Language of document : ECLI:EU:C:2003:409

Conclusions

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER
présentées le 10 juillet 2003 (1)



Affaire C-138/02



Brian Francis Collins

contre

Secretary of State for Work and Pensions


[demande de décision préjudicielle formée par le Social Security Commissioner (Royaume-Uni)]


«Libre circulation des personnes – Travailleurs – Prestation de sécurité sociale versée aux demandeurs d'emploi – Condition de résidence habituelle – Citoyenneté de l'Union»






1.       Un des Social Security Commissioners du Royaume-Uni a posé à la Cour, en vertu de l’article 234 CE, trois questions préjudicielles concernant l’interprétation du règlement (CEE) n° 1612/68 (2) et de la directive 68/360/CEE (3) .

Plus précisément, il s’agit de savoir si un citoyen de l’Union n’ayant pas la qualité de travailleur au sens du règlement n° 1612/68 et n’étant pas autorisé, en vertu de la directive 68/360, à résider sur le territoire de l’État membre où il recherche un emploi, peut invoquer une autre disposition du droit communautaire pour obtenir une allocation versée aux demandeurs d’emploi qui prouvent l’insuffisance de leurs ressources, dont l’octroi est soumis à une condition de résidence habituelle dans ce pays.

I –   La législation du Royaume-Uni

2.       L’allocation de recherche d’emploi (jobseeker’s allowance) est une prestation de sécurité sociale prévue par la loi relative aux demandeurs d’emploi (Jobseekers Act 1995), en vigueur depuis le 7 octobre 1996. Elle remplace l’indemnité de chômage (unemployment benefit), à caractère contributif, et le complément de ressources (income support). Il existe deux façons de l’obtenir : avoir cotisé ou remplir certaines conditions de ressources.

3.       Pour être admis au bénéfice de l’allocation, le demandeur doit non seulement être disponible pour travailler et rechercher un emploi, mais doit s’être inscrit auprès d’une agence de placement, ne pas occuper d’emploi rémunéré, ne pas disposer de revenus supérieurs au montant applicable, ni d’un capital dépassant un certain plafond. Aux termes de l’article 4, point 3, de ladite loi, la prestation versée consiste en un montant fixe (4) , si le bénéficiaire ne dispose pas de ressources, ou en la différence entre ce montant et les ressources qu’il perçoit. En vertu de l’article 1er, point 2, sous i), la seule condition liée à la résidence est celle qui tient à la présence de l’intéressé «sur le territoire de la Grande‑Bretagne».

4.       L’article 4, point 5, de la loi relative aux demandeurs d’emploi prévoit l’adoption de normes réglementaires visant à fixer le montant de l’allocation. Conformément au règlement d’application (Jobseeker’s Allowance Regulations 1996), le montant dû à une personne de l’étranger, sans charges de famille, est nul. La définition du terme «personne de l’étranger» qui figure à l’article 85, point 4, et qui est applicable au litige au principal est la suivante :

«Un demandeur qui ne réside pas habituellement au Royaume-Uni, dans les îles anglo‑normandes, sur l’île de Man ou en Irlande. Toutefois, à cet effet, aucun demandeur ne saurait être traité comme ne résidant pas habituellement au Royaume-Uni s’il est :

a)      un travailleur au sens du règlement n° 1612/68 ou du règlement (CEE) n° 1251/70[ (5) ] ou une personne ayant le droit de résider au Royaume‑Uni conformément à la directive 68/360/CEE ou à la directive 73/148/CEE [ (6) ] ;

[…]».

II –  Les faits du litige au principal

5.       M. Collins est né aux États-Unis en 1957 et possède la nationalité américaine. Il a été élevé et a fait ses études dans ce pays, où il a obtenu un diplôme en 1980. Il a séjourné un semestre au Royaume‑Uni en 1978 dans le cadre de sa formation. Entre 1980 et 1981, époque à laquelle il a obtenu, en outre, la nationalité irlandaise, il a passé environ dix mois à Londres, travaillant occasionnellement et à temps partiel. Bien qu’il eût préféré, semble‑t‑il, prolonger son séjour au Royaume-Uni, il a regagné son pays d’origine en 1981, parce qu’il se trouvait sans emploi, qu’il était contraint de demander des prestations de chômage et que le ralentissement économique rendait plus difficile la recherche d’une activité.

6.       Il a travaillé aux États‑Unis jusqu’en 1985. Il a ensuite séjourné deux ans en Afrique centrale en tant que coopérant. En 1987, il est rentré dans son pays natal pour six mois puis, en 1988, a déménagé en Afrique du Sud, où il a étudié l’histoire et enseigné. Le droit de résidence permanente dans ce pays lui ayant été refusé, il s’est rendu aux États‑Unis, où il a travaillé six mois comme vendeur à temps partiel et six mois en tant que professeur d’histoire. Il a ensuite décidé de s’établir au Royaume‑Uni. En février 1998, un nouveau passeport irlandais lui a été délivré.

7.       Il est arrivé au Royaume‑Uni le 31 mai 1998, muni d’un billet aller‑retour, moins cher qu’un aller simple, et avec ses biens personnels, dans l’intention de trouver un emploi dans le secteur des services sociaux. Le 8 juin, il a demandé à bénéficier de l’allocation de recherche d’emploi, faute de ressources. Sur la base des vérifications effectuées, y compris un entretien avec l’intéressé qui s’est déroulé le 1er juillet suivant, les autorités compétentes ont décidé de lui refuser cette allocation au motif qu’il n’avait pas sa résidence habituelle au Royaume‑Uni.

8.       Le recours formé par M. Collins devant le Social Security Appeal Tribunal de Leeds a été rejeté pour le même motif, car, pour que le critère de la résidence habituelle soit rempli, il faut que la situation se soit prolongée pendant une durée considérable (7) .

III –  Les questions préjudicielles

9.       M. Collins a saisi le Social Security Commissioner, qui, avant de trancher le litige au fond, a décidé de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

«1. Une personne se trouvant dans la situation de l’appelant dans la présente affaire est elle un travailleur aux fins du règlement n° 1612/68 […]?

2. En cas de réponse négative à la question formulée au point 1, une personne se trouvant dans la situation de l’appelant dans la présente affaire possède‑t‑elle un droit de résidence au Royaume‑Uni au sens de la directive 68/360/CEE […]?

3. En cas de réponses négatives aux questions formulées aux points 1 et 2, existe‑t‑il une disposition ou un principe de droit communautaire exigeant le versement d'une prestation de sécurité sociale soumise aux mêmes conditions d'ouverture que celles qui s'appliquent à l'allocation de recherche d'emploi fondée sur le revenu à une personne se trouvant dans la situation de l'appelant dans la présente affaire?»

IV –  La législation communautaire

10.     La juridiction du Royaume‑Uni a formulé les questions de façon générale et ne demande l’interprétation d’aucune disposition spécifique du droit communautaire. Pour lui répondre, la Cour doit à mon sens examiner, en particulier, les dispositions suivantes :

Article 10 bis du règlement n° 1408/71 (8)

«1. Nonobstant les dispositions de l’article 10 et du titre III, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable bénéficient des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 4 paragraphe 2 bis exclusivement sur le territoire de l’État membre dans lequel elles résident et au titre de la législation de cet État, pour autant que ces prestations soient mentionnées à l’annexe II bis. Les prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge.

[…]».

Article 7 du règlement n° 1612/68

«1. Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé en chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

[…]».

Article 18 CE

«1. Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application.

[…]».

V –  La procédure devant la Cour

11.     Ont présenté des observations écrites dans le délai prévu par l’article 20 du statut CE de la Cour de justice la partie appelante au principal, les gouvernements allemand et du Royaume‑Uni ainsi que la Commission.

Ont comparu à l’audience du 17 juin 2003, pour y présenter leurs observations orales, le représentant de M. Collins, l’agent du Royaume‑Uni ainsi que l’agent de la Commission.

VI –  Les opinions exprimées dans la présente procédure

12.     M. Collins soutient que, en tant que personne recherchant activement un emploi, il est un travailleur au sens du règlement n° 1612/68 et qu’il jouit d’un droit de séjour au Royaume‑Uni en vertu de la directive 68/360. Il est également résident du Royaume‑Uni aux fins de l’application du règlement n° 1408/71, de sorte que le fait de subordonner l’octroi de l’allocation en cause à l’accomplissement d’une longue période de séjour dans cet État constitue une discrimination fondée sur la nationalité prohibée par l’article 39 CE. Il considère également que les articles 12 CE et 17 CE interdisent d’exiger des ressortissants d’États membres autres que le Royaume‑Uni, qui aspirent à rétablir leurs liens avec ce pays, une période de résidence afin de pouvoir bénéficier d’une prestation sociale à caractère non contributif telle que l’allocation de recherche d’emploi.

13.     S’agissant de la première question, le gouvernement allemand, celui du Royaume‑Uni ainsi que la Commission reconnaissent le droit de l’intéressé, en tant que ressortissant d’un État membre à la recherche d’un emploi, d’entrer et de séjourner sur le territoire du Royaume‑Uni pendant une durée d’au moins six mois, conformément à l’article 39 CE. En ce qui concerne le règlement n° 1612/68, un demandeur d’emploi relève du titre I de la première partie, mais non du titre II, consacré exclusivement aux personnes occupant déjà un emploi dans un État membre ou qui, l’ayant perdu, ont conservé des liens étroits et durables avec le marché du travail de ce pays.

14.     Quant à la deuxième question, ces gouvernements et la Commission s’accordent à considérer que c’est en vertu de l’article 39 CE, et non des dispositions de la directive 68/360, qui sont applicables exclusivement aux personnes ayant trouvé un emploi, qu’un ressortissant d’un État membre peut, pendant la durée de ses recherches, résider dans un autre État membre afin d’y trouver un emploi.

15.     La troisième question donne lieu à des opinions divergentes. Le gouvernement allemand et celui du Royaume‑Uni soutiennent que ni l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité prévue à l’article 12 CE, ni le droit de citoyenneté consacré par l’article 17 CE, ni le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’Union européenne, envisagé à l’article 18 CE, n’obligent un État membre à accorder l’allocation de recherche d’emploi à des personnes se trouvant dans une situation semblable à celle de M. Collins, lequel n’a pas travaillé au Royaume-Uni dans un passé proche, n’y a établi ni sa résidence habituelle ni le centre de ses intérêts et ne justifie, en outre, d’aucun lien avec le marché du travail national.

16.     La Commission, en revanche, part du principe que M. Collins, qui est un citoyen de l’Union, résidait légalement au Royaume‑Uni en tant que demandeur d’emploi et que, en cette qualité, il pouvait bénéficier de la protection offerte par l’article 12 CE contre toute discrimination en raison de la nationalité, dans toutes les situations régies par le droit communautaire. Elle soutient que l’allocation en cause constitue une aide économique accordée aux personnes à la recherche d’un emploi, qui doit être considérée comme un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 et qui relève du champ d’application matériel du droit communautaire. À supposer même que tel ne soit pas le cas, le droit de circuler librement dans l’intention de rechercher un emploi contribue de façon significative à garantir l’efficacité du droit fondamental à la libre circulation des travailleurs. La possibilité d’accéder à une forme d’aide financière qui, telle l’allocation en cause, est destinée à assister les demandeurs d’emploi à faibles revenus pendant leur recherche d’un emploi, est suffisamment liée à l’exercice du droit à la libre circulation pour relever du champ d’application matériel du droit communautaire. Elle estime, en conséquence, que M. Collins peut se prévaloir des articles 12 CE et 17 CE pour obtenir l’allocation de recherche d’emploi au Royaume‑Uni dans les mêmes conditions que les ressortissants britanniques.

VII – Analyse des questions posées

A –   Nature juridique de la prestation en cause en droit communautaire

17.     Avant d’entamer l’examen des questions posées par le Social Security Commissioner, chargé de résoudre le litige sur le fond, il me paraît opportun de définir la nature juridique de la prestation en cause en droit communautaire.

18.     Il résulte de la jurisprudence de la Cour que, si la circonstance qu’une réglementation nationale n’a pas été mentionnée dans les déclarations visées par l’article 5 du règlement n° 1408/71 ne saurait, par elle-même, établir que cette réglementation ne relève pas du champ d’application du règlement, par contre la circonstance qu’un État membre a mentionné une loi dans sa déclaration doit être admise comme établissant que les prestations accordées sur la base de cette loi sont des prestations de sécurité sociale au sens du règlement n° 1408/71 (9) .

L’allocation de recherche d’emploi fondée sur les ressources figure à l’annexe II bis, paragraphe O, consacré au Royaume‑Uni, sous h) (10) , du règlement n° 1408/71 (11) . Il y a lieu de considérer, par conséquent, qu’il s’agit d’une prestation de sécurité sociale relevant de son champ d’application matériel.

19.     Cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que la prestation en cause puisse, dans le même temps, relever de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68. La Cour a défini la notion d’avantage social au sens de cette disposition comme recouvrant tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux en raison, principalement, de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence ordinaire sur le territoire national, et dont l’extension aux travailleurs ressortissants d’autres États membres apparaît dès lors comme de nature à faciliter leur mobilité à l’intérieur de la Communauté (12) .

20.     L’allocation est octroyée à tout demandeur d’emploi résidant au Royaume‑Uni, disponible pour travailler, recherchant activement un emploi, inscrit auprès d’une agence de placement et dont les ressources ne dépassent pas un plafond déterminé. Ses caractéristiques correspondent, par conséquent, à la définition d’avantage social figurant à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, de sorte que l’État d’emploi doit l’octroyer aux travailleurs ressortissants des autres États membres dans les mêmes conditions qu’à ses propres ressortissants, compte tenu du fait que la jurisprudence de la Cour prohibe, comme étant discriminatoire, toute condition d’octroi fondée sur la nationalité, la résidence ou la durée de l’emploi (13) .

21.     L’allocation en cause relève donc du champ d’application matériel du droit communautaire, car il s’agit non seulement d’une prestation spéciale à caractère non contributif selon l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71, mais aussi d’un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68.

La Cour a estimé, à cet égard, que le règlement n° 1612/68 ayant une portée générale en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs, l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement peut être applicable à des avantages sociaux qui relèvent en même temps du domaine d’application spécifique du règlement n° 1408/71 (14) .

B –   La première question posée

22.     Le Social Security Commissioner souhaite savoir, en premier lieu, si un ressortissant d’un État membre qui entre sur le territoire d’un autre État membre dans l’intention d’y rechercher un emploi salarié doit être considéré comme un travailleur aux fins du règlement n° 1612/68.

23.     Je pars du principe que le juge national tient pour établi que M. Collins est un citoyen irlandais et qu’il s’est rendu au Royaume‑Uni dans l’intention d’y vivre et d’y travailler. Les autres circonstances qui caractérisent sa situation sont dénuées de pertinence, conformément à la jurisprudence de la Cour (15) , aux fins de déterminer si l’intéressé peut se prévaloir du principe de libre circulation des travailleurs. Il importe peu, par conséquent, qu’étant de nationalité américaine, il ait acquis en outre la nationalité irlandaise, pays dans lequel il n’a jamais résidé ni travaillé (16) ; qu’il ne puisse justifier d’avoir occupé un emploi que dans un des États de l’Union européenne ; et que depuis dix‑sept ans, il n’ait ni vécu ni exercé aucune activité au Royaume‑Uni, où il prétend rechercher un emploi.

24.     Le législateur communautaire a consacré le titre I de la première partie du règlement n° 1612/68, qui comprend les articles 1 à 6, à la réglementation de l’accès des ressortissants communautaires à l’emploi sur le territoire de tout État membre. Cette réglementation, applicable à «tout ressortissant d’un État membre», reconnaît aux citoyens de l’Union le droit d’accéder aux emplois offerts dans tout État membre, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, ces citoyens devant bénéficier de la même assistance dans ses bureaux de placement.

En application de ces dispositions, M. Collins pouvait revendiquer le droit de recevoir la même aide que les demandeurs d’emploi résidant au Royaume‑Uni et celui d’occuper, dans des conditions d’égalité, un des emplois existants, ce qu’il a, semble‑t‑il, réussi à obtenir après deux mois de recherche.

25.     Cette possibilité ne signifie pas, toutefois, comme l’indiquent les deux États membres qui ont présenté des observations et la Commission, que M. Collins puisse se prévaloir de l’intégralité des dispositions du règlement n° 1612/68.

26.     Le titre II, qui inclut les articles 7 à 9, est consacré à l’exercice de l’emploi et réglemente les droits du «travailleur» ressortissant d’un État membre.

La Cour a déclaré que la notion de «travailleur», au sens de l’article 39 CE et du règlement n° 1612/68, revêt une portée communautaire et ne doit pas être interprétée de manière restrictive. Doit être considérée comme «travailleur» toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La caractéristique de la relation de travail est, selon cette jurisprudence, la circonstance qu’une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (17) .

27.     Lorsque M. Collins a demandé à être admis au bénéfice de l’allocation de recherche d’emploi, il n’exerçait aucune activité qui réponde à cette définition et ne venait pas non plus d’être privé d’un emploi au Royaume‑Uni. En conséquence, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, qui reconnaît aux travailleurs ressortissants de tout État membre le droit de recevoir dans un autre État membre le même traitement que celui qui est accordé aux travailleurs nationaux en ce qui concerne le bénéfice des avantages sociaux et fiscaux, ne lui est pas applicable.

28.     Cette interprétation s’est imposée dans l’affaire Lebon (18) , dans laquelle se posait la question de savoir si l’égalité de traitement en ce qui concerne les avantages sociaux et fiscaux, établie à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, s’applique aussi à ceux qui se déplacent pour chercher un emploi. La Cour a estimé que ce droit à l’égalité de traitement n’est applicable qu’aux travailleurs, car ceux qui se déplacent pour chercher un emploi ne bénéficient de l’égalité de traitement que dans les conditions prévues par l’article 39 CE et par les articles 2 et 5 du règlement n°1612/68.

29.     Dans la présente affaire, la question qui se pose est celle de savoir si cette analyse, qui date de 1987, reste valable, étant donné que la Cour, au point 32 de l’arrêt Martínez Sala (19) , rendu en 1998, a déclaré que, une fois que la relation de travail a pris fin, l’intéressé perd en principe la qualité de travailleur, étant entendu cependant que, d’une part, cette qualité peut produire certains effets après la cessation de la relation de travail et que, d’autre part, une personne à la recherche réelle d’un emploi doit également être qualifiée de travailleur (20) .

Je partage l’avis de la Commission selon lequel cette phrase ne doit pas être interprétée en dehors de son contexte et n’était pas destinée à infirmer le principe précédemment énoncé (21) . Il convient de rappeler, en outre, qu’il y a un an à peine, la Cour a souligné que, selon une jurisprudence constante, l’application du droit communautaire en matière de libre circulation des travailleurs à propos d’une réglementation nationale touchant à l’assurance chômage requiert, dans le chef de la personne qui l’invoque, qu’elle ait déjà accédé au marché du travail par l’exercice d’une activité professionnelle réelle et effective, lui ayant conféré la qualité de travailleur au sens communautaire (22) .

30.     L’affaire Martínez Sala concernait une ressortissante espagnole qui résidait en Allemagne depuis mai 1968, soit depuis l’âge de 12 ans. De 1976 à 1986, elle y a exercé différentes activités salariées. Elle a également été employée du 12 septembre au 24 octobre 1989, date à partir de laquelle elle a bénéficié d’une aide sociale. Avant mai 1984, elle avait obtenu différents titres de séjour. Par la suite, elle n’a obtenu que des documents attestant que la prorogation de son titre de séjour avait été sollicitée, jusqu’à ce qu’elle se voie délivrer, en avril 1994, un titre de séjour d’un an, lequel a été prorogé pour une nouvelle année. En janvier 1993, alors qu’elle ne disposait pas d’un titre de séjour, Mme Martínez Sala a sollicité une allocation d’éducation pour son enfant, né au cours de ce même mois, laquelle lui a été refusée au motif qu’elle ne possédait ni la nationalité allemande, ni une autorisation ou un titre de séjour.

31.     La juridiction de renvoi demandait si un ressortissant d’un État membre qui réside dans un autre État membre où il a exercé des activités salariées et où il a, par la suite, bénéficié d’une aide sociale revêt la qualité de travailleur au sens du règlement n° 1612/68.

Dans ce contexte, la Cour a réitéré, au point 32, la définition classique du «travailleur» au sens de l’article 39 CE et du règlement n° 1612/68, puis a formulé l’affirmation précédemment énoncée. Elle a confirmé, au point suivant, la jurisprudence Lebon, selon laquelle l’égalité de traitement résultant de l’article 7, paragraphe 2, en ce qui concerne une prestation sociale prévue par la législation de l’État membre d’accueil, ne s’applique pas aux descendants de travailleurs migrants lorsqu’ils ont atteint l’âge de 21 ans, s’ils n’ont pas la qualité de travailleur.

32.     La Cour a conclu son raisonnement en indiquant qu’elle n’était pas en mesure de vérifier si Mme Martínez Sala était un travailleur au sens de l’article 48 du traité et du règlement n° 1612/68, car elle ignorait, par exemple, si elle était à la recherche d’un emploi (23) . Elle a donc laissé la question ouverte afin que le juge national la résolve et souligné, d’une part, que l’intéressé ne perd pas nécessairement la qualité de travailleur une fois que la relation de travail a pris fin et, d’autre part, qu’une personne à la recherche réelle d’un emploi doit également être qualifiée de travailleur.

33.     Il y a lieu de supposer que, s’il avait été démontré que l’intéressée était demandeur d’emploi, sa qualité de travailleur au sens de l’article 39 CE et du règlement n° 1612/68 aurait été reconnue, au vu des circonstances suivantes : elle avait occupé plusieurs emplois pendant la durée de son séjour prolongé en Allemagne; les autorités de l’État d’accueil lui avaient délivré des titres de séjour successifs ; elle avait perdu son travail dans cet État et, elle avait perçu des prestations d’aide sociale. Comme on le sait, un travailleur migrant qui est en situation de chômage dans l’État d’accueil ne perd pas sa qualité de travailleur au motif qu’il n’accomplit pas, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles il perçoit une rémunération.

34.     Selon ce qu’indique l’ordonnance de renvoi, M. Collins a vécu et travaillé au Royaume‑Uni environ dix mois entre 1980 et 1981, époque à laquelle il possédait déjà la nationalité irlandaise et où il jouissait, par conséquent, de la qualité de travailleur aux fins de l’application du droit communautaire. Cela ne signifie pas, toutefois, qu’il ait conservé cette qualité pendant les dix‑sept années qui se sont écoulées entre le moment où il a quitté ce pays et le 31 mai 1998, date à laquelle il y est retourné dans l’intention de s’y installer et d’y trouver un emploi, sans que, dans cet intervalle, l’intéressé n’ait exercé d’activité dans les autres États membres de la Communauté européenne.

35.     Au vu de ce qui précède, j’estime qu’il convient de répondre au Social Security Commissioner qu’un ressortissant d’un État membre qui entre sur le territoire d’un autre État membre dans l’intention d’y rechercher un emploi salarié n’est pas un travailleur aux fins des articles 7 et suivants du règlement n° 1612/68, même s’il bénéficie de la protection des articles 1 à 6 dudit règlement.

C –   La deuxième question posée

36.     Ensuite, le Social Security Commissioner souhaite savoir, en cas de réponse négative à la première question, si un ressortissant communautaire qui entre sur le territoire d’un État membre dans l’intention d’y rechercher un emploi salarié possède le droit de demeurer sur le territoire de cet État en vertu de la directive 68/360/CEE.

37.     Cette directive, adoptée le même jour que le règlement n° 1612/68, régit, de façon spécifique, le déplacement et le séjour sur le territoire de la Communauté des personnes bénéficiant de la libre circulation des travailleurs.

38.     Comme l’indique son exposé des motifs, la directive 68/360 a pour objet l’adoption de mesures conformes aux droits et facultés reconnus par le règlement n° 1612/68 aux ressortissants de chaque État membre qui se déplacent en vue d’exercer une activité salariée et aux membres de leur famille.

Son article 1er exige la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants communautaires et des membres de leur famille auxquels s’applique le règlement n° 1612/68.

En vertu de son article 2, tout État membre de l’Union européenne reconnaît aux ressortissants communautaires le droit de quitter son territoire en vue d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre État membre. L’article 3 fait obligation aux autorités nationales d’admettre ces personnes sur simple présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité.

39.     Les droits des personnes se rendant dans un autre État membre dans l’intention d’y rechercher un emploi, auxquelles s’applique le titre I de la première partie du règlement n° 1612/68, semblent se limiter à ceux que prévoient ces trois premiers articles de la directive 68/360.

40.     En effet, l’article 4, qui fixe les obligations des États membres en matière de droit de séjour, leur permet d’exiger du travailleur, pour la délivrance de la carte de séjour, une déclaration d’engagement de l’employeur ou une attestation de travail, documents qu’un demandeur d’emploi ne pourra guère fournir. Les autres dispositions de la directive 68/360 confirment qu’elles ne visent pas les personnes à la recherche d’un emploi. Conformément à l’article 6, la carte de séjour doit avoir une durée de validité de cinq ans au moins et être automatiquement renouvelable, même si, lorsque le travailleur occupe un emploi pendant une durée supérieure à trois mois et inférieure à un an, un titre temporaire de séjour dont la durée de validité peut être limitée à la durée prévue de l’emploi est délivré. Le même type de document est établi dans le cas d’un travailleur saisonnier occupé pour une durée de plus de trois mois. Enfin, l’article 8 oblige les États membres à reconnaître le droit de séjour sur leur territoire, sans qu’il soit délivré de carte de séjour, au travailleur qui exerce une activité salariée d’une durée prévue ne dépassant pas trois mois, sur présentation d’une déclaration de l’employeur indiquant la période prévue de l’emploi (24) .

Comme on peut le constater, le droit de séjour prévoit toutes les éventualités en ce qui concerne sa durée, même si celles‑ci sont toutes liées à l’exercice d’une activité économique, car le seul droit dont bénéficient, en vertu de la directive 68/360, les personnes se rendant dans un État membre à la recherche d’un emploi est celui d’entrer sur le territoire dudit État membre, sans qu’aucune des dispositions de cette directive n’envisage, en outre, un droit de séjour pour la période antérieure à l’engagement.

41.     Le fait que la directive 68/360 ne reconnaisse pas ce droit spécifique de séjour ne signifie pas, néanmoins, que les ressortissants communautaires doivent renoncer à cette possibilité. Il existe une jurisprudence abondante en ce sens.

42.     La Cour a déclaré que la libre circulation des travailleurs fait partie des fondements de la Communauté ; que les dispositions consacrant cette liberté fondamentale doivent être interprétées largement (25) ; et qu’une interprétation stricte du paragraphe 3 de l’article 39 compromettrait les chances réelles d’un ressortissant d’un État membre qui est à la recherche d’un emploi d’en trouver un dans les autres États membres et priverait, dès lors, cette disposition de son effet utile. Il s’ensuit que cette disposition, qui définit la libre circulation des travailleurs comme le droit de répondre à des emplois effectivement offerts, de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres, de séjourner dans un des États membres afin d’y exercer un emploi et de demeurer sur le territoire d’un État membre, après y avoir occupé un emploi, doit être interprété en ce sens qu’il énonce de façon non limitative certains droits dont bénéficient les ressortissants des États membres dans le cadre de la libre circulation des travailleurs et que cette liberté implique également le droit pour les ressortissants des États membres de circuler librement sur le territoire des autres États membres et d’y séjourner aux fins d’y rechercher un emploi (26) .

43.     Toutefois, ce droit de séjour n’est pas de durée indéfinie et peut faire l’objet d’une limitation temporelle. La Cour a considéré qu’un délai de six mois n’apparaît pas, en principe, comme insuffisant pour permettre aux intéressés de prendre connaissance, dans l’État membre d’accueil, des offres d’emplois correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d’être engagés, et que, dès lors, un tel délai ne met pas en cause l’effet utile du principe de libre circulation (27) . Si, après l’écoulement du délai en question, l’intéressé apporte la preuve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances véritables d’être engagé, il ne saurait toutefois être contraint de quitter le territoire de l’État membre d’accueil (28) .

44.     Par conséquent, selon la jurisprudence de la Cour, M. Collins, en tant que ressortissant d’un État membre recherchant activement un emploi, avait le droit de séjourner au Royaume‑Uni à cet effet, en application de l’article 39 CE, pendant une période d’au moins six mois.

45.     En conséquence, il y a lieu d’indiquer au Social Security Commissioner qu’un ressortissant communautaire qui se rend dans un État membre dans l’intention d’y trouver un emploi salarié a le droit de séjourner sur le territoire dudit État, en vertu de l’article 39 CE, mais que la directive 68/360 ne prévoit pas cette possibilité.

D –   La troisième question préjudicielle

46.     Enfin, la juridiction du Royaume‑Uni demande, en cas de réponse négative aux première et deuxième questions, s’il existe une règle de droit communautaire exigeant le versement d’une prestation de sécurité sociale, destinée aux demandeurs d’emploi qui prouvent l’insuffisance de leurs ressources, à un ressortissant de l’Union qui entre sur le territoire d’un État membre dans l’intention d’y trouver un emploi salarié.

47.     Dans son ordonnance, le juge national écarte l’idée selon laquelle M. Collins prétendait s’installer au Royaume‑Uni en tant que prestataire de services, et se montre convaincu que son intention était de trouver un emploi salarié (29) . Pour cette raison, sa demande visant à être admis au bénéfice de l’allocation de recherche d’emploi pourrait trouver un soutien dans le règlement n° 1408/71 ou dans l’article 18 CE, en rapport avec le principe de non‑discrimination en raison de la nationalité.

48.     L’applicabilité du règlement n° 1408/71 au litige au principal ne ressort pas clairement des éléments communiqués à la Cour, bien que le Social Security Commissioner affirme que le requérant relève probablement de son champ d’application personnel.

En partant, donc, de cette hypothèse, j’examinerai si cette réglementation reconnaît à une personne se trouvant dans la situation de M. Collins le droit de revendiquer la prestation en cause.

49.     Comme je l’ai souligné précédemment, l’allocation de recherche d’emploi est une prestation qui figure à l’annexe II bis, paragraphe O, consacré au Royaume‑Uni, sous h), du règlement n° 1408/71, de sorte qu’elle est exclusivement régie par les règles de coordination de l’article 10 bis et que, partant, elle relève des prestations spéciales à caractère non contributif au sens de l’article 4, paragraphe 2 bis (30) .

Conformément à l’article 10 bis, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, le versement d’une prestation telle que l’allocation en cause est soumis à la condition que l’intéressé réside sur le territoire de l’État membre dont la législation donne droit à ladite prestation (31) . Si le droit à percevoir ladite prestation est subordonné à l’accomplissement d’une période de résidence, il convient de tenir compte, en vertu du paragraphe 2, des périodes de résidence accomplies sur le territoire de tout autre État membre.

50.     L’article 10 bis, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 n’est toutefois pas applicable à M. Collins, car il ne peut justifier de périodes de résidence accomplies dans d’autres États membres. Il reste à déterminer si, en dépit de cette circonstance, le droit à l’allocation en cause doit lui être reconnu.

51.     La législation du Royaume‑Uni, outre qu’elle se conforme à l’article 10 bis du règlement n° 1408/71 en refusant l’allocation en cause aux personnes ne résidant pas sur le territoire national, exclut de son bénéfice les personnes qui, bien qu’ayant la ferme intention de vivre dans ce pays, ne justifient pas d’une période de résidence habituelle (32) avant d’introduire leur demande (33) .

52.     La Cour a déclaré, aux fins de l’application du règlement n° 1408/71, que, en vertu de son article 1er, sous h), le terme «résidence» signifie le séjour habituel et revêt une portée communautaire. Elle a estimé également que la notion d’«État membre dans lequel elles résident», qui figure à l’article 10 bis du même règlement, vise l’État dans lequel les personnes concernées résident habituellement et dans lequel se trouve également le centre habituel de leurs intérêts. Dans ce contexte, il convient d’examiner en particulier la situation familiale du travailleur, les raisons qui l’ont amené à se déplacer, la durée et la continuité de sa résidence, le fait de disposer, le cas échéant, d’un emploi stable et l’intention du travailleur, telle qu’elle ressort de toutes les circonstances, sans que l’on puisse considérer que la durée de la résidence dans l’État dans lequel le versement d’une prestation est sollicité puisse être regardée comme représentant un élément constitutif de la notion de résidence au sens de l’article 10 bis du règlement (34) .

53.     Il reste à vérifier quel est le résultat de l’application à M. Collins des critères qui, selon les indications de la Cour, doivent être utilisés par un État membre lorsqu’il détermine si un ressortissant communautaire a sa résidence habituelle sur son territoire.

J’observe à cet égard que, au moment de demander l’allocation de recherche d’emploi, le requérant vivait au Royaume‑Uni, puisqu’il y avait atterri huit jours auparavant, mais que l’on peut difficilement considérer que le centre de ses intérêts y ait été alors situé : sa famille résidait aux États‑Unis ; il avait été absent du Royaume‑Uni pendant plus de dix‑sept ans, période pendant laquelle il n’avait travaillé dans aucun État membre ; et il ne ressort pas du dossier qu’il ait conservé un lien de nature personnelle ou économique avec le Royaume‑Uni, susceptible de démontrer l’existence d’un enracinement dans cet État (35) .

54.     Dans ces circonstances, j’estime que, même si le règlement n° 1408/71 était applicable au litige au principal, ce qui nécessiterait que M. Collins, au moment de demander la prestation, ait été assuré, ne serait‑ce que contre un seul risque, auprès du régime de sécurité sociale en vigueur au Royaume‑Uni pour les travailleurs salariés (36) , l’intéressé ne pouvait pas se prévaloir des dispositions dudit règlement pour revendiquer le droit à percevoir l’allocation de recherche d’emploi fondée sur les ressources.

55.     Il reste à déterminer si M. Collins, en tant que citoyen de l’Union résidant légalement au Royaume‑Uni, est susceptible de bénéficier des dispositions de l’article 18 CE, lu en combinaison avec l’article 12 CE.

56.     Il est de jurisprudence constante que, selon l’article 12 CE, le principe de non‑discrimination en raison de la nationalité déploie ses effets dans le domaine d’application du traité et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit. Par cette dernière expression, l’article 12 CE renvoie notamment à d’autres dispositions du traité dans lesquelles l’application du principe général qu’il énonce est concrétisée pour des situations spécifiques (37) . Cette disposition n’a vocation à s’appliquer de façon autonome que dans des situations régies par le droit communautaire pour lesquelles le traité ne prévoit pas de règle spécifique de non‑discrimination (38) .

Dans le domaine de la libre circulation des travailleurs, le principe de non‑discrimination a été mis en oeuvre par les articles 39 CE à 42 CE, ainsi que par des actes des institutions communautaires adoptés en vertu de ces articles et, en particulier, par le règlement n° 1612/68 et le règlement n° 1408/71 (39) .

57.     Selon la jurisprudence récente, l’article 18 CE, qui énonce de manière générale le droit, pour tout citoyen de l’Union, de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, trouve une expression spécifique dans l’article 39 CE en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs, de sorte que, dans la mesure où une affaire relève de cette dernière disposition, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l’interprétation de l’article 18 CE (40) . Le strict respect de cette jurisprudence devrait conduire la Cour à considérer que son travail sur cette question est terminé.

Toutefois, compte tenu du fait que M. Collins et la Commission estiment que l’article 18 CE reconnaît aux demandeurs d’emploi à la recherche d’un travail le droit d’obtenir des prestations de chômage dans un État membre sans justifier ni d’un lien de rattachement avec son marché du travail ni d’un enracinement dans cet État, j’analyserai en détail cette possibilité.

58.     Dans sa jurisprudence la plus récente, la Cour a affirmé que, bien que le droit de séjourner sur le territoire des États membres, prévu à l’article 18, paragraphe 1, CE, soit reconnu sous réserve des limitations et conditions prévues par le traité CE ainsi que par les dispositions prises pour son application, il est accordé directement à tout citoyen de l’Union par une disposition claire et précise du traité CE et a ajouté que, dès lors que les éventuelles limitations et conditions de ce droit sont susceptibles d’un contrôle juridictionnel, elles n’empêchent pas que les dispositions de l’article 18, paragraphe 1, CE confèrent aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice et que les juridictions nationales doivent sauvegarder (41) .

59.     En matière de libre circulation des travailleurs, les limitations sont énoncées à l’article 39, paragraphe 3, CE et sont liées à des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique (42) . Les droits en matière de sécurité sociale dont bénéficient les citoyens de l’Union dépendent de la législation de l’État dans lequel ils sont affiliés, car l’article 42 CE ne prévoit qu’une coordination des régimes des États membres, et non une harmonisation (43) .

60.     Parmi les dispositions adoptées pour l’application du traité en la matière figurent les règlements nos 1612/68 et 1408/71, précités. Tous deux interdisent la discrimination fondée sur la nationalité, le premier en ses articles 1 et 7, le second en son article 3. Or, comme je l’ai indiqué précédemment au sujet du règlement n° 1612/68, le principe de l’égalité de traitement dans l’accès à l’emploi bénéficie aux personnes qui se déplacent pour chercher un emploi, alors que l’interdiction de discrimination dans les conditions d’emploi ou de réintégration professionnelle se limite aux personnes qui sont en activité ou qui ont perdu leur emploi (44) . En ce qui concerne le règlement n° 1408/71, la reconnaissance du droit aux prestations dans des conditions d’égalité n’est pas non plus acquise à tous les ressortissants communautaires au motif qu’ils résident dans un État membre, mais uniquement aux personnes relevant de son champ d’application personnel, ce qui exige qu’elles soient soumises à la législation de sécurité sociale d’un État membre (45) .

61.     Il paraît utile d’indiquer, à titre d’illustration de l’état actuel du droit dérivé, que la directive 68/360 oblige les États membres à admettre sur leur territoire la famille d’un travailleur qui se déplace dans l’intention d’exercer un emploi salarié et que la directive 73/148 accorde le même avantage aux personnes qui souhaitent s’établir dans un État membre pour se consacrer à une activité professionnelle indépendante. Toutefois, cette possibilité n’est pas reconnue aux personnes qui se déplacent dans l’intention de rechercher un emploi.

Selon la jurisprudence relative à l’article 18, paragraphe 1, CE, depuis l’entrée en vigueur du traité sur l’Union européenne, le droit de séjour, conféré directement par le traité CE, n’est plus soumis à la condition de l’exercice d’une activité économique au sens des articles 39 CE, 43 CE et 49 CE (46) , de sorte que les membres de la famille du travailleur à la recherche d’un emploi peuvent s’installer avec lui, à condition qu’ils soient en mesure d’exercer ce droit en leur nom propre, ce qui n’est possible que s’ils sont ressortissants communautaires et s’ils satisfont aux exigences découlant de la directive 90/364/CEE (47) , de la directive 90/365/CEE (48) ou de la directive 93/96/CEE (49) , c’est-à-dire, notamment, s’ils disposent d’une assurance maladie couvrant un large éventail de risques et de ressources d’un niveau suffisant pour ne pas devenir, pendant leur séjour, une charge pour l’assistance sociale de l’État membre d’accueil (50) .

62.     Jusqu’à présent, la Cour n’a pas déclaré que les dispositions de droit dérivé en vigueur, prises en application d’articles du traité relatifs à la libre circulation ou à l’égalité de traitement, seraient dépourvues de validité au motif qu’elles violeraient le principe de la hiérarchie des normes. Comme exemple récent, on peut citer l’arrêt Givane e.a. (51) , dans lequel la Cour a interprété le règlement n° 1251/70, en vertu duquel le droit d’un travailleur de demeurer sur le territoire d’un État membre après y avoir occupé un emploi est soumis à des conditions de durée de résidence et d’emploi, en ce sens que les membres de la famille d’un travailleur migrant décédé avant d’avoir acquis ce droit n’ont pas la possibilité de demeurer sur le territoire de cet État (52) . La Cour a estimé que, en exigeant que le travailleur, à la date de son décès, ait résidé de façon continue sur le territoire de l’État membre d’accueil depuis au moins deux années, l’article 3, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1251/70 visait à établir un lien substantiel entre, d’une part, cet État et, d’autre part, ce travailleur et sa famille, ainsi qu’à assurer un certain niveau d’intégration de ces derniers dans la société concernée.

63.     Après le prononcé de l’arrêt Martínez Sala, un certain nombre d’auteurs ont considéré que, à la suite de la reconnaissance du droit de citoyenneté dans le traité, un État membre était tenu d’accorder, dans tous les cas, à tout ressortissant communautaire se trouvant légalement sur son territoire, le même traitement qu’à ses propres ressortissants, y compris l’accès tant aux avantages sociaux prévus à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 qu’aux prestations d’aide sociale (53) .

Toutefois, des arguments convaincants permettent de soutenir que, en dépit de ses incontestables avancées, cette jurisprudence ne va pas aussi loin que ne le prétendent, outre un secteur de la doctrine, M. Collins et la Commission (54) .

64.     Dans l’arrêt Martínez Sala (55) , la Cour a indiqué qu’un citoyen de l’Union européenne qui réside légalement sur le territoire de l’État membre d’accueil peut se prévaloir de l’article 12 CE dans toutes les situations relevant du domaine d’application ratione materiae du droit communautaire, y compris la situation dans laquelle cet État membre retarde ou lui refuse l’octroi d’une prestation qui est accordée à toute personne résidant légalement sur le territoire de cet État, au motif qu’il ne dispose pas d’un document qui n’est pas exigé des ressortissants de ce même État et dont la délivrance peut être retardée ou refusée par son administration.

65.     Toutefois, cette affirmation ne doit pas être sortie de son contexte, caractérisé par les éléments suivants : a) la prestation sollicitée réunissait à la fois les conditions de son octroi en tant qu’avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 et en tant que prestation familiale relevant de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 1408/71 ; b) bien qu’il ressortît du dossier que l’intéressée avait travaillé dans l’État membre d’accueil pendant plusieurs années, la Cour n’était pas en mesure de déterminer, faute d’éléments, si ces deux textes lui étaient applicables ; c) Mme Martínez Sala était arrivée dans ce pays à l’âge de douze ans, résidait sur son territoire depuis vingt‑cinq ans, avait deux enfants et bénéficiait de prestations sociales depuis la fin de son dernier emploi ; d) l’allocation d’éducation lui était refusée au motif qu’elle ne possédait ni la nationalité de l’État d’accueil, ni une autorisation ou un titre de séjour ; et e) il avait été démontré, tout au long de la procédure, que les autorités nationales exigeaient des étrangers la présentation d’un document ayant une valeur constitutive, délivré par l’administration de l’État d’accueil, alors qu’elles ne demandaient rien de tel à ses propres ressortissants.

Il n’est pas étonnant que, dans ces circonstances, la Cour ait invoqué l’article 17, paragraphe 2, CE et l’article 12 CE, afin d’interdire une telle discrimination fondée sur la nationalité à l’encontre d’une ressortissante communautaire qui avait vécu presque toute sa vie dans l’État d’accueil.

66.     Une chose semblable s’est produite avec l’arrêt Grzelczyk (56) , selon lequel les articles 12 CE et 17 CE s’opposent à ce que le bénéfice d’une prestation sociale d’un régime non contributif, telle que le minimex, soit subordonné, en ce qui concerne les ressortissants d’États membres autres que l’État membre d’accueil sur le territoire duquel lesdits ressortissants séjournent légalement, à la condition que ces derniers entrent dans le champ d’application du règlement n° 1612/68, alors même qu’aucune condition de cette nature ne s’applique aux ressortissants de l’État membre d’accueil.

67.     Cette affirmation si générale ne signifie pas que, désormais, tout ressortissant communautaire puisse s’installer en Belgique et obtenir automatiquement le bénéfice de la prestation (57) . À mon sens, il convient de replacer cette appréciation dans le contexte des faits du litige au principal : un ressortissant français qui se rend en Belgique pour suivre des études universitaires; qui, durant les trois premières années, assume lui‑même ses dépenses d’entretien, de logement et d’études, en exerçant divers petits travaux salariés et en obtenant des facilités de paiement ; et qui, au début de sa quatrième et dernière année d’études, demande le paiement du minimex parce que, en raison de la rédaction d’un mémoire et de l’accomplissement d’un stage, la dernière année académique était plus lourde que les précédentes. Dans un premier temps, l’organisme compétent lui a accordé cette prestation, d’octobre 1998 à juin 1999, bien que le ministère lui ait refusé ultérieurement au motif qu’il était ressortissant d’un autre État membre inscrit comme étudiant. Le juge belge soutenait qu’il ne remplissait pas les critères pour être considéré comme un travailleur au sens du règlement n° 1612/68.

68.     La Cour a admis que l’article 1er de la directive 93/96 permet aux États de l’Union d’exiger des étudiants ressortissants d’un autre État membre qui veulent bénéficier du droit de séjour sur leur territoire qu’ils assurent, par déclaration, disposer de ressources afin d’éviter qu’ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l’assistance sociale de l’État membre d’accueil ; elle a ajouté que si un État membre considère qu’un étudiant qui a eu recours à l’assistance sociale ne remplit plus les conditions auxquelles est soumis son droit de séjour, il peut prendre, dans le respect des limites imposées à cet égard par le droit communautaire, des mesures en vue soit de mettre fin à l’autorisation de séjour de ce ressortissant, soit de ne pas renouveler celle‑ci (58) .

Elle a contourné cet écueil (59) , toutefois, en considérant : a) que la situation financière d’un étudiant peut changer au fil du temps pour des raisons indépendantes de sa volonté, de sorte que la véracité de sa déclaration ne peut être évaluée qu’au moment où elle est faite ; b) que les mesures adoptées par l’État membre en vue de mettre fin à l’autorisation de séjour ou de ne pas renouveler celle-ci ne peuvent en aucun cas devenir la conséquence automatique du recours à l’assistance sociale par un étudiant ; c) que, bien que l’article 4 de la directive 93/96 dispose que le droit de séjour demeure tant que les bénéficiaires de ce droit répondent aux conditions prévues, les résidents, conformément au sixième considérant de la directive, ne doivent pas devenir une charge «déraisonnable» pour les finances publiques de l’État membre d’accueil, ce qui signifie que les directives 93/96, 90/364 et 90/365 admettent une certaine solidarité financière, notamment si les difficultés que rencontre le bénéficiaire du droit de séjour sont d’ordre temporaire ; et d) que le fait que l’intéressé n’était pas de nationalité belge constituait l’unique obstacle à l’octroi du minimex et que, dès lors, il s’agissait d’une discrimination opérée sur la seule base de la nationalité (60) .

69.     Il paraît donc difficile d’affirmer, à la lumière de cette jurisprudence replacée dans son contexte, le droit de M. Collins de percevoir l’allocation de recherche d’emploi fondée sur les ressources, car les dispositions de l’ordre juridique communautaire dérivé dans le cadre desquelles il peut exercer son droit de circulation et de séjour lui reconnaissent la possibilité de bénéficier des mêmes priorités que les ressortissants nationaux dans l’accès aux emplois vacants et de la même assistance de la part des agences de placement, mais non des prestations de chômage que l’État d’accueil accorde aux personnes qui, non seulement recherchent un emploi activement et font la preuve de l’insuffisance de leurs ressources, mais justifient d’un certain enracinement dans le pays ou de liens de rattachement avec son marché du travail, lesquels se manifestent par une période de séjour préalable raisonnable (61) .

Je voudrais souligner que, le 29 juin 2001, la Commission a présenté une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (62) , dont la base juridique est constituée, notamment, par les articles 12 CE et 18 CE et qui se propose de réexaminer l’approche sectorielle et fragmentaire du droit de libre circulation et de séjour, tel qu’il est réglementé par la législation dérivée (63) . J’observe, toutefois, que, parmi les textes qui seraient abrogés du fait de son entrée en vigueur, ne figure pas le règlement n° 1612/68 et que, dans le chapitre V, qui contient les dispositions communes au droit de séjour et au droit de séjour permanent, l’article 21, paragraphe 2, consacré à l’égalité de traitement, prévoit qu’avant l’acquisition du droit de séjour permanent, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit à une prestation d’assistance sociale aux personnes autres que les travailleurs salariés ou non salariés et les membres de leur famille ou le droit à une bourse d’entretien aux bénéficiaires du droit de séjour qui se sont rendus sur son territoire pour y faire des études (64) . Il peut être utile de relever que l’acquisition du droit de séjour permanent est prévue après une période de quatre ans de résidence légale (65) .

70.     La jurisprudence a confirmé que les limitations et conditions visées à l’article 18 CE s’inspirent de l’idée que l’exercice du droit de séjour des citoyens de l’Union peut être subordonné aux intérêts légitimes des États membres (66) et que, en outre, l’application desdites limitations et conditions doit être faite dans le respect des limites imposées par le droit communautaire et conformément aux principes généraux de ce droit, parmi lesquels le principe de proportionnalité. Cela signifie que les mesures nationales prises à cet égard doivent être appropriées et nécessaires pour atteindre le but recherché (67) .

71.     La Cour a examiné à deux reprises les dispositions adoptées par des États membres concernant l’exercice du droit de séjour proprement dit et l’accès aux allocations d’emploi, à la lumière du principe de proportionnalité.

72.     L’arrêt D’Hoop (68) concerne les allocations d’attente octroyées, en Belgique, aux jeunes qui viennent de terminer leurs études et qui sont à la recherche de leur premier emploi, afin de leur ouvrir l’accès à des programmes spéciaux de mise au travail ; elles avaient été refusées à une jeune femme belge qui avait effectué ses études secondaires en France. La Cour a considéré qu’il existait dans cet État une différence de traitement entre les ressortissants belges qui ont fait toutes leurs études secondaires dans leur pays et ceux qui, ayant fait usage de leur liberté de circuler, ont obtenu leur diplôme de fin d’études secondaires dans un autre État membre ; elle a indiqué qu’une telle inégalité de traitement désavantageait certains ressortissants nationaux du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler aux fins de suivre un enseignement dans un autre État membre ; et elle a déclaré que cette inégalité était contraire aux principes qui sous-tendent le statut de citoyen de l’Union, à savoir la garantie d’un même traitement juridique dans l’exercice de sa liberté de circuler (69) .

Dès lors que les allocations d’attente ont pour objectif de favoriser l’intégration des jeunes au monde professionnel, la Cour a estimé qu’il était légitime pour le législateur national de vouloir s’assurer de l’existence d’un lien réel entre le demandeur et le marché géographique du travail concerné, mais a jugé qu’une condition unique relative au lieu d’obtention du diplôme de fin d’études secondaires présentait un caractère trop général et exclusif et allait au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (70) .

73.     Dans l’arrêt Baumbast et R (71) , la Cour a estimé que constituerait une ingérence disproportionnée dans l’exercice du droit de séjour conféré par l’article 18, paragraphe 1, CE le fait de refuser la possibilité de séjourner dans l’État membre d’accueil à un ressortissant communautaire: qui disposait de ressources suffisantes au sens de la directive 90/364; qui avait travaillé et résidé légalement dans l’État membre d’accueil pendant plusieurs années; dont la famille avait également résidé dans cet État pendant cette période et y était demeurée même après la cessation de ses activités économiques; qui n’avait été à aucun moment une charge pour les finances publiques de l’État membre d’accueil ; et qui disposait, pour lui et pour sa famille, d’une assurance maladie complète dans un autre État membre de l’Union ; et ce, lorsque l’unique raison du refus est que l’assurance maladie souscrite conformément à la directive 90/364 ne couvrait pas les soins urgents administrés dans l’État membre d’accueil.

74.     Dans l’éventualité où il conviendrait de considérer, en faisant abstraction du droit dérivé en matière de libre circulation des travailleurs, que l’article 18 CE, lu en combinaison avec l’article 12 CE, oblige les États membres à verser des prestations de chômage non contributives aux personnes qui sont à la recherche d’un emploi et qui se trouvent dans la situation de M. Collins, une réglementation telle que celle du Royaume‑Uni, qui subordonne le versement de cet avantage à une condition de résidence habituelle, constituerait une discrimination indirecte en raison de la nationalité, car, bien qu’elle s’applique à tous les demandeurs sans distinction d’origine nationale, dans la pratique, les ressortissants britanniques seraient en mesure de remplir ladite condition plus facilement.

75.     Dans le cas d’espèce, toutefois, je suis d’avis qu’une condition de résidence, destinée à vérifier l’existence d’un enracinement dans le pays et la réalité des liens du demandeur avec le marché du travail national, peut être justifiée pour éviter ce que l’on appelle le «tourisme social» pratiqué par des personnes qui se déplacent d’un État membre à un autre dans le but de bénéficier de prestations non contributives et pour prévenir les abus (72) . Dans la mesure où son application appelle un examen de la situation personnelle du demandeur dans chaque cas, il ne me semble pas qu’elle aille au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi.

76.     Il y a lieu d’indiquer, par conséquent, qu’au stade actuel de son évolution, le droit communautaire n’exige pas qu’une prestation de sécurité sociale, destinée aux demandeurs d’emploi qui apportent la preuve de l’insuffisance de leurs ressources, soit versée à un citoyen de l’Union qui entre sur le territoire d’un État membre dans l’intention d’y chercher un emploi et qui ne justifie d’aucun enracinement dans cet État ni d’aucun lien avec le marché du travail national.

VIII – Conclusion

77.     Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par le Social Security Commissioner :

78.     Un ressortissant d’un État membre qui entre sur le territoire d’un autre État membre dans l’intention d’y chercher un emploi salarié n’est pas un travailleur aux fins des articles 7 et suivants du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, même s’il bénéficie de la protection des articles 1 à 6 dudit règlement.

79.     Un ressortissant d’un État membre qui se rend dans un autre État membre dans l’intention d’y trouver un emploi salarié a le droit de séjourner sur le territoire dudit État, en vertu de l’article 39 CE, mais la directive 68/360 ne prévoit pas cette possibilité.

80.     Au stade actuel de son évolution, le droit communautaire n’exige pas qu’une prestation de sécurité sociale, destinée aux demandeurs d’emploi qui apportent la preuve de l’insuffisance de leurs ressources, soit versée à un citoyen de l’Union qui entre sur le territoire d’un État membre dans l’intention d’y chercher un emploi et qui ne justifie d’aucun enracinement dans cet État ni d’aucun lien avec le marché du travail national.


1
Langue originale: l'espagnol.


2
Règlement du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).


3
Directive du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 13).


4
En réponse à la question que je lui ai posée à l’audience, l’agent du Royaume‑Uni a indiqué que, en 1998, la prestation s’élevait à 50 GBP par semaine. Il semble qu’elle soit versée jusqu’à ce que le bénéficiaire trouve un emploi.


5
Règlement de la Commission, du 29 juin 1970, relatif au droit des travailleurs de demeurer sur le territoire d’un État membre après y avoir occupé un emploi (JO L 142, p. 24).


6
Directive du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services (JO L 172, p. 14).


7
Conformément au paragraphe 3, point 1, de l’annexe 6 de la loi sur la sécurité sociale (Social Security Act 1998), l’Appeal Tribunal ne pouvait prendre en considération les circonstances ne prévalant pas au 1er juillet 1998, car le recours a été formé après l’adoption de cette loi, qui a eu lieu le 21 mai 1998. Par conséquent, il a examiné la question de savoir si M. Collins avait sa résidence habituelle au Royaume‑Uni pour tout ou partie de la période allant du 8 juin au 1er juillet 1998 et quelle était l’incidence de la réponse à cette question sur le droit à percevoir l’allocation de recherche d’emploi pendant cette période.


8
Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6). L’article 10 bis a été incorporé au texte par le règlement (CEE) n° 1247/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 1).


9
Arrêts du 29 novembre 1977, Beerens (35/77, Rec. p. 2249, point 9) ; du 11 juin 1991, Athanasopoulos e.a. (C‑251/89, Rec. p. I‑2797, point 28) ; et du 20 février 1997, Martínez Losada e.a. (C‑88/95, C‑102/95 et C‑103/95, Rec. p. I‑869, point 21).


10
En vertu de l’article 5 du règlement n° 1408/71, les États membres mentionnent les législations et régimes visés à l’article 4 paragraphes 1 et 2, les prestations spéciales à caractère non contributif visées à l’article 4 paragraphe 2 bis, les prestations minimales visées à l’article 50 ainsi que les prestations visées aux articles 77 et 78, dans les déclarations notifiées et publiées conformément à l’article 97.


11
Dans la version du règlement (CE) n° 118/97 du Conseil du 2 décembre 1996 portant modification et mise à jour du règlement (CEE) n° 1408/71 et du règlement (CEE) n° 574/72 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 1408/71 (JO L 28, p. 1).


12
Arrêts du 31 mai 1979, Even (207/78, Rec. p. 2019, point 22) ; du 14 janvier 1982, Reina (65/81, Rec. p. 33, point 12) ; du 12 juillet 1984, Castelli (261/83, Rec. p. 3199, point 11) ; arrêt de la Cour du 27 mars 1985, Hoeckx (249/83, Rec. p. 973, point 20) et Scrivner (122/84, Rec. p. 1027, point 24) ; du 20 juin 1985, Deak (94/84, Rec. p. 1873, point 21) ; du 27 mai 1993, Schmid (C‑310/91, Rec. p. I‑3011, point 18) ; et du 12 mai 1998, Martínez Sala (C‑85/96, Rec. p. I‑2691, point 25).


13
Voir, par exemple, arrêts du 10 novembre 1992, Commission/Belgique (C‑326/90, Rec. p. I‑5517), sur le revenu garanti aux personnes âgées et le minimum de moyens d’existence ; du 29 octobre 1998, Commission/Grèce (C‑185/96, Rec. p. I‑6601), sur les prestations en faveur des familles nombreuses ; et du 20 juin 2002, Commission/Luxembourg (C‑299/01, Rec. p. I‑5899), sur le revenu minimum garanti.


14
Arrêt du 10 mars 1993, Commission/Luxembourg (C‑111/91, Rec. p. I‑817, point 21) et arrêt Martínez Sala, précité, point 27.


15
Arrêt du 7 juillet 1992, Micheletti e.a. (C‑369/90, Rec. p. I‑4239, point 10).


16
En réponse à la question qui lui a été posée à l’audience, l’avocat de M. Collins a confirmé que son client n’avait jamais vécu en Irlande, pays dans lequel il s’était rendu trois fois, pour des périodes de dix jours au maximum.


17
Arrêts du 3 juillet 1986, Lawrie-Blum (66/85, Rec. p. 2121, points 16 et 17) ; du 31 mai 1989, Bettray (344/87, Rec. p. 1621, points 11 et 12) ; du 26 février 1992, Raulin (C‑357/89, Rec. p. I‑1027, point 10) et Bernini (C‑3/90, Rec. p. I‑1071, point 14) ; du 12 mai 1998, Martínez Sala, précité, point 32 ; et du 8 juin 1999, Meeusen (C‑337/97, Rec. p. I‑3289, point 13).


18
Arrêt du 18 juin 1987 (316/85, Rec. p. 2811).


19
Précité.


20
Caractères italiques ajoutés.


21
Opinion qu’un secteur de la doctrine ne partage pas. Voir, par exemple, O’Leary, S.: «Putting Flesh on the Bones of European Union Citizenship» in European Law Review 1999, p. 68 à 79, en particulier p. 76: «The definition of who qualifies as a worker in Martínez Sala has either overruled Lebon in this respect, by classifying job‑seekers as workers or, at the very least, allows job‑seekers to claim equal treatment as regards social and tax advantages pursuant to Article 7 (2) of the Regulation [1612/68]»; Jacqueson, C.: «Union citizenship and the Court of Justice: something new under the sun? Towards social citizenship», in European Law Review 2002, p. 260 à 281, en particulier, p. 267: «The origin of the right of residence in national law, Community law or international law was irrelevant. In sum, the rights granted to workers by Regulations 1408/71 and 1612/68 are available to all Union citizens lawfully resident in the host Member State. It follows that the Court’s ruling in Lair and Lebon are old history.»; Whelan, A., in Revue des affaires européennes 1999, p. 228 à 238, en particulier p. 232: «[...] the Court appears to have considerably enhanced the position of job‑seekers [...]».


22
Arrêts du 12 septembre 1996, Commission/Belgique (C‑278/94, Rec. p. I‑4307, point 40) ; et du 11 juillet 2002, D’Hoop (C‑224/98, Rec. p. I‑6191, point 18). Castro Oliveira, Á.: «Workers and other persons: step‑by‑step from movement to citizenship - Case Law 1995‑2001» in Common Market Law Review 39, p. 77 à 127, en particulier, p. 95: «Unemployment policy is not as such within the scope of EC law. At least not yet. The relatively vague and non‑binding character of the coordination measures adopted in the field of employment policy, pursuant to the new provisions introduced by the Amsterdam Treaty, confirms this assertion. This case [C‑278/94] is a good example of the moderate character of the Court’s case law on free movement of workers. The Court is not willing to impose on a Member State the duty to finance the integration in its labour market of unemployed EU citizens (or their children) who are resident in another Member State».


23
Le litige au principal s’est terminé par un désistement. Voir la base «Décisions nationales» de la Cour, dossier QP/03161‑P1.


24
Voir l’arrêt du 20 février 1997, Commission/Belgique (C‑344/95, Rec. p. I‑1035), dans lequel ledit État a fait l’objet d’une constatation de manquement pour avoir délivré, pendant les six premiers mois de leur séjour, aux travailleurs salariés qui occupaient, sur son territoire, un emploi d’une durée d’au moins un an deux attestations d’immatriculation successives, au lieu de la carte de séjour, et pour avoir fourni aux travailleurs dont la durée prévue de leur activité ne dépasse pas trois mois un document relatif à leur séjour, moyennant le paiement d’une taxe.


25
Arrêt du 3 juin 1986, Kempf (139/85, Rec. p. 1741, point 13).


26
Arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, Rec. p. I‑745, points 11 à 13).


27
Dans l’arrêt du 20 février 1997, Commission/Belgique, précité, cet État membre a été condamné pour manquement au motif qu’il obligeait les ressortissants des autres États membres à la recherche d’un emploi à quitter automatiquement le territoire national au terme d’un délai de trois mois.


28
Arrêt Antonissen, précité, point 21.


29
Toutefois, tant dans ses observations écrites que dans ses observations orales, le représentant de M. Collins a insisté sur le fait que la volonté de son client de s’établir au Royaume‑Uni pour y exercer une activité indépendante lui donnait le droit de résider dans cet État, en vertu de la directive 73/148. À ma demande, l’avocat a indiqué que, dans ce cas également, son client aurait pu prétendre à la prestation en cause, car le versement de celle‑ci n’est pas limité aux demandeurs d’emploi salarié.


30
Arrêts du 4 novembre 1997, Snares (C‑20/96, Rec. p. I‑6057, point 32) ; du 11 juin 1998, Partridge (C‑297/96, Rec. p. I‑3467, point 33) ; et du 25 février 1999, Swaddling (C‑90/97, Rec. p. I‑1075, point 24).


31
Avec l’adoption de cette disposition en 1992, aux termes du règlement (CEE) n° 1247/92 du Conseil, du 30 avril 1992, modifiant le règlement n° 1408/71 (JO L 136, p. 1), le législateur communautaire a introduit une exception au principe général énoncé à l’article 10, qui interdit de subordonner l’octroi des prestations de sécurité sociale aux travailleurs migrants à une condition de résidence dans l’État membre concerné. Au point 49 de l’arrêt Snares, précité, la Cour a confirmé que le régime de coordination mis en place en 1992 ne contrevenait pas à l’article 42 CE.


32
Le Social Security Commissioner ne fournit aucune indication sur la durée de la période qui est exigée de M. Collins. À l’audience, l’agent du Royaume‑Uni a indiqué que la période exigée pouvait varier dans chaque cas concret, car les autorités examinent la situation personnelle et familiale du demandeur ainsi que les liens qui l’unissent au pays. Selon ce qui ressort du point 17 de l’arrêt Swaddling, précité, les autorités du Royaume‑Uni ont considéré qu’un ressortissant britannique qui avait regagné son pays après avoir travaillé pendant plusieurs années en France et qui avait réclamé le versement d’une prestation aux caractéristiques semblables à celles de l’allocation de recherche d’emploi fondée sur les ressources, était devenu résident habituel au Royaume‑Uni après huit semaines de séjour.


33
Fries, S. et Shaw, J.: «Citizenship of the Union: First Steps in the European Court of Justice» in European Public Law 1988, p. 533 à 559, en particulier p. 550 et 551: «Since 1994, the UK has applied an “habitual residence” test, to restrict a previous entitlement on the part of workseekers coming to the UK from other EU Member States to draw the basic subsistence‑level non‑contributory benefit, income support, for at least six months; the policy objective behind the change is to stop the hated “benefit tourism”. The position of the UK is now - having previously been more generous - as it was envisaged in Lebon, [...] In other words, no benefits are given to those falling outside the scope of the equal treatment principle as circumscribed by Lebon - whatever their residence rights.».


34
Arrêt Swaddling, précité, points 28 à 30. L’agent du Royaume‑Uni a soutenu à l’audience que même cette procédure, flexible à l’extrême, imaginée par la Cour pour déterminer si le demandeur de la prestation réside dans l’État membre, est susceptible de bénéficier aux nationaux, qui rempliront plus facilement les conditions applicables que les ressortissants des autres États membres.


35
Le représentant de M. Collins a confirmé, à l’audience, que son client n’avait pas d’attaches familiales au Royaume‑Uni et que, pendant cette période, il s’était rendu dans ce pays à quatre occasions dans l’intention de rendre visite à des amis, la durée du séjour le plus long ayant été d’une semaine.


36
Arrêts du 24 mars 1994, Van Poucke (C‑71/93, Rec. p. I‑1101, point 25) ; du 30 janvier 1997, De Jaeck (C‑340/94, Rec. p. I‑461, point 36) ; et Martínez Sala, précité, point 44.


37
Arrêt du 15 janvier 2002, Gottardo (C‑55/00, Rec. p. I‑413, point 21).


38
Arrêts du 29 février 1996, Skanavi et Chryssanthakopoulos (C‑193/94, Rec. p. I‑929, point 20) ; du 25 juin 1997, Mora Romero (C‑131/96, Rec. p. I‑3659, point 10) ; et du 26 novembre 2002, Oteiza Olazabal (C‑100/01, Rec. p. I‑10981, point 25).


39
Arrêts du 28 juin 1978, Kenny (1/78, Rec. p. 1489, point 9) ; et du 12 mai 1998, Gilly (C‑336/96, Rec. p. I‑2793, point 38).


40
Arrêt Oteiza Olazabal, précité, point 26.


41
Arrêt du 17 septembre 2002, Baumbast et R (C‑413/99, Rec. p. I‑7091, points 84 à 86).


42
Les facultés dont disposent les États membres pour l’application de ces limitations ont été réglementées par la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique (JO 1964, 56, p. 850).


43
Arrêts du 9 juillet 1980, Gravina (807/79, Rec. p. 2205, point 7) ; du 15 janvier 1986, Pinna (41/84, Rec. p. 1, point 20) ; du 27 septembre 1988, Lenoir (313/86, Rec. p. 5391, point 13) ; et du 8 mars 2001, Commission/Allemagne (C‑68/99, Rec. p. I‑1865, point 22).


44
Lhernould, J.-P.: «L’accès aux prestations sociales des citoyens de l’Union Européenne» in Droit Social 2001, p. 1103 à 1107, en particulier p. 1107: «Élargir indirectement à travers la citoyenneté de l’Union le champ des bénéficiaires des avantages sociaux reviendrait [...] à admettre que le contenu d’un texte de droit dérivé, pourtant explicite et de surcroît conforme à l’ex‑article 48 du traité CE (art. 39 CE) dédié à la libre circulation des travailleurs, soit détourné par le recours à d’autres dispositions de droit primaire. On notera aussi que cette évolution affecterait profondément le sens de la définition des avantages sociaux, fondée sur un lien entre le bénéficiaire et l’exercice d’une activité professionnelle présente ou passée».


45
Lhernould, J.-P., op. cit., p. 1107: «[...] il convient de se demander si des personnes qui réclameraient des prestations de sécurité sociale au sens du règlement 1408/71 [...] ne pourraient pas bénéficier de l’égalité de traitement [...] en qualité de citoyens de l’Union résidant légalement sur le territoire d’un État membre [...]. La définition du champ personnel des bénéficiaires [...] serait à nouveau bousculée. Le droit à certaines prestations (quel que soit le risque concerné - chômage, maladie, vieillesse ...), qui serait refusé à certains demandeurs sur le fondement des règles de coordination, pourrait ainsi être rétabli par le recours à la qualité de citoyen de l’Union [...]».


46
Arrêt Baumbast et R, précité, point 81.


47
Directive du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (JO L 180, p. 26).


48
Directive du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour des travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité professionnelle (JO L 180, p. 28).


49
Directive du Conseil, du 29 octobre 1993, relative au droit de séjour des étudiants (JO L 317, p. 59). Ce texte a remplacé la directive 90/366/CEE du Conseil, du 28 juin 1990 (JO L 180, p. 30), qui avait le même objet et qui avait été annulée par la Cour dans son arrêt du 7 juillet 1992, Parlement/Conseil (C‑295/90, Rec. p. I‑4193) au motif qu’elle reposait sur une base juridique erronée. La Cour avait décidé de maintenir provisoirement en vigueur les effets de la directive annulée jusqu’à ce que le Conseil la remplace par une directive adoptée sur la base juridique appropriée.


50
Tomuschat, C., in Common Market Law Review 2000, p. 449 à 457, en particulier p. 454: «It is not without reason that the three directives which have extended freedom of movement to all other citizens of the Union [...] have set forth that the groups of persons concerned may rely on that freedom only if they have adequate financial resources and are covered by sickness insurance. These conditions and limitations have been constitutionalized by Article 18. They indicate that Member States have not been willing to admit foreigners on their territory who, although they are citizens of the Union, may become a burden on the public welfare systems of a receiving State».


51
Arrêt du 9 janvier 2003 (C‑257/00, Rec. p. I‑345).


52
Il s’agissait de ressortissants indiens membres de la famille d’un travailleur de nationalité portugaise qui était décédé au Royaume‑Uni. L’arrêt n’opère pas de distinction, toutefois, selon que les membres de la famille sont ressortissants communautaires ou ressortissants de pays tiers.


53
Fries, S. et Shaw, J., op. cit. p. 552: «In fact, by employing a novel combination of the principles of ratione materiae and ratione personae to bring the type of humanitarian issue which Martínez Sala itself in reality involves, the ECJ has ended up also restricting another freedom which the Member States still thought they had: to identify, define and deal with a mischief conventionally known as “benefit tourism”». Jacqueson, C., op. cit., p. 267: «The [Martínez] Sala ruling entrenched “something close to a universal non‑discrimination right including access to all welfare benefits ... as a consequence of the creation of the figure of the Union citizen”. Thereby the Court removed an important barrier to what has been called “welfare tourism”» et à la p. 277: «Therefore, it seems that as long as they are lawfully residing in the host State, they can claim all advantages granted to workers by Community law, relying either on their status as worker [...] or, at least, on their status of citizens of the Union according to the [Martínez] Sala ruling.»; Whelan, A., op. cit., p. 232: «[...] constitutes a considerable broadening of the rights of free movement of the unemployed which, combined with Regulation No 1612/68, could substantially reduce the effect of the restrictive conditions for residence rights under Directive 90/364/EEC by enabling those who are genuinely, if fruitlessly, seeking work to have recourse in the host State to social advantages such as a minimum subsistence allowance without fear of deportation». À contre‑courant de cette tendance, Tomuschat, C., op. cit., p. 453: «The non‑discrimination clause of article 12 constitutes an instrument designed to strengthen the legal position of a citizen of the Union who, by virtue of the EC Treaty, lawfully resides or stays in a country of the Union outside his or her State of nationality. [...] There is, possibly, just one field where equality may be lacking, namely where financial benefits are at stake».


54
Je suis quelque peu perplexe de constater que la Commission soutient, en réponse à la première question, que M. Collins, en tant que personne se déplaçant pour trouver un emploi, n’est pas en droit de percevoir un avantage social comme l’allocation de recherche d’emploi fondée sur les ressources, alors que, dans son analyse de la troisième question, elle considère que ce droit doit lui être reconnu parce que l’accès à une prestation répondant à ces caractéristiques est suffisamment lié à l’exercice du droit à la libre circulation pour relever du champ d’application matériel du droit communautaire.


55
Précité.


56
Arrêt du 20 septembre 2001 (C‑184/99, Rec. p. I‑6193, point 46).


57
Kessler, F.: «Conditions d’attribution d’un revenu minimum à un étudiant européen» in Revue de jurisprudence sociale 2002, p. 11 à 13, en particulier p. 12: «[…] la Cour s’oblige [...] à des contorsions juridiques et notamment à des déductions a contrario des silences de l’article 3 de la directive 93/96, afin de faire entrer le cas soumis dans le champ d’application de la règle de non‑discrimination».


58
Ibidem, points 38 et 42.


59
Kessler, F., op. cit., p. 13: «[…] la Cour en fait trop: à force de vouloir à tout prix imposer une égalité de traitement sur la base des dispositions du traité relatives à la citoyenneté européenne, la cohérence de son raisonnement en souffre»; Martin, D.: «A Big Step Forward for Union Citizens, but a Step Backwards for Legal Coherence» in European Journal of Migration and Law 2002, volume 4, p. 136 à 144, en particulier p. 139: «[...] the Grzelczyk judgment can already be pinpointed as a landmark judgment, the conclusion of which is likely to please European Union citizens willing to exercise their right to free movement, and as likely to greatly displease most Member States. Whatever his/her personal feeling as to the conclusion reached by the Court, the lawyer’s reaction might be of some perplexity as to the reasoning used».


60
Ibidem, points 29 et 43 à 45.


61
Toutefois, l’agent de la Commission a affirmé, à l’audience, en réponse à la question que je lui ai posée, que les travailleurs qui, en application de l’article 69 du règlement n° 1408/71, ont le droit de se rendre dans d’autres États membres pour chercher un emploi en y percevant, pendant trois mois au plus, les prestations de chômage, pourraient solliciter, au Royaume‑Uni, le versement de la différence entre le montant de celles‑ci et celui de la prestation litigieuse, s’il était plus élevé.


62
COM (2001) 257 final ‑ 2001/0111 (COD). JO 2001, C 270 E, p. 150.


63
Point 5 de l’exposé des motifs.


64
Martin, D., op. cit., p. 143: «If this provision is adopted without modification, it will mean that after the entry into force of the directive “another Mr. Grzelczyk” will legally be deprived, in the same factual situation, of the benefit of this judgment».


65
Sur la page Internet du Conseil consacrée à la procédure de codécision (www.consilium.eu.int/codec/fr/index.htm), il est indiqué que la Commission présentera une proposition modifiée à la suite de la première lecture du Parlement européen. La présidence grecque espérait obtenir un accord politique au Conseil du 19 mai 2003, mais cet accord n’a, semble‑t‑il, pas encore été trouvé.


66
Bonnechère, M.: «Citoyenneté européenne et Europe sociale» in Europe, juillet 2002, p. 6 à 10, en particulier p. 8: «La doctrine s’est interrogée sur l’apparente dissociation de la citoyenneté et de la nationalité dans le traité de Maastricht: la citoyenneté européenne se définit par rapport à un cadre de référence supranational [...], mais les citoyens de l’Union européenne établis dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants demeurent dans une situation spécifique (obligation de solliciter un titre de séjour, exposition à des mesures d’éloignement pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, droit de vote limité au niveau municipal, absence d’accès aux emplois comportant une “participation directe ou indirecte à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde de l’État ou des autres collectivités publiques”)».


67
Arrêt Baumbast et R, précité, points 90 et 91.


68
Précité.


69
Ibidem, points 33 à 35.


70
Ibidem, points 38 et 39.


71
Précité, points 92 et 93.


72
Closa, C.: «The Concept of Citizenship in the Treaty on European Union» in Common Market Law Review 1992, p. 1137 à 1169, en particulier p. 1162: «Two provisions of this article [18 CE, § 2] are relevant. Firstly, these are not unlimited rights [...] Secondly, the remission to secondary legislation is based on a preoccupation to ensure an equitable distribution of charges particularly regarding social protection. This reflected the fears of eventual pressures on the more generous social systems which appeared in the wording of the initial draft. Although this reference was eliminated afterwards, this concern underlies the final wording»; et Tomuschat, C., op. cit., p. 455: «Social welfare benefits are indeed the crux of the matter, benefits which have not been earned by the claimant on account of his or her participation in the collective work process of a given society, albeit sometimes under a tenuous linkage [...] A person who is not actively involved in economic life must take care of his or her vital necessities in a manner congruent with taking his or her own responsability, without enjoying the right to rely on public funds of the State of residence. In this regard, the Treaty itself establishes that non‑discrimination does not apply».