Language of document : ECLI:EU:T:2016:623

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

20 octobre 2016(*)

« Médicaments à usage humain – Article 31 de la directive 2001/83/CE – Article 116 de la directive 2001/83 – Substance active estradiol – Décision de la Commission ordonnant aux États membres le retrait et la modification des autorisations nationales de mise sur le marché des médicaments à usage topique contenant 0,01 % en poids d’estradiol – Charge de la preuve – Proportionnalité – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑672/14,

Dr. August Wolff GmbH & Co. KG Arzneimittel, établie à Bielefeld, (Allemagne),

Remedia d.o.o., établie à Zagreb (Croatie),

représentées par Mes P. Klappich, C. Schmidt et P. Arbeiter, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. B.-R. Killmann, Mme M. Šimerdová et M. A. Sipos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution C(2014) 6030 final de la Commission, du 19 août 2014, concernant, dans le cadre de l’article 31 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, les autorisations de mise sur le marché des médicaments topiques à usage humain à concentration élevée d’estradiol, dans la mesure où ladite décision oblige les États membres à observer les obligations qu’elle prévoit pour les médicaments à usage topique contenant 0,01 % en poids d’estradiol cités et non cités dans son annexe I, à l’exception de la restriction en vertu de laquelle les médicaments à usage topique contenant 0,01 % en poids d’estradiol cités dans la même annexe peuvent encore être appliqués uniquement par voie intravaginale,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédent du litige

1        Dr. August Wolff GmbH & Co. KG Arzneimittel (ci-après la « première requérante ») est titulaire des autorisations sur le marché (ci-après les « AMM ») délivrées par les autorités nationales compétentes des États membres que sont la République fédérale d’Allemagne, la République de Bulgarie, la Hongrie, la République tchèque, la République slovaque, la République de Lituanie, la République de Lettonie et la République d’Estonie pour le médicament Linoladiol N ou Gel Linoladiol N 0.1 mg/g ou Linoladiol N 0.1 mg/g vaginal cream (ci-après le « Linoladiol N »). Le Linoladiol N est fabriqué en Allemagne par Remedia d.o.o. (ci-après la « seconde requérante »), qui est titulaire de l’AMM du Linoladiol N en Croatie, où le médicament a été mis sur le marché sous la désignation Linoladiol N 0,01 % krema za rodnicu. Le Linoladiol N est également commercialisé en Autriche.

2        Le Linoladiol N est une crème destinée au traitement de troubles atrophiques du vagin et de la vulve chez la femme en période de ménopause. Le Linoladiol N contient, en tant que substance active, l’hormone estradiol à hauteur de 100 microgrammes par gramme.

3        Le Linoladiol N a été autorisé pour la première fois en Allemagne en 1978. Par décision du 26 septembre 2005, les autorités allemandes ont refusé de renouveler l’autorisation du Linoladiol N. La première requérante a tout d’abord introduit un recours contre cette décision devant le Verwaltungsgericht Köln (tribunal administratif de Cologne, Allemagne), lequel, par arrêt du 27 octobre 2009, a rejeté son recours. La première requérante a ensuite fait appel, devant l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur pour le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne).

4        Par un arrêt de l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur pour le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie), du 13 mars 2013 – 13 A 2671/09, ladite juridiction a annulé la décision de rejet du 26 septembre 2005 et a enjoint au Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (Institut fédéral pour les médicaments et les dispositifs médicaux, Allemagne, ci-après le « BfArM ») de statuer de nouveau sur la demande de renouvellement de l’autorisation du Linoladiol N, présentée par la première requérante, en tenant compte de son avis juridique.

5        Par décision du 11 juillet 2013, le BfArM a accordé le renouvellement de l’autorisation du Linoladiol N pour les présentations de 35 g avec applicateur, de 50 g avec applicateur, de 100 g avec applicateur et de 250 g avec applicateur.

6        En parallèle avec la procédure pendante devant l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur pour le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie), les autorités allemandes ont, le 24 mai 2012, saisi le comité des médicaments à usage humain (ci-après le « CHMP ») de l’Agence européenne des médicaments (EMA) à propos de Linoladiol N, en application de l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67).

7        Le 19 décembre 2013, le CHMP a rendu un avis provisoire (ci-après l’« avis provisoire du 19 décembre 2013 »).

8        Par lettre du 3 janvier 2014, la première requérante a demandé à l’EMA de réexaminer l’avis provisoire du 19 décembre 2013 dans la mesure où celui-ci concernait le Linoladiol N.

9        Le 25 avril 2014, le CHMP a adopté un avis définitif ci-après l’« avis final du 25 avril 2014 »).

10      Le CHMP a émis le 2 mai 2014 un rapport d’évaluation (ci-après le « rapport d’évaluation du 2 mai 2014 »), en application de l’article 32, paragraphe 5, du code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (ci-après le « code HUM »), qui sous-tend l’avis final du 25 avril 2014.

11      Le 19 août 2014, la Commission européenne a adopté la décision d’exécution C(2014) 6030 final (ci-après la « décision attaquée »). Il ressort de la décision attaquée que les AMM nationales de médicaments qui sont énumérées dans l’annexe I de cette décision doivent être modifiées par les États membres concernés conformément à l’annexe III de ladite décision.

12      La décision attaquée comporte, en annexe I, une « Liste reprenant les noms, les formes pharmaceutiques, le dosage du médicament, les voies d’administration, les titulaires de l’autorisation de mise sur le marché dans les États membres », en annexe II, un document intitulé « Conclusions scientifiques et motifs de la modification des termes des autorisations de mise sur le marché » (ci-après les « conclusions scientifiques »), en annexe III, un document intitulé « Modifications des rubriques concernées du résumé des caractéristiques du produit et de la notice » ainsi que, en annexe IV, les « Conditions des autorisations de mise sur le marché ».

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 septembre 2014, les requérantes ont introduit le présent recours.

14      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 30 septembre 2014, les requérantes ont introduit la demande en référé, dans laquelle elles concluaient, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution de la décision attaquée.

15      Par ordonnance du 15 décembre 2014, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé et les dépens ont été réservés.

16      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qui concerne les AMM des médicaments topiques à usage humain à concentration élevée d’estradiol dans la mesure où ladite décision oblige les États membres à observer les obligations qu’elle prévoit pour les médicaments à usage topique contenant 0,01 % en poids d’estradiol, cités et non cités dans son annexe I, à l’exception de la restriction en vertu de laquelle les médicaments à usage topique contenant 0,01 % en poids d’estradiol, cités, peuvent encore être appliqués uniquement par voie intravaginale ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité du recours

18      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’il s’agit d’établir la recevabilité d’un seul et même recours introduit par plusieurs parties requérantes et que le recours est recevable en ce qui concerne l’une d’entre elles, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres parties requérantes (voir arrêt du 9 septembre 2008, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑75/06, EU:T:2008:317, point 68 et jurisprudence citée).

19      Étant donné que la première requérante est, comme le reconnaît la Commission elle-même, directement et individuellement concernée par la décision attaquée, dans la mesure où elle est mentionnée dans l’annexe I de la décision attaquée, il n’est donc pas nécessaire d’examiner la qualité pour agir de la seconde requérante pour conclure à la recevabilité du recours.

20      Il résulte de tout ce qui précède que le recours est recevable.

2.     Sur le fond

21      À l’appui du recours, les requérantes avancent trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation des articles 31 et 32 du code HUM. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 116 du code HUM, lu en combinaison avec l’article 126 dudit code. Le troisième moyen est tiré de la violation de principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité et le principe d’égalité de traitement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 31 et 32 du code HUM

22      Le premier moyen comporte, en substance, quatre branches. La première est tirée de la violation des conditions prévues à l’article 31, paragraphe 1, première phrase, du code HUM. La deuxième branche est tirée de la violation de l’article 31, paragraphe 1, deuxième phrase, du code HUM. Selon les requérantes, la demande des autorités allemandes de saisir le CHMP aurait dû être soumise au comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (ci-après le « PRAC »). La troisième branche est tirée de la violation de l’article 32, paragraphe 2, du code HUM et du principe d’un examen diligent et impartial. La quatrième branche est tirée de la violation de l’article 32, paragraphe 2, du code HUM en ce que les requérantes n’ont pas été régulièrement entendues par le CHMP.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 31 du code HUM

23      La première branche du premier moyen est composée de quatre griefs.

–       Sur le premier grief de la première branche du premier moyen, tiré de la violation de l’article 31, paragraphe 1, première phrase, du code HUM

24      Les requérantes allèguent la violation des conditions formelles de l’ouverture d’une procédure au sens de l’article 31, paragraphe 1, première phrase, du code HUM. Selon les requérantes, l’article 31, paragraphe 1, première phrase, du code HUM prévoit expressément que la saisine doit intervenir avant qu’une décision ne soit prise quant à l’AMM d’un médicament. Or, le BfArM a déjà, par une décision du 26 septembre 2005, rejeté la demande de renouvellement de l’autorisation du Linoladiol N, décision que la première requérante a contestée devant les juridictions administratives allemandes. Par conséquent, en entamant la procédure en vertu de l’article 31, paragraphe 1, première phrase, du code HUM, le 24 mai 2012, la République fédérale d’Allemagne aurait donc saisi le CHMP non pas avant mais seulement après qu’une décision sur la demande de renouvellement de l’autorisation du Linoladiol N a été adoptée.

25      Selon les requérantes, par la décision du 26 septembre 2005, par laquelle les autorités allemandes ont rejeté la demande de renouvellement de l’autorisation du Linoladiol N, la République fédérale d’Allemagne avait déjà « pris » la décision, à savoir le refus de renouveler l’autorisation, et, par conséquent, avait terminé l’examen de la demande au sens de l’article 31 du code HUM. La procédure devant les juridictions administratives allemandes qui a suivi ne constituerait donc pas la suite du processus décisionnel.

26      La Commission s’oppose à ces arguments en faisant valoir en substance que, même dans l’hypothèse où la République fédérale d’Allemagne aurait ouvert la procédure au titre de l’article 31 du code HUM après une décision définitive sur le renouvellement de l’autorisation au sens du droit national, ce que la Commission conteste, cela n’équivaudrait pas à une violation de l’article 31 du code HUM. En effet, l’expression utilisée à l’article 31 du code HUM selon laquelle la procédure doit être ouverte avant qu’un État membre ne prenne une décision « sur toute autre modification des termes de l’autorisation de mise sur le marché » n’est pas une condition ayant un effet sur la légalité de la procédure en question. Cette disposition ne produit d’effet juridique qu’à l’égard de l’État membre, puisqu’elle sert uniquement à éviter que l’État membre qui engage la procédure ne préjuge lui-même l’issue de la procédure au titre de l’article 31 du code HUM.

27      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 31 du code HUM, figurant au chapitre 4, titre III, dudit code prévoit une procédure selon laquelle, « [d]ans des cas particuliers présentant un intérêt pour l’Union, les États membres, la Commission, le demandeur ou le titulaire de l’[AMM] saisissent le comité pour que la procédure visée aux articles 32, 33 et 34 soit appliquée avant qu’une décision ne soit prise sur la demande, la suspension ou le retrait de l’autorisation de mise sur le marché ou sur toute autre modification de l’autorisation de mise sur le marché apparaissant nécessaire ».

28      En l’espèce, par décision du 26 septembre 2005, les autorités allemandes ont rejeté la demande de renouvellement de l’autorisation du Linoladiol N. À l’issue des procédures juridictionnelles nationales entamées à l’encontre de la décision du 26 septembre 2005, par décision du 11 juillet 2013, le BfArM a accordé le renouvellement de l’autorisation du Linoladiol N selon les critères résultant du droit national. Entre-temps, le BfArM a saisi le CHMP le 24 mai 2012.

29      Ainsi, au regard du libellé de l’article 31 du code HUM, il n’est pas certain que l’adoption par une autorité nationale de toute décision sur la modification des termes de l’AMM empêche le déclenchement de la procédure prévue audit article. En d’autres termes, la question qui se pose est de savoir si l’adoption au niveau national d’un acte portant sur l’AMM, y compris s’agissant d’un acte qui a été contesté devant les juridictions nationales, prive les organes nationaux de la possibilité de consulter le CHMP.

30      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et des objectifs qu’elle poursuit, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union, la genèse de cette disposition pouvant également revêtir des éléments pertinents pour son interprétation (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 50).

31      En outre, il est de jurisprudence constante que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres, pour déterminer son sens et sa portée, doivent normalement trouver une interprétation autonome, qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêts du 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement, T‑43/90, EU:T:1992:120, point 36, et du 18 décembre 1992, Khouri/Commission, T‑85/91, EU:T:1992:121, point 32). Ce n’est que lorsqu’il ne peut déceler dans le droit de l’Union, ou dans les principes généraux du droit de l’Union, les éléments lui permettant de préciser le contenu et la portée d’une disposition par une interprétation autonome que le juge de l’Union peut, même en l’absence d’un renvoi exprès, être amené à se référer au droit des États membres pour l’application du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement, T‑43/90, EU:T:1992:120, point 36).

32      Par conséquent, il convient d’interpréter les conditions de la saisine du CHMP au sens de l’article 31, paragraphe 1, du code HUM au regard de la jurisprudence susmentionnée.

33      En premier lieu, il convient de rappeler la finalité de la procédure établie à l’article 31 du code HUM au regard des objectifs du code HUM.

34      Les objectifs du code HUM tels qu’ils figurent dans ses considérants 2 et 3 sont essentiellement de deux ordres. D’une part, toute réglementation en matière de production, de distribution ou d’utilisation des médicaments doit avoir comme objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique dans l’Union. D’autre part, ce but doit être atteint par des moyens qui ne puissent pas freiner indûment le développement de l’industrie pharmaceutique et les échanges de médicaments (conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Olainfarm, C‑104/13, EU:C:2014:342, point 20).

35      Le code HUM entend notamment ne pas entraver les échanges de médicaments entre États membres. Il a donc dû être assorti d’un mécanisme permettant aux États membres de continuer à délivrer des AMM en vertu de leur droit national, mais sur la base d’évaluations communes de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité de la substance active considérée, dès lors que la mise sur le marché concerne plusieurs États membres. En d’autres termes, l’objectif de la législation en vigueur est d’éviter les divergences dans les évaluations scientifiques de médicaments comparables, tant pour l’octroi d’AMM que pour la réévaluation de médicaments déjà autorisés. Un tel mécanisme doit également contribuer à protéger la santé, puisqu’il permet de garantir des normes élevées de qualité et de sécurité au sens de l’article 168, paragraphe 4, sous c), TFUE.

36      À cet effet, le code HUM prévoit une procédure, définie à son article 31, pour coordonner l’intervention des autorités compétentes. L’article 31 du code HUM énonce que la procédure prévue à cette fin doit être engagée, d’une part, en présence d’un intérêt pour l’Union et, d’autre part, avant que l’État membre ne prenne une décision sur les termes de l’AMM.

37      À l’issue de la procédure visée à l’article 31 du code HUM, la Commission peut adopter une décision, telle que la décision attaquée, obligeant les autorités nationales des États membres à modifier les AMM délivrées pour les médicaments concernés. Le résultat de la procédure est de coordonner et d’orienter dans un sens commun l’exercice des compétences nationales après l’octroi des autorisations (arrêt du 31 janvier 2006, Merck Sharp & Dohme e.a./Commission, T‑273/03, EU:T:2006:36, points 89 et 90).

38      La finalité de l’article 31 du code HUM, interprétée au regard des objectifs du code HUM, plaide donc en faveur de l’interprétation large des conditions de la saisine en vertu de ladite disposition.

39      En deuxième lieu, il importe de rappeler que la procédure prévue à l’article 31 du code HUM revêt une particularité relative à la répartition des compétences entre les États membres et la Commission qui a fait l’objet d’une jurisprudence particulièrement complexe.

40      Ainsi qu’il résulte des arrêts du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission (T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, points 140 et suivants), et du 31 janvier 2006, Merck Sharp & Dohme e.a./Commission (T‑273/03, EU:T:2006:36, points 47 à 100), le Tribunal a refusé de reconnaître un pouvoir contraignant à la Commission dans le cas d’une AMM nationale. Le Tribunal a souligné dans son arrêt du 31 janvier 2006, Merck Sharp & Dohme e.a./Commission (T‑273/03, EU:T:2006:36, points 85 à 87), que l’article 31 du code HUM ne s’inscrivait pas parmi les dispositions encadrant la procédure de reconnaissance mutuelle, et ce malgré le libellé du chapitre 4 contenant l’expression « reconnaissance mutuelle » (arrêt du 31 janvier 2006, Merck Sharp & Dohme e.a./Commission, T‑273/03, EU:T:2006:36, points 85 à 87). Cette approche permettait de concilier l’objectif du code HUM, qui est la sauvegarde de la santé publique par des moyens ne freinant pas le développement de l’industrie et les échanges des médicaments au sein de l’Union, et le maintien d’une compétence résiduelle exclusive des États membres pour l’octroi et la gestions des AMM purement nationales (arrêt du 31 janvier 2006, Merck Sharp & Dohme e.a./Commission, T‑273/03, EU:T:2006:36, point 98).

41      En effet, l’article 12 de la deuxième directive 75/319/CEE du Conseil, du 20 mai 1975, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1975, L 147, p. 13), dans la version résultant de la directive 93/39/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, modifiant les directives 65/65/CEE, 75/318/CEE et 75/319 concernant les médicaments (JO 1993, L 214, p. 22), renvoyait uniquement à l’application de la procédure conformément à l’article 13 de la directive 75/319, lequel ne prévoyait aucun transfert de compétences au profit de la Commission.

42      Or, à partir de la modification du code HUM résultant de la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, modifiant la directive 2001/83 (JO 2004, L 136, p. 34), le législateur de l’Union a clairement conféré à la Commission la compétence pour adopter des actes produisant des effets obligatoires à l’égard des États membres à la suite de la procédure résultant de l’article 31 du code HUM.

43      Ainsi, alors qu’il est constant que, dans la procédure visée à l’article 31 du code HUM, les États membres gardent un rôle important dès lors que ce sont eux qui procèdent, conformément à ladite disposition, à la « suspension, ou [au] retrait de l’autorisation de mise sur le marché ou [à] toute autre modification de l’autorisation de mise sur le marché apparaissant nécessaire », en l’état actuel du droit de l’Union, la confirmation de la compétence de la Commission à l’issue de l’adoption de la directive 2004/27 plaide en faveur de l’interprétation large des conditions de la saisine en vertu de l’article 31, paragraphe 1, du code HUM.

44      En effet, le caractère contraignant de la décision que la Commission adopte à l’issue de la procédure conformément à l’article 31 du code HUM confirme que cette procédure s’inscrit parmi des dispositions encadrant la procédure de reconnaissance mutuelle au sens du chapitre 4 du code HUM.

45      En troisième lieu, il convient de se référer au volume 2A, chapitre 1, du guide pour les demandeurs, établi par la Commission, relatif aux procédures d’autorisation de mise sur le marché (mis à jour en dernier lieu en juillet 2015). Il est vrai que les lignes directrices ne sont pas juridiquement contraignantes. Toutefois, elles peuvent servir de point de référence pour l’appréciation effectuée par le juge de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2003, AstraZeneca, C‑223/01, EU:C:2003:546 point 28 ; conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire SmithKline Beecham, C‑74/03, EU:C:2004:541, point 92, et de l’avocat général Mazák dans l’affaire Generics (UK), C‑527/07, EU:C:2009:197, point 37].

46      Il en ressort clairement que, la procédure visée à l’article 31 du code HUM ayant pour objet une réévaluation du rapport bénéfice/risque d’un médicament, elle est parallèle aux procédures nationales. Ladite procédure vise, en substance, à inviter les États membres à saisir les instances de l’Union. Il en résulte également que tout État membre a un intérêt à l’ouverture de la procédure au titre de l’article 31, paragraphe 1, du code HUM tant qu’il peut encore intervenir au regard d’une AMM.

47      Enfin, s’agissant des circonstances de l’espèce, il est constant que, par la décision du 11 juillet 2013, le BfArM a accordé le renouvellement de l’autorisation du Linoladiol N pour les présentations de 35 g avec applicateur, de 50 g avec applicateur, de 100 g avec applicateur et de 250 g avec applicateur.

48      Aussi ne serait-il être valablement soutenu que les autorités allemandes ont clôturé l’examen du Linoladiol N.

49      Eu égard à tout ce qui précède, en particulier, au regard de la finalité de la procédure établie à l’article 31 du code HUM, lue à la lumière des objectifs du code HUM, force est de conclure que, en adoptant la décision attaquée à l’issue de la procédure résultant de la saisine du CHMP par une autorité nationale, laquelle a été poursuivie en parallèle avec les procédures juridictionnelles nationales engagées contre la décision initiale de ladite autorité concernant une AMM nationale, la Commission n’a pas violé l’article 31 du code HUM.

50      Dans ces conditions, le premier grief de la première branche du premier moyen doit être rejeté.

–       Sur le deuxième grief de la première branche du premier moyen, tiré d’un abus de droit

51      L’engagement de la procédure en cause serait, selon les requérantes, constitutif d’un abus de droit. Les autorités allemandes n’auraient engagé la procédure en vertu de l’article 31 du code HUM que pour éviter de succomber dans la procédure en cours devant les juridictions nationales.

52      La Commission considère cet argument dénué de fondement et précise que les procédures judiciaires en Allemagne visaient le renouvellement de l’autorisation qui est entièrement différent de la procédure prévue au titre de l’article 31 du code HUM.

53      À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a admis l’existence d’un principe général du droit selon lequel l’abus de droit est prohibé, en ce sens que l’application de la réglementation de l’Union ne saurait être étendue jusqu’à couvrir les pratiques abusives d’opérateurs économiques, c’est-à-dire les opérations qui ne sont pas réalisées dans le cadre de transactions commerciales normales, mais seulement dans le but de bénéficier abusivement des avantages prévus par le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 2006, Halifax e.a., C‑255/02, EU:C:2006:121, point 69, et du 5 juillet 2007, Kofoed, C‑321/05, EU:C:2007:408, point 38).

54      En l’espèce, les requérantes insistent sur le fait que, au regard des décisions des juridictions nationales qui ont, au final, accueilli leurs arguments, le BfArM devait s’attendre à ce qu’il soit fait droit à leur recours. Le caractère abusif de l’engagement de la procédure en vertu de l’article 31 du code HUM serait également corroboré par le fait que le BfArM avait tenté d’obtenir devant l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur pour le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie) la suspension de la procédure pendante devant cette juridiction. Selon les requérantes, une telle suspension aurait été avantageuse pour la République fédérale d’Allemagne.

55      À cet égard, force est de constater que les requérantes n’apportent pas d’argument permettant d’identifier et de constater le recours abusif à l’article 31 du code HUM par les autorités allemandes et se limitent à énoncer des reproches et des suppositions. Par conséquent et en tout état de cause, les requérantes n’ont pas établi, à suffisance de droit, le caractère abusif des démarches entreprises par les autorités allemandes.

56      Il s’ensuit que le présent grief doit être écarté comme étant non fondé.

–       Sur le troisième grief de la première branche du premier moyen, tiré de la violation de la condition de l’« intérêt de l’Union » au sens de l’article 31 du code HUM.

57      Les requérantes allèguent la violation de la condition de l’« intérêt de l’Union » au sens de l’article 31 du code HUM. Selon les requérantes, le BfArM n’a pas démontré, lors de la saisine du CHMP, de soupçon fondé d’un « nouveau risque sérieux », critère qui, selon les requérantes, devrait être d’application dans le cadre de la présente procédure.

58      Selon la Commission, l’intérêt pour l’Union découle de la finalité de la procédure prévue par l’article 31 du code HUM, à savoir la coordination de l’exercice des compétences nationales et son orientation dans un sens commun, lorsque des AMM dans plusieurs États membres sont concernées. Se fondant par analogie sur la jurisprudence de la Cour (arrêt du 16 octobre 2008, Synthon, C‑452/06, EU:C:2008:565, point 25), la Commission souligne que l’objectif, dans le cadre de la procédure au titre de l’article 31 du code HUM, est d’éviter les divergences dans l’évaluation scientifique des médicaments à l’échelle nationale et à celle de l’Union, afin de ne pas compromettre l’objectif d’élimination de tout obstacle à la libre circulation des médicaments dans l’Union, poursuivi par le code HUM.

59      Premièrement, s’agissant de la notion d’intérêt de l’Union, il convient de constater que le code HUM ne précise pas ce terme. Le concept d’intérêt de l’Union apparaît au considérant 57 du code HUM en tant qu’il consiste à veiller à la cohérence des systèmes de pharmacovigilance dont relèvent les médicaments ayant fait l’objet d’une procédure d’autorisation centralisée et ceux qui ont fait l’objet d’une autre procédure d’autorisation.

60      Ainsi qu’il a été rappelé précédemment, le code HUM a comme objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique dans l’Union, qui doit être mise en balance avec le principe de libre circulation des médicaments. Il vise à sauvegarder la santé publique et à faire en sorte que les échanges sur le marché des médicaments ne soient pas entravés (considérants 2 et 4 du code HUM).

61      Par conséquent, la notion d’intérêt pour l’Union, au sens de l’article 31 du code HUM, doit être interprétée comme visant la coordination concertée entre les États membres qui ont délivré des autorisations pour des médicaments contenant la même substance active aux fins de la sauvegarde de la santé publique dans l’Union.

62      Il est vrai que la procédure nationale concerne les médicaments d’intérêt local, dont la commercialisation n’est prévue, dans un premier temps, que dans un seul État membre. Le demandeur, qui n’a pas d’AMM dans l’Union, demande à un État de son choix de procéder à l’évaluation de son dossier. En cas d’avis favorable, l’État membre délivre une AMM nationale qui n’est valable que sur son territoire.

63      Toutefois, dès l’instant où les AMM pour le même médicament ont été délivrées dans plusieurs États membres et que des incertitudes portant sur la substance active sont soulevées, c’est la notion d’intérêt pour l’Union qui joue pleinement son rôle. En l’espèce, ainsi qu’il ressort de l’annexe I de la décision attaquée, les pays concernés par les modifications des AMM pour le Linoladiol N sont l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Hongrie, la Lituanie et la Slovaquie. Par ailleurs, le médicament en cause est également commercialisé en Croatie.

64      De surcroît, à la lumière des objectifs du code HUM, l’intérêt de l’Union peut jouer dès que le titulaire d’une AMM envisage d’élargir la distribution d’un médicament au-delà d’un seul État membre.

65      Par conséquent, en l’espèce, eu égard, d’une part, aux arguments découlant de la demande du BfArM qui a souligné l’insuffisance des analyses scientifiques au sujet du Linoladiol N et, d’autre part, à l’étendue géographique de la commercialisation de ce dernier, le critère de l’intérêt de l’Union est satisfait.

66      Deuxièmement, s’agissant de la notion de « risque grave et nouveau », il suffit de rappeler que, si l’article 29 du code HUM se réfère à un « risque potentiel grave pour la santé publique », cette notion ne trouve pas à s’appliquer dans le cadre de la procédure prévue à l’article 31 dudit code.

67      Ainsi, le troisième grief de la première branche du premier moyen doit être rejeté.

–       Sur le quatrième grief de la première branche du premier moyen, tiré d’un « contournement » de la répartition des compétences

68      Les requérantes font valoir que l’engagement de la procédure en vertu de l’article 31 du code HUM par le BfArM constitue un « contournement » de la répartition des compétences et des conditions d’octroi du renouvellement de l’autorisation prévues par le droit allemand.

69      La Commission, tout en insistant sur la distinction entre le contenu et la finalité de la procédure de renouvellement de l’autorisation nationale en cause et de la procédure au titre de l’article 31 du code HUM, rappelle que, à l’issue de cette dernière procédure, elle adopte une décision qui doit être mise en œuvre de nouveau par les autorités des États membres concernés. Ainsi, la procédure au titre de l’article 31 du code HUM n’a aucune influence sur la répartition des compétences, puisque, au final, c’est aux autorités nationales qu’il appartient de statuer, selon une procédure nationale, sur les AMM respectives.

70      À cet égard, il suffit de relever que la procédure visée à l’article 31 du code HUM a pour objectif l’évaluation d’un médicament, procédure qui se déroule de manière parallèle et indépendante par rapport aux procédures nationales.

71      Le Tribunal a déjà souligné que l’évaluation du médicament s’effectue à des niveaux différents dans chacune des deux procédures. En effet, le CHMP doit, dans le cadre de la procédure au titre de l’article 31 du code HUM, procéder à sa propre évaluation du médicament concerné à l’échelle de l’Union. Cette évaluation du CHMP est indépendante de celle effectuée par les autorités nationales (arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 89).

72      Par conséquent, le quatrième grief de la première branche du premier moyen doit être rejeté.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’incompétence du CHMP

73      Par la deuxième branche du premier moyen, les requérantes mettent en cause la compétence du CHMP dans le cadre de la procédure prévue à l’article 31 du code HUM. Selon elles, les autorités allemandes auraient dû saisir le PRAC.

74      Selon la Commission, cet argument est dénué de fondement, dès lors que, à la date d’ouverture de la procédure prévue à l’article 31 du code HUM, le PRAC n’existait pas encore. En effet, la procédure ayant été engagée par la République fédérale d’Allemagne le 24 mai 2012, à cette date, l’article 31 du code HUM était encore en vigueur dans sa version antérieure à la modification apportée par la directive 2010/84/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2010, modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance, la directive 2001/83 (JO 2010, L 348, p. 74).

75      Il est vrai que, conformément au considérant 27 de la directive 2010/84, « quelle que soit la procédure, d’urgence ou normale, qui est appliquée et quelle que soit la procédure, centralisée ou non, d’autorisation du médicament, le comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance devrait toujours formuler sa recommandation lorsque la raison pour entreprendre une action est basée sur des données de pharmacovigilance ».

76      Toutefois, il importe de rappeler que la procédure de pharmacovigilance prévoyant la saisine du PRAC dans le cadre de l’article 31 du code HUM a été introduite en vertu de la directive 2010/84. La directive 2010/84, en vertu de son article 4, est entrée en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication, à savoir le 20 janvier 2011. Conformément à son article 3, les États membres devaient transposer cette directive au plus tard le 21 juillet 2012. Ils devaient appliquer ses dispositions à compter de cette date, tout en étant rappelé que la procédure dans le cas d’espèce a été engagée par la République fédérale d’Allemagne le 24 mai 2012.

77      La directive 2010/84 a redéfini la portée du système de pharmacovigilance en droit de l’Union, introduit déjà depuis l’année 2004 par le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1). Cette directive a imposé aux États membres des obligations légales de portée très vaste dans le domaine de la pharmacovigilance.

78      Conformément au considérant 2 de la directive 2010/84, « des règles de pharmacovigilance sont nécessaires à la protection de la santé publique afin de prévenir, de détecter et d’évaluer les effets indésirables des médicaments mis sur le marché de l’Union, dans la mesure où le profil de sécurité des médicaments ne peut être connu dans son intégralité qu’après la commercialisation de ces produits ». Aux termes du considérant 8 de la directive 2010/84, « [l]e titulaire de l’[AMM] devrait planifier des mesures de pharmacovigilance pour chaque médicament individuellement dans le cadre d’un système de gestion des risques ». En outre, conformément au considérant 17, « les États membres devraient mettre en œuvre un système de pharmacovigilance en vue de recueillir des informations utiles pour la surveillance des médicaments, y compris des informations en ce qui concerne les effets indésirables suspectés en cas d’utilisation d’un médicament conformément aux termes de [AMM], ainsi que lors d’une utilisation non conforme aux termes de l’[AMM], y compris en cas de surdosage, de mésusage, d’abus de médicaments et d’erreurs médicamenteuses, et les effets indésirables suspectés liés à une exposition professionnelle ».

79      À la suite des modifications du code HUM résultant de la directive 2010/84, l’article 31 dudit code contient, ainsi, deux voies procédurales, d’une part, la « voie pharmacovigilance » et, d’autre part, la « voie non-pharmacovigilance ».

80      En ce qui concerne l’application des règles en cause dans le temps, les États membres étaient tenus d’appliquer les dispositions portant sur la pharmacovigilance en vertu de la directive 2010/84 seulement à partir du 21 juillet 2012.

81      Conformément aux dispositions de la directive 2010/84, la Commission a indiqué dans un document explicatif, qui peut servir de point de départ pour l’interprétation de l’article 31 du code HUM, que, pour les procédures conformément à l’article 31 et à l’article 107 du code HUM, pour lesquelles les notifications seraient reçues avant le 21 juillet 2012, le CHMP serait exclusivement compétent.

82      Par conséquent, les autorités allemandes n’étaient clairement pas tenues de saisir le PRAC au moment de la saisine du CHMP, le 24 mai 2012. Dans le même ordre d’idées, une analogie pourrait être ainsi tirée en ce qui concerne les obligations résultant de la directive 2010/84 pour la Commission, laquelle n’était pas tenue, à la date du 24 mai 2012, de faire appliquer ces nouvelles dispositions.

83      Enfin, il est constant que la saisine par les autorités allemandes du CHMP ne contient aucune indication explicite permettant de considérer que celle-ci s’inscrit dans le système de pharmacovigilance.

84      Par conséquent, en ayant fondé la décision attaquée en l’espèce sur l’avis scientifique du CHMP, à savoir l’avis provisoire du 19 décembre 2013 et l’avis final du 25 avril 2014, la Commission n’a pas enfreint l’article 31, paragraphe 1, deuxième alinéa, du code HUM.

85      Il convient donc de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

 Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de la violation de l’évaluation impartiale prévue par l’article 32, paragraphe 2, du code HUM et du principe d’un examen diligent et impartial

86      La troisième branche du premier moyen est tirée de la violation de l’évaluation impartiale prévue par l’article 32, paragraphe 2, de la directive 2001/83 et du principe d’un examen diligent et impartial. La procédure ayant conduit à l’adoption de l’avis final du 25 avril 2014 serait entachée d’illégalité, dans la mesure où le CHMP a désigné comme rapporteur le membre allemand du BfArM, Mme W. Le fait que le rapporteur soit originaire de l’État membre qui a engagé la procédure en vertu de l’article 31 serait également contraire à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

87      La Commission réfute cet argument et précise que l’impartialité a été garantie, en l’espèce, non seulement parce que le premier rapporteur a été assisté d’un second rapporteur, mais aussi parce que la procédure de réexamen a été mise en œuvre avec la participation de deux autres rapporteurs.

88      Aux termes de l’article 32, paragraphe 2, du code HUM, « afin d’examiner la question, le comité désigne l’un de ses membres comme rapporteur ». Rien dans cette disposition ne limite la possibilité pour le CHMP de nommer un membre de la nationalité de l’État membre originaire de la saisine.

89      Certes, ainsi que le souligne la Commission, l’article 61, paragraphe 6, du règlement n° 726/2004 interdit explicitement aux États membres « de donner aux membres des comités et aux experts des instructions incompatibles avec leurs tâches propres ou avec les tâches et responsabilités de l’Agence ». Toutefois, les requérantes ne soulèvent pas la violation du règlement n° 726/2004.

90      S’agissant, en revanche, de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, il convient de rappeler que découle du principe de bonne administration l’obligation, pour la Commission, de vérifier les données sur la base desquelles elle s’apprête à édicter une décision et de prendre en compte les conséquences que celle-ci pourra avoir sur son destinataire (arrêt du 9 juillet 1999, New Europe Consulting et Brown/Commission, T‑231/97, EU:T:1999:146).

91      Aux termes de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union. Cette exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 154 à 159).

92      S’agissant de l’impartialité subjective, la troisième branche du premier moyen s’articule autour de deux éléments distincts, à savoir, d’une part, la circonstance que Mme W. est de nationalité allemande et, d’autre part, le fait qu’elle était un expert auprès du BfArM.

93      Par conséquent il convient de considérer que les allégations de la requérante ont trait à la nomination d’un membre du CHMP provenant de l’État membre et étant membre d’une institution dont émane la demande en vertu de l’article 31 du code HUM.

94      À cet égard, force est de relever, que, en l’absence d’autres éléments pertinents, la nationalité d’un rapporteur ne saurait conduire, à elle seule, à la constatation de l’impartialité de ce dernier, et ce même dans l’hypothèse où le rapporteur possède la nationalité de l’État membre de la partie à la procédure litigieuse.

95      En ce qui concerne la problématique de la qualité de Mme W. auprès du BfArM, les requérantes se limitent à alléguer que le rapporteur principal avait un intérêt évident à influencer l’issue de la procédure en vertu de l’article 31 du code HUM en tant que personne impliquée dans l’historique du litige judiciaire à l’échelle nationale.

96      La première preuve que les requérantes apportent à l’appui de la thèse selon laquelle Mme W. aurait influencé le résultat de la procédure est constituée par le rapport établi par celle-ci et intitulé « Rapport d’évaluation des rapporteur et co-rapporteur sur les réponses à la liste des questions en suspens du CHMP ». À la dernière page de ce rapport, le rapporteur, à savoir Mme W., a proposé de considérer que le rapport bénéfice/risque s’agissant tant de l’administration intravaginale que sur la vulve du Linoladiol N était négatif. Sa thèse a été soutenue par le second rapporteur, M. L.

97      Cette proposition ne constitue toutefois pas la preuve d’agissements partiaux et de la violation, par la Commission, de l’article 32, paragraphe 2, du code HUM. En effet, cette prise de position équivaut à l’exercice des fonctions qui sont confiées à un rapporteur. Par ailleurs, dans son avis final, repris par les conclusions scientifiques figurant à l’annexe II de la décision attaquée, le CHMP a choisi d’adopter une approche plus nuancée en considérant le rapport bénéfice/risque des médicaments en cause comme favorable sous réserve de modifications et de restrictions. Ces conclusions du CHMP ont été confirmées lors de la procédure de réexamen.

98      Dans le cadre d’une seconde preuve, les requérantes suggèrent, sans pour autant démontrer cette allégation, que l’absence de Mme W., lors de la deuxième audition devant le CHMP, aurait abouti à la conclusion selon laquelle l’autorisation du Linoladiol N devait être maintenue.

99      Par ailleurs, aucune information au sujet du rôle joué par Mme W. dans les procédures juridictionnelles nationales n’a été fournie dans le cadre de la présente procédure juridictionnelle.

100    Par conséquent, les requérantes n’ont pas établi que Mme W. s’était laissé guider par des considérations autres que scientifiques dans l’exécution des tâches qui lui ont été confiées dans sa fonction de rapporteur.

101    S’agissant de l’impartialité objective, laquelle vise l’instauration des mécanismes visant à offrir des garanties permettant d’exclure tout doute légitime, il est constant que l’avis final du 25 avril 2014 a été précédé de plusieurs phases et constitue le fruit d’un examen par plusieurs spécialistes en la matière.

102    Ainsi, tout d’abord, Mme W. en sa qualité de rapporteur a été accompagnée d’un second rapporteur, à savoir, M. L., qui est de nationalité néerlandaise. Ensuite, conformément à la demande de la première requérante, le CHMP a procédé à un réexamen de l’avis provisoire du 19 décembre 2013 et, à cette fin, deux nouveaux spécialistes ont été sollicités. En vue de la procédure de réexamen, le CHMP a désigné Mme A.S.L, membre espagnol, en tant que rapporteur principal, et Mme M. S, membre autrichien, en tant que second rapporteur.

103    De surcroît, ainsi que cela a été souligné lors de l’audience par la Commission, le CHMP a adopté les rapports correspondants à l’unanimité, ce qui constituerait une pratique relativement exceptionnelle.

104    Ce faisant, le CHMP a donné l’assurance de garanties suffisantes pour exclure l’existence d’un doute légitime au sens de la jurisprudence susmentionnée, doute qui n’est, par ailleurs, nullement prouvé par la requérante.

105    Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen.

 Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 32, paragraphe 3, du code HUM

106    La quatrième branche du premier moyen est tirée de la violation de l’article 32, paragraphe 3, du code HUM. À cet égard, les requérantes font grief au CHMP d’avoir violé leur droit d’être entendues au sens de cette disposition.

107    La Commission s’oppose à cette argumentation et souligne que les requérantes méconnaissent le sens d’une audition par le CHMP conformément à l’article 32 du code HUM. Tout en admettant que certaines étapes de la procédure se sont déroulées en urgence, elle rappelle que la première requérante a été entendue à plusieurs reprises par le CHMP.

108    Aux termes de l’article 32, paragraphe 3 HUM, « avant d’émettre son avis, le comité offre au demandeur ou au titulaire d’autorisation de mise sur le marché la possibilité de fournir les explications écrites ou orales, dans un délai qu’il précise ».

109    En l’espèce, il est constant que la première requérante a été entendue par le CHMP les 19 mars, 18 novembre et 16 décembre 2013, dans le cadre de la procédure au titre de l’article 31 du code HUM. Elle a en outre reçu cinq questionnaires, à savoir le 20 novembre 2012, les 22 février, 25 mars, 20 septembre et 18 novembre 2013. La première requérante a donc eu, à plusieurs reprises, la possibilité de fournir des explications au CHMP, et elle en a fait usage.

110    S’agissant des irrégularités alléguées entourant l’audition du 18 novembre 2013, et l’impression que les requérantes ont pu avoir selon laquelle le CHMP voulait uniquement adapter le texte d’information sur le Linoladiol N en fonction du texte d’information qui sous-tendait l’autorisation croate, il est constant que le droit d’être entendu au sens de l’article 32, paragraphe 3, du code HUM n’oblige le CHMP qu’à offrir aux intéressés la possibilité de fournir les explications dans un délai qu’il précise. Le CHMP n’était donc nullement tenu de garantir qu’il s’en tiendrait uniquement à un certain texte d’information et que celui-ci ne pourrait pas être modifié. En tout état de cause, les modifications du texte en cause ont fait l’objet de débats réguliers dans le cadre de la procédure de réexamen au titre de l’article 32, paragraphe 4, du code HUM.

111    Il est vrai que certains comportements relevés par les requérantes, notamment le délai de réponse au questionnaire raccourci et la situation de pression avant l’audition du 16 décembre 2013, ne satisfont pas pleinement à l’obligation de bonne conduite de l’administration de l’Union, notamment, au regard de l’annexe de la décision 2000/633/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 17 octobre 2000, modifiant son règlement intérieur (JO 2000, L 267, p. 63), intitulée « Code de bonne conduite administrative pour le personnel de la Commission dans ses relations avec le public ».

112    Néanmoins, ces irrégularités factuelles de nature ponctuelle, dont la portée par rapport au droit d’être entendu n’a également pas été explicitée lors de l’audience, ne sont pas de nature à pouvoir établir la violation de l’article 32, paragraphe 2, du code HUM.

113    Par conséquent, il convient de rejeter la quatrième branche du premier moyen.

114    Eu égard à tout ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 116, première phrase, et de l’article 126, première phrase, du code HUM

115    Par leur deuxième moyen, les requérantes allèguent la violation de l’article 116, première phrase, et de l’article 126, première phrase, du code HUM. Selon les requérantes, la décision attaquée est ainsi illégale, car les conditions prévues par le droit matériel, à savoir l’article 116 du code HUM, lu en combinaison avec l’article 126 du code HUM, n’étaient pas réunies afin de modifier les autorisations délivrées pour le Linoladiol N.

116    Dans le cadre de ce moyen, les requérantes critiquent les conclusions scientifiques du CHMP et font valoir, en substance, que, la procédure ayant conduit à l’adoption de l’avis du CHMP étant illicite, la décision attaquée l’est également. Ainsi, selon les requérantes, l’argumentation conduisant aux conclusions scientifiques du CHMP ne satisfait pas aux conditions découlant de l’article 116 du code HUM. S’agissant du Linoladiol N, aucune des conditions figurant à l’article 116 du code HUM n’est remplie. Les conclusions scientifiques reposeraient, à tort, sur la supposition selon laquelle ce n’est pas à l’autorité compétente mais au titulaire de l’autorisation qu’il incomberait d’établir un rapport risque/bénéfice positif. De surcroît, le CHMP n’aurait étayé l’existence de risques lors de l’utilisation du Linoladiol N ni par de nouvelles données ni par des informations scientifiques ou médicales.

117    À cet égard, force est de rappeler, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence, que le contrôle juridictionnel que le Tribunal exerce sur les décisions de la Commission et sur les avis du CHMP n’est pas identique (arrêts du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 199, et du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 33).

118    S’agissant de l’avis du CHMP, le contrôle du Tribunal s’exerce seulement sur la régularité du fonctionnement dudit comité ainsi que sur la cohérence interne et la motivation de son avis. Sous ce dernier aspect, le juge est uniquement habilité à vérifier si l’avis contient une motivation permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles il est fondé et s’il établit entre les constatations médicales ou scientifiques et les conclusions qu’il comporte un lien compréhensible. À cet égard, il convient de souligner que le CHMP est tenu d’indiquer, dans son avis, les principaux rapports et expertises scientifiques sur lesquels il s’appuie, et de préciser, en cas de divergence significative, les raisons pour lesquelles il s’écarte des conclusions des rapports ou des expertises produits par les entreprises concernées. Cette obligation s’impose tout spécialement en cas d’incertitude scientifique. En garantissant le caractère contradictoire et transparent de la consultation du CHMP, elle permet de s’assurer que la substance considérée a fait l’objet d’une évaluation scientifique approfondie et objective, fondée sur une confrontation des thèses scientifiques les plus représentatives et des positions scientifiques avancées par les laboratoires pharmaceutiques concernés (voir arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 52 et jurisprudence citée).

119    Pour ce qui est de l’exercice, par la Commission, de son pouvoir d’appréciation, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une institution de l’Union est appelée à effectuer des évaluations complexes, elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice est soumis à un contrôle juridictionnel se limitant à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l’autorité compétente n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (arrêts du 21 janvier 1999, Upjohn, C‑120/97, EU:C:1999:14, point 34 ; du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 201, et du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 34).

120    C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments soulevés dans le cadre du deuxième moyen.

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 116 du code HUM

121    Par la première branche du deuxième moyen, les requérantes font valoir que les conclusions scientifiques du CHMP ne satisfont pas aux conditions découlant de l’article 116 du code HUM. Selon les requérantes, le CHMP a motivé la prétendue nocivité de l’utilisation du Linoladiol N en invoquant exclusivement une argumentation tenant à l’existence de prétendus risques, fondée sur des considérations théoriques, qui se réfère aux risques bien connus des traitements hormonaux de substitution (ci-après les « THS ») par voie systémique. Cette argumentation scientifique, qui constitue le fondement de la motivation de la décision attaquée, ne satisfait pas aux critères résultant de la jurisprudence visant la réunion des conditions de l’article 116 du code HUM.

122    Tout en rappelant le contrôle juridictionnel restreint dont font l’objet ses décisions résultant d’appréciations complexes, la Commission souligne le caractère alternatif des conditions prévues à l’article 116 du code HUM et fait valoir que c’est à l’issue de l’examen scientifique que le CHMP est arrivé à la conclusion selon laquelle l’évaluation du rapport bénéfice/risque s’était comparativement dégradée, en raison de l’augmentation de la nocivité du Linoladiol N.

123    Il est constant que la Commission a adopté la décision attaquée sur le fondement de l’article 34, paragraphe 1, du code HUM, à la suite de la saisine du comité par la République fédérale d’Allemagne au titre de l’article 31 du code HUM. Cette dernière a signalé dans sa notification au comité que le Linoladiol N n’avait pas fait l’objet d’études scientifiques suffisantes et que son efficacité n’avait pas été suffisamment démontrée. En particulier, le BfArM craignait que « ces produits contenant de l’estradiol, qui ne sont indiqués que pour une utilisation locale, présentent une concentration sanguine élevée après application, ce qui n’est observé qu’avec les produits autorisés pour un usage systémique » (conclusions scientifiques, p. 6).

124    La Commission a motivé la modification des AMM des médicaments contenant du Linoladiol N sur la base de l’avis final du 25 avril 2014, en renvoyant à cet avis dans le considérant 2 de la décision attaquée. Elle s’est référée aux conclusions scientifiques du CHMP, qui sont jointes à l’annexe II de la décision attaquée et mentionnées expressément au considérant 3 et à l’article 1er de la décision attaquée. Aux fins de l’adoption de la décision attaquée, la Commission s’est fondée sur un rapport bénéfice/risque favorable sous réserve de modifications des termes des AMM telles quelles résultaient de l’avis du CHMP (conclusions scientifiques, p. 13).

125    En effet, la Commission n’étant pas en mesure de porter des appréciations de caractère scientifique concernant l’efficacité ou la nocivité d’un médicament, le rôle du CHMP dans la procédure prévue à l’article 31 du code HUM est de lui fournir les éléments d’appréciation scientifique indispensables afin de lui permettre de déterminer, en pleine connaissance de cause, les mesures propres à assurer un niveau élevé de protection de la santé publique (voir arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission,T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 47 et jurisprudence citée).

126    Dans les conclusions scientifiques, le CHMP a considéré que, au regard des données disponibles, le rapport bénéfice/risque, notamment, des médicaments à usage topique contenant 0,01 % en poids d’estradiol « demeur[ait] favorable, sous réserve de modifications des termes des AMM consistant en des restrictions, mises en garde, et autres modifications apportées aux informations sur le produit, ainsi que de mesures convenues de minimisation des risques, selon le cas ».

127    S’agissant de la nature des conditions résultant de l’article 116 du code HUM, cette disposition prévoit que « [l]es autorités compétentes suspendent, retirent ou modifient une [AMM] lorsqu’il est considéré que le médicament concerné est nocif, que l’effet thérapeutique fait défaut, que le rapport bénéfice/risque n’est pas favorable ou que le médicament n’a pas la composition qualitative et quantitative déclarée ».

128    Ces conditions matérielles doivent être interprétées conformément au principe général dégagé par la jurisprudence selon lequel la protection de la santé publique doit incontestablement se voir reconnaître une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 99).

129    À cet égard, force est de rappeler que les conditions relatives au retrait, à la suspension ou à la modification d’une AMM, telles que prévues à l’article 116 du code HUM, sont alternatives et non cumulatives (voir arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 41 et jurisprudence citée). Chacune des conditions énoncées à l’article 116 du code HUM peut, indépendamment des autres, conduire à la modification, à la suspension ou au retrait d’une AMM. Dès lors qu’une seule de ces conditions est remplie, l’autorité compétente doit suspendre, modifier ou retirer une autorisation délivrée pour un médicament.

130    De surcroît, conformément au principe de précaution, si tous les motifs mentionnés à l’article 116, premier alinéa, du code HUM ont pour but de prévenir certains risques pour la santé, ces risques doivent revêtir non pas un caractère concret, mais seulement un caractère potentiel. Sous réserve des exigences de preuve et des limites du pouvoir d’appréciation revenant à la Commission, cette institution peut se limiter à fournir des indices sérieux et concluants qui permettent raisonnablement de douter de l’innocuité du médicament concerné, de son effet thérapeutique, de l’existence d’un rapport bénéfice/risque favorable ou de la composition qualitative et quantitative déclarée (voir, en ce sens, arrêts du 10 avril 2014, Acino/Commission, C‑269/13 P, EU:C:2014:255, points 59 et 60, et du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 37).

131    Or, en l’espèce, la Commission s’est fondée sur l’appréciation du bénéfice/risque favorable sous réserve des modifications, telle qu’établie par le CHMP, à savoir sur l’une des conditions alternatives résultant de l’article 116 du code HUM.

132    Par conséquent, la première branche du deuxième moyen ne saurait prospérer.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation des règles régissant la répartition de la charge de la preuve

133    Par la deuxième branche du deuxième moyen, les requérantes reprochent la méconnaissance des principes de répartition de la charge de la preuve dans le cadre du retrait partiel et de la modification de l’AMM du Linoladiol N. Selon les requérantes, c’est la Commission qui aurait dû prouver que les conditions visées à l’article 116 du code HUM étaient réunies, dès lors qu’elle entendait prescrire, dans le cadre d’un examen ultérieur, une modification des AMM délivrées. Elles estiment, par ailleurs, que la charge de la preuve n’est pas satisfaite dès lors que les mesures adoptées dans la décision attaquée incluaient également le retrait des présentations de plus de 25 g.

134    Tout en admettant que c’est à elle qu’incombe la charge de la preuve, la Commission rappelle que, dans la répartition de ladite charge, il convient de tenir compte de l’application du principe de précaution. Elle conteste les allégations des requérantes selon lesquelles le CHMP aurait laissé entendre qu’elles devaient prouver l’inexistence des effets préjudiciables. Au contraire, la Commission allègue que le CHMP a correctement soulevé une incertitude scientifique quant aux effets du Linoladiol N. Ainsi, le CHMP lui a fourni des indices sérieux qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettaient de douter de la sécurité de l’utilisation du Linoladiol N. Selon la Commission, ces indices sont suffisants afin de considérer qu’elle a satisfait à la charge de la preuve.

135    S’agissant de l’identification de l’entité à laquelle incombe la charge de la preuve, le Tribunal a déjà jugé que, dans le système prévu par le code HUM, la charge de la preuve de l’efficacité et de l’innocuité d’un médicament incombe à l’entreprise qui sollicite une AMM et que, s’agissant du retrait, de la suspension ou de la modification d’une AMM, c’est à l’autorité compétente qu’il incombe d’établir que les conditions énoncées à l’article 116 du code HUM sont réunies. En effet, en ce qui concerne le régime de la preuve applicable dans le système prévu par le code HUM, il appartient à l’entreprise sollicitant l’AMM d’un médicament de démontrer, d’une part, son efficacité et, d’autre part, son innocuité. En revanche, le titulaire de l’AMM d’un médicament n’est pas tenu, durant la période de validité de cette autorisation, d’apporter la preuve de l’efficacité ou de l’innocuité de ce médicament. C’est à l’autorité compétente, en l’espèce la Commission, qu’il incombe d’établir que les conditions relatives au retrait, à la suspension ou à la modification d’une AMM, énoncées à l’article 116 du code HUM, sont remplies (arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 35).

136    Cependant, s’agissant du standard de preuve qui incombe à la Commission au titre de l’article 116 du code HUM, selon la jurisprudence, il y a lieu de tenir compte de l’application du principe de précaution.

137    Conformément au principe de précaution, qui constitue le principe général du droit dans le domaine pharmaceutique (arrêts du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 184, et du 28 janvier 2003, Laboratoires Servier/Commission, T‑147/00, EU:T:2003:17, point 52), il importe de faire prévaloir la santé publique sur les intérêts économiques.

138    En particulier, les autorités compétentes doivent prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement, en faisant prévaloir les exigences liées à la protection de ces intérêts sur les intérêts économiques (voir arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 36 et jurisprudence citée).

139    Ainsi, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (arrêt du 9 septembre 2003, Monsanto Agricoltura Italia e.a., C‑236/01, EU:C:2003:431, point 111 ; voir également, en ce sens, arrêts du 26 mai 2005, Codacons et Federconsumatori, C‑132/03, EU:C:2005:310, point 61 ; du 12 janvier 2006, Agrarproduktion Staebelow, C‑504/04, EU:C:2006:30, point 39, et du 3 décembre 2015, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, C‑82/15 P, non publié, EU:C:2015:796, point 21).

140    Par conséquent, il convient de considérer que le principe de précaution impose de retirer, de suspendre ou de modifier une AMM, au titre de l’article 116 du code HUM, en présence de données nouvelles suscitant des doutes sérieux quant à la sécurité du médicament considéré ou à son efficacité, lorsque ces doutes conduisent à une appréciation défavorable du rapport bénéfice/risque présenté par ce médicament et que, dans ce contexte, la Commission peut se limiter à fournir des indices sérieux et concluants qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettent raisonnablement de douter de l’innocuité ou de l’efficacité du médicament (arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056 point 37).

141    Dans ce contexte, il est utile de souligner que, à la lumière de l’article 1er, point 28 bis, du code HUM, le rapport bénéfice/risque correspond à l’évaluation des effets thérapeutiques positifs du médicament au regard du risque, tel que défini à l’article 1er, point 28, du code HUM. Il ressort de ces dispositions que les risques liés à l’utilisation d’un médicament correspondent à tout risque pour la santé du patient ou pour la santé publique, lié à la qualité, à la sécurité ou à l’efficacité du médicament. Par ailleurs, au regard du considérant 7 du code HUM, « [l]es notions de nocivité et d’effet thérapeutique ne peuvent être examinées qu’en relation réciproque et n’ont qu’une signification relative appréciée en fonction de l’état d’avancement de la science ».

142    En l’espèce, ainsi qu’il résulte des conclusions scientifiques, le CHMP a considéré que les données disponibles concernant la sécurité du Linoladiol N étaient limitées et qu’il n’existait, notamment, aucune évaluation prospective de la sécurité, en particulier de la sécurité concernant l’endomètre. Selon le CHMP, les données de pharmacovigilance ne permettaient pas de tirer des conclusions sur la sécurité du Linoladiol N.

143    Par conséquent, le CHMP a observé qu’il fallait partir du principe que les risques connus résultant de l’utilisation de produits systémiques contenant des estrogènes en vue de THS qu’étaient l’hyperplasie et le carcinome de l’endomètre, le cancer du sein, le cancer de l’ovaire, la thromboembolie veineuse et l’accident vasculaire cérébral ischémique pouvaient également exister dans le cas d’une utilisation du Linoladiol N (conclusions scientifiques, p. 8, premier alinéa). Selon le CHMP, il y avait lieu de s’attendre à la réalisation des « risques connus d’un THS par voie systémique […] du fait de l’absence à ce jour de rapports de sécurité spécifiques et du manque connu de sensibilité des notifications spontanées » (conclusions scientifiques, p. 8, deuxième alinéa).

144    Au regard d’une telle analyse fournissant des indices sérieux et concluants qui permettent raisonnablement de douter de la sécurité de l’utilisation du Linoladiol N et étant donné les limites de la marge d’appréciation de la Commission dans le cadre des évaluations complexes, il y a lieu de conclure que la Commission a satisfait, en l’espèce, à la charge de la preuve en ce qu’elle a recouru, conformément à la jurisprudence susmentionnée, au principe de précaution.

145    Par conséquent, l’argumentation tirée de la violation de l’article 116 du code HUM au regard des règles régissant la charge de la preuve doit être écartée.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée d’une évaluation scientifique inexacte

146    Par la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes reprochent au CHMP une motivation scientifique inexacte dès lors que le CHMP n’aurait prétendument pas tenu compte de la différence entre un traitement local et un traitement par voie systémique. Autrement dit, le CHMP aurait procédé à une évaluation inexacte des facteurs déterminants pour la question de savoir si les risques potentiels existant en cas de THS par voie systémique pouvaient également se réaliser en cas d’utilisation du Linoladiol N.

147    Premièrement, les requérantes soutiennent que les évaluations des risques fondées sur une exposition systémique ne peuvent pas être transposées telles quelles à un traitement local. Deuxièmement, elles allèguent que la fréquence d’utilisation du Linoladiol N est moins importante que celle d’un THS. Troisièmement, les requérantes exposent que la présentation des conclusions scientifiques du CHMP est incomplète dès lors qu’elle n’expose pas fidèlement la conception défendue dans la littérature scientifique à propos des « valeurs de base postménopausiques ». Quatrièmement, les requérantes reprochent au CHMP de ne pas avoir suffisamment tenu compte du fait que l’augmentation du taux sanguin d’estradiol, constatée dans les études SCO 5109 et SCO 5174, n’était que temporaire et que la fréquence de l’augmentation était plus faible que dans le cas d’un TSH par voie systémique. Du point de vue des requérantes, le taux sanguin normal d’estradiol chez la femme postménopausée devrait également être pris en compte. Cinquièmement, les requérantes font observer que le fait que la « dose d’entretien » du Linoladiol N soit comparativement supérieure à celle d’autres préparations à base d’estradiol ne génère pas un risque accru. Sixièmement, les requérantes rappellent que, dans le cas d’une application vaginale, contrairement à ce qui se produit dans le cas d’un THS par voie systémique, le risque de de thromboembolie veineuse est moindre.

148    La Commission s’oppose à l’ensemble de ces arguments. Elle souligne que le CHMP ne prétend nullement que la concentration d’estradiol résultant de l’utilisation du Linoladiol N correspond à celle d’un THS par voie systémique. En revanche, le CHMP a établi, sous une forme claire et compréhensible, que le Linoladiol N entraînait temporairement une concentration d’estradiol telle qu’elle correspondait au TSH, ce qui n’était pas le cas d’autres médicaments comparables à usage local seulement.

149    À cet égard, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 118 ci-dessus, le contrôle judiciaire s’exerce seulement sur la régularité du fonctionnement du CHMP ainsi que sur la cohérence interne et la motivation de son avis.

150    S’agissant donc de la distinction entre le traitement topique et le TSH, force est de constater que la position scientifique du CHMP, telle que résumée dans les conclusions scientifiques, est exposée dans le rapport d’évaluation du 2 mai 2014 et dans l’avis final du 25 avril 2014.

151    Dans l’analyse du Linoladiol N, le CHMP a pris comme point de départ le fait que, conformément aux données pharmacocinétiques, « l’estradiol est absorbé après une application vaginale du Linoladiol N ». En se référant à la littérature scientifique, le CHMP a considéré que « des effets systémiques [pouvaient] être attendus étant donné que les taux d’estradiol [avaient] augmenté au-delà des taux postménopausiques » (conclusions scientifiques, p. 7). Après avoir établi les différences entre le Linoladiol N et d’autres médicaments pour application locale, le CHMP a également noté que les taux d’estradiol dans le cas d’une utilisation locale étaient aussi élevés que dans le cas d’un traitement hormonal substitutif, mais seulement de manière temporaire, et pas pendant une durée prolongée.

152    Cette position du CHMP est fondée sur l’analyse de plusieurs éléments de preuve, principalement sur deux études, à savoir l’étude SCO 5109, qui est une étude exploratoire monocentrique, et l’étude SCO 5174, qui est une étude postautorisation randomisée.

153    L’étude SCO 5109 avait comme objectif principal l’estimation de l’étendue de l’exposition à l’estradiol après application du Linoladiol N. Il en ressort que « les valeurs moyennes de l’ASC0-36 (1285,2 pg/ml·h) et de la Cmax (103,5 pg/ml) indiquent une exposition systémique à l’estradiol contenu dans la crème intravaginale ». L’étude SCO 5174 ayant porté sur l’efficacité et la sécurité du Linoladiol N, celle-ci a démontré une supériorité statistiquement significative par rapport au placebo.

154    Le CHMP a conclu que « les taux systémiques d’estradiol obtenus dans ces deux études [avaient] suscité des inquiétudes », que, « [s]ur la base de l’étude SCO 5109, il a[vait] été conclu que des taux sériques d’estradiol deux fois par semaine similaires à ceux atteints dans le THS par voie systémique [étaient] observés » et que, « [d]e plus, il a[vait] été observé dans l’étude SCO 5174 que les concentrations sériques d’estradiol n’étaient pas revenues à leurs valeurs initiales environ 36 heures après l’administration du Linoladiol N » (conclusions scientifiques, p. 7).

155    En outre, le CHMP avait également présenté une comparaison des données pharmacocinétiques avec d’autres médicaments pour application locale. Dans ce contexte, l’analyse du CHMP a été fondée sur des données pharmacocinétiques historiques résultant des études Notelovitz (2002), Nilsson et Heimer (1992), Lauritzen (1992), Göres (1995) et Mazur (2003). Selon le CHMP, « [e]n dépit des limites des comparaisons historiques avec d’autres médicaments pour application locale, il peut être conclu que l’exposition à l’estradiol après administration du Linoladiol N est nettement supérieure à celle observée après administration d’autres produits à base d’estradiol plus faiblement dosés destinés à un traitement topique intravaginal ». Il précise que « [l]’exposition hebdomadaire avec le Linoladiol N est supérieure à celle observée avec d’autres produits, et [que] cela soulève des problèmes de sécurité, en particulier en ce qui concerne une possible exposition systémique prolongée dans la pratique clinique ».

156    Le CHMP a fait également référence à la littérature scientifique ainsi qu’aux lignes directrices (Guide clinique EMAS, Rees et al ; Gestion de l’atrophie vulvo-vaginale symptomatique : position commune 2013). Par ailleurs, en réponse aux arguments de la première requérante, dans le cadre de la procédure de réexamen critiquant la comparaison entre le TSH par voie systémique et l’usage topique du Linoladiol N, le CHMP s’est appuyé également sur les lignes directrices cliniques, d’une part, ainsi que sur la comparaison des données pharmacocinétiques disponibles, relatives au Linoladiol N par rapport à d’autre médicaments pour application locale, d’autre part (conclusions scientifiques, p. 10).

157    Ainsi, dans son évaluation, le CHMP arrive à la conclusion selon laquelle « l’exposition systémique observée pour le Linoladiol N étant bien supérieure à celle signalée pour d’autres produits contenant de l’estradiol disponibles destinés à un usage intravaginal, le fait de restreindre la durée du traitement à quatre semaines est considéré comme étant une mesure adéquate de minimisation des risques, compte tenu des problèmes de sécurité existant et des incertitudes inhérentes à l’exposition systémique à l’estradiol liée à ce produit dans la population cible des femmes postménopausées ». Il précise que « [l]’exposition systémique n’est ni requise ni conseillée pour un traitement par voie topique et soulève des problèmes notoires de sécurité reconnus pour le THS par voie systémique » et que, « [c]ompte tenu de la dose plus élevée et de l’exposition systémique importante à l’estradiol, ce produit est davantage comparable aux produits destinés au THS par voie systémique du point de vue de la sécurité » (conclusions scientifiques, p. 11).

158    Il ressort de tout ce qui précède que, tout en préservant la distinction entre le traitement topique et le TSH, le CHMP a établi un lien compréhensible entre les constatations médicales et scientifiques concernant les caractéristiques du Linoladiol N et les conclusions de l’avis final du 25 avril 2014. En particulier, le CHMP a indiqué les raisons pour lesquelles il a considéré que le Linoladiol N entraînait temporairement une concentration d’estradiol telle qu’elle correspondait au TSH, ce qui n’est pas le cas d’autres médicaments comparables à usage local seulement.

159    Les autres arguments soulevés à l’appui de la troisième branche du deuxième moyen ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

160    En effet, s’agissant des « valeurs de base postménopausiques », il est vrai, que les requérantes apportent des preuves dont il ressort que la littérature médicale admet des seuils supérieurs à celui indiqué par le CHMP (conclusions scientifiques, note en bas de page 1). Toutefois, les requérantes ne démontrent pas à suffisance de droit que cet élément ponctuel du raisonnement du CHMP devrait conduire à une conclusion diamétralement opposée et qu’il remettrait en cause la cohérence et la logique de l’avis scientifique.

161    S’agissant de l’augmentation du taux sanguin d’estradiol, contrairement aux allégations des requérantes, le CHMP a tenu compte du fait que les taux d’estradiol, mesurés dans le cas d’une utilisation locale, étaient aussi élevés que dans le cas d’un TSH temporaire. Ainsi, il indique lui-même qu’il est possible de constater, sur la base de l’étude SCO 5109, que la concentration d’estradiol dans le cas du Linoladiol N appliqué deux fois par semaine correspond à celle d’un THS. Il ressort en outre de l’étude SCO 5174 que la concentration d’estradiol élevée n’avait toujours pas retrouvé sa valeur initiale après 36 heures (conclusions scientifiques, p. 7).

162    S’agissant de la contestation du risque généré par le Linoladiol N, dans son avis, le CHMP, sur le fondement des sources scientifiques, a souligné que la concentration d’estradiol élevée soulevait des problèmes de sécurité. Il a donc considéré que, compte tenu de la concentration d’estradiol élevée, le Linoladiol N était « davantage comparable aux produits destinés au THS par voie systémique ». Il s’ensuit que c’est à tort que les requérantes reprochent au CHMP d’avoir prétendument affirmé que le Linoladiol N comportait les mêmes risques qu’un THS. Il apparaît plutôt que, tout en explicitant de manière cohérente sa position à la lumière des sources scientifiques et des études citées, le CHMP a établi un lien compréhensible entre les données à sa disposition et les problèmes de sécurité accrus dans le cas du Linoladiol N.

163    Enfin, s’agissant du risque de thromboembolie prétendument surestimé par le CHMP, il suffit de relever que le CHMP a considéré que, « outre les problèmes de sécurité sur l’endomètre, les risques connus des produits systémiques contenant des estrogènes dans le cas du THS [étaien] le cancer du sein, le cancer de l’ovaire, la thromboembolie veineuse et l’accident vasculaire cérébral ischémique » et que, « [p]ar conséquent, étant donné les risques potentiels liés à tous les THS, des informations relatives à la surveillance et des mises en garde appropriées, par exemple, sur l’hyperplasie et le carcinome de l’endomètre, les cancers du sein et de l’ovaire, [devaient] figurer dans la rubrique appropriée des informations sur le produit » (conclusions scientifiques, p. 8).

164    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen.

 Sur la quatrième branche du deuxième moyen, tirée d’une appréciation erronée des risques

165    Par divers arguments, qu’il convient d’examiner conjointement, les requérantes soulèvent une série de critiques visant, en substance, l’appréciation des risques liés à l’utilisation du Linoladiol N ainsi que la notion de « risque nouveau » et de « données nouvelles » au sens de l’article 116 du code HUM.

166    En premier lieu, selon les requérantes, l’absence de réalisation des risques prouve qu’il n’existe pas de risque. Les requérantes font ainsi observer que les risques liés au Linoladiol N que le CHMP perçoit ne se sont pas concrétisés jusqu’à présent et considèrent comme erronée l’approche du CHMP selon laquelle l’absence de réalisation des risques potentiels des TSH s’expliquerait exclusivement par un « manque connu de sensibilité des notifications spontanées ». Or, l’absence des notifications spontanées devrait au contraire conduire à penser que les risques ne se sont pas concrétisés.

167    En second lieu, les requérantes soulèvent un argument tiré d’une prétendue absence de nouvelles données scientifiques dans le cas d’espèce. Selon les requérantes, la modification ou le retrait partiel de l’AMM du Linoladiol N est illégal étant donné que tant les prétendus risques invoqués à l’appui du rapport risque/bénéfice défavorable du Linoladiol N que les données qui, « soi-disant », fondent ces risques ne sont pas nouveaux. Selon les requérantes, la notion de « nouveauté » doit être déterminée en tenant compte de la date de la dernière décision des autorités.

168     La Commission réfute ces arguments.

169    Elle rappelle que, conformément à la jurisprudence, aux fins de l’application de l’article 116 du code HUM, il suffit que les risques pour la santé publique liés à un médicament existent potentiellement (arrêt du 10 avril 2014, Acino/Commission, C‑269/13 P, EU:C:2014:255, point 59). [DEF 112] En ce qui concerne la prétendue absence de « nouvelles » données scientifiques, la Commission rappelle que, au sens de la jurisprudence, doivent également être considérés comme « nouveaux » les critères qui, au sein de la communauté médicale, font l’objet d’un consensus sur leur évolution et qui, en raison de cette évolution, doivent être appréciés au sein de cette communauté comme étant nouveaux (arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, points 103 et 104).

170    En premier lieu, s’agissant de l’évaluation des risques, force est de constater que les critiques des requérantes reposent sur une lecture erronée de l’avis du CHMP.

171    Ainsi qu’il ressort de la page 8 des conclusions scientifiques :

« Le CHMP a noté que les données disponibles sur la sécurité du Linoladiol [étaient] limitées et [qu’]aucune évaluation prospective de la sécurité, en particulier de la sécurité sur l’endomètre, n’était disponible. En termes de données de pharmacovigilance, un total de 11 cas a été soumis, comprenant des notifications spontanées et des cas rapportés dans la littérature scientifique. Cependant, aucune conclusion concernant la sécurité sur l’endomètre ne peut être émise sur la base des données postcommercialisation, du fait du faible nombre total de cas signalés avec Linoladiol N et de cas confondus signalant des événements endométriaux. Outre les problèmes de sécurité sur l’endomètre, les risques connus des produits systémiques contenant des œstrogènes dans le cas du THS sont le cancer du sein, le cancer de l’ovaire, la thromboembolie veineuse et l’accident vasculaire cérébral ischémique. Par conséquent, le CHMP a estimé que, étant donné les risques potentiels liés à tous les THS, des informations relatives à la surveillance et des mises en garde appropriées, par exemple, sur l’hyperplasie et le carcinome de l’endomètre, les cancers du sein et de l’ovaire, doivent figurer dans la rubrique appropriée des informations sur le produit. »

172    En outre, dans le rapport d’évaluation du 2 mai 2014, le CHMP a également explicité que, dans le cas des médicaments utilisés depuis longtemps, il s’agissait d’un manque d’intérêt pour les notifications spontanées de sorte que leur faible nombre ne permettait pas de conclure à la sécurité du produit. Selon le rapport d’évaluation du 2 mai 2014 : « Cependant, il devait être présumé, en particulier par rapport à des produits médicaux plus anciens, qu’il y avait une sous-déclaration considérable des effets indésirables ». Par ailleurs, selon le rapport d’évaluation du 2 mai 2014, « il n’est pas possible de tirer des conclusions concernant la sécurité du médicament sur le fondement de données postérieures à la mise sur le marché […], en raison d’une sous-constatation potentielle des réactions indésirables, en particulier pour les produits déjà mis sur le marché depuis une période considérable, tel que le Linadiol N ».

173    Par ailleurs, il ressort du dossier que les rapports auxquels se référent les requérantes, qui contiennent une analyse de la sécurité du Linoladiol N sur la base des cas signalés dans le contexte de la pharmacovigilance, couvrent un laps de temps beaucoup plus court par rapport à la période de commercialisation du Linoladiol, lequel est présent sur le marché allemand depuis 1967. Les rapports en cause couvrent conjointement la période comprise entre le 17 janvier 2003 et le 17 janvier 2011.

174    Or, si la Cour a, certes, déjà jugé, notamment dans l’arrêt du 23 septembre 2003, Commission/Danemark (C‑192/01, EU:C:2003:492, point 49), que l’évaluation du risque ne peut se fonder sur des considérations purement hypothétiques, elle a toutefois également ajouté que, lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué, en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives (arrêts 23 septembre 2003, Commission/Danemark, C‑192/01, EU:C:2003:492, point 52, et du 28 janvier 2010, Commission/France, C‑333/08, EU:C:2010:44, point 93).

175    Le principe de précaution impose de retirer, de suspendre ou de modifier une AMM, au titre de l’article 116 du code HUM, lorsque les doutes conduisent à une appréciation défavorable du rapport bénéfice/risque présenté par ce médicament. Dans ce contexte, la Commission peut se limiter à fournir des indices sérieux et concluants, qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettent raisonnablement de douter de l’innocuité ou de l’efficacité du médicament (voir arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 37 et jurisprudence citée).

176    Par conséquent, au regard de l’incertitude scientifique identifiée de manière cohérente par le CHMP dans les conclusions scientifiques ainsi qu’à la lumière des explications figurant dans les documents qui les sous-tendent, le CHMP a agi conformément au principe de précaution pour conclure que l’absence de réalisation de risques ne saurait suffire pour confirmer la sécurité du Linoladiol N dans le cadre de l’appréciation du rapport bénéfice/risque (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Acino/Commission, C‑269/13 P, EU:C:2014:255, point 57). C’est donc sans commettre d’erreur de droit que la Commission s’est appuyée sur ces conclusions dans la décision attaquée compte tenu des doutes raisonnablement exposés quant à l’innocuité et à l’efficacité du Linoladiol N.

177    En second lieu, s’agissant de la notion de « risque nouveau » et de « données nouvelles », il est vrai que, selon la jurisprudence, le principe de précaution impose de retirer, de suspendre ou de modifier une AMM, au titre de l’article 116 du code HUM, en présence de données nouvelles suscitant des doutes sérieux quant à la sécurité du médicament considéré ou à son efficacité, lorsque ces doutes conduisent à une appréciation défavorable du rapport bénéfice/risque présenté par ce médicament (arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 37).

178    Toutefois, ainsi que cela a été précédemment rappelé, dans ce contexte, la Commission peut se limiter à fournir des indices sérieux et concluants qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettent raisonnablement de douter de l’innocuité ou de l’efficacité du médicament (arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 37).

179    Tel a été le cas en l’espèce, ainsi qu’il résulte de l’analyse exposée ci-dessus au sujet du contenu de l’avis scientifique.

180    Par ailleurs, une AMM est accordée en fonction de l’état de l’avancement de la science à l’instant bien précis de sa demande. Ces données sont, par définition, susceptibles d’évolution. Ainsi qu’il ressort du considérant 7 du code HUM, « [l]es notions de nocivité et d’effet thérapeutique ne peuvent être examinées qu’en relation réciproque et n’ont qu’une signification relative appréciée en fonction de l’état d’avancement de la science ».

181    En l’espèce, le Linoladiol N a été mis sur le marché en Allemagne en 1967 et, dans d’autres pays, dans les années 90. Par conséquent, selon l’analyse du CHMP, dont la véracité n’a pas été remise en cause par les requérantes, les études sur lesquelles s’est fondé le CHMP, notamment les études SCO 5174 et SCO 5109, constituent des données les plus récentes disponibles.

182    En tout état de cause, les requérantes n’ont pas apporté la preuve permettant d’identifier les études et les analyses précédemment réalisées, à savoir celles qui auraient existé et qui auraient été soumises aux autorités compétentes à l’époque où le Linoladiol N a été mis sur le marché en Allemagne en 1967 ainsi que dans d’autres pays, dans les années 90, et qui auraient permis d’établir les risques pour la santé publique liés à la concentration élevée d’estradiol.

183    Dans ces conditions, il convient de rejeter la quatrième branche du deuxième moyen.

 Sur la cinquième branche du deuxième moyen, tirée de la présentation inexacte des données dans les conclusions scientifiques

184    Par la cinquième branche du présent moyen, les requérantes exposent, en substance, une série de griefs relatifs à la présentation inexacte des données portant sur le Linoladiol N ainsi qu’aux erreurs d’interprétation et de citation des sources auxquelles le CHMP se serait référé.

185    Premièrement, les requérantes reprochent au CHMP la présentation inexacte des études réalisées sur le Linoladiol N et la présentation erronée des données de pharmacovigilance. En particulier, contrairement à l’avis du CHMP, l’étude SCO 5174 aurait effectivement permis de produire des données prospectives. En outre, les requérantes font valoir que, sur onze cas comprenant des notifications spontanées de la pharmacovigilance, seul un cas est directement lié au Linoladiol N et doit être qualifié de grave. Elles concluent, dès lors, qu’il n’existe précisément pas de notifications concernant des effets secondaires graves résultant de l’utilisation du Linoladiol N.

186    Deuxièmement, les requérantes critiquent les considérations des conclusions scientifiques, en ce que, en combinant la limitation de la durée d’utilisation du Linoladiol N à quatre semaines avec l’exclusion de son utilisation répétée, le CHMP se serait livré à un classement indirect par rapport à d’autres préparations contenant de l’estrogène, différemment dosées. La présentation figurant à la page 11, dernier alinéa, des conclusions scientifiques serait également incorrecte dans la mesure où elle suscite à tort l’impression que les lignes directrices concernant le traitement de l’atrophie vaginale ne recommandent pas le Linoladiol N. Par ailleurs, le CHMP aurait interprété de manière incorrecte les lignes directrices internationales citées dans les notes en bas de page 2 et 3 des conclusions scientifiques.

187    Pour sa part, la Commission fait valoir qu’il ressort clairement du rapport d’évaluation du 2 mai 2014, que l’étude SCO 5174 a été considérée comme permettant uniquement de conclure aux effets du Linoladiol N sur la base d’un traitement de quatre semaines. Au-delà, les données sur la sécurité prospective du Linoladiol N faisaient défaut. La Commission souligne également que l’introduction de l’interdiction de répéter l’utilisation du Linoladiol N, adoptée lors de la procédure de réexamen, a été justifiée par un motif autonome lié aux incertitudes entourant la sécurité d’utilisation répétée. En ce qui concerne la citation d’un document dans la note en bas de page 3 des conclusions scientifiques, la Commission souligne que le CHMP n’a fait que résumer son contenu, dont il a tiré les conclusions compréhensibles à la lumière des thèses scientifiques disponibles.

188    Premièrement, l’étude SCO 5174 a été présentée dans les conclusions scientifiques comme étant « une étude postautorisation randomisée, en double aveugle, contrôlée contre placebo, en groupes parallèles portant sur l’efficacité et la sécurité du Linoladiol N dans le traitement de 48 femmes postménopausées présentant une atrophie vaginale, le paramètre d’essai principal [étant] l’indice de maturation vaginale (IMV) ». En outre, dans son rapport d’évaluation du 2 mai 2014, le CHMP a expliqué que l’étude SCO 5174 avait permis uniquement de conclure aux effets du Linoladiol N sur la base d’un traitement de quatre semaines. Le CHMP a également indiqué dans le rapport d’évaluation du 2 mai 2014 que des effets systémiques pouvaient être constatés dans cette étude après une utilisation d’une telle durée. De surcroît, dans le rapport d’évaluation du 2 mai 2014, le CHMP constate clairement que « aucune évaluation prospective de la sécurité, en particulier de la sécurité de l’endomètre, n’était disponible ».

189    Dans la mesure où les requérantes n’apportent pas la preuve mettant en cause cette appréciation de la disponibilité des données sur la sécurité du Linoladiol N, en ce qui concerne son évaluation prospective, il convient de rejeter ce grief tiré du supposé caractère prospectif des données résultant de l’étude SCO 5174.

190    S’agissant de la présentation des données de la pharmacovigilance, à savoir de onze cas notifiés litigieux cités par le CHMP dans le rapport d’évaluation du 2 mai 2014 et dans les conclusions scientifiques, les requérantes ont réitéré à l’audience que, parmi les onze cas relatés dans l’avis du CHMP, seul un cas visait directement le Linoladiol N.

191    À cet égard, il est vrai que les deux rapports auxquels font référence les requérantes dans la requête décrivent de manière plus détaillée les cas relatés dans le cadre de la pharmacovigilance du Linoladiol N.

192    S’agissant du premier rapport, il est vrai que le premier cas qu’il relate concerne une réaction particulièrement grave développée chez une petite fille à la suite de l’administration du Linoladiol N. Toutefois, quatre autres cas figurant dans ledit rapport sont les cas de patientes en période de ménopause ayant subi des réactions indésirables dans le cas d’un traitement avec estradiol. De surcroît, le premier rapport contient également deux cas présentant un lien avec l’application du Linoladiol N. S’agissant du second rapport, il suffit de noter que ce rapport décrit plusieurs cas de réactions à la suite du traitement par estradiol à usage topique.

193    Aussi convient-il de considérer que le fait pour le CHMP de se référer à dix autres cas relatés dans le cadre de la pharmacovigilance ne saurait mettre en cause la cohérence de la motivation et le résultat auquel parviennent les conclusions scientifiques, dès lors qu’il s’agit de cas tenant aux réactions faisant suite à l’utilisation de l’estradiol.

194    Par conséquent, il convient de rejeter les allégations des requérantes.

195    Deuxièmement, s’agissant du classement prétendument erroné fondé sur les expériences faites avec d’autres médicaments contenant de l’estradiol, force est de relever non seulement que ce grief est particulièrement incompréhensible, mais également qu’il est inopérant au regard du degré de contrôle exercé par le Tribunal. En effet, ainsi que cela a été précédemment rappelé, le contrôle judiciaire s’exerce seulement sur la régularité du fonctionnement du CHMP ainsi que sur la cohérence interne et la motivation de son avis. Or, en demandant de vérifier l’existence d’un classement supposé, les requérantes demandent au Tribunal de réapprécier les éléments scientifiques.

196    Enfin, s’agissant de l’inexactitude de présentation des lignes directrices internationales, ainsi que de la citation incorrecte des lignes directrices citées dans les notes figurant en bas de la page 10 des conclusions scientifiques, il suffit de relever qu’il s’agit de citations de sources scientifiques à l’appui de l’analyse portant sur l’appréciation du bénéfice/risque du Linoladiol N au sens de l’article 116 du code HUM.

197    Or, l’argumentation des requérantes ne démontre pas en quoi la description et la présentation des lignes directrices, telles qu’opérées par le CHMP, auraient pu affecter la conclusion globale du CHMP relative à l’appréciation du rapport bénéfice/risque représenté par le Linoladiol N. En effet, les requérantes n’ont nullement établi l’existence d’éléments contradictoires et de divergences non explicitées, ni l’incohérence des motifs de l’avis du CHMP, l’ensemble de ces éléments faisant l’objet du contrôle par le Tribunal.

198    La cinquième branche du deuxième moyen doit, par conséquent, être rejetée.

199    Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement

 Sur la première branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe de proportionnalité

200    Par la première branche du troisième moyen, les requérantes soulèvent la violation du principe de proportionnalité.

201    À cet égard, elles font valoir que la limitation de l’utilisation à quatre semaines, fondée sur l’hypothèse de l’admissibilité d’un seul traitement au Linoladiol N dans la vie d’une patiente, ainsi que les conditions de la mise sur le marché reposant sur cette limitation, qui sont décrites à l’annexe IV de la décision attaquée, seraient disproportionnées. Or, selon les requérantes, la probabilité de réalisation du risque est extrêmement faible. Selon les requérantes une actualisation des mises en garde et des contre-indications dans les textes d’information serait suffisante. En outre, selon les requérantes, ordonner une étude des préoccupations d’ordre sanitaire présumées aurait constitué un moyen moins contraignant, mais, malgré tout, approprié.

202    La Commission réfute cette argumentation en faisant valoir que, conformément à l’article 107 ter du code HUM, des rapports périodiques actualisés de sécurité doivent être présentés, pour tous les médicaments autorisés, selon une fréquence précisée dans l’autorisation. S’agissant des médicaments contenant de l’estradiol, cette fréquence a été fixée à cinq ans. La fréquence de cinq ans applicable aux rapports de sécurité ne permet toutefois pas de conclure que le Linoladiol N ne comporte pas de risques. La fréquence indiquée concerne tous les médicaments contenant de l’estradiol, y compris ceux qui contiennent une dose nettement inférieure à celle du Linoladiol N.

203    À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183), étant précisé que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêt du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter, 265/87, EU:C:1989:303). En d’autres termes, le principe de proportionnalité exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321).

204    En l’espèce, ainsi qu’il résulte des considérations qui précèdent au sujet de la légalité de la procédure ayant conduit à l’adoption de l’avis scientifique du CHMP, ce dernier non seulement s’est fondé sur les études et analyses disponibles, mais, également, a fait, à juste titre, application du principe de précaution eu égard aux incertitudes constatées au regard des conséquences de l’application du Linoladiol N.

205    De surcroît, dans le cadre de la procédure au titre de l’article 31 du code HUM, le CHMP a proposé de limiter l’utilisation du Linoladiol N à l’application intravaginale « lorsqu’au moins un traitement par œstrogènes plus faiblement dosés par voie topique a échoué », ainsi qu’à une durée de quatre semaines. Dans le cadre de la procédure de réexamen, le CHMP a, en revanche, modifié les mesures proposées et la limitation de l’application intravaginale à quatre semaines a été assortie d’une interdiction de répétition. Afin d’assurer la limitation de l’utilisation à quatre semaines au maximum, il a été considéré comme nécessaire de retirer du marché les conditionnements de plus de 25 g (voir conclusions scientifiques, p. 12).

206    Or, il est constant qu’une modification des AMM délivrées est la plus faible des interventions possibles admises par l’article 116 du code HUM eu égard à la qualification du rapport risque/bénéfice en l’espèce. Une suspension ou un retrait de l’autorisation pour toutes les indications jusqu’alors approuvées aurait affecté bien plus gravement la situation juridique des requérantes et dépassé les limites de ce qui, à la lumière de l’avis final du CHMP, devait être considéré comme une mesure nécessaire.

207    En tout état de cause, l’injonction de la réalisation d’études supplémentaires ne relève pas du champ des mesures pouvant être adoptées spécifiquement dans le cadre de la procédure conformément à l’article 31 du code HUM. Au contraire, conformément au chapitre 2 du titre IX du code HUM, et en particulier de l’article 107 ter dudit code, le système de suivi est assuré dans le cadre des obligations incombant aux États membres telles qu’elles résultent du système de pharmacovigilance. Enfin, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, la fréquence de cinq ans, applicable aux rapports de sécurité relatifs aux médicaments contenant de l’estradiol, ne permet toutefois pas d’exclure les risques résultant de l’application du Linoladiol N, tels qu’identifiés par le CHMP.

208    La première branche du troisième moyen doit donc être rejetée.

 Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

209    Par la seconde branche du troisième moyen, les requérantes reprochent la violation du principe d’égalité de traitement quant au Linoladiol N au regard d’autres médicaments contenant de l’estradiol également utilisés par voie vaginale. En effet, le CHMP n’aurait jusqu’à présent jamais adopté de mesures limitatives comparables à celles du Linoladiol N. Par ailleurs, les requérantes invoquent les désavantages qu’une limitation de l’utilisation du Linoladiol N implique pour les patients.

210    Tout en s’opposant à cet argumentaire, la Commission rappelle qu’il résulte clairement de l’avis du CHMP que les autres médicaments contenant de l’estradiol ne sont pas comparables au Linoladiol N pour ce qui est de l’élément ayant entraîné la mesure de limitation de son utilisation.

211    À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du 9 septembre 2004, Espagne et Finlande/Parlement et Conseil, C‑184/02 et C‑223/02, EU:C:2004:497, point 64, et du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449, point 115).

212    Or, les autres médicaments contenant de l’estradiol et qui ont servi de comparateurs dans les études scientifiques sont, conformément à la procédure ayant conduit à l’adoption de l’avis du CHMP dont la légalité n’a pas été mise en cause dans le cadre du présent recours, dans une situation différente en ce qui concerne le Linoladiol N. En effet, le Linoladiol N entraîne une concentration d’estradiol dans le corps qui est plus élevée comparativement à d’autres médicaments pris en compte, par hypothèse, par le CHMP. Cette différence de situation autorisait dès lors un traitement différent sans que puisse être utilement invoquée une violation du principe d’égalité de traitement.

213    En tout état de cause, les requérantes ne démontrent pas la violation du principe d’égalité de traitement dans la mesure où elles n’établissent nullement que les médicaments contenant de l’estradiol sont dans la même position que le Linoladiol N en ce qui concerne l’élément ayant entraîné la mesure de limitation de son utilisation.

214    Il convient donc de rejeter la deuxième branche du troisième moyen.

215    Il découle de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté, de même que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

216    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dr. August Wolff GmbH & Co. KG Arzneimittel et Remedia d.o.o. sont condamnées aux dépens de l’instance ainsi qu’à ceux de la procédure de référé.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Signatures

Table des matières

Antécédent du litige

Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité du recours

2.  Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 31 et 32 du code HUM

Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 31 du code HUM

–  Sur le premier grief de la première branche du premier moyen, tiré de la violation de l’article 31, paragraphe 1, première phrase, du code HUM

–  Sur le deuxième grief de la première branche du premier moyen, tiré d’un abus de droit

–  Sur le troisième grief de la première branche du premier moyen, tiré de la violation de la condition de l’« intérêt de l’Union » au sens de l’article 31 du code HUM.

–  Sur le quatrième grief de la première branche du premier moyen, tiré d’un « contournement » de la répartition des compétences

Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’incompétence du CHMP

Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de la violation de l’évaluation impartiale prévue par l’article 32, paragraphe 2, du code HUM et du principe d’un examen diligent et impartial

Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 32, paragraphe 3, du code HUM

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 116, première phrase, et de l’article 126, première phrase, du code HUM

Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 116 du code HUM

Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation des règles régissant la répartition de la charge de la preuve

Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée d’une évaluation scientifique inexacte

Sur la quatrième branche du deuxième moyen, tirée d’une appréciation erronée des risques

Sur la cinquième branche du deuxième moyen, tirée de la présentation inexacte des données dans les conclusions scientifiques

Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement

Sur la première branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe de proportionnalité

Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.