Language of document : ECLI:EU:C:2019:1121

Affaire C385/18

Arriva Italia Srl e.a.

contre

Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato)

 Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 19 décembre 2019

« Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Notion – Entreprise publique ferroviaire en difficulté – Mesures d’aides – Allocation d’une aide financière – Objectif – Poursuite des activités de l’entreprise publique ferroviaire – Allocation et participation au capital de cette entreprise publique – Transfert dans le capital d’une autre entreprise publique – Critère de l’investisseur privé – Obligation de notification préalable des aides nouvelles »

1.        Aides accordées par les États – Notion – Octroi imputable à l’État d’un avantage au moyen des ressources de l’État – Autorisation législative d’une dépense budgétaire en faveur d’une entreprise publique en difficulté – Inclusion – Absence de mobilisation immédiate et certaine des ressources étatiques – Absence d’incidence

(Art. 107, § 1, TFUE)

(voir points 33-41)

2.        Aides accordées par les États – Affectation des échanges entre États membres – Atteinte à la concurrence – Critères d’appréciation – Aides susceptibles d’affecter lesdits échanges et de fausser la concurrence – Notion

(Art. 107, § 1, TFUE)

(voir points 42-45)

3.        Aides accordées par les États – Notion – Appréciation selon le critère de l’investisseur privé – État actionnaire d’une entreprise – Allocation d’une somme d’argent à une entreprise publique en difficulté afin d’assurer la poursuite de ses activités – État agissant en tant que puissance publique – Distinction au regard de l’application du critère de l’investisseur privé – Éléments d’appréciation

(Art. 107, § 1, TFUE)

(voir points 46-51)

4.        Aides accordées par les États – Affectation des échanges entre États membres – Atteinte à la concurrence – Critères d’appréciation – Aide permettant le maintien sur le marché d’une entreprise publique en difficulté – Aide susceptible de fausser les conditions de concurrence – Entreprise publique bénéficiant d’un monopole légal n’écartant pas toute concurrence potentielle – Absence d’incidence

(Art. 107, § 1, TFUE ; communication de la Commission 2016/C 262/01, points 188 et 219)

(voir points 52-61)

5.        Aides accordées par les États – Notion – Octroi d’un avantage aux bénéficiaires – Cession sans contrepartie financière de la participation de l’État au capital d’une entreprise publique en difficulté à une autre entreprise publique – Détermination du bénéficiaire – Critères

(Art. 107, § 1, TFUE)

(voir point 64)

6.        Concurrence – Application des règles de concurrence – Égalité de traitement entre entreprises publiques et privées – Régime de la propriété publique – Absence d’incidence

(Art. 106, § 1, 107, § 1, et 345 TFUE)

(voir points 66, 67)

7.        Aides accordées par les États – Notion – Appréciation selon le critère de l’investisseur privé – État actionnaire d’une entreprise – Cession sans contrepartie financière de la participation de l’État au capital d’une entreprise publique en difficulté à une autre entreprise publique – Transfert en contrepartie de l’obligation de remédier au déséquilibre patrimonial de l’entreprise en difficulté – Éléments d’appréciation

(Art. 107, § 1, TFUE)

(voir points 70-75)

8.        Aides accordées par les États – Aide octroyée en méconnaissance des règles de procédure de l’article 108, paragraphe 3, TFUE – Obligations des juridictions nationales – Obligation de tirer toutes les conséquences de cette violation conformément au droit national – Obligation d’ordonner la restitution de l’aide illégale

(Art. 108, § 3, TFUE)

(voir points 81-89, disp. 2)

Résumé

Les mesures adoptées par un État membre permettant le maintien sur le marché d’une entreprise publique du secteur ferroviaire en difficulté relèvent des règles du droit de l’Union relatives aux aides d’État

Dans l’arrêt préjudiciel Arriva Italia e.a. (C‑385/18), rendu le 19 décembre 2019, la Cour a apporté des précisions sur l’application des règles du droit de l’Union relatives aux aides d’État aux mesures étatiques adoptées et mises en œuvre en vue de répondre aux difficultés financières rencontrées par une entreprise publique du secteur ferroviaire.

L’affaire pendante devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) porte sur deux mesures adoptées par l’État italien en 2015/2016, en réponse aux difficultés financières rencontrées par un gestionnaire public d’infrastructures ferroviaires locales qui fournissait également des services de transport de passagers. Ces mesures consistaient, d’une part, en l’autorisation d’une dotation budgétaire de 70 millions d’euros destinée à couvrir les besoins financiers de ce gestionnaire (ci-après la « mesure financière ») et, d’autre part, en un transfert, au groupe public exploitant l’infrastructure ferroviaire nationale et fournissant des services de transport de passagers, du capital du gestionnaire en difficulté antérieurement exclusivement détenu par l’État, sans contrepartie financière ni mise en concurrence, mais à charge pour ce groupe public de remédier au déséquilibre financier du gestionnaire en question (ci-après la « mesure de transfert du capital social »).

Le Consiglio di Stato est appelé à se prononcer sur le bien-fondé d’un jugement rejetant le recours introduit par différents opérateurs ferroviaires à l’encontre du décret ministériel prévoyant la mesure de transfert du capital social. Les requérants excipaient de l’illégalité du décret, faute de notification préalable à la Commission des deux mesures en tant qu’aides d’État.

Interrogée par le Consiglio di Stato sur l’application des critères de qualification de mesures nationales d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Cour a rappelé, en ce qui concerne la mesure financière, qu’une utilisation de ressources d’État devait être admise dès lors que le bénéficiaire de la mesure s’était vu conférer un droit au bénéfice de la somme en cause, sans qu’un transfert effectif des ressources en cause ne soit exigé. Selon la Cour, c’est toutefois à la juridiction de renvoi qu’il incombe de procéder aux vérifications correspondantes. En outre, la Cour a relevé que la sélectivité de l’avantage ainsi conféré ne pouvait céder que devant la preuve que l’État italien avait agi en sa qualité d’actionnaire de l’opérateur en difficulté, en tenant compte de la rentabilité de la mesure financière. Enfin, la Cour a jugé que le maintien de la société bénéficiaire, rendu possible par l’adoption de la mesure financière, suffisait à caractériser le risque de distorsion de la concurrence, quand bien même les activités exercées par la société bénéficiaire n’auraient pas fait l’objet par le passé d’une mise en concurrence.

En ce qui concerne, en second lieu, la qualification à retenir au sujet de la mesure de transfert du capital social, la Cour a relevé que, en fonction de ses caractéristiques précises, il ne pouvait pas être exclu qu’une telle mesure puisse bénéficier soit à la société publique cessionnaire de la participation, soit au gestionnaire en difficulté, ou aux deux sociétés concernées. La Cour a précisé que le respect des régimes de propriété prescrit par l’article 345 TFUE n’exemptait pas les régimes de propriété publique, et, partant, les modifications telles celles résultant de la mesure en cause, des règles relatives aux aides d’État. S’agissant de la question de savoir si le transfert du capital social constituait un avantage sélectif, la Cour a relevé que l’État italien n’avait pas procédé à une évaluation de sa rentabilité avant d’y procéder. Ainsi, il ne ressortait pas du dossier qui lui avait été soumis que, en application du critère de l’investisseur privé, l’entreprise publique bénéficiaire aurait pu obtenir le même avantage que celui mis à sa disposition au moyen de ressources d’État dans des circonstances correspondant aux conditions normales du marché, ce qu’il incombait toutefois, à la juridiction de renvoi de vérifier.

Enfin, la Cour a abordé les conséquences à tirer de la qualification d’aide d’État, qui faisaient l’objet de la seconde question du Consiglio di Stato. À cet égard, la Cour a rappelé que, dans l’hypothèse où les mesures en cause devraient être qualifiées d’aides d’État, il appartiendrait à la juridiction de renvoi de tirer toutes les conséquences découlant de l’absence de notification préalable de ces mesures à la Commission, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et, partant, de leur illégalité.