Language of document : ECLI:EU:F:2007:34

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE

13 mars 2007 (*)

« Référé – Demande de sursis à exécution – Urgence – Absence »

Dans l’affaire F‑1/07 R,

ayant pour objet une demande introduite au titre des articles 242 CE, 243 CE, 157 EA et 158 EA,

Olivier Chassagne, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me Y. Minatchy, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et V. Joris, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 3 janvier 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 12 janvier suivant), M. Chassagne demande le sursis à l’exécution de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 17 novembre 2006, arrêtant la liste des fonctionnaires promus au grade A*11 au titre de l’exercice de promotion 2006, publiée le même jour aux Informations administratives n° 55-2006 (ci-après la « décision attaquée »).

 Cadre juridique

2        L’article 43, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution conformément à l’article 110. […] »

3        Le 6 décembre 2002, la Commission a adopté des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut fixant des modalités spécifiques relatives à l’évaluation des fonctionnaires et agents temporaires détachés en tant que représentants du personnel (ci-après les « DGE spécifiques applicables aux représentants du personnel »).

4        Le 23 décembre 2004, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE de l’article 43 »).

5        L’article 5 des DGE de l’article 43, relatif à la reconduction d’un rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC »), dispose :

« 1. Une reconduction consiste à établir un rapport dont le contenu est identique au rapport annuel ou intermédiaire précédent. Le rapport à établir est clôturé dès lors que le titulaire de poste, l’évaluateur et le validateur ont marqué leur accord pour la reconduction, sans qu’il soit nécessaire de suivre la procédure visée à l’article 8.

2. La reconduction est autorisée si aucun changement significatif n’est intervenu dans le rendement, les compétences et/ou la conduite dans le service du titulaire de poste.

3. Lorsque la reconduction vise à établir un rapport annuel, un dialogue formel portant sur la fixation des objectifs et le plan de formation doit être organisé par l’évaluateur. Un rapport annuel ne peut pas être reconduit deux années consécutivement. »

6        L’article 6, paragraphe 3, sous b), des DGE de l’article 43 prévoit que les rapports concernant les titulaires de poste détachés à raison de 50 % de leur temps en qualité de représentants du personnel sont établis, pour ce qui est de la portion d’activité consacrée à la représentation du personnel, conformément aux DGE spécifiques applicables aux représentants du personnel.

7        L’article 2, paragraphe 2, des DGE spécifiques applicables aux représentants du personnel prévoit que l’évaluateur d’un fonctionnaire détaché auprès d’une organisation syndicale est l’instance dirigeante de cette dernière, quel que soit le rôle exercé par l’évalué au sein de l’organisation.

8        En vertu de l’article 3, paragraphe 1, des DGE spécifiques applicables aux représentants du personnel, dans tous les cas visés à l’article 2 susmentionné, le validateur est le président du groupe ad hoc d’évaluation et de propositions de promotion des représentants du personnel (ci-après le « groupe ad hoc »), qui agit sur mandat de celui-ci.

9        L’article 4, paragraphe 1, des DGE spécifiques applicables aux représentants du personnel prévoit que les appels formés contre les REC du personnel détaché sont traités par le comité paritaire d’évaluation (ci-après le « CPE ») du secrétariat général de la Commission. Aux termes du paragraphe 2 de cette même disposition, l’évaluateur d’appel est le groupe ad hoc réuni en plénière.

10      L’article 45, paragraphe 1, du statut dispose :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f) et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

11      Le 23 décembre 2004, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut (ci-après les « DGE de l’article 45 »).

12      L’article 6, paragraphe 3, des DGE de l’article 45 prévoit notamment que les fonctionnaires détachés à plein temps ou à 50 % comme représentants du personnel et qui sont jugés méritants se voient décerner d’éventuels points de priorité par le président du groupe ad hoc.

 Faits à l’origine du litige

13      Le requérant est fonctionnaire de grade AD 10 à la Commission. Il est affecté à la direction générale (DG) de l’énergie et des transports depuis le 1er juillet 2002.

14      Il est également adhérent de la section « Commission Bruxelles » de la Fédération de la fonction publique européenne (ci-après la « FFPE »), syndicat faisant partie de l’Alliance confédérale des syndicats libres (ci-après l’« Alliance »), regroupant diverses organisations syndicales et professionnelles.

15      Par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), du 30 mars 2005, prenant effet le 1er avril suivant, le requérant a été affecté, en tant que détaché syndical à 50 %, auprès du syndicat FFPE de l’Alliance.

16      Suite à un incident qui aurait éclaté le 21 décembre 2005 et aurait impliqué le requérant ainsi que quatre membres de la FFPE, celui-ci a cessé d’exercer ses activités en tant que détaché syndical.

17      L’AIPN a mis fin au détachement du requérant par décision du 19 janvier 2006, prenant rétroactivement effet le 16 janvier. Le requérant a par conséquent été réintégré à plein temps au sein de sa DG d’origine.

18      Le 14 mars 2006, le REC du requérant pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 a été reconduit pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2005, pour ce qui est de la partie de ses activités exercées au sein de la DG de l’énergie et des transports.

19      Le 20 juin 2006, le requérant a transmis à son évaluateur, le président de la section « Commission Bruxelles » de la FFPE, son autoévaluation concernant ses activités de détaché syndical.

20      Le dialogue formel entre le requérant et son évaluateur a eu lieu le 26 juin 2006. Un incident a éclaté au cours de ce dialogue formel, lorsque l’évaluateur a découvert que le requérant avait enregistré ledit dialogue. Les jours suivants, le requérant et son évaluateur ont échangé plusieurs courriers électroniques extrêmement tendus.

21      Le 29 juin 2006, le requérant a reçu son projet de REC. Il allègue que ce document aurait ensuite, le jour même, disparu de son bureau.

22      Le 3 juillet 2006, un nouvel incident aurait opposé le requérant et le président de la section « Commission Bruxelles » de la FFPE, lors du comité de la FFPE.

23      Suite à la saisine par l’AIPN du service médical de la Commission, le requérant a été examiné par le médecin psychiatre de cette dernière les 13 septembre, 29 septembre et 6 octobre 2006. Il aurait refusé de se rendre à un quatrième rendez-vous qui lui avait été fixé par ledit médecin psychiatre.

24      Le 25 septembre 2006, le requérant aurait été exclu de la réunion du comité de la FFPE par le bureau de sécurité, sur instruction du président de la section « Commission Bruxelles » de la FFPE.

25      Par ailleurs, par courrier électronique du 5 juillet 2006, le requérant avait sollicité un entretien avec le validateur dans le cadre de la procédure d’évaluation de ses activités de détaché syndical. Cet entretien a eu lieu le 18 septembre suivant. Le REC du requérant a été confirmé par le validateur le 4 octobre 2006.

26      Par courrier électronique du 6 octobre 2006, le requérant a saisi le CPE.

27      La décision attaquée a été publiée aux Informations administratives du 17 novembre 2006. Le 19 décembre suivant, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de ladite décision.

 Procédure et conclusions des parties

28      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 3 janvier 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 12 janvier suivant), le requérant demande l’annulation de la décision attaquée. Cette requête a été enregistrée au greffe du Tribunal sous le numéro F‑1/07.

29      Par acte séparé du même jour, le requérant a introduit la présente demande en référé.

30      Dans sa demande en référé, le requérant conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        prononcer le sursis à l'exécution de la décision attaquée et des mesures qui en découlent ;

–        faire droit à cette demande de sursis avant même que la partie défenderesse ait présenté ses observations ;

–        prononcer toute mesure nécessaire à la sauvegarde de ses droits et intérêts ;

–        condamner la partie défenderesse aux dépens.

31      La partie défenderesse, qui a fait parvenir ses observations écrites au greffe du Tribunal le 16 février 2007, conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        rejeter la demande de mesures provisoires ;

–        réserver les dépens.

32      En l’état du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments lui permettant de statuer sans qu’il soit besoin d’entendre les parties en leurs explications orales.

 En droit

33      En vertu, d’une part, des dispositions combinées des articles 242 CE, 243 CE, 157 EA et 158 EA, et d’autre part, de l’article 39 du statut de la Cour de justice et de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I dudit statut, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire des mesures provisoires.

34      L’article 104, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, prévoit qu’une demande de sursis à l’exécution d’un acte d’une institution aux termes des articles 242 CE et 157 EA n’est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal. Le deuxième alinéa dudit article 104, paragraphe 1, précise que toute demande relative à l’une des autres mesures provisoires visées aux articles 243 CE et 158 EA n’est recevable que si elle émane d’une partie à une affaire dont le Tribunal est saisi et si elle se réfère à ladite affaire.

35      Conformément à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, les demandes relatives à des mesures provisoires doivent spécifier, notamment, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi des mesures auxquelles elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu’une demande relative à de telles mesures doit être rejetée dès lors que l’une d’elles fait défaut (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 9 août 2001, De Nicola/BEI, T‑120/01 R, RecFP p. I‑A‑171 et II‑783, point 12).

36      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (ordonnance De Nicola/BEI, précitée, point 13).

37      Dans les circonstances de l’espèce, il y a tout d’abord lieu d’examiner si la condition relative à l’urgence est remplie.

 Arguments des parties

38      Selon le requérant, la décision attaquée lui aurait porté un grave préjudice financier, professionnel et moral, que le succès du recours au principal ne pourrait venir réparer que de manière incomplète et insatisfaisante.

39      Le requérant subirait un préjudice professionnel tenant à l’état d’incertitude et d’inquiétude dans lequel il se trouverait quant à son avenir professionnel en raison du caractère incomplet de son dossier d’évaluation. Ainsi, la suspension de la décision litigieuse permettrait de « forcer » l’AIPN à faire un point impartial sur l’ensemble des faits et griefs exposés et à prendre les meilleures décisions possibles, d’une part dans l’intérêt du bon fonctionnement de l’institution et, d’autre part, afin de clarifier la situation administrative et juridique du requérant.

40      Par ailleurs, le requérant subirait, du fait de la décision litigieuse, un préjudice moral grave, résultant de l’atteinte portée à sa dignité, à son honneur, à ses compétences, à son sérieux professionnel et à sa réputation. Il y aurait ainsi urgence à faire cesser ce préjudice.

41      La partie défenderesse rétorque qu’une décision de refus de promotion ne saurait générer une situation d’urgence. En effet, en cas d’annulation de la décision attaquée par le Tribunal, elle serait dans l’obligation d’exécuter l’arrêt d’annulation et de réexaminer la situation du requérant. S’il résultait de ce réexamen que ce dernier aurait dû être promu en 2006, il le serait avec effet rétroactif à la date à laquelle les autres fonctionnaires de son grade ont été promus. C’est la raison pour laquelle il n’existerait pas de précédent jurisprudentiel par lequel une décision de refus de promotion aurait été suspendue.

 Appréciation du juge des référés

42      Selon une jurisprudence constante, la finalité de la procédure en référé n’est pas d’assurer la réparation d’un préjudice, mais de garantir la pleine efficacité de l’arrêt au fond. Pour atteindre ce dernier objectif, il faut que les mesures sollicitées soient urgentes en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’elles soient prononcées et produisent leurs effets dès avant la décision au principal [ordonnance du président de la Cour du 25 mars 1999, Willeme/Commission, C‑65/99 P(R), Rec. p. I‑1857, point 62 ; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 10 septembre 1999, Elkaïm et Mazuel/Commission, T‑173/99 R, RecFP p. I‑A‑155 et II‑811, point 25]. En outre, c’est à la partie qui demande l’octroi de mesures provisoires qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 19 décembre 2002, Esch-Leonhardt e.a./BCE, T‑320/02 R, RecFP p. I‑A‑325 et II‑1555, point 27).

43      En ce qui concerne, en premier lieu, le préjudice financier invoqué par le requérant, il ressort d’une jurisprudence constante qu’un préjudice d’ordre purement pécuniaire ne peut, en principe, être regardé comme irréparable, ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure (ordonnance Willeme/Commission, précitée, point 37 ; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 30 novembre 1993, D/Commission, T‑549/93 R, Rec. p. II‑1347, point 45). En l’espèce, en cas d’annulation par le juge communautaire de la décision attaquée, il incomberait à la Commission, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures appropriées que comporterait l’exécution de l’arrêt (arrêt du Tribunal de première instance du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I‑A‑337 et II‑1657, point 34 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 29 juin 2005, Pappas/Comité des régions, T‑254/04, RecFP p. I-A-177 et II‑787, point 36).

44      En deuxième lieu, il convient de constater que le préjudice professionnel dont fait état le requérant, tenant à l’état d’incertitude dans lequel il se trouverait en raison du caractère incomplet de son dossier d’évaluation, ne résulte pas de la décision attaquée.

45      En dernier lieu, contrairement à ce qu’allègue le requérant, la décision refusant de le promouvoir ne saurait, à l’évidence, constituer une atteinte à sa dignité et à son honneur, ni à sa réputation professionnelle, dans la mesure où, notamment, le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui remplissent toutes les conditions pour être promus (arrêt du Tribunal de première instance du 6 octobre 2004, Vicente-Nuñez/Commission, T‑294/02, RecFP p. I‑A‑283 et II‑1279, point 68).

46      Aucun préjudice grave et irréparable ne menace donc les intérêts du requérant. L’existence de l’urgence n’étant pas établie, la présente demande de mesures provisoires doit être rejetée, sans qu’il y ait lieu d’examiner si la condition relative au fumus boni juris est remplie.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 13 mars 2007.


Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.