Language of document : ECLI:EU:F:2011:148

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

20 septembre 2011 (*)

« Fonction publique – Recrutement – Concours – Conditions d’admission – Diplôme requis – Notion de diplôme sanctionnant un niveau d’enseignement secondaire et donnant accès à l’enseignement supérieur – Décisions du jury de concours – Nature du contrôle exercé par l’autorité investie du pouvoir de nomination »

Dans l’affaire F‑117/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Barry Van Soest, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Etterbeek (Belgique), représenté par Me S. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, M. H. Kreppel (rapporteur) et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 12 novembre 2010 (le dépôt de l’original étant intervenu le 19 novembre suivant), M. Van Soest demande, à titre principal, l’annulation de la décision de la Commission européenne de ne pas le recruter en dépit de sa réussite au concours EPSO/AST/41/07.

 Faits à l’origine du litige

2        Le 17 juillet 2007, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 163 A, p. 3) l’avis de concours général sur épreuves EPSO/AST/41/07, pour la constitution d’une réserve de recrutement d’assistants dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (informatique) (ci-après l’« avis de concours »).

3        Les conditions d’admission, relatives aux titres ou aux diplômes, étaient définies au titre II, A, point 3, sous a), de l’avis de concours de la manière suivante :

« Les candidats doivent avoir :

i)      un niveau d’enseignement supérieur sanctionné par un diplôme dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (informatique) ;

ou

ii)      un niveau d’enseignement secondaire, général ou professionnel, sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur, suivi d’une expérience professionnelle d’une durée minimale de trois ans en rapport avec la nature des fonctions.

[…] »

4        Le requérant, qui était titulaire d’un « certificaat hoger algemeen voortgezet onderwijs » (ci-après le « certificaat Havo »), délivré par le Het Nieuwe Lyceum de Bilthoven (Pays-Bas) en 1995, et qui travaillait depuis dans le secteur informatique, a présenté sa candidature au concours EPSO/AST/41/07.

5        Après avoir passé avec succès les épreuves écrites et orales du concours EPSO/AST/41/07, le requérant a été inscrit sur la liste de réserve de ce concours, laquelle a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 19 février 2009 (C 41 A, p. 4).

6        Le requérant ayant été sélectionné pour un poste auprès de la direction générale (DG) « Transports et énergie » de la Commission, la DG « Ressources humaines et sécurité » a toutefois considéré, en procédant à la constitution du dossier de recrutement du requérant, que l’intéressé ne justifiait pas d’un diplôme de l’enseignement secondaire donnant accès à l’enseignement supérieur.

7        En conséquence, par une lettre du 20 janvier 2010, l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission (ci-après l’« AIPN ») a informé le requérant qu’il avait été mis fin à la procédure de recrutement (ci-après la « décision litigieuse »).

8        Par courriel du 19 avril 2010, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse.

9        Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 13 août 2010 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision litigieuse ;

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission aux frais de la procédure.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 Observation liminaire

12      À l’audience, le requérant a fait valoir qu’il aurait reçu, le 6 mai 2011, un courriel émanant de la DG « Traduction » de la Commission l’invitant à passer un entretien en vue d’un éventuel recrutement. Selon l’intéressé, un tel courriel pourrait être regardé comme révélant un retrait par la Commission de la décision litigieuse. Toutefois, dans la mesure où la Commission a répondu à l’audience que la décision litigieuse n’avait pas été retirée et que seule la DG « Ressources humaines et sécurité » était compétente pour recruter des fonctionnaires, il convient de considérer que le recours conserve son objet.

 En droit

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation

13      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8 ; voir également arrêt du Tribunal du 9 juillet 2009, Hoppenbrouwers/Commission, F‑104/07, point 31). Dans ces conditions, compte tenu du fait que la décision de rejet de la réclamation est dépourvue de contenu autonome, il convient d’analyser les conclusions tendant à son annulation comme dirigées contre la décision litigieuse.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse

 Arguments des parties

14      À l’appui des conclusions susmentionnées, le requérant soulève trois moyens.

15      En premier lieu, le requérant fait valoir que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant qu’il ne satisfaisait pas à la condition prescrite par le titre II, A, point 3, sous a), ii), de l’avis de concours, à savoir posséder « un niveau d’enseignement secondaire, général ou professionnel, sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur ». Le requérant explique en effet que le certificaat Havo dont il est titulaire lui aurait permis, en 2009, d’accéder à un établissement d’enseignement professionnel supérieur (« hoger beroepsonderwijs », ci-après « HBO »), sans avoir à se soumettre à un examen et en justifiant seulement de son aptitude à en suivre la formation.

16      En deuxième lieu, le requérant soutient que la décision litigieuse serait entachée d’une erreur de droit ou, à tout le moins, d’un « excès de pouvoir », car, en l’adoptant, la Commission aurait entendu non pas sanctionner une éventuelle erreur manifeste d’appréciation commise par le jury du concours EPSO/AST/41/07, mais substituer sa propre appréciation à celle exprimée par celui-ci.

17      En troisième lieu, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il aurait effectivement été inscrit irrégulièrement sur la liste de réserve du concours EPSO/AST/41/07, le requérant prétend que la Commission n’aurait pas dû se borner à mettre fin à la procédure tendant à son recrutement, mais aurait dû annuler le concours EPSO/AST/41/07 et organiser un nouveau concours.

18      En défense, la Commission demande au Tribunal d’écarter les trois moyens soulevés par le requérant, faisant en particulier remarquer que le certificaat Havo ne sanctionnerait pas l’achèvement d’un cycle complet de l’enseignement secondaire. La Commission ajoute que l’intéressé n’aurait été accepté par un établissement HBO qu’en raison de l’expérience professionnelle acquise postérieurement à l’obtention du certificaat Havo.

 Appréciation du Tribunal

19      En premier lieu, concernant la question de savoir si le requérant satisfaisait à la condition de diplôme prescrite par le titre II, A, point 3, sous a), ii), de l’avis de concours, il importe de rappeler que la notion de diplôme de l’enseignement secondaire donnant accès à l’enseignement supérieur renvoie à un diplôme qui, d’une part, sanctionne l’achèvement d’un cycle complet de l’enseignement secondaire, d’autre part, donne accès par lui-même à tout ou partie de l’enseignement supérieur (arrêt du Tribunal du 30 novembre 2009, Zangerl-Posselt/Commission, F‑83/07, points 49 et 58).

20      Or, en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, dans le système éducatif des Pays-Bas, le « diploma hoger algemeen voortgezet onderwijs » (ci-après le « diploma Havo »), qui sanctionne l’achèvement de l’enseignement secondaire supérieur général (« Hoger algemeen voortgezet onderwijs – Havo ») et certifie que l’élève a réussi un examen final couvrant au moins six matières, donne accès à l’enseignement supérieur. En revanche, le certificaat Havo, qui atteste de la réussite par l’élève de seulement certaines des six matières requises pour le diploma Havo et ne peut donc être regardé comme sanctionnant l’achèvement d’un cycle complet de l’enseignement secondaire, ne donne pas accès par lui-même à tout ou partie de l’enseignement supérieur.

21      C’est donc sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que l’AIPN a estimé que le requérant, qui n’était titulaire que d’un certificaat Havo attestant qu’il avait passé avec succès, en 1995, trois des six matières requises pour l’obtention du diploma Havo, ne justifiait pas d’un diplôme de l’enseignement secondaire donnant accès à l’enseignement supérieur au sens du titre II, A, point 3, sous a), ii), de l’avis de concours.

22      Certes, l’intéressé prétend que le certificaat Havo lui aurait permis d’accéder, sans avoir à se soumettre à un examen mais en justifiant seulement de son aptitude à en suivre la formation, à un établissement HBO. Toutefois, outre qu’une telle allégation, au demeurant imprécise, n’est étayée par aucun élément probant du dossier, la Commission a fait valoir, sans être contredite par le requérant, que celui-ci avait été admis dans cet établissement en considération de l’expérience professionnelle qu’il avait acquise postérieurement à l’obtention du certificaat Havo, et non pas uniquement parce qu’il en était titulaire.

23      Il s’ensuit que le premier moyen doit être écarté.

24      En deuxième lieu, il résulte d’une jurisprudence constante que l’AIPN est tenue, dans l’exercice de ses propres compétences, de prendre des décisions exemptes d’illégalités. Elle ne saurait donc se trouver liée par des décisions de jurys de concours dont l’illégalité serait susceptible d’entacher, par voie de conséquence, ses propres décisions (arrêt de la Cour du 23 octobre 1986, Schwiering/Cour des comptes, 142/85, point 19 ; arrêts du Tribunal de première instance du 16 mars 2005, Ricci/Commission, T‑329/03, point 35, et du 15 septembre 2005, T‑306/04, Luxem/Commission, point 23). Par conséquent, lorsque le jury d’un concours admet à tort un candidat à concourir et le classe par la suite sur la liste de réserve, l’AIPN doit refuser de procéder à la nomination de ce candidat par une décision motivée, permettant au juge d’en apprécier le bien-fondé (voir, en ce sens, arrêt Schwiering/Cour des comptes, précité, point 20 ; arrêts Ricci/Commission, précité, point 35, et Luxem/Commission, précité, point 23).

25      En l’espèce, dès lors que le jury du concours EPSO/AST/41/07 avait à tort inscrit le requérant, qui ne justifiait pas du diplôme requis par l’avis de concours, sur la liste de réserve, l’AIPN était tenue de mettre fin à la procédure de recrutement de l’intéressé. Dans ces conditions, le deuxième moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d’une erreur de droit ou d’un « excès de pouvoir » ne saurait davantage être accueilli.

26      En troisième et dernier lieu, le requérant fait valoir, dans l’hypothèse où le Tribunal devrait estimer que le certificaat Havo ne constitue pas un « diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur », que l’AIPN aurait dû annuler le concours EPSO/AST/41/07 et organiser un nouveau concours. Toutefois, un tel moyen n’étant pas dirigé contre la décision litigieuse, il doit être écarté comme inopérant dans le cadre du présent litige.

27      Dans ces conditions, et alors qu’il importe de rappeler que la décision du jury du concours EPSO/AST/41/07 d’inscrire le requérant sur la liste d’aptitude n’a conféré à celui-ci aucun droit à être nommé fonctionnaire, les conclusions dirigées contre la décision litigieuse doivent être rejetées.

28      Il découle de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 dudit règlement, « [u]ne partie, même gagnante, peut être condamnée partiellement voire totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais qui sont jugés frustratoires ou vexatoires. »

30      En l’espèce, s’il résulte des motifs ci-dessus énoncés que le requérant est la partie qui succombe, il est constant que le requérant a été initialement inscrit par le jury de concours sur la liste de réserve du concours EPSO/AST/41/07 avant d’être finalement informé par l’AIPN, près d’un an plus tard, qu’il ne pourrait être recruté. Ainsi, le fait que le jury du concours EPSO/AST/41/07 avait estimé que le requérant satisfaisait aux conditions prévues prescrites par le titre II, A, point 3, sous a), de l’avis de concours explique que l’intéressé ait pu douter de bonne foi de la légalité de la décision litigieuse et, par suite, ait introduit le présent recours. Par ailleurs, il n’est aucunement établi, contrairement à ce que la Commission a affirmé lors de l’audience, que le requérant aurait commis une fraude en soumettant sa candidature audit concours. Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, et étant précisé que l’application de l’article 88 du règlement de procédure n’est pas restreint aux seules hypothèses où l’administration a fait exposer à un requérant des frais frustratoires ou vexatoires, il y a lieu de condamner la Commission à supporter les dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne supporte ses propres dépens ainsi que ceux exposés par M. Van Soest.

Gervasoni

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.