Language of document : ECLI:EU:C:2012:594

Affaire C-179/11

Cimade
et
Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI)

contre

Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration

[demande de décision préjudicielle,
introduite par le Conseil d’État (France)]

«Demandes d’asile — Directive 2003/9/CE — Normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres — Règlement (CE) no 343/2003 — Obligation de garantir aux demandeurs d’asile le bénéfice des conditions minimales d’accueil pendant la durée de la procédure de prise en charge ou de reprise en charge par l’État membre responsable — Détermination de l’État membre ayant l’obligation d’assumer la charge financière du bénéfice des conditions minimales»

Sommaire — Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 27 septembre 2012

1.        Contrôles aux frontières, asile et immigration — Politique d’asile — Normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres — Directive 2003/9 — Octroi de conditions minimales d’accueil — Obligation incombant à l’État du dépôt de la demande et du séjour du demandeur d’asile

[Règlement du Conseil no 343/2003; directives du Conseil 2003/09, art. 3, § 1, et 2005/85, 29e considérant et art. 2, k), et 7, § 1]

2.        Contrôles aux frontières, asile et immigration — Politique d’asile — Normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres — Directive 2003/9 — Octroi de conditions minimales d’accueil — Obligation incombant à l’État du dépôt de la demande et du séjour du demandeur d’asile, jusqu’au transfert effectif du demandeur vers l’État responsable de l’examen de la demande

(Règlement du Conseil no 343/2003; directive du Conseil 2003/09)

3.        Contrôles aux frontières, asile et immigration — Politique d’asile — Normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres — Directive 2003/9 — Octroi de conditions minimales d’accueil — Charge financière incombant à l’État du dépôt de la demande et du séjour du demandeur d’asile

(Règlement du Conseil no 343/2003; directive du Conseil 2003/09; décision du Parlement européen et du Conseil no 573/2007)

1.        La directive 2003/09, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, doit être interprétée en ce sens qu’un État membre saisi d’une demande d’asile est tenu d’octroyer les conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile établies par cette directive même à un demandeur d’asile pour lequel il décide, en application du règlement no 343/2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, de requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu’État membre responsable de l’examen de sa demande d’asile.

En effet, selon l’article 3 de la directive 2003/9, qui définit le champ d’application de celle-ci, cette directive s’applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d’asile à la frontière ou sur le territoire d’un État membre et qui sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d’asile.

En ce qui concerne la première condition d’application de cette directive, la période pendant laquelle les conditions matérielles d’accueil doivent être accordées aux demandeurs débute lorsque les demandeurs d’asile introduisent leur demande d’asile. Cette directive ne comporte aucune disposition de nature à laisser entendre qu’une demande d’asile ne saurait être regardée comme déposée que si elle est présentée aux autorités de l’État membre responsable de l’examen de cette demande.

En ce qui concerne la seconde condition d’application de la directive 2003/9, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2005/85, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, confère aux demandeurs d’asile le droit de rester dans l’État membre aux fins de la procédure d’examen. Selon l’article 2, sous k), de cette directive, les termes «rester dans l’État membre» doivent être compris comme le fait de rester sur le territoire non seulement de l’État membre dans lequel la demande d’asile est examinée, mais aussi dans celui où elle a été déposée. Dès lors, les demandeurs d’asile sont autorisés à demeurer non seulement sur le territoire de l’État membre dans lequel la demande d’asile est examinée, mais aussi sur celui de l’État membre dans lequel cette demande a été déposée, comme l’exige l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2003/9.

Une telle interprétation ne saurait être infirmée par le considérant 29 de la directive 2005/85, lequel se réfère seulement au fait que les procédures établies par celle-ci pour l’octroi et le retrait du statut de réfugié dans les États membres se distinguent des procédures instaurées par le règlement no 343/2003 pour la détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile.

(cf. points 37, 39, 40, 46-50, disp. 1)

2.        L’obligation pour l’État membre saisi d’une demande d’asile d’octroyer les conditions minimales établies par la directive 2003/09, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, à un demandeur d’asile pour lequel il décide, en application du règlement no 343/2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, de requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu’État membre responsable de l’examen de sa demande d’asile cesse lors du transfert effectif du même demandeur par l’État membre requérant.

En effet, l’économie générale et la finalité de la directive 2003/9 ainsi que le respect des droits fondamentaux, notamment les exigences de l’article 1er de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne selon lequel la dignité humaine doit être respectée et protégée, s’opposent à ce qu’un demandeur d’asile soit privé, fût-ce pendant une période temporaire après l’introduction d’une demande d’asile et avant qu’il ne soit effectivement transféré dans l’État membre responsable, de la protection des normes minimales établies par cette directive.

(cf. points 56, 58, 61, disp. 2)

3.        La charge financière de l’octroi des conditions minimales établies par la directive 2003/09, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, incombe à l’État membre sur lequel pèse l’obligation d’octroi de ces conditions.

En effet, la charge financière liée aux exigences découlant de la nécessité pour un État membre de se conformer au droit de l’Union incombe normalement à l’État membre sur lequel pèse l’obligation de répondre à ces exigences, à moins que la réglementation de l’Union n’en dispose autrement. Ainsi, en l’absence de dispositions contraires à cet égard tant dans la directive 2003/9 que dans le règlement no 343/2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, la charge financière de la délivrance des conditions minimales d’accueil incombe à l’État membre sur lequel pèse ladite obligation.

Dans le souci de répondre à la nécessité d’un partage équitable des responsabilités entre les États membres au regard de la charge financière découlant de la mise en œuvre des politiques communes d’asile et d’immigration, le Fonds européen pour les réfugiés, établi par la décision no 573/2007, portant création du Fonds européen pour les réfugiés pour la période 2008-2013 dans le cadre du programme général «Solidarité et gestion des flux migratoires», prévoit qu’une assistance financière peut être proposée aux États membres en ce qui concerne, notamment, les conditions d’accueil et les procédures d’asile.

(cf. points 59-61, disp. 2)