Language of document : ECLI:EU:T:2012:4

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

11 janvier 2012 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Tunisie – Recours en annulation – Délai de recours – Tardiveté – Absence de force majeure – Absence d’erreur excusable – Demande en réformation de l’acte attaqué – Demande indemnitaire – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑301/11,

Mehdi Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Haj Hassen Ben Ali, demeurant à Tunis (Tunisie), représenté par MA. de Saint Remy, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. A. Vitro et Mme R. Liudvinaviciute-Cordeiro, puis par Mme Liudvinaviciute-Cordeiro et M. M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande en annulation du règlement (UE) n° 101/2011 du Conseil, du 4 février 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités ou organismes au regard de la situation en Tunisie (JO L 31, p. 1), pour autant qu’il vise le requérant, et, d’autre part, une demande visant à la condamnation du Conseil à l’adoption de certaines dérogations au gel de fonds imposé par ledit règlement ainsi qu’une demande tendant à la réparation du préjudice prétendument subi par le requérant,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 31 janvier 2011, le Conseil a adopté, sur la base de l’article 29 TUE, la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 28, p. 62). Son article 1er, paragraphe 1, dispose que tous les capitaux et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens et aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, de même que tous les capitaux et ressources économiques qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par ces personnes, entités ou organismes, dont la liste figure à l’annexe à cette décision, sont gelés. Les modalités de ce gel sont définies aux autres paragraphes du même article. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/72, le Conseil établit ladite liste et la modifie.

2        La liste figurant en annexe de la décision 2011/72 ne comportait que les noms de l’ancien président tunisien M. Ben Ali et de son épouse. L’article 1er de la décision 2011/79/PESC du Conseil, du 4 février 2011, mettant en œuvre la décision 2011/72 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 31, p. 40), a modifié cette liste en y insérant, notamment, le nom du requérant, M. Mehdi Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Haj Hassen Ben Ali. Les motifs de cette inclusion, indiqués dans la colonne correspondante de ladite liste, sont les suivants: « Personne faisant l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent ».

3        Le règlement (UE) n° 101/2011 du Conseil, du 4 février 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités ou organismes au regard de la situation en Tunisie (JO L 31, p. 1, ci‑après le « règlement attaqué »), a été adopté sur la base de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/72. Il prévoit à l’article 2, paragraphe 1, le gel de « tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72, ont été reconnus par le Conseil comme étant responsables de détournements de fonds revenant à l’État tunisien, ainsi qu’aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, tels qu’énumérés à l’annexe I, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’ils possèdent, détiennent ou contrôlent » et en définit les modalités. L’annexe I de ce règlement comporte, notamment, le nom du requérant. Les motifs indiqués pour son inclusion dans ladite annexe sont identiques à ceux indiqués dans l’annexe à la décision d’exécution 2011/79.

 Procédure et conclusions du requérant

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2011, le requérant a introduit le présent recours, dans lequel il conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué, pour autant qu’il le concerne ;

–        « à défaut d’annulation, appliquer des dérogations pour les avoirs financiers servant de base, mais aussi certaines dépenses extraordinaires évaluées au cas par cas » ;

–        condamner le Conseil à lui verser une somme globale de 50 000 euros en réparation de ses préjudices toutes causes confondues ;

–        condamner le Conseil à lui verser une somme de 7 500 euros pour ses frais de défense à l’appui de sa requête ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

5        Par ailleurs, le requérant demande au Tribunal d’adopter une mesure d’organisation de la procédure au titre de l’article 64 de son règlement de procédure, visant à obtenir de la Commission qu’elle « divulgue » tous les documents relatifs à l’adoption du règlement attaqué.

6        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande de procédure accélérée, au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal, laquelle a été rejetée par décision du Tribunal (troisième chambre) du 27 juillet 2011.

7        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 22 septembre 2011, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 114 du règlement de procédure. Il conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

8        Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 64 du règlement de procédure, le requérant a été invité à présenter ses observations sur la recevabilité du recours, du point de vue du respect du délai de recours. Le requérant a déféré à cette demande dans le délai imparti.

9        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 6 septembre 2011, le requérant a présenté des observations complémentaires sur la requête initiale et sur la recevabilité du recours. Ce mémoire avec ses annexes a été versé au dossier de l’affaire, par décision du président de la troisième chambre du 3 octobre 2011.

10      Le requérant a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 16 novembre 2011. Dans ses observations, il a réitéré les chefs de conclusions présentés dans la requête (voir point 4 ci‑dessus). En outre, il a relevé qu’il y avait lieu que le Tribunal, « sur la suggestion du Conseil », invite la République française à intervenir « volontairement » au litige.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 août 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

 En droit

12      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Par ailleurs, en vertu de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

13      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces versées au dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Sur la demande en annulation

14      Par le premier chef de conclusions du recours, le requérant demande l’annulation du règlement attaqué. Dans son exception d’irrecevabilité, le Conseil fait valoir que cette demande en annulation est irrecevable, car tardive. Il convient, par conséquent, d’examiner si cette demande a été présentée dans les délais.

 Sur le délai de recours

15      Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. Selon l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de l’acte, ce délai court à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l’acte au Journal officiel de l’Union européenne. Conformément aux dispositions de l’article 102, paragraphe 2, du même règlement, ce délai doit, en outre, être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

16      Selon une jurisprudence constante, ce délai de recours est d’ordre public, ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice. Il appartient au juge de l’Union de vérifier, le cas échéant d’office, s’il a été respecté (voir, notamment, arrêts de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, Rec. p. I‑403, point 21, et du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T‑151/96, Rec. p. II‑1355, points 38 et 39).

17      L’acte dont l’annulation est demandée est un règlement, ainsi qu’il résulte tant de son intitulé que de son contenu, y compris la mention, à la fin de son texte, selon laquelle il est « obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre ». En principe, le traité impose non pas la notification d’un tel acte, mais bien sa publication, conformément à l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, et paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE (arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, non encore publié au Recueil, points 45 et 46).

18      Conformément à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le délai de recours contre un tel acte doit être calculé à partir de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne laquelle, dans le cas du règlement attaqué, est intervenue le 5 février 2011. Le délai pour l’introduction d’un recours en annulation dudit règlement a, donc, commencé à courir, conformément à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, quatorze jours après cette publication et a expiré le 29 avril 2011 à minuit, en application de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure. Étant donné que la requête a été déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2011, le présent recours est tardif.

19      Toutefois, il y a lieu de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective implique que l’autorité de l’Union qui adopte un acte entraînant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité, comme c’est le cas du règlement attaqué en ce qu’il vise le requérant, communique les motifs sur lesquels cet acte est fondé, dans toute la mesure du possible, soit au moment où cet acte est adopté, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’il l’a été, afin de permettre à ces personnes ou entités l’exercice de leur droit de recours (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 17 supra, point 47, et la jurisprudence citée).

20      Or, même à admettre qu’il découle de cette considération que, aussi longtemps qu’une telle communication n’a pas été effectuée, le délai de recours pour l’introduction d’un recours en annulation de l’acte en question ne commence pas à courir à l’égard des personnes ou entités visées au point précédent, le présent recours est, tout de même, tardif.

21      En effet, il convient de relever que, par lettre du 7 février 2011, dont une copie a été annexée par le requérant à sa requête, le Conseil lui a notifié le règlement attaqué ainsi que la décision d’exécution 2011/79, lesquels contiennent un énoncé des motifs justifiant l’adoption des mesures restrictives litigieuses à son égard (voir les points 2 et 3 ci‑dessus). Dans la même lettre, le Conseil a également attiré l’attention du requérant, notamment sur la possibilité de former un recours devant le Tribunal à l’encontre des actes notifiés.

22      Dans sa réponse à la question du Tribunal (point 7 ci‑dessus), le requérant a relevé que ladite lettre lui avait été adressée à une adresse à Hammam Sousse (Tunisie) qui est celle de ses parents, alors qu’il habite à Tunis et que, par conséquent, il ne l’aurait récupérée qu’au cours du mois de mars 2011.

23      Le Conseil a annexé à son exception d’irrecevabilité une copie d’un accusé de réception, faisant valoir qu’il concernait la lettre de notification qu’il avait envoyée au requérant. Cet accusé porte une signature que le Conseil attribue au requérant et indique, comme date de réception, le 28 février 2011.

24      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant a maintenu l’affirmation selon laquelle il avait reçu la notification du Conseil au cours du mois de mars 2011. S’agissant de l’accusé de réception produit par le Conseil, il a relevé qu’il était « en définitive indifférent que le Conseil […] produise un accusé de réception daté du 28 février 2011 qu’il attribue au requérant […] sans toutefois établir le contenu de son envoi ».

25      Une contestation tellement vague ne saurait remettre en cause la force probante de cet accusé de réception. En effet, le requérant n’a pas expressément contesté le fait que la signature figurant sur cet accusé de réception était la sienne et cette signature paraît, au demeurant, très analogue à la signature du requérant figurant dans certains documents qu’il a lui-même annexé à sa requête. En outre, le service du Conseil mentionné comme expéditeur sur ledit accusé de réception est le même que celui mentionné sur la lettre de notification envoyée au requérant et produit par celui-ci en annexe à sa requête. Enfin, le requérant n’a pas expliqué quel autre envoi lui ayant été adressé par le Conseil pourrait être concerné par l’accusé de réception en question, si bien qu’il ne peut qu’être conclu que ledit accusé de réception concerne bien, comme le relève le Conseil, la lettre de notification du règlement attaqué.

26      Il s’ensuit que ledit règlement a été notifié au requérant le 28 février 2011. À supposer même que le délai de recours ait commencé à courir à partir de cette date, il est arrivé à expiration, en tenant également compte du délai de distance, le 8 mai 2011, à savoir antérieurement à l’introduction du recours.

27      À titre surabondant, eu égard à l’affirmation du requérant selon laquelle il a reçu la notification du règlement attaqué « au cours du mois de mars », il y a lieu de relever que même si l’on devait calculer le délai de recours à compter du dernier jour de ce mois (31 mars 2011), ce délai arriverait à expiration le 11 juin 2011, toujours antérieurement à l’introduction du recours.

 Sur le cas fortuit ou de force majeure et sur l’erreur excusable

28      Dans sa réponse à la question du Tribunal, dans le mémoire complémentaire déposé le 6 septembre 2011 et dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant a invoqué l’existence, en l’espèce, d’un cas fortuit ou de force majeure, ainsi que d’une erreur excusable, qui feraient obstacle au rejet de la demande en annulation comme irrecevable.

29      S’agissant, en premier lieu, de l’erreur excusable, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion d’erreur excusable vise des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l’institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’une personne normalement avertie. Dans une telle hypothèse, l’administration ne saurait, en effet, se prévaloir de sa propre méconnaissance des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, qui a été à l’origine de l’erreur commise par le justiciable (voir arrêt du Tribunal du 16 septembre 2009, Boudova e.a./Commission, T‑271/08 P, non encore publié au Recueil, point 71, et la jurisprudence citée).

30      En l’espèce, afin de justifier d’une erreur excusable au sens de la jurisprudence citée au point précédent, le requérant invoque le fait que la notification du Conseil lui a été adressée à l’adresse de ses parents à Hammam Sousse, plutôt qu’à sa propre adresse à Tunis (voir point 21 ci-dessus).

31      Toutefois, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur la question de savoir si l’erreur alléguée constitue un comportement tel que celui visé par la jurisprudence citée au point 29 ci‑dessus, il suffit de relever qu’elle ne saurait, en tout état de cause, être considérée comme ayant été à l’origine de l’introduction tardive du recours. En effet, il ressort des considérations exposées aux points 23 à 27 ci-dessus que, lors de la réception, par le requérant, de cette notification, le délai de recours était encore en cours.

32      En second lieu, s’agissant de l’invocation d’un cas fortuit ou de force majeure, il convient de relever que les notions de force majeure et de cas fortuit, au sens de l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, comportent, outre un élément objectif relatif aux circonstances anormales et étrangères à l’intéressé, un élément subjectif tenant à l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs. En particulier, l’intéressé doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (arrêt de la Cour du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, Rec. p. I‑5619, point 32). Ainsi, la notion de force majeure ne s’applique pas à une situation où une personne diligente et avisée aurait objectivement été en mesure d’éviter l’expiration d’un délai de recours (arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Ferriera Valsabbia/Commission, 209/83, Rec. p. 3089, point 22, et ordonnance de la Cour du 18 janvier 2005, Zuazaga Meabe/OHMI, C‑325/03 P, Rec. p. I‑403, point 25).

33      En l’espèce, le requérant fait valoir qu’il est apparenté à l’ancien président tunisien M. Ben Ali. À la suite des événements politiques qui ont conduit ce dernier à fuir le pays, le requérant se trouverait dans un état d’insécurité et de peur pour sa vie, craignant des attaques et des tentatives de représailles contre lui et sa famille, en raison de son lien de parenté avec l’ancien président tunisien. Le requérant se serait, donc, réfugié dans sa maison à Tunis d’où lui et les membres de sa famille ne sortiraient que rarement et avec beaucoup de précautions. Les dysfonctionnements de la police et des institutions étatiques tunisiennes à la suite des émeutes politiques ainsi que les couvre-feux et l’état d’urgence ordonnés par les autorités tunisiennes exacerberaient ces difficultés.

34      À l’appui de ses allégations, le requérant a, notamment, produit plusieurs coupures de presse, plusieurs déclarations écrites de ses amis et de membres de sa famille faisant état des difficultés auxquelles il se verrait confronté dans sa vie quotidienne, un certificat médical délivré par son médecin traitant tunisien, ainsi qu’une attestation délivrée par l’ambassadeur de France en Tunisie.

35      Les affirmations du requérant résumées au point 33 ci‑dessus paraissent vraisemblables et sont suffisamment étayées par les éléments de preuve qu’il a produits. Il n’en demeure pas moins que le requérant n’a pas expliqué de quelle manière ces difficultés l’ont empêché d’introduire le présent recours dans les délais. En l’absence d’une telle explication, rien dans les affirmations du requérant ne permet de considérer qu’une personne diligente et avisée se trouvant dans une situation analogue à celle du requérant ne serait pas objectivement en mesure d’éviter l’expiration du délai de recours.

36      En effet, il ressort des propres affirmations du requérant ainsi que des éléments de preuve qu’il a produits, que, au moins à partir du mois de mars 2011, il disposait des moyens habituels de communication. Ainsi, le requérant admet lui-même que la lettre de notification du règlement attaqué que le Conseil lui a envoyée, est arrivée à l’adresse de destination à Hammam Sousse. En outre, une amie de la famille du requérant, Mme G. R., dans sa déclaration produite par le requérant, fait référence à « différents entretiens téléphoniques et à des conversations sur Skype » avec l’épouse du requérant qui se trouvait à ses côtés à Tunis. Il est, donc, permis de conclure que le requérant bénéficiait, pendant la période où le délai de recours était encore en cours, d’une liaison téléphonique et d’un accès à l’internet dans sa maison à Tunis. Cette conclusion est corroborée par la production, par le requérant en annexe à ses observations sur la recevabilité du recours, de copies de plusieurs courriels, datés des mois de janvier et de février 2011 et envoyés par les autorités diplomatiques françaises en Tunisie aux citoyens français qui se trouvaient dans ce pays. Il paraît raisonnable d’en conclure que le requérant et son épouse, citoyens français selon les affirmations du requérant, ont également reçu ces courriels, ce qui démontre qu’ils avaient accès à l’internet.

37      Certes, M. et Mme P., amis du requérant et de son épouse, dans leur déclaration produite par le requérant, font allusion à des conversations téléphoniques avec le requérant et son épouse qui avaient été coupées et à des courriels qui ne leur sont pas parvenus et ajoutent que le requérant et son épouse considéraient que leur téléphone était surveillé et leur courrier électronique filtré. Toutefois, si ces allégations, au demeurant non répétées par les autres amis et membres de la famille du requérant ayant fourni des déclarations, peuvent témoigner de certaines perturbations dans la communication du requérant avec l’étranger, elles ne suffisent pas pour conclure qu’elle était impossible. Cela est d’autant plus le cas que le requérant n’a pas soutenu qu’il avait été empêché de contacter un avocat par téléphone ou par courrier électronique.

38      Il s’ensuit que, durant la période où le délai de recours était encore en cours, le requérant était en mesure de prendre contact avec son avocat en France et, plus généralement, avec tout avocat de son choix dans un État membre de l’Union européenne, en vue de l’introduction de son recours avant l’expiration dudit délai.

39      Les autres éléments de preuve que le requérant a produits ne remettent pas en question cette conclusion. En effet, dans leurs déclarations écrites, les amis et les membres de la famille du requérant confirment, en substance, les allégations du requérant résumées au point 33 ci‑dessus, mais ne font état d’aucun élément susceptible de prouver que le requérant se trouvait dans l’impossibilité de former son recours dans les délais. Au contraire, certains d’entre eux semblent partir de la prémisse que le délai de recours avait déjà expiré à la date de réception, par le requérant, de la lettre du Conseil lui notifiant le règlement attaqué, prémisse qui est erronée (point 31 ci-dessus).

40      L’attestation de l’ambassadeur de France en Tunisie, produite par le requérant, semble également partir de la même prémisse erronée. Elle relève uniquement que, « au regard de la situation sécuritaire en Tunisie » le requérant s’est trouvé « dans l’incapacité de répondre dans les délais impartis à la décision du Conseil » et ajoute que le requérant « ayant subi menaces et représailles, n’[a] pas pu se déplacer à Sousse pour récupérer cette correspondance officielle ».

41      Le requérant fait également valoir qu’il n’avait pas le droit de sortir du territoire tunisien. En outre, certains amis et membres de la famille du requérant relèvent que les documents administratifs de celui-ci se trouvaient en France et que ce n’est qu’au mois de mai que son épouse a pu se rendre en France afin de récupérer certaines pièces que leur avocat leur aurait demandées. Cependant, ces affirmations n’établissent pas non plus l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure, au sens de la jurisprudence citée au point 32 ci‑dessus.

42      À cet égard, il convient de relever, d’emblée, que l’affirmation du requérant, selon laquelle il lui était interdit de quitter le territoire tunisien, n’est étayée par aucune preuve et semble être contredite, dans une certaine mesure, par une déclaration de son frère, produite en annexe aux observations du requérant sur la recevabilité du recours. En effet, le frère du requérant relève « Ne sachant pas si la sortie du territoire nous était permise, je ne suis rentré en France que mi-mai. Mon frère, pour la même raison, se trouve en Tunisie et je ne sais quand il pourra rentrer, car nous n’avons aucune information. » Il convient également d’ajouter que, postérieurement, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant affirme avoir entre-temps quitté la Tunisie et séjourner désormais en France.

43      Quoi qu’il en soit, la prétendue impossibilité du requérant à quitter le territoire tunisien ne saurait être à l’origine de l’introduction tardive de la demande en annulation, dans la mesure où le requérant pouvait contacter son avocat de la Tunisie par courrier, courriel ou téléphone, en vue de l’introduction du recours dans les délais (point 38 ci‑dessus).

44      S’agissant de la prétendue nécessité de récupérer certains documents administratifs personnels qui se trouveraient en France, il convient de relever, d’une part, que l’introduction d’un recours par une personne physique comme le requérant ne présuppose la production d’aucun tel document et, d’autre part, que le fait qu’un requérant ne dispose pas, au moment où le délai de recours arrive à expiration, de tous les éléments de preuve qu’il souhaite annexer à sa requête ne constitue pas un motif valable pour la non‑introduction du recours dans les délais. En effet, ainsi que le prévoit l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, un requérant peut encore faire des offres de preuve dans sa réplique en motivant le retard apporté à leur présentation.

45      Certaines des déclarations produites par le requérant relèvent également que, à la suite du gel des fonds de celui-ci, il ne disposait pas de moyens financiers nécessaires pour engager un avocat et former un recours. Cependant, cette affirmation, à la supposer prouvée, n’établit pas non plus l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure au sens de la jurisprudence citée au point 32 ci‑dessus.

46      En effet, l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement attaqué permet aux autorités compétentes des États membres d’autoriser le déblocage ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques gelés, s’ils sont destinés exclusivement au règlement d’honoraires d’un montant raisonnable ou au remboursement de dépenses engagées pour s’assurer les services de juristes. Or, le requérant n’affirme pas avoir introduit une demande en ce sens auprès des autorités compétentes.

47      En outre, il convient, en tout état de cause, de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, l’aide judiciaire est accordée pour les procédures devant le Tribunal à toute personne physique qui, en raison de sa situation économique, est dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais liés à l’assistance et à la représentation en justice. L’article 95, paragraphe 1, second alinéa, du règlement de procédure prévoit que la demande d’aide judiciaire est dispensée du ministère d’avocat, alors que l’article 96, paragraphe 4, du même règlement dispose que l’introduction de ladite demande suspend le délai prévu pour l’introduction du recours. Il convient de souligner que, en l’espèce, le requérant n’a pas introduit une telle demande.

48      Enfin, le requérant fait également valoir qu’il était « dans l’incapacité [confidentiel](1)» de faire face à la situation résultant de l’inclusion de son nom à la liste figurant en annexe au règlement attaqué. Il a, en outre, produit un certificat de son médecin traitant en Tunisie, selon lequel [confidentiel]. Le certificat poursuit que après les émeutes politiques en Tunisie [confidentiel]. Certaines des déclarations produites par le requérant font également référence [confidentiel].

49      Il est, certes, vrai que [confidentiel]. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas un fait notoire que [confidentiel] est incapable de faire preuve de la diligence requise pour respecter les délais de recours. Il s’ensuit qu’un requérant ne saurait se limiter à la seule invocation [confidentiel] pour justifier le dépôt tardif de son recours, mais doit expliquer, par des affirmations concrètes et étayées d’éléments de preuve suffisants, comment [confidentiel] a empêché l’introduction du recours dans les délais.

50      En l’espèce, il y a lieu de relever que le seul certificat médical produit par le requérant provient d’un médecin généraliste. Alors qu’il ressort de ses termes que [confidentiel]. En outre, il ressort des affirmations mêmes du requérant ainsi que des déclarations qu’il a lui-même produites que pendant la période où le délai de recours était encore en cours, [confidentiel], mais qu’il était au contraire, en mesure de faire face à des événements sérieux, nécessitant son attention.

51      Ainsi, le requérant affirme lui‑même qu’il s’est rendu, au mois de mars 2011, à la maison de ses parents à Hammam‑Sousse, et ce afin de se faire une image des dégâts que celle-ci aurait subis à la suite d’attaques lors des émeutes politiques en Tunisie. C’est à l’occasion de ce déplacement que, selon ses propres affirmations, le requérant a pu récupérer la lettre que lui avait adressée le Conseil (voir le point 22 ci‑dessus).

52      Par ailleurs, Mme B. épouse K., une amie du requérant et de son épouse, dans sa déclaration produite par le requérant, relève notamment ce qui suit : [confidentiel].

53      Par conséquent et à défaut d’invocation, par le requérant, d’affirmations détaillées et appuyées sur des éléments de preuve pertinents, relatives à la manière dont [confidentiel] l’aurait empêché d’introduire son recours dans les délais, il convient de conclure que le fait qu’il [confidentiel] n’est pas suffisant pour justifier de l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure en l’espèce. Cette conclusion est corroborée par le fait que, peu après l’expiration du délai de recours et alors que rien n’indique que le requérant [confidentiel], il a introduit le présent recours.

54      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que les circonstances invoquées par le requérant ne sauraient être considérées comme des circonstances exceptionnelles constitutives d’un cas fortuit ou de force majeure, au sens de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour, susceptibles de justifier l’introduction tardive du recours.

 Sur la demande de prorogation du délai de recours

55      Le requérant invoque également l’article 103, paragraphe 1, du règlement de procédure et demande au Tribunal de lui accorder une prorogation du délai de recours, en tenant compte des circonstances exceptionnelles qu’il a invoquées dans le cadre de son argumentation relative à l’erreur excusable et au cas fortuit ou de force majeure.

56      Cette demande est fondée sur une interprétation erronée de l’article 103, paragraphe 1, du règlement de procédure et doit être rejetée. Aux termes de cette disposition, les délais fixés en vertu du règlement de procédure peuvent être prorogés par l’autorité qui les a arrêtés. Or, le délai de recours découle directement de l’article 263, sixième alinéa, TFUE et n’a pas été fixé par une quelconque autorité en vertu du règlement de procédure, de sorte que l’article 103, paragraphe 1, dudit règlement ne trouve pas à s’appliquer à son égard.

 Conclusion sur la recevabilité de la demande en annulation

57      Au regard des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la demande en annulation présentée par le premier chef de conclusions du requérant comme étant manifestement irrecevable pour cause de tardiveté.

 Sur la demande tendant à l’application de dérogations

58      Par le deuxième chef de conclusions, le requérant demande, pour le cas où la demande en annulation du règlement attaqué serait rejetée, l’application des « dérogations ». Ce chef de conclusions n’a pas été spécifiquement évoqué par le Conseil dans son exception d’irrecevabilité, mais le Tribunal peut, en tout état de cause, analyser cette question d’office (voir le point 12 ci-dessus).

59      À cet égard, il convient de relever que ce chef de conclusions n’est étayé d’aucune argumentation spécifique. Ce n’est que dans le cadre du septième moyen d’annulation que le requérant émet certaines critiques à l’égard de l’article 4 du règlement attaqué, selon lequel, dans les cas particuliers qui y sont énumérés, les autorités compétentes des États membres peuvent, par dérogation à l’article 2 du même règlement, autoriser le déblocage ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques gelés. D’après le requérant, cette faculté des États membres « ne constitue pas une garantie suffisante et satisfaisante pour conclure que les mesures [litigieuses] sont toujours proportionnées dans leur application ».

60      Il importe de souligner, d’emblée, que l’article 4 du règlement attaqué, selon son propre libellé, s’adresse aux autorités compétentes des États membres. Il s’ensuit qu’une éventuelle décision d’une telle autorité refusant de faire application de cet article peut être contestée devant la juridiction compétente de l’État membre concerné, laquelle peut, le cas échéant, demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel conformément à l’article 267 TFUE, sur la validité ou l’interprétation de cette disposition.

61      Compte tenu de cette considération, de l’argumentation du requérant résumée au point 59 ci‑dessus et du fait que le deuxième chef de conclusions n’est présenté que pour le cas où la demande en annulation du règlement attaqué serait rejetée, il convient de conclure que ce chef de conclusions tend, en substance, à la réformation, par le Tribunal, du règlement attaqué et, plus particulièrement, de son article 4.

62      Il convient, toutefois, de relever que, selon l’article 264, premier alinéa, TFUE, si le recours est fondé, le Tribunal déclare nul et non avenu l’acte contesté. En revanche, il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre d’un recours en annulation, de substituer un autre acte à l’acte attaqué ou de procéder à sa réformation (ordonnance de la Cour du 11 mai 2000, Deutsche Post/IECC et Commission, C‑428/98 P, Rec. p. I‑3061, point 68 ; arrêt du Tribunal du 26 septembre 2002, Sgaravatti Mediterannea/Commission, T‑199/99, Rec. p. II‑3731, point 141). Par ailleurs, si l’article 261 TFUE stipule qu’une compétence de pleine juridiction peut être attribuée au juge de l’Union en ce qui concerne les sanctions prévues dans certains règlements, il y a lieu de relever que, indépendamment de la question de savoir si les mesures litigieuses peuvent être qualifiées de sanctions, aucune disposition n’est, en tout état de cause, venue confier une telle compétence en la matière au juge de l’Union. Il s’ensuit que le deuxième chef de conclusions doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 juin 2009, Grèce/Commission, T‑33/07, non publié au Recueil, points 380 et 381, et du 31 mars 2011, Grèce/Commission, T‑214/07, non publié au Recueil, point 136).

 Sur la demande indemnitaire

63      Par ses troisième et quatrième chefs de conclusions, le requérant demande la condamnation du Conseil à lui verser, respectivement, une somme globale de 50 000 euros « en réparation de ses préjudices toutes causes confondues » et une somme de 7 500 euros « pour ses frais de défense à l’appui de sa requête ».

64      S’agissant, d’abord, du quatrième chef de conclusions, le Conseil soutient, dans son exception d’irrecevabilité, qu’il ne doit être examiné que dans le cadre de l’analyse de la question des dépens, également concernée par le cinquième et dernier chef de conclusions du requérant, tendant à la condamnation du Conseil aux dépens. Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant a déclaré ne pas s’opposer à l’examen de son quatrième chef de conclusions dans le cadre de l’examen de la question des dépens.

65      En effet, il y a lieu de relever que les « frais de défense » prétendument exposés par le requérant « à l’appui de sa requête » constituent des frais exposés aux fins de la procédure lesquels, dans la mesure où ils étaient indispensables, sont considérés, conformément à l’article 91, sous b), du règlement de procédure, comme dépens récupérables. Il s’ensuit que le quatrième chef de conclusions du requérant ne vise pas une demande indemnitaire, mais concerne la question des dépens de l’affaire et, le cas échéant, doit être examiné dans ce dernier contexte.

66      S’agissant, ensuite, du troisième chef de conclusions, le Conseil reconnaît implicitement dans son exception d’irrecevabilité qu’il concerne une demande indemnitaire, mais soutient qu’une telle demande est irrecevable, dès lors que, contrairement aux exigences de l’article 19 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête n’indique pas l’objet de cette demande indemnitaire et ne contient aucun exposé sommaire des moyens invoqués à son appui.

67      En réponse à l’argumentation susvisée du Conseil, le requérant a, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, repris textuellement tous les moyens invoqués dans la requête à l’appui de la demande en annulation. Il a, ensuite, affirmé qu’il résultait de cette argumentation qu’il avait été « injustement victime d’une mesure particulièrement préjudiciable ». Selon ses affirmations, le préjudice allégué consisterait dans l’impossibilité d’avoir accès à ses comptes bancaires. Il se verrait, par conséquent, confronté à des difficultés importantes l’empêchant de faire face à ses dépenses de vie courante et devrait, pour subsister, faire appel au soutien de ses proches. Par conséquent, il serait versé dans une « situation personnelle, financière et familiale catastrophique ».

68      Selon le requérant, les faits dommageables évoqués dans son argumentation résumée au point précédent sont des faits « largement évoqués précédemment dans sa requête ». Le requérant ajoute qu’il y a un « lien de causalité évident entre ces préjudices » et le règlement attaqué, dans la mesure où ce serait ce dernier qui le placerait dans une situation qui le pénaliserait. Selon lui, sa demande indemnitaire « apparaît raisonnable au regard de l’ensemble des conséquences dommageables » que le règlement attaqué aurait eu sur sa vie quotidienne.

69      En vertu de l’article 19 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Comme le rappelle à juste titre le Conseil, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du Tribunal du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec. p. II‑315, point 64, et la jurisprudence citée).

70      Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir arrêts du Tribunal du 10 juillet 1997, Guérin automobiles/Commission, T‑38/96, Rec. p. II‑1223, points 42 et 43, et Chiquita Brands e.a./Commission, point 69 supra, point 65, et la jurisprudence citée).

71      Plus spécifiquement, une demande en réparation d’un préjudice moral, à titre symbolique ou pour l’obtention d’une véritable indemnité, doit préciser la nature du préjudice allégué au regard du comportement reproché à l’institution défenderesse et, même de façon approximative, évaluer l’ensemble de ce préjudice (voir arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, point 81, et la jurisprudence citée).

72      En revanche, il n’appartient pas au Tribunal, lorsque la demande en indemnité est présentée ensemble avec une demande en annulation, de rechercher et d’identifier, parmi les divers griefs articulés au soutien de la demande en annulation, celui ou ceux que le requérant entend retenir comme constituant le fondement de la demande en indemnité. Il n’appartient pas davantage au Tribunal de supputer et de vérifier l’existence d’un éventuel lien de causalité entre le ou les comportements visés par ce ou ces griefs et le préjudice moral allégué (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 179).

73      En l’espèce, s’il est, certes, vrai que le requérant a exposé, dans sa requête, à l’appui de sa demande en annulation, toute une série de moyens tendant à démontrer le prétendu caractère illégal du règlement attaqué, il n’en est pas moins vrai que la requête ne contient aucune allusion ni à un prétendu préjudice, moral ou matériel, subi par le requérant, ni à un prétendu lien de causalité entre un tel préjudice et la prétendue illégalité dont serait entaché le règlement attaqué.

74      En effet, au début de la requête, il est relevé que son objet consiste en la saisine du Tribunal d’« un recours en annulation ». De plus, la requête ne contient aucune partie distincte consacrée à l’exposé de l’argumentation relative à la demande indemnitaire. La présentation des moyens invoqués à l’appui de la demande en annulation est immédiatement suivie de la présentation des chefs de conclusions, parmi lesquels figure le troisième, reproduit au point 4 ci‑dessus. Ce chef de conclusions constitue la première et seule référence, dans la requête, à une demande indemnitaire. Or, une telle référence est manifestement insuffisante pour satisfaire aux exigences découlant des dispositions et de la jurisprudence mentionnées aux points 69 à 72 ci‑dessus.

75      L’argumentation du requérant développée dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité et résumée aux points 67 et 68 ci-dessus ne contredit pas cette conclusion, mais tend, en réalité, à remédier à l’inexistence, dans la requête, d’une argumentation spécifique consacrée à la demande indemnitaire. Ce n’est donc que dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité que le requérant a fourni, pour la première fois, une indication de l’objet de la demande indemnitaire et un exposé des moyens invoqués à son appui.

76      Il convient, toutefois, de relever que, aux termes mêmes de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, les indications y mentionnées doivent être fournies dans la requête et non dans un document distinct, déposé postérieurement. Cela est d’autant plus le cas que l’absence des indications visées à cette disposition ne figure pas au nombre d’irrégularités pouvant faire l’objet d’une régularisation postérieure au dépôt de la requête, conformément à l’article 44, paragraphe 6, du règlement de procédure.

77      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande indemnitaire doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable, de même que le recours dans son intégralité.

78      Eu égard à cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’adopter les mesures d’organisation de la procédure proposées par le requérant (voir le point 4 ci‑dessus), étant précisé que, selon la jurisprudence, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (arrêt de la Cour du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C‑315/99 P, Rec. p. I‑5281, point 19, et ordonnance de la Cour du 7 décembre 2004, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑521/03 P, non publiée au Recueil, point 38).

79      S’agissant de la demande du requérant, tendant à ce que le Tribunal invite la République française à intervenir « volontairement » au litige, il y a lieu de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante qu’une demande en intervention forcée est irrecevable, dès lors que cette voie de droit n’est pas prévue par le règlement de procédure (arrêts de la Cour du 10 décembre 1969, Wonnerth/Commission, 12/69, Rec. p. 577, point 8, et du Tribunal du 20 mars 1991, Pérez­Mínguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 43).

80      Il s’ensuit que si la demande susvisée du requérant doit être comprise comme demande d’intervention forcée, elle est manifestement irrecevable. Si, en revanche et compte tenu de l’utilisation du terme « volontairement », le requérant souhaite seulement obtenir du Tribunal qu’il porte le présent litige à la connaissance de la République française pour qu’elle puisse apprécier l’opportunité d’une intervention en vertu de l’article 40, du statut de la Cour et des articles 115 et 116 du règlement de procédure, il y a lieu de relever que la communication de cette information à la République française par le Tribunal n’est ni prévue dans le règlement de procédure, ni nécessaire. En effet, après l’introduction de la requête, un avis a été publié au Journal officiel de l’Union européenne en application de l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure. La République française doit, par conséquent, être considérée comme ayant eu connaissance du présent litige, et ce d’autant plus que le requérant affirme avoir lui-même adressé une copie de sa requête aux autorités françaises.

81      Enfin, dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de statuer sur la demande d’intervention de la Commission.

 Sur les dépens

82      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Mehdi Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Haj Hassen Ben Ali supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.


3)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention de la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 11 janvier 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : le français.


1 – Données confidentielles occultées.