Language of document : ECLI:EU:C:2020:12

ORDONNANCE DE LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR

16 janvier 2020 (*)

« Pourvoi – Ordonnance de référé – Aides d’État – Demande de mesures provisoires – Rejet – Absence de nécessité d’adopter les mesures provisoires sollicitées – Incompétence – Irrecevabilité »

Dans l’affaire C‑605/19 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 12 août 2019,

Highgate Capital Management LLP, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Me M. Struys, avocat, et Me I. Van Damme, advocaat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mme K. Blanck ainsi que par MM. A. Bouchagiar et K.‑P. Wojcik, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Highgate Capital Management LLP demande à la Cour d’annuler l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2019, Highgate Capital Management/Commission (T‑280/19 R, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2019:545), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande tendant, d’une part, au sursis à l’exécution d’une décision de la Commission européenne portant rejet d’une plainte relative à une aide d’État prétendument illégale accordée à Eurobank Ergasias SA par la vente de Piraeus Bank Bulgaria AD (SA.53105) et, d’autre part, à l’octroi d’autres mesures provisoires.

 Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

2        Dans le cadre de la restructuration du secteur bancaire en Grèce, Piraeus Bank et Eurobank Ergasias (ci-après « Eurobank ») ont reçu des aides d’État, par l’intermédiaire du Fonds hellénique de stabilité financière (ci-après le « FHSF »).

3        Par des décisions des 26 et 29 novembre 2015, adoptées dans le cadre des procédures de contrôle des aides d’État SA.43363 et SA.43364, la Commission a considéré que les aides octroyées par la République hellénique étaient compatibles avec le marché intérieur, notamment au regard des engagements souscrits par la République hellénique faisant partie intégrante des plans de restructuration applicables respectivement à Piraeus Bank et à Eurobank.

4        Selon le plan de restructuration d’Eurobank, cette dernière ne devait pas, en principe, acquérir de participations. Selon le plan de restructuration de Piraeus Bank, cette dernière était censée céder des actifs à l’étranger, dont sa filiale bulgare, Piraeus Bank Bulgaria. Ces engagements étaient applicables jusqu’au 31 décembre 2018.

5        Au mois de novembre 2017, Piraeus Bank a lancé une procédure de vente de Piraeus Bank Bulgaria.

6        La requérante a participé à cette procédure et a déposé une offre pour l’achat de Piraeus Bank Bulgaria.

7        Le 24 octobre 2018, Piraeus Bank a retenu l’offre d’Eurobank comme étant la meilleure offre.

8        Le 7 novembre 2018, l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank a été annoncée publiquement.

9        La clôture définitive de la vente était prévue pour le début de l’année 2019, cette vente étant soumise à l’approbation de la Balgarska narodna banka (Banque nationale bulgare) et de la Komisiya za zashtita na konkurentsiyata (autorité de protection de la concurrence, Bulgarie, ci-après l’« autorité de la concurrence »).

10      Le 13 décembre 2018, la requérante s’est adressée au FHSF, en faisant notamment valoir que son offre était meilleure que celle d’Eurobank, sans mentionner d’éventuels problèmes en matière d’aides d’État.

11      Par une lettre du 20 décembre 2018, adressée à la Commission, la requérante a exposé les raisons pour lesquelles elle estimait que la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank était illicite. Selon elle, cette vente était incompatible avec les obligations résultant des plans de restructuration de Piraeus Bank et d’Eurobank. En outre, elle considérait que ladite vente impliquait l’octroi d’aides d’État en faveur d’Eurobank. À cet égard, elle estimait notamment que son offre était, à plusieurs égards, meilleure que celle d’Eurobank, qui a été retenue.

12      Le 17 janvier 2019, la requérante s’est de nouveau adressée à la Commission en déposant, au moyen du formulaire prévu à cet effet, une plainte formelle dans laquelle elle réitérait les allégations déjà formulées dans sa lettre du 20 décembre 2018.

13      Le 23 janvier 2019, la requérante a saisi l’autorité de la concurrence d’une plainte, lui demandant de ne pas admettre l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank.

14      Le 7 février 2019, la Commission a informé la requérante que, dans le cadre de son examen de la plainte dont cette dernière l’avait saisie, elle s’était adressée la veille aux autorités grecques pour recueillir des renseignements et qu’elle la tiendrait informée de la suite de la procédure.

15      Le 13 février 2019, la requérante a introduit une plainte auprès de la Banque nationale bulgare en lui demandant de refuser l’approbation de la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank.

16      Le 22 février 2019, la Banque nationale bulgare a posé à la Commission des questions relatives aux engagements contenus dans les plans de restructuration, dont, notamment, l’engagement applicable à Eurobank de ne pas acquérir de participations, pendant une période déterminée expirant le 31 décembre 2018.

17      La Commission a, le 8 mars 2019, notamment répondu à la Banque nationale bulgare que, selon sa pratique relative à la surveillance des engagements en matière d’aides d’État, la date de clôture définitive d’une vente est la date pertinente à prendre en considération dans l’examen de la compatibilité des ventes avec des engagements souscrits.

18      En réponse à une question posée par un député au Parlement européen concernant le projet d’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank, le membre de la Commission chargé de la concurrence a, le 20 mars 2019, déclaré publiquement :

« Pour que l’aide aux banques en difficulté soit compatible avec le marché intérieur, la Commission demande, entre autres, à la banque et à l’État membre de s’engager à ne pas procéder à des acquisitions pendant sa période de restructuration, empêchant ainsi l’utilisation de l’aide reçue lors de fusions et acquisitions. Toutefois, à l’expiration de cet engagement d’“interdiction d’acquisition”, le 31 décembre 2018 en l’espèce, la Commission n’est plus compétente, en vertu des règles relatives aux aides d’État, pour intervenir dans les acquisitions effectuées par la banque.

Concernant l’acquisition annoncée par Eurobank de Piraeus Bank Bulgaria, la date de clôture de la vente devrait intervenir au cours du 1er trimestre 2019. La Commission tient compte de cette date de clôture pour conclure que l’opération ne relève plus de l’interdiction d’acquisition applicable à Eurobank. La date de clôture est considérée comme la date pertinente, car le contrat d’achat d’actions peut contenir des conditions (telles que des approbations réglementaires) qui empêchent la clôture de la vente si elles ne sont pas remplies.

La Commission est en contact régulier avec les autorités grecques et reçoit des informations actualisées sur le respect des engagements pris par la banque par l’intermédiaire du mandataire désigné. En outre, la Commission a reçu une plainte d’un soumissionnaire non retenu pour l’achat de Piraeus Bank Bulgaria et traite cette plainte conformément à ses procédures habituelles. »

19      Le 1er avril 2019, la requérante a reçu une lettre de la Banque nationale bulgare rejetant sa plainte.

20      Le 8 avril 2019, la requérante a, dans un courrier électronique envoyé à la Commission, exprimé son désaccord avec les propos du membre de la Commission chargé de la concurrence, tels qu’exposés au point 18 de la présente ordonnance.

21      Par une lettre du 19 avril 2019, la requérante a, conformément à l’article 265 TFUE, invité formellement la Commission à prendre une décision dans les deux mois à compter de cette date.

22      Le même jour, la requérante a envoyé une seconde lettre à la Commission, dans laquelle elle indiquait avoir reçu « confirmation du fait » que, dans son rejet de la plainte qu’elle avait introduite, la Banque nationale bulgare avait fait référence à l’agrément de la Commission. Dans cette lettre, la requérante faisait notamment valoir que cet agrément constitue une décision portant rejet partiel ou complet de sa plainte et qu’elle avait été induite en erreur par la Commission en ce que cette dernière avait encore affirmé le 16 avril 2019 qu’aucune décision n’avait été prise.

23      La requérante a, également le même jour, demandé à la Commission de lui fournir une copie de la lettre envoyée par celle-ci le 8 mars 2019 à la Banque nationale bulgare.

24      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2019 et notifiée à la Commission le 3 mai 2019, la requérante a demandé, en substance, au Tribunal d’annuler la décision rejetant sa plainte (affaire SA.53105 – Aide présumée accordée à Eurobank Ergasias par la vente de Piraeus Bank Bulgaria), dans la mesure où cette plainte portait sur la violation des engagements de restructuration (ci-après la « décision litigieuse alléguée »).

25      Le 2 mai 2019, la Commission a communiqué à la requérante une lettre dans laquelle elle indiquait que la direction générale (DG) de la concurrence de la Commission avait effectué une évaluation préliminaire de ladite plainte et s’était formée une opinion préliminaire. Selon cette évaluation préliminaire, la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank ne violait pas les engagements résultant des plans de restructuration de Piraeus Bank et d’Eurobank ni n’impliquait l’octroi d’une aide d’État en faveur d’Eurobank. La Commission précisait que cette lettre exprimait non pas sa position définitive, mais seulement une opinion préliminaire des services de la DG « Concurrence », sur la base des informations disponibles dans l’attente des commentaires supplémentaires de la part de la requérante.

26      Le 9 mai 2019, l’autorité de la concurrence a autorisé l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank. Selon la requérante, il ressort de cette décision que le droit des aides d’État serait dépourvu de pertinence concernant l’exercice du contrôle et l’évaluation des concentrations entre entreprises.

27      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 13 mai 2019, la requérante a, sur le fondement des articles 278 et 279 TFUE, demandé au président du Tribunal d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision litigieuse alléguée, d’enjoindre la Commission, dans l’hypothèse où il serait sursis à l’exécution de cette décision, d’informer immédiatement la République hellénique, le FHSF et les autorités compétentes en Bulgarie qu’ils ne sauraient se fonder sur ladite décision en ce qui concerne l’acquisition par Eurobank, et la vente par Piraeus Bank, de Piraeus Bank Bulgaria et, dans l’hypothèse où les approbations pertinentes auraient déjà été accordées par la République hellénique, le FHSF ou d’autres autorités compétentes en Bulgarie, de leur ordonner de retirer leurs approbations, ainsi que de condamner la Commission aux dépens.

28      Le 13 mai 2019, l’Administrativen sad Sofiya grad (tribunal administratif de la ville de Sofia, Bulgarie) a rejeté la demande de sursis à l’exécution de la décision de l’autorité de la concurrence, du 9 mai 2019, autorisant l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank.

29      Par une lettre du 13 mai 2019, la requérante a informé le FHSF qu’elle avait introduit son recours dans l’affaire principale. Dans cette lettre, la requérante prétendait que, en cas de décision du Tribunal en sa faveur, le contrat relatif à l’achat de Piraeus Bank Bulgaria serait « nul et non avenu » et attirait l’attention du FHSF sur le risque d’approuver une transaction contraire au droit de l’Union. En revanche, la requérante ne faisait pas référence à l’interdiction de mise à exécution visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

30      Le 14 mai 2019, le greffe du Tribunal a demandé la régularisation de la demande en référé et invité la requérante à identifier la décision litigieuse alléguée.

31      Le 16 mai 2019, la requérante a, en réponse à cette demande de régularisation, indiqué que la décision litigieuse alléguée était celle par laquelle la Commission avait rejeté sa plainte dans la mesure où les griefs relatifs aux engagements liés à la restructuration étaient en cause. L’existence d’une telle décision serait attestée par deux éléments, à savoir la lettre de la Commission du 8 mars 2019 à la Banque nationale bulgare et la réponse donnée, le 20 mars 2019, par le membre de la Commission chargé de la concurrence, mentionnée au point 18 de la présente ordonnance.

32      Le 27 mai 2019, la requérante a présenté de nouveaux éléments de preuve dont il résultait, notamment, que, le 23 mai 2019, la Commission avait rejeté sa demande d’accès à cette lettre du 8 mars 2019.

33      Par mesure d’instruction du 5 juin 2019, le président du Tribunal a ordonné à la Commission de produire ladite lettre.

34      Le 11 juin 2019, la Commission a produit la lettre en question.

35      Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a, sans se prononcer sur la recevabilité du recours principal, sur l’urgence ou sur la condition relative au fumus boni juris, rejeté la demande en référé comme étant irrecevable, en partie en raison du fait que la requérante n’avait pas démontré qu’elle justifiait d’un intérêt à l’obtention des mesures sollicitées et en partie en raison de l’incompétence du président du Tribunal.

 Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

36      Par son pourvoi, la requérante demande :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée et

–        de condamner la Commission aux dépens exposés dans le cadre du présent pourvoi ainsi que de la procédure en référé.

37      La Commission demande :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner la requérante aux dépens de l’instance.

38      Par acte séparé déposé au greffe de la Cour le 3 septembre 2019, la requérante a, en application des articles 278 et 279 TFUE ainsi que de l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour, introduit une demande de sursis à exécution et d’autres mesures provisoires tendant, en substance, à la suspension de l’ordonnance attaquée et de la décision litigieuse alléguée ainsi qu’à l’octroi de toute autre mesure provisoire nécessaire.

 Sur le pourvoi

39      À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève trois moyens.

 Sur le premier moyen

 Argumentation

40      Par son premier moyen, la requérante soutient que l’appréciation du président du Tribunal selon laquelle la suspension de la décision litigieuse alléguée ne permettrait pas à la requérante d’atteindre son objectif, à savoir d’empêcher la mise en œuvre de la cession de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank, repose sur une interprétation erronée des effets d’une décision finale, au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

41      Selon la requérante, après l’adoption d’une décision finale, telle que la décision litigieuse alléguée, les autorités et les juridictions nationales sont liées par celle-ci et ne peuvent plus se prononcer sur l’existence d’une violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ni tirer, le cas échéant, les conséquences d’une telle violation.

42      Ainsi, la requérante estime que la suspension de la décision litigieuse alléguée aurait pu avoir un effet immédiat sur le préjudice qu’elle a allégué, puisque, dans cette hypothèse, ces autorités et ces juridictions auraient été dans l’obligation de sauvegarder ses droits face à une violation éventuelle de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

43      À cet égard, la requérante fait valoir que les autorités nationales auraient dû, si nécessaire, bloquer l’opération de cession de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank, inverser celle-ci et adopter toute autre mesure propre à l’indemniser. Or, à défaut d’une suspension de la décision litigieuse alléguée, ces autorités seraient en présence d’une décision finale les liant et ne seraient pas autorisées à prendre de telles mesures.

44      À titre liminaire, la Commission relève que les allégations de la requérante reposent toutes sur une construction purement artificielle et irréaliste consistant à imaginer l’existence d’une décision de la Commission relative à sa plainte du 17 janvier 2019 afin de pouvoir ensuite contester cette décision fictive et inexistante ainsi qu’en demander la suspension, alors que l’examen de cette plainte est toujours en cours et qu’aucune décision définitive concernant celle-ci n’a encore été adoptée. En tentant ainsi d’« anticiper » le contrôle juridictionnel d’une situation dans laquelle des procédures administratives n’ont, en réalité, pas encore été finalisées, la requérante contournerait le système de voies de recours prévu par le traité FUE et utiliserait les ressources juridictionnelles limitées dont dispose la Cour.

45      La Commission souligne que, à supposer même que la décision litigieuse alléguée existe, celle-ci porterait non pas sur la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank, mais sur une éventuelle violation des engagements de restructuration d’Eurobank, notamment celui prévoyant une interdiction d’acquisition jusqu’au 31 décembre 2018, alors que, par sa demande en référé, la requérante cherchait à éviter la mise en œuvre de la cession de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank afin de se réserver la possibilité d’acquérir elle-même cette banque.

46      Or, si une telle décision pourrait affecter la légalité de l’aide à la restructuration accordée à Eurobank, elle serait sans effet juridique sur la validité de la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank, que la requérante cherche à bloquer.

47      Ainsi, selon la Commission, si une décision concluant à une absence de violation des engagements de restructuration d’Eurobank empêcherait la requérante de chercher à obtenir, auprès des autorités et des juridictions nationales, des mesures appropriées, au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, en raison de l’octroi de cette aide à la restructuration, telle que le recouvrement provisoire de celle-ci, cette décision n’empêcherait en revanche pas la requérante de tenter d’obtenir, auprès de ces autorités et de ces juridictions, sur le fondement de cette disposition, des mesures visant à empêcher ladite vente, puisqu’elle n’aborderait pas la question de savoir si cette dernière constitue une aide d’État.

48      Par conséquent, la Commission souscrit tant à l’appréciation du président du Tribunal selon laquelle une suspension de la décision litigieuse alléguée n’impliquerait pas que la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank devrait être suspendue qu’aux autres motifs pour lesquels il a estimé qu’une suspension de cette décision ne permettrait pas à la requérante de bloquer cette vente.

 Appréciation

49      Il y a lieu de rappeler d’emblée que l’existence d’un intérêt à agir dans le chef de l’auteur d’un pourvoi suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice [ordonnance du président de la Cour du 27 février 2002, Reisebank/Commission, C‑477/01 P(R), EU:C:2002:126, point 21 et jurisprudence citée].

50      L’appréciation de l’intérêt d’un requérant à l’obtention des mesures demandées revêt une importance particulière dans le cadre d’une procédure en référé [ordonnances du président de la Cour du 30 avril 1997, Moccia Irme/Commission, C‑89/97 P(R), EU:C:1997:226, point 43, et du 27 février 2002, Reisebank/Commission, C‑477/01 P(R), EU:C:2002:126, point 22].

51      En effet, le sursis à l’exécution et les mesures provisoires ne peuvent être accordés par le juge des référés que s’il est notamment établi qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision au principal. Or, des mesures provisoires qui ne seraient pas aptes à éviter le préjudice grave et irréparable dont fait état la partie requérante ne sauraient a fortiori être nécessaires à cet effet [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 30 avril 1997, Moccia Irme/Commission, C‑89/97 P(R), EU:C:1997:226, point 44, et du 27 février 2002, Reisebank/Commission, C‑477/01 P(R), EU:C:2002:126, point 23].

52      En l’occurrence, le président du Tribunal a, au point 65 de l’ordonnance attaquée, considéré que la seule suspension, à titre provisoire, de la décision litigieuse alléguée ne permettrait pas à la requérante d’empêcher la mise en œuvre de la cession de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank, et cela pour plusieurs motifs, exposés aux points 66 à 70 de cette ordonnance.

53      En particulier, le président du Tribunal a, aux points 67 et 68 de l’ordonnance attaquée, considéré qu’une telle suspension n’impliquerait pas le constat selon lequel la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank viole les dispositions des plans de restructuration de Piraeus Bank et d’Eurobank et serait constitutive d’une aide illégale ni que cette vente, que la requérante cherche à bloquer, devrait être suspendue.

54      Ces considérations ne sont pas contredites par l’argumentation de la requérante selon laquelle la décision litigieuse alléguée constitue une décision finale, au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et qu’elle lie, à ce titre, les autorités et les juridictions nationales, qui ne peuvent plus se prononcer sur l’existence d’une violation de cette disposition, ni tirer, éventuellement, les conséquences d’une telle violation.

55      À cet égard, il convient de rappeler que la mise en œuvre du système de contrôle préventif sur les projets d’aides nouvelles, institué par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, incombe, d’une part, à la Commission et, d’autre part, aux juridictions nationales, leurs rôles respectifs étant complémentaires mais distincts (arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 27).

56      Tandis que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union, les juridictions nationales veillent à la sauvegarde, jusqu’à la décision finale de la Commission, des droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de l’interdiction visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE (arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 28).

57      En l’espèce, par la décision litigieuse alléguée, à supposer qu’elle existe, la Commission aurait rejeté partiellement la plainte de la requérante en ce que celle-ci avait fait valoir une violation des engagements souscrits dans les plans de restructuration de Piraeus Bank Bulgaria et d’Eurobank.

58      En revanche, par cette décision, la Commission n’a pas arrêté une position sur la question de savoir si la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank impliquait l’octroi d’aides d’État en faveur d’Eurobank.

59      Ainsi, le président du Tribunal a, au point 104 de l’ordonnance attaquée, rappelé que la requérante elle-même n’avait pas fait valoir que la Commission aurait pris une décision en ce qui concerne son allégation, exprimée dans sa plainte du 17 janvier 2019, portant sur l’existence d’une aide d’État en faveur d’Eurobank en raison du fait que son offre pour l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria avait été meilleure que celle d’Eurobank, qui a été retenue.

60      Par ailleurs, au point 48 de son pourvoi, la requérante reconnaît qu’il ne ressortait d’aucun élément de sa demande en référé qu’elle cherchait à obtenir des mesures provisoires du fait de la nouvelle aide d’État illicite accordée à Eurobank, résultant de son acquisition de Piraeus Bank Bulgaria.

61      Par conséquent, à supposer qu’elle existe, la décision litigieuse alléguée ne saurait être regardée comme constituant une décision finale, au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, en ce qui concerne la question de savoir si la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank constitue ou non une aide d’État en faveur de cette dernière.

62      Il en résulte que, en l’absence d’une décision définitive de la Commission à cet égard, la requérante peut saisir les autorités ou les juridictions nationales compétentes d’une demande visant à ce qu’elles statuent sur cette question et que celles-ci doivent tirer les conséquences d’une éventuelle violation de cette disposition.

63      Une suspension de la décision litigieuse alléguée serait sans incidence sur cette possibilité et sur cette obligation, ni n’impliquerait que la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank, que la requérante cherche à bloquer, devrait être suspendue ou qu’elle devrait nécessairement être considérée comme constitutive d’une aide d’État illégale.

64      Dès lors, en jugeant, aux points 66, 75 et 76 de l’ordonnance attaquée, qu’une suspension de la décision litigieuse alléguée ne permettrait pas à la requérante d’atteindre son objectif, à savoir empêcher la mise en œuvre de la cession de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank, que cette suspension ne serait donc pas apte à éviter le préjudice invoqué par la requérante et que, par conséquent, cette dernière n’avait pas démontré qu’elle justifiait d’un intérêt à l’obtention de ladite suspension, le président du Tribunal n’a pas interprété de manière erronée l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

65      Dans ces conditions, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation

66      Par son deuxième moyen, la requérante soutient que la considération du président du Tribunal selon laquelle obliger la Commission à informer immédiatement les autorités nationales compétentes qu’elles ne pouvaient pas se fonder sur la décision litigieuse alléguée en ce qui concerne l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank ne permettrait pas d’éviter le préjudice invoqué par la requérante repose sur une interprétation erronée des effets d’une décision finale alléguée, au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

67      Selon la requérante, une ordonnance enjoignant à la Commission une telle obligation aurait permis de garantir que toutes les autorités nationales compétentes prennent immédiatement toutes les mesures nécessaires pour éviter ou remédier à toute utilisation de ladite décision et qu’elles s’acquittent ainsi des obligations leur incombant au titre de cette disposition.

68      En effet, la requérante estime que, si la décision litigieuse alléguée avait été suspendue, lesdites autorités auraient dû tirer toutes les conséquences d’une violation potentielle de ladite disposition et qu’une telle ordonnance aurait renforcé l’efficacité d’une suspension de cette décision.

69      Par ailleurs, la requérante fait valoir que c’est à tort que le président du Tribunal a jugé que le droit des aides d’État était dépourvu de pertinence aux fins de l’approbation, par les autorités nationales compétentes, de l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank.

70      La Commission conteste cette argumentation, qui repose, selon elle, sur une interprétation délibérément erronée de la portée d’une décision finale qu’elle aurait adoptée.

71      Ainsi que la Commission l’a fait valoir concernant le premier moyen, à supposer qu’elle existe, cette décision ne concernerait que la question d’une éventuelle violation des engagements de restructuration d’Eurobank et n’affecterait que la possibilité, pour la requérante, de demander aux juridictions nationales d’adopter des mesures relatives à la légalité de l’aide à la restructuration accordée à Eurobank.

72      Toutefois, la Commission soutient qu’un tel raisonnement n’est pas pertinent s’agissant des mesures visant à empêcher l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank, que la requérante demande aux autorités nationales compétentes d’adopter, puisqu’il n’existe aucune décision de la Commission, même fictive, relative à la question de savoir si cette acquisition constitue une aide.

73      Dès lors, même si une violation des engagements liés à l’octroi d’une aide à la restructuration à Eurobank avait été établie, cela n’aurait eu aucune conséquence juridique sur la validité de ladite acquisition et n’aurait pas donné à la requérante le droit d’introduire un recours devant les juridictions nationales contre des mesures autres que l’octroi d’une aide à la restructuration à Eurobank.

74      Dans ces conditions, la Commission souscrit à la conclusion du président du Tribunal selon laquelle, les mesures provisoires sollicitées n’étant en tout état de cause pas aptes à éviter le préjudice grave et irréparable invoqué par la requérante, celle-ci n’a pas démontré qu’elle justifiait d’un intérêt à l’obtention de ces mesures.

 Appréciation

75      Le deuxième moyen repose sur le postulat que les autorités nationales compétentes ne pourraient tirer les conséquences d’une éventuelle violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE qu’à la condition que la décision litigieuse alléguée soit suspendue et que, dans cette hypothèse, une obligation à la charge de la Commission d’informer immédiatement ces autorités qu’elles ne peuvent pas, s’agissant de l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank, se fonder sur cette décision renforcerait l’efficacité d’une suspension de cette dernière.

76      Or, ainsi qu’il a été jugé dans le cadre de l’examen du premier moyen, à supposer qu’elle existe, la décision litigieuse alléguée ne doit pas, s’agissant de la question de savoir si la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank constitue ou non une aide d’État en faveur de cette dernière, être considérée comme étant une décision finale, au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de telle sorte qu’une suspension de la décision litigieuse alléguée serait sans incidence sur la possibilité, pour la requérante, de saisir les autorités ou les juridictions nationales compétentes d’une demande visant à ce qu’elles statuent sur cette question ainsi que sur l’obligation, incombant à ces autorités et à ces juridictions, de tirer les conséquences d’une éventuelle violation de cette disposition.

77      Par conséquent, une suspension de la décision litigieuse alléguée n’impliquerait pas que cette vente devrait être suspendue ou qu’elle devrait nécessairement être considérée comme étant constitutive d’une aide d’État illégale.

78      Dès lors, même s’il avait été sursis à l’exécution de la décision litigieuse alléguée, une obligation à la charge de la Commission d’informer immédiatement les autorités nationales compétentes qu’elles ne pouvaient pas, s’agissant de ladite vente, se fonder sur cette décision n’aurait pas permis à la requérante d’atteindre son objectif, à savoir empêcher la mise en œuvre de cette même vente, et, par conséquent, éviter le prétendu préjudice résultant de celle-ci.

79      Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le président du Tribunal a, au point 73 de l’ordonnance attaquée, jugé non pas que le droit des aides d’État était dépourvu de pertinence aux fins des approbations, au niveau national, de l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank, mais que la requérante n’avait pas établi dans quelle mesure l’existence de la décision litigieuse alléguée serait pertinente pour ces approbations. Dans ce contexte, le président du Tribunal a relevé que, selon la requérante elle-même, il ressortait de la décision de l’autorité de la concurrence du 9 mai 2019 que ce droit était dépourvu de pertinence pour l’examen par cette autorité.

80      En tout état de cause, c’est à juste titre que le président du Tribunal a considéré que, à supposer même que la décision litigieuse alléguée existe et que les autorités nationales visées par la requérante dans sa demande en référé se fondent sur cette décision, il n’en résultait pas que ces autorités ne pourraient parvenir, abstraction faite de l’existence de la ladite décision, aux mêmes conclusions dans l’appréciation de l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank.

81      Dans ces conditions, en jugeant qu’une obligation à la charge de la Commission d’informer immédiatement les autorités nationales compétentes qu’elles ne pourraient pas, s’agissant de l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank, se fonder sur la décision litigieuse alléguée ne serait pas apte à éviter le préjudice invoqué par la requérante et que, par conséquent, cette dernière n’avait pas démontré qu’elle justifiait d’un intérêt à l’obtention de cette mesure provisoire, le président du Tribunal n’a pas interprété de manière erronée l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

82      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation

83      Par son troisième moyen, la requérante soutient que le président du Tribunal a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation ainsi que des erreurs de droit concernant la protection juridictionnelle effective garantie par des procédures nationales aux fins de prévenir le préjudice grave et irréparable qu’elle a invoqué.

84      Selon elle, c’est à tort que le président du Tribunal a rejeté sa demande tendant à obtenir qu’il soit ordonné aux autorités grecques et bulgares de retirer les approbations qu’elles auraient déjà accordées concernant l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank, au motif que la requérante n’avait pas démontré que seules de telles injonctions auraient permis d’assurer sa protection juridictionnelle effective aux fins de prévenir ce préjudice et que cette protection pouvait être assurée par des juridictions nationales.

85      Premièrement, la requérante fait valoir que, en ayant considéré, au point 97 de l’ordonnance attaquée, que, « a priori, les juridictions grecques sont, en principe, les mieux à même » de lui offrir ladite protection, le président du Tribunal n’a pas tenu compte des arguments et des éléments de preuve qu’elle lui avait soumis et qui démontraient qu’elle avait demandé, sans succès, aux autorités et aux tribunaux bulgares d’adopter des mesures provisoires.

86      À cet égard, la requérante affirme que le président du Tribunal n’est pas compétent pour définir la portée des compétences des administrations et des juridictions nationales, de telle sorte qu’il n’était aucunement compétent pour décider si les juridictions grecques étaient les seules compétentes pour contrôler l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank.

87      Deuxièmement, la requérante relève que, alors que les juridictions nationales sont, en principe, compétentes pour tirer toutes les conséquences d’une violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, dans leur ordre juridique national, jusqu’à ce que la Commission adopte une décision finale, le président du Tribunal n’a pas examiné si, à première vue, la Commission avait adopté une telle décision s’agissant des violations des engagements de restructuration, de telle sorte que la question de savoir si la décision litigieuse alléguée existe demeure sans réponse.

88      Or, afin de permettre aux juridictions nationales compétentes de déterminer si l’article 108, paragraphe 3, TFUE a été violé ou non, cette question devrait être tranchée.

89      Dans ce contexte, la requérante relève également que, contrairement à ce que le président du Tribunal a supposé, aucun élément de sa demande en référé ne suggère qu’elle cherchait à obtenir des mesures provisoires du fait d’une nouvelle aide d’État illicite accordée à Eurobank à la suite de son acquisition de Piraeus Bank Bulgaria.

90      Troisièmement, la requérante estime que, dans la mesure où une juridiction nationale ne peut ordonner la suspension d’une mesure nationale fondée sur un acte de l’Union dont la validité est contestée qu’après avoir saisi la Cour d’une question préjudicielle sur la validité de cet acte, les juridictions grecques ne seraient pas compétentes pour ordonner des mesures provisoires relatives à une violation des engagements de restructuration d’Eurobank sans saisir au préalable la Cour d’un renvoi préjudiciel.

91      Or, la requérante considère comme étant très peu probable le fait qu’elle puisse invoquer l’invalidité de la décision litigieuse alléguée devant ces juridictions et leur demander d’ordonner des mesures provisoires, puisque toute demande de décision préjudicielle sur la validité de cette décision serait, sur le fondement de la jurisprudence issue de l’arrêt du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf (C‑188/92, EU:C:1994:90), déclarée irrecevable par la Cour.

92      Par conséquent, selon la requérante, seule la Cour peut se prononcer sur l’existence et sur la validité de ladite décision ainsi qu’ordonner des mesures provisoires.

93      Quatrièmement, la requérante indique qu’elle est disposée à introduire un recours devant les juridictions grecques contre la décision du FHSF portant approbation de l’opération d’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank, mais qu’elle ne pourra obtenir une copie de cette décision qu’après une procédure longue, complexe et à l’issue incertaine devant les juridictions civiles grecques.

94      La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation

95      Au point 97 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a considéré que, a priori, les juridictions grecques sont, en principe, les mieux à même de permettre à la requérante de faire valoir l’interdiction de mise à exécution visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE en ce qui concerne l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank et d’éviter ainsi la survenance du préjudice allégué.

96      Cette considération est intervenue après que le président du Tribunal a, au point 86 de l’ordonnance attaquée, constaté que la requérante n’avait pas démontré que seul le fait d’enjoindre à la Commission d’ordonner à la République hellénique, au FHSF et/ou à d’autres autorités compétentes en Bulgarie de retirer leurs approbations, était de nature à permettre d’assurer sa protection juridictionnelle effective.

97      L’allégation de la requérante selon laquelle le président du Tribunal n’a pas tenu compte des éléments qu’elle lui avait soumis et qui démontraient qu’elle avait demandé aux autorités et aux tribunaux bulgares d’adopter des mesures provisoires est, ainsi qu’il ressort du point 98 de l’ordonnance attaquée, manifestement dénuée de fondement.

98      Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la considération du président du Tribunal selon laquelle, a priori, les juridictions grecques sont, en principe, les mieux à même d’assurer sa protection juridictionnelle effective n’est pas infirmée par la circonstance qu’elle a demandé aux autorités et aux tribunaux bulgares d’adopter des mesures provisoires.

99      Au contraire, l’existence de voies de recours effectives en Bulgarie corrobore les appréciations du président du Tribunal selon lesquelles la requérante n’avait pas démontré que seules les injonctions sollicitées étaient de nature à permettre d’assurer sa protection juridictionnelle, ni, par conséquent, que l’octroi de ces injonctions était justifié par la nécessité impérieuse d’assurer son droit à un recours effectif.

100    En outre, contrairement à ce que la requérante affirme, le président du Tribunal ne s’est nullement déclaré compétent pour définir la portée des compétences des administrations et des juridictions nationales, ni n’a jugé que les juridictions grecques étaient les seules compétentes pour contrôler l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank.

101    En effet, le président du Tribunal s’est limité à constater que, a priori, les juridictions grecques sont, en principe, les mieux à même d’effectuer un tel contrôle.

102    Concernant l’argument de la requérante selon lequel les juridictions nationales compétentes ne pourraient pas déterminer si l’article 108, paragraphe 3, TFUE a été violé ou non, puisque le président du Tribunal ne s’est pas prononcé sur le point de savoir si la décision litigieuse alléguée existe ou non, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été jugé dans le cadre de l’examen des premier et deuxième moyens, à supposer qu’elle existe, une telle décision ne saurait, s’agissant de la question de savoir si la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank constitue ou non une aide d’État en faveur de cette dernière, être considérée comme étant une décision finale, au sens de cette disposition.

103    Par conséquent, le président du Tribunal n’était pas tenu de se prononcer sur ce point, puisque, à supposer même qu’elle ait été constatée, l’existence de la décision litigieuse alléguée n’aurait pas affecté la possibilité, pour la requérante, de saisir les juridictions nationales compétentes d’une demande visant à ce qu’elles statuent sur la question de savoir si la vente de Piraeus Bank Bulgaria à Eurobank constitue ou non une aide d’État en faveur de cette dernière, ni l’obligation, incombant à ces autorités et à ces juridictions, de tirer les conséquences d’une éventuelle violation de ladite disposition.

104    Pour ces mêmes motifs, l’argument de la requérante selon lequel seule la Cour pourrait se prononcer sur l’existence et sur la validité de la décision litigieuse alléguée ainsi qu’ordonner des mesures provisoires à cet égard ne saurait être accueilli.

105    À cet égard, ainsi que le président du Tribunal l’a relevé au point 104 de l’ordonnance attaquée, la requérante elle-même n’a pas allégué que la Commission aurait pris une décision relative à l’existence d’une aide d’État en faveur d’Eurobank au motif que son offre pour l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria avait été meilleure que celle d’Eurobank, qui a été retenue. De même, dans son pourvoi, la requérante a indiqué qu’il ne ressortait d’aucun élément de sa demande en référé qu’elle cherchait à obtenir des mesures provisoires du fait, selon elle, de la nouvelle aide d’État illicite accordée à Eurobank, résultant de son acquisition de Piraeus Bank Bulgaria.

106    Ainsi, c’est à bon droit que le président du Tribunal a jugé que, en l’absence d’une décision de la Commission selon laquelle l’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank n’est pas constitutive d’une aide d’État en faveur d’Eurobank, les juridictions grecques n’étaient pas tenues de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel en appréciation de la validité de la décision litigieuse alléguée afin de pouvoir accorder des mesures provisoires.

107    Enfin, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle celle-ci est disposée à introduire un recours devant les juridictions grecques contre la décision du FHSF portant approbation de l’opération d’acquisition de Piraeus Bank Bulgaria par Eurobank, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 9 novembre 2017, TV2/Danmark/Commission, C‑649/15 P, EU:C:2017:835, point 34 et jurisprudence citée).

108    Or, par cette affirmation, la requérante se borne à faire état d’une simple intention, sans critiquer de manière concrète et précise le moindre élément de l’ordonnance attaquée.

109    Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que le président du Tribunal a, au point 106 de l’ordonnance attaquée, jugé que la requérante n’avait pas pu démontrer l’existence de circonstances selon lesquelles l’octroi des injonctions visées au point 96 de la présente ordonnance était justifié par la nécessité impérieuse d’assurer son droit à un recours effectif.

110    Dans ces conditions, le troisième moyen doit être rejeté.

111    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

112    Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

113    Selon l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

114    La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la vice-présidente de la Cour ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Highgate Capital Management LLP est condamnée aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.