Language of document : ECLI:EU:T:2019:357

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

23 mai 2019 (*)(1)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marques de l’Union européenne verbale et figurative ANN TAYLOR et AT ANN TAYLOR – Cause de nullité absolue – Article 59, paragraphe 1, sous b) du règlement (UE) 2017/1001 – Mauvaise foi »

Dans les affaires jointes T‑3/18 et T‑4/18,

Holzer y Cia, SA de CV, établie à Mexico (Mexique), représentée par Mes N. Fernández Fernández-Pacheco et A. Fernández Fernández-Pacheco, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Lukošiūtė et M. H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Annco, Inc., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par MM. D. Rose, J. Warner, Mme E. Preston, solicitors et M. P. Roberts, QC,

ayant pour objet deux recours formés contre les décisions de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 2 et du 8 novembre 2017 (affaires R 2370/2016‑2 et R 2371/2016‑2), relatives à deux procédures de nullité entre Annco et Holzer y Cia,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme N. Schall , administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 9 janvier 2018,

vu les mémoires en réponse de l’EUIPO déposés au greffe du Tribunal le 23 mars 2018,

vu les mémoires en réponse de l’intervenante déposés au greffe du Tribunal le 23 mars 2018,

vu la décision du 22  octobre 2018, portant jonction des affaires T‑3/18 et T‑4/18 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance,

à la suite de l’audience du 22 novembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Affaire T3/18

1        Le 4 avril 2011, la requérante, Holzer y Cia, SA de CV, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ANN TAYLOR.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 14 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « montres ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2011/119, du 28 juin 2011.

5        La marque en cause a été enregistrée le 5 octobre 2011 sous le numéro 9 865 651 pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        Le 20 mars 2014, l’intervenante, Annco, Inc., titulaire de la marque verbale ANN TAYLOR aux États-Unis, notamment pour des vêtements, relevant de la classe 25, ainsi que de plusieurs enregistrements de marques identiques ou similaires pour les mêmes produits dans un certain nombre de pays, a présenté une demande de nullité de cette marque sur le fondement de l’article 56, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 [devenu l’article 63, paragraphe 1, du règlement 2017/1001].

7        Les motifs invoqués à l’appui de cette demande étaient, d’une part, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] et, d’autre part, les causes de nullité relative visées à l’article 53, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement no 207/2009 [devenu l’article 60, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement 2017/1001].

8        Le 4 novembre 2016, la division d’annulation a accueilli la demande de l’intervenante sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, sans examiner les autres causes de nullité invoquées, a déclaré la nullité de la marque contestée. En effet, la division d’annulation a considéré que l’intervenante était parvenue à démontrer que la marque contestée avait été déposée de mauvaise foi, au sens des dispositions susmentionnées du règlement no 207/2009, dès lors qu’il était apparent que cette marque avait été déposée avec l’objectif véritable de créer une association entre cette marque et le signe identique qu’elle utilisait et de profiter de la force attractive de ce dernier.

9        Le 19 décembre 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation (affaire R 2370/2016‑2).

10      Par décision du 2 novembre 2017, la deuxième chambre de recours a rejeté le recours de la requérante et a confirmé la décision de la division d’annulation. En particulier, elle a relevé que la marque contestée et les marques utilisées par l’intervenante étaient identiques ou fortement similaires et que les produits désignés par ladite marque étaient des produits voisins du secteur de l’habillement, auquel appartenaient les produits de l’intervenante, et présentaient donc une corrélation étroite avec ces derniers. Ensuite, elle a considéré que la requérante avait connaissance des marques de l’intervenante. Enfin, elle a conclu, au vu des éléments factuels présentés par l’intervenante, que la requérante avait cherché à s’approprier le signe ANN TAYLOR d’une manière contraire aux normes d’un comportement commercial acceptable.

 Affaire T4/18

11      Le 18 septembre 2012, la requérante a présenté une seconde demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne.

12      La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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13      Cet enregistrement a été demandé pour des produits identiques à ceux visés au point 3 ci-dessus.

14      La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2012/238, du 14 décembre 2012.

15      La marque en cause a été enregistrée le 25 mars 2013 sous le numéro 11 197 647.

16      Le 20 mars 2014, l’intervenante a présenté une demande de nullité de cette marque sur la base des mêmes motifs que ceux indiqués au point 7 ci-dessus.

17      Le 4 novembre 2016, la division d’annulation a accueilli la demande de l’intervenante pour des motifs analogues à ceux indiqués au point 8 ci-dessus et a déclaré la nullité de la marque désignée au point 12 ci-dessus.

18      Le 19 décembre 2016, la requérante a formé un recours devant la chambre de recours (affaire R 2371/2016‑2).

19      Par décision du 8 novembre 2017, la deuxième chambre de recours a rejeté le recours de la requérante en se fondant sur des considérations analogues à celles mentionnées au point 10 ci-dessus.

 Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions de la chambre de recours du 2 novembre 2017 dans les affaires R 2370/2016‑2 et R 2371/2016‑2 (ci-après les « décisions attaquées ») ;

–        « par conséquent, confirmer la validité de[s enregistrements] de [marques de l’Union européenne no 9 865 651 et 11 197 647] pour l’ensemble des produits pour lesquels [les] demande[s] d’enregistrement [ont] été introduite[s] » ;

–        condamner l’intervenante aux dépens.

21      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

22      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

23      À titre liminaire, il convient de relever que, comme la requérante l’a précisé à l’audience, en réponse à une question du Tribunal, ses « demandes » tendant à ce que l’enregistrement des marques contestées soit confirmé ne constituent pas des chefs de conclusions distincts de ceux tendant à l’annulation des décisions attaquées. Ainsi, comme le souligne l’emploi de l’expression « par conséquent », la requérante doit être considérée comme visant seulement à énoncer les effets juridiques de l’annulation des décisions attaquées, laquelle, selon elle, ne peut que déboucher sur le rejet, par l’EUIPO, des demandes de nullité de l’intervenante et, par conséquent, sur la confirmation de l’enregistrement des marques contestées. Au demeurant, il y a lieu de relever que, dans la partie conclusive de la requête, la requérante présente seulement des conclusions à fin d’annulation. Les observations liminaires de l’EUIPO, soutenu par l’intervenante à l’audience, selon lesquelles la requérante n’est pas recevable à demander au Tribunal de confirmer la validité de l’enregistrement des marques contestées, sont donc sans objet.

24      Sur le fond, la requérante invoque un moyen unique, tiré, en substance, de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en ce que, selon elle, la chambre de recours a considéré à tort que les marques contestées avaient été déposées de mauvaise foi. À l’appui de ce moyen, elle invoque trois griefs tirés d’erreurs d’appréciation relatives, respectivement, à l’existence d’une similitude entre les signes en conflit suscitant un risque de confusion et à la connaissance, par le titulaire des marques contestées, de l’existence d’une marque identique ou similaire, à l’intention du titulaire des marques contestées au moment de leur dépôt et à la valeur probatoire des éléments présentés par l’intervenante au soutien de sa demande en nullité ainsi qu’à la charge de la preuve.

25      L’intervenante soutient que, en soulevant ces griefs, la requérante ne respecte pas les dispositions de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, dans la mesure où elle n’invoque aucune erreur de droit ou de procédure de la chambre de recours, mais se borne à contester ses appréciations et ses conclusions.

26      À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, le recours contre les décisions des chambres de recours est ouvert, notamment, pour violation de ce règlement.

27      Or, comme il est indiqué au point 24 ci-dessus, le présent recours est fondé sur un moyen unique, tiré, en substance, de la violation d’une disposition du règlement 2017/1001, à savoir son article 59, paragraphe 1, sous b).

28      D’autre part, il résulte de la jurisprudence que, dans le cadre de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, le Tribunal est habilité à se livrer à un entier contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO, au besoin en recherchant si ces chambres ont donné une qualification juridique exacte aux faits du litige ou si l’appréciation des éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres n’est pas entachée d’erreurs (arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 39).

29      La requérante est donc en droit, dans le cadre de son moyen unique, de demander au Tribunal de contrôler l’exactitude des appréciations tant de droit que de fait sur lesquelles reposent les décisions attaquées.

30      En particulier, contrairement à ce que l’intervenante a soutenu à l’audience, la requérante est en droit de demander au Tribunal d’examiner, dans le cadre de son contrôle entier de la légalité des décisions attaquées, les éléments de preuve qui ont été soumis par les parties devant l’EUIPO afin de vérifier si la chambre de recours les a pris suffisamment en considération et a correctement apprécié leur pertinence et leur valeur probante respective et si, sur cette base, elle a conclu, à bon droit, que les marques contestées avaient été déposées de mauvaise foi.

31      À cet égard, bien que la notion de mauvaise foi ne soit pas définie dans la législation de l’Union, il peut être déduit de son sens courant ainsi que du contexte et des objectifs de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 que, comme Mme l’avocat général Sharpston l’a exposé au point 60 de ses conclusions dans l’affaire Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:148), elle se rapporte à la motivation subjective du demandeur de l’enregistrement de marque en cause, à savoir une intention malhonnête ou un autre motif dommageable, et implique un comportement s’écartant des principes reconnus comme étant ceux respectés par un comportement éthique ou des usages honnêtes en matière industrielle et commerciale [conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:148, point 60, et arrêt du 7 juillet 2016, Copernicus-Trademarks/EUIPO – Maquet (LUCEO), T‑82/14, EU:T:2016:396, point 28].

32      Cette notion n’est donc pas applicable lorsque la demande d’enregistrement peut être considérée comme répondant à un objectif légitime et que l’intention du demandeur n’est pas contraire à la fonction essentielle d’une marque qui consiste à garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service concerné, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 44 à 49, et du 7 juillet 2016, LUCEO, T‑82/14, EU:T:2016:396, point 29).

33      Ainsi, l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 répond à l’objectif d’intérêt général de faire échec aux enregistrements de marque abusifs ou contraires aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 juin 2010, Internetportal und Marketing, C‑569/08, EU:C:2010:311, points 36 et 37). En effet, de tels enregistrements sont contraires au principe selon lequel l’application du droit de l’Union ne saurait être étendue jusqu’à couvrir les pratiques abusives d’opérateurs économiques qui ne permettent pas d’atteindre l’objectif poursuivi par la législation en cause (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 décembre 2000, Emsland-Stärke, C‑110/99, EU:C:2000:695, points 51 et 52, et du 7 juillet 2016, LUCEO, T‑82/14, EU:T:2016:396, point 52).

34      C’est au demandeur en nullité qui entend se fonder sur l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 qu’il incombe d’établir les circonstances qui permettent de conclure qu’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne a été déposée de mauvaise foi, la bonne foi du déposant étant présumée jusqu’à preuve du contraire [arrêt du 8 mars 2017, Biernacka-Hoba/EUIPO – Formata Bogusław Hoba (Formata), T‑23/16, non publié, EU:T:2017:149, point 45].

35      À cet égard, si, en tant qu’elle caractérise l’intention du demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, la notion de mauvaise foi, au sens de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, constitue un élément subjectif, elle doit être déterminée par rapport aux circonstances objectives du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 42).

36      Cela étant, lorsque l’EUIPO constate que les circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par le demandeur en nullité sont susceptibles de conduire au renversement de la présomption de bonne foi dont bénéficie la demande d’enregistrement de la marque contestée, il appartient au titulaire de celle-ci de fournir des explications plausibles concernant les objectifs et la logique commerciale poursuivis par la demande d’enregistrement de ladite marque.

37      En effet, le titulaire de la marque est le mieux placé pour éclairer l’EUIPO sur les intentions qui l’animaient lors de la demande d’enregistrement de cette marque et pour lui fournir des éléments susceptibles de le convaincre que, en dépit de l’existence de circonstances objectives telles que celles visées au point 36 ci-dessus, cette intention était légitime [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 9 novembre 2016, Birkenstock Sales/EUIPO (Représentation d’un motif de lignes ondulées entrecroisées), T‑579/14, EU:T:2016:650, point 136, et du 5 mai 2017, PayPal/EUIPO – Hub Culture (VENMO), T‑132/16, non publié, EU:T:2017:316, points 51 à 59].

38      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les différents griefs de la requérante.

 Sur le premier grief, tiré d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours relative à l’existence d’une similitude entre les signes en conflit suscitant un risque de confusion et à la connaissance, par le titulaire des marques contestées, de l’existence d’une marque similaire

39      La requérante affirme que l’existence d’une similitude entre les signes en conflit suscitant un risque de confusion et la connaissance, par le titulaire des marques contestées, de l’existence d’une marque similaire constituent deux conditions nécessaires pour caractériser la mauvaise foi dudit titulaire.

40      Le présent grief comporte deux branches, l’une tirée d’une erreur dans l’application de la première de ces conditions, l’autre tirée d’une erreur dans l’application de la seconde d’entre elles.

41      Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en considérant qu’il existait une similitude prêtant à confusion entre les signes en conflit, alors qu’il n’existait pas d’identité ou de similitude des produits couverts. La requérante soutient, en effet, qu’il résulte de la pratique de l’EUIPO que les vêtements et les montres sont des produits différents, de sorte que le consommateur n’établira pas de lien entre les marques en cause. Elle considère, en outre, que l’intervenante n’a pas prouvé, à suffisance de droit, la renommée de la marque antérieure.

42      Dans le cadre de la seconde branche, la requérante soutient que, en l’espèce, au moment du dépôt des marques contestées, elle n’avait pas connaissance de l’existence d’une marque identique ou similaire de nature à prêter à confusion, c’est-à-dire de l’enregistrement d’une marque antérieure comportant les éléments verbaux « ann taylor » pour des produits relevant de la classe 14. En outre, la requérante estime que, même dans l’hypothèse où elle aurait eu connaissance de l’existence d’une telle marque déposée pour des vêtements, cette circonstance serait sans incidence.

43      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

44      Il convient d’examiner successivement les deux branches du présent grief.

 Sur la première branche, tirée d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours relative à l’existence d’une similitude entre les signes en conflit suscitant un risque de confusion

45      Tout d’abord, il convient de relever que la présente branche est fondée sur trois prémisses.

46      En premier lieu, comme elle l’a confirmé à l’audience, la requérante soutient que, au regard des critères définis par l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361), l’intervenante était dans l’obligation, aux fins de prouver la mauvaise foi, d’établir l’existence dans l’Union d’un signe identique ou similaire au signe dont l’enregistrement est demandé, pour un produit identique, et donnant lieu à un risque de confusion.

47      En deuxième lieu, la requérante se fonde, implicitement mais nécessairement, sur le postulat que la chambre de recours a constaté, en l’espèce, l’existence dans l’Union d’un tel signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire suscitant un risque de confusion.

48      En troisième lieu, la requérante considère que, pour prouver la mauvaise foi, l’intervenante devait établir la renommée de la marque antérieure dans l’Union.

49      Or ces trois prémisses sont erronées.

50      À cet égard, s’agissant, tout d’abord, de la première de ces prémisses, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’existence de la mauvaise foi du demandeur, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 35 et 37).

51      La Cour a jugé que pouvaient constituer, notamment, de tels facteurs pertinents le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 53).

52      Cela étant, il résulte des motifs de l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361), que les trois facteurs énumérés au point 51 ci-dessus ne constituent que des illustrations des éléments susceptibles d’être pris en compte afin qu’il soit possible de se prononcer sur l’existence de la mauvaise foi d’un demandeur de marque au moment du dépôt de la demande [arrêt du 14 février 2012, Peeters Landbouwmachines/OHMI – Fors MW (BIGAB), T‑33/11, EU:T:2012:77, point 20]. En effet, dans cet arrêt, la Cour s’est limitée à répondre aux questions de la juridiction nationale qui portaient, en substance, sur la question de savoir si de tels facteurs étaient pertinents (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 22 et 38). Ainsi, l’absence de l’un ou l’autre de ces facteurs ne s’oppose pas nécessairement, selon les circonstances propres de l’espèce, à ce que soit constatée la mauvaise foi du demandeur (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2016, LUCEO, T‑82/14, EU:T:2016:396, point 147).

53      À cet égard, il importe de souligner que, ainsi que Mme l’avocat général Sharpston l’a relevé au point 60 de ses conclusions dans l’affaire Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:148), la notion de mauvaise foi, au sens de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, ne peut pas être cantonnée à une catégorie limitée de faits particuliers. En effet, l’objectif d’intérêt général de ces dispositions de faire échec aux enregistrements de marque abusifs ou contraires aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale, rappelé au point 33 ci-dessus, serait compromis si la mauvaise foi ne pouvait être démontrée que par les circonstances limitativement énumérées dans l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361) (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 juin 2010, Internetportal und Marketing, C‑569/08, EU:C:2010:311, point 37).

54      Ainsi, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de l’appréciation globale de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, il peut également être tenu compte de l’origine du signe contesté et de son usage depuis sa création, de la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque de l’Union européenne ainsi que de la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt [voir arrêt du 26 février 2015, Pangyrus/OHMI – RSVP Design (COLOURBLIND), T‑257/11, non publié, EU:T:2015:115, point 68 et jurisprudence citée].

55      Par ailleurs, il importe de relever que contrairement à l’article 60 du règlement 2017/1001, qui énumère les causes de nullité relative d’une marque de l’Union européenne et qui vise ainsi à protéger les intérêts privés des titulaires de certains droits antérieurs entrant en conflit avec la marque en cause, l’article 59, paragraphe 1, du même règlement, qui prévoit, notamment, que la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt d’une demande de marque constitue une cause de nullité absolue, vise à protéger l’intérêt de tous. Par conséquent, les appréciations pertinentes pour constater l’existence de l’une des causes de nullité relative susvisées ne sont pas nécessairement transposables au constat de l’existence de la mauvaise foi (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 octobre 2015, BGW, C‑20/14, EU:C:2015:714, points 23 à 34).

56      En particulier, il ne saurait être exigé systématiquement du demandeur en nullité qui invoque la mauvaise foi, d’établir l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, au regard de la marque antérieure qu’il détient et de la marque contestée. En effet, comme l’EUIPO et l’intervenante l’ont relevé à l’audience, d’une part, ce serait priver, en grande partie, de leur effet utile les dispositions de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. D’autre part, ces dispositions, qui visent à protéger l’intérêt général, peuvent être invoquées par toute personne physique ou morale et pas uniquement par les titulaires de droits antérieurs.

57      En l’espèce, il suffit de constater que, aux fins de prouver la mauvaise foi de la requérante au moment du dépôt des marques contestées, l’intervenante a invoqué, devant l’EUIPO, des circonstances relatives au dépôt et à l’utilisation au Mexique, par la première de ces deux sociétés, de marques identiques auxdites marques contestées, lesquelles circonstances traduiraient, selon elle, l’intention de ladite société de s’approprier, de manière malhonnête, sa marque similaire déposée aux États‑Unis pour des vêtements. Or, à l’évidence, les conditions fixées par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne sauraient constituer des critères appropriés pour apprécier la pertinence de ces circonstances.

58      S’agissant, ensuite, de la deuxième prémisse de la présente branche, il suffit de relever que, en l’espèce, la chambre de recours a seulement constaté l’identité ou la similitude des marques contestées et des signes de l’intervenante et l’existence d’une corrélation entre les montres relevant de la classe 14, visées par lesdites marques, et les produits du secteur de l’habillement relevant de la classe 25 pour lesquels les signes susmentionnés étaient utilisés. En revanche, comme la requérante l’a elle-même relevé, au point 26 des décisions attaquées, la chambre de recours a expressément indiqué que ces produits ne pouvaient pas être considérés comme similaires au sens de l’arrêt du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, EU:C:1998:442), lequel portait sur la question de savoir dans quelles conditions la similitude des produits ou des services pouvait donner lieu à l’existence d’un risque de confusion. Il ne saurait donc être reproché à la chambre de recours d’avoir fondé les décisions attaquées sur des considérations factuelles erronées au motif qu’elle aurait, à tort, constaté l’existence, en l’espèce, d’un risque de confusion.

59      S’agissant, enfin, de la troisième prémisse de la présente branche, il convient de relever que la renommée de la marque antérieure constitue, notamment, une condition de l’application de l’article 8, paragraphe 5, et de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lequel peut être invoqué lorsqu’il existe un risque que l’usage de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou qu’il leur porte préjudice. Selon une jurisprudence constante, les atteintes visées par ces dispositions sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque antérieure et la marque dont l’enregistrement est demandé, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre les deux, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas nécessairement [voir arrêt du 11 décembre 2014, Coca-Cola/OHMI – Mitico (Master), T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 26 et jurisprudence citée].

60      En revanche, pour des raisons analogues à celles invoquées aux points 55 et 56 ci-dessus, si la renommée dans l’Union d’un signe antérieur peut, selon les circonstances de l’espèce, constituer un élément pertinent aux fins de l’appréciation de la mauvaise foi, il ne saurait être exigé du demandeur en nullité qui invoque cette dernière d’établir systématiquement une telle renommée, à l’instar de ce qui est exigé du demandeur en nullité invoquant les conditions de l’article 60, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 5 du règlement 2017/1001. En particulier, comme il a été rappelé au point 35 ci-dessus, la mauvaise foi caractérise l’intention du demandeur au moment du dépôt de la marque contestée. En revanche, comme l’a relevé l’intervenante à l’audience, les effets éventuels de l’utilisation de cette marque sur la renommée d’une marque antérieure ne sont pas nécessairement pertinents.

61      En tout état de cause, à supposer que la renommée des marques de l’intervenante soit pertinente en l’espèce, ce ne serait pas leur renommée dans l’Union, mais celle dont elles sont susceptibles de bénéficier aux États-Unis et au Mexique, qui devrait être prise en considération, au regard des circonstances invoquées par l’intervenante. Or, comme ses observations à l’audience l’ont confirmé, la requérante se prévaut seulement de l’absence de renommée des marques de l’intervenante sur le territoire de l’Union.

62      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours n’a commis aucune erreur de droit ou d’appréciation en l’espèce, en raison de l’absence d’un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec les signes dont l’enregistrement est demandé ou de l’absence de renommée dans l’Union des signes antérieurs de l’intervenante.

63      Cependant, nonobstant le caractère erroné des prémisses de la présente branche, il convient d’examiner le bien-fondé de celle-ci en tant qu’elle vise l’erreur qu’aurait commise la chambre de recours en considérant qu’il existait une corrélation entre les produits visés par les marques contestées et ceux couverts par les signes utilisés par l’intervenante, et que cette corrélation était pertinente aux fins de constater la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de ces marques.

64      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que l’existence de signes identiques ou similaires utilisés pour des produits appartenant à un segment de marché voisin de celui des produits pour lequel la marque contestée a été enregistrée peut s’avérer pertinente aux fins d’établir la mauvaise foi du demandeur.

65      En effet, même si, dans une telle hypothèse, les produits désignés par les signes identiques ou similaires sont différents, la proximité des segments de marché respectifs peut offrir au demandeur de la marque contestée l’opportunité, si telle est son intention, de déployer des stratégies d’exploitation de celle-ci contraires à l’éthique ou aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale. Par exemple, il lui sera loisible de l’exploiter en vue de générer délibérément, dans l’esprit des professionnels du secteur ou du public, une association avec l’entreprise propriétaire ou utilisatrice des signes identiques ou similaires ou encore en vue d’empêcher l’extension des activités de cette entreprise sur le segment de marché pour lequel sa marque est enregistrée, alors que cette extension de ses activités pourrait constituer, pour ladite entreprise, une stratégie d’expansion commerciale légitime.

66      En deuxième lieu, il convient de relever que les appréciations de la chambre de recours relatives, d’une part, à l’exploitation par l’intervenante du signe ANN TAYLOR (ou du signe hautement similaire ANNTAYLOR) et, d’autre part, à l’identité ou à la similitude des marques contestées et de ces signes sont exemptes d’erreur.

67      À cet égard, d’une part, il suffit de constater que, au regard des preuves fournies par l’intervenante dans le cadre de la procédure de nullité, la chambre de recours a pu constater l’usage depuis 1954, à tout le moins aux États-Unis, de la marque ANN TAYLOR par cette société, notamment pour les vêtements, ainsi que l’existence de plusieurs enregistrements de marques identiques ou similaires détenues par celle-ci dans près de 90 pays, en particulier pour les mêmes produits. Il convient de relever, notamment, que l’intervenante a déposé des demandes de marques auprès de l’EUIPO et auprès des autorités de certains États membres pour le signe ANN TAYLOR ou pour des signes hautement similaires antérieurement au dépôt des marques contestées.

68      D’autre part, force est de constater l’identité de la marque verbale contestée et de la marque verbale ANN TAYLOR dont l’intervenante est titulaire et sa similitude avec une de ses autres marques verbales, ANNTAYLOR, la seule différence, dans ce dernier cas, résidant dans l’espace entre l’élément « ann » et l’élément « taylor ». En outre, il est exact que, ainsi qu’il résulte des appréciations de la division d’annulation, entérinées par la chambre de recours, l’impression générale créée par la marque figurative contestée ne diffère pas fondamentalement de celle suscitée par les marques de l’intervenante susmentionnées, en raison de l’inclusion de l’élément en lettres majuscules « ANN TAYLOR » dans ladite marque figurative et de la position distinctive autonome et dominante qu’elle y occupe.

69      En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence que, indépendamment de la question de savoir si les produits relevant de la classe 14 tels que les montres et des produits relevant de la classe 25 tels que des produits du secteur de l’habillement sont similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, ces produits appartiennent à des segments de marchés proches. En effet, en particulier dans le domaine des articles de luxe, ces produits sont vendus sous des marques célèbres de créateurs et de fabricants réputés et les fabricants de vêtements se tournent donc vers le marché des produits relevant de la classe 14, y compris celui des montres [voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2015, Compagnie des montres Longines, Francillon/OHMI – Cheng (B), T‑505/12, EU:T:2015:95, points 47 à 49 et jurisprudence citée].

70      En outre, il résulte de la jurisprudence que, même si un lien de complémentarité entre les montres et les produits de l’habillement ne peut être constaté aux fins d’établir si ces produits sont similaires, il n’en demeure pas moins vrai que ces produits ont en commun de jouer un rôle dans l’apparence physique d’une personne, de sorte que leur achat peut être motivé, au moins en partie, par l’image qu’ils donneront de celle-ci, voire par la recherche d’une certaine « complémentarité esthétique » [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 9 juillet 2015, CMT/OHMI – Camomilla (Camomilla), T‑98/13 et T‑99/13, non publié, EU:T:2015:480, point 75, et du 28 septembre 2016, The Art Company B & S/EUIPO – G-Star Raw (THE ART OF RAW), T‑593/15, non publié, EU:T:2016:572, point 42].

71      C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté une corrélation entre les produits visés par les marques contestées et les produits du secteur de l’habillement pour lesquels les marques de l’intervenante ont été utilisées ou déposées. En outre, la chambre de recours a pu constater, à bon droit, que la pratique des créateurs de mode consistant à étendre leur offre à des produits appartenant à des segments de marché voisins de l’habillement était illustrée en l’espèce par l’élargissement de la gamme des produits désignés par les marques de l’intervenante à d’autres produits que les vêtements, tels que les chaussures, les bijoux, les lunettes de soleil, les parfums et les montres.

72      Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que le fait que des marques identiques ou fortement similaires aux marques contestées étaient exploitées et protégées depuis 1954 pour des produits appartenant à un segment de marché voisin constituait, en l’espèce, un facteur pertinent aux fins d’apprécier l’existence de la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt des marques contestées.

73      Les arguments de la requérante et les éléments présentés à l’appui de ces arguments ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

74      D’une part, s’il est vrai que, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions qu’il a déjà adoptées sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit être conciliée avec le principe de légalité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 61 et jurisprudence citée).

75      En l’espèce, premièrement, la requérante se réfère devant le Tribunal à deux décisions qui sont postérieures aux décisions attaquées. Par conséquent, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas en avoir tenu compte. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, le recours devant le Tribunal prévu par l’article 65 du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours et, dans le contentieux de l’annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris. Ainsi, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui [voir arrêt du 21 mars 2012, Feng Shen Technology/OHMI – Majtczak (FS), T‑227/09, EU:T:2012:138, point 25, confirmé par ordonnance du 7 février 2013, Majtczak/Feng Shen Technology et OHMI, C‑266/12 P, non publiée, EU:C:2013:73, point 45].

76      Deuxièmement, en ce qui concerne les décisions de l’EUIPO qu’elle a invoquées dans le cadre de la procédure en nullité, la requérante se borne à faire valoir que le nombre de ces décisions était supérieur à cinquante et qu’elles concluaient toutes à l’existence d’une différence entre les montres et les vêtements, sans se référer précisément à aucune d’entre elles en particulier. Or, ces considérations ne sauraient, à l’évidence, suffire à établir que la chambre de recours était tenue de prendre en compte ces décisions. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, un renvoi global à d’autres écrits ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête elle‑même. Ainsi, dans le cadre d’un recours contre une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher dans le dossier de la procédure devant l’EUIPO les arguments auxquels la requérante pourrait faire référence ni de les examiner [voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sánchez et Ricote Saugar (BoomerangTV), T‑420/03, EU:T:2008:203, points 92 et 93 et jurisprudence citée].

77      Troisièmement, il y a lieu de relever que, dans les décisions invoquées par la requérante tant devant l’EUIPO que devant le Tribunal, les considérations relatives à la différence entre les montres et les vêtements sont effectuées dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ou de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement. Par conséquent, pour les raisons invoquées aux points 55 à 61 ci-dessus, ces décisions ne sont pas pertinentes.

78      D’autre part, les considérations de la requérante relatives à l’absence de lien entre les marques contestées et les marques antérieures de l’intervenante, en raison du fait qu’elles sont composées d’un prénom féminin et d’un nom de famille courants, ne peuvent qu’être rejetées. En effet, comme la chambre de recours l’a constaté à bon droit au point 25 des décisions attaquées, le fait que le prénom Ann et le nom de famille Taylor soient d’usage courant dans les pays anglophones ne signifie pas nécessairement que leur combinaison soit elle-même courante. Par ailleurs, comme elle l’a également constaté, il n’est pas allégué que des tiers utiliseraient sur le marché d’autres marques comportant cette combinaison. Une telle circonstance ne résulte pas non plus des pièces du dossier de la procédure de nullité devant l’EUIPO. Par conséquent, le lien entre les marques contestées et les marques de l’intervenante, qui sont identiques ou hautement similaires, n’est pas affaibli en raison du degré de caractère distinctif intrinsèque de ces marques ou de leur usage.

79      Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du premier grief doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du premier grief, tirée de l’erreur de la chambre de recours relative à la connaissance, par la requérante, au moment du dépôt des marques contestées, des marques identiques ou similaires de l’intervenante

80      D’une part, il convient de relever que l’argument de la requérante, selon lequel elle n’avait pas connaissance de l’existence d’une marque antérieure incluant le signe ANN TAYLOR, enregistrée ou utilisée pour des produits relevant de la classe 14, ne peut qu’être rejeté.

81      En effet, cet argument n’est pas de nature à remettre en cause la circonstance que, à la date de l’enregistrement des marques contestées, la requérante avait connaissance de l’existence d’une ou de plusieurs marques antérieures incluant le signe ANN TAYLOR et désignant des vêtements. Or, ainsi qu’il résulte des points 64 à 78 ci-dessus, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, aux fins de prouver la mauvaise foi, la pertinence de l’existence de telles marques protégées et utilisées pour des vêtements, au regard, notamment, de la corrélation existant entre le secteur de l’habillement et le secteur des montres.

82      D’autre part, il convient de relever que, dans le cadre du deuxième et du troisième grief, la requérante conteste la valeur probante des éléments sur lesquels la chambre de recours s’est fondée pour considérer qu’elle avait eu nécessairement connaissance des marques antérieures de l’intervenante. Ces arguments doivent donc être examinés afin de vérifier si la chambre de recours était en droit ou non de s’appuyer sur lesdits éléments pour conclure à la connaissance, par la requérante, desdites marques antérieures.

83      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que la connaissance, par la requérante, des droits de l’intervenante sur des signes identiques ou similaires aux marques contestées, pour des vêtements, était établie sur la base des circonstances ci-après.

84      En premier lieu, aux points 33 à 37 des décisions attaquées, la chambre de recours a relevé, sur la base de déclarations écrites sous serment d’avocats ayant défendu les intérêts de l’intervenante et d’un courriel de l’avocat de la requérante adressé à l’un des conseils de l’intervenante susmentionnés, qu’il était établi que le dirigeant de la requérante, M. Holzer, avait tenté de contacter les responsables de l’intervenante en vue d’obtenir un accord de licence mondial vers le début des années 2000. La chambre de recours a constaté que ces faits étaient antérieurs au dépôt au Mexique, en 2003, de la marque ANN TAYLOR, première marque de la requérante enregistrée dans ce pays et comportant les éléments verbaux « ann taylor », sur laquelle elle s’appuie pour justifier sa stratégie d’expansion commerciale vers l’Union. La chambre de recours a estimé que, en dépit de ses arguments, la requérante avait admis l’existence de cette tentative.

85      En deuxième lieu, au point 38 des décisions attaquées, la chambre de recours a relevé que, le 26 août 2008, soit trois ans avant la demande d’enregistrement des marques contestées, l’intervenante avait engagé, devant les instances compétentes mexicaines, une procédure en nullité de la marque ANN TAYLOR de la requérante, enregistrée sous le numéro no 970 460 pour des produits relevant de la classe 14, sur le fondement d’une marque identique pour des produits de la même classe, enregistrée aux Etats-Unis.

86      En troisième lieu, la chambre de recours a estimé que les explications fournies par la requérante pour justifier le dépôt de marques comportant les éléments verbaux « ann taylor » en référence au nom de la mère de M. Holzer n’étaient pas convaincantes.

87      En ce qui concerne la première de ces circonstances, il convient de relever, d’emblée, que, tant devant l’EUIPO que dans le cadre de la requête, la requérante ne conteste pas avoir tenté, antérieurement au dépôt de sa première marque mexicaine, de nouer des relations de partenariat commercial avec l’intervenante. Elle admet, en outre, que, ainsi qu’il ressort également des éléments de preuve fournis par l’intervenante, cette tentative n’a pas abouti en raison du refus de cette dernière, lequel aurait été exprimé de manière discourtoise, ce qui « tradui[rait] », selon les déclarations de la requérante devant l’EUIPO, « la xénophobie que beaucoup d’Américains ressentent à l’égard des Mexicains ».

88      Par conséquent, même si la requérante conteste le fait que cette tentative avait pour objectif la conclusion d’un accord de licence avec l’intervenante, l’existence de ladite tentative combinée avec le dépôt ultérieur d’une marque identique à celle détenue par l’intervenante constituent des indices sérieux de la connaissance que la requérante détenait des droits antérieurs de l’intervenante.

89      Le caractère sérieux de ces indices n’est pas remis en cause par les explications fournies par la requérante quant à l’origine du choix du signe ANN TAYLOR pour l’enregistrement de sa première marque mexicaine et des marques contestées.

90      À cet égard, comme l’a constaté, à bon droit, la chambre de recours, il y a une différence substantielle entre le nom de la mère de M. Holzer, Ana N. de H., et ledit signe, que la similitude entre le prénom de cette personne, Ana, et l’élément verbal « Ann » ne suffit pas à atténuer. En outre, la remarque de la requérante selon laquelle le prénom « Ann » est courant est applicable, par analogie, aux équivalents de ce prénom dans d’autres langues, et en particulier au prénom « Ana ». En revanche, comme il a été relevé au point 78 ci-dessus, il n’est pas établi que la combinaison formée par le prénom « Ann » et le nom de famille « Taylor » soit courante, de sorte que l’enregistrement, par la requérante, d’une marque constituée de cette combinaison postérieurement à l’échec de sa tentative de nouer un partenariat commercial avec l’intervenante ne saurait être le fruit d’une coïncidence [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 janvier 2016, Davó Lledó/OHMI – Administradora y Franquicias América et Inversiones Ged (DoggiS), T‑335/14, EU:T:2016:39, points 60 et 63]. S’agissant des explications présentées par la requérante, à l’audience, concernant l’utilisation de l’élément « taylor » pour les marques contestées comme une référence à l’expression anglaise « tailor made » (« fait sur mesure »), il ne résulte pas des pièces du dossier qu’elle ait été soumise à l’EUIPO. Or, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au Tribunal de réexaminer les circonstances de fait appréciées par les chambres de recours de l’EUIPO à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui (voir arrêt du 26 juillet 2017, Staatliche Porzellan-Manufaktur Meissen/EUIPO, C‑471/16 P, non publié, EU:C:2017:602, point 25 et jurisprudence citée).

91      Par ailleurs, la requérante conteste la validité, d’une part, des déclarations écrites sous serment des avocats de l’intervenante, au motif que lesdits avocats seraient employés par cette dernière et, d’autre part, du courriel d’un de ses avocats, au motif que ledit avocat n’avait pas une connaissance directe du contenu et du but des démarches de M. Holzer et que le caractère confidentiel de ce courriel faisait obstacle à ce que l’EUIPO le prenne en compte.

92      En l’espèce, d’une part, il convient de relever qu’aucun élément du dossier ne permet de conclure que les avocats dont émanent lesdites déclarations et qui représentent les intérêts de l’intervenante sont employés par cette dernière ou sont liés à celle-ci d’une autre manière.

93      En revanche, il résulte des annexes de la demande en nullité contenant ces déclarations que deux de ces avocats sont associés au sein du cabinet d’avocats F., Z., L. et Z., établi à New-York, New-York (États-Unis), et que les deux autres sont associés au sein de deux cabinets d’avocats établis au Mexique, le premier au sein du cabinet A. & L. et le second au sein du cabinet O. & Cia.

94      Il y a donc lieu d’en déduire que ces avocats sont indépendants et constituent des tiers à l’égard de l’intervenante.

95      En outre, les avocats sont, en principe, soumis à une discipline professionnelle qui leur impose, notamment, de faire preuve de probité sous peine de poursuites disciplinaires (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, points 42 et 45).

96      Par conséquent, la valeur probante des déclarations sous serment en cause est nécessairement plus élevée que celle d’employés de l’intervenante ou de personnes liées, d’une manière ou d’une autre, à cette dernière [voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2012, Süd-Chemie/OHMI – Byk-Cera (CERATIX), T‑312/11, non publié, EU:T:2012:296, point 30].

97      En ce qui concerne le contenu de ces déclarations écrites sous serment, elles rapportent des échanges soit avec des avocats de la requérante, soit, pour deux d’entre elles, avec M. Holzer lui-même, intervenus à diverses occasions et au cours desquelles leur ont été rapportées les circonstances dans lesquelles ce dernier a tenté de nouer un partenariat commercial avec l’intervenante. Il convient de relever, à cet égard, que les circonstances de ces échanges, telles qu’elles sont rapportées, sont vraisemblables, compte tenu, notamment, des différents litiges entre la requérante et l’intervenante survenus à partir du dépôt de la première marque mexicaine de la requérante incluant le signe ANN TAYLOR. En outre, l’existence de ces contacts, qui n’est pas contestée, est corroborée, pour deux de ces déclarations, par les documents qui y sont joints, à savoir respectivement la copie de cartes de visites des avocats de la requérante et un courriel d’un de ces derniers.

98      Par ailleurs, si certains détails concernant les démarches de M. Holzer auprès de la requérante varient selon les déclarations sous serment en cause, toutes convergent sur le fait que ces démarches se sont produites avant l’enregistrement de marque mexicain de la requérante intervenu en 2003 et sur le fait qu’elles avaient pour objet la conclusion d’un accord avec l’intervenante en vue de permettre à la requérante de commercialiser des montres sous la marque ANN TAYLOR.

99      Enfin, les éléments rapportés dans ces déclarations sous serment sont également exposés dans le courriel de l’avocat de la requérante susmentionné, qui constitue une source indépendante distincte de ces déclarations sous serment et contribue donc à corroborer ces éléments de preuve.

100    C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré que ces déclarations sous serment étaient fiables.

101    D’autre part, s’agissant du courriel de l’avocat de la requérante, il convient de relever que les informations qui y sont livrées concernant les démarches de M. Holzer auprès de l’intervenante émanent de la requérante elle-même. Or celle-ci ne soutient pas qu’elle n’aurait pas fait part de ces informations à son avocat. Au demeurant, il résulte de l’ensemble de ce courriel que l’avocat en question était chargé, par son client, du suivi des relations avec l’intervenante. Il est donc peu vraisemblable qu’il n’ait pas eu connaissance de l’objet de ces démarches, dont l’existence n’est pas contestée par la requérante. Par conséquent, le fait qu’il n’ait eu qu’une connaissance indirecte de celles-ci n’est pas de nature à affaiblir la valeur probante de son courriel.

102    Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la confidentialité des communications entre avocats et clients doit faire l’objet d’une protection au niveau de l’Union, pour autant que l’échange avec l’avocat est lié à la défense du client et que ledit avocat est indépendant (voir arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, points 40 et 41 et jurisprudence citée). En matière de concurrence, cette protection a pour effet de soustraire ces communications aux pouvoirs d’investigation de la Commission et de s’opposer à ce qu’elle fonde sur celles-ci une décision imposant une amende pour une infraction au droit de la concurrence de l’Union (arrêt du 29 février 2016, Deutsche Bahn e.a./Commission, T‑267/12, non publié, EU:T:2016:110, point 49).

103    Or, à supposer que cette jurisprudence soit applicable aux éléments de preuve utilisés dans le cadre des procédures devant l’EUIPO, le courriel de l’avocat de la requérante visé au point 84 ci-dessus est adressé à un des avocats de l’intervenante. Il ne s’agit donc pas d’une communication entre avocats et clients au sens de la jurisprudence citée au point 102 ci-dessus. S’il est vrai que ce courriel rapporte des éléments qui ont été portés à la connaissance de l’avocat de la requérante par cette dernière, force est de constater que celle-ci n’allègue pas qu’elle n’aurait pas autorisé la divulgation de ces éléments à des représentants de l’intervenante ni à l’intervenante elle-même, ce qui, au demeurant, ne ressort nullement dudit courriel. L’avertissement en bas de page de ce courriel, qui figure, de manière habituelle, dans les correspondances professionnelles, s’oppose seulement à la divulgation de ce courriel à des tiers ou à sa publication et ne saurait, à lui seul, faire obstacle à son utilisation dans le cadre de la procédure en nullité litigieuse, qui concerne la requérante et l’intervenante elles-mêmes.

104    En tout état de cause, il y a lieu de relever que les éléments concernant l’objet des démarches de M. Holzer auprès de l’intervenante transmis dans ce courriel figuraient également dans les déclarations sous serment des avocats de l’intervenante et ont été repris, en partie, par la requérante elle-même dans ses propres déclarations devant l’EUIPO, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 87 ci-dessus. Ces éléments ne revêtaient donc pas, en eux-mêmes, un caractère confidentiel.

105    Par conséquent, la chambre de recours a pu, à bon droit, considérer que les déclarations écrites sous serment des avocats de l’intervenante et le courriel d’un de ses avocats constituaient des éléments valides et probants en vue d’identifier l’objet des démarches de M. Holzer auprès de l’intervenante avant l’enregistrement de la marque ANN TAYLOR au Mexique.

106    Au demeurant, il convient de relever que, si la requérante conteste que ces démarches visaient à la conclusion d’un accord pour la commercialisation de montres sous la marque ANN TAYLOR, elle n’a présenté aucun élément d’explication concernant le but et le contenu desdites démarches, dont elle reconnaît pourtant l’existence. Or c’est elle qui était la mieux placée pour éclairer la chambre de recours sur les intentions sous-tendant ces démarches et la convaincre, en dépit des éléments de preuve susmentionnés, que lesdites démarches n’avaient pas de relation avec l’exploitation commerciale de la marque ANN TAYLOR.

107    En tout état de cause, la requérante ne conteste pas le constat de la chambre de recours selon lequel, en raison de la procédure de nullité engagée au Mexique par l’intervenante le 26 août 2008, elle avait nécessairement connaissance des droits de l’intervenante sur la marque ANN TAYLOR, en tant que telle ou incluse dans une marque composée, au moment du dépôt des marques contestées, intervenu respectivement trois et quatre ans après le début de cette procédure.

108    À l’audience, la requérante a semblé contester l’ensemble de ces éléments en affirmant que, dans la requête, elle se référait à des prises de contact avec l’intervenante postérieures au dépôt des marques contestées. Ainsi, la requérante a paru affirmer qu’elle n’avait pas eu de contacts avec l’intervenante avant l’année 2011.

109    Cependant, ces allégations sont contradictoires avec les affirmations de la requérante dans la requête et devant l’EUIPO, qui se réfèrent clairement aux démarches de M. Holzer mentionnées dans les déclarations sous serment des avocats de l’intervenante et dans le courriel de son propre avocat. Certes, ces déclarations sous serment et ce courriel se réfèrent à des échanges avec les avocats de la requérante ou avec M. Holzer eux-mêmes intervenus postérieurement au dépôt des marques contestées. Toutefois, selon ces déclarations sous serment et ce courriel, les démarches de M. Holzer dont il a été question au cours de ces échanges ont eu lieu au début des années 2000. Par ailleurs, ces allégations ne sauraient, en tout état de cause, remettre en question la connaissance que la requérante avait des droits de l’intervenante sur la marque ANN TAYLOR du fait, notamment, de la procédure en nullité engagée par cette dernière en 2008. Au demeurant, il y a lieu de relever que, dans sa plaidoirie, la requérante a elle-même indiqué qu’elle avait dû se défendre des « accusations » de la requérante depuis 2003.

110    Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les circonstances visées aux points 84 et 85 ci-dessus démontraient que la requérante avait connaissance des droits antérieurs de l’intervenante sur la marque ANN TAYLOR avant même le dépôt de la première marque mexicaine sur laquelle elle s’appuie pour justifier sa stratégie d’expansion commerciale dans l’Union et, en tout état de cause, avant le dépôt des marques contestées. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner si c’est à bon droit que, au point 32 des décisions attaquées, la chambre de recours a, par ailleurs, présumé une telle connaissance en se fondant sur un ensemble d’indices tels que l’usage de longue date de ladite marque par l’intervenante aux États-Unis pour des vêtements et des accessoires, la connaissance générale dans le secteur économique concerné, la proximité étroite des secteurs de la mode et des montres ainsi que de la proximité des marchés mexicain et américain, il convient de rejeter la seconde branche du premier grief et, partant, ce grief dans son ensemble.

 Sur le deuxième grief, tiré d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours, relative à l’intention de la requérante au moment du dépôt des marques contestées

111    Le deuxième grief comporte deux branches.

112    D’une part, la requérante soutient que les circonstances que la chambre de recours a retenues pour considérer qu’il y avait de la part du titulaire des marques contestées une intention délibérée de créer une association entre celles-ci et les marques de l’intervenante ne sauraient être prises en considération, faute de lui être attribuables directement et de relever de son contrôle ou de son influence.

113    D’autre part, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas pris en compte d’autres circonstances de nature à expliquer son comportement et à prouver sa bonne foi. À cet égard, en premier lieu, elle fait valoir qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir exploité abusivement la réputation de la marque de l’intervenante, en raison de l’absence d’une telle réputation, de la différence entre les produits protégés par les signes en conflit et de l’exploitation sérieuse et continue des deux marques contestées. En deuxième lieu, elle affirme qu’il n’existerait aucun élément de nature à établir que l’enregistrement des marques contestées, qui constituait une étape logique de sa stratégie commerciale, avait eu pour objectif d’empêcher un tiers d’entrer sur le marché. En troisième lieu, elle soutient qu’aucune relation antérieure avec l’intervenante n’a pu être établie et que les marques contestées constituent une création indépendante.

114    L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

 Sur la première branche du deuxième grief, tirée de la prise en considération erronée de circonstances non attribuables à la requérante

115    À titre liminaire, il convient de rappeler quelles sont les circonstances objectives sur lesquelles la chambre de recours s’est fondée pour déterminer l’intention de la requérante au moment du dépôt des marques contestées.

116    D’une part, au point 43 des décisions attaquées, la chambre de recours a considéré que le fait que la requérante souhaitait initialement conclure un accord de licence avec l’intervenante pour la commercialisation de ses produits sous la marque ANN TAYLOR, qu’elle n’a pas obtenu, constituait un premier indice de ce que les marques n’ont pas été déposées de bonne foi.

117    D’autre part, aux points 44 à 60 des décisions attaquées, la chambre de recours a considéré qu’elle était habilitée à prendre en compte le comportement de la requérante postérieurement au dépôt des marques contestées, dans la mesure où il existait une combinaison de circonstances de nature à indiquer que ses intentions, au moment dudit dépôt, n’étaient pas honnêtes.

118    Ainsi, au point 46 des décisions attaquées, elle a relevé que la requérante avait cherché à associer ses produits à ceux de l’intervenante et à faire leur promotion en publiant sur la page Facebook de l’intervenante concernant la marque ANN TAYLOR LOFT des liens renvoyant à sa propre page Facebook consacrée aux « montres ANN TAYLOR » et sur laquelle elle est présentée comme « le propriétaire légitime des enregistrements de marque ANN TAYLOR (montres et bijoux) au Mexique, en Suisse et dans l’Union européenne ».

119    De même, aux points 49 à 52 des décisions attaquées, la chambre de recours a pris en compte un témoignage du mandataire de Club Premier, un programme de fidélité pour voyageurs opérant au Mexique, qui a déclaré qu’un distributeur des produits de la requérante, Promologistics, lui fournissait des montres ANN TAYLOR, que ces deux sociétés considéraient comme des « produits ANN TAYLOR authentiques » autorisés par l’intervenante, ainsi que deux lettres émanant du directeur commercial de la requérante, adressées à Promologistics et transmises ensuite à Club Premier, dans lesquelles il était indiqué qu’elle était la licenciée et représentante autorisée de la marque ANN TAYLOR. La chambre de recours a considéré que ces indications avaient été de nature à induire en erreur le distributeur de la requérante et le client de ce dernier au sujet de l’existence d’un lien avec la marque identique détenue par l’intervenante.

120    Par ailleurs, aux points 53 et 54 des décisions attaquées, la chambre de recours a également pris en compte les éléments de preuve fournis par l’intervenante montrant qu’un distributeur mexicain des produits de la requérante, TiempoMania, avait utilisé, en vue d’assurer la promotion des montres commercialisées par la requérante sous sa marque mexicaine ANN TAYLOR, des copies modifiées numériquement de publicités de l’intervenante dans lesquelles, notamment, apparaissaient des actrices connues et qui faisaient la promotion de la marque ANN TAYLOR pour des produits du secteur de l’habillement. Elle a relevé également que l’intervenante avait produit le témoignage d’un responsable de TiempoMania, M. N. B. M., indiquant, notamment, qu’il connaissait la « célèbre marque de vêtements américaine » ANN TAYLOR, lorsqu’il a distribué, pour la première fois, les produits de la requérante et que, étant donné la notoriété de ladite marque, il a supposé que ces produits étaient fabriqués sous licence du titulaire de cette marque. La chambre de recours a considéré que ce témoignage mettait encore davantage en évidence le fait que la requérante avait cherché à se faire passer pour un licencié de l’intervenante.

121    En outre, au point 58 des décisions attaquées, la chambre de recours a également relevé que l’intervenante avait démontré que la requérante avait cherché à l’empêcher d’étendre l’utilisation de sa marque ANN TAYLOR aux montres en contactant le licencié de cette dernière, L’Amy America, en vue de contester l’octroi de sous-licences sur cette marque pour la commercialisation de montres dans l’Union. Enfin, elle a considéré également comme pertinents les éléments de preuve fournis par l’intervenante montrant que la requérante avait pour pratique de déposer des demandes de marques identiques à des marques tierces notoirement connues, sans le consentement des titulaires de ces derniers, pour des bijoux ou des montres au Mexique.

122    Au point 60 des décisions attaquées, la chambre de recours a conclu que l’ensemble de ces éléments factuels démontrait que la requérante avait cherché à « mettre la main » sur la marque ANN TAYLOR d’une manière contraire aux normes d’un comportement commercial acceptable.

123    Il convient, à présent, d’apprécier si, au regard des arguments de la requérante, c’est à tort que la chambre de recours a considéré que ces circonstances lui étaient attribuables.

124    En premier lieu, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte des points 87 à 105 ci-dessus, la chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur, considérer qu’il était établi, à suffisance de droit, que, antérieurement au dépôt de la première marque mexicaine ANN TAYLOR, la requérante avait tenté d’obtenir le droit de commercialiser des montres sous une marque identique détenue par l’intervenante et que cette dernière avait refusé de donner suite à ces démarches.

125     Par conséquent, la chambre de recours pouvait considérer que ces circonstances constituaient un premier indice de la mauvaise foi de la requérante. En effet, l’enchaînement des faits qui caractérise ces circonstances suggère que l’utilisation de la marque ANN TAYLOR par la requérante trouve son origine dans l’intention de s’approprier ce signe pour la commercialisation des montres et de susciter une association avec les marques antérieures identiques ou similaires de l’intervenante sans le consentement de cette dernière, faute d’avoir obtenu un tel consentement et alors même que celle-ci s’est expressément opposée à une telle utilisation de la marque susmentionnée.

126    En deuxième lieu, il convient de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 54 ci-dessus, l’usage du signe contesté peut constituer un élément à prendre en compte pour caractériser l’intention qui présidait à la demande d’enregistrement de ce signe, y compris un usage postérieur à la date de cette demande. Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que, bien que les circonstances invoquées par l’intervenante en ce qui concerne l’usage des marques mexicaines de la requérante soient intervenues postérieurement au dépôt des marques contestées, elles étaient de nature à éclairer ses intentions au moment dudit dépôt et devaient, à ce titre, être prises en compte [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 mai 2017, Airhole Facemasks/EUIPO – sindustrysurf (AIR HOLE FACE MASKS YOU IDIOT), T‑107/16, EU:T:2017:335, point 41].

127    En troisième lieu, en ce qui concerne le lien promotionnel placé sur la page Facebook de l’intervenante et renvoyant aux produits de la requérante, qui est mentionné au point 118 ci-dessus, il convient de relever que, si, dans le cadre du deuxième grief, la requérante ne précise pas en quoi il échapperait à son contrôle, dans le cadre du troisième grief, elle soutient qu’elle a fourni, dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO, des explications adéquates et plausibles justifiant l’existence dudit lien. En effet, elle indique qu’elle a fait valoir que son existence pourrait être attribuée à la demanderesse elle-même, qui aurait ainsi fabriqué une preuve difficilement réfutable aux fins de la procédure en cause.

128    Cependant, ces allégations ne sont pas convaincantes.

129    En effet, ainsi qu’il résulte des documents fournis à l’EUIPO par l’intervenante, le lien en cause se présente sous la forme d’un « post » publié sur la page Facebook de l’intervenante, émanant du compte Facebook denommé « Ann Taylor Watches » et comportant le message promotionnel suivant en anglais : « Il n’y a définitivement pas de temps à perdre, alors venez jeter un coup d’œil à notre nouvelle page “fan” pour les montres AnnTaylor ». Ledit « post » comprend également une reproduction d’une des montres promues et l’indication selon laquelle la requérante est le propriétaire légitime des enregistrements de marque ANN TAYLOR pour les montres et les bijoux au Mexique, en Suisse et dans l’Union. Le lien promotionnel en cause paraît donc provenir, à première vue, de la page Facebook « Ann Taylor Watches », dont la requérante ne conteste pas qu’elle est placée sous son contrôle.

130    Or, en dépit de l’apparence objective que présente ledit lien, la requérante n’a pas indiqué quels éléments pourraient permettre néanmoins de privilégier son hypothèse, selon laquelle ce lien pourrait avoir été délibérément placé par l’intervenante elle-même. Cette hypothèse présente donc un caractère spéculatif.

131    Au demeurant, comme la chambre de recours l’a relevé au point 48 de la décision attaquée, cette hypothèse est peu vraisemblable, dans la mesure où l’intervenante prendrait un risque commercial en reliant sa propre page Facebook à une autre page de la sorte, promouvant des produits dont elle considère qu’ils portent atteinte à ses droits.

132    Par conséquent, en l’absence de toute explication alternative crédible, il y a lieu de considérer que le lien promotionnel en cause est imputable à la requérante et que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu que la requérante utilisait la page Facebook de l’intervenante pour faire la promotion de ses propres produits, commercialisés sous une marque identique à la marque ANN TAYLOR détenue par celle-ci.

133    En quatrième lieu, en ce qui concerne le témoignage du mandataire de Club Premier et les courriers adressés à Promologistics visés au point 119 ci-dessus, il convient de relever que la requérante ne remet pas en cause la crédibilité de ces éléments de preuve, mais se borne à soutenir qu’ils ne renvoient pas à des comportements ou à des actes attribuables directement à M. Holzer, son dirigeant, notamment, en ce qu’ils constitueraient des actes ou des comportements de tiers dont il n’a pas eu connaissance.

134    À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, bien que le témoignage du mandataire de Club Premier, M. H., ne constitue pas une déclaration écrite sous serment au sens de l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, ce témoignage est précis et concret et les comportements qu’il décrit sont vraisemblables.

135    En outre, ce témoignage est corroboré par les courriers du directeur des ventes de la requérante adressés à la société Promologistics, qui ne sont pas des documents produits à la demande de l’intervenante, à la différence dudit témoignage, et qui émanent d’un représentant de la requérante elle-même.

136    Or, comme la chambre de recours l’a relevé en substance, l’erreur du distributeur de la requérante et de sa cliente concernant une présumée autorisation par l’intervenante de la commercialisation de montres sous la marque ANN TAYLOR ne saurait leur être uniquement imputable, mais peut être attribuée en partie à la stratégie commerciale déployée par le directeur des ventes de la requérante vis-à-vis dudit distributeur.

137    En effet, les deux lettres de ce responsable versées au dossier de la procédure devant l’EUIPO, qui ont pour objet d’autoriser Promologistics à vendre et à faire la promotion des produits de la requérante, attribuent à la requérante la qualité de licenciée et représentante autorisée des marques suivantes : NIVADA, RAYMOND WEIL et ANN TAYLOR.

138    À cet égard, c’est à bon droit que la chambre de recours a écarté les arguments de la requérante faisant valoir, d’une part, que, en tant que titulaire de la marque ANN TAYLOR pour les produits commercialisés en cause, elle était en droit de se présenter de cette manière et, d’autre part, que les lettres en cause ne se référaient pas expressément à l’intervenante. Ainsi, c’est de manière pertinente que la chambre de recours a fait observer que, en se présentant comme la licenciée et représentante autorisée de l’intervenante, la requérante suggérait clairement une autorisation accordée par une société tierce.

139    Par ailleurs, l’argument d’une erreur commise par le directeur des ventes de la requérante, qu’elle a repris à l’audience, ne saurait être accepté, compte tenu des responsabilités exercées par ce dernier au sein de la société et de l’importance que revêtent les lettres en cause pour les activités commerciales de la requérante, dans la mesure où elles constituent les actes par lesquels elle autorise son distributeur à commercialiser ses produits et à faire leur promotion. Sur ce dernier point, il est difficilement concevable que l’emploi de l’expression, en espagnol, « licenciatarios y representantes autorizados », utilisée par le directeur des ventes de la requérante, n’ait pas été validé par de celle-ci, et ce d’autant plus que cet emploi a été réitéré dans deux courriers identiques envoyés à deux ans d’intervalle.

140    En outre, il convient de relever que, dans ces courriers, le directeur des ventes de la requérante présente cette dernière comme la licenciée et la représentante autorisée non seulement de la marque ANN TAYLOR, mais également de la marque RAYMOND WEIL. Or la requérante a, par ailleurs, produit dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO un courrier d’un représentant de cette dernière entreprise attestant qu’elle l’avait autorisée à utiliser cette marque. La requérante pouvait donc difficilement soutenir devant la chambre de recours que, par l’expression « licenciatarios y representantes autorizados », elle avait entendu se présenter comme la titulaire des marques en cause.

141    En cinquième lieu, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne les agissements de TiempoMania et le témoignage d’un responsable de cette société mentionnés au point 120 ci-dessous, dont l’authenticité n’est pas non plus contestée, l’argument selon lequel il ne s’agirait pas de comportements ou d’actes attribuables à M. Holzer ne saurait être davantage accepté.

142    Premièrement, il convient de relever que l’intervenante a produit, à cet égard, un rapport établi par le cabinet d’avocats A., M. et L., établi au Mexique, concernant les investigations que ce dernier avait conduites, pour le compte de cette société, au sujet de la commercialisation de montres sous la marque ANN TAYLOR.

143    Ce rapport constitue un compte-rendu factuel et objectif des recherches des avocats de l’intervenante concernant la vente au détail et la promotion des montres ANN TAYLOR par TiempoMania sur Internet et dans les magasins de vente au détail de cette société au Mexique. Il comprend des reproductions des supports publicitaires utilisés par cette société et des produits tels qu’ils sont commercialisés dans ses magasins.

144    En particulier, ce rapport reproduit deux publicités trouvées, selon ses indications, sur le compte Facebook de la société TiempoMania.

145    La première de ces publicités est une photographie d’une actrice américaine connue, utilisée par l’intervenante pour sa campagne promotionnelle pour la saison printemps/été 2011 et qui a été modifiée par l’ajout des signes ANN TAYLOR et TIEMPOMANIA et des reproductions de montres portant la marque ANN TAYLOR, y compris la montre placée sur le poignet de l’actrice susmentionnée.

146    La seconde est une photographie d’une autre actrice américaine connue, utilisée, selon les indications du rapport, pour la campagne promotionnelle du printemps 2013 de l’intervenante, à laquelle est ajouté, à droite, un bandeau noir sur lequel figurent, en haut et en petits caractères, le signe TiempoMania et, en plus gros caractères au centre et en bas, les mentions en langue espagnole « 15 % de descuento » (« soldes de 15 % ») et « solo este mes » (« seulement ce mois-ci »).

147    L’origine de ces photographies et les modifications introduites par TiempoMania sont corroborées par les déclarations du gérant de celle-ci, ainsi que, au demeurant, par le versement au dossier de la procédure en nullité, d’une part, d’autres photographies de la première des actrices susmentionnées pour la campagne promotionnelle printemps/été 2011 de l’intervenante dont le style est identique à celle utilisée par TiempoMania et, d’autre part, de l’original de la photographie de la seconde actrice en cause susmentionnée.

148    Deuxièmement, s’agissant des déclarations du gérant de TiempoMania, selon lesquelles il pensait que les montres bénéficiaient d’une licence accordée par le titulaire de la marque renommée de vêtements ANN TAYLOR et que c’est la raison pour laquelle il avait exploité le matériel promotionnel utilisé pour cette marque, ces affirmations sont vraisemblables, dans la mesure où il déclare, par ailleurs, commercialiser et distribuer des montres sous un grand nombre de marques connues originellement exploitées dans le secteur de la mode et de l’habillement.

149    Au regard de ces documents, la chambre de recours pouvait, à bon droit, considérer qu’ils confirmaient le fait que la requérante se présentait auprès de ses distributeurs comme un licencié de l’intervenante.

150    En particulier, il y a lieu de relever que, la requérante ne remettant pas en cause la bonne foi du gérant de TiempoMania, il est difficilement explicable que cette dernière société se soit crue autorisée à utiliser le matériel exploité, à l’origine, par l’intervenante pour la promotion de sa marque de vêtements ANN TAYLOR, et en particulier l’image d’actrices connues ayant participé à cette promotion, sans que la requérante ait donné son aval ou, à tout le moins, ait adopté un comportement de nature à laisser penser que cette exploitation était légitime.

151    En tout état de cause, comme la chambre de recours l’a relevé, la requérante n’a produit aucun élément indiquant qu’elle avait pris la précaution de distinguer sa marque de celle de l’intervenante, alors que cette dernière était connue de ses distributeurs, ou qu’elle avait pris des mesures pour que TiempoMania cesse son utilisation du matériel promotionnel exploité originellement par l’intervenante.

152    Même à supposer que, comme le laisse entendre la requérante devant le Tribunal, elle n’avait pas eu connaissance auparavant de ces agissements, ce qui est, au demeurant, peu crédible, cette prétendue ignorance ne saurait, en tout état de cause, l’exonérer de sa responsabilité quant à l’adoption de mesures permettant d’éviter, à l’avenir, une association avec les marques de l’intervenante. Or la requérante n’allègue même pas qu’elle aurait adopté de telles mesures, une fois pris connaissance des documents relatifs à TiempoMania produits par l’intervenante dans le cadre de la procédure de nullité.

153    En sixième et dernier lieu, il convient de relever que la requérante ne conteste pas que le dépôt au Mexique de marques identiques à des marques notoirement connues, telles que SKAGEN, MC LAREN, MIDO ou ABERCOMBIE & FITCH, pour des bijoux et des montres, qui a été retenu par la chambre de recours comme un élément pertinent, relève de sa responsabilité.

154    À cet égard, il convient de relever qu’il résulte des documents produits par l’intervenante dans le cadre de la procédure de nullité que la requérante a déposé au Mexique, entre 2003 et 2012, des demandes de marques pour les signes verbaux SKAGEN, ABERCOMBIE & FITCH et MC LAREN pour des produits relevant de la classe 14 tels que des montres et des bijoux et une demande de marque pour le signe verbal MIDO pour des produits relevant de la classe 9 tels que des lunettes. Il résulte également de ces documents que des marques antérieures identiques avaient été déposées dans un certain nombre de pays et, notamment, au Mexique pour des produits, en particulier, relevant de la classe 14 ainsi que, en ce qui concerne les marques identiques aux trois premières marques susmentionnées, pour des produits relevant de la classe 25. Par ailleurs, ces documents indiquent que ces marques antérieures, qui sont en usage ou qui ont été enregistrées de longue date pour ces produits, bénéficient d’une certaine renommée. Enfin, l’intervenante a produit des témoignages de représentants des titulaires de ces marques antérieures attestant que le dépôt, par la requérante, de marques identiques au Mexique, avait été effectué sans leur autorisation et qu’il n’existait pas, à leur connaissance, d’accord de licence conclu entre leur entreprise et la requérante.

155    Or la requérante ne conteste pas ces éléments, ni le fait qu’elle avait connaissance de l’existence des marques antérieures en cause au moment de déposer des demandes de marques identiques soit pour des produits identiques ou similaires aux produits protégés par lesdites marques antérieures, soit pour des produits présentant une certaine corrélation avec ces derniers. En outre, ainsi que la chambre de recours l’a relevé, elle n’a pas fourni d’explications concernant ces dépôts. Cette instance était donc en droit de considérer qu’ils s’inscrivaient dans le cadre d’une pratique de la requérante consistant à exploiter, pour ses propres produits, des marques réputées, sans le consentement du titulaire desdites marques.

156    Il résulte de tout ce qui précède que c’est à tort que la requérante soutient que la chambre de recours s’est fondée, pour apprécier son intention au moment du dépôt des marques contestées, sur des circonstances qui ne lui étaient pas attribuables.

 Sur la seconde branche du deuxième grief, tirée de l’omission de la chambre de recours de prendre en compte les circonstances invoquées par la requérante comme étant de nature à établir sa bonne foi

157    La requérante se fonde sur l’absence alléguée, en l’espèce, de circonstances qui ont été retenues dans la jurisprudence antérieure comme de nature à constituer une preuve de mauvaise foi, telles que la tentative de se placer dans le sillage de la renommée ou de tirer avantage de la réputation de la marque antérieure [arrêt du 8 mai 2014, Simca Europe/OHMI – PSA Peugeot Citroën (Simca), T‑327/12, EU:T:2014:240, point 56], le fait de demander l’enregistrement d’une marque dans le seul objectif d’empêcher un tiers d’entrer sur le marché et d’utiliser sa propre marque (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 44), le fait de demander une compensation financière (arrêt du 8 mai 2014, Simca, T‑327/12, EU:T:2014:240, point 72), ainsi que les circonstances dans lesquelles le signe contesté a été créé, l’utilisation qui en a été faite depuis sa création, la logique commerciale sous-jacente à la demande d’enregistrement du signe comme marque de l’Union européenne et la chronologie des événements conduisant à ce dépôt.

158    À cet égard, en premier lieu, il résulte de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus que l’absence d’un facteur que, dans le contexte particulier du litige ou de la question qu’ils avaient alors à trancher, le Tribunal ou la Cour avait considéré comme pertinent pour établir la mauvaise foi du demandeur ne s’oppose pas nécessairement à ce que la mauvaise foi du demandeur de marque soit constatée dans des circonstances différentes. En effet, comme il a été rappelé au point 53 ci-dessus, la notion de mauvaise foi, au sens de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, ne peut pas être cantonnée à une catégorie limitée de faits particuliers.

159    En deuxième lieu, contrairement à ce que la requérante soutient, tant les circonstances dans lesquelles le signe contesté a été créé que l’utilisation qui en a été faite ainsi que la logique commerciale sous-jacente au dépôt des marques contestées et la chronologie des événements ayant conduit à ce dépôt constituent, en l’espèce, des éléments pertinents susceptibles d’établir sa mauvaise foi.

160    En effet, dans la mesure où, comme la requérante l’indique elle-même, les marques contestées ont pour objectif d’étendre la protection des marques identiques déposées, pour la première fois, au Mexique, c’est à bon droit que la chambre de recours a pris en compte les circonstances dans lesquelles ces dernières avaient été créées, l’utilisation qui en avait été faite, la logique commerciale sous-jacente à celle-ci ainsi que la chronologie des événements ayant conduit à leur dépôt. Ainsi qu’il résulte des points 124 à 155 ci-dessus, la chambre de recours a pu déduire, d’une part, de l’enchaînement des faits qui caractérise la création de la première marque mexicaine ANN TAYLOR de la requérante, qu’il traduisait l’intention de celle-ci d’exploiter la marque identique de l’intervenante sans son consentement et en suscitant une association avec cette dernière et, d’autre part, de l’utilisation de ladite marque mexicaine, la mise en œuvre d’une stratégie commerciale ayant pour effet de susciter une telle association.

161    Le fait que ces circonstances ne se rapportent pas directement au dépôt des marques contestées et à leur utilisation dans l’Union est sans incidence, dès lors que la requérante n’a apporté aucun élément susceptible d’indiquer que ledit dépôt et ladite utilisation répondaient à des objectifs différents de ceux du dépôt et de l’utilisation des marques qu’elle avait enregistrées au Mexique. Au contraire, selon les déclarations de la requérante elle-même, le dépôt des marques contestées s’inscrit dans le cadre d’une stratégie commerciale visant à étendre la protection de ses marques mexicaines antérieures.

162    En troisième lieu, le raisonnement de la requérante selon lequel il ne saurait lui être reproché de chercher à se placer dans le sillage de la renommée de la marque ANN TAYLOR de l’intervenante en l’absence d’une telle renommée ne saurait être accepté.

163    En effet, d’une part, les éléments de preuve sur lesquels la chambre de recours s’est fondée démontrent, en l’absence d’explication alternative crédible, que l’exploitation d’une association entre la marque américaine ANN TAYLOR de l’intervenante et la marque mexicaine identique de la requérante relevait de la stratégie commerciale de cette dernière. Par conséquent, il doit nécessairement en être déduit que la requérante considérait qu’elle avait un intérêt à une telle exploitation, indépendamment de la question de savoir si la renommée de la marque de l’intervenante était établie.

164    D’autre part, il convient de rappeler que l’intervenante a déposé des demandes de marques auprès de l’EUIPO et auprès des autorités des États membres pour le signe ANN TAYLOR ou pour des signes similaires antérieurement au dépôt des marques contestées. Il convient d’ajouter que l’intervenante a fourni des éléments indiquant une connaissance de sa marque parmi certains professionnels du secteur de la mode au Royaume-Uni et des achats de produits commercialisés sous cette marque par des consommateurs établis dans l’Union.Ces éléments indiquent le développement, par l’intervenante, d’une stratégie commerciale à destination des consommateurs de l’Union, dont la requérante, compte tenu de sa propre stratégie, est susceptible de bénéficier. Ils ne permettent donc pas de remettre en cause le raisonnement de la chambre de recours selon lequel le dépôt des marques contestées s’inscrit dans le cadre de la même stratégie commerciale d’association avec la marque ANN TAYLOR de l’intervenante que celle qui sous-tend le dépôt et l’utilisation des marques mexicaines de la requérante, dont elles visent à étendre la protection.

165    En quatrième lieu, la circonstance que l’intervenante n’a pas déposé une demande de marque de l’Union européenne ou de marque nationale d’un État membre comportant le signe ANN TAYLOR pour des montres, avant le dépôt des marques contestées, est dénuée de portée en l’espèce. En effet, d’une part, il résulte des considérations énoncées aux points 64 et 65 ci-dessus que l’existence de signes identiques ou similaires pour des produits appartenant à un segment de marché voisin peut s’avérer pertinente, même en l’absence de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, aux fins de constater la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la marque contestée. D’autre part, ainsi qu’il a été exposé aux points 69 à 78 ci-dessus, la constatation par la chambre de recours d’une corrélation entre les montres désignées par les marques contestées et les produits du secteur de l’habillement pour lesquels les marques de l’intervenante sont protégées est exempte d’erreur.

166    En cinquième lieu, ni la circonstance que la requérante n’a pas demandé une compensation financière à l’intervenante ni, même à le supposer établi, le fait qu’il y aurait eu une exploitation sérieuse et continue des marques contestées depuis leur dépôt ne constituent, au regard des circonstances de l’espèce, des éléments de nature à démontrer que ledit dépôt répondait à des intentions légitimes. En effet, le comportement de mauvaise foi imputé à la requérante par la chambre de recours ne se rapporte ni à la tentative de contraindre l’intervenante à la rémunérer financièrement ni au dépôt d’une marque purement spéculative, mais à l’intention de s’approprier le signe ANN TAYLOR, sans le consentement de l’intervenante, et de susciter délibérément une association avec les marques antérieures identiques ou similaires de celle-ci.

167    En sixième lieu, contrairement à ce que la requérante soutient, le fait que le dépôt des marques contestées s’inscrive dans le cadre d’une stratégie commerciale d’extension de la protection des marques correspondantes déposées au Mexique n’est nullement de nature à établir le caractère légitime de ses intentions au moment dudit dépôt, dès lors que, comme il a été relevé aux points 160 et 161 ci-dessus, le dépôt et l’utilisation des marques mexicaines en cause s’inscrivent eux-mêmes dans le cadre d’une stratégie d’exploitation malhonnête du signe sur lequel l’intervenante détient des droits.

168    En septième et dernier lieu, l’argument de la requérante selon lequel il n’existerait qu’un cas isolé et, en tout état de cause, non établi de comportement d’obstruction, de sa part, vis-à-vis de l’intervenante ou d’une société liée à celle-ci doit être rejeté.

169    En effet, d’une part, le fait que l’allégation selon laquelle la requérante, par l’intermédiaire de ses représentants légaux, aurait contacté la société L’Amy America afin qu’elle cesse toute commercialisation de montres et de bijoux sous la marque ANN TAYLOR dans différents territoires, y compris celui de l’Union, émane d’un avocat défendant les intérêts de l’intervenante n’est pas de nature à priver cette allégation de son caractère probant. En effet, comme il a été relevé au point 92 ci-dessus, il ne ressort d’aucun élément du dossier devant l’EUIPO que les avocats représentant les intérêts de l’intervenante dont les témoignages figurent dans ledit dossier sont employés par elle ou lui sont liées d’une autre manière. En l’espèce, l’avocat ayant mentionné les contacts entre les représentants de la requérante et L’Amy America a déclaré, au début de son témoignage, être associée du cabinet d’avocats F., Z., L. et Z., qui est mandaté par l’intervenante pour défendre ses intérêts depuis avril 2013. En outre, les faits, tels qu’ils sont relatés par cet avocat, sont crédibles. En effet, celui-ci indique que les représentants de la requérante l’ont d’abord contacté pour exprimer les objections de celle-ci à l’égard d’un accord entre l’intervenante et L’Amy America portant sur la commercialisation de montres sous la marque ANN TAYLOR dans différents territoires, dont éventuellement celui de l’Union, avant d’envoyer un courrier de mise en demeure à cette dernière société. Or ces contacts avec l’avocat de l’intervenante sont corroborés par le courriel du 24 mai 2013 de l’avocat de la requérante, visé au point 91 ci-dessus, dans lequel ce dernier lui demande, en référence à un précédent courriel, de confirmer que l’intervenante n’a pas de montres portant la marque ANN TAYLOR en transit en Europe et affirme disposer d’éléments prouvant l’existence d’un accord de licence entre cette société et L’Amy America pour la vente de montres sous cette marque.

170    En tout état de cause, le courriel du 24 mai 2013 de l’avocat de la requérante prouve, à lui seul, l’existence de démarches de celle-ci pour s’opposer à un accord de licence entre l’intervenante et une société tierce pour la commercialisation de montres sous la marque ANN TAYLOR dans l’Union, démarches que la requérante ne conteste pas, se bornant à soutenir qu’elle n’a jamais tenté d’empêcher l’intervenante d’entrer sur le marché de l’habillement.

171    D’autre part, ces démarches constituent un fait significatif qui, s’il ne saurait, à lui seul, établir l’intention de la requérante de s’accaparer le signe ANN TAYLOR, confirme une telle intention établie sur la base d’autres éléments objectifs et concordants. À supposer que ces démarches constituent, selon ses termes, un fait « isolé », ce n’est pas déterminant en l’espèce.

172    Par ailleurs, il convient de relever que, bien que l’intervenante n’ait pas confirmé ni démenti l’existence et le contenu de l’accord de licence avec L’Amy America, un tel accord, qui viserait à la commercialisation de montres ou d’autres accessoires tels que les bijoux ou les lunettes de soleil, s’inscrirait dans une logique commerciale légitime de sa part. En effet, comme il a été indiqué au point 71 ci-dessus, cette société a déjà élargi, par le passé, ses activités à de tels segments de marché selon une pratique connue dans le secteur de la mode. La requérante ne saurait contester cette analyse, puisque, comme il a été démontré à suffisance de droit par les éléments produits par l’intervenante, elle a tenté elle-même de conclure avec cette dernière un accord de licence au contenu analogue.

173    Par conséquent, la chambre de recours était en droit de considérer que les démarches de la requérante visées aux points 169 et 170 ci-dessus traduisaient son intention d’empêcher l’intervenante d’étendre l’utilisation de sa marque ANN TAYLOR au secteur des montres dans l’Union, laquelle extension pouvait correspondre, de la part de cette dernière, si telle était son intention, à une stratégie commerciale légitime. À l’inverse, dès lors qu’il a été démontré que le dépôt des marques contestées s’inscrivait dans une stratégie de mauvaise foi visant à s’approprier, sans le consentement de l’intervenante, le signe ANN TAYLOR et à susciter une association avec les marques identiques ou similaires de cette dernière, la tentative d’obstruction de la requérante ne saurait être considérée comme répondant à l’objectif légitime de protéger lesdites marques contestées contre l’utilisation déloyale d’un signe identique ou similaire par un acteur récent sur le marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 46 à 49).

174    Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter la seconde branche du deuxième grief et, partant, le deuxième grief dans son ensemble.

 En ce qui concerne le troisième grief, tiré d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours relative à la valeur probatoire des éléments présentés par l’intervenante au soutien de sa demande en nullité et à la charge de la preuve

175    La requérante soutient que les conclusions de la chambre de recours reposent sur des éléments de preuve secondaires, faibles et douteux et qu’elle fait peser sur elle une obligation de prouver l’absence d’événements, qui relève de la probatio diabolica.

176    L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

177    À cet égard, il suffit de relever que, ainsi que l’analyse menée dans le cadre de l’examen des deux premiers griefs le démontre, les éléments de preuve sur lesquels les conclusions de la chambre de recours reposent ne sauraient être considérés comme faibles, secondaires ou douteux.

178    D’une part, il résulte des points 91 à 103 ci-dessus que la requérante n’a pas démontré que les éléments de preuve réunis par l’intervenante en vue d’établir l’existence d’une tentative de M. Holzer d’obtenir de sa part un accord de licence n’étaient pas probants ou ne devaient pas être pris en compte par la chambre de recours.

179    D’autre part, ainsi qu’il résulte des points 126 à 152 ci-dessus, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve fournis par l’intervenante en ce qui concerne l’exploitation commerciale de la marque mexicaine ANN TAYLOR de la requérante lui étaient imputables. De même, il résulte des points 153 à 155 et 169 à 173 ci-dessus que la chambre de recours a pu considérer, à bon droit, que ces éléments de preuve étaient confirmés par des éléments relatifs, d’une part, au dépôt, par la requérante, de marques identiques à des marques antérieures de renom, sans le consentement des titulaires de ces dernières, et, d’autre part, à ses démarches pour s’opposer à l’utilisation, dans l’Union, de la marque ANN TAYLOR de l’intervenante pour des montres.

180    Dès lors, la requérante ne saurait soutenir que la chambre de recours a opéré à son détriment un renversement de la charge de la preuve et a fait peser sur elle l’obligation d’apporter des preuves impossibles à fournir.

181    En effet, certes, comme le rappelle la requérante, c’est au demandeur en nullité d’établir les circonstances permettant de conclure à la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la marque contestée. Toutefois, comme il a été relevé au point 36 ci-dessus, il appartient à ce dernier, qui est le mieux placé à cet égard, de fournir des explications plausibles susceptibles de convaincre l’EUIPO que ses intentions étaient légitimes malgré la présence de circonstances objectives de nature à renverser la présomption de bonne foi qui s’attache à un tel dépôt. Or, en l’espèce, il existait de telles circonstances objectives et la requérante n’a fourni aucune explication plausible permettant à la chambre de recours de constater que, malgré ces circonstances, le dépôt des marques contestées répondait à des intentions légitimes.

182    Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter le troisième grief et, partant, les recours dans leur ensemble.

 Sur les dépens

183    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

184    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a donc lieu de la condamner aux dépens exposés par l’EUIPO et l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Holzer y Cia, SA de CV est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Annco, Inc.

Gratsias

Labucka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mai 2019.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Affaire T 3/18

Affaire T 4/18

Conclusions des parties

En droit

Sur le premier grief, tiré d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours relative à l’existence d’une similitude entre les signes en conflit suscitant un risque de confusion et à la connaissance, par le titulaire des marques contestées, de l’existence d’une marque similaire

Sur la première branche, tirée d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours relative à l’existence d’une similitude entre les signes en conflit suscitant un risque de confusion

Sur la seconde branche du premier grief, tirée de l’erreur de la chambre de recours relative à la connaissance, par la requérante, au moment du dépôt des marques contestées, des marques identiques ou similaires de l’intervenante

Sur le deuxième grief, tiré d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours, relative à l’intention de la requérante au moment du dépôt des marques contestées

Sur la première branche du deuxième grief, tirée de la prise en considération erronée de circonstances non attribuables à la requérante

Sur la seconde branche du deuxième grief, tirée de l’omission de la chambre de recours de prendre en compte les circonstances invoquées par la requérante comme étant de nature à établir sa bonne foi

En ce qui concerne le troisième grief, tiré d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours relative à la valeur probatoire des éléments présentés par l’intervenante au soutien de sa demande en nullité et à la charge de la preuve

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.