Language of document : ECLI:EU:C:2020:426

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 4 juin 2020 (1)

Affaire C823/18 P

Commission européenne

contre

GEA Group AG

« Pourvoi – Ententes – Stabilisants thermiques – Annulation de la décision modifiant l’amende fixée dans la décision initiale de constatation de l’infraction – Application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires à l’une des entités composant l’entreprise – Incidence sur la responsabilité solidaire pour le paiement de l’amende – Notion d’“entreprise” – Date d’exigibilité de l’amende en cas de modification »






1.        Par le pourvoi qui fait l’objet des présentes conclusions, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 18 octobre 2018, GEA Group/Commission (2) (ci-après l’« arrêt attaqué »).

I.      Antécédents du litige

2.        GEA Group AG (ci‑après « GEA ») est issue de la fusion, en 2005, de Metallgesellschaft AG (ci‑après « MG ») et d’une autre société. MG était la société faîtière détenant, avant l’année 2000, directement ou par le biais de filiales, Chemson Gesellschaft für Polymer-Additive mbH (ci‑après « OCG ») et Polymer-Additive Produktions- und Vertriebs GmbH (ci‑après « OCA »). Le 17 mai 2000, MG a cédé OCG, qui a été renommée Aachener Chemische Werke Gesellschaft für glastechnische Produkte und Verfahren mbH (ci‑après « ACW »). Après sa dissolution au mois de mai 2000, les activités d’OCA ont été reprises par une société dénommée, à partir du 30 août 2000, Chemson Polymer-Additive AG (ci‑après « CPA »), qui n’appartient plus à ce jour au groupe dont GEA était la société faîtière.

3.        Par décision du 11 novembre 2009 (ci‑après la « décision de 2009 »), la Commission a considéré qu’un certain nombre d’entreprises avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à deux ensembles d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels couvrant le territoire de l’EEE et concernant, d’une part, le secteur des stabilisants étain et, d’autre part, le secteur de l’huile de soja époxydée et des esters (ci‑après le « secteur ESBO/esters ») (3).

4.        À l’article 1er, paragraphe 2, sous k), de la décision de 2009, GEA a été tenue pour responsable au titre des infractions commises sur le marché du secteur ESBO/esters du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000. Sa responsabilité a été retenue pour l’ensemble de la période infractionnelle en tant que successeur de MG, d’une part, pour l’infraction commise par OCG du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000 et, d’autre part, pour l’infraction commise par OCA du 13 mars 1997 au 17 mai 2000. ACW a été sanctionnée, en tant que successeur d’OCG, pour l’infraction commise par cette dernière durant l’intégralité de la période infractionnelle, c’est-à-dire du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000 et, pour l’infraction commise par OCA, du 30 septembre 1999 au 17 mai 2000, lorsque les parts de cette dernière étaient détenues à 100 % par OCG [article 1er, paragraphe 2, sous m), de la décision de 2009]. En tant que successeur d’OCA, CPA a été sanctionnée, d’une part, pour l’infraction commise par OCA du 13 mars 1997 au 17 mai 2000 et, d’autre part, pour l’infraction commise par OCG du 30 septembre 1995 au 30 septembre 1999, lorsque les parts de cette dernière étaient détenues à 100 % par OCA [article 1er, paragraphe 2, sous l), de la décision de 2009].

5.        Aux termes de l’article 2, deuxième alinéa, points 31 et 32, de la décision de 2009 :

« Pour l’/(les) infraction(s) sur le [secteur ESBO/esters], les amendes suivantes sont infligées :

31)      [GEA], [ACW] et [CPA] sont […] solidairement responsables pour le montant de 1 913 971 [euros] ;

32)      [GEA] et [ACW] sont […] solidairement responsables pour le montant de 1 432 229 [euros]. »

6.        GEA a attaqué la décision de 2009 devant le Tribunal. Ce dernier a rejeté le recours par arrêt du 15 juillet 2015, GEA Group/Commission (4).

7.        Le 15 décembre 2009, ACW qui, au moment de l’adoption de la décision de 2009, n’était plus une filiale de GEA, a attiré l’attention de la Commission sur le fait que l’amende qui lui avait été infligée par la décision de 2009 dépassait le plafond de 10 % de son chiffre d’affaires prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 (5).

8.        Le 8 février 2010, la Commission a adopté une décision modifiant la décision de 2009 (6) (ci‑après la « décision de 2010 »). Elle a considéré que l’amende à laquelle ACW avait été condamnée, solidairement, d’une part avec GEA et CPA et, d’autre part avec GEA, dépassait le plafond de 10 %, de sorte qu’il y avait lieu de modifier la décision de 2009 (voir point 2 de la décision de 2010). La Commission y a également précisé que le montant de l’amende imposée à GEA et à CPA demeurait inchangé, mais que celui de l’amende infligée à ACW devait être réduit et que la décision de 2010 n’avait aucune incidence sur les autres destinataires de la décision de 2009. L’article 1er de la décision de 2010 a modifié l’article 2, deuxième alinéa, de la décision de 2009, comme suit :

« L’article 2, [point] 31), est remplacé par le texte suivant :

“31 a)      [GEA], [ACW] et [CPA] sont [solidairement] responsables pour le montant de 1 086 129 [euros] ;

31 b)      [GEA] et [CPA] sont [solidairement] responsables pour le montant de 827 842 [euros].”

L’article 2, [point] 32), est remplacé par le texte suivant :

“32)      [GEA] est responsable pour le montant de 1 432 229 [euros]”. »

9.        À la suite du recours introduit par GEA, par arrêt du 15 juillet 2015, GEA Group/Commission (7), le Tribunal a annulé la décision de 2010 pour autant qu’elle concernait la requérante. Le Tribunal a considéré que la Commission avait violé les droits de la défense de GEA en adoptant la décision de 2010 sans la mettre en mesure de présenter ses observations.

10.      Par lettre du 5 février 2016, la Commission a informé GEA de son intention d’adopter une nouvelle décision et l’a invitée, avec ACW et CPA, à présenter ses observations écrites. GEA a transmis ses observations écrites à la Commission le 24 mars 2016. Par lettre du 2 mai 2016, la Commission a répondu aux observations de la requérante.

11.      Le 29 juin 2016, la Commission a adopté une deuxième décision modifiant la décision de 2009 (8) (ci‑après « la décision litigieuse »). L’article 1er de cette décision a repris sans les modifier les termes de l’article 1er de la décision de 2010. L’article 2 de la décision litigieuse a fixé la date d’exigibilité des amendes au 10 mai 2010.

II.    La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12.      Le 8 septembre 2016, GEA a introduit un recours contre la décision litigieuse. Par ce recours, elle a demandé au Tribunal, à titre principal, d’annuler cette décision et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l’amende et de fixer une nouvelle date, postérieure à l’adoption de la décision litigieuse, pour le paiement et pour la fixation du point de départ des intérêts de retard.

13.      À l’appui de son recours, GEA a invoqué cinq moyens. Par son premier moyen, elle a fait valoir une violation des règles de prescription, par le deuxième, une violation de l’article 266 TFUE et des droits de la défense, par le troisième, la violation de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003, par le quatrième, une violation du principe d’égalité de traitement et, par le cinquième, un excès de pouvoir et un défaut de motivation. La Commission a excipé de l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir de GEA.

14.      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a tout d’abord rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission. À cet égard, il a jugé, d’une part, que la décision de 2010, annulée par la suite, et la décision litigieuse étaient intervenues sur la détermination des rapports externes de solidarité entre GEA, ACW et CPA, en modifiant ainsi leur situation juridique et, d’autre part, que le recours aurait pu conduire à une répartition du montant des amendes infligées à GEA plus favorable pour cette dernière (9).

15.      Sur le fond, le Tribunal a examiné, en premier lieu, le quatrième moyen de recours, dirigé contre l’article 1er de la décision litigieuse et tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, et l’a accueilli (10). En second lieu, le Tribunal a examiné la première branche du cinquième moyen de recours, relative à un excès de pouvoir qui entachait prétendument l’article 2 de la décision litigieuse, par lequel la Commission avait fixé au 10 mai 2010 la date d’exigibilité des amendes infligées à GEA, à ACW et à CPA. Ce grief a également été considéré comme fondé par le Tribunal, qui a donc annulé la décision dans son intégralité et condamné la Commission aux dépens.

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

16.      Par acte déposé au greffe de la Cour le 27 décembre 2018, la Commission a introduit le pourvoi qui fait l’objet des présentes conclusions. La procédure écrite a fait l’objet d’un double échange de mémoires. La Cour a posé aux parties des questions pour réponse écrite. Les parties y ont répondu dans le délai imparti. Les parties ont été entendues en leurs observations orales lors de l’audience qui s’est tenue devant la Cour le 5 février 2020.

17.      Dans son pourvoi, la Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner GEA à l’intégralité des dépens de la procédure devant la Cour et de la procédure en première instance. GEA demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission aux dépens.

IV.    Analyse

A.      Sur la recevabilité

1.      Argumentation des parties

18.      GEA excipe de l’irrecevabilité du pourvoi pour défaut d’intérêt à agir de la Commission. Elle estime que, même si la Cour devait accueillir le pourvoi, la Commission ne serait plus en droit de demander le paiement de l’amende. D’une part, la décision de 2009 ne constituerait pas une base juridique valable à cette fin puisque, dans cette décision, la détermination tant de l’amende que de la responsabilité solidaire d’ACW, de CPA et de GEA était erronée. D’autre part, le délai légal de dix ans, prévu à l’article 25, paragraphe 5, du règlement no 1/2003, pour la fixation de l’amende aurait expiré avant l’adoption de la décision litigieuse (11).

19.      La Commission réplique que l’exception invoquée par GEA doit être rejetée comme irrecevable en ce que celle‑ci soulève des motifs d’illégalité de l’arrêt attaqué dans le mémoire en réponse et non dans le cadre d’un pourvoi autonome ou incident, contrairement à ce que prévoit l’article 174 du règlement de procédure de la Cour. Sur le fond, la Commission soutient qu’elle a intérêt à agir contre l’arrêt attaqué, dans la mesure où par cet arrêt, le Tribunal a annulé une décision produisant des effets juridiques pour les entreprises destinataires et a formulé des conclusions erronées sur la responsabilité solidaire et le pouvoir de la Commission de fixer la date d’exigibilité des amendes.

2.      Analyse

20.      Il est de jurisprudence constante que l’existence d’un intérêt à agir du requérant suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (12).

21.      GEA considère en premier lieu que, puisque le pouvoir de la Commission d’infliger une amende était caduc au moment où la décision litigieuse a été adoptée, le succès éventuel du pourvoi ne procurerait aucun bénéfice à la Commission (13). À cet égard, je relève que, même en admettant que, comme le soutient GEA, la décision litigieuse ait été adoptée après expiration du délai de dix ans prévu à l’article 25, paragraphe 5, du règlement no 1/2003, une telle circonstance ne permet pas, en soi, de conclure à la prescription. En effet, en vertu de cette disposition, la prescription en matière d’imposition d’amendes est acquise au plus tard à l’expiration d’un délai de dix ans à compter du jour où l’infraction a pris fin « sans que la Commission ait prononcé une amende ». Or, en l’espèce, il est constant que GEA a été sanctionnée pour l’infraction commise dans le marché du secteur ESBO/esters par la décision de 2009, adoptée dans le délai de dix ans prévu à l’article 25, paragraphe 5, du règlement no 1/2003. Le fait que le montant maximal de la sanction infligée ait été mal déterminé pour l’une des entités qui composaient l’entreprise responsable de l’infraction, en ce que le plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 a été dépassé et que, pour ce motif, la Commission ait décidé de modifier le dispositif de cette décision pour corriger cette erreur n’a aucune incidence sur le moment où le pouvoir de sanction de la Commission a été exercé aux fins de l’application du délai de prescription (14). En effet, ni la décision de 2010 ni la décision litigieuse n’ont modifié la décision de la Commission, figurant dans la décision de 2009 et prise conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, d’infliger une amende à l’entreprise constituée par ACW, CPA et GEA (15), et elles n’ont pas non plus modifié le montant de l’amende infligée à GEA, mais elles ont uniquement réduit le montant à hauteur duquel ACW pouvait être considérée comme responsable, en redéfinissant les rapports de responsabilité solidaire et exclusive entre les trois entités en cause. La décision litigieuse ne pouvant donc pas être considérée comme une nouvelle décision d’infliger une amende, l’argumentation de GEA selon laquelle l’annulation de l’arrêt attaqué et le rétablissement de cette décision ne procureraient aucun bénéfice à la Commission en raison de la prescription acquise, dans la mesure où elle repose sur une prémisse erronée, doit être rejetée.

22.      En deuxième lieu, GEA fait valoir que, dans la mesure où l’arrêt attaqué « revivifierait » à son égard le dispositif de la décision de 2009, tel que modifié, en ce qui concerne CPA et ACW, par la décision de 2010, et dans la mesure où la Commission estime que la décision de 2009 constitue à elle seule le fondement juridique de l’amende infligée à GEA, cette institution n’aurait aucun intérêt à demander l’annulation de l’arrêt attaqué. Cet argument également doit être rejeté. À cet égard, il suffit de relever que l’annulation de l’arrêt attaqué rétablirait la décision litigieuse, par laquelle la Commission, en modifiant la décision de 2009, a, d’une part, redéfini la responsabilité solidaire et exclusive de GEA pour l’amende infligée à cette société, à CPA et à ACW, à la suite de la réduction de l’amende de cette dernière et de la décision de 2010, annulée uniquement à l’égard de GEA et a, d’autre part, fixé une nouvelle date d’exigibilité de l’amende de GEA, en l’alignant sur la date déjà applicable à CPA et ACW en vertu de la décision de 2010. Or, indépendamment de toute autre considération, la décision litigieuse poursuit principalement des objectifs de sécurité juridique et de bonne administration. On ne saurait donc nier que la Commission a un intérêt à agir contre l’arrêt par lequel l’annulation de cette décision a été prononcée.

23.      Enfin, il ressort du dossier que, le 22 juillet 2016, en exécution de la décision litigieuse et à titre provisoire, alors que le recours devant le Tribunal contre cette décision était pendant, GEA a payé les montants correspondant à l’amende qui lui avait été infligée. Après l’annulation de la décision litigieuse par l’arrêt attaqué, GEA a réclamé à la Commission le remboursement de ces montants, qui lui a toutefois été refusé. GEA a, dès lors, attaqué la décision par laquelle la Commission avait rejeté sa demande (16), en faisant valoir, d’une part, que, en vertu de l’article 266 TFUE, cette institution est tenue d’exécuter l’arrêt attaqué, en restituant les sommes versées pour se conformer à la décision litigieuse et, d’autre part, que, en refusant le remboursement, la Commission continue de facto à appliquer cette décision, bien qu’elle ait été annulée par le Tribunal. Or, dans l’hypothèse où la Cour annulerait l’arrêt attaqué, la décision litigeuse recommencerait à produire des effets juridiques, et ferait ainsi disparaître le fondement factuel et juridique du recours de GEA. Sur ce point également, la Commission a donc un intérêt à agir contre l’arrêt attaqué.

24.      Pour les motifs exposés ci‑dessus, j’estime que l’exception d’irrecevabilité du pourvoi pour défaut d’intérêt à agir de la Commission soulevée par GEA doit être rejetée comme non fondée.

B.      Sur le fond

25.      La Commission soulève deux moyens à l’appui de son pourvoi. Par son premier moyen, elle fait valoir que le Tribunal n’a pas correctement appliqué le principe d’égalité de traitement et qu’il a méconnu la jurisprudence relative à la notion d’« entreprise », à la responsabilité solidaire et aux conséquences d’une réduction d’amende accordée à une filiale. Par son deuxième moyen, elle reproche au Tribunal d’avoir considéré à tort que le délai de paiement d’une amende recommence à courir, pour toutes les entités juridiques d’une entreprise solidairement responsable, à compter de la notification d’une décision modificative réduisant l’amende pour une seule d’entre elles.

1.      Sur le premier moyen de pourvoi

a)      L’arrêt attaqué

26.      Le premier moyen du pourvoi est dirigé contre les points 106 à 111 de l’arrêt attaqué.

27.      Après avoir rappelé, au point 105 de cet arrêt que, selon la thèse défendue par GEA, la Commission aurait pu répartir différemment entre les codébiteurs solidaires, à savoir GEA elle‑même, ACW et CPA, la réduction de la partie de l’amende au paiement de laquelle ACW était initialement tenue, le Tribunal a, au point 106, affirmé que « dans la mesure où l’égalité de traitement doit se vérifier en tenant compte non seulement de l’amende infligée solidairement [à ACW, à CPA et à GEA], mais aussi de l’amende infligée solidairement [à ACW et à GEA], il y a lieu de considérer que, en l’espèce, la Commission n’a pas respecté ses obligations en vertu du principe d’égalité de traitement ». Selon le Tribunal, d’une part, GEA et CPA étaient dans une situation analogue, en ce sens qu’elles étaient toutes les deux des sociétés solidairement tenues au paiement d’une amende avec ACW (17). D’autre part, la Commission « aurait assurément pu déterminer différemment la part de l’amende au paiement de laquelle [ACW et GEA] demeuraient solidairement tenues, afin de limiter la part de l’amende dont cette dernière pouvait être seule redevable » (18), en répartissant la réduction du montant de l’amende d’ACW « de manière proportionnelle dans les deux rapports de solidarité en cause » (19). De cette manière, d’une part « le montant total des amendes dont ACW pouvait être redevable à l’égard de la Commission n’aurait pas excédé 10 % de son chiffre d’affaires et, d’autre part, cette réduction aurait été équitablement répartie entre l’amende infligée solidairement à ACW et à [GEA] et l’amende infligée solidairement à [GEA], à ACW et à CPA ». Au point 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a donc conclu que, en imputant la réduction du montant de l’amende en faveur d’ACW uniquement sur l’amende infligée solidairement à la requérante, à CPA et à ACW, la Commission avait violé le principe d’égalité de traitement, sans aucune justification objective.

b)      Argumentation des parties

28.      La Commission reproche au Tribunal d’avoir suivi, aux points 106 à 111 de l’arrêt attaqué, un raisonnement insuffisant et contradictoire. En particulier, selon la Commission, ni l’objet de la répartition entre les deux rapports de solidarité suggérée par le Tribunal au point 109 de l’arrêt attaqué (qu’il s’agisse du montant de la réduction de l’amende accordée à ACW ou du montant de l’amende réduite) ni la manière dont cette répartition devait être effectuée n’apparaissent clairement.

29.      Dans la mesure où cet arrêt reproche à la Commission de ne pas avoir réduit la partie de l’amende qui relève de la responsabilité exclusive de GEA, en limitant la responsabilité solidaire de GEA, CPA et ACW à la partie de l’amende commune à ces entités, la Commission relève qu’une telle répartition aurait été contraire aux notions d’« entreprise » et de « responsabilité solidaire ». Selon la Commission, de fait, en adoptant un raisonnement analogue à la théorie de la répartition interne de la responsabilité solidaire, élaborée par le Tribunal dans l’arrêt du 3 mars 2011, Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission (20) (ci‑après l’« arrêt Siemens du Tribunal »), laquelle a été rejetée par la Cour dans les arrêts du 10 avril 2014, Commission/Siemens Österreich e.a. (21) (ci‑après l’« arrêt Siemens de la Cour »), et du 10 avril 2014, Areva/Commission (22) (ci‑après l’« arrêt Areva »), le Tribunal recommande la suppression de la relation externe de solidarité entre des entités appartenant à la même entreprise en ce qui concerne certaines parties de l’amende. La Commission souligne que, dans la décision de 2009, elle a appliqué la règle qu’elle suit dans tous les cas où des entités juridiques appartenant à la même entreprise sont sanctionnées par des amendes de niveaux différents, et qui consiste à tenir ces entités pour solidairement responsables à concurrence du niveau de l’amende la moins élevée.

30.      La Commission fait également valoir que, en séparant artificiellement deux groupes d’entités solidairement responsables et en appliquant à ces entités le principe d’égalité de traitement, le Tribunal a traité les entités appartenant à une même unité économique comme des entreprises différentes. Or, d’une part, dans les affaires de concurrence, ce principe ne trouve normalement à s’appliquer qu’entre entreprises distinctes, condamnées pour la même infraction dans le cadre de la même décision. D’autre part, le Tribunal aurait lui‑même enfreint ledit principe en traitant différemment des situations comparables, en ce qu’il a annulé la responsabilité solidaire de GEA, de CPA et d’ACW pour une partie de l’amende infligée.

31.      En reprochant à la Commission de ne pas avoir réduit la partie de l’amende qui pouvait relever de la responsabilité exclusive de GEA, le Tribunal aurait en outre enfreint le principe, confirmé par la Cour dans l’arrêt du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission (23) (ci‑après l’« arrêt Kendrion »), selon lequel une réduction d’amende accordée à une entité appartenant à une entreprise, en raison de circonstances s’appliquant individuellement à cette entité, n’a aucune incidence sur l’amende ou la responsabilité des autres entités juridiques composant l’entreprise.

32.      La Commission explique, en outre, que le montant maximal de l’amende au paiement duquel chaque société était solidairement tenue ne correspond pas à une période donnée de participation à l’infraction et que la décision litigieuse n’a pas modifié l’imputation de la responsabilité à GEA, à CPA et à ACW qui ressort de la décision de 2009. Dans sa réplique, dans ses réponses aux questions écrites posées par la Cour et lors de l’audience, la Commission a particulièrement insisté sur le fait que les points 31 et 32 de l’article 2 de la décision de 2009 « ne renvoient pas à des périodes spécifiques, mais fixent les différents montants maximaux de l’amende dont chacune des entités juridiques composant la même entreprise pouvait être tenue pour conjointement et solidairement responsable ». La répartition de l’amende serait due au fait que CPA a participé à l’infraction en tant qu’entité juridique faisant partie de deux entreprises différentes, GEA et Chemson. Le montant maximal de sa responsabilité en tant que filiale de GEA correspondrait à l’amende fixée au point 31 de l’article 2 de la décision de 2009, tandis que le point 32 correspondrait au reste de l’amende infligée au groupe GEA, dont seules GEA et ACW pouvaient être tenues pour responsables. L’amende infligée auxdits points 31 et 32 serait donc unique et aurait pour destinataire l’entreprise constituée par GEA et ses filiales, dans les différentes configurations dans lesquelles cette entreprise a participé à l’infraction.

33.      Par ailleurs, la Commission fait valoir que, étant donné le caractère définitif de la décision de 2010 à l’égard d’ACW et de CPA, elle ne pourrait pas modifier la responsabilité solidaire et exclusive de GEA sans réduire le montant de l’amende infligée à cette société. Une telle réduction serait toutefois contraire à l’arrêt Kendrion et remettrait en cause le caractère définitif de la décision de 2009, en tant que confirmée par le Tribunal.

34.      Enfin, la Commission fait valoir que le fait qu’il existe d’autres méthodes de répartition de la responsabilité solidaire que celle suivie par la Commission dans la décision litigieuse ne permet pas, à lui seul, de conclure, comme l’a fait le Tribunal, que cette décision est illégale. L’arrêt attaqué serait à cet égard insuffisamment motivé.

35.      GEA fait valoir que les allégations de la Commission sont fondées sur une compréhension erronée de l’arrêt attaqué. Tout d’abord, contrairement à ce que soutient la Commission, le Tribunal ne se serait pas fondé sur la « théorie de la répartition interne de la responsabilité solidaire », mais aurait uniquement appliqué le principe d’égalité de traitement, en considérant que CPA et GEA étaient dans une situation comparable, qu’elles avaient été traitées différemment et qu’il n’existait aucune justification pour une telle différence de traitement. Le Tribunal aurait donc uniquement pris en considération la responsabilité externe, à savoir le montant pour lequel la Commission peut tenir pour responsable solidairement ou exclusivement chaque entité destinataire de l’amende.

36.      GEA fait, en outre, valoir que, selon les constatations du Tribunal, qui ne peuvent être mises en cause dans le cadre d’un pourvoi, dans la décision de 2009, la Commission n’a pas fixé une seule amende, mais deux amendes distinctes pour deux groupes d’entités distincts conjointement et solidairement responsables et pour deux périodes d’infraction différentes. En effet, comme indiqué aux points 61 et 62 de l’arrêt attaqué, les points 31 et 32 de l’article 2 de la décision de 2009 se référeraient respectivement à la période allant du 30 septembre 1995 au 17 mai 2000 et à la période allant du 11 septembre 1991 au 29 septembre 1995. Cette répartition serait la conséquence du fait que CPA n’a participé à l’infraction que pour la période allant du 11 septembre 1991 au 29 septembre 1995. La Commission a toutefois appliqué la réduction de l’amende d’ACW comme s’il n’y avait qu’un seul rapport de solidarité entre cette société, CPA et GEA. La Commission aurait donc tort de considérer que, dans ces conditions, la notion d’« entreprise » exclut l’application en l’espèce du principe d’égalité de traitement. GEA rappelle que la Commission est tenue de respecter ce principe, en tant que principe général du droit de l’Union, reconnu par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, y compris lorsqu’elle exerce le pouvoir d’infliger des amendes en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, ce principe ne s’appliquerait pas seulement à des entreprises différentes mais également dans les relations entre des sociétés faisant partie de la même entreprise (24).

37.      Quant à l’allégation de la Commission relative à une prétendue violation de l’arrêt Kendrion par le Tribunal, GEA fait valoir que cet arrêt n’exclut pas que l’application du plafond de 10 % à une ancienne filiale ne puisse en aucun cas affecter la situation de la société mère, mais seulement que cette dernière ne puisse bénéficier du plafond applicable à l’ancienne filiale. Une éventuelle réduction de l’amende de GEA ne serait pas non plus en contradiction avec l’arrêt Kendrion, dans la mesure où elle ne constituerait pas une application à GEA du plafond de 10 % applicable à ACW, mais une application de ce plafond conforme au principe d’égalité de traitement.

c)      Analyse

38.      En premier lieu, il convient de rejeter le grief de la Commission tiré du caractère insuffisant et contradictoire de la motivation de l’arrêt attaqué. Cette motivation est, certes, concise, mais elle permet de comprendre le raisonnement du Tribunal, qui apparaît linéaire et dépourvu de contradictions. Il me semble en effet suffisamment clair que, aux points 106 à 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se réfère à une réduction du montant de l’amende (25)répartie proportionnellement (26) dans les deux rapports de solidarité définis par la Commission aux points 31 et 32 de l’article 2 de la décision de 2009. Cela signifie en substance que, selon le Tribunal, la Commission aurait dû, dans un premier temps, définir la proportion existant entre la partie de l’amende dont ACW était solidairement responsable avec CPA et GEA et celle dont elle était solidairement responsable avec GEA et, dans un second temps, répartir la réduction de l’amende d’ACW entre les deux rapports de solidarité en appliquant la même proportion. Par rapport à la répartition opérée dans la décision de 2010 et dans la décision litigieuse, l’application de cette méthode aurait eu pour conséquence : i) qu’ACW, CPA et GEA auraient été solidairement responsables pour un montant inférieur à celui indiqué à l’article 2, point 31, sous a), de la décision de 2009, telle que modifiée par ces décisions, ii) que CPA et GEA auraient été solidairement responsables pour un montant supérieur à celui indiqué au sous b) de ce point et, enfin, iii) que GEA aurait été exclusivement responsable pour un montant inférieur à celui figurant à l’article 2, point 32, de la décision de 2009, telle que modifiée, étant donné qu’une partie de l’amende fixée à ce point relèverait de la responsabilité solidaire d’ACW et de GEA. Dans l’optique du Tribunal, l’application d’une telle méthode de répartition de la réduction d’amende accordée à ACW aurait conduit à une détermination plus équitable de la responsabilité solidaire pour l’amende réduite d’ACW (point 110), en limitant « la part de l’amende dont [GEA] pouvait être seule redevable » (point 108). Bien que succinct, à mon sens, le raisonnement du Tribunal ne fait donc pas montre d’un défaut de motivation.

39.      En second lieu, il convient de rejeter le grief tiré par la Commission de ce que l’arrêt attaqué enfreindrait les principes établis par la Cour dans l’arrêt Kendrion (27). Dans cet arrêt, la Cour a déclaré que, dans l’hypothèse où « deux personnes morales distinctes, telles qu’une société mère et sa filiale, ne constituent plus une entreprise au sens de l’article [101 TFUE] à la date de l’adoption d’une décision leur infligeant une amende pour violation des règles de concurrence, chacune d’entre elles a le droit de se voir appliquer individuellement le plafond de 10 % du chiffre d’affaires » et que, dans ces conditions, la société mère ne saurait prétendre à bénéficier du plafond applicable à son ancienne filiale (28). Or, comme l’observe à juste titre GEA, cet arrêt se borne à exclure l’application de ce plafond à la société mère. Cette dernière, en faisant partie de l’entité économique qui a enfreint l’article [101 TFUE], est, en effet, censée avoir commis elle‑même l’infraction (29), de sorte que l’amende dont elle est solidairement responsable avec sa filiale n’est pas affectée par la réduction appliquée à cette dernière société (30) pour des raisons qui lui sont exclusivement inhérentes (31). En revanche, contrairement à ce que semble considérer la Commission, il ne ressort pas de cet arrêt que, lorsque – à la suite de l’application du plafond de 10 % à la filiale – il est nécessaire de procéder à une nouvelle détermination du rapport de solidarité externe entre cette dernière, la société mère et les autres entités composant l’entreprise, cette nouvelle détermination ne puisse pas se faire en tenant compte des intérêts de toutes les entités concernées, y compris de la société mère. Je relève par ailleurs que, quelle qu’ait été la méthode utilisée par la Commission, la nouvelle détermination des rapports de responsabilité solidaire entre GEA, CPA et ACW à la suite de la réduction de l’amende infligée à cette dernière aurait, en tout état de cause, conduit, tant pour GEA que pour CPA, à une situation plus défavorable que celle découlant de la décision de 2009. La question qui se pose en l’espèce n’est donc pas de savoir si une telle réduction est susceptible d’avantager GEA, mais si la répartition de la responsabilité solidaire entre les entités en cause à la suite de l’application de ladite réduction peut, sans enfreindre le principe d’égalité de traitement, défavoriser plus GEA que CPA. Nous sommes donc clairement en dehors du cas de figure envisagé dans l’arrêt Kendrion. En ce qui concerne l’affirmation de la Commission selon laquelle, en cas de confirmation de l’arrêt attaqué, elle serait tenue de réduire l’amende de GEA, puisqu’elle ne pourrait pas modifier la répartition fixée par la décision de 2010, qui est devenue définitive pour CPA et ACW, je me contente de faire observer que, indépendamment de toute autre considération, une telle réduction serait la conséquence d’une violation par la Commission du principe d’égalité de traitement, à laquelle cette institution serait tenue de remédier, et non le résultat de l’extension à GEA des avantages éventuels découlant de l’application du plafond de 10 % à ACW. Là encore, les principes dégagés par la Cour dans l’arrêt Kendrion ne seraient donc pas remis en cause.

40.      Enfin, le grief tiré par la Commission de ce que l’arrêt attaqué serait fondé sur un raisonnement analogue à celui développé par le Tribunal dans l’arrêt Siemens doit être rejeté. Dans cet arrêt, le Tribunal a établi que, puisque « il découle du principe d’individualité des peines et des sanctions […] que chaque société doit pouvoir déduire de la décision qui lui impose une amende à payer solidairement avec une ou plusieurs autres sociétés la quote-part qu’elle devra supporter dans sa relation avec ses codébiteurs solidaires, une fois la Commission désintéressée », celle‑ci « ne saurait déterminer librement les montants à payer solidairement », mais elle « doit notamment préciser les périodes pendant lesquelles les sociétés concernées sont (co)responsables des comportements infractionnels des entreprises ayant participé à l’entente et, le cas échéant, le degré de responsabilité desdites sociétés pour ces comportements » (32). Sur la base de ces prémisses, le Tribunal a conclu aux points 157 et 158 de cet arrêt qu’« [i]l appartient […] exclusivement à la Commission, dans le cadre de l’exercice de sa compétence pour infliger des amendes, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, de déterminer la quote-part respective des différentes sociétés dans les montants auxquels elles ont été condamnées solidairement, dans la mesure où elles faisaient partie d’une même entreprise […] » et que « faute d’indication contraire dans la décision par laquelle la Commission inflige une amende à payer solidairement à plusieurs sociétés en raison du comportement infractionnel d’une entreprise, celle‑ci leur impute, à responsabilité égale, ledit comportement » (33). Sur pourvoi de la Commission, la Cour a annulé l’arrêt Siemens du Tribunal, en jugeant que « s’il découle de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 que la Commission peut condamner solidairement à une amende plusieurs sociétés, dans la mesure où elles faisaient partie d’une même entreprise, ni le libellé de cette disposition ni l’objectif du mécanisme de solidarité ne permettent de considérer que ce pouvoir de sanction s’étendrait, au-delà de la détermination de la relation externe de solidarité, à celui de déterminer les quotes-parts des codébiteurs solidaires dans le cadre de leur relation interne ». La détermination de ces quotes-parts est, selon la Cour, « un contentieux qui intervient à un stade ultérieur, qui ne présente en principe plus d’intérêt pour la Commission, dans la mesure où la totalité de l’amende lui a été payée par l’un ou par plusieurs desdits codébiteurs » (34). Cette détermination incombe, dès lors, « aux juridictions nationales […] dans le respect du droit de l’Union » (35).

41.      Or, ainsi que le relève à juste titre GEA, l’arrêt attaqué porte uniquement sur la détermination de la relation externe de solidarité entre GEA, CPA et ACW, une question qui relève indéniablement du pouvoir de sanction de la Commission (36), et lui reproche un exercice de ce pouvoir non conforme au principe d’égalité de traitement. En revanche, le Tribunal ne touche nullement à la question de la répartition de l’amende infligée à ces sociétés dans le cadre de leurs rapports internes.

42.      Cela étant, j’estime que, comme le soutient à juste titre la Commission, les mêmes considérations qui ont amené la Cour à infirmer la thèse formulée par le Tribunal dans l’arrêt Siemens, concernant l’incidence de la notion d’« entreprise » en droit de la concurrence de l’Union sur les règles régissant l’exercice du pouvoir de sanction de la Commission, sont également pertinentes dans le cadre du présent pourvoi.

43.      Dans les traités, la notion d’« entreprise » est utilisée pour désigner l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence, qui peut être sanctionné sur le fondement des articles 101 et 102 TFUE (37). Selon une jurisprudence constante, la notion d’« entreprise » englobe toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Cette notion doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (38). Ainsi, il est de jurisprudence constante que, « si le comportement infractionnel d’une filiale peut être imputé à la société mère de celle‑ci, il peut être considéré que ces sociétés font partie, pendant la période d’infraction, d’une même unité économique et qu’elles forment ainsi une seule entreprise, au sens du droit de la concurrence de l’Union » (39). Lorsqu’une telle unité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (40). La décision de la Commission infligeant des amendes ne saurait toutefois être adressée de manière générale à une unité économique mais, pour des raisons purement pratiques, elle doit nécessairement être adressée aux personnes juridiques qui constituent l’entreprise (41).

44.      Lorsque plusieurs personnes peuvent être tenues pour personnellement responsables de la participation à une infraction commise par une seule et même entreprise, au sens du droit de la concurrence, que leur responsabilité soit directe ou dérivée de celle d’une entité contrôlée, la Commission a la faculté, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, de les condamner solidairement au paiement d’une amende (42). Comme il est précisé par la Cour, l’objectif du mécanisme de solidarité réside dans le fait qu’il constitue un instrument juridique supplémentaire dont dispose la Commission afin de renforcer l’efficacité de son action en matière de recouvrement des amendes infligées pour des infractions au droit de la concurrence, dès lors que ce mécanisme réduit, pour la Commission en tant que créancier de la dette que représentent ces amendes, le risque d’insolvabilité, ce qui participe à l’objectif de dissuasion qui est généralement poursuivi par le droit de la concurrence (43).

45.      En l’espèce, dans la décision de 2009, la Commission s’est prévalue de cet instrument en condamnant GEA, CPA et ACW, en tant qu’entités faisant partie d’une entreprise unique, au paiement solidaire d’une amende pour violation de l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE), découlant de la participation de cette entreprise à un cartel sur le marché du secteur ESBO/esters. Toutefois, GEA estime que, à l’article 2, points 31 et 32, de cette décision, la Commission a en réalité infligé non pas une, mais deux amendes différentes, correspondant à différentes périodes d’infraction en distinguant de fait deux entreprises différentes. La Commission conteste cette allégation.

46.      Je précise tout d’abord que l’analyse du rapport existant entre les deux montants figurant à ces points constitue une question centrale aux fins de l’examen du premier moyen du pourvoi qui, ce n’est pas un hasard, est fortement litigieux entre les parties.

47.      À cet égard, il ne fait pas de doute que les points 31 et 32 de l’article 2 de la décision de 2009 reflètent, à tout le moins indirectement, les différentes configurations sous lesquelles l’entreprise tenue pour responsable de l’infraction a participé, au fil du temps, à l’entente. En effet, il ressort de la décision de 2009 que CPA n’a fait partie, en tant que successeur d’OCA, d’une unité économique unique avec GEA et ACW que pendant une certaine période infractionnelle imputée à cette unité, à savoir du 30 septembre 1995 au 17 mai 2000 (44). Il existe donc un rapport entre les montants fixés aux points 31 et 32 de l’article 2 de la décision de 2009 et les périodes pendant lesquelles CPA a fait partie, avec GEA et ACW, de la même entreprise, et celles où l’entreprise était au contraire formée uniquement de ces deux sociétés.

48.      Cette constatation ne doit cependant pas faire considérer que lesdits montants ne font pas partie d’une seule amende, infligée à une seule entreprise, sous ses différentes configurations successives.

49.      Lorsqu’elle détermine les rapports de solidarité entre les différentes entités composant l’entreprise qui s’est rendue coupable d’une infraction à l’article 101 TFUE, la Commission doit tenir compte non seulement de l’évolution des rapports de contrôle entre ces entités, mais également des changements intervenus dans la composition de l’entreprise (45). Celle-ci peut en effet prendre différentes configurations au cours de sa participation à une infraction, selon les différentes entités qui y entrent ou qui en sortent. Ces variations, qui sont susceptibles de se produire, notamment, lorsque, comme en l’espèce, l’infraction se prolonge sur une longue période, ne remettent en cause ni l’unicité de l’entreprise en tant que personne à laquelle l’infraction est imputable, ni le caractère unique de l’amende qui lui a été infligée. C’est donc en ce sens qu’il convient de comprendre la distinction effectuée par la Commission aux points 31 et 32 de l’article 2 de la décision de 2009, dans la détermination de la responsabilité solidaire de GEA, de CPA et d’ACW au titre de l’amende unique infligée à l’unité économique à laquelle elles ont pris part au fil du temps.

50.      Pour le reste, les montants fixés à ces points reflètent la gravité et la durée de l’infraction individuellement reprochée à l’entreprise concernée, dans le respect du principe d’individualisation des peines et des sanctions et conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003. À cet égard, la Cour a précisé que le respect de ce principe, comme du principe de sécurité juridique, fait partie des obligations qui s’imposent à la Commission dans le cadre de la détermination de la relation externe de solidarité, sur le fondement de laquelle les différentes personnes qui constituent l’entreprise peuvent être appelées à payer l’intégralité de l’amende qui lui a été infligée (46). En l’espèce, en effectuant une distinction entre les montants à imputer solidairement à GEA, CPA et ACW ainsi qu’à GEA et ACW, la Commission a tenu compte de la circonstance que, pendant une certaine période, CPA a participé à l’infraction en qualité de filiale d’une autre société mère, avec laquelle elle a été condamnée solidairement au paiement d’une autre amende (47), et a évité de commettre la violation du principe de la personnalisation des peines et des sanctions qui lui avait été reprochée par la Cour dans l’arrêt Areva (48).

51.      La thèse de la requérante selon laquelle les points 31 et 32 de l’article 2 de la décision de 2009 correspondent aux périodes de participation de GEA, CPA et ACW à l’entente et définissent deux amendes différentes doit donc être rejetée. Je relève d’ailleurs que cette thèse a été, au moins en partie, rejetée par le Tribunal lui‑même qui, suivant le même ordre d’idées que la Commission dans les arguments qu’elle avance à l’appui son pourvoi, a affirmé au point 102 de l’arrêt attaqué que « l’amende infligée à chaque société composant une même entreprise, au sens de l’article 101 TFUE, ne reflète pas la participation desdites sociétés à l’infraction, mais seulement le montant maximal qui peut leur être, le cas échéant, réclamé par la Commission pour la participation de l’entreprise, au sens de l’article 101 TFUE, à l’infraction ». En revanche, contrairement à ce qu’affirme GEA, il n’apparaît pas tout aussi clairement que le Tribunal ait considéré que les points 31 et 32 de l’article 2 de la décision de 2009 définissent deux amendes différentes et deux entreprises différentes. C’est en ce sens qu’il semble falloir interpréter les points 54 et 55 de l’arrêt attaqué. Toutefois, aux points de la motivation contestés par la Commission dans son premier moyen de pourvoi, le Tribunal se borne à effectuer une distinction entre deux rapports de solidarité différents.

52.      Ce qui précède permet, à mon sens, d’infirmer également la prémisse dont part le raisonnement du Tribunal, à savoir que les rapports de solidarité définis aux points 31 et 32 de l’article 2 de la décision de 2009 correspondent à la durée de la participation respective de GEA, d’ACW et de CPA à l’infraction et portent sur des montants fixés en proportion de cette participation. Comme expliqué ci‑dessus et comme le soutient la Commission, en effet, ces points ne reflètent pas la participation de chaque entité à l’infraction, mais leur appartenance à la même entreprise et donc leur capacité à être considérées comme solidairement responsables du paiement des montants indiqués.

53.      La réduction de l’amende d’ACW a une incidence directe sur la solidarité externe de cette entité, en ce sens que la Commission ne pourra pas lui demander de payer un montant supérieur au plafond de 10 % qui lui est applicable, mais ne modifie pas la solidarité externe des autres sociétés qui continueront d’être responsables à l’égard de la Commission, dans les limites qui leur sont individuellement applicables, tant en ce qui concerne leurs plafonds respectifs de 10 %, qu’en ce qui concerne la période durant laquelle elles ont fait partie de l’entreprise qui a commis l’infraction. Le fait que GEA doive répondre seule d’une partie de l’amende est une conséquence purement automatique de la réduction appliquée à ACW et du fait que ces entités ont constitué une seule entreprise pendant toute la durée de l’infraction.

54.      C’est la raison pour laquelle, ainsi que l’affirme, selon moi à juste titre, la Commission, cette dernière n’avait aucune obligation de répartir de façon particulière la réduction accordée à ACW ou l’amende réduite de celle‑ci. Comme il est précisé par la Cour dans l’arrêt Siemens, en droit de l’Union, la notion de « solidarité » pour le paiement de l’amende ne concerne que l’entreprise et non les sociétés qui composent celle‑ci (49), en ce qu’elle n’est qu’une manifestation d’un effet de plein droit de la notion d’« entreprise ». Dans ce contexte, une comparaison entre la situation de CPA et celle de GEA est dépourvue de pertinence, étant donné que ces sociétés font partie intégrante d’une unité économique unique et que, en tant que telles, elles ont été sanctionnées dans la décision de 2009 (50).

55.      Au vu de ce qui précède, j’estime que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 105 à 111 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a tenu la Commission pour responsable d’une violation du principe d’égalité de traitement. Dès lors, il convient selon moi d’accueillir le premier moyen du pourvoi de la Commission.

2.      Sur le deuxième moyen

a)      L’arrêt attaqué

56.      Le deuxième moyen du pourvoi est dirigé contre les points 119 à 126 de l’arrêt attaqué.

57.      Aux points 122 et 123 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que, à la date d’entrée en vigueur de la décision de 2010 et de sa notification, les dispositions de l’article 2, points 31 et 32, de la décision de 2009, dans leur rédaction initiale, n’étaient plus applicables, dès lors qu’elles avaient été remplacées par la décision de 2010 et ne pouvaient donc pas servir de fondement pour déterminer la date à partir de laquelle les amendes en cause étaient exigibles. Selon le Tribunal, « [s]eule la date de réception de la notification de la décision de 2010, laquelle constituait désormais le fondement juridique de l’obligation de payer ces amendes, pouvait servir de point de départ pour un tel délai » (51). Au point 124 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que cette décision avait toutefois été annulée par l’arrêt du 15 juillet 2015, GEA Group/Commission (52) et que, par conséquent, elle ne pouvait pas servir de fondement juridique « tant à l’obligation pour la requérante de payer les amendes en cause qu’à la détermination de la date de leur exigibilité ». Le Tribunal a poursuivi en observant, au point 125 de l’arrêt attaqué, que, si cette annulation a eu pour effet de réactiver la rédaction initiale de l’article 2, points 31 et 32, de la décision de 2009, cette rédaction avait toutefois été de nouveau remplacée par celle résultant de l’article 1er de la décision litigieuse. Il a donc conclu, au point 126 de l’arrêt attaqué, que « l’obligation de payer les amendes résulte uniquement de l’article 1er de la décision litigieuse et que le délai d’exigibilité de ces amendes ne pouvait être déterminé qu’à compter de la date de réception de la notification de cette décision ».

b)      Argumentation des parties

58.      La Commission estime que le Tribunal a erronément retenu l’article 2, points 31 et 32, de la décision de 2009 comme fondement pour déterminer la date d’exigibilité de l’amende. Cette date aurait en effet été fixée à l’article 2, second alinéa, de la décision de 2009 et donc à un point différent du dispositif de cette décision. Or, si un article ou une partie d’un article du dispositif d’une décision n’a pas été affecté par une décision modificative, il continue à produire des effets juridiques. Il s’ensuit, selon la Commission, que la modification de la date d’exigibilité de l’amende de la requérante dans la décision de 2010 (53) et dans la décision litigieuse résulte de son pouvoir d’appréciation et ne résulte pas automatiquement de la modification des dispositions relatives au montant de l’amende. La modification d’une amende n’équivaudrait pas, contrairement à ce qui ressort de l’arrêt attaqué, à sa substitution, c’est‑à‑dire à la fixation d’une nouvelle amende. La Commission aurait décidé, dans la décision litigeuse, d’aligner la date d’exigibilité de l’amende de GEA sur celle fixée pour ACW et CPA à la suite de la décision de 2010 afin de ne pas placer GEA dans une position moins favorable que lesdites sociétés. La Commission observe, enfin, que l’erreur commise par le Tribunal entraînerait la perte des intérêts moratoires dus par toutes les entités d’une entreprise dans tous les cas où une amende est modifiée à l’égard d’une seule d’entre elles et risquerait, en outre, de limiter indûment la marge d’appréciation de la Commission dans tous les cas où il s’avère nécessaire de modifier une amende.

59.      Selon GEA, le moment à partir duquel les intérêts de retard commencent à courir ne saurait être fixé de manière discrétionnaire par la Commission à une date antérieure à celle de la notification de la décision déterminant l’amende. Dès lors que, en l’espèce, comme correctement indiqué dans l’arrêt attaqué, cette décision ne pouvait qu’être la décision litigieuse, le Tribunal aurait conclu à bon droit que la date d’exigibilité de l’amende ne pouvait être antérieure à la date de notification de cette décision. GEA relève en outre que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, la décision litigieuse n’a pas simplement modifié l’article 2, points 31 et 32, de la décision de 2009, mais l’a remplacé et que ce remplacement concerne l’ensemble du dispositif par lequel l’amende est imposée. Enfin, GEA relève que, en cas de modification d’une décision fixant une amende pour les différentes entités d’une même entreprise, la perte d’intérêts moratoires ne concernerait que les entités affectées par cette modification et non les autres.

c)      Analyse

60.      Si le principe duquel part le Tribunal, selon lequel la date d’exigibilité d’une amende, à partir de laquelle d’éventuels intérêts moratoires sont dus, ne peut être fixée à une date antérieure à celle de la notification de la décision fixant l’amende est, en soi, correct, à mon sens, on ne saurait en dire autant de l’application qui a été faite de ce principe dans l’arrêt attaqué.

61.      Pour les raisons exposées au point 21 des présentes conclusions, je considère en effet, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 123 à 126 de l’arrêt attaqué, que la décision de 2009, et non les décisions ultérieures modificatives, constitue le fondement juridique de l’amende infligée à GEA, CPA et ACW (54).

62.      Par ailleurs, ainsi que le fait valoir à bon droit la Commission, la modification de l’article 2, points 31 et 32, de la décision de 2009, d’abord par la décision de 2010 et ensuite par la décision litigieuse, n’a pas entraîné la modification automatique du dernier alinéa de cet article 2, selon lequel « [l]es amendes sont à verser en euros dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision ». Cette modification a porté uniquement sur le montant de l’amende infligée à ACW et sur la nouvelle détermination des rapports de solidarité externe entre GEA, CPA et ACW, mais n’a pas affecté la date d’exigibilité de l’amende telle que modifiée.

63.      Dans la lettre de notification de la décision de 2010 d’abord, et dans le dispositif de la décision litigieuse ensuite, la Commission a décidé, alors qu’elle n’y était pas tenue, de reporter cette date, telle qu’elle résulte du dernier alinéa de l’article 2 de la décision de 2009, en la fixant au 10 mai 2010.

64.      Or, il pourrait être légitime de se demander si une telle décision n’enfreint pas le principe d’égalité de traitement à l’égard des autres entreprises sanctionnées pour la même infraction pour lesquelles la date d’exigibilité de l’amende, à la différence de GEA, CPA et ACW, est restée celle fixée au dernier alinéa de l’article 2 de la décision de 2009, et si, partant, comme le soutient la Commission, elle est réellement libre de modifier de manière discrétionnaire la date d’exigibilité d’une amende dans la décision par laquelle elle en modifie le montant afin de tenir compte du plafond de 10 % applicable à l’une des personnes morales sanctionnées. En revanche, je ne crois pas, pour les raisons déjà exposées, que ladite décision puisse être considérée comme illégale pour les raisons indiquées par le Tribunal.

65.      Sur la base de ce qui précède, je suis donc d’avis qu’il convient d’accueillir également le deuxième moyen du pourvoi.

3.      Conclusions intermédiaires

66.      Les deux moyens soulevés par la Commission sont, selon moi, fondés, et il importe de les accueillir. Il convient par conséquent d’annuler l’arrêt attaqué.

67.      En vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle‑ci annule la décision du Tribunal lorsque le pourvoi est fondé. Elle peut alors soit statuer elle‑même définitivement sur le litige, lorsque celui‑ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue. Le Tribunal n’ayant statué que sur le quatrième moyen et sur la première branche du cinquième moyen, le litige n’est pas en état d’être jugé par la Cour. Il convient donc de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue.

V.      Sur les dépens

68.      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsqu’il est fondé et que la Cour juge elle‑même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Étant donné qu’il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.

VI.    Conclusion

69.      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de :

–        déclarer recevable le pourvoi de la Commission ;

–        annuler l’arrêt du Tribunal du 18 octobre 2018, GEA Group/Commission (T‑640/16, EU:T:2018:700) ;

–        renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le litige, et

–        réserver les dépens.


1      Langue originale : l’italien.


2      T‑640/16, EU:T:2018:700.


3      Décision C(2009) 8682 final de la Commission relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques).


4      T‑45/10, non publié, EU:T:2015:507.


5      Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1).


6      Décision C(2010) 727 final, ayant modifié la décision de 2009.


7      T‑189/10, EU:T:2015:504.


8      Décision C(2016) 3920 final, modifiant la décision de 2009.


9      Voir points 51 à 77 de l’arrêt attaqué.


10      Voir points 97 à 113 de l’arrêt attaqué.


11      Selon les calculs de GEA, le délai de prescription prévu à l’article 25, paragraphe 5, du règlement no 1/2003 a commencé à courir le 18 mai 2000, date à laquelle l’infraction a pris fin et, compte tenu des suspensions dues aux recours de GEA contre les décisions de 2009 et de 2010, aurait expiré le 10 août ou le 3 novembre 2015.


12      Voir arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce (C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 46).


13      L’argumentation de GEA se confondant avec celle développée dans le cadre de son premier moyen de recours devant le Tribunal, il est utile d’expliquer que, dans le cadre des présentes conclusions, je vérifie la condition sur laquelle repose cette argumentation – à savoir que la décision de 2009 ne constitue pas une décision valable au sens de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 – pour répondre à l’exception d’irrecevabilité soulevée par GEA et non pas aux fins d’un examen de la légalité de la décision litigieuse.


14      Cela ne veut évidemment pas dire que l’application de tels délais de prescription ne peut pas aboutir à un résultat différent lorsque la modification du niveau de l’amende résulte d’un changement des paramètres affectant l’application des règles de prescription, par exemple lorsque, par une décision ultérieure, la Commission fixe à une date antérieure la fin de la période infractionnelle reprochée à l’une des entités participantes, en avançant ainsi la date à partir de laquelle le délai de prescription commence à courir pour cette entité ; voir, à cet égard, arrêt du 6 octobre 2015, Corporación Empresarial de Materiales de Construcción/Commission (T‑250/12, UE :T :2015 :749, points 46 à 48).


15      Voir, en ce sens, s’agissant de l’annulation par le Tribunal du montant de l’amende fixé, arrêt du 6 octobre 2015, Corporación Empresarial de Materiales de Construcción/Commission (T‑250/12, EU:T:2015:749, point 74). C’est d’ailleurs également en ce sens que milite l’article 26, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, selon lequel une décision modifiant le montant initial de l’amende interrompt le délai de prescription en matière d’exécution des sanctions et n’a donc pas d’incidence sur la prescription du pouvoir d’imposition de l’amende, au moins aussi longtemps que les paramètres sur la base desquels courent les délais de prescription restent inchangés.


16      Ce recours fait l’objet de l’affaire T‑195/19, actuellement pendante devant le Tribunal. À la demande de la Commission, l’affaire a été suspendue par le président de la cinquième chambre du Tribunal dans l’attente de l’issue du pourvoi qui fait l’objet des présentes conclusions.


17      Voir point 107 de l’arrêt attaqué.


18      Voir point 108 de l’arrêt attaqué.


19      Voir point 109 de l’arrêt attaqué.


20      T‑122/07 à T‑124/07, EU:T:2011:70.


21      C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256.


22      C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257.


23      C‑50/12 P, EU:C:2013:771.


24      À cet égard, GEA cite l’arrêt du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission (C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 59), et l’ordonnance du 18 septembre 2014, Sasol e.a./Commission (T‑541/08 REC, non publiée, EU:T:2014:823, points 181 et suiv.).


25      Le Tribunal se réfère à une répartition de la « réduction » de l’amende d’ACW non seulement au point 105, mais également aux points 109, 110 et 111, alors qu’aucun passage de la motivation ne mentionne la répartition « de l’amende réduite » d’ACW.


26      La Commission estime qu’il y a contradiction entre le point 109 de l’arrêt attaqué, dans lequel, dans sa version en langue de procédure, l’anglais, le Tribunal utilise l’adverbe « proportionately » et le point 110 de cet arrêt, dans lequel c’est en revanche l’adverbe « equally » qui est utilisé. Or, une comparaison avec la version de l’arrêt attaqué en français, langue qui, bien que ne faisant pas foi, est la langue originale de rédaction, montre, au point 110, l’emploi du terme « équitablement », ce qui amène à considérer que ce terme a été improprement traduit dans la version anglaise. En tout état de cause, étant donné le sens global du point 110 et le contexte dans lequel il s’insère, l’adverbe en question ne saurait à mon sens être lu autrement que comme une référence à une « répartition équitable » et non à une « répartition en parts égales ». La contradiction invoquée par la Commission est donc inexistante.


27      La procédure ayant donné lieu à cet arrêt portait sur un pourvoi introduit par la société Kendrion, condamnée solidairement avec sa filiale au paiement d’une amende pour violation de l’article 101 TFUE, contre l’arrêt par lequel le Tribunal avait, notamment, rejeté l’argument de Kendrion selon lequel la Commission avait méconnu la notion de « responsabilité solidaire » en la condamnant à une amende supérieure à celle infligée à sa filiale, telle que réduite à la suite de l’application du plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.


28      Voir points 55 et 58 de l’arrêt Kendrion.


29      Voir point 55 de l’arrêt Kendrion ; voir également, entre autres, arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 56).


30      Le Tribunal a d’ailleurs correctement appliqué ces principes aux points 99 à 101 de l’arrêt attaqué.


31      En revanche, il en va différemment dans l’hypothèse de réductions affectant la responsabilité de la filiale. La Cour a en effet précisé à cet égard que, dans une situation dans laquelle la responsabilité de la société mère est purement dérivée de celle de sa filiale et dans laquelle aucun autre facteur ne caractérise individuellement le comportement reproché à la société mère, la responsabilité de cette société ne saurait excéder celle de sa filiale (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins, C‑286/11 P, EU:C:2013:29, points 37, 39, 43 et 49, ainsi que du 17 septembre 2015, Total/Commission, C‑597/13 P, EU:C:2015:613, point 38).


32      Point 153 de l’arrêt Siemens du Tribunal.


33      Point 158 de l’arrêt Siemens du Tribunal.


34      Voir arrêt Siemens de la Cour, point 60 ; voir, également, arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission (C‑625/13 P, EU:C:2017:52, points 151 à 153).


35      Voir arrêt Siemens de la Cour, point 62 ; et arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission (C‑625/13 P, EU:C:2017:52, points 151 à 153).


36      Voir arrêt Siemens de la Cour, point 68.


37      Voir arrêt Siemens de la Cour, point 42 et jurisprudence citée.


38      Voir, notamment, arrêts du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission (C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 42 et jurisprudence citée) ; du 17 septembre 2015, Total/Commission (C‑597/13 P, EU:C:2015:613, point 33) ; du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 48), et arrêt Siemens de la Cour, point 43.


39      Voir, entre autres, arrêt Areva, point 49 et jurisprudence citée.


40      Voir arrêt Siemens de la Cour, point 44 et, entre autres, arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 56), et du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 49).


41      Voir arrêt Siemens de la Cour, point 55.


42      Voir arrêt Siemens de la Cour, points 47 à 51.


43      Voir point 59 de l’arrêt Siemens de la Cour.


44      CPA a continué à participer à l’infraction après le 17 mai 2000 et jusqu’au 26 septembre 2000, mais dans le cadre d’une unité économique différente avec Chemson GmbH, avec laquelle elle a été condamnée solidairement au paiement de 137 606 euros (voir article 2, point 33, de la décision de 2009).


45      Je rappelle que, au point 51 de l’arrêt Siemens, la Cour a précisé que la détermination, par la Commission, du montant de l’amende à imposer solidairement aux entités composant l’entreprise, « en ce qu’elle procède de l’application, dans un cas d’espèce, de la notion d’entreprise, laquelle est une notion du droit de l’Union, est assujettie à certaines contraintes qui imposent qu’il soit dûment tenu compte des caractéristiques de l’entreprise concernée, telle qu’elle était constituée durant la période où l’infraction a été commise ». Voir, également, arrêt Areva, points 129 à 133.


46      Voir arrêt Areva, points 126 à 128.


47      Il s’agit de Chemson GmbH avec laquelle CPA a été condamnée solidairement au paiement de 137 606 euros, voir décision de 2009, article 2, point 33.


48      Voir arrêt Areva, points 129 et suiv. En l’espèce, la Commission a en effet agi exactement comme préconisé au point 133 de cet arrêt.


49      Voir point 57 de l’arrêt Siemens de la Cour. Voir, dans le même sens, arrêt du 17 septembre 2015, Total/Commission (C‑597/13 P, EU:C:2015:613, point 71), en ce qui concerne l’application de circonstances atténuantes.


50      Une telle comparaison n’aurait de sens que dans la mesure où l’on pourrait considérer que, dans la décision de 2009, la Commission a infligé deux amendes différentes à deux entreprises différentes. Cette hypothèse, comme nous l’avons vu, doit cependant, à mon sens, être écartée.


51      Voir point 123 de l’arrêt attaqué.


52      T‑189/10, EU:T:2015:504.


53      La Commission précise que ce n’est que dans la lettre notifiant la décision de 2010 à ACW, à CPA et à GEA qu’elle a indiqué que l’amende était payable dans un délai de trois mois à compter de cette décision. La décision de 2010 ne contient donc pas de disposition spécifique concernant la date d’exigibilité, contrairement à la décision litigieuse.


54      Sur le fait que la modification du montant d’une amende ne constitue pas nécessairement une amende juridiquement distincte, voir, mutatis mutandis, arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission (T‑275/94, EU:T:1995:141, point 65), cité par la Commission dans son pourvoi.