Language of document : ECLI:EU:F:2011:135

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

13 septembre 2011 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Exercice d’évaluation et de promotion 2009 – Motivation de l’avis du comité paritaire d’évaluation et de promotion –Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire F‑68/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Thorsten Behnke, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis, et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Berscheid et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni (rapporteur), président, M. H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 20 août 2010 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 29 août suivant), M. Behnke a introduit le présent recours tendant à l’annulation des décisions de la Commission européenne de le classer dans le groupe de performance II au titre de l’exercice d’évaluation portant sur la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2008 (ci-après l’« exercice d’évaluation 2009 ») et de lui attribuer 5 points de promotion au titre de l’exercice de promotion 2009.

 Cadre juridique

2        L’article 43, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») prévoit :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution conformément à l’article 110. Chaque institution arrête des dispositions prévoyant le droit de former, dans le cadre de la procédure de notation, un recours qui s’exerce préalablement à l’introduction d’une réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2. »

3        Selon l’article 45, paragraphe 1, du statut :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

4        Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de la décision C (2008) 3026 de la Commission du 18 juin 2008 relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE 43 ») :

« 1. Le rendement du titulaire de poste est évalué sur la base des objectifs fixés conformément à l’article 7, paragraphe 4, ou lors de l’entrée en service de l’intéressé. L’évaluation du rendement vise à apprécier dans quelle mesure les objectifs ont été atteints et la qualité du travail accompli, en tenant compte des conditions dans lesquelles le titulaire du poste a exécuté ses fonctions.

Les objectifs font partie intégrante du rapport. Ils sont définis en retenant comme hypothèse des conditions normales de travail et sont conformes aux priorités de la Commission et aux objectifs du programme de travail de la direction générale et de l’unité tel que défini dans le plan de gestion annuel.

La mesure dont les objectifs ont été atteints et la qualité du travail accompli ainsi que les conditions réelles dans lesquelles le titulaire de poste a exécuté ses fonctions doivent être évaluées au regard des standards communs publiés par la direction générale [‘]Personnel et administration[‘] ».

5        Selon l’article 6 des DGE 43 :

« 1. Chaque rapport comprend une évaluation qualitative individuelle du rendement, des compétences et de la conduite dans le service du titulaire de poste. Sur la base de cette évaluation qualitative, la performance de chaque titulaire de poste démontrée au cours de la période de référence est synthétisée par l’un des cinq niveaux de performance suivants :

–        Niveau de performance IA : la performance du titulaire de poste a constamment dépassé le niveau de prestations attendu quant au rendement, aux compétences et à la conduite dans le service ;

–        Niveau de performance IB : la performance du titulaire de poste a fréquemment dépassé le niveau de prestations attendu quant au rendement, aux compétences et à la conduite dans le service ;

–        Niveau de performance II : la performance du titulaire de poste a atteint pleinement le niveau de prestations attendu qu’il s’agisse du rendement, des compétences et de la conduite dans le service ;

–        Niveau de performance III : la performance du titulaire de poste a en partie atteint le niveau de prestations attendu quant au rendement, aux compétences et à la conduite dans le service ;

–        Niveau de performance IV : la performance du titulaire de poste n’a pas atteint le niveau de prestations attendu qu’il s’agisse du rendement, des compétences et de la conduite dans le service.

2. Un rapport indique l’évaluation de la performance démontrée au cours de la seule période de référence donnée. Un niveau de performance ne confère donc aucune attente légitime au titulaire du poste quant à l’évaluation de la performance pour la période de référence suivante.

3. Au maximum, 8 % et 22 % respectivement des performances correspondent aux niveaux de performance IA et IB.

[…]

4. Dans chaque direction générale, le respect des pourcentages maxima indiqués au paragraphe 3 est obligatoire au niveau de chaque grade. […] »

6        L’article 8 des DGE 43 prévoit :

« […]

4. Le comité d’évaluation et de promotion compétent émet un avis concernant le rapport faisant l’objet de l’appel. Dans ce cadre, l’avis du comité paritaire d’évaluation et de promotion comporte :

–        une conclusion opérationnelle, dans laquelle le comité recommande de confirmer ou de modifier le rapport y inclus, le cas échéant, le niveau de performance ;

–        une motivation de la conclusion opérationnelle ;

–        si l’avis n’a pas été adopté à l’unanimité, les positions minoritaires qui ont été exprimées.

Si un comité n’a pas été en mesure d’adopter un avis, ce fait est signalé.

Le comité ne se substitue ni aux évaluateurs, ni aux validateurs en ce qui concerne l’évaluation des prestations du titulaire de poste. Il s’assure que les rapports ont été établis équitablement, objectivement, c’est-à-dire dans la mesure du possible sur des éléments factuels, et conformément aux présentes dispositions générales d’exécution. Il vérifie notamment le respect de la procédure prévue à l’article 7. À cet effet, il procède aux consultations nécessaires et dispose des documents de travail utiles à ces travaux.

5. L’avis du comité paritaire d’évaluation et de promotion est transmis au titulaire de poste, à l’évaluateur, au validateur et à l’évaluateur d’appel.

6. Dans un délai de cinq jours ouvrables, l’évaluateur d’appel confirme le rapport ou le modifie. Ce faisant, il tient compte notamment de l’avis du comité paritaire d’évaluation et de promotion et de l’avis présenté par le validateur conformément au paragraphe 3.

La décision de l’évaluateur d’appel ne peut pas être basée sur des faits que le titulaire de poste n’aurait pas déjà eu la possibilité de commenter au cours de la procédure d’évaluation ou d’appel, sauf à ce que cette possibilité lui soit donnée par l’évaluateur d’appel.

Lorsque l’évaluateur d’appel confirme un rapport que le comité paritaire d’évaluation et de promotion a recommandé de modifier, l’évaluateur d’appel motive sa décision d’une manière circonstanciée.

[…] »

7        Aux termes de l’article 4 de la décision C (2008) 3028 de la Commission du 18 juin 2008 relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut (ci-après les « DGE 45 ») :

« 1. Les fonctionnaires qui étaient au cours de la période de référence visée à l’article 2 des [DGE 43], à savoir l’année précédant l’exercice de promotion (ci-après ‘la période de référence’) en position d’activité, en congé parental ou familial, en congé pour services militaires ou détaché[s] dans l’intérêt du service sont éligibles pour l’attribution des points de promotion.

2. Sous réserve des paragraphes 3 à 6, les points de promotion sont attribués sur [la] base du rapport établi pour la période de référence (ci-après ‘le rapport’) conformément aux [DGE 43] et notamment sur [la] base du niveau de performance visé à l’article 6 desdites dispositions.

3. Un fonctionnaire se voit attribuer :

a)      10, 11 ou 12 points de promotion, si sa performance correspond au niveau de performance IA ;

b)      7, 8 ou 9 points de promotion, si sa performance correspond au niveau de performance IB ;

c)      4, 5 ou 6 points de promotion, si sa performance correspond au niveau de performance II ;

d)      1, 2 ou 3 points de promotion, si sa performance correspond au niveau de performance III ;

e)      aucun point de promotion, si sa performance correspond au niveau de performance IV.

4. Le nombre total de points de promotion dont dispose chaque direction générale pour chaque grade et niveau de performance est égal à :

–        pour le niveau de performance IA : 10,5 multiplié par le nombre de fonctionnaires dont la performance correspond à ce niveau ;

–        pour le niveau de performance IB : 7,5 multiplié par le nombre de fonctionnaires dont la performance correspond à ce niveau ;

–        pour le niveau de performance II : 5,1 multiplié par le nombre de fonctionnaires dont la performance correspond à ce niveau ;

–        pour le niveau de performance III : 2 multiplié par le nombre de fonctionnaires dont la performance correspond à ce niveau ;

[…]

5. Chaque directeur général établit, après la consultation des chefs d’unité organisée de la façon la plus appropriée et avec les directeurs et directeurs généraux adjoints, les critères selon lesquels les points de promotion sont attribués dans chaque niveau de performance.

6. Dans ce contexte, il est notamment tenu compte :

a)      de l’évaluation qualitative individuelle contenue dans le rapport ;

b)      de l’utilisation par le fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions de langues autres que la langue dont il a justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), du statut, telle qu’attestée dans l’annexe au rapport ;

c)      du niveau des responsabilités exercées durant la période de référence précédant l’exercice de promotion, tel qu’attesté dans l’annexe au rapport ;

d)      du travail accompli dans l’intérêt de l’institution (cette notion couvre les tâches suivantes, à la condition qu’elles ne fassent pas partie des activités habituelles du fonctionnaire : [p]résident/membre d’un jury de concours ou d’un comité paritaire de sélection d’agents temporaires, assesseur d’un jury, correcteur d’épreuves de concours, [p]résident/membre d’un comité paritaire).

[…] »

 Faits à l’origine du litige

8        Le requérant est entré au service de la Commission le 1er février 2004 en qualité de fonctionnaire. Affecté à la direction générale (DG) « Marché intérieur et services », il a été promu le 1er mars 2008 au grade AD 9.

9        Dans le rapport d’évaluation établi au titre de l’exercice d’évaluation 2008, la performance du requérant a été synthétisée par le niveau de performance II. Pour l’exercice de promotion 2009, la hiérarchie de l’intéressé a proposé de lui attribuer 5 points de promotion.

10      Le requérant a introduit un recours à l’encontre des conclusions de son rapport d’évaluation et de la proposition d’attribution des points de promotion. Le comité paritaire d’évaluation et de promotion (ci-après le « CPEP ») a décidé « par consensus » de confirmer le rapport d’évaluation. L’évaluateur d’appel a suivi cette recommandation en ce qui concerne le niveau de performance. L’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a confirmé l’attribution de 5 points de promotion.

11      Le 5 février 2010, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision de classer sa performance au niveau II au titre de l’exercice d’évaluation 2009, et de la décision d’attribution de 5 points de promotion au titre de l’exercice de promotion 2009 (ci-après les « décisions attaquées »). Cette réclamation a été rejetée le 17 mai 2010.

 Conclusions des parties et procédure

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        à titre subsidiaire, déclarer illégal l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43, en ce qu’il permet l’adoption d’un avis du CPEP par voie de consensus ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité

 Arguments des parties

14      La Commission fait valoir que le requérant n’est pas recevable à demander au Tribunal de déclarer nul l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43. D’une part, cette demande n’ayant pas été présentée dans la réclamation, la règle de concordance entre la réclamation et la requête aurait été violée. D’autre part, si un requérant peut soulever une exception d’illégalité, il est irrecevable, faute d’un intérêt personnel et direct, à demander au juge l’annulation d’un acte de portée générale avec effet erga omnes.

 Appréciation du Tribunal

15      Contrairement à ce que soutient la Commission, le requérant ne demande pas au Tribunal l’annulation de l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43 mais seulement qu’il le « déclare illégal ».

16      Certes, il n’appartient pas au Tribunal, dans le dispositif de ses arrêts, de constater l’illégalité d’une disposition de portée générale (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 21 octobre 2009, Ramaekers-Jørgensen/Commission, F‑74/08, points 37 et 38).

17      Toutefois, la demande du requérant doit être interprétée comme revenant à soulever une exception d’illégalité de l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43 au regard de l’article 43 du statut, au soutien des conclusions dirigées contre les décisions attaquées (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 novembre 2009, Palazzo/Commission, F‑57/08, point 31).

18      En outre, cette exception est recevable. En effet, d’une part, la seule circonstance qu’elle ne figurait pas dans la réclamation ne rend pas cette exception irrecevable devant le Tribunal (arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, Mandt/Parlement, F‑45/07, point 121). D’autre part, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la Commission, il existe un lien juridique direct entre les décisions attaquées et l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43 (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 31 mars 1965, Macchiorlati Dalmas/Haute Autorité, 21/64). La fin de non-recevoir soulevée par la Commission doit, dès lors, être écartée.

2.     Sur le fond

19      Le requérant soulève, en substance, les six moyens suivants :

–        l’insuffisante motivation des décisions attaquées ;

–        la méconnaissance de l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43 ;

–        l’illégalité, par voie d’exception, de l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43 ;

–        l’erreur de droit, consistant à attribuer 5 points de promotion à tous les fonctionnaires de grade AD 9 ;

–        la méconnaissance du principe d’égalité ;

–        et l’erreur manifeste d’appréciation.

 Sur le moyen tiré de l’insuffisante motivation des décisions attaquées

 Arguments des parties

20      Le requérant fait valoir qu’il a obtenu 22,5 points en 2007 et que sur la base des règles de conversion des points de mérite et des points de priorité, ces points correspondraient à 7,9 points de promotion dans le nouveau système d’évaluation et de promotion. Il soutient que l’attribution de 5 points seulement, alors que sa description de poste n’aurait pas changé et qu’il n’aurait pas démérité, constituerait une régression injustifiée, qui aurait dû être spécialement motivée.

21      La Commission soutient que le rapport d’évaluation du requérant est amplement motivé. En tout état de cause, le rejet de la réclamation comporte une motivation détaillée qui permet à l’intéressé d’évaluer l’opportunité de former un recours et au Tribunal d’apprécier la légalité de la décision. La Commission ajoute que le requérant est désormais classé dans un grade plus élevé. Par ailleurs, il ne serait pas possible d’établir une corrélation mathématique entre les points attribués dans l’ancien système et ceux attribués dans le nouveau système d’évaluation et de promotion.

 Appréciation du Tribunal

22      L’administration a l’obligation de motiver les rapports d’évaluation qu’elle élabore en application de l’article 43 du statut. Le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi du contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte attaqué. Un soin particulier doit être apporté à cette motivation, notamment lorsque la notation connaît une régression par rapport à la notation antérieure. Il importe, en effet, que la régression constatée par l’autorité soit motivée de manière à permettre au fonctionnaire d’en apprécier le bien-fondé et, le cas échéant, au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du Tribunal du 21 février 2008, Semeraro/Commission, F‑19/06, points 47 et 48, et la jurisprudence citée).

23      En l’espèce, s’il n’y a pas de corrélation mathématique parfaite entre l’ancien système d’évaluation et de promotion des fonctionnaires de la Commission et le nouveau système, applicable depuis le 1er janvier 2009 en vertu de l’article 12 des DGE 43 et de l’article 12 des DGE 45, il apparaît que le requérant, en recevant 15,5 points de mérite et 7 points de priorité au titre de l’année 2007, avait obtenu une note supérieure à la moyenne des fonctionnaires du même grade, alors qu’en se voyant attribuer 5 points de promotion au titre de l’année 2008, il a obtenu une note légèrement inférieure à celle des fonctionnaires de grade AD 9 affectés à la DG « Marché intérieur et services ». En effet, il ressort de la liste produite par la Commission en annexe à sa défense que ces fonctionnaires ont obtenu, pour l’exercice de promotion 2009, une moyenne de 6,2 points de promotion. Ainsi, contrairement à ce que soutient la Commission, la notation du requérant a régressé entre les exercices d’évaluation et de promotion 2008 et 2009.

24      Toutefois, il ressort du contenu du rapport d’évaluation établi au titre de l’exercice d’évaluation 2009 que la Commission a porté une appréciation détaillée sur la performance du requérant. Et elle a suffisamment motivé sa décision en indiquant notamment qu’« en tant que titulaire de poste récemment promu, il a été jugé au regard de sa nouvelle situation et comparé à un nouveau groupe de collègues ». Ainsi, la Commission justifie-t-elle la régression de la notation de ce fonctionnaire par la circonstance que, du fait de sa récente promotion, il était désormais comparé à des fonctionnaires d’un grade plus élevé.

25      Par suite, le premier moyen doit être écarté.

 Sur le moyen tiré la méconnaissance de l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43

 Arguments des parties

26      Le moyen comporte deux branches.

27      Dans la première branche de ce moyen, le requérant soutient que l’avis du CPEP n’a pas été adopté à l’unanimité mais par consensus, sans qu’un vote n’ait eu lieu. Il fait valoir que l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43 impose un vote, ce qui exclurait l’adoption d’un avis par consensus, lequel aurait pour objet d’éluder l’obligation de fournir une motivation précise, y compris l’indication d’une opinion minoritaire. Le CPEP aurait ainsi méconnu son obligation d’examiner le contenu du rapport d’évaluation en faisant connaître la position unanime, majoritaire ou minoritaire de ses membres.

28      Dans la seconde branche du moyen, le requérant fait valoir que la recommandation du groupe paritaire chargé d’analyser les appels devant le CPEP ne serait « pas connue », en violation de l’objectif de transparence visé dans les considérants des DGE 43.

29      La Commission rétorque que les violations de règles de procédure, notamment celles concernant l’établissement des rapports d’évaluation, constituent des irrégularités substantielles de nature à entacher la validité de ces rapports à la condition que le requérant démontre en quoi ils auraient pu avoir un contenu différent en l’absence de ces violations. Or, le requérant n’établit ni même n’allègue en rien que l’avis du comité aurait eu un contenu différent si l’avis avait donné lieu à un vote formel. Au contraire, le fait qu’il y ait eu accord par consensus prouverait qu’aucun membre du comité, représentant syndical ou autre, ne s’est opposé à l’avis. Selon la Commission, l’avis du CPEP ne constituerait qu’un acte préparatoire qui, en tant que tel, ne relèverait pas de l’obligation de motivation de l’article 25 du statut. Elle ajoute que le CPEP a dû traiter un nombre très élevé de recours internes, ce qui imposait un traitement relativement sommaire de la motivation. Enfin, seuls les commentaires finaux devraient être motivés.

30      À l’audience, le requérant a fait valoir que compte tenu de l’absence de formalisme de la procédure de réclamation, qui peut être introduite sans le concours d’un avocat, le Tribunal devrait abandonner la jurisprudence qui résulte de l’arrêt Mandt/Parlement, précité, et permettre à un fonctionnaire de soulever des moyens de légalité externe pour la première fois dans sa requête. En tout état de cause, le fait que le CPEP n’a pas voté constituerait un détournement de procédure que le Tribunal devrait soulever d’office.

31      Lors de l’audience, la Commission a invité au contraire le Tribunal à exiger du requérant le respect de la règle de concordance entre réclamation et requête. Selon la Commission, même en retenant une interprétation très large de cette règle, le moyen ne serait pas recevable. La Commission a ajouté que le moyen n’étant pas présenté de manière cohérente et compréhensible, il serait irrecevable au sens de l’article 35 du règlement de procédure. Enfin, la Commission soutient que l’unanimité étant synonyme de consensus, le requérant ne justifierait pas d’un intérêt personnel à la modification purement sémantique d’un texte.

 Appréciation du Tribunal

32      Sous réserve des exceptions d’illégalité, et bien entendu des moyens d’ordre public, il n’y a normalement modification de la cause du litige et, partant, irrecevabilité pour non-respect de la règle de concordance entre la réclamation et la requête que si le requérant, critiquant dans sa réclamation la seule validité formelle de l’acte lui faisant grief, y compris ses aspects procéduraux, soulève dans la requête des moyens au fond ou dans l’hypothèse inverse où le requérant, après avoir uniquement contesté dans sa réclamation la légalité au fond de l’acte lui faisant grief, introduit une requête contenant des moyens relatifs à la validité formelle de celui-ci, y compris ses aspects procéduraux (arrêt Mandt/Parlement, précité, point 120).

33      En l’espèce, par ce deuxième moyen, tiré de la méconnaissance de l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43, le requérant remet en cause la validité formelle de son rapport d’évaluation. Or, le requérant n’a pas soulevé de moyens de légalité externe dans sa réclamation. De ce fait, ce moyen qui, contrairement à ce qu’a soutenu le requérant à l’audience, n’est pas d’ordre public, n’est pas recevable.

34      En tout état de cause, ce moyen, pris en ses deux branches, doit être écarté comme non fondé.

35      Dans la seconde branche du moyen, le requérant soutient qu’il n’a pas eu connaissance de l’avis du groupe paritaire de travail, chargé d’examiner les appels au CPEP, en méconnaissance de « l’objectif de transparence visé dans les considérants » des DGE 43 et de l’obligation de motivation.

36      Toutefois, les DGE 43 ne prévoient pas la communication des projets d’avis émis par les groupes paritaires de travail, qui sont chargés de préparer les délibérations du CPEP, en application de l’article 2 de l’annexe II à ces DGE. La seule circonstance que dans un de leurs considérants, les DGE 43 précisent qu’elles ont pour objet d’établir un système d’évaluation « plus transparent » n’est pas de nature à démontrer qu’en ne communiquant pas au requérant le projet d’avis le concernant, la Commission aurait entaché les décisions attaquées d’irrégularité. Par ailleurs, dès lors que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, le rapport d’évaluation est lui-même suffisamment motivé, la circonstance que le requérant n’a pu prendre connaissance du projet d’avis du groupe paritaire de travail n’est pas de nature à démontrer une violation de l’obligation de motivation.

37      Par la première branche du moyen, le requérant fait valoir que le CPEP, en adoptant son avis par voie de consensus, aurait méconnu les dispositions de l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43.

38      Le CPEP doit se prononcer sur le contenu des rapports d’évaluation, cette formalité étant substantielle (arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, points 71 à 75).

39      Contrairement à ce que soutient le requérant, en adoptant son avis par voie de « consensus », le CPEP a nécessairement pris sa décision à l’unanimité, ce que permet l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43. En effet, les DGE 43 ne prévoient pas de procédure formalisée de vote au sein des CPEP, si bien qu’aucune distinction, autre que purement sémantique, ne peut être établie entre un avis rendu par consensus et un avis rendu à l’unanimité.

40      Toutefois, ainsi que le requérant le fait valoir à juste titre, l’adoption d’un avis par le CPEP par voie de consensus ne saurait l’exonérer de l’obligation de motivation qui lui incombe. Or, l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43 prévoit que même les avis adoptés à l’unanimité doivent comporter une motivation de la conclusion opérationnelle.

41      Or, en l’espèce, l’avis du CPEP, qui n’a pas été rendu sur un support écrit spécifique, n’a pas reçu d’autre formulation que celle reproduite électroniquement dans le rapport d’évaluation. Il est libellé sous une forme stéréotypée et ne fait pas référence à des éléments relatifs à la situation particulière du requérant. Cet avis n’est dès lors pas motivé, en méconnaissance des dispositions de l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43. Contrairement à ce que soutient la Commission, la circonstance que le rapport d’évaluation soit lui-même suffisamment motivé ne remet pas en cause le constat de cette irrégularité, dès lors que le requérant se prévaut, dans le cadre de ce deuxième moyen, non seulement de la méconnaissance générale de l’obligation de motivation, mais aussi d’un vice tiré de l’irrégularité de la procédure.

42      Toutefois, les violations des règles de procédure, notamment celles concernant l’établissement des rapports d’évaluation, constituent des irrégularités substantielles de nature à entacher la validité du rapport à condition que le requérant démontre que ledit rapport aurait pu avoir un contenu différent en l’absence de ces violations (arrêt du Tribunal de première instance du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T‑212/97, point 53, et la jurisprudence citée).

43      En l’espèce, la circonstance que l’avis du CPEP a été rendu par consensus, sans motivation, n’est pas, à elle seule, de nature à démontrer que le CPEP n’aurait pas examiné le rapport d’évaluation du requérant.

44      Par ailleurs, le requérant n’allègue pas que si le CPEP avait motivé son avis tendant à la confirmation de son rapport d’évaluation, ledit rapport aurait pu avoir un autre contenu. Ainsi, l’intéressé ne démontre pas que l’irrégularité commise par la Commission serait substantielle.

 Sur l’exception d’illégalité de l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43

 Arguments des parties

45      Le requérant soutient qu’à supposer que l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43 autorise le CPEP à adopter un avis par consensus, cette disposition serait illégale en tant qu’elle n’assurerait pas un recours interne effectif au sens de l’article 43 du statut.

46      La Commission rétorque que le choix de l’organe chargé d’examiner les recours internes et les modalités de son fonctionnement relèvent du large pouvoir d’appréciation de chaque institution.

 Appréciation du Tribunal

47      L’article 8, paragraphe 4, des DGE 43 autorise le CPEP à adopter son avis par voie de consensus, ce terme étant, ainsi qu’il a été dit au point 39 du présent arrêt, synonyme d’unanimité.

48      L’article 43 du statut impose seulement aux institutions d’arrêter des dispositions permettant de former, dans le cadre de la procédure de notation, un recours préalable à l’introduction d’une réclamation. Or, les DGE 43 ont bien pour objet de prévoir la présentation, dans le cadre de la procédure de notation, d’un recours préalable à l’introduction d’une réclamation. La Commission a ainsi pu décider, sans méconnaître les dispositions de l’article 43 du statut, que ce recours préalable puisse être soumis à un avis d’un comité consultatif, en l’espèce le CPEP, et que cet avis puisse être rendu à l’unanimité (ou par consensus).

49      Par suite, le requérant n’est pas fondé à exciper de l’illégalité de l’article 8, paragraphe 4, des DGE 43 et le troisième moyen doit être écarté.

 Sur le moyen tiré de ce qu’en attribuant 5 points de promotion à tous les fonctionnaires de grade AD 9 de la même direction générale venant d’être promus, la Commission aurait violé les articles 43 et 45 du statut

 Arguments des parties

50      Le requérant fait valoir que les commentaires figurant dans les rapports d’évaluation et les points de promotion sont indissociables. Il soutient que tous les fonctionnaires de grade AD 9 affectés à la même direction générale que lui et promus à ce grade en 2008 n’ont obtenu que 5 points de promotion. L’attribution généralisée du même nombre de points de promotion démontrerait l’absence de notation et de comparaison effectives des mérites respectifs de ces fonctionnaires. Le requérant en déduit que les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance des articles 43 et 45 du statut et de l’article 4 des DGE 45.

51      La Commission rétorque que s’il existe un lien entre les procédures d’évaluation et de promotion, ces procédures n’en sont pas moins distinctes et qu’il serait erroné de considérer que ces procédures sont indissociables. La Commission ajoute qu’en réalité, seuls cinq des dix fonctionnaires de grade AD 9 affectés à la DG « Marché intérieur et services » ont reçu 5 points de promotion. En tout état de cause, il ne serait pas possible de considérer que l’attribution de 5 points de promotion serait illégale en se bornant à observer que le même nombre de points aurait été attribué à seulement dix fonctionnaires. En effet, un tel chiffre pourrait être le fruit d’une simple coïncidence.

 Appréciation du Tribunal

52      Il y a d’abord lieu de constater que l’article 4 des DGE 45 fixe un nombre minimal et maximal de points de promotion pour chaque niveau de performance. Or, par application de l’article 6 des DGE 43, le niveau de performance de chaque fonctionnaire est établi par le rapport d’évaluation. De ce fait, lorsqu’à l’issue de l’exercice d’évaluation, un fonctionnaire se voit attribuer, comme c’est le cas pour le requérant, le niveau de performance II, l’AIPN ne peut lui attribuer qu’entre 4 et 6 points de promotion. Ainsi, il existe un lien de corrélation étroit entre le rapport d’évaluation, qui fixe le niveau de performance, et la décision ultérieure d’attribution des points de promotion, même si l’AIPN conserve une large marge d’appréciation, dans le cadre de l’exercice de promotion, pour fixer le nombre exact de points de promotion. En ce sens, le requérant soutient à juste titre que les procédures de notation et de promotion à la Commission sont indissociables.

53      Ensuite, l’exigence d’un examen comparatif des mérites, posée à l’article 45 du statut, requiert que les mérites de chaque candidat à une promotion soient appréciés par l’AIPN par rapport à ceux de l’ensemble des autres candidats à la promotion (arrêt de la Cour du 9 novembre 2000, Commission/Hamptaux, C‑207/99 P, points 18 et 19).

54      En l’espèce, le requérant, qui a été classé au niveau de performance II et s’est vu attribuer 5 points de promotion, soutient que l’ensemble des fonctionnaires de sa direction générale, promus, comme lui au grade AD 9 en 2008, ont obtenu également 5 points de promotion, ce qui démontrerait l’absence d’examen comparatif des mérites de ces fonctionnaires.

55      Toutefois, il ressort d’un document produit par la Commission en défense que la moitié des fonctionnaires affectés à la DG « Marché intérieur et services » et promus au grade AD 9 en 2008 ont obtenu un nombre de points de promotion différent de celui du requérant, deux d’entre eux ayant d’ailleurs été classés au niveau de performance IB et ayant obtenu respectivement 7 et 8 points de promotion.

56      Par ailleurs, s’il résulte de l’examen de ce document que les fonctionnaires de grade AD 9 ayant atteint ce grade avant 2008 ont obtenu, en moyenne, un nombre de points de promotion légèrement supérieur à celui de leurs collègues qui ont été, comme le requérant, promus cette année-là, cette différence, assez faible, peut s’expliquer par la circonstance que les premiers fonctionnaires cités, du fait de leur ancienneté dans le grade, sont a priori plus expérimentés que ceux qui viennent d’être promus. Et il a été admis que, dans l’évaluation des mérites d’un fonctionnaire, l’AIPN puisse tenir compte de la récente promotion d’un fonctionnaire (arrêt Semeraro/Commission, précité, point 56).

57      Il résulte de ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’AIPN ne se serait pas livrée à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant été promus au grade AD 9 en 2008. Par suite, le quatrième moyen de la requête doit être écarté.

 Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité

 Arguments des parties

58      Le requérant soutient qu’il a dû faire face à une charge de travail importante et à de nouvelles tâches en raison de la crise financière survenue en 2008. Il ajoute qu’il a été confronté à un manque de personnel qualifié et, pendant une période, à l’absence de secrétaire. Ces conditions de travail particulières, qui justifieraient, au vu des résultats obtenus, le classement au niveau de performance IA ou IB, n’auraient pas été prises en compte dans son évaluation. De ce fait, l’AIPN aurait méconnu l’article 3 des DGE 43 et le principe de l’égalité de traitement.

59      À l’audience, le requérant a souligné que si une direction générale est soumise à une charge de travail particulièrement lourde et que tous les fonctionnaires y étant affectés font preuve d’un mérite exceptionnel, on méconnaîtrait le principe de vocation à la carrière et l’égalité de traitement en traitant ces personnes de la même manière que ceux qui travaillent dans une autre direction générale.

60      La Commission rétorque que ce moyen ne figurait pas dans la réclamation. Elle ajoute que l’existence d’une situation de pression en raison d’urgences politiques et économiques, de même que les absences passagères de collègues ou de secrétaires, appartiennent aux aléas de la vie administrative. L’évaluateur aurait fait référence à la faculté du requérant de bien gérer l’utilisation de son temps et à sa réaction rapide à des tâches nouvelles et inattendues. Les circonstances mentionnées par le requérant auraient été prises en considération par l’évaluateur.

 Appréciation du Tribunal

61      Au préalable, il convient de souligner que le requérant ayant soulevé d’autres moyens de légalité interne dans sa réclamation, il est recevable, contrairement à ce que soutient la Commission, à soulever, pour la première fois dans sa requête, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité (arrêt Mandt/Parlement, précité, point 120).

62      Sur le fond, l’administration est tenue, pour apprécier les mérites d’un fonctionnaire, de prendre en considération les conditions difficiles dans lesquelles il a exercé ses fonctions et notamment le fait que son unité a disposé de moins de personnel que ce qui était prévu lorsque les objectifs assignés à ce fonctionnaire ont été fixés (arrêt du Tribunal de première instance du 31 janvier 2007, Aldershoff/Commission, T‑236/05, points 85 et suivants ; voir, également, arrêt du Tribunal du 23 février 2010, Faria/OHMI, F‑7/09, point 53).

63      En l’espèce, il ressort du rapport d’évaluation qu’il a été tenu compte des conditions particulières d’exercice des fonctions du requérant en 2008 tant par l’évaluateur, qui a mentionné que l’intéressé avait dû faire face à des tâches nouvelles et inattendues, que par le validateur, qui a souligné que le requérant avait été soumis à une charge de travail supplémentaire en raison de la crise financière et de la pression des États membres.

64      Par ailleurs, le requérant ne soutient pas que les fonctionnaires de grade AD 9 au sein de sa direction générale, dont le travail a également été nécessairement affecté par la crise financière de 2008, auraient été soumis à des contraintes sensiblement différentes des siennes.

65      Enfin, la seule circonstance que les fonctionnaires de grade AD 9 de la DG « Marché intérieur et services » ont connu en 2008 des conditions de travail plus difficiles, du fait de la survenance de la crise financière, n’est pas de nature à établir que les mérites moyens de ces fonctionnaires seraient, pour autant, supérieurs à ceux des fonctionnaires du même grade d’autres directions.

66      Ainsi, le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’AIPN aurait manifestement méconnu le principe d’égalité.

 Sur le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation

 Arguments des parties

67      Le requérant soutient que l’administration aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en le classant au niveau de performance II et en lui attribuant 5 points de promotion. Il fait valoir qu’il y aurait une incohérence entre, d’une part, les commentaires figurant dans le rapport d’évaluation, et, d’autre part, le classement au niveau de performance II et l’attribution de 5 points de promotion.

68      Le requérant prétend qu’il a manifestement dépassé le premier des quatre objectifs qui lui étaient assignés quant au suivi de la communication de la Commission sur les systèmes de garantie des dépôts. Il souligne qu’il devait surveiller et guider le travail du Forum européen des systèmes de garantie des dépôts et du Centre commun de recherche (JRC). Or, il fait valoir qu’il a élaboré, en urgence, une proposition pour amender une directive relative au système de garantie des dépôts et a représenté seul la Commission lors des discussions. Il soutient que l’évaluateur et le validateur ont tous deux reconnu le caractère inattendu des tâches qui lui ont été assignées et ses grandes capacités à travailler à un haut niveau de responsabilité, bien supérieur à celui normalement attendu d’un fonctionnaire de grade AD 9. Ainsi, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et méconnu l’article 5 des DGE 45.

69      Par ailleurs, le requérant soutient qu’il a manifestement dépassé son deuxième objectif. Cet objectif consistait à élaborer avec concision et sous une forme juridiquement correcte la proposition de révision d’une directive relative aux fonds propres réglementaires. Le requérant soutient qu’il n’a pas seulement contribué, sur le plan juridique, à l’élaboration d’une proposition de directive relative aux exigences de fonds propres pour les établissements de crédit, mais qu’il a aussi agi en tant que coordinateur, en l’absence de ses collègues, et a assumé la responsabilité de la négociation des termes de la directive. Le requérant en déduit que l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation et a méconnu l’article 6 des DGE 43 en le classant au niveau de performance II.

70      À titre subsidiaire, le requérant soutient que l’attribution de 5 points de promotion seulement, inférieure à la note qu’il considère comme « neutre » de 6 points, n’est pas cohérente avec les commentaires élogieux et constitue une erreur manifeste d’appréciation.

71      Enfin, à l’audience, le requérant a souligné que la durée moyenne dans le grade AD 9 étant de 4 ans et le seuil de promotion étant de 24 points, la moyenne serait bien égale à 6 points. Il a précisé qu’il avait utilisé le français pour la négociation concernant une directive relative au système de garantie des dépôts. Or, le français étant sa troisième langue, il justifierait d’un niveau linguistique exceptionnel. Enfin, il a souligné qu’à sa connaissance, il aurait été le seul, au sein de sa direction générale, à avoir négocié l’adoption de deux directives.

72      La Commission rétorque que le contrôle des appréciations portées par les notateurs sur les fonctionnaires est restreint et qu’eu égard au très large pouvoir d’appréciation reconnu aux évaluateurs, une éventuelle incohérence au sein d’un rapport d’évaluation ne peut justifier l’annulation dudit rapport que si elle est manifeste. La Commission souligne que pour justifier un classement dans le niveau de performance IB, il faut que la performance du titulaire de poste dépasse fréquemment le niveau de prestations attendu. Elle ajoute que seuls 30 %, au maximum, des fonctionnaires peuvent être classés au niveau de performance IA ou IB.

73      La Commission considère que les éléments invoqués par le requérant, à savoir l’élaboration de deux propositions législatives modificatives et leur négociation ultérieure étaient clairement mentionnés dans les objectifs qui lui avaient été assignés. Elle ajoute, s’agissant de la rédaction de la proposition de modification d’une directive relative au système de garantie des dépôts, qu’il s’agissait d’un effort collectif impliquant l’ensemble de la hiérarchie du requérant. Elle indique que le requérant, lors des réunions de négociation, avait l’appui d’un fonctionnaire du secrétariat général de la Commission et pouvait téléphoner à son chef d’unité avec lequel s’étaient tenues des réunions préparatoires.

74      La Commission fait par ailleurs valoir que quatre personnes ont été impliquées dans le travail d’élaboration d’une directive relative aux fonds propres réglementaires et souligne que le rôle du requérant était limité à la coordination sur le plan juridique d’un projet rédigé par d’autres. Elle soutient que la description de poste était très claire.

75      La Commission fait enfin valoir que le nombre de points de promotion « neutre » est 5 et non 6. Elle ajoute qu’il n’est pas extraordinaire qu’un fonctionnaire de langue maternelle allemande et de grade AD 9 maîtrise l’anglais sans qu’il ne soit nécessaire de corriger les textes législatifs qu’il a rédigés dans cette langue. Il serait également normal que le requérant puisse mener des négociations en français.

 Appréciation du Tribunal

76      Au soutien de ce dernier moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, le requérant fait valoir qu’il a largement dépassé les deux objectifs prioritaires qui lui avaient été assignés pour l’année 2008.

77      Au préalable, il y a d’abord lieu de souligner que, pour évaluer l’intérêt du service ainsi que les qualifications et les mérites des candidats à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation et que, dans ce domaine, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et aux moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le juge de l’Union ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et des mérites des candidats à celle de l’AIPN (arrêt de la Cour du 4 février 1987, Bouteiller/Commission, 324/85, point 6).

78      Par ailleurs, les commentaires descriptifs figurant dans un rapport d’évaluation ont pour objet de justifier les appréciations analytiques portées dans le rapport. Ces commentaires servent d’assise à l’établissement de l’évaluation et permettent au fonctionnaire de comprendre les notes obtenues. Par conséquent, eu égard à leur rôle prédominant dans l’établissement du rapport d’évaluation, les commentaires doivent être cohérents avec les notes allouées, la notation devant être considérée comme une transcription chiffrée ou analytique des commentaires. Compte tenu du très large pouvoir d’appréciation reconnu aux évaluateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge de noter, une éventuelle incohérence au sein d’un rapport d’évaluation ne peut justifier l’annulation dudit rapport que si celle-ci est manifeste (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Sequeira Wandschneider/Commission, F‑28/06, points 109 et 110).

79      Enfin, en vertu des dispositions de l’article 5 des DGE 43, l’évaluation du rendement d’un fonctionnaire vise à apprécier dans quelle mesure les objectifs qui ont été fixés ont été atteints. Il résulte de ces mêmes dispositions que les objectifs doivent être définis en retenant comme hypothèse des conditions normales de travail. Lorsque l’administration, comme c’est le cas en l’espèce, décide de faire reposer l’évaluation de ses fonctionnaires sur des objectifs dûment formalisés, le document précisant les objectifs assignés à un fonctionnaire constitue un élément essentiel lors de l’appréciation de ses prestations (arrêt du Tribunal du 10 novembre 2009, N/Parlement, F‑93/08, point 64).

–       En ce qui concerne le niveau de langue

80      Le requérant, dont la langue principale est l’allemand, a fait valoir à l’audience, sans être contredit par la Commission sur ce point, qu’il a négocié en français l’adoption d’une directive relative au système de garantie des dépôts. Il ressort par ailleurs du rapport d’évaluation du requérant que sa maîtrise de l’anglais est telle que l’évaluateur a déclaré que son supérieur hiérarchique n’a jamais été amené à corriger les textes juridiques qu’il avait rédigés dans cette langue.

81      Contrairement à ce que soutient la Commission, un tel niveau d’utilisation des langues dans l’exercice de ses fonctions dépasse clairement le niveau moyen de maîtrise linguistique attendu d’un fonctionnaire de grade AD 9.

–       En ce qui concerne le premier objectif

82      Il résulte des commentaires portés tant par l’évaluateur que le validateur sur le rapport d’évaluation du requérant que l’intéressé a été amené à préparer, en urgence, une modification substantielle d’une directive relative au système de garantie des dépôts et qu’il a négocié cette directive au nom de la Commission.

83      Or, par ordre de priorité, le premier objectif assigné au requérant consistait seulement à surveiller et guider le travail du Forum européen des systèmes de garantie des dépôts et du JRC à la suite de la communication de la Commission et à préparer un document d’orientation pour le Comité économique et financier.

84      Ainsi, contrairement à ce que soutient la Commission dans son mémoire en défense, l’élaboration et la négociation de cette proposition de modification de la législation n’étaient pas mentionnées dans les objectifs assignés au requérant. L’évaluateur comme le validateur ont reconnu que l’intéressé était parvenu à réaliser ce travail supplémentaire, dû à la crise financière, dans de brefs délais, et sous la pression des États membres. Et tous deux ont jugé que le travail effectué à cette occasion était de grande qualité. En réalisant ce travail avec succès, le requérant a nettement dépassé ce qui était exigé de lui dans le cadre de son premier objectif.

85      Il en résulte que le requérant est fondé à soutenir qu’il a manifestement dépassé le premier objectif fixé par sa hiérarchie.

–       En ce qui concerne le deuxième objectif

86      Les commentaires figurant dans le rapport d’appréciation indiquent que le requérant a participé à la rédaction d’une directive relative aux fonds propres réglementaires, sa hiérarchie reconnaissant sa capacité à rédiger des textes juridiques.

87      Il ressort toutefois de son rapport d’évaluation que le deuxième objectif du requérant consistait précisément à élaborer avec concision et sous une forme juridiquement correcte la proposition d’une révision d’une directive relative aux fonds propres réglementaires.

88      Si le requérant soutient qu’il n’a pas seulement contribué, sur le plan juridique, à l’élaboration d’une proposition de directive relative aux exigences de fonds propres pour les établissements de crédit, mais qu’il aurait également agi en tant que coordinateur, en l’absence de ses collègues, et aurait assumé la responsabilité de la négociation des termes de la directive, cette affirmation est contredite par la Commission qui soutient que quatre personnes ont été impliquées dans le travail d’élaboration de la directive en cause.

89      Or, le requérant ne produit aucune pièce permettant d’établir qu’il aurait réellement assumé seul la responsabilité de la négociation de cette directive.

90      Il en résulte que le requérant n’établit pas qu’il aurait nettement dépassé ce qui était attendu de lui dans le cadre du deuxième objectif fixé par sa hiérarchie.

–       En ce qui concerne les autres objectifs ainsi que le mérite comparatif du requérant

91      S’il est établi que le requérant a nettement dépassé ce qui était attendu de lui dans le cadre du premier objectif que lui avait fixé sa hiérarchie, il n’apparaît cependant pas qu’eu égard au large pouvoir d’appréciation dont elle dispose, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que la performance du requérant, appréciée globalement, n’avait pas fréquemment dépassé le niveau de prestation attendu quant au rendement, aux compétences et à la conduite dans le service au sens de l’article 6 des DGE 43.

92      En effet, en premier lieu, le requérant ne soutient pas qu’il aurait dépassé ce qui était attendu de lui dans le cadre du troisième objectif qu’il lui avait été assigné, consistant à coordonner l’analyse et la réponse aux procédures d’infraction, et dans le cadre du quatrième objectif fixé, concernant la réponse aux questions posées par le Parlement européen.

93      En deuxième lieu, ainsi qu’il vient d’être dit, le requérant ne démontre pas qu’il aurait manifestement dépassé les attentes de sa hiérarchie au titre du deuxième objectif qui lui avait été assigné.

94      En troisième lieu, le requérant n’allègue pas que les autres fonctionnaires de grade AD 9 de sa direction générale, dont les conditions de travail ont également été affectées par la survenance de la crise financière en 2008, n’auraient pas dépassé, pour partie, les objectifs qui leur étaient fixés. Le requérant n’apporte aucune pièce permettant d’établir que ses mérites auraient été manifestement supérieurs à ceux des autres fonctionnaires du même grade que le sien au sein de sa direction générale. Or, le requérant ne conteste pas la légalité des DGE 43 en ce qu’elles fixent un pourcentage maximal global de 30 % des fonctionnaires d’un même grade et d’une même direction générale pouvant, en principe, être classés aux niveaux de performance IA et IB.

95      Il en résulte que le requérant ne démontre pas qu’en refusant de le classer à un des niveaux de performance IA ou IB, dans lesquels sont classés les fonctionnaires qui ont « constamment » ou « fréquemment » dépassé le niveau de prestations attendu quant au rendement, aux compétences et à la conduite dans le service, la Commission aurait entaché le rapport d’évaluation d’erreur manifeste d’appréciation ou d’incohérence manifeste.

96      Enfin, il est exact, ainsi qu’il a été dit au point 23 du présent arrêt, qu’en obtenant seulement 5 points de promotion, le requérant a reçu un nombre de points légèrement inférieur à la moyenne des fonctionnaires de sa direction générale et de son grade. Toutefois, il ressort de l’article 4, paragraphe 4, des DGE 45 que le nombre de points de promotion dont dispose une direction générale pour chaque niveau de performance est strictement contingenté. Il est ainsi fixé à 5,1 multiplié par le nombre de fonctionnaires de la direction générale dont la performance correspond au niveau II. L’attribution de ces points résulte donc nécessairement d’une appréciation des mérites relatifs de ces fonctionnaires et du choix de l’AIPN dépendant du strict contingentement des points de promotion. En l’espèce, outre son rapport d’évaluation, le requérant ne produit aucune autre pièce qui permettrait utilement au Tribunal d’apprécier ses mérites par rapport à ceux de ses collègues détenant, dans sa direction générale, le même grade et ayant le même niveau de performance. Le requérant ne démontre donc pas qu’en lui attribuant 5 points plutôt que 6, l’AIPN aurait entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation.

 Sur le moyen tiré de la méconnaissance des champs d’application respectifs des articles 43 et 45 du statut

 Arguments des parties

97      À l’audience, le requérant a fait valoir que l’AIPN, lors de l’attribution des points de promotion dans le cadre de l’article 45 du statut, serait liée par la décision fixant les niveaux de performance au titre de l’article 43 du statut. Il a soutenu qu’un tel encadrement du pouvoir de décision de l’AIPN mettrait en cause les champs d’application respectifs des articles 43 et 45 du statut. Il a ajouté que ce moyen devrait être soulevé d’office, car il serait relatif au champ d’application de la loi.

98      La Commission a rétorqué qu’un certain lien entre évaluation et promotion avait toujours existé et qu’en tout état de cause, il était toujours possible, au stade de l’examen de la réclamation, d’attribuer à un fonctionnaire davantage de points de promotion que ce que son niveau de performance permettrait normalement.

 Appréciation du Tribunal

99      Le moyen, tiré de la méconnaissance des champs d’application respectifs des articles 43 et 45 du statut, a été soulevé pour la première fois à l’audience. Le requérant le présente comme relevant de la méconnaissance du champ d’application de la loi. Toutefois, ce moyen n’est pas assorti de précisions suffisantes permettant d’apprécier son caractère d’ordre public. En tout état de cause, puisqu’il ne comporte pas un exposé suffisamment précis des arguments de fait et de droit invoqués, il n’a pas été soulevé conformément à l’article 35 du règlement de procédure. Il doit donc être écarté comme étant irrecevable.

100    Il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée comme non fondée.

 Sur les dépens

101    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Aux termes de l’article 88 du règlement de procédure, une partie, même gagnante, peut être condamnée partiellement voire totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude.

102    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Toutefois, il résulte du point 41 du présent arrêt que la procédure d’évaluation et de promotion conduite en l’espèce n’était pas exempte d’irrégularités. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances du litige en condamnant la Commission à supporter, outre ses propres dépens, le quart des dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne supporte, outre ses propres dépens, le quart des dépens de M. Behnke.

3)      M. Behnke supporte les trois quarts de ses propres dépens.

Gervasoni

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.