistrée », au sens dudit point a), ne saurait couvrir de tels cas de figure.

33.      Cette conclusion m’apparaît confortée par la jurisprudence de la Cour (26) selon laquelle un lien suffisant de proximité avec l’indication géographique protégée est exigé même en ce qui concerne la notion de simple « évocation » au sens de l’article 16, sous b) (27), exigence qui vaut selon moi a fortiori pour la notion d’« utilisation » au sens du point a) de cet article.

34.      Troisièmement, en ce qui concerne les finalités du règlement nº 110/2008, je note, tout d’abord, que son considérant 4 met en exergue que le législateur de l’Union européenne a cherché à « garantir une approche plus systématique dans la législation en matière de boissons spiritueuses », en établissant « des critères clairs », notamment, « pour la protection des indications géographiques » (28).

35.      Je doute qu’il soit compatible avec ce souci explicite de sécurité juridique d’admettre la pertinence d’un critère tel que celui envisagé par la juridiction de renvoi, à savoir le fait d’« éveille[r] dans l’esprit du public visé quelque association que ce soit avec l’indication géographique enregistrée ou avec la zone géographique » (29), étant observé qu’il s’agit là d’un critère qui n’a aucunement été introduit par le législateur et dont les contours me paraissent trop incertains. La Cour a, certes, déjà évoqué, au sujet des dispositions de l’article 16 de ce règlement, le risque « de créer dans [l’]esprit [du public] une association d’idées quant à l’origine du produit » (30), mais il me semble qu’elle n’a, néanmoins, pas entendu ériger cette considération générale en facteur d’appréciation décisif aux fins d’appliquer l’une ou l’autre desdites dispositions.

36.      Ensuite, sur un plan plus substantiel, je relève que le considérant 2 du règlement nº 110/2008 énonce que les mesures prévues par ce dernier « devraient contribuer à la réalisation d’un niveau élevé de protection des consommateurs, à la prévention de pratiques de nature à induire en erreur ainsi qu’à l’assurance de la transparence des marchés et d’une concurrence loyale ». Son considérant 9 ajoute que ces mesures « devraient également prévenir l’utilisation abusive [...] des dénominations de boissons spiritueuses pour désigner des produits qui ne répondent pas aux définitions énoncées dans [ce] règlement ». Son considérant 14 évoque la protection spécifique dont bénéficient les indications géographiques qui sont enregistrées à l’annexe III dudit règlement « dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée de la boisson spiritueuse peut être attribuée essentiellement à [une] origine géographique [donnée] ».

37.      S’agissant des objectifs poursuivis, en particulier, par l’article 16 du règlement nº 110/2008, il ressort notamment de son intitulé que cet article a pour objet d’assurer la « [p]rotection des indications géographiques » par un enregistrement de ces dernières qui vise, d’une part, à permettre l’identification de boissons spiritueuses comme étant originaires d’un territoire déterminé dans les cas mentionnés audit considérant 14 et, d’autre part, à contribuer à la réalisation des objectifs plus généraux énoncés au considérant 2 (31).

38.      Ainsi, il m’apparaît que les dispositions du règlement nº 110/2008, et en particulier celles de son article 16, ont vocation à empêcher qu’il soit fait un usage abusif des indications géographiques protégées, non seulement dans l’intérêt des acheteurs, mais aussi dans l’intérêt des producteurs qui ont consenti des efforts pour garantir les qualités attendues des produits portant légalement de telles indications, comme la Cour l’a déjà mis en exergue au sujet d’une disposition du droit de l’Union (32) dont le libellé est analogue (33) à celui de l’article 16 de ce règlement (34). Dans cette optique, le point a) dudit article 16 interdit plus spécifiquement, de façon expresse, que d’autres opérateurs utilisent à des fins commerciales une indication géographique enregistrée pour des produits ne répondant pas à toutes les spécifications requises (35), notamment dans le but de profiter indûment de la réputation de cette indication géographique (36).

39.      À mon avis, il résulte de ce qui précède que la protection des consommateurs à un niveau élevé est, certes, l’une des finalités des dispositions à interpréter, mais il ne saurait, cependant, en être déduit, comme le suggèrent les gouvernements hellénique et italien, qu’il suffirait, pour que l’interdiction prévue audit point a) trouve à s’appliquer, que la dénomination litigieuse soit de nature à induire le consommateur en erreur quant à la provenance, de quelque façon que ce soit, et qu’elle produise ainsi le même effet que si l’indication géographique avait été utilisée telle qu’elle a été enregistrée ou sous une forme similaire. Il convient, en effet, de ne pas omettre que ces dispositions ont aussi pour objectifs de sauvegarder les qualités reconnues aux produits dûment porteurs d’une telle indication et, partant, de protéger les intérêts économiques des opérateurs qui ont investi pour garantir ces qualités ainsi que, plus généralement, de favoriser la transparence des marchés et une concurrence loyale.

40.      Je propose donc de répondre à la première partie de la première question que l’article 16, sous a), du règlement nº 110/2008 doit être interprété en ce sens que l’« utilisation [...] indirecte » d’une indication géographique enregistrée, interdite par cette disposition, requiert que la dénomination litigieuse soit identique à l’indication concernée ou similaire phonétiquement et/ou visuellement. Dès lors, il n’est pas suffisant que cette dénomination soit susceptible d’éveiller, dans l’esprit du consommateur visé, une association d’idées quelconque avec l’indication ou avec la zone géographique y afférente.

2.      Sur l’incidence d’éventuelles informations entourant le signe litigieux au regard de l’article 16, sous a), du règlement n° 110/2008 (seconde partie de la première question)

41.      La seconde partie de la première question préjudicielle est soumise à l’appréciation de la Cour uniquement dans l’hypothèse où celle-ci jugerait qu’une simple association d’idées avec l’indication géographique enregistrée ou la zone géographique en cause peut suffire pour caractériser l’existence d’une « utilisation commerciale [...] indirecte » de cette indication, au sens de l’article 16, sous a), du règlement nº 110/2008.

42.      Étant donné que je préconise de retenir l’interprétation inverse, en réponse à la première partie de cette question, je considère qu’il n’y aura pas lieu, pour la Cour, de se prononcer sur sa seconde partie. Je présenterai néanmoins quelques observations au sujet de cette dernière.

43.      La juridiction de renvoi se demande si, pour établir l’existence d’une telle utilisation, il faut tenir compte du contexte entourant la mention litigieuse, et notamment du fait que celle-ci est assortie d’une précision concernant la véritable origine du produit, de sorte que les informations livrées par ce contexte permettraient de réfuter l’allégation selon laquelle les exigences énoncées audit article 16, sous a), auraient été méconnues. Plus concrètement, elle s’interroge sur le point de savoir si l’élément litigieux « Glen » doit être apprécié de façon isolée ou si elle doit prendre en considération aussi les diverses mentions de l’étiquette qui indiquent que le produit en cause est originaire d’Allemagne (37). Elle estime qu’elle ne pourrait ordonner l’interdiction pure et simple demandée par TSWA, dans le litige au principal, que si ledit point a) était interprété par la Cour en ce sens qu’il prohibe l’utilisation d’un terme faisant naître une quelconque association d’idées avec l’indication géographique enregistrée, quel que soit le contexte de cette utilisation.

44.      TSWA et le gouvernement hellénique soutiennent que les indications supplémentaires que fournissent l’étiquetage et le conditionnement du produit (38) sont sans pertinence pour écarter l’application de l’article 16, sous a). Selon le gouvernement italien, même si le contexte dans lequel s’intègre l’élément litigieux peut jouer un rôle, l’existence d’une utilisation indirecte, au sens de cette disposition, ne saurait être exclue, y compris quand ledit élément est assorti d’informations sur l’origine. Le gouvernement néerlandais estime qu’il ne peut pas y avoir une telle utilisation lorsqu’il n’est pas fait référence à l’indication géographique protégée et que, de surcroît, l’étiquette mentionne clairement le lieu où la boisson a été produite (39).

45.      Pour ma part, je me limiterai à souligner, à titre subsidiaire (40), que l’article 16 du règlement nº 110/2008 ne contient pas à son point a) de mention explicite telle que celle qui figure à son point b), aux termes duquel une « usurpation, imitation ou évocation » d’une indication géographique enregistrée est susceptible d’être constatée « même si la véritable origine du produit est indiquée ».

46.      Cette différence de libellé s’explique, à mon avis, par la circonstance que lorsqu’il est question d’une éventuelle « utilisation commerciale directe ou indirecte » d’une indication géographique protégée, au sens du point a) dudit article 16, ce cas de figure suppose qu’il soit fait usage de cette indication en tant que telle ou sous une forme assimilable, et non d’une indication d’un tout autre type (41). Il n’y a alors pas d’ambiguïté possible concernant le fait qu’il faille focaliser l’analyse de la situation en cause sur la constatation de ce qu’un usage a été fait, ou n’a pas été fait, de l’une des indications géographiques qui sont enregistrées à l’annexe III du même règlement.

47.      En revanche, dans le cas visé au point b) dudit article 16, où une « usurpation, imitation ou évocation » est en jeu, l’évaluation de la situation doit à l’évidence dépasser un tel constat objectif et requiert une mise en perspective, pour laquelle le législateur de l’Union a tenu à indiquer expressément que certains facteurs d’appréciation potentiels, notamment le fait que soit mentionnée « la véritable origine du produit » (42), ne sauraient permettre d’écarter l’une ou l’autre de ces trois qualifications (43). Selon moi, il devrait en aller, a fortiori, de même pour le cas plus simple visé au point a) du même article 16, à supposer que la Cour estime qu’il est nécessaire d’examiner le contexte dans lequel s’intègre le signe litigieux pour appliquer cette disposition.

C.      Sur la notion d’« évocation » d’une indication géographique enregistrée au sens de l’article 16, sous b), du règlement n° 110/2008 (deuxième question)

1.      Sur la forme requise de l’« évocation » d’une indication géographique enregistrée au regard de l’article 16, sous b), du règlement n° 110/2008 (première partie de la deuxième question)

48.      La deuxième question préjudicielle invite la Cour à se prononcer sur la notion d’« évocation » d’une indication géographique enregistrée relative à une boisson spiritueuse, au sens de l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008.

49.      Par la première partie de cette question, la juridiction de renvoi demande si, pour que l’existence d’une telle évocation soit constatée, et soit donc prohibée en vertu dudit point b), la mention litigieuse doit revêtir une forme identique à l’indication géographique protégée ou une forme similaire phonétiquement et/ou visuellement, ou bien s’il est suffisant que cette mention crée, dans l’esprit des consommateurs visés, quelque association que ce soit avec ladite indication ou avec la zone géographique y afférente.

50.      À l’appui de sa demande, cette juridiction expose que la Cour a interprété de façon constante la notion d’« évocation » qui figure à l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008, de même que dans des réglementations analogues du droit de l’Union l’ayant précédé, en ce sens qu’elle « recouvre une hypothèse dans laquelle le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une dénomination protégée, de sorte que le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de cette dénomination » (44). Elle ajoute que, à sa connaissance, la Cour ne s’est, cependant, pas encore prononcée sur le point de savoir si une similitude phonétique et/ou visuelle entre les signes en cause (45) est une condition impérative pour qu’une évocation interdite puisse être constatée. Elle estime qu’une réponse à cette question est essentielle dans la présente affaire, étant donné qu’une telle similitude n’existe pas en l’espèce (46).

51.      TSWA ainsi que les gouvernements hellénique, français et italien proposent de répondre que l’« évocation » d’une indication géographique enregistrée au sens dudit article 16, sous b), n’exige pas que le terme litigieux présente une similitude phonétique et/ou visuelle avec l’indication concernée et qu’il suffit que ce terme éveille, dans l’esprit du public visé, une quelconque association d’idées avec l’indication ou avec la zone géographique. M. Klotz et le gouvernement néerlandais soutiennent la thèse inverse.

52.      La Commission adopte une position, en quelque sorte intermédiaire, selon laquelle ladite notion d’« évocation » requiert non pas nécessairement une parenté phonétique et/ou visuelle ou simplement une association d’idées, mais plutôt, en l’occurrence, « l’existence, entre l’indication géographique enregistrée et la désignation contestée, d’une proximité conceptuelle dans le cadre de laquelle un consommateur normalement informé établirait un lien direct et univoque entre la désignation contestée et [cette] indication » (47). J’incline en faveur d’une interprétation proche de ce dernier avis, pour les motifs suivants.

53.      Tout d’abord, je note que le libellé du point b) en question ne contient pas d’éléments permettant de définir précisément ce qu’il convient d’entendre par l’« évocation » d’une indication géographique protégée. Tout au plus, une mise en perspective au regard des deux autres hypothèses évoquées préalablement dans cette disposition, à savoir l’« usurpation » et l’« imitation », permet-elle de considérer que la notion d’« évocation » implique un certain degré de similitude avec l’indication géographique concernée, même si elle apparaît requérir le degré de similitude le plus faible d’entre ces trois notions.

54.      Par ailleurs, un certain nombre d’enseignements doivent, selon moi, être tirés de la jurisprudencede la Cour relative à l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008 ou à d’autres dispositions du droit de l’Union dont la formulation est analogue à celui-ci.

55.      Comme la juridiction de renvoi l’a relevé, la Cour a jugé qu’il y a bien une « évocation », au sens notamment dudit point b), lorsque la désignation litigieuse « incorpore une partie d’une dénomination protégée » (48). Il m’apparaît qu’une telle incorporation partielle (49), qui était présente dans les litiges au principal ayant donné lieu aux arrêts de la Cour en question (50), n’est, cependant, pas une condition sine qua non pour faire application de cette disposition.

56.      En effet, comme l’indique le gouvernement français, il ressort de l’expression « de sorte que », qui suit la formule susmentionnée, que le critère central et décisif, pour apprécier l’existence d’une telle « évocation », est celui de vérifier si « le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de cette dénomination [protégée] » (51). La Cour a, d’ailleurs, déjà souligné que « le juge national doit essentiellement se fonder sur la réaction présumée, au regard du terme utilisé pour désigner le produit en cause, du consommateur, l’essentiel étant que ce dernier établisse un lien entre ledit terme et la dénomination protégée » (52). Elle a, en outre, précisé que ce juge doit « se référer à la perception d’un consommateur européen moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » (53). De fait, même si la dénomination protégée en cause fait partie intégrante de la marque contestée, il reste possible que le consommateur moyen, lorsqu’il sera en présence d’un produit portant ladite marque, n’associe pas nécessairement celle-ci au produit bénéficiant de ladite dénomination (54).

57.      La Cour a aussi itérativement jugé « qu’il était légitime de considérer qu’il y a évocation d’une dénomination protégée lorsque, s’agissant de produits d’apparence analogue, les dénominations de vente présentent une parenté phonétique et visuelle » qui « n’est pas le fruit de circonstances fortuites », en précisant « qu’une telle parenté était manifeste lorsque le terme utilisé pour désigner le produit en cause se termine par les deux mêmes syllabes que la dénomination protégée et comprend le même nombre de syllabes que celle-ci » (55).

58.      Toutefois, je considère, à l’instar de la majorité des parties ayant présenté des observations dans la présente affaire (56), que l’identification d’une parenté phonétique et visuelle constitue non pas une condition impérative pour vérifier l’existence d’une « évocation », mais plutôt l’un des tests, parmi d’autres indiqués par la Cour, permettant d’opérer cette vérification. Il m’apparaît que la mention d’une « parenté » ou « similitude » phonétique et visuelle, par la Cour, était liée aux circonstances factuelles propres aux affaires ayant donné lieu aux arrêts dans lesquels elle figure (57) et qu’il n’est donc pas exclu qu’une « évocation » puisse être caractérisée même en l’absence d’une telle parenté.

59.      Outre le critère de l’incorporation partielle d’une dénomination protégée susmentionné (58), un autre des facteurs d’appréciation retenus comme pertinents est celui de la « “proximité conceptuelle” existant entre des termes relevant de langues différentes ». Je précise que ce critère a été différencié par la Cour de celui de la « parenté phonétique et visuelle » et qu’il a, de même que les autres critères, été rattaché à la recherche de la perception du consommateur, laquelle apparaît donc bien comme étant la condition centrale et nécessaire pour qu’existe une « évocation » (59).

60.      J’estime donc que, aux fins de caractériser une « évocation » au sens de l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008, le seul critère déterminant est celui de savoir si « le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de la dénomination protégée » (60), ce que le juge national doit apprécier en tenant compte, le cas échéant, soit de l’incorporation partielle d’une dénomination protégée dans la désignation contestée, soit d’une parenté phonétique et visuelle, soit d’une proximité conceptuelle.

61.      En revanche, il ne serait, à mon avis, pas conforme aux finalités susmentionnées des dispositions ici interprétées (61) d’admettre un critère aussi imprécis et extensif que celui envisagé dans la deuxième question préjudicielle, à savoir que « l’élément litigieux du signe éveille dans l’esprit du public visé quelque association que ce soit avec l’indication géographique enregistrée ou avec la zone géographique » (62).

62.      De surcroît, eu égard à l’économie de cet article 16, il convient, comme je l’ai indiqué s’agissant de son point a) (63), de veiller à ne pas faire une interprétation de son point b) qui aboutirait à ce que cette dernière disposition empiète sur le champ d’application de celles qui la suivent dans ledit article, à savoir les points c) et d), lesquels visent des cas de figure où la référence à l’indication géographique protégée est encore plus ténue qu’une « évocation » de celle-ci.

63.      Enfin, s’agissant ducontexte plus général dans lequel s’inscrit le règlement nº 110/2008, et en particulier son article 16, M. Klotz met en exergue, à juste titre, que si la Cour jugeait qu’il suffit, pour caractériser une « évocation », que soit éveillée une association de n’importe quelle nature, cela aboutirait à étendre de manière imprévisible le champ d’application de ce règlement et induirait des risques importants pour la libre circulation des marchandises, sachant que la protection de la propriété industrielle et commerciale, telle que celle offerte par ledit règlement (64), constitue l’une des justifications possibles des restrictions à cette liberté (65).

64.      Plus spécifiquement, si la protection de l’indication géographique, ici « Scotch Whisky », qui est conférée par le point b) dudit article 16 devait être étendue à l’usage d’un terme nullement analogue à cette dernière, les produits ou marques qui ne font en aucune manière référence au libellé de ladite indication relèveraient aussi de l’interdiction énoncée à cette disposition. Il en résulterait, comme l’indique le gouvernement néerlandais, que les possibilités pour les producteurs de whisky en provenance d’autres pays que le « Royaume‑Uni (Écosse) » (66) de se distinguer au moyen de leurs propres produits ou marques seraient ainsi réduites de façon notable (67).

65.      Par conséquent, je propose de répondre à la première partie de la deuxième question préjudicielle que l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008 doit être interprété en ce sens que l’« évocation » d’une indication géographique enregistrée, interdite par cette disposition, ne requiert pas que la dénomination litigieuse présente nécessairement une parenté phonétique et visuelle avec l’indication concernée, mais qu’il n’est cependant pas suffisant que cette dénomination soit susceptible d’éveiller, dans l’esprit du consommateur visé, une association d’idées quelconque avec l’indication protégée ou avec la zone géographique y afférente. À défaut d’une telle parenté, il convient de tenir compte de la proximité conceptuelle existant, le cas échéant, entre l’indication concernée et la dénomination contestée, pour autant que cette proximité soit de nature à amener le consommateur à avoir à l’esprit, comme image de référence, le produit bénéficiant de ladite indication.

66.      S’agissant de la mise en œuvre de cette conclusion dans le cadre du litige au principal, je rappelle qu’il appartient uniquement à la juridiction de renvoi d’apprécier s’il existe, en l’occurrence, une « évocation » au sens dudit article 16, sous b) (68), et non à la Cour, bien que celle-ci puisse néanmoins apporter des précisions visant à guider les juges nationaux dans leur appréciation (69).

67.      À ce titre, je note que, après avoir rappelé les arguments des parties au litige au principal (70), la juridiction de renvoi indique que le terme « glen » est un mot d’origine gaélique signifiant « vallée étroite » et que 31 des 116 distilleries produisant du « Scotch Whisky », donc du whisky d’origine écossaise, portent le nom du glen dans lequel elles se situent. Cette juridiction souligne que, cependant, il existe aussi des whiskys produits en dehors de l’Écosse qui contiennent le terme « glen » dans leur dénomination, tels que les whiskys « Glen Breton » provenant du Canada (71), « Glendalough » provenant d’Irlande et « Glen Els » provenant d’Allemagne (72). En outre, elle évoque un sondage, présenté par TSWA et contesté par M. Klotz, dont il ressortirait, notamment, que 4,5 % des consommateurs allemands de whisky interrogés auraient déclaré que le terme « glen » évoquerait pour eux le whisky écossais ou quelque chose d’écossais.

68.      Au vu de ces éléments, je partage le point de vue de la Commission selon lequel il n’est pas certain que, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, il existe une proximité conceptuelle suffisante entre l’indication géographique protégée et la dénomination contestée pour que cette dernière puisse être considérée comme une « évocation » de la première au sens de l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008 (73). À cet égard, il incombera à la juridiction de renvoi, et à elle seule, de vérifier si un consommateur européen moyen (74) a directement à l’esprit le « Scotch Whisky » en présence d’un produit comparable portant la désignation « Glen », nonobstant le fait que le choix de cette dernière pour nommer un whisky n’est sans doute pas purement fortuit (75). À supposer même que cette juridiction considère que les consommateurs associent systématiquement le terme « Glen » avec le whisky, il pourrait toutefois manquer le nécessaire lien étroit avec le whisky écossais, et donc la proximité indispensable avec l’indication « Scotch Whisky ».

2.      Sur l’incidence d’éventuelles informations entourant le signe litigieux au regard de l’article 16, sous b), du règlement n° 110/2008 (seconde partie de la deuxième question)

69.      La seconde partie de la deuxième question préjudicielle est soumise à la Cour uniquement dans l’hypothèse où celle-ci jugerait qu’une parenté phonétique et visuelle n’est pas impérative et qu’une simple association d’idées, quelle qu’elle soit, avec l’indication géographique enregistrée ou la zone géographique en cause peut suffire pour caractériser l’existence d’une « évocation » de cette indication, au sens de l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008.

70.      Eu égard à la réponse que je recommande d’apporter à la première partie de cette question (76), j’estime nécessaire de prendre position sur la seconde partie de celle-ci.

71.      La juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si, aux fins de déterminer s’il existe concrètement une « évocation » prohibée en vertu dudit article 16, sous b), il faut analyser l’élément litigieux du signe de manière isolée ou bien en prenant en considération le contexte dans lequel cet élément est utilisé, en particulier lorsque celui‑ci est assorti d’indications, dites « délocalisantes », qui précisent la véritable origine du produit concerné (77).

72.      Cette juridiction note que l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008 énonce expressément que « toute [...] évocation » est interdite « même si la véritable origine du produit est indiquée », précision qui pourrait s’opposer à la prise en compte du contexte entourant l’élément litigieux. Selon elle, cela n’exclurait toutefois pas nécessairement une telle prise en compte, « lors de l’examen antérieur visant à vérifier l’existence même d’une “évocation” ».

73.      Le gouvernement néerlandais considère qu’il n’y a pas lieu d’aborder la seconde partie de la deuxième question préjudicielle, en raison de la réponse qu’il propose pour sa première partie. M. Klotz soutient que le contexte dans lequel s’intègre la mention litigieuse devrait jouer un rôle lors de l’application dudit article 16, sous b) (78). Selon le gouvernement italien, cela pourrait être le cas, mais une « évocation » illégale en vertu de cette disposition ne saurait être exclue, même lorsque la provenance exacte du produit en cause est expressément mentionnée sur ce dernier. TSWA, les gouvernements hellénique et français ainsi que la Commission estiment en substance que, lors de l’appréciation de l’existence d’une « évocation », les indications supplémentaires que fournissent l’étiquetage et le conditionnement (79) du produit concerné ne peuvent jouer aucun rôle, y compris quand l’élément litigieux est accompagné d’indications concernant la véritable origine du produit. Je partage ce dernier avis, pour les raisons qui suivent.

74.      Premièrement, il ressort du libellé, à mes yeux dépourvu d’équivoque, de l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008 que le fait que la « véritable origine du produit » soit portée à la connaissance des consommateurs visés ne constitue pas un élément permettant de remédier au caractère trompeur de la dénomination contestée, et donc d’exclure que celle-ci puisse relever de la qualification d’« évocation » au sens de cette disposition.

75.      Les autres précisions figurant audit point b), qui concernent des cas où l’indication géographique protégée est utilisée sous forme de traduction ou en étant accompagnée d’une expression à caractère atténuant (80), corroborent, selon moi, l’interprétation d’après laquelle il est sans incidence, au regard de cette qualification, que des informations complémentaires sur la provenance soient fournies au moyen de la désignation, la présentation ou l’étiquetage voire l’emballage (81) du produit concerné.

76.      Deuxièmement, à l’instar de TSWA, du gouvernement français et de la Commission, je suis d’avis que la jurisprudence de la Cour apporte des enseignements qui confortent ladite interprétation.

77.      En effet, la Cour a indiqué de façon claire que l’usage éventuel des mentions expressément citées audit article 16, sous b), notamment concernant la véritable origine du produit, « ne serait pas de nature à modifier [la] qualification » d’« évocation » au sens de l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008 (82).

78.      En outre, la Cour a jugé que l’absence d’un quelconque risque de confusion entre les produits concernés, dans l’esprit du public visé, ne peut pas faire obstacle à cette qualification d’« évocation » (83).

79.      Partant, l’utilisation d’une dénomination qualifiée d’« évocation », au sens de cette disposition, d’une indication géographique enregistrée à l’annexe III dudit règlement ne saurait, néanmoins, être autorisée au vu de circonstances particulières entourant le produit qui porte cette dénomination illégale ou en l’absence de risque de confusion avec un produit qui porte valablement ladite indication géographique (84). La juridiction nationale saisie ne dispose donc pas d’une marge d’appréciation contextuelle à ce titre (85).

80.      Plus particulièrement, il ressort de cette jurisprudence qu’il est indifférent, au regard dudit article 16, sous b), que la dénomination litigieuse corresponde au nom de l’entreprise et/ou du lieu où le produit est fabriqué (86) comme l’invoque M. Klotz, lequel fait valoir que la désignation « Glen Buchenbach » constituerait un jeu de mots formé à partir du nom du lieu d’origine de la boisson en cause au principal (Berglen)et du nom d’une rivière locale (Buchenbach) (87).

81.      La Cour a aussi précisé que la circonstance que la dénomination litigieuse fasse référence à un lieu de fabrication qui serait connu des consommateurs de l’État membre où celui-ci est fabriqué, ne constituait pas un facteur pertinent dans le cadre de l’appréciation de la notion d’« évocation », au sens dudit point b), étant donné que cette disposition protège les indications géographiques enregistrées contre toute évocation sur l’ensemble du territoire de l’Union et que, eu égard à la nécessité de garantir une protection effective et uniforme desdites indications sur celui-ci, tous les consommateurs de ce territoire sont visés (88).

82.      Cette absence de pertinence est, selon moi, également valable s’agissant de l’hypothèse où la référence au lieu de fabrication du produit concerné est contenue, comme cela apparaît être le cas dans le présent litige au principal, non pas seulement dans la dénomination litigieuse elle-même, mais également dans des mentions complétant cette dernière (89).

83.      Dès lors, je propose de répondre à la seconde partie de la deuxième question préjudicielle que l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008 doit être interprété en ce sens que, aux fins de caractériser l’existence d’une « évocation » interdite par cette disposition, il n’y a pas lieu de prendre en considération les informations supplémentaires qui figurent aux côtés du signe litigieux dans la désignation, la présentation ou l’étiquetage du produit concerné, notamment au sujet de la véritable origine de ce dernier.

D.      Sur l’incidence d’éventuelles informations entourant le signe litigieux au regard de l’article 16, sous c), du règlement n° 110/2008 (troisième question)

84.      La troisième question préjudicielle invite la Cour à dire si, pour déterminer s’il existe une « indication fausse ou fallacieuse [...] de nature à créer une impression erronée sur l’origine » au sens de l’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008, il y a lieu de tenir compte du contexte dans lequel la mention litigieuse est utilisée, en particulier lorsque cette dernière est assortie d’une indication relative à la véritable origine du produit concerné.

85.      La juridiction de renvoi explique qu’elle se demande si, aux fins d’établir l’existence d’une indication fallacieuse quant à la provenance dans le cadre du litige au principal, seul l’élément litigieux du signe, à savoir « Glen », doit être pris en considération, ou si le contexte dans lequel cet élément s’intègre doit également l’être. Ce contexte comprendrait, en l’espèce, notamment le terme « Buchenbach », qui suit le terme « Glen » dans la dénomination contestée, ainsi que les autres mentions figurant sur l’étiquette qui opéreraient une délocalisation (90).

86.      À cet égard, M. Klotz et la Commission, ainsi que le gouvernement néerlandais en substance (91), considèrent que, afin d’apprécier s’il existe une « indication fausse ou fallacieuse » au sens de cet article 16, sous c), il conviendrait de tenir compte du contexte entourant le signe litigieux, et en particulier d’effectuer une analyse d’ensemble de l’étiquette. Selon le gouvernement italien, l’examen dudit contexte ne saurait exclure qu’il puisse y avoir une indication fallacieuse, même en présence d’une mention indiquant la véritable origine du produit. TSWA ainsi que les gouvernements hellénique et français soutiennent que ledit contexte est dénué de pertinence pour appliquer cette disposition, même lorsque l’élément en question est accompagné d’informations sur la véritable origine du produit. Je partage ce dernier avis, pour les motifs suivants.

87.      Premièrement, s’agissant du libellé de l’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008, je souligne, tout d’abord, que cette disposition ne fait aucunement référence aux éléments susceptibles d’entourer et de compléter, voire de corriger, la désignation litigieuse.

88.      Ensuite, la Commission soutient, à tort selon moi, que « tant les adjectifs “toute autre” que la mention collective “la désignation, la présentation ou l’étiquetage du produit” indiquent sans ambiguïté qu’il faut considérer dans leur ensemble toutes les indications sur l’origine et, collectivement, la désignation, la présentation et l’étiquetage », de sorte que, dans le litige au principal, l’appréciation devrait porter sur la totalité des informations mentionnées sur l’étiquette.

89.      À cet égard, je relève que dans la version en langue allemande (92) de cet article 16, les points a) et b), qui commencent par le terme « jede [chaque] » suivi du singulier, sont certes formulés de manière différente par rapport aux points c) et d) du même article, où il est fait usage du terme « alle [toutes] » suivi du pluriel, construction qui pourrait peut-être suggérer une idée de globalité pour les deux derniers points.

90.      Cependant, cette variation dans la formulation des divers cas de figure énoncés audit article 16 n’existe pas dans d’autres versions linguistiques, où le terme qui signifie en substance « chaque » et qui est employé au début tant du point c) que des points a), b) et d) dudit article n’induit nullement, à mes yeux, qu’il faille opérer un examen de l’ensemble des données figurant, en l’occurrence, sur l’étiquette aux fins d’apprécier si une situation telle que celle au principal relève spécifiquement de l’interdiction prévue à ce point c) (93).

91.      Or, il est de jurisprudence constante que les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union européenne, et qu’en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (94), lesquels critères me font incliner en faveur d’une interprétation contraire à celle proposée par la Commission (95).

92.      En ce qui concerne l’expression « indication fausse ou fallacieuse [...] figurant dans la désignation, la présentation ou l’étiquetage du produit », je ne perçois pas davantage en quoi cette dernière énumération, où figure d’ailleurs la conjonction de coordination « ou » (96) – qui indique usuellement une alternative –, conduit la Commission à en déduire qu’il faudrait opérer une appréciation, qualifiée de « collective », laquelle consisterait à devoir tenir compte de la totalité des informations concernant le produit concerné qui accompagnent le signe litigieux pour déterminer si ce dernier constitue bien une « indication fausse ou fallacieuse » au sens de l’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008 (97).

93.      Par ailleurs, M. Klotz invoque les termes « de nature à créer une impression erronée sur l’origine » qui sont employés à la fin dudit article 16, sous c). Il argue que, dans l’hypothèse où la Cour jugerait que, pour caractériser l’existence d’une « évocation » au sens du point b) de cet article, il convient de se référer à la perception d’ensemble concrète d’un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (98), cela vaudrait d’autant plus pour apprécier l’existence d’une « indication fausse ou fallacieuse » au sens dudit point c). Toutefois, cet argument n’est pas opérant à mon avis, compte tenu de la réponse que je propose d’apporter à la seconde partie de la deuxième question préjudicielle (99).

94.      Personnellement, je considère que, si le législateur de l’Union avait vraiment entendu permettre qu’une indication revêtant en soi un caractère faux ou fallacieux, au sens de l’article 16, sous c), de ce règlement, puisse néanmoins être autorisée en raison d’informations supplémentaires entourant ladite indication, une telle restriction apportée au champ d’application de cette disposition aurait été expressément prévue, surtout eu égard aux objectifs de protection poursuivis (100).

95.      Deuxièmement, s’agissant du contexte dans lequel s’inscrit le point c) dudit article 16, je partage le point de vue exprimé par la Commission en ce que celle-ci note que le cas de figure prévu à cette disposition doit être distingué de ceux prévus aux points a) et b) du même article (101), mais j’estime, pour ma part, qu’il ne résulte pas de l’économie générale de ce point c) qu’un examen d’ensemble de l’étiquette s’imposerait dans le cas visé à celui-ci.

96.      À l’instar de ce qui a été souligné, par l’avocat général Campos Sánchez-Bordona, au sujet d’une disposition du droit de l’Union analogue à l’article 16 du règlement nº 110/2008 (102), je considère que cet article contient une énumération graduée d’agissements interdits dans laquelle le point c) se différencie bien des deux dispositions qui le précèdent. En effet, alors que le point a) dudit article 16 se limite aux actes d’utilisation d’une indication géographique protégée et son point b) aux actes d’usurpation, d’imitation ou d’évocation, le point c) élargit le périmètre protégé, en y incorporant les « indications » (c’est-à-dire les informations fournies aux consommateurs) qui figurent dans la désignation, la présentation ou l’étiquetage du produit concerné, lesquelles, bien que n’étant pas réellement évocatrices de l’indication géographique protégée, sont qualifiées de « fausse[s] ou fallacieuse[s] » au regard des liens du produit avec cette dernière (103).

97.      Cependant, il ne saurait, à mon avis, être déduit de la différence, tant de formulation que de portée, qui est ainsi constatée entre les points a), b) et c) dudit article 16 que ce dernier point devrait nécessairement être interprété en ce sens qu’il y a lieu de tenir compte de la totalité des autres informations figurant, en particulier, sur l’étiquette du produit concerné pour apprécier si la dénomination litigieuse constitue une « indication fausse ou fallacieuse » au sens de cette disposition. Il m’apparaît qu’il convient, au contraire, que cette appréciation soit focalisée sur l’indication litigieuse en elle-même, prise isolément, sans que des informations mentionnées à proximité de celle-ci puissent remettre en cause une telle qualification, sous peine de risquer sinon de faire perdre son effet utile audit point c), lequel a selon moi plutôt vocation à s’appliquer de façon large, comme je vais à présent l’exposer.

98.      Troisièmement, une prise en considération des objectifs visés par le règlement nº 110/2008 en général et par les dispositions analysées en particulier permet, à mon avis, de corroborer l’interprétation que je préconise.

99.      Comme je l’ai déjà évoqué (104), il m’apparaît que les dispositions du règlement nº 110/2008, et notamment celles de son article 16, ont pour but de protéger les indications géographiques qui sont enregistrées à l’annexe III de ce règlement, à la fois dans l’intérêt des consommateurs, lesquels ne doivent pas être induits en erreur par des indications impropres, et dans l’intérêt des opérateurs économiques supportant des coûts plus élevés afin de garantir la qualité des produits qui méritent de porter ces indications, lesquels opérateurs doivent être prémunis contre des actes de concurrence déloyale.

100. S’agissant plus spécifiquement du point c) dudit article 16, il me semble que le législateur de l’Union a entendu lui conférer un champ d’application assez vaste pour garantir que les buts susmentionnés puissent être atteints. En effet, à l’instar du gouvernement français, j’estime que l’expression « toute autre indication », employée dans cette disposition, peut inclure n’importe quel type d’indice ou signe, notamment un texte, une image ou un contenant, qui est susceptible de renseigner sur les caractéristiques du produit. En outre, la formule flexible de localisation qui figure audit point c) (105) permet selon moi de considérer qu’un élément quelconque de l’un des trois supports y cités, en l’espèce une mention présente sur l’étiquette de la boisson concernée, pourrait à lui seul « être de nature à créer une impression erronée sur l’origine » au sens de cette disposition. Dès lors, le contenu du reste de l’étiquetage du produit en cause ne saurait, à mon avis, contrebalancer la nature éventuellement fausse ou fallacieuse de l’indication contestée, même lorsque cette dernière est accompagnée d’une information sur la véritable origine du produit.

101. En d’autres termes, comme le gouvernement français le souligne, la réalisation desdits objectifs serait mise en péril si la protection des indications géographiques pouvait être restreinte par la circonstance que figurent des informations complémentaires aux côtés d’une indication en soi fausse ou fallacieuse, au sens de l’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008, puisque retenir cette interprétation reviendrait à admettre l’usage d’une telle indication dès lors qu’elle est accompagnée d’informations exactes, lesquelles viendraient, en quelque sorte, compenser le caractère trompeur de cette dernière.

102. Enfin, s’agissant de la transposition de la jurisprudencerelative à la directive 2000/13/CE (106), abrogée par le règlement (UE) nº 1169/2011 (107), qui me semble proposée par la Commission (108), je doute que cette transposition soit réellement pertinente pour répondre à la troisième question préjudicielle.

103. En effet, le règlement nº 110/2008, dont l’interprétation est ici demandée, a un objet distinct de celui de la directive 2000/13, en ce que cette dernière régit de manière générale et horizontale (109) « l’étiquetage des denrées alimentaires […] ainsi que certains aspects relatifs à leur présentation et à la publicité faite à leur égard » (110), tandis que le règlement nº 110/2008, adopté postérieurement, régit de manière spécifique et verticale « la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses » (111). Il en résulte des différences au regard tant des objectifs que de l’étendue de la protection que ces deux instruments juridiques confèrent, différences dont il faut tenir compte selon moi, nonobstant le fait que l’indication de dénominations géographiques sur l’étiquetage de telles boissons puisse parfois relever simultanément de leurs champs d’application respectifs (112).

104. Plus particulièrement, au regard du libellé de l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13 sur lequel porte la jurisprudence évoquée dans les observations de la Commission, je considère que la teneur de cette disposition, qui concerne les « [p]ratiques loyales en matière d’information » (113), n’est pas véritablement équivalente, ne serait-ce qu’en substance, à celle de l’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008, article qui concerne la « [p]rotection des indications géographiques » (114), sur lequel porte la troisième question ici posée.

105. De surcroît, je relève que, dans cette jurisprudence, la Cour s’est certes prononcée en faveur d’un examen de la situation litigieuse incluant l’ensemble des informations figurant sur l’étiquetage du produit concerné (115), voire certains éléments de fait extérieurs (116), pour évaluer si une dénomination est susceptible d’induire les consommateurs en erreur (117), mais elle l’a cependant fait uniquement au regard de mentions non enregistrées en tant qu’appellation d’origine ou indication géographique qui serait protégée au niveau de l’Union (118), hypothèse qui ne correspond pas aux circonstances du présent cas d’espèce, où une protection de cette nature est en jeu. Il m’apparaît donc peu opportun de procéder à un raisonnement par analogie avec ladite jurisprudence dans un tel contexte.

106. En conséquence, je propose de répondre à la troisième question préjudicielle que l’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008 doit être interprété en ce sens que, aux fins de caractériser l’existence d’une « indication fausse ou fallacieuse » interdite par cette disposition, il n’y a pas lieu de prendre en considération les informations supplémentaires qui figurent aux côtés du signe litigieux dans la désignation, la présentation ou l’étiquetage du produit concerné, notamment au sujet de la véritable origine de ce dernier.

107. S’agissant du cas d’espèce, eu égard aux principes déjà rappelés de répartition des compétences entre les juridictions nationales et la Cour (119), j’indiquerai simplement que si l’interprétation ci‑dessus proposée était retenue par cette dernière, je doute qu’il y ait lieu de faire application de ladite interdiction dans des circonstances telles que celles du litige au principal, dès lors que le terme litigieux, « Glen », ne présente pas de liens suffisamment directs et étroits avec l’indication géographique protégée en question, « Scotch Whisky », ni même avec le pays auquel elle est rattachée, à savoir le « Royaume-Uni (Écosse) », pour que ce terme soit considéré comme constituant une « indication fausse ou fallacieuse [...] de nature à créer une impression erronée sur l’origine » (120).

108. À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où ledit point c) serait interprété par la Cour en ce sens qu’il faudrait procéder à un examen incluant l’ensemble des informations qui entourent le signe litigieux, j’estime que cet examen devrait logiquement conduire, a fortiori, au même résultat concret. En effet, s’il devait être tenu compte, en l’espèce, de tous les éléments figurant sur l’étiquette qui mentionnent de façon explicite l’origine exacte du produit en cause, comme la Commission le met en exergue, il paraît difficilement concevable que l’usage du terme « Glen » soit considéré comme relevant de l’interdiction énoncée à cette disposition (121).

V.      Conclusion

109. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne) de la manière suivante :

1)      L’article 16, sous a), du règlement (CE) nº 110/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2008, concernant la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses et abrogeant le règlement (CEE) nº 1576/89 du Conseil, doit être interprété en ce sens que l’« utilisation [...] indirecte » d’une indication géographique enregistrée, interdite par cette disposition, requiert que la dénomination litigieuse soit identique à l’indication concernée ou similaire phonétiquement et/ou visuellement. Dès lors, il n’est pas suffisant que cette dénomination soit susceptible d’éveiller, dans l’esprit du consommateur visé, une association d’idées quelconque avec l’indication ou avec la zone géographique y afférente.

2)      L’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008 doit être interprété en ce sens que l’« évocation » d’une indication géographique enregistrée, interdite par cette disposition, ne requiert pas que la dénomination litigieuse présente nécessairement une parenté phonétique et visuelle avec l’indication concernée, mais qu’il n’est cependant pas suffisant que cette dénomination soit susceptible d’éveiller, dans l’esprit du consommateur visé, une association d’idées quelconque avec l’indication protégée ou avec la zone géographique y afférente. À défaut d’une telle parenté, il convient de tenir compte de la proximité conceptuelle existante, le cas échéant, entre l’indication concernée et la dénomination contestée, pour autant que cette proximité soit de nature à amener le consommateur à avoir à l’esprit, comme image de référence, le produit bénéficiant de ladite indication.

Aux fins de caractériser l’existence d’une « évocation » interdite en vertu dudit article 16, sous b), il n’y a pas lieu de prendre en considération les informations supplémentaires qui figurent aux côtés du signe litigieux dans la désignation, la présentation ou l’étiquetage du produit concerné, notamment au sujet de la véritable origine de ce dernier.

3)      L’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008 doit être interprété en ce sens que, aux fins de caractériser l’existence d’une « indication fausse ou fallacieuse » interdite par cette disposition, il n’y a pas lieu de prendre en considération les informations supplémentaires qui figurent aux côtés du signe litigieux dans la désignation, la présentation ou l’étiquetage du produit concerné, notamment au sujet de la véritable origine de ce dernier.


1      Langue originale : le français.


2      JO 2008, L 39, p. 16. Ce règlement a fait l’objet de diverses modifications, mais les dispositions pertinentes dans la présente affaire n’ont pas été affectées.


3      Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, du règlement nº 110/2008, une « indication géographique » est « une indication qui identifie une boisson spiritueuse comme étant originaire du territoire d’un pays, d’une région ou d’une localité située sur ce territoire, lorsqu’une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée de la boisson spiritueuse peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique ».


4      Voir arrêts du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, points 2 et 16), ainsi que du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 10 et 11).


5      Selon TSWA, l’emploi de la désignation contestée pourrait être couvert cumulativement par les trois notions prévues aux points a), b) et c) de cet article 16 qui sont mentionnées dans les questions préjudicielles. À cet égard, je me limiterai à observer que la juridiction de renvoi n’a pas établi de priorité entre les cas de figure visés respectivement par lesdites dispositions et n’a pas interrogé la Cour sur le point de savoir si un tel cumul de qualifications est possible.


6      Je précise que la décision de renvoi utilise l’adjectif allemand « optisch », qui se traduit littéralement par « optique » en français, mais qu’il me paraît plus exact, sur le plan lexical, d’utiliser le terme « visuel », que j’emploierai donc dans les présentes conclusions, à l’instar de la Cour dans sa jurisprudence plus récente en ce domaine.


7      Voir, en particulier, note en bas de page 72 des présentes conclusions.


8      Voir, notamment, arrêts du 13 février 2014, Maks Pen (C‑18/13, EU:C:2014:69, point 30) ; du 3 septembre 2015, Costea (C‑110/14, EU:C:2015:538, point 13), ainsi que du 10 mars 2016, Safe Interenvíos (C‑235/14, EU:C:2016:154, point 119).


9      Voir, notamment, arrêts du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 31), ainsi que du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C‑42/17, EU:C:2017:936, point 23).


10      Elle précise qu’elle a introduit un recours aux fins d’y remédier, lequel a été déclaré irrecevable par cette juridiction.


11      Voir, en particulier, note en bas de page 38 des présentes conclusions.


12      Voir, notamment, arrêt du 4 avril 2000, Darbo (C‑465/98, EU:C:2000:184, point 19).


13      Voir, notamment, arrêt du 1er février 2017, Município de Palmela (C‑144/16, EU:C:2017:76, point 20).


14      Voir, notamment, points 31, 62 ainsi que 95 et suiv. des présentes conclusions.


15      La juridiction de renvoi cite, à cet égard, « Tilmann GRUR 1992, 829, 832 f. ; Ströbele/Hacker, Markengesetz, 11. Aufl., § 135 Rn. 16 », en précisant que ces auteurs se sont prononcés au sujet d’une disposition analogue à l’article 16 du règlement n° 110/2008, à savoir l’article 13 du règlement (UE) nº 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1), ainsi que « Ingerl/Rohnke, Markengesetz, 3. Aufl., § 135 Rn. 4 ».


16      Cette juridiction observe que, jusqu’à présent, la Cour n’a indiqué que de manière générale que « [l]’article 16, sous a) à d), du règlement nº 110/2008 vise diverses hypothèses dans lesquelles la commercialisation d’un produit est accompagnée d’une référence explicite ou implicite à une indication géographique dans des conditions susceptibles soit d’induire le public en erreur ou, à tout le moins, de créer dans son esprit une association d’idées quant à l’origine du produit, soit de permettre à l’opérateur de profiter de manière indue de la réputation de l’indication géographique en question » (arrêt du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac, C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, point 46).


17      Plus précisément, selon M. Klotz, la mention litigieuse devrait nécessairement être « identique » à l’indication géographique protégée ; selon le gouvernement français, il faudrait qu’elle soit « identique ou [au moins] très similaire du point de vue phonétique et/ou visuel » ; selon le gouvernement néerlandais, il devrait être « fait référence » à l’indication géographique, et ce même si une association peut se faire dans l’esprit du public visé ; selon la Commission, il n’y a pas d’« utilisation » de l’indication géographique lorsqu’une « désignation autre » est utilisée.


18      Voir, notamment, arrêt du 15 novembre 2017, Geissel et Butin (C‑374/16 et C‑375/16, EU:C:2017:867, point 32 et jurisprudence citée).


19      À ce dernier égard, TSWA soutient que la dénomination « Glen » devrait être interdite, en l’espèce, dès lors qu’il s’agit d’un produit qui est « comparable » au « Scotch Whisky » mais n’est pas d’origine écossaise. Elle estime que la question posée concerne, néanmoins, aussi la seconde hypothèse visée audit article 16, sous a), au motif que le fait que les produits soient comparables n’exclurait pas une exploitation de la réputation de l’indication géographique protégée. Je note que la juridiction de renvoi n’a pas pris position à ce sujet, mais que la Cour a déjà jugé que « [lorsque] les produits non couverts par une indication géographique sont des boissons spiritueuses, il semble légitime de considérer qu’il puisse s’agir de produits comparables à la boisson spiritueuse enregistrée sous cette indication géographique » (arrêt du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac, C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, point 54).


20      Souligné par mes soins.


21      Voir, par analogie, l’arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 114 et suiv.), où sont évoqués des critères d’association entre le signe litigieux et la dénomination protégée qui tiennent à la perception, par le public pertinent, « d’une unité logique et conceptuelle » ou d’une « référence géographique au vin de Porto bénéficiant de l’appellation d’origine en cause ».


22      De même, dans ses conclusions relatives à l’affaire Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C‑393/16, EU:C:2017:581, points 42 et suiv.), l’avocat général Campos Sánchez‑Bordona a également estimé, au sujet d’une disposition équivalente audit article 16, sous a), que la notion d’« utilisation commerciale directe ou indirecte » pouvait couvrir un usage de l’appellation d’origine protégée (dans la présente affaire, l’indication géographique protégée) non seulement sous une forme identique, mais aussi sous une forme similaire.


23      La Commission précise que la nécessité que l’indication géographique elle-même soit utilisée n’exclurait toutefois pas une traduction de celle-ci, en ajoutant que ce cas de figure ne se présente néanmoins manifestement pas en l’espèce.


24      Le gouvernement néerlandais donne l’exemple – fictif – d’une utilisation commerciale indirecte de l’indication géographique protégée « Scotch Whisky » dans le cadre d’une campagne publicitaire qui serait formulée comme suit : « Glen Buchenbach a le goût du Scotch Whisky ».


25      Voir aussi la doctrine citée par la décision de renvoi qui est évoquée à la note en bas de page 15 des présentes conclusions.


26      Voir arrêts du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, points 56 et 57), ainsi que du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 33 à 35).


27      S’agissant de l’interprétation dudit article 16, sous b), voir la réponse à la deuxième question préjudicielle qui est évoquée aux points 48 et suiv. des présentes conclusions.


28      Voir, également, le considérant 1 du règlement nº 110/2008, de même que l’exposé des motifs de la proposition de la Commission, du 15 décembre 2005, ayant conduit à l’adoption de cet instrument [Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la définition, la désignation, la présentation et l’étiquetage des boissons spiritueuses, COM(2005) 125 final, p. 2], où était relevée la nécessité d’améliorer la clarté des règles du droit de l’Union jusqu’alors applicables en matière de boissons spiritueuses.


29      Souligné par mes soins.


30      Voir le point cité à la note en bas de page 16 des présentes conclusions, à l’égard duquel TSWA fait valoir que la version en langue allemande (qui mentionne seulement une « association ») est plus restrictive que les versions en langues espagnole, anglaise, française ou italienne (qui mentionnent une « association d’idées ») et que cette dernière formulation, plus large, devrait être privilégiée, de sorte que l’« association » se rapporte au champ de l’esprit que fait naître l’indication géographique, et non à une association avec l’indication géographique elle-même.


31      Les buts ainsi visés par ledit article 16 sont mis en exergue dans les arrêts du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, point 47), ainsi que du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 23 et 24).


32      À savoir l’article 118 quaterdecies, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO 2007, L 299, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 491/2009 du Conseil, du 25 mai 2009 (JO 2009, L 154, p. 1).


33      Sur les similitudes existant entre l’article 16 du règlement nº 110/2008 et l’article 118 quaterdecies, paragraphe 2, du règlement nº 1234/2007, voir arrêt du 20 décembre 2017, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C‑393/16, EU:C:2017:991, points 18, 34, 39 et 40), ainsi que conclusions de l’avocat général Campos Sánchez‑Bordona dans l’affaire Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C‑393/16, EU:C:2017:581, point 60 et note 16).


34      Aux termes de l’arrêt du 20 décembre 2017, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C‑393/16, EU:C:2017:991, point 38), « en ce qui concerne la protection des [appellations d’origine protégées] et des [indications géographiques protégées], le règlement nº 1234/2007 constitue un instrument de la politique agricole commune visant essentiellement à assurer aux consommateurs que des produits agricoles revêtus d’une indication géographique enregistrée au titre de ce règlement présentent, en raison de leur provenance d’une zone géographique déterminée, certaines caractéristiques particulières et, partant, offrent une garantie de qualité due à leur provenance géographique, dans le but de permettre aux opérateurs agricoles ayant consenti des efforts qualitatifs réels d’obtenir en contrepartie de meilleurs revenus et d’empêcher que des tiers ne tirent abusivement profit de la réputation découlant de la qualité de ces produits » (souligné par mes soins).


35      Je rappelle que l’article 15, paragraphe 4, du règlement nº 110/2008 exige que « [l]es boissons spiritueuses portant une indication géographique enregistrée à l’annexe III répondent à toutes les spécifications arrêtées dans la fiche technique visée à l’article 17, paragraphe 1 ».


36      Voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, point 46), ainsi que du 20 décembre 2017, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C‑393/16, EU:C:2017:991, points 39 et 40).


37      À savoir, « Swabian [...] Whisky » (en français, whisky souabe), « Deutsches Erzeugnis » (produit allemand), « Hergestellt in den Berglen » (fabriqué dans les Berglen).


38      TSWA propose de reformuler en ces termes la seconde partie de la première question préjudicielle, aux motifs que la notion de « contexte » (« Umfeld » en allemand, langue de la présente procédure) qui y est employée par la juridiction de renvoi ne ressort ni du règlement nº 110/2008 ni de la jurisprudence de la Cour, et qu’il conviendrait donc de se référer plutôt aux notions de « présentation », d’« étiquetage » et d’« emballage » définies aux points 15 à 17 de l’annexe I de ce règlement, lesquelles apparaîtraient évoquées en substance par cette question, au vu des motifs de la décision de renvoi.


39      M. Klotz, le gouvernement français et la Commission ne prennent aucune position à ce sujet, compte tenu de la réponse qu’ils proposent d’apporter à la première partie de la première question préjudicielle.


40      Pour les raisons indiquées au point 42 des présentes conclusions.


41      Voir aussi point 40 des présentes conclusions.


42      Ledit article 16, sous b), spécifie également qu’il est indifférent que « l’indication géographique [soit] utilisée dans la traduction ou accompagnée d’une expression telle que “comme”, “type”, “style”, “élaboré”, “arôme” ou tout autre terme similaire ». En effet, malgré l’emploi de telles expressions supposément correctrices, le consommateur reste induit en erreur par le message véhiculé par la désignation principale, qui opère un rattachement indu à ladite indication.


43      Sur l’éventuelle pertinence du contexte entourant l’élément litigieux au regard de l’article 16, sous b), du règlement nº 110/2008, voir la réponse à la seconde partie de la deuxième question préjudicielle évoquée aux points 69 et suiv. des présentes conclusions.


44      Arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 21 et jurisprudence citée).


45      Telle qu’elle se présentait, selon l’exemple donné par la juridiction de renvoi, entre la dénomination litigieuse « Verlados » et l’indication géographique enregistrée « Calvados » dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35).


46      En effet, l’élément litigieux « Glen » diffère, à l’évidence, tant phonétiquement que visuellement de l’indication géographique enregistrée « Scotch Whisky ».


47      Je précise que les gouvernements français et italien mettent aussi l’accent sur le critère de la « proximité conceptuelle », toutefois, ils centrent la réponse qu’ils proposent non pas sur ce critère, mais sur le critère de l’« association » évoqué par la juridiction de renvoi.


48      Arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 21 et jurisprudence citée).


49      À l’inverse, il y a non pas une simple « évocation », mais une « utilisation », au sens d’une disposition analogue au point a) de l’article 16 du règlement nº 110/2008, lorsque la dénomination protégée est incorporée en intégralité dans celle de la denrée alimentaire pour indiquer le goût de celle‑ci (voir arrêt du 20 décembre 2017, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, C‑393/16, EU:C:2017:991, points 57 et 58).


50      S’agissant des désignations contestées « Cambozola », « parmesan », « KONJAKKI », « Verlados » et « Port Charlotte », voir, respectivement, arrêts du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, point 25) ; du 26 février 2008, Commission/Allemagne (C‑132/05, EU:C:2008:117, point 44) ; du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, point 56) ; du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 21), ainsi que du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, point 122).


51      Voir, notamment, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 21, 32, 35 et 48 ainsi que jurisprudence citée). Selon la Commission, ce critère jurisprudentiel implique qu’une association se crée, de manière immédiate et précise, entre le produit concerné et l’indication géographique protégée.


52      Arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 22), souligné par mes soins.


53      Arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 25, 28 et 48).


54      Voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 122 à 125).


55      Voir, notamment, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 33, 34, 38 à 40 et 48 ainsi que jurisprudence citée).


56      À savoir toutes les parties, à l’exception de M. Klotz et du gouvernement néerlandais.


57      Voir, en particulier, arrêts du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, point 27) ; du 26 février 2008, Commission/Allemagne (C‑132/05, EU:C:2008:117, point 46) ; du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, points 57 et 58), ainsi que du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 38 à 40).


58      Voir point 55 des présentes conclusions.


59      Voir arrêts du 26 février 2008, Commission/Allemagne (C‑132/05, EU:C:2008:117, points 47 et 48), ainsi que du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 35).


60      Étant précisé qu’il est indifférent que le consommateur européen moyen ne risque pas de confondre le produit litigieux avec un produit qui porte légitimement la dénomination protégée en cause (voir la jurisprudence évoquée au point 79 des présentes conclusions).


61      Finalités analysées aux points 34 et suiv. des présentes conclusions.


62      Souligné par mes soins.


63      Voir points 31 et suiv. des présentes conclusions.


64      Voir, par analogie, arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 80 et 81).


65      À cet égard, M. Klotz vise, notamment, l’arrêt du 20 mai 2003, Consorzio del Prosciutto di Parma et Salumificio S. Rita (C‑108/01, EU:C:2003:296, point 66 et jurisprudence citée).


66      Pays d’origine tel que énoncé, à l’annexe III du règlement nº 110/2008, pour l’indication géographique protégée « Scotch Whisky ».


67      Le gouvernement néerlandais souligne, à juste titre, les liens existant entre la protection conférée par le règlement nº 110/2008 aux indications géographiques et la liberté dont jouissent les entreprises de choisir un nom de produit, qu’il soit ou non protégé en droit des marques, étant observé que ledit règlement vise à éviter qu’il ne soit fait une utilisation abusive de la dénomination « Scotch Whisky » pour du whisky qui n’aurait pas été produit en Écosse, tandis que la protection individuelle de la marque vise à donner à une entreprise la possibilité de se distinguer et d’empêcher des tiers d’utiliser la marque protégée (sur les liens établis avec le droit des marques par l’article 23 de ce règlement, voir Blakeney, M., The protection of geographical indications, Law and practice, Edward Elgar Publishing, Cheltenham, 2014, p. 286).


68      Il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’une procédure visée à l’article 267 TFUE, qui repose sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits relève de la compétence exclusive du juge national (voir, notamment, arrêts du 8 mai 2008, Danske Svineproducenter, C‑491/06, EU:C:2008:263, point 23, ainsi que du 25 octobre 2017, Polbud – Wykonawstwo, C‑106/16, EU:C:2017:804, point 27), et ce d’autant plus que la Cour ne dispose pas nécessairement de tous les éléments indispensables à cet égard (voir, notamment, arrêts du 21 juin 2007, Omni Metal Service, C‑259/05, EU:C:2007:363, point 15, ainsi que du 9 février 2017, Madaus, C‑441/15, EU:C:2017:103, point 35).


69      Voir la jurisprudence citée à la note en bas de page 9 des présentes conclusions.


70      Selon TSWA, le signe litigieux, à savoir « Glen », est issu du gaélique écossais et est utilisé particulièrement en Écosse comme un nom de lieu usuel et très largement comme élément du nom des whiskys écossais, auxquels les consommateurs européens et allemands associeraient ce mot en tout premier lieu. En revanche, selon M. Klotz, ce terme ne marque pas une origine écossaise, car il est un mot courant en anglais, qui vient du gaélique irlandais et est porté par de nombreuses villes, rivières et vallées situées hors de l’Écosse, ainsi que par des whiskys produits dans le reste du monde.


71      La Commission indique que TSWA avait tenté, sans succès, d’empêcher l’enregistrement de la marque « Glen Breton » par la distillerie Glenora établie en Nouvelle-Écosse (Canada) [voir arrêt de la Cour d’appel fédérale, Canada, du 22 janvier 2009, Glenora Distillers International Ltd v. The Scotch Whisky Association, 2009 FCA 16, (2010) 1 F.C.R. 195]. Elle ajoute que, en revanche, TSWA ne s’était pas opposée à l’enregistrement en Allemagne, en 2013, de la marque « Glen Buchenbach » en cause au principal. Je relève que TSWA a aussi échoué à faire interdire, en France, l’usage de la marque « Wel Scotch » pour une bière, sur le fondement des articles 10 et 16 du règlement nº 110/2008 (voir arrêt de la Cour de cassation, Chambre commerciale, du 29 novembre 2011, 10-25.703, publié au bulletin).


72      M. Klotz précise que cette énumération n’est pas exhaustive, en mentionnant le whisky « Old Glen Malt Whisky » produit au Kentucky (États-Unis) et le whisky produit en Australie par la Castle Glen Distillery. Il convient, cependant, de rappeler que, pour que ces données soient déterminantes, il faudrait établir que le consommateur européen moyen en a conscience.


73      La Commission fait valoir que le terme « Glen » ne crée pas de lien suffisant avec l’indication géographique protégée « Scotch Whisky », étant donné que les whiskys écossais ne sont pas tous commercialisés sous la désignation « Glen », que ce terme n’est pas une dénomination qui serait communément employée par les consommateurs pour le whisky écossais, qu’il est non pas un mot d’origine uniquement écossaise, mais gaélique et aussi employé en Irlande, et que le sondage évoqué se limite au marché allemand et ne caractérise pas une association d’idées automatique.


74      Tel que défini dans la jurisprudence de la Cour évoquée au point 56 des présentes conclusions.


75      La Commission relève qu’il ne peut être exclu que l’emploi du mot « Glen », qui n’a pas de signification autonome en allemand, ait pour but de conférer un certain prestige au produit concerné, puisqu’il est aussi utilisé pour certains whiskys haut de gamme, mais qu’il apparaît, cependant, qu’il ne s’agit ici que d’une habile stratégie commerciale, compte tenu de l’absence de lien suffisant avec l’indication enregistrée « Scotch Whisky ».


76      Voir point 65 des présentes conclusions.


77      Sur les indications fournies par l’étiquette du produit en cause au principal concernant son origine allemande, voir note en bas de page 37 des présentes conclusions.


78      Selon M. Klotz, il faudrait nécessairement tenir compte de ce que l’élément litigieux « Glen » est incorporé dans le signe d’ensemble « Glen Buchenbach » et qu’il est assorti, sur l’étiquette, de nombreuses mentions indiquant la véritable origine du produit, dont le consommateur prendrait connaissance en même temps que le signe « Glen Buchenbach » dans sa globalité.


79      Au sujet de cette formulation particulière de la réponse proposée, voir les observations de TSWA évoquées à la note en bas de page 38 des présentes conclusions.


80      Voir le rappel de ces autres précisions fait à la note en bas de page 42 des présentes conclusions.


81      Vecteurs possibles d’informations qui sont visés non seulement aux points 14 à 17 de l’annexe I du règlement nº 110/2008 (où ces quatre notions sont définies), mais également de façon expresse à son article 16, sous c), lequel fait référence aux indications contenues dans « la désignation, la présentation ou l’étiquetage » du produit (trois termes figurant aussi dans l’intitulé dudit règlement). Sur l’interprétation sollicitée de cette dernière disposition, voir points 84 et suiv. des présentes conclusions.


82      Voir arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 43 et jurisprudence citée), ainsi que, par analogie, arrêt du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, points 29 et 43).


83      Voir arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 45, 51 et 52 ainsi que jurisprudence citée). Voir aussi, s’agissant de l’appellation d’origine protégée « Porto/Port » et de la marque « Port Charlotte », conclusions de l’avocat général Campos Sánchez‑Bordona dans l’affaire EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:394, points 95 et suiv.), ainsi que arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, point 123).


84      Arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 11, 12, 29, 49 et suiv.), concernant une boisson dénommée « Verlados », à l’égard de laquelle il était invoqué que ce nom faisait référence au nom de l’entreprise (Viiniverla) ainsi qu’au village (Verla, Finlande) où cette boisson était fabriquée, et non à l’indication géographique française « Calvados ».


85      Dans l’arrêt du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola (C‑87/97, EU:C:1999:115, points 27 et 28), la Cour a, certes, estimé pertinent que le juge national prenne en compte un document publicitaire semblant indiquer que l’analogie phonétique entre les dénominations « Cambozola » et « Gorgonzola » n’était pas le fruit de circonstances fortuites, mais cela seulement aux fins de caractériser cette analogie, et donc de fonder la qualification d’« évocation ».


86      Arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, points 42 et suiv.).


87      Est tout aussi dénué de pertinence le fait que le produit ne soit, le cas échéant, commercialisé que localement et/ou en faibles quantités (arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla, C‑75/15, EU:C:2016:35, points 46 et 47).


88      Voir arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla (C‑75/15, EU:C:2016:35, point 27).


89      En l’espèce, les mentions « Swabian [souabe] », « Deutsches Erzeugnis [produit allemand] » et « Hergestellt in den Berglen [fabriqué dans les Berglen] », figurant sur l’étiquette du produit.


90      Cette juridiction précise que, selon elle, ce n’est que si le contexte ne joue aucun rôle qu’elle devra décider si le terme « Glen » induit en erreur le public visé. En revanche, si le contexte devait être pris en compte, TSWA ne pourrait pas fonder son recours sur l’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008, étant donné que ce recours vise une interdiction pure et simple de l’usage dudit terme, nonobstant la présence éventuelle d’indications dites « délocalisantes ».


91      Plus précisément, selon le gouvernement néerlandais, « [i]l ne saurait être question d’une indication fausse ou fallacieuse, au sens de l’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008, s’il n’est aucunement fait référence à une indication géographique, ou un terme correspondant à cette indication et sa traduction, et qu’en outre l’étiquette du produit indique clairement la provenance de la boisson spiritueuse » (souligné par mes soins). S’agissant du premier élément de la réponse ainsi proposée, ce gouvernement invoque le point 60 de l’arrêt du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484), où est mentionnée « l’utilisation d’une marque contenant une indication géographique, ou un terme correspondant à cette indication et sa traduction », mention qui m’apparaît toutefois être propre aux circonstances factuelles de ladite affaire (voir, notamment, points 16 et 38 de l’arrêt).


92      Langue de la présente procédure.


93      Il y a aussi une variation dans la version en langue espagnole [« todo » suivi du singulier dans les points a) et b) ; « cualquier » dans les points c) et d), mais sans l’emploi du pluriel présent dans la version en langue allemande]. En revanche, un mot identique, et dont le sens évoque un élément pris isolément dans un ensemble, est utilisé, en étant suivi du singulier, tant au point c) qu’aux points a), b) et d), notamment, dans les versions en langues danoise (« enhver »), anglaise (« any »), française (« toute »), italienne (« qualsiasi »), portugaise (« qualquer ») et suédoise (« varje »).


94      Voir, notamment, arrêts du 26 juillet 2017, Mengesteab (C‑670/16, EU:C:2017:587, point 82), ainsi que du 12 octobre 2017, Lombard Ingatlan Lízing (C‑404/16, EU:C:2017:759, point 21).


95      Sur le système normatif dans lequel s’intègre l’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008 et les objectifs de ce dernier, voir points 95 et suiv. des présentes conclusions.


96      Y compris dans la version en langue allemande dudit article 16, sous c).


97      Il m’apparaît que cette expression précise seulement que l’indication suspectée d’être fausse ou fallacieuse peut se trouver sur l’un ou l’autre des trois supports mentionnés, sans trancher la question de savoir si ladite indication doit être examinée de façon isolée ou en combinaison avec les autres informations éventuellement aussi présentes dans la désignation, la présentation ou l’étiquetage.


98      Le gouvernement français estime également que, aux fins d’apprécier si l’indication litigieuse est « de nature à créer une impression erronée sur l’origine » au sens du point c) dudit article 16, la perception pertinente devrait être celle d’un « consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé », comme la Cour l’a jugé s’agissant du point b) de ce même article (voir arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla, C‑75/15, EU:C:2016:35, point 28). Je note, toutefois, que la Cour n’est pas interrogée à ce sujet dans la présente affaire.


99      Réponse selon laquelle il n’y a pas lieu de tenir compte des éléments de contexte entourant le signe litigieux pour déterminer s’il existe une « évocation » au sens dudit point b) (voir points 69 et suiv. des présentes conclusions).


100      Sur les objectifs visés par les règles en cause, voir points 98 et suiv. des présentes conclusions.


101      Selon la Commission, « [l]e troisième cas de protection, prévu au point c), se distingue des deux premiers dans la mesure où le terme litigieux ne crée pas automatiquement chez le consommateur une association avec l’indication géographique enregistrée ».


102      À savoir l’article 118 quaterdecies, paragraphe 2, du règlement nº 1234/2007 (voir aussi notes en bas de page 32 et 33 des présentes conclusions).


103      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (C‑393/16, EU:C:2017:581, points 46 et 104).


104      Voir points 36 et suiv. des présentes conclusions.


105      À savoir « toute autre indication fausse ou fallacieuse [...] figurant dans la désignation, la présentation ou l’étiquetage du produit ».


106      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 2000, L 109, p. 29).


107      Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) nº 1924/2006 et (CE) nº 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) nº 608/2004 de la Commission (JO 2011, L 304, p. 18).


108      La Commission soutient que son avis, prônant un examen d’ensemble de l’étiquette, « concorde avec la jurisprudence sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, [sous] a), du règlement nº 1169/20[1]1, dans laquelle l’impression d’ensemble compte également », en citant les arrêts du 10 septembre 2009, Severi (C‑446/07, EU:C:2009:530, points 58 et suiv.), ainsi que du 4 juin 2015, Teekanne (C‑195/14, EU:C:2015:361, points 36 à 42). Les passages cités portent, en fait, sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13, qui prévoit que l’étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à induire l’acheteur en erreur, notamment sur les caractéristiques de la denrée alimentaire, particulièrement sur la nature, l’identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, l’origine ou la provenance, le mode de fabrication ou d’obtention de cette denrée, disposition qui équivaut en substance à celle, susmentionnée, de l’article 7 du règlement nº 1169/2011.


109      Aux termes des considérants 4 et 5 de la directive 2000/13, celle-ci a pour objet « d’édicter les règles communautaires, à caractère général et horizontal, applicables à l’ensemble des denrées alimentaires mises dans le commerce », alors que « les règles à caractère spécifique et vertical, visant certaines denrées alimentaires déterminées seulement, doivent être arrêtées dans le cadre des dispositions régissant ces produits ».


110      Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2000/13.


111      Le considérant 9 du règlement nº 110/2008 souligne cette dissemblance avec la directive 2000/13, même si certaines dispositions dudit règlement (notamment, article 8, article 9, paragraphe 9, et article 11, paragraphe 4) renvoient à celle-ci.


112      Voir, également, sur les différences entre la directive 2000/13 et le règlement (CEE) nº 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO 1992, L 208, p. 1), arrêt du 10 septembre 2009, Severi (C‑446/07, EU:C:2009:530, point 58), et conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Severi (C‑446/07, EU:C:2009:289, points 47 à 49).


113      Comme cela résulte de l’intitulé de l’article 7 du règlement nº 1169/2011, qui correspond à l’article 2 de la directive 2000/13 (voir note en bas de page 108 des présentes conclusions).


114      Comme cela résulte de l’intitulé dudit article 16.


115      Dans l’arrêt du 4 juin 2015, Teekanne (C‑195/14, EU:C:2015:361, points 37 à 44), la Cour a jugé que les juridictions nationales doivent procéder à un examen d’ensemble des différents éléments composant l’étiquetage, notamment la liste des ingrédients présente sur l’emballage.


116      Dans l’arrêt du 10 septembre 2009, Severi (C‑446/07, EU:C:2009:530, points 62 et 63), la Cour a jugé que les juridictions nationales peuvent tenir compte de la durée de l’utilisation de la dénomination, mais non de l’éventuelle bonne foi du fabricant ou du détaillant.


117      Étant rappelé que l’article 16, sous c), du règlement nº 110/2008 vise, quant à lui, le cas d’une « indication [...] de nature à créer une impression erronée sur l’origine ».


118      Voir arrêts du 10 septembre 2009, Severi (C‑446/07, EU:C:2009:530, points 59 et 63), ainsi que du 4 juin 2015, Teekanne (C‑195/14, EU:C:2015:361, points 27 à 29).


119      Voir, notamment, point 66 des présentes conclusions.


120      Voir aussi note en bas de page 75 des présentes conclusions.


121      La Commission souligne, à juste titre, que l’étiquette, loin de renforcer le vague effet de la désignation « Glen », comporte, au contraire, une série d’informations, en caractères d’une taille suffisamment visible, qui rendent impossible qu’un consommateur puisse croire que le produit est écossais. En effet, non seulement le mot « Glen » est utilisé conjointement avec le nom de lieu « Buchenbach », manifestement à consonance allemande, mais il est en outre précisé qu’il s’agit d’un whisky « souabe », d’un « produit allemand », fabriqué par la distillerie Waldhorn située à Berglen, informations surmontées du dessin stylisé d’un cor de chasse (« Waldhorn » en allemand) qui, à la différence d’une cornemuse, n’est pas typique de l’Écosse.