Language of document : ECLI:EU:F:2011:98

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

29 juin 2011 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Mesure d’éloignement du lieu de travail – Retrait de la carte de service – Retrait des droits d’accès au réseau informatique – Réclamation administrative préalable – Transmission par voie électronique – Prise de connaissance effective par l’administration – Tardiveté – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑125/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Daniel Schuerewegen, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Marienthal (Luxembourg), représenté par Mes P. Nelissen Grade et G. Leblanc, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. O. Caisou-Rousseau et Mme E. Despotopoulou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni (rapporteur), président, M. H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 30 novembre 2010 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 6 décembre suivant), M. Schuerewegen a introduit le présent recours tendant notamment, d’une part, à l’annulation des décisions du 25 mars 2010 par lesquelles le Parlement européen lui a retiré son badge de service, l’a privé d’accès au réseau informatique de l’institution et l’a éloigné des locaux de celle-ci, et, d’autre part, à l’indemnisation des préjudices matériel et moral que lui aurait causés cette décision.

 Faits à l’origine du litige

2        Le requérant est fonctionnaire du Parlement depuis le 1er octobre 1991. À l’issue d’un congé de convenance personnelle, il a été affecté, à compter du 1er juillet 2002, à la direction générale des finances du Parlement, où il occupe un poste d’administrateur local du système informatique. Ses attributions consistent en particulier à mettre en application, au sein de cette direction générale, la stratégie définie par la direction générale « Innovation et support technologique », notamment en matière de sécurité des systèmes informatiques.

3        Le requérant souligne que, dans le cadre de ses fonctions, il a été amené à alerter sa hiérarchie sur certaines failles dans la sécurité des systèmes et à critiquer les conditions d’intervention de prestataires de services agissant pour la direction générale « Innovation et support technologique ».

4        Au cours de l’hiver 2009/2010, la direction générale « Innovation et support technologique » a constaté des anomalies dans les systèmes informatiques du Parlement. Suspectant des actes de malveillance, elle a mis en place un dispositif de surveillance renforcée.

5        Le 2 février 2010, des dysfonctionnements ont été constatés dans les systèmes informatiques, ayant pour effet, selon le Parlement, d’empêcher la direction générale « Innovation et support technologique » d’accéder à une importante ressource informatique et privant certains collaborateurs directs du secrétaire général du Parlement de l’accès à leurs documents électroniques.

6        Une première analyse des causes techniques de ces incidents a conduit l’administration à constater qu’ils avaient pour origine une intervention malveillante effectuée à partir de l’un des trois ordinateurs installés dans le bureau du requérant, ordinateur n’apparaissant pas dans l’inventaire du matériel et n’ayant pas la même configuration que la plupart des ordinateurs mis par le Parlement à la disposition des membres de son personnel.

7        Le jeudi 25 mars 2010 à 16 h 45, agissant sans préavis, des membres de la direction de la sécurité et de l’évaluation, direction habilitée à prendre toutes les dispositions de mise en œuvre de la réglementation portant sur les titres et autorisations d’accès aux locaux du Parlement, adoptée le 28 janvier 2005 par le secrétaire général du Parlement, se sont présentés dans le bureau du requérant, ont demandé à celui-ci de leur remettre son badge de service et l’ont prié de quitter les locaux de l’institution jusqu’à nouvel ordre. Le requérant a obtempéré sans opposer de résistance. L’ordinateur identifié comme pouvant être à l’origine des dysfonctionnements a, à cette occasion, été confisqué, en vue d’une analyse ultérieure. Le Parlement affirme, dans son mémoire en défense, que la privation de l’accès du requérant au réseau informatique de l’institution résulte d’une décision distincte des mesures mises en œuvre le 25 mars 2010, mentionnées à la première phrase du présent point, décision qu’il aurait adoptée également à cette date.

8        Les mesures mentionnées au point précédent, à savoir le retrait de son badge de service au requérant, la privation d’accès au réseau informatique du Parlement et l’injonction adressée au requérant de quitter les locaux de l’institution, constituent les actes faisant grief au requérant que celui-ci conteste par le présent recours (ci-après les « décisions litigieuses »).

9        Estimant que les mesures conservatoires nécessaires avaient été prises, le Parlement a décidé de rétablir le droit du requérant à accéder à son lieu de travail. Par note du vendredi 26 mars 2010, le chef de l’unité de coordination générale, unité de la direction générale des finances, a informé le requérant qu’il pouvait obtenir la restitution de son badge d’accès, que ce badge était disponible à l’entrée du bâtiment Schuman, et que le requérant était autorisé à entrer dans les locaux de l’institution. L’auteur de cette note invitait le requérant, lorsqu’il viendrait au travail le lundi 29 mars, à venir d’abord le rencontrer, pour discuter de ses conditions de travail. Le Parlement précise dans son mémoire en défense que la note du 26 mars 2010 a été envoyée au requérant le même jour.

10      Le 12 avril 2010, après une période d’absence pour maladie suivie de congés annuels, le requérant est effectivement revenu au Parlement. Un premier entretien s’est alors tenu, le 13 avril 2010, entre le requérant et un responsable de la direction de la sécurité et de l’évaluation. Après un nouveau congé de maladie, couvrant la période allant du 14 au 23 avril 2010, le requérant a repris son travail, le 26 avril 2010. Un second entretien a eu lieu, le 27 avril 2010, entre l’intéressé et le même responsable. Lors de ces deux entretiens, le requérant a formellement contesté avoir commis des actes d’intrusion malveillante et a déclaré ignorer les faits qui lui étaient reprochés.

11      Par note du 22 juin 2010, le chef de l’unité de coordination générale a informé le requérant qu’il pouvait à nouveau bénéficier d’un accès normal au réseau et réintégrer son bureau mais qu’il n’aurait plus les droits d’accès au réseau dont il disposait en qualité d’administrateur local de système. Le chef d’unité précisait à la fin de cette note qu’il demandait à M. B., destinataire en copie de ce document, de rétablir les droits d’accès du requérant sans délai (« as from today »). Le requérant affirme dans son recours, sans être contredit par le Parlement, qu’il a été informé par courriel du 26 juin 2010 des mesures visées dans la note du 22 juin 2010 et qu’il n’a eu connaissance de cette note que le 16 juillet 2010.

12      Par courriel du vendredi 25 juin 2010, expédié à 15 h 55 depuis une boîte électronique comportant une adresse de la Commission européenne, M. F. s’est adressé au secrétaire général du Parlement dans les termes suivants :

« Monsieur le [s]ecrétaire [g]énéral,

[J]e vous prie de trouver ci-joint la version électronique d’une réclamation sur base de l’article 90, paragraphe 2, du statut [des fonctionnaires de l’Union européenne] introduite par M. Schuerewegen qui me prie de vous en adresser copie électronique par messagerie.

M. Schuerewegen adresse ce même jour la version papier de cette réclamation sur base de l’article 90, paragraphe 2, par courrier postal à votre attention.

D’avance, merci de votre bienveillante attention. »

13      Par lettre du 25 juin 2010, le requérant a formé une réclamation à l’encontre des décisions litigieuses. Dans cette réclamation, il a également demandé la réparation des dommages que cette décision lui aurait causés.

14      Par décision du 30 août 2010, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation comme tardive, au motif qu’elle n’avait été enregistrée au courrier officiel du Parlement que le 28 juin 2010, plus de trois mois après les décisions litigieuses (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »). À titre subsidiaire, l’AIPN a considéré que la réclamation n’était pas fondée, en soulignant que ces décisions litigieuses constituaient une précaution nécessaire et ne pouvaient être analysées comme une mesure de suspension au sens des articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») ou comme une sanction disciplinaire.

 Conclusions des parties et procédure

15      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        annuler les décisions litigieuses ;

–        indiquer à l’AIPN les effets qu’emporte l’annulation des décisions susmentionnées et notamment la réparation des préjudices matériel et moral qu’il a subis ;

–        condamner l’AIPN :

–        à rembourser intégralement les frais médicaux résultant des problèmes de santé qu’il a rencontrés suite aux événements du présent litige ;

–        restituer tous les jours de congés annuels qu’il a pris depuis le 25 mars 2010, en y ajoutant les jours d’absence pour maladie ;

–        lui communiquer des excuses publiques et écrites en vue de « laver devant tous son honneur de toute faute » ;

–        veiller à ce qu’il ne subisse par la suite aucun traitement ou mesure à caractère vexatoire ou discriminatoire en raison des décisions litigieuses ;

–        veiller à ce qu’aucune trace des décisions litigieuses, de leurs motivations ou conséquences, ne figure dans son dossier individuel ;

–        rechercher activement et rapidement un poste suffisamment éloigné de son affectation actuelle pour lui permettre de reprendre son travail dans des conditions humainement acceptables ;

–        veiller à ce que les personnes ayant participé, « de manière conceptuelle », activement ou indirectement aux décisions litigieuses fassent l’objet des avertissements et/ou des sanctions adéquates ;

–        lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommage moral ainsi que la somme provisionnelle de 5 000 euros à titre de dommage matériel, sous réserve d’augmentation ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

16      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire :

–        rejeter le recours comme irrecevable en tant qu’il vise la décision du 25 mars 2010 d’éloigner le requérant des bâtiments de l’institution et de retenir son badge de service ;

–        rejeter le recours comme non fondé en tant qu’il vise la décision du 25 mars 2010 de retirer les accès du requérant au réseau informatique de l’institution ;

–        rejeter comme irrecevables les conclusions à fin d’injonction ;

–        rejeter les conclusions indemnitaires ;

–        condamner le requérant aux dépens.

17      Par lettre du 23 février 2011, le requérant a demandé au Tribunal l’autorisation de présenter un mémoire en réplique. Le 28 février 2011, le Tribunal a décidé qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire et que la procédure écrite était clôturée.

 En droit

18      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou partie, manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

19      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

20      En ce qui concerne l’application en l’occurrence de l’article 76 du règlement de procédure, le Tribunal souligne que le requérant a déjà eu la possibilité, dans son recours, de présenter ses observations sur la tardiveté de sa réclamation, le Parlement ayant rejeté celle-ci pour ce motif.

21      À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique exige, dans l’intérêt des parties et des éventuels tiers intéressés, que, pour tout délai de forclusion, les points de départ et d’arrivée soient clairement déterminés et respectés de manière rigoureuse (arrêt de la Cour du 26 mai 1982, Allemagne et Bundesanstalt für Arbeit/Commission, 44/81, point 16 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 25 septembre 1991, Lacroix/Commission, T‑54/90, point 29). En outre, dans la mesure où ils visent à assurer la sécurité des situations juridiques, les délais de réclamation et de recours sont d’ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties et du juge (arrêt de la Cour du 7 juillet 1971, Müllers/CES, 79/70, point 18 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2000, Politi/Fondation européenne pour la formation, C‑154/99 P, point 15).

22      Dans le domaine de la fonction publique, les dispositions de l’article 90, paragraphe 2, du statut, fixant le délai de réclamation, sont interprétées selon une jurisprudence bien établie, dans le sens que la date à prendre en considération, pour apprécier si une réclamation a été introduite dans le délai prescrit, est celle de la réception de cette réclamation par l’institution concernée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, point 13 ; arrêt Lacroix/Commission, précité, points 28 et 29 ; ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 15 mai 2006, Schmit/Commission, F‑3/05, point 28).

23      Une telle interprétation découle du libellé même de l’article 90, paragraphe 2, du statut. En effet, l’article 90, paragraphe 2, du statut énonce, en son premier alinéa, que « [l]a réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois », et en son second alinéa, que l’AIPN « notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la réclamation ». Il en résulte que le statut dispose expressément que la date d’introduction de la réclamation – laquelle s’inscrit obligatoirement dans un délai de trois mois à compter du jour de la notification d’une décision individuelle à son destinataire et en tout cas au plus tard du jour où l’intéressé en a connaissance – constitue également le point de départ du délai de réponse de quatre mois de l’institution concernée à cette réclamation. L’article 90, paragraphe 2, du statut prévoit ainsi clairement la prise en considération d’une seule et même date afin, d’une part, d’apprécier si la réclamation a été introduite dans le délai prescrit et, d’autre part, de déterminer la date à laquelle le délai de réponse de l’institution concernée commence à courir.

24      Il convient également de relever que la procédure précontentieuse vise à mettre l’AIPN en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée, afin de permettre le cas échéant un règlement amiable des différents (arrêt du Tribunal de première instance du 22 février 2001, Tirelli/Parlement, T‑144/00, point 25). Or, l’institution concernée ne peut examiner ces critiques et prendre position dans le délai dont elle dispose avant d’avoir reçu la réclamation.

25      Enfin, pour qu’une réclamation soit regardée comme valablement introduite, il est nécessaire que son destinataire soit en mesure de prendre connaissance de son contenu (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance Lacroix/Commission, précité, point 29, et du 18 juin 1996, Vela Palacios/CES, T‑150/94, point 27 ; voir, par analogie, en ce qui concerne la prise de connaissance effective par un fonctionnaire d’un acte faisant grief notifié par voie électronique, ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 25 avril 2007, Kerstens/Commission, F‑59/06, points 34 à 36).

26      En l’espèce, il est constant entre les parties que le délai de réclamation de trois mois a couru à compter des décisions litigieuses, dont le requérant a pris connaissance dès leur adoption, le 25 mars 2010, et que ce délai arrivait à échéance le 25 juin 2010.

27      Or, ainsi que le Parlement le soutient à juste titre, d’une part, le requérant a formé sa réclamation par lettre du 25 juin 2010, laquelle a été adressée au secrétaire général du Parlement par voie postale, et, d’autre part, le Parlement a enregistré cette lettre au courrier officiel le 28 juin 2010. Le requérant a été informé par un courriel du 30 juin 2010 que sa réclamation avait été enregistrée le 28 juin 2010, après l’expiration du délai de réclamation.

28      Le requérant ne conteste pas que sa réclamation, adressée par voie postale, a été reçue le 28 juin 2010 par le Parlement. Il fait néanmoins valoir, pour établir qu’il aurait respecté le délai de réclamation, qu’il a envoyé sa réclamation par un courriel du 25 juin 2010 à 15 h 55 au secrétaire général du Parlement, qu’aucun message d’erreur n’a été émis sur la boîte électronique de l’expéditeur et que le Parlement aurait donc nécessairement reçu la réclamation le même jour au même moment. Il souligne, en se référant notamment à l’arrêt Vela Palacios/CES, précité (points 23 à 28), que le Parlement était en mesure de prendre connaissance de sa réclamation dès le 25 juin 2010.

29      Cette argumentation ne peut être accueillie.

30      Certes, il est de jurisprudence constante que la réclamation administrative introduite par un fonctionnaire ne doit pas revêtir une forme particulière. Il suffit qu’elle manifeste clairement et de façon précise la volonté de son auteur d’attaquer une décision prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 31 mai 1988, Rousseau/Cour des comptes, 167/86, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 16 février 2005, Reggimenti/Parlement, T‑354/03, point 43). Ainsi, un acte, introduit par voie électronique et manifestant de façon non équivoque la volonté de son auteur d’attaquer une décision lui faisant grief, doit être considéré comme une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 17 juillet 2007, Hartwig/Parlement et Commission, F‑141/06, point 27).

31      Toutefois, dans le présent litige, les conditions dans lesquelles le courriel du 25 juin 2010 a été envoyé au Parlement ne permettent pas de constater que le requérant aurait introduit sa réclamation dans le délai statutaire de trois mois.

32      En effet, d’abord, contrairement à ce qu’il prétend, le requérant n’a pas lui-même adressé ce courriel au Parlement. C’est M. F. et non le requérant qui a été l’expéditeur de ce courriel, lequel a, de plus, été envoyé depuis une boîte aux lettres comportant l’adresse électronique de la Commission et non du Parlement. Le requérant ne précise d’ailleurs pas en quelle qualité aurait agi M. F. ni qu’il aurait mandaté M. F. pour introduire sa réclamation auprès du Parlement.

33      Ensuite, ce courriel ne se présente pas comme l’acte par lequel la réclamation du requérant aurait été introduite. D’une part, M. F. s’adresse au secrétaire général en évoquant la version électronique d’« une » réclamation « introduite » par le requérant. Or, à cette date, la réclamation du requérant n’avait pas encore été introduite auprès du Parlement. D’autre part, M. F. attire l’attention du secrétaire général sur l’envoi de la version papier de cette réclamation, par le requérant cette fois, par courrier postal.

34      Enfin, même à supposer que M. F. ait été habilité à introduire une réclamation pour le compte du requérant, ce dernier n’est pas fondé à soutenir que le simple envoi d’un courriel permettrait d’établir que le destinataire de ce message l’a effectivement reçu (voir par analogie, en ce qui concerne la prise de connaissance d’une décision notifiée par voie électronique, arrêt du Tribunal de la fonction publique du 25 avril 2007, Lebedef-Caponi/Commission, F‑71/06, points 29 à 31 et 34). Le requérant, qui se borne à affirmer qu’aucun message d’erreur n’aurait été adressé à M. F. en réponse à son courriel, n’allègue pas, en particulier, que M. F. aurait reçu une réponse du secrétaire général ni qu’une attestation de réception ou de lecture dudit courriel aurait été adressée à M. F. sur sa boîte électronique.

35      Dans ces conditions, le Parlement, à qui incombe la charge de la preuve, établit à suffisance de droit qu’il n’a pu prendre connaissance de la réclamation que le 28 juin 2010, date à laquelle il a reçu par voie postale l’acte par lequel le requérant manifestait clairement sa volonté personnelle de contester la décision litigieuse.

36      Le requérant ne peut valablement soutenir qu’il aurait été pénalisé par la fermeture, l’après-midi du 25 juin 2010, des services du Parlement. En effet, un fonctionnaire normalement diligent doit faire en sorte que sa réclamation parvienne à l’institution concernée avant l’expiration du délai de trois mois. Le requérant ne s’est pas conformé à cette attitude de prudence et de diligence en l’espèce, en n’envoyant sa réclamation par voie postale que le dernier jour du délai requis et en n’adressant pas lui-même sa réclamation par voie électronique dans ce délai (voir, en ce sens, ordonnance Hartwig/Parlement, précitée, point 30). C’est seulement si le requérant, ou son mandataire dûment habilité, avait été l’auteur du courriel du 25 juin 2010 qu’il aurait été fondé à invoquer la solution retenue par le Tribunal de première instance dans l’arrêt Vela Palacios/CES, précité.

37      Il résulte de ce qui précède que la réclamation du requérant est, comme l’a relevé à bon droit le Parlement, tardive et que, en conséquence, en l’absence de procédure précontentieuse régulière, le recours doit, dans son ensemble, être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

38      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

39      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant aux dépens exposés par le Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      M. Schuerewegen supporte l’ensemble des dépens.

Fait à Luxembourg, le 29 juin 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.