Language of document : ECLI:EU:F:2007:124

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

5 juillet 2007 (*)

« Fonction publique – Ancien agent temporaire – Nomination en qualité de fonctionnaire – Modification du statut au 1er mai 2004 – Article 32, troisième alinéa, du statut – Classement en échelon »

Dans l’affaire F‑93/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Bruno Dethomas, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Rabat (Maroc), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. V. Joris et H. Kraemer, puis par M. H. Kraemer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. H. Kanninen, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 avril 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 16 août 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le même jour), M. Dethomas demande l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 11 janvier 2006, par laquelle il a été nommé fonctionnaire stagiaire et affecté, en qualité de chef de la délégation de la Commission au Royaume du Maroc, à la direction générale (DG) « Relations extérieures », en ce que cette décision l’a classé au grade A*14, échelon 2 (ci-après la « décision attaquée »).

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 32, troisième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1, ci-après le « statut »), entré en vigueur le 1er mai 2004 :

« L’agent temporaire dont le classement a été fixé conformément aux critères de classement arrêtés par l’institution garde l’ancienneté d’échelon qu’il a acquise en qualité d’agent temporaire lorsqu’il a été nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de cette période. »

3        Une nouvelle structure de carrière a été mise en place par le règlement n° 723/2004.

4        Il ressort du considérant 10 du règlement n° 723/2004 ce qui suit :

« Il est manifestement nécessaire de confirmer le principe d’évolution de carrière fondée sur le mérite et de renforcer le lien entre performance et rémunération en offrant davantage d’incitations en récompense des bonnes prestations au moyen de modifications structurelles du système des carrières, tout en assurant l’équivalence des profils de carrière moyens entre la nouvelle et l’ancienne structure dans le respect du tableau des effectifs et de la discipline budgétaire. »

5        Alors que l’article 66 du statut, fixant les traitements mensuels de base pour chaque grade et chaque échelon, dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur du règlement n° 723/2004, prévoyait, pour l’ancien grade A 3, huit échelons, le même article, dans sa version actuelle, prévoit pour le nouveau grade AD 14, cinq échelons.

6        La mise en place de la nouvelle structure de carrière a été accompagnée de mesures de transition prévues à l’annexe XIII du statut. Deux périodes successives sont distinguées : celle comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 et celle postérieure au 30 avril 2006.

7        Ainsi, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut :

« Pendant la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, les paragraphes 1 et 2 de l’article 5 du statut sont remplacés par le texte suivant :

‘1. Les emplois relevant du statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A*, B*, C*, D*.

2. La catégorie A* comprend douze grades […]’ »

8        Durant cette même période, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, les huit grades appartenant à l’ancienne catégorie A, en ce compris les six grades appartenant au cadre linguistique LA, ont été renommés, pour les fonctionnaires placés dans l’une des positions visées à l’article 35 du statut, respectivement : A*16, A*15, A*14, A*12, A*11, A*10, A*8 et A*7, le paragraphe 2 du même article insérant dans la grille des rémunérations quatre grades intermédiaires, à savoir les grades A*13, A*9, A*6 et A*5.

9        L’article 2, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut précise que « [l]es traitements afférents aux nouveaux grades intermédiaires sont considérés comme étant les montants d’application au sens de l’article 7 de la présente annexe ».

10      À compter du 1er mai 2006, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, les grades A*16 à A*5 ont été, à leur tour, renommés respectivement de AD 16 à AD 5.

11      Par ailleurs, aux termes de l’article 3 de l’annexe XIII du statut :

« La procédure décrite à l’article 2, paragraphe 1, de la présente annexe, ne modifie ni l’échelon atteint par le fonctionnaire, ni son ancienneté acquise dans le grade et l’échelon. Les traitements sont fixés conformément à l’article 7 de la présente annexe. »

12      Aux termes de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut :

« Les agents temporaires inscrits avant le 1er mai 2006 sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie ou sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne sont classés, si le recrutement a lieu après le 1er mai 2004, dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient en qualité d’agent temporaire dans l’ancienne catégorie et, à défaut, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie. »

13      Le passage de l’ancienne grille des rémunérations à la nouvelle fait l’objet de l’article 7 de l’annexe XIII du statut qui dispose :

« Le traitement mensuel de base des fonctionnaires recrutés avant le 1er mai 2004 est fixé selon les règles suivantes :

[…]

2. Pour chaque fonctionnaire, un facteur de multiplication est calculé au 1er mai 2004. Ce facteur de multiplication est égal au rapport existant entre le traitement mensuel de base versé au fonctionnaire avant le 1er mai 2004 et le montant d’application défini à l’article 2, paragraphe 2.

[…]

3. […] à compter du 1er mai 2004, le traitement mensuel de base versé au fonctionnaire est au moins égal au montant du traitement mensuel de base qu’il aurait perçu en vertu du système en vigueur avant cette date à l’occasion de l’avancement automatique d’échelon dans le grade qu’il occupait. Pour chaque grade et pour chaque échelon, l’ancien traitement de base à prendre en considération est égal au montant d’application après le 1er mai 2004 multiplié par le coefficient défini à l’article 2, paragraphe 2, de la présente annexe.

[…] »

14      Par ailleurs, le régime applicable aux autres agents, tel que modifié par le règlement n° 723/2004 (ci-après le « RAA »), prévoit à l’article 1er, paragraphe 1, de son annexe :

« Les dispositions de l’annexe XIII du statut s’appliquent par analogie aux autres agents en fonction au 30 avril 2004. »

15      L’article 4 des dispositions générales d’exécution relatives aux critères applicables au classement en échelon lors de la nomination ou de l’engagement, adoptées par la Commission le 7 avril 2004 et publiées aux Informations administratives n° 55‑2004, le 4 juin 2004 (ci-après les « DGE »), dispose :

« Pour tenir compte de l’expérience professionnelle de l’intéressé, l’[autorité investie du pouvoir de nomination] accorde une bonification d’ancienneté de 24 mois pour une durée de l’expérience professionnelle qui est égale ou supérieure au nombre d’années indiquées ci-dessous :

Pour les grades A*14/AD 14 à A*16/AD 16 : 21 ans

[…]

La durée de l’expérience professionnelle valorisée est établie au moment de la lettre d’offre. Au cas où la période écoulée entre cette date et celle de la prise de fonction effective devrait avoir un impact sur le classement en échelon, celui-ci ferait l’objet d’une nouvelle décision de l’[autorité investie du pouvoir de nomination]. »

16      Enfin, l’article 5, paragraphes 1 et 2, des DGE prévoit :

« 1.      L’agent temporaire bénéficie du maintien de son ancienneté d’échelon lorsqu’il est nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de cette période.

2.      Tout agent temporaire nommé fonctionnaire à un grade inférieur à la suite immédiate de cette période est classé selon le résultat le plus favorable

–        soit du classement comme un nouveau recruté,

–        soit du maintien de l’échelon et de l’ancienneté d’échelon du grade acquis en tant qu’agent temporaire,

–        soit du maintien de l’ancienneté de l’échelon, en bénéficiant de l’échelon qui aurait été le sien s’il avait été engagé comme agent temporaire dans le grade auquel il est nommé fonctionnaire. »

 Antécédents du litige

17      Du 16 octobre 1988 au 31 mai 1989, le requérant a exercé les fonctions de porte-parole adjoint de la Commission en tant qu’agent auxiliaire.

18      Il a ensuite été engagé à la Commission en tant qu’agent temporaire au titre de l’article 2, sous a), du RAA, avec effet au 1er juin 1989, pour exercer successivement des fonctions de porte-parole faisant fonction et de chef de la délégation ou de la représentation de la Commission au Brésil puis en Pologne. Lors de son engagement, il avait été classé au grade A 3, échelon 4. Au 1er juin 1997, il a atteint l’échelon 8 du même grade.

19      Au 1er mai 2004, le grade A 3 du requérant a été renommé A*14.

20      Le 5 octobre 2004, la Commission a publié, au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 2, du statut, l’avis de vacance COM/229/04, visant au pourvoi du poste de chef de sa délégation au Royaume du Maroc (JO C 246 A, p. 1). Dans cet avis, sous la rubrique « Nomination et conditions de recrutement », figure la mention selon laquelle « [l]a rémunération et les conditions de travail sont celles prévues pour les fonctionnaires occupant des fonctions correspondant au poste de base de directeur au sein des Communautés européennes ».

21      Le requérant s’est porté candidat à l’emploi visé par l’avis de vacance COM/229/04.

22      Par décision du 5 juillet 2005, la Commission a décidé de nommer le requérant au poste de chef de sa délégation au Royaume du Maroc. Il était également précisé que la date de prise d’effet de cette décision serait fixée ultérieurement.

23      En exécution de ladite décision, le président de la Commission a adopté la décision attaquée avec effet au 3 septembre 2005. Dans cette même décision, le classement du requérant a été fixé au grade A*14, échelon 2. De surcroît, il ressort du premier visa de la décision attaquée qu’elle a été adoptée sur le fondement, notamment, de l’article 29, paragraphe 2, du statut.

24      Le 30 janvier 2006, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée, par laquelle il demandait à être classé au grade A*14, échelon 8, en application de l’article 32, troisième alinéa, du statut.

25      Par décision du 11 mai 2006, communiquée au requérant le 16 mai suivant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté ladite réclamation.

 Conclusions des parties

26      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée,

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé,

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Arguments des parties

28      À l’appui de son recours, le requérant soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 32, troisième alinéa, du statut.

29      Selon le requérant, les conditions posées par cette disposition sont réunies en l’espèce, dès lors qu’il a été nommé fonctionnaire dans le grade qu’il détenait comme agent temporaire à la suite immédiate de sa période d’activité accomplie en cette dernière qualité. Partant, il considère avoir droit au maintien de l’échelon qui était alors le sien, à savoir l’échelon 8 du grade A*14, conformément aux dispositions transitoires de l’annexe XIII, applicables par analogie aux agents temporaires, en ce compris des dispositions prévues à l’article 7 de ladite annexe concernant le facteur de multiplication.

30      Ce serait en vain que la Commission se réfère, dans sa réponse explicite de rejet de la réclamation, à l’expression « nouveaux grades intermédiaires » visée à l’article 2, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe XIII du statut. En effet, selon le requérant, les dispositions de cette annexe auraient pour seul objet de renommer au 1er mai 2004 les grades des fonctionnaires et agents, sans avoir d’incidence sur la situation administrative et les droits des fonctionnaires et agents concernés.

31      Le requérant ajoute que l’argumentation de la Commission a pour effet d’exclure illégalement du champ d’application de l’article 5 des DGE tous les agents temporaires qui étaient en service avant le 1er mai 2004.

32      À titre subsidiaire, s’il fallait admettre que toute comparaison entre les grades antérieurs et les nouveaux grades introduits par le règlement n° 723/2004 dans le statut est « par définition » exclue, le requérant estime que la Commission aurait dû négocier et, le cas échéant, signer avec le personnel concerné, de nouveaux contrats fixant, de commun accord, les nouvelles conditions d’emploi et, notamment, les nouveaux grades et rémunérations. Le requérant demande, dans cette hypothèse, que la Commission, d’une part, lui précise sur quelle base juridique elle a établi ses fiches de rémunération entre le 1er mai 2004 et sa nomination en tant que fonctionnaire stagiaire, et, d’autre part, qu’elle explique comment elle a pu appliquer le facteur de multiplication prévu à l’article 7 de l’annexe XIII du statut.

33      La Commission est d’avis que la décision attaquée ne viole pas l’article 32, troisième alinéa, du statut.

34      En premier lieu, en recourant à une méthode d’interprétation téléologique, la Commission considère que l’application de l’article 32, troisième alinéa, du statut présuppose nécessairement que la structure de carrière sur la base de laquelle a été effectué le classement en échelon du requérant en qualité d’agent temporaire soit la même que celle qui constitue le fondement de son classement en échelon lors de sa nomination en tant que fonctionnaire. La prise en compte des années de service en tant qu’agent temporaire lors de la nomination comme fonctionnaire stagiaire ne pourrait être effectuée que si les paramètres du classement en échelon valables au moment de l’engagement en qualité d’agent temporaire – ou, à tout le moins, au moment de l’octroi de l’échelon détenu en dernier lieu par l’intéressé en cette qualité – étaient identiques à ceux valables au moment de la nomination en tant que fonctionnaire.

35      Or, la Commission observe que le règlement n° 723/2004 a modifié la structure de carrière des fonctionnaires et agents. Notamment, les anciens grades ont été remplacés par de nouveaux grades. Certes, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, les anciens grades – dont le grade A 3 détenu par le requérant au 30 avril 2004 – ont été « renommés ». Cependant, à l’article 8, paragraphe 1, de ladite annexe, il est expressément question des grades « introduits » en vertu de l’article 2, paragraphe 1 de cette même annexe, parmi lesquels figure « l’ancien grade (intermédiaire) » A*14. Or, si un grade est « introduit », cela signifierait qu’il n’existait pas auparavant. De même, la Commission souligne que, dans les tableaux de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut, comme au paragraphe 3 de cet article, on trouve l’expression « nouveaux grades intermédiaires », étant précisé que le tableau de l’article 2, paragraphe 2, relatif à la catégorie A vise l’ancien grade A 3 devenu le nouveau grade intermédiaire A*14.

36      La Commission ajoute que la nouvelle catégorie A* comprend « nettement » plus de grades que n’en comptait l’ancienne catégorie A. Le caractère préparatoire des mesures de transition que constituent les articles 1er et 2 de l’annexe XIII du statut serait mis en évidence par le fait que les douze grades de la catégorie A* forment les douze grades du groupe de fonctions d’administrateur, ainsi qu’il résulte de l’article 5, paragraphe 2, du statut et de l’annexe I A dudit statut.

37      Or, l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut pose une règle de transition de grade pour les fonctionnaires et agents recrutés avant le 1er mai 2004.

38      Cependant, la « valeur relative » des anciens grades, à l’intérieur de l’ancienne structure de carrière, serait moins élevée que celle des nouveaux grades au sein de la nouvelle structure de carrière. Ce serait pour compenser cette différence de « valeur relative » que les fonctionnaires – ou agents temporaires – en service avant le 1er mai 2004 ne sont pas placés dans le nouveau grade « tel quel », mais dans un grade « transitoire » différent de celui-ci, caractérisé par l’application au traitement de base, visé à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, d’un facteur de multiplication, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de ladite annexe.

39      En outre, il existerait un lien évident entre l’augmentation du nombre total de grades et la réduction du nombre d’échelons dans chaque grade, ces deux éléments étant l’expression de la volonté du législateur, d’une part, de confirmer le principe d’évolution de carrière fondée sur le mérite, et d’autre part, de renforcer le lien entre performance et rémunération, en offrant davantage d’incitations en récompense des bonnes prestations accomplies par les fonctionnaires ou agents, ainsi qu’il ressortirait du considérant 10 du règlement n° 723/2004.

40      Les paramètres mêmes du classement en échelon n’auraient donc pas été identiques au moment de l’octroi de l’échelon détenu en dernier lieu par le requérant en qualité d’agent temporaire (à savoir le 1er juin 1997) et au moment de sa nomination en tant que fonctionnaire, le 11 janvier 2006.

41      En conséquence, la situation du requérant relèverait des seuls premier et deuxième alinéas de l’article 32 du statut, tels que mis en œuvre par l’article 4 des DGE.

42      En deuxième lieu, en recourant à la notion d’économie des dispositions statutaires, la Commission observe que l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut prévoit, notamment pour les agents temporaires inscrits avant le 1er mai 2006 sur une liste de lauréats d’un concours interne et nommés fonctionnaires après le 1er mai 2004, un classement « dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient en qualité d’agents temporaires dans l’ancienne catégorie ». Or, cette disposition serait dépourvue de tout effet utile si, pour des situations de transition, comme celle de l’espèce, le principe d’un classement au même échelon que celui détenu en qualité d’agent temporaire découlait déjà de l’article 32, troisième alinéa, du statut, lequel s’appliquerait indistinctement à des recrutements internes et externes.

43      Or, selon la Commission, le requérant, ayant été recruté en application de l’article 29, paragraphe 2, du statut, ne relève pas du champ d’application de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, les règles applicables à sa nomination étant celles régissant la nomination de tout fonctionnaire lauréat d’une procédure de sélection.

44      La différence de « valeur relative » entre l’ancien grade A 3 et le nouveau grade A*14 serait confirmée par le fait que l’emploi que le requérant détenait comme agent temporaire, relevant de l’ancien grade A 3, à savoir celui de chef de la délégation en Pologne et, à compter du 1er mai 2004, de chef de la représentation de la Commission dans ce même État, relevait de l’emploi type de chef de division dans le statut, dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2004 (annexe I A), alors que l’emploi de chef de la délégation au Royaume du Maroc, auquel le requérant a été nommé par la décision attaquée, relève de l’emploi type de directeur, lequel couvre deux grades depuis le 1er mai 2004, à savoir les grades A*14 et A*15, ainsi qu’il ressort de l’annexe XIII.1 du statut (« Emplois types pendant la période transitoire »).

45      Quant aux interrogations soulevées par le requérant à propos de ses bulletins de rémunération établis entre le 1er mai 2004 et le 3 septembre 2005, date de prise d’effet de sa nomination comme fonctionnaire stagiaire, ainsi qu’à propos de l’application du facteur de multiplication prévu à l’article 7 de l’annexe XIII du statut, la Commission observe qu’un fonctionnaire recruté après le 1er mai 2004 ne peut plus légalement être classé au-delà du cinquième échelon, seuls les fonctionnaires recrutés avant cette date pouvant bénéficier de l’article 7, paragraphe 3, de ladite annexe et, le cas échéant, atteindre le huitième échelon dans le grade A*14, avec facteur de multiplication.

46      En dernier lieu, la Commission observe que le requérant a choisi délibérément de ne pas continuer sa carrière en tant qu’agent temporaire de grade A*14, échelon 8 (avec facteur de multiplication), mais de se faire recruter en tant que fonctionnaire, sur la base d’une procédure de recrutement externe. Ce faisant, il se serait vu accorder le bénéfice d’un traitement de base non affecté d’un facteur multiplicateur. La Commission admet que, le requérant étant désormais classé au deuxième échelon du grade A*14, le traitement de base que l’intéressé pourrait de facto atteindre lorsqu’il aura l’âge de la retraite serait inférieur au traitement de base qu’il percevait avant son recrutement en qualité de fonctionnaire.

47      Dans son mémoire en duplique, la Commission invoque l’irrecevabilité, en raison de sa tardiveté, du moyen tiré de la violation de l’article 5 des DGE, lequel n’aurait pas été soulevé dans la requête. Sur le fond, elle estime que le paragraphe 1 de cet article se limite à reprendre le contenu normatif de l’article 32, troisième alinéa, du statut. Partant, pour les mêmes raisons que celles déjà exposées à l’encontre de l’argumentation du requérant relative à cette dernière disposition, la décision attaquée ne serait pas non plus entachée d’une illégalité au regard dudit article 5, paragraphe 1.

 Appréciation du Tribunal

48      Aux termes de l’article 32, troisième alinéa, du statut, « [l]’agent temporaire dont le classement a été fixé conformément aux critères de classement arrêtés par l’institution garde l’ancienneté d’échelon qu’il a acquise en qualité d’agent temporaire lorsqu’il a été nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de cette période ».

49      À cet égard, il convient d’observer, en premier lieu, que le règlement n° 723/2004 ne contient aucune disposition transitoire affectant l’applicabilité de l’article 32, troisième alinéa, du statut à compter du 1er mai 2004. Il y a donc lieu de considérer que, après l’entrée en vigueur dudit règlement, à défaut de disposition transitoire, cet article reste pleinement applicable au classement en échelon de tout agent temporaire nommé fonctionnaire dans le grade qu’il détenait jusqu’alors.

50      La position de la Commission selon laquelle il y aurait lieu d’écarter en l’espèce l’application de l’article 32, troisième alinéa, du statut sur le fondement d’une interprétation téléologique du texte et en raison de l’économie des dispositions statutaires, dès lors que la structure de carrière aurait été fondamentalement modifiée à compter du 1er mai 2004, ne saurait être retenue.

51      En effet, s’il est vrai que, pour dégager le sens ou la portée d’un texte communautaire, il convient de prendre en compte, le cas échéant, la finalité et l’esprit de ses dispositions, eu égard à l’économie générale de la réglementation dans laquelle elles sont contenues, l’on ne saurait écarter, par la voie d’une méthode d’interprétation et au motif que cette mise à l’écart de la règle servirait mieux l’objectif poursuivi par le législateur, l’application même d’une règle de droit communautaire dont le texte est clair, sans que soit invoqué un principe ou une norme de droit supérieur avec lequel elle entrerait en conflit (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juin 1990, Weiser, C‑37/89, Rec. p. I‑2395, points 7 à 10, et conclusions de l’avocat général M. Darmon sous cet arrêt, points 17 à 19). Or, en l’espèce, la Commission n’a nullement prétendu que l’application de l’article 32, troisième alinéa, du statut à la situation du requérant serait contraire à une règle de droit supérieur.

52      En deuxième lieu, il convient de rappeler que la disposition litigieuse fait partie de l’article 32 du statut, qui régit le classement en échelon des fonctionnaires lors de leur recrutement. Selon le premier alinéa de cet article, le classement du fonctionnaire est effectué au premier échelon de son grade. Pour tenir compte de l’expérience professionnelle de l’intéressé, l’AIPN « peut », conformément au deuxième alinéa du même article, lui accorder une bonification d’ancienneté d’échelon de 24 mois au maximum.

53      Toutefois, le troisième alinéa de l’article 32 du statut prévoit qu’un agent temporaire nommé fonctionnaire garde l’ancienneté d’échelon acquise en qualité d’agent temporaire, à condition qu’il soit nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de la période accomplie en qualité d’agent temporaire.

54      Ainsi qu’il ressort du troisième considérant du règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 3947/92 du Conseil, du 21 décembre 1992, modifiant le statut et le RAA (JO L 404, p. 1), lequel a introduit un troisième alinéa à l’article 32 du statut, cette dernière disposition vise à permettre le dépassement des limites de bonification prévues au deuxième alinéa dudit article, ce pour tenir compte des années de service que le fonctionnaire nouvellement nommé a accumulées en tant qu’agent temporaire.

55      Ainsi que l’a souligné le Tribunal de première instance dans son arrêt du 4 mars 1998 (De Abreu/Cour de justice, T‑146/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑281, points 60, 62 et 66), l’article 32, troisième alinéa, du statut instaure un système de bonification assez généreux. D’une part, il ne fixe aucune limite maximale pour le report, à l’intérieur de chaque grade, de l’ancienneté d’échelon acquise. Ainsi, du seul fait de sa longue ancienneté d’échelon acquise en tant qu’agent temporaire, le fonctionnaire nouvellement nommé peut se voir classer, sans limite temporelle, à un échelon supérieur de son grade. D’autre part, il n’exige pas que le report de l’ancienneté d’échelon acquise par un agent temporaire doive refléter une expérience professionnelle particulièrement utile pour l’emploi de fonctionnaire qu’il va occuper.

56      En troisième lieu, il convient nécessairement de tenir compte, dans l’application de l’article 32, troisième alinéa, du statut, du changement de structure de carrière intervenu au 1er mai 2004.

57      Il est constant que, à cette date, soit plus de quatorze mois avant sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire, le requérant, qui était alors de grade A 3, a vu son grade renommé A*14 en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, auquel renvoyait l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA.

58      Le requérant ayant été nommé ultérieurement fonctionnaire dans le même grade A*14 par la décision attaquée, avec effet au 3 septembre 2005, il y a lieu de maintenir en sa faveur l’ancienneté d’échelon qu’il avait acquise en qualité d’agent temporaire au moment de sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire, à savoir le huitième échelon, conformément à l’article 32, troisième alinéa, du statut, dont le texte clair ne se prête à aucune discussion.

59      Il convient d’ajouter que la grille salariale de transition, établie à l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut, intègre précisément à la nouvelle structure de carrière, où chaque grade est divisé en cinq échelons, l’ancienne structure de carrière, où chaque grade était divisé en huit échelons, les montants mensuels de base étant affectés du facteur de multiplication prévu à l’article 7 de ladite annexe.

60      Enfin, quant à l’argument avancé par la Commission, selon lequel le requérant a délibérément choisi de se faire recruter en tant que fonctionnaire sur la base d’une procédure de recrutement externe, plutôt que de continuer sa carrière en tant qu’agent temporaire de grade A*14, échelon 8, il convient de souligner que l’article 29, paragraphe 2, du statut, en vertu duquel a eu lieu ledit recrutement, a été interprété comme offrant une possibilité, certes exceptionnelle, aux fonctionnaires et agents de bénéficier d’une nomination à un emploi supérieur et, donc, d’un avancement dans leur carrière. En effet, la procédure de recrutement prévue par cette disposition ne vise pas seulement le recrutement des personnes non encore au service des Communautés, mais également des fonctionnaires ou agents déjà en fonction. Ainsi que la Cour l’a jugé dans son arrêt du 5 décembre 1974 (Van Belle/Conseil, 176/73, Rec. p. 1361, point 10), il ne serait ni équitable ni conforme à l’intérêt du service que ladite procédure ne puisse trouver application qu’à l’égard de candidats non fonctionnaires alors qu’elle se substitue à un concours, interne ou général, dont des candidats fonctionnaires n’auraient pu être écartés.

61      En d’autres termes, à l’instar d’un concours général, la procédure prévue à l’article 29, paragraphe 2, du statut ne constitue pas exclusivement un mode de recrutement externe, par opposition au concours interne ou à la nomination à un grade supérieur par voie de promotion, dès lors qu’elle est ouverte à la fois aux candidats venant de l’extérieur et à d’autres, ayant déjà la qualité de fonctionnaire ou d’agent.

62      Contrairement à ce que soutient la Commission, l’on ne saurait donc considérer la nomination d’un fonctionnaire ou d’un agent, en position d’activité, à un emploi supérieur au titre de l’article 29, paragraphe 2, du statut comme un recrutement « externe » empêchant toute prise en compte des années de service que le fonctionnaire nouvellement nommé a totalisées en tant qu’agent temporaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 juin 2007, Da Silva/Commission, F‑21/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 75).

63      Dans ces conditions, en refusant au requérant le report de l’ancienneté d’échelon dans le grade, renommé A*14, qu’il avait acquise en qualité d’agent temporaire au jour de sa nomination comme fonctionnaire, à savoir l’échelon 8, la Commission a violé l’article 32, troisième alinéa, du statut.

64      En conséquence, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la portée de l’article 5, paragraphe 1, des DGE, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

65      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I‑A‑1‑3 et II‑A‑1‑7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7).

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission des Communautés européennes du 11 janvier 2006 est annulée en ce qu’elle porte classement de M. Dethomas, en qualité de chef de la délégation de la Commission au Royaume du Maroc, au grade A*14, échelon 2.

2)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juillet 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.