Language of document : ECLI:EU:T:2018:890

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

7 décembre 2018 (*)

« Aides d’État – Aide mise à exécution par la Belgique en faveur des sociétés coopératives financières du groupe ARCO – Régime de garantie protégeant les participations des personnes physiques ayant la qualité d’associés de ces sociétés – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et interdisant le versement des montants garantis aux associés – Objet du litige – Récupération – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑664/14,

Royaume de Belgique, représenté par Mme C. Pochet et M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents, assistés de Me J. Meyers, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’article 2, paragraphe 4, de la décision 2014/686/UE de la Commission, du 3 juillet 2014, concernant l’aide d’État SA.33927 (12/C) (ex 11/NN) mise à exécution par la Belgique – Régime de garantie protégeant les participations des associés personnes physiques de coopératives financières (JO 2014, L 284, p. 53),

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, V. Kreuschitz, I. S. Forrester, Mme N. Półtorak et M. E. Perillo, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Sociétés ARCO

1        Arcofin SCRL, Arcopar SCRL et Arcoplus (ci-après les « sociétés ARCO ») sont des sociétés coopératives financières agréées à responsabilité limitée (ci-après les « coopératives financières ») régies par le droit belge. Ces sociétés, toutes trois en cours de liquidation, ont été créées dans les années 1930 dans le but de coordonner les activités coopératives du Mouvement ouvrier chrétien et de l’Algemeen Christelijk Werknemersverbond et de soutenir financièrement lesdites activités, en s’investissant en particulier dans des missions d’ordre social.

2        Les sociétés ARCO comptent plus de 800 000 associés, dont 99 % sont des personnes physiques (ci-après les « coopérants »). Selon le Royaume de Belgique, la participation moyenne des coopérants est de l’ordre de 2 000 euros.

3        En 2001, Arcofin est devenue le principal actionnaire de Dexia SA, dont elle détenait 15 % du capital. Le 3 octobre 2008, elle a participé au renflouage de Dexia en souscrivant, à hauteur d’un montant de 350 millions d’euros, à une augmentation de capital d’un montant total de 6 milliards d’euros. Depuis 2008, les sociétés ARCO n’ont pas émis de nouvelles parts sociales. Entre 2008 et 2011, elles ont perdu 7 % de leurs coopérants.

4        Le 8 décembre 2011, les assemblées générales des sociétés ARCO ont approuvé leur mise en liquidation volontaire.

 Mesure en cause

5        Le 10 octobre 2008, le gouvernement belge a fait connaître, par un communiqué de presse du secrétariat du ministre des Finances, son intention d’étendre aux compagnies d’assurances ainsi qu’aux coopératives financières le régime de garantie alors existant en faveur des déposants dans les établissements de crédit et de porter le montant de cette garantie à 100 000 euros. Il était alors prévu que la participation de ces nouveaux organismes à un fonds de garantie s’effectuerait sur une base volontaire. Cette intention a été soumise au Parlement belge dans un projet de loi présenté le 14 octobre 2008, lequel a été adopté en urgence le lendemain (loi du 15 octobre 2008 portant des mesures visant à promouvoir la stabilité financière et instituant en particulier une garantie d’État relative aux crédits octroyés et aux autres opérations effectuées dans le cadre de la stabilité financière, Moniteur belge du 17 octobre 2008, p. 55634).

6        Dans un communiqué de presse conjoint du 21 janvier 2009, le Premier ministre et le ministre des Finances belges ont confirmé l’engagement qui avait été pris par le gouvernement précédent d’offrir un régime de garantie aux associés non institutionnels des coopératives financières. Ce régime devait comporter, notamment, les éléments suivants :

–        le paiement par les sociétés concernées d’une prime de garantie ;

–        l’engagement des associés institutionnels à maintenir leur participation pendant toute la durée de la garantie ;

–        une limitation de l’« indemnité annuelle » des associés, particuliers (coopérants) et institutionnels ;

–        une contribution financière supplémentaire versée par les sociétés concernées au cas où les dividendes perçus dépasseraient un seuil minimal ;

–        des modalités à élaborer permettant aux autorités d’être associées aux plus-values en cas de retrait du régime de garantie.

7        Le Parlement belge a, par la suite, adopté la loi du 14 avril 2009 modifiant la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers (Moniteur belge du 21 avril 2009, p. 32106), afin de permettre au gouvernement de mettre en place un système de garantie bénéficiant notamment aux coopérants des coopératives agréées soumises à une surveillance prudentielle de la Banque nationale de Belgique ou ayant investi au moins la moitié de leurs avoirs dans un établissement soumis à une telle surveillance, ce qui est le cas des coopératives financières telles les sociétés ARCO.

8        Ces dispositions législatives ont été reprises à l’article 36/24, paragraphe 1, point 3, de la loi du 22 février 1998 fixant le statut organique de la Banque nationale de Belgique, telle que modifiée. Adopté sur le fondement dudit article, l’arrêté royal du 10 octobre 2011 modifiant l’arrêté royal du 14 novembre 2008 portant exécution de la loi du 15 octobre 2008 et modifiant la loi du 2 août 2002 (Moniteur belge du 12 octobre 2011, p. 62641) a permis aux coopératives financières qui le souhaitaient de solliciter leur adhésion au régime de garantie envisagé par les mesures précédentes. Les sociétés choisissant d’adhérer à ce régime devaient acquitter, en faveur du fonds spécial de protection des dépôts, des assurances sur la vie et du capital de sociétés coopératives agréées (ci-après le « fonds spécial »), institué par l’arrêté royal du 14 novembre 2008 portant exécution de la loi du 15 octobre 2008 et modifiant la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers (Moniteur belge du 17 novembre 2008, p. 4088), une contribution annuelle correspondant à 0,15 % du montant total garanti ainsi qu’un droit d’entrée correspondant à 0,1 % de ce montant. La garantie ne devait s’exercer qu’en cas de mise en faillite de la société ou de défaut constaté par l’autorité de surveillance financière belge. Seul le capital libéré souscrit par des personnes physiques avant l’entrée en vigueur de l’arrêté royal du 10 octobre 2011 était couvert par la garantie, à concurrence d’un montant de 100 000 euros pour chaque personne physique. Le versement de la garantie serait réalisé par le fonds spécial et, en cas d’épuisement des moyens financiers dudit fonds, par la Caisse des dépôts et consignations (Belgique).

9        Les sociétés ARCO ont introduit une demande d’adhésion au régime de garantie le 13 octobre 2011. Cette demande a été approuvée par le Conseil des ministres belge le 15 octobre 2011 et cette approbation a été rendue publique le même jour. La demande d’adhésion des sociétés ARCO a été formellement acceptée par l’arrêté royal du 7 novembre 2011 octroyant une garantie afin de protéger le capital de sociétés coopératives agréées (Moniteur belge du 18 novembre 2011, p. 68640), entré en vigueur le 14 octobre 2011 en vertu de son article 3 (ci-après la « garantie » ou la « mesure en cause »). Aucune autre coopérative financière n’a demandé à adhérer au régime de garantie.

10      En conséquence, les sociétés ARCO ont versé au fonds spécial les sommes prévues. Leur adhésion au régime de garantie a été assortie de plusieurs conditions, notamment l’absence de toute nouvelle offre publique de nouvelles parts à des personnes physiques, la limitation du taux d’intérêt sur les fonds investis et l’engagement des associés institutionnels à ne pas retirer les capitaux qu’ils avaient investis. L’arrêté royal du 7 novembre 2011 précisait également que le fonds spécial ne serait tenu d’indemniser les coopérants qu’après le dépôt du règlement d’ordre final de la liquidation éventuellement approuvée par l’assemblée générale des sociétés ARCO.

11      Ainsi que cela a été indiqué au point 4 ci-dessus, les sociétés ARCO se sont mises en liquidation volontaire le 8 décembre 2011.

 Procédure administrative

12      Le 7 novembre 2011, le Royaume de Belgique a notifié la garantie à la Commission européenne.

13      Par lettre du 6 décembre 2011, la Commission a informé le Royaume de Belgique qu’elle considérait que la garantie était susceptible de constituer une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur et a invité ce dernier à s’abstenir de toute action supplémentaire visant à la mettre à exécution. Les autorités belges ont répondu à ce courrier par une lettre du 22 décembre 2011.

14      Par décision du 3 avril 2012, la Commission a décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE en ce qui concerne la garantie (ci-après la « décision d’ouverture »). Le 19 juillet 2012, la décision d’ouverture, intitulée « Aide d’État SA.33927 (2012/C) (ex 2011/NN) – Régime de garantie protégeant les participations des actionnaires particuliers de coopératives financières – Invitation à présenter des observations en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE », a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2012, C 213, p. 64). Dans ladite décision, la Commission a, par ailleurs, enjoint au Royaume de Belgique, en application de l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), de continuer de s’abstenir de mettre en œuvre la mesure en cause jusqu’à ce qu’elle statue sur la compatibilité de celle-ci avec le marché intérieur.

15      Le Royaume de Belgique a présenté des observations sur la décision d’ouverture le 18 juin 2012. Il a répondu, par courriers des 5 décembre 2012 et 20 septembre 2013, à des questions que la Commission lui avait adressées.

16      Le 17 août 2012, les sociétés ARCO ont également fait parvenir leurs observations à la Commission. Ces observations ont été transmises par la Commission au Royaume de Belgique, lequel a indiqué à celle-ci, par courrier du 16 octobre 2012, qu’elles n’appelaient pas de commentaires de sa part.

 Décision attaquée

17      Le 3 juillet 2014, la Commission a adopté la décision 2014/686/UE, concernant l’aide d’État SA.33927 (12/C) (ex 11/NN) mise à exécution par la Belgique – Régime de garantie protégeant les participations des associés personnes physiques de coopératives financières (JO 2014, L 284, p. 53, ci-après la « décision attaquée »). Elle y a conclu que la garantie constituait une aide d’État accordée aux sociétés ARCO et que cette aide, illégalement mise à exécution par le Royaume de Belgique, était incompatible avec le marché intérieur (article 1er de la décision attaquée).

18      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les sociétés ARCO étaient les véritables bénéficiaires de l’aide en cause et que celle-ci était constituée d’un ensemble de mesures consistant en l’annonce du 10 octobre 2008 (voir point 5 ci-dessus), en le communiqué du 21 janvier 2009 (voir point 6 ci-dessus) ainsi qu’en l’adhésion des sociétés ARCO au régime de garantie (considérants 80 à 90 de la décision attaquée).

19      À cet égard, la Commission a considéré que la garantie avait procuré un avantage sélectif aux sociétés ARCO, en ce qu’elle leur avait permis d’attirer ou de conserver des fonds. La sélectivité de cet avantage serait par ailleurs établie, dès lors que seules les coopératives financières y étaient éligibles. En tout état de cause, la Commission estime disproportionnée la garantie, portant, compte tenu de leur montant, sur la totalité des sommes investies, accordée aux investisseurs ayant acquis des parts des sociétés ARCO, ce qui exclurait toute justification de la mesure en cause au regard des critères définis pour apprécier l’existence d’avantages susceptibles d’être justifiés par l’économie générale du système fiscal, même à supposer ces critères applicables en l’espèce (considérants 100 à 107 de la décision attaquée). La Commission, ayant examiné les autres critères prévus à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, est ainsi parvenue à la conclusion que la garantie constituait une aide d’État au sens de cette disposition (considérant 110 de la décision attaquée).

20      En outre, en ce qui concerne la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur, la Commission a considéré que la seule base juridique susceptible d’être appliquée en l’espèce était l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Toutefois, elle a estimé que la mesure en cause n’était ni appropriée, ni nécessaire, ni proportionnée à l’objectif visant à remédier à une perturbation grave de l’économie belge et que, dès lors, elle ne pouvait être considérée comme compatible avec le marché intérieur (considérants 111 à 129 de la décision attaquée).

21      Enfin, la Commission a défini une méthode de calcul du montant de l’avantage à récupérer auprès des sociétés ARCO et a invité le Royaume de Belgique à lui transmettre les données nécessaires. Elle a aussi indiqué que, en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, elle s’estimait fondée à enjoindre à cet État membre de continuer de s’abstenir de tout versement aux coopérants au titre de la garantie (considérants 130 à 142 de la décision attaquée).

22      En conséquence, dans la décision attaquée, la Commission a ordonné au Royaume de Belgique de récupérer auprès des sociétés ARCO l’avantage indu dont, selon elle, elles avaient bénéficié (article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée). En outre, la Commission a enjoint au Royaume de Belgique de retirer les actes législatifs et réglementaires sur lesquels se fondait la garantie (considérant 143 de la décision attaquée) et lui a interdit de la mettre en œuvre au profit des coopérants (article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée). Cette interdiction fait l’objet du présent recours.

 Procédures nationales et demande préjudicielle en appréciation de validité de la décision attaquée

 Contestation de la garantie devant le juge national

23      En décembre 2011 et en janvier 2012, trois recours ont été introduits par des personnes physiques, par l’Organisme voor de financiering van pensioenen Ogeo Fund (Organisme de financement des pensions Ogeo Fund) et par la Gemeente Schaarbeek (commune de Schaerbeek, Belgique) devant le Conseil d’État (Belgique). Ces recours tendaient à l’annulation des arrêtés royaux des 10 octobre (voir point 8 ci-dessus) et 7 novembre 2011 (voir point 9 ci-dessus). À cette fin, les parties requérantes faisaient valoir, en substance, que ces arrêtés royaux violaient le principe d’égalité consacré par la Constitution belge, dans la mesure où ils établissaient une différence de traitement entre les coopérants, pouvant bénéficier du régime de garantie mis en place notamment par lesdits arrêtés royaux, et les actionnaires, personnes physiques, d’autres sociétés proches du secteur financier, exclus dudit régime.

24      Estimant que les arrêtés royaux des 10 octobre et 7 novembre 2011 trouvaient leur fondement dans l’article 36/24 de la loi du 22 février 1998 (voir point 8 ci-dessus), que, partant, ils s’inscrivaient dans des limitations que le législateur belge avait lui-même établies et que la différence de traitement invoquée résultait d’une norme législative, le Conseil d’État a posé à la Cour constitutionnelle (Belgique) plusieurs questions préjudicielles portant sur la compatibilité de cet article avec la Constitution belge.

25      Or, pour statuer sur ces questions, la Cour constitutionnelle a estimé nécessaire de trancher, au préalable, celle de la compatibilité de l’article 36/24 de la loi du 22 février 1998 avec le droit de l’Union européenne. À cette fin, elle a adressé à la Cour six questions préjudicielles dans l’affaire C‑76/15, dont cinq concernaient la validité de la décision attaquée ainsi que les obligations découlant en l’espèce pour le Royaume de Belgique de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

 Arrêt du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C76/15)

26      L’objet de la première question préjudicielle posée à la Cour était d’apprécier la compatibilité de la garantie au regard des articles 2 et 3 de la directive 94/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 1994, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 1994, L 135, p. 5), telle que modifiée par la directive 2005/1/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2005,modifiant les directives 73/239/CEE, 85/611/CEE, 91/675/CEE, 92/49/CEE et 93/6/CEE du Conseil ainsi que les directives 94/19, 98/78/CE, 2000/12/CE, 2001/34/CE, 2002/83/CE et 2002/87/CE, afin d’organiser selon une nouvelle structure les comités compétents en matière de services financiers (JO 2005, L 79, p. 9). La deuxième question préjudicielle portait sur la validité de la décision attaquée. Les quatre questions restantes portaient, quant à elles, sur la compatibilité de la garantie avec les obligations découlant, pour les États membres, de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

27      En réponse aux questions posées par la Cour constitutionnelle, la Cour a rendu l’arrêt du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C‑76/15, EU:C:2016:975), dont le dispositif se lit comme suit :

« 1)      Les articles 2 et 3 de la directive [94/19] doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’imposent pas aux États membres d’adopter un régime de garantie des parts de [coopératives financières], tel que celui en cause au principal, ni ne s’opposent à ce qu’un État membre adopte un tel régime, pour autant que ce régime ne compromette pas l’efficacité pratique du régime de garantie des dépôts que cette directive impose aux États membres d’instaurer, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, et qu’il soit conforme au traité FUE, notamment aux articles 107 et 108 TFUE.

2)      L’examen des questions préjudicielles posées [...] n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision [attaquée].

3)      L’article 108, paragraphe 3, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un régime de garantie tel que celui en cause au principal, dans la mesure où ce dernier a été mis à exécution en méconnaissance des obligations découlant de cette disposition. »

 Suites en droit national

28      Par arrêt du 15 juin 2017, la Cour constitutionnelle a constaté l’inconstitutionnalité de l’article 36/24 de la loi du 22 février 1998. La Cour constitutionnelle a notamment fondé sa décision sur le constat, par la Cour, que la mesure en cause constituait une aide d’État illégale.

29      Par arrêt du 6 mars 2018, le Conseil d’État a annulé les arrêtés royaux des 10 octobre (voir point 8 ci-dessus) et 7 novembre 2011 (voir point 9 ci-dessus).

 Affaire T711/14

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2014 (affaire T‑711/14), les sociétés ARCO ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée. Dans leur recours, les sociétés ARCO contestaient, notamment, tant l’appréciation de la Commission selon laquelle la mesure en cause constituait une aide d’État dont elles étaient bénéficiaires que l’appréciation selon laquelle l’aide en cause ne pouvait être déclarée compatible avec le marché intérieur. Les sociétés ARCO contestaient également l’interdiction faite au Royaume de Belgique de verser les montants garantis aux coopérants, laquelle fait l’objet du présent recours.

31      Par ordonnance du 9 février 2018, Arcofin e.a./Commission (T‑711/14, non publiée, EU:T:2018:80), le Tribunal a rejeté ledit recours comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie dépourvu de tout fondement en droit. En particulier, le recours des sociétés ARCO, en tant qu’il tendait à contester l’interdiction faite au Royaume de Belgique de verser les montants garantis aux coopérants après la clôture de la liquidation, a été rejeté comme manifestement irrecevable, à défaut d’un intérêt desdites sociétés à agir à l’encontre de la disposition contestée par le Royaume de Belgique dans le présent recours.

 Procédure et conclusions des parties

 Phase écrite de la procédure

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 2014, le Royaume de Belgique a introduit le présent recours.

33      Par décision du 12 octobre 2015, adoptée en application de l’article 69, sous a), du règlement de procédure du Tribunal, constatant, d’une part, que la question préjudicielle introduite par la Cour constitutionnelle dans l’affaire C‑76/15 (voir points 23 à 26 ci-dessus) portait sur la validité de la décision attaquée et invitait la Cour à apprécier une partie substantielle des arguments présentés par les sociétés ARCO dans l’affaire T‑711/14 et estimant, d’autre part, que la solution du présent litige était susceptible de dépendre de l’issue du recours introduit par lesdites sociétés, les parties ayant été entendues conformément à l’article 70, paragraphe 1, du règlement de procédure, le président de la sixième chambre du Tribunal a suspendu la procédure dans la présente affaire jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour.

34      Cette suspension a pris fin avec le prononcé, le 21 décembre 2016, de l’arrêt Vervloet e.a. (C‑76/15, EU:C:2016:975) (voir point 27 ci-dessus).

35      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

36      Le même jour, en application de l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, le Tribunal (troisième chambre) a invité les parties à indiquer les conséquences qui, selon elles, devraient être tirées pour la présente affaire de l’intervention de l’arrêt du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C‑76/15, EU:C:2016:975).

37      Les parties ont donné suite à cette mesure d’organisation de la procédure dans le délai qui leur avait été imparti.

38      Par mesure d’organisation de la procédure du 26 juin 2017, adoptée en application de l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, le Tribunal (troisième chambre) a invité les parties à indiquer, notamment :

–        quelles conséquences en droit national elles estimaient devoir être tirées de l’invalidation de l’article 36/24 de la loi du 22 février 1998 par la Cour constitutionnelle ;

–        quels effets une annulation de la décision attaquée par le Tribunal serait susceptible d’entraîner, compte tenu de la réponse apportée à la question précédente.

39      Les parties ont répondu à ces questions dans les délais qui leur avaient été impartis.

40      Par mesure d’organisation de la procédure du 12 septembre 2017, adoptée en application de l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, le Tribunal (troisième chambre) a, notamment :

–        invité le Royaume de Belgique à prendre position sur certains éléments des réponses de la Commission aux questions mentionnées au point 38 ci-dessus ;

–        interrogé de nouveau le Royaume de Belgique sur les conséquences juridiques et l’utilité que présenterait une annulation éventuelle par le Tribunal de l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée, compte tenu de l’invalidation de l’article 36/24 de la loi du 22 février 1998 par la Cour constitutionnelle.

41      Le Royaume de Belgique a répondu à ces questions dans les délais qui lui avaient été impartis et la Commission a été mise en mesure de présenter des observations sur ces réponses.

42      Sur proposition de sa troisième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

 Phase orale de la procédure

43      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

44      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 novembre 2017.

45      Par lettre du 13 mars 2018, le Royaume de Belgique a informé le Tribunal du prononcé par le Conseil d’État de l’arrêt du 6 mars 2018 mentionné au point 29 ci-dessus.

46      Par mémoire déposé le 14 mars 2018, la Commission a présenté une demande de non-lieu à statuer.

47      Par ordonnance de la troisième chambre élargie du Tribunal du 23 mars 2018, la phase orale de la procédure a été rouverte. En conséquence, les documents mentionnés aux points 45 et 46 ci-dessus ont été versés au dossier et les parties ont été invitées à présenter leurs observations respectives éventuelles sur lesdits documents. Par mesure d’organisation de la procédure adoptée en application de l’article 89, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure, la Commission a été invitée à prendre position sur certains arguments présentés par le Royaume de Belgique dans la lettre du 13 mars 2018 (voir point 45 ci-dessus).

48      Les parties ont présenté leurs observations et répondu aux questions dans les délais impartis.

49      Par mesure d’organisation de la procédure du 20 avril 2018, adoptée en application de l’article 89, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure, la Commission a été invitée à prendre position sur certains arguments présentés par le Royaume de Belgique dans les observations qu’il a déposées sur la demande de non-lieu à statuer qu’elle avait présentée (voir point 46 ci-dessus).

50      La Commission a donné suite à cette mesure d’organisation de la procédure dans les délais impartis.

51      Des observations, présentées spontanément par le Royaume de Belgique sur les réponses de la Commission, ont été versées au dossier.

52      La phase orale de la procédure a été close le 15 mai 2018.

 Conclusions des parties

53      Le Royaume de Belgique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

54      La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que, le litige ayant perdu son objet, il n’y a plus lieu de statuer sur le recours ;

–        subsidiairement, rejeter le recours ;

–        en tout état de cause, condamner le Royaume de Belgique aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

55      Selon la Commission, l’annulation par le Conseil d’État, dans l’arrêt du 6 mars 2018 mentionné au point 29 ci-dessus, des arrêtés royaux des 10 octobre (voir point 8 ci-dessus) et 7 novembre 2011 (voir point 9 ci-dessus) priverait de tout effet juridique l’annulation éventuelle de l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée. En effet, selon la Commission, l’impossibilité pour le Royaume de Belgique de verser les montants garantis aux coopérants ne résulterait plus de l’interdiction contenue dans la disposition attaquée, mais de la disparition rétroactive, dans l’ordre juridique national belge, des actes qui constituaient la base légale de ce versement. La Commission en déduit que le présent litige est devenu sans objet et demande au Tribunal de constater que, dès lors, il n’y a plus lieu de statuer.

56      Le Royaume de Belgique s’oppose à cette demande.

57      Les conditions selon lesquelles le juge de l’Union est conduit à déclarer sans objet un recours dont il est saisi et, en conséquence, à constater qu’il n’y a pas lieu de statuer ont été précisées dans l’arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission (C‑362/05 P, EU:C:2007:322, points 41 à 45 et 47 à 53). À cet égard, il convient de rappeler que l’objet du litige doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée). Ainsi, si le Royaume de Belgique est fondé à soutenir que les États membres ne sont pas tenus de démontrer qu’ils ont un intérêt à agir contre les dispositions dont ils demandent l’annulation, il n’en demeure pas moins que, même saisi par un État membre, le juge de l’Union doit constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours lorsque l’annulation sollicitée n’est pas susceptible de produire d’effets juridiques (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Italie/Commission, C‑138/03, C‑324/03 et C‑431/03, EU:C:2005:714, point 25).

58      À cet égard, d’une part, la Cour a précisé que devenait sans objet un recours dirigé contre un acte retiré par son auteur en cours d’instance (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, points 47 et 48). D’autre part, en revanche, la Cour a également précisé que conservait son objet un recours dirigé contre un acte entaché d’une illégalité susceptible de se reproduire à l’avenir dans des circonstances indépendantes du cas d’espèce (arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 52).

59      En premier lieu, force est de constater que l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée n’a pas été retiré et n’a, de ce fait, pas rétroactivement disparu. Il s’ensuit que, si le Tribunal devait constater la disparition de l’objet du litige et qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours, au motif que l’annulation de cette disposition demeurerait sans effets juridiques, l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée demeurerait néanmoins dans l’ordre juridique de l’Union.

60      En deuxième lieu, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission sans être contredite sur ce point par le Royaume de Belgique, l’annulation par le Conseil d’État des arrêtés royaux des 10 octobre et 7 novembre 2011 a rendu impossible la mise en œuvre de la garantie qui était prévue par ces actes juridiques, et ce indépendamment de l’interdiction énoncée à l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée. Il s’ensuit que la Commission est fondée à soutenir que l’annulation de l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée ne permettrait pas au Royaume de Belgique de mettre en œuvre la garantie telle qu’elle a été prévue dans les arrêtés royaux des 10 octobre et 7 novembre 2011, qui en constituaient la base légale.

61      En troisième lieu, cependant, le Royaume de Belgique est, quant à lui, fondé à soutenir que le maintien en vigueur de l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée dans l’ordre juridique de l’Union n’est pas sans portée. Par suite, l’annulation éventuelle de cette disposition ne serait pas dépourvue avec certitude de tout effet juridique.

62      En effet, il résulte des échanges intervenus entre les parties après l’audience que le Royaume de Belgique étudie avec la Commission des mesures d’effet équivalent à la garantie litigieuse, visant à atténuer, pour les coopérants, les conséquences de la liquidation desdites sociétés. Or, bien que la Commission indique, d’une part, qu’elle ne s’oppose pas par principe à tout mécanisme d’indemnisation des coopérants et, d’autre part, qu’il existe d’autres motifs à son opposition aux mesures qui lui ont été présentées et sur lesquelles ont été engagées des négociations informelles, il n’en demeure pas moins que, dans sa réponse du 7 mai 2018, elle a évoqué un risque de « contournement de la décision attaquée ». Il s’ensuit qu’il ne saurait être exclu que la décision attaquée continue de produire des effets juridiques.

63      De plus, il convient de rappeler que l’exécution de bonne foi par les États membres des décisions adoptées par la Commission en matière d’aides d’État constitue une mise en œuvre du principe de coopération loyale prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE et suppose que les États membres accomplissent les efforts nécessaires pour surmonter les difficultés éventuelles dans le plein respect des dispositions du traité et notamment de celles relatives aux aides (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle et ZEMAG/Commission, T‑111/01 et T‑133/01, EU:T:2005:166, point 124 et jurisprudence citée). Ainsi, indépendamment du risque d’une procédure en manquement auquel le Royaume de Belgique se dit exposé au cas où la Commission estimerait que les mesures qu’il aurait pu mettre en place au profit des anciens coopérants des sociétés ARCO constituent un contournement de l’interdiction prévue à l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée, il découle du principe de coopération loyale que cet État membre devrait de lui-même s’abstenir de tout comportement susceptible de constituer un tel contournement, au cas où la disposition contestée demeurerait en vigueur. Il s’ensuit que l’annulation de cette disposition, au cas où le présent recours s’avérerait fondé, ne serait pas dépourvue d’effets juridiques.

64      Enfin, il convient de constater que, au considérant 140 de la décision attaquée ainsi que dans les arguments qu’elle a présentés au fond pour justifier la légalité de l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée, la Commission fait valoir que la seule constatation de l’incompatibilité d’une mesure d’aide avec le marché intérieur suffit pour justifier qu’il soit ordonné à l’État membre de procéder à la suppression de la mesure en cause. La Commission a ainsi adopté, sur cette question, une position générale et abstraite, dont les justifications sont indépendantes des circonstances de l’espèce. Il s’ensuit que, au cas où le Tribunal parviendrait à la conclusion qu’une telle exigence est illégale, il y aurait lieu de statuer sur le présent litige pour éviter que, dans l’avenir, une illégalité analogue ne se reproduise (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, points 50 à 52).

65      Il résulte de ce qui précède qu’il n’est nullement établi que l’annulation de l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée serait dépourvue de tout effet juridique et que, partant, la Commission n’est pas fondée à soutenir que le présent recours est devenu sans objet. Il s’ensuit qu’il convient de rejeter sa demande tendant à ce que le Tribunal constate qu’il n’y a plus lieu de statuer.

 Sur la légalité de l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée

66      Aux termes de l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée, le Royaume de Belgique est tenu de continuer de s’abstenir, à compter de la date de la notification de ladite décision, de procéder à tout paiement en vertu du régime de garantie. Cette interdiction définitive doit être lue dans le contexte de la lettre du 6 décembre 2011 (voir point 13 ci-dessus) et de la décision d’ouverture (voir point 14 ci-dessus), qui comportaient toutes deux une interdiction provisoire de portée similaire, dans l’attente de l’intervention de la décision attaquée. Par ailleurs, au considérant 143 de la décision attaquée, la Commission a estimé que la récupération de l’aide en cause supposait le retrait par le Royaume de Belgique des actes législatifs et réglementaires qui constituaient la base légale de la garantie.

67      Selon le Royaume de Belgique, une interdiction de paiement telle que celle décidée par la Commission à l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée ne pourrait se concevoir que dans deux situations. Il faudrait ainsi, selon une première hypothèse, que les bénéficiaires des versements opérés au titre de la garantie, à savoir les coopérants, aient été identifiés comme les bénéficiaires de l’aide d’État déclarée incompatible avec le marché intérieur, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. À défaut, pour être justifiée, l’interdiction du versement des montants garantis devrait être nécessaire pour atteindre l’objectif de suppression des effets de l’aide d’État reconnue comme incompatible avec le marché intérieur.

68      Le Royaume de Belgique fait valoir que, en interdisant par principe le versement de la garantie aux coopérants et sans vérifier si cette interdiction constituait une mesure nécessaire pour anéantir les effets de l’aide dont les sociétés ARCO ont bénéficié, la Commission a confondu la suppression de l’avantage sélectif octroyé, qui est prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, avec la suppression de l’acte juridique sur le fondement duquel l’avantage en cause a été octroyé. Or, la suppression de l’acte sur le fondement duquel l’avantage indu est octroyé ne se justifierait que dans les cas dans lesquels elle est nécessaire pour éliminer les distorsions de concurrence causées par l’aide illégale ou incompatible. L’obligation prescrite par la Commission serait ainsi disproportionnée.

69      La Commission conteste ces allégations.

70      Aux termes de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107 TFUE ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans un délai qu’elle détermine.

71      Ainsi, selon une jurisprudence constante, la conséquence logique de la constatation de l’illégalité d’une aide est sa suppression par voie de récupération afin de rétablir la situation antérieure (voir arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, EU:C:2011:814, point 33 et jurisprudence citée).

72      En effet, le principal objectif visé par la récupération d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par une telle aide. De la sorte, par le remboursement de l’aide, le bénéficiaire perd l’avantage dont il disposait sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (voir arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, EU:C:2011:814, point 34 et jurisprudence citée).

73      En l’espèce, les parties s’opposent sur la question de savoir si la récupération de l’avantage dont les sociétés ARCO ont indûment tiré profit implique ou non la suppression de la garantie, c’est-à-dire l’interdiction de tout versement aux coopérants, au cas où la procédure de liquidation, ouverte avant l’adoption de la décision attaquée, aboutirait à la perte pour ceux-ci de tout ou partie de la valeur de leurs participations.

74      Il convient donc, dans un premier temps, de rappeler les caractéristiques de l’aide d’État illégale identifiée par la Commission dans la décision attaquée, puis les mesures prescrites par la Commission pour en assurer la récupération. Il conviendra, dans un second temps, d’apprécier le mérite des arguments par lesquels le Royaume de Belgique estime que l’interdiction de verser les montants garantis aux coopérants présente un caractère disproportionné ainsi que celui des justifications avancées par la Commission pour défendre le bien-fondé de cette interdiction.

 En ce qui concerne l’aide d’État identifiée dans la décision attaquée

75      À titre liminaire, il convient de rappeler que la mesure examinée dans la décision attaquée consiste en une garantie portant sur les montants investis par des particuliers dans des participations au capital des sociétés ARCO. Ces sociétés ayant adhéré au mécanisme mis en place par le gouvernement belge (voir point 9 ci-dessus), les montants investis dans leur capital par leurs associés personnes physiques ont, dès lors, été garantis à concurrence de 100 000 euros (voir point 8 ci-dessus). Selon le mécanisme mis en place, un fonds de garantie devait intervenir, après la clôture des opérations de liquidation, au cas où le capital restant ne permettrait pas à chaque coopérant de récupérer les fonds investis dans la limite de 100 000 euros.

76      Il convient également de rappeler que les sociétés ARCO se sont mises en liquidation volontaire le 8 décembre 2011, soit au début de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.

77      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la mesure en cause comportait un élément d’aide d’État en faveur des sociétés ARCO. En effet, selon la Commission, la garantie de leurs participations a incité les coopérants à ne pas retirer leurs investissements dans le capital desdites sociétés. Ces dernières ont, dans ces conditions, bénéficié d’un avantage sélectif financé par des fonds publics. La Commission a considéré que la mesure en cause satisfaisait à l’ensemble des critères des aides d’État et que cette aide ne pouvait être justifiée par l’objectif de remédier à une perturbation grave de l’économie belge, dès lors que cette mesure n’était ni appropriée, ni nécessaire, ni proportionnée à un tel objectif.

78      En outre, la Commission, ayant constaté que cette aide avait été mise en œuvre avant qu’elle ne se prononce sur sa qualification et sa compatibilité éventuelle avec le marché intérieur, a considéré qu’elle était, de ce fait, illégale. Cette analyse a été confirmée par la Cour dans l’arrêt du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C‑76/15, EU:C:2016:975) (voir point 27 ci-dessus).

79      Le recours dirigé contre la décision attaquée par les sociétés ARCO ayant été rejeté par l’ordonnance du 9 février 2018, Arcofin e.a./Commission (T‑711/14, non publiée, EU:T:2018:80) (voir points 30 et 31 ci-dessus), et en l’absence de pourvoi introduit contre cette ordonnance, il convient de considérer que les appréciations de la décision attaquée reprises aux points 77 et 78 ci-dessus ont acquis un caractère définitif.

80      Dès lors, la Commission, ayant constaté, d’une part, que la mesure en cause comportait un élément d’aide d’État dont les bénéficiaires étaient les sociétés ARCO et, d’autre part, que cette aide était incompatible avec le marché intérieur et avait été mise à exécution avant qu’elle ne puisse procéder à son examen préalable, était fondée à ordonner au Royaume de Belgique d’en effectuer la récupération.

81      Il convient donc de rappeler les mesures prescrites par la Commission dans la décision attaquée, étant entendu que seule est contestée l’interdiction du paiement des montants garantis aux coopérants, à savoir les personnes physiques ayant la qualité d’associés des sociétés ARCO (voir point 2 ci-dessus).

 En ce qui concerne les mesures prescrites pour la récupération de l’aide en cause

82      Il convient de rappeler, ainsi que cela a été exposé au point 22 ci-dessus, que, pour assurer la récupération de l’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur identifiée dans la décision attaquée, la Commission a prescrit deux mesures.

83      En premier lieu, la Commission a ordonné au Royaume de Belgique, moyennant une formule de calcul dont elle a déterminé les principes, d’évaluer le montant de l’avantage dont avaient bénéficié les sociétés ARCO et d’inscrire une créance de ce montant dans le passif de la liquidation de ces sociétés. Cette modalité de récupération de l’aide en cause n’est pas contestée par le Royaume de Belgique, qui considère que cette mesure suffit pour assurer le rétablissement de la concurrence.

84      En second lieu, la Commission a, en outre, ordonné au Royaume de Belgique de s’abstenir de verser les montants garantis aux coopérants. À cet égard, les parties s’opposent sur la question de savoir si la Commission était fondée à adresser cette injonction au Royaume de Belgique.

85      Il découle de la jurisprudence mentionnée aux points 71 et 72 ci-dessus que la réponse à cette question dépend de la question de savoir si cette injonction était proportionnée à l’objectif de récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur. En d’autres termes, il s’agit de déterminer si cette injonction était appropriée et nécessaire au rétablissement de la situation concurrentielle antérieure, c’est-à-dire à la neutralisation, en ce qui concerne les bénéficiaires identifiés par la Commission dans la décision attaquée, de l’avantage concurrentiel tel qu’il a été apprécié dans cette décision.

 En ce qui concerne le caractère proportionné de l’interdiction de verser les montants garantis aux coopérants

86      En premier lieu, il convient de rappeler que seules ont été identifiées comme bénéficiaires de l’aide en cause dans la décision attaquée les sociétés ARCO. L’avantage concurrentiel dont ces sociétés ont bénéficié a été apprécié comme une aide au maintien de leur capital existant. Cet avantage, selon la décision attaquée, a pris la forme d’une incitation, en raison de l’existence même de la garantie, ayant pour effet de dissuader les coopérants de retirer les participations investies dans le capital de ces sociétés. En revanche, il est constant que les coopérants eux-mêmes n’ont pas été considérés comme bénéficiaires d’une aide d’État dans la décision attaquée.

87      Dans ces conditions, le Royaume de Belgique est fondé à soutenir que l’inscription, au passif de la liquidation des sociétés ARCO, d’une créance d’un montant correspondant à la valorisation du seul avantage identifié par la Commission dans la décision attaquée, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de ladite décision, suffisait à neutraliser ledit avantage et, par suite, à rétablir la situation concurrentielle que l’octroi de l’aide en cause avait faussée (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 2002, Commission/Espagne, C‑499/99, EU:C:2002:408, points 37 et 38).

88      En deuxième lieu, ainsi que cela vient d’être rappelé, il convient de relever que le seul élément d’aide d’État identifié par la Commission dans la décision attaquée est l’avantage concurrentiel que la garantie a procuré aux sociétés ARCO. En revanche, la Commission n’a pas estimé que les coopérants étaient eux-mêmes les bénéficiaires d’une aide d’État et n’a pas qualifié de telle la garantie en tant que celle-ci conférait un avantage aux coopérants. Il s’ensuit que l’interdiction faite au Royaume de Belgique de procéder aux paiements qui étaient prévus par la garantie ne peut être considérée, en tant que telle, comme poursuivant directement l’objectif de récupérer une aide d’État auprès de ses bénéficiaires.

89      En troisième lieu, il convient d’observer que, depuis l’ouverture de la procédure de liquidation, la garantie n’exerce plus aucun effet incitatif sur les associés des sociétés ARCO, si bien que, depuis lors, celles-ci ne bénéficient plus de l’avantage identifié dans la décision attaquée en raison de l’existence de la garantie. En effet, ainsi que les parties l’ont confirmé lors de l’audience, l’ouverture de la liquidation fait obstacle au retrait de leurs participations par les coopérants. D’ailleurs, à cet égard, la Commission elle-même, en définissant la formule destinée à valoriser l’avantage procuré aux sociétés ARCO, n’a calculé cet avantage que jusqu’à l’ouverture des procédures de liquidation, laquelle, au demeurant, entraîne la sortie du marché desdites sociétés. Il s’ensuit que la suppression de la garantie à laquelle la Commission a demandé au Royaume de Belgique de procéder était vouée à demeurer sans effet sur la situation concurrentielle des sociétés identifiées comme les bénéficiaires de l’aide en cause et ne pouvait contribuer au rétablissement de la situation antérieure.

90      Il résulte ainsi de ce qui précède que l’interdiction de verser les montants garantis aux coopérants n’est pas une mesure appropriée à la réalisation de l’objectif de remise en état de la situation concurrentielle faussée par l’octroi de l’aide d’État identifiée en l’espèce dans la décision attaquée.

91      Aucune des justifications avancées par la Commission, tant dans la décision attaquée qu’au cours de la procédure devant le Tribunal, n’est de nature à remettre en cause cette appréciation.

 En ce qui concerne les justifications avancées par la Commission

92      En premier lieu, aux considérants 137 à 142 de la décision attaquée, la Commission a justifié l’interdiction de payer les montants garantis par la nécessité, découlant selon elle de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, de supprimer toute mesure comportant un élément d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur. De plus, dans ses écritures, la Commission a mis en avant des considérations d’ordre systémique, lesquelles impliqueraient de ne pas traiter un État membre qui, comme en l’espèce, n’a pas notifié la mesure litigieuse avant sa mise en œuvre moins sévèrement qu’un État membre s’étant conformé à l’obligation de notification préalable de toute mesure susceptible de comporter un élément d’aide d’État.

93      À cet égard, il convient d’observer d’emblée que la thèse défendue par la Commission semble procéder d’une confusion entre la notion d’aide d’État, laquelle ne présente pas un caractère formel mais se définit par la réunion des critères prévus à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et la disposition juridique qui en constitue la base légale et le véhicule. En effet, selon une jurisprudence constante, l’article 107 TFUE définit les aides d’État en fonction de leurs effets (voir arrêt du 13 février 2003, Espagne/Commission, C‑409/00, EU:C:2003:92, point 46 et jurisprudence citée).

94      Or, il convient d’observer, à l’instar de Mme l’avocat général Kokott au point 28 des conclusions qu’elle a prononcées dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV (C‑275/10, EU:C:2011:814), que, contrairement à ce qui est prévu, en matière d’ententes par le droit de l’Union, à l’article 101, paragraphe 2, TFUE, les dispositions des traités de l’Union relatives aux aides d’État ne prévoient pas expressément quelles sont les conséquences juridiques, affectant la validité des actes, qui résultent d’une violation de l’obligation de notification et de l’interdiction de mise à exécution des aides énoncée à l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE. Certes, il ne saurait être exclu que la disparition de la mesure par laquelle une aide d’État est accordée constitue, en règle générale, l’instrument le mieux adapté à la neutralisation de l’avantage concurrentiel accordé. Toutefois, dans les cas dans lesquels, comme en l’espèce, l’avantage concurrentiel identifié comme aide d’État bénéficie à un tiers (les sociétés ARCO) par rapport aux bénéficiaires directs de la mesure litigieuse (les coopérants), la disparition de la mesure elle-même ne saurait être justifiée que lorsque celle-ci apparaît comme étant nécessaire à la remise en l’état de la situation concurrentielle qui aurait prévalu en l’absence de l’aide d’État dont ce tiers a bénéficié (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, EU:C:2011:814, points 44 et 45). Or, en l’espèce, ainsi que cela a été indiqué au point 90 ci-dessus, l’interdiction de verser les montants garantis aux coopérants n’est pas une mesure appropriée à la réalisation de l’objectif de remise en état de la situation concurrentielle faussée par l’octroi de l’aide d’État identifiée en l’espèce dans la décision attaquée.

95      En deuxième lieu, la Commission fait valoir que les coopérants ne peuvent être considérés comme des tiers par rapport aux sociétés ARCO. Un tel argument, toutefois, ne saurait convaincre.

96      En effet, premièrement, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission n’a nullement considéré les coopérants comme bénéficiant de l’aide en cause. Ainsi, il résulte du point 4.1 de la décision attaquée que les seuls « véritables bénéficiaires » sont les sociétés ARCO et que l’aide d’État identifiée au point 4.3 de ladite décision consiste exclusivement en l’avantage concurrentiel dont ont bénéficié ces sociétés.

97      Deuxièmement, il est constant que les sociétés ARCO sont des sociétés à responsabilité limitée et que, dès lors, ni leur patrimoine ni leur objet social ne saurait être confondu avec les intérêts de leurs associés. Par ailleurs, dans l’ordonnance du 9 février 2018, Arcofin e.a./Commission (T‑711/14, non publiée, EU:T:2018:80), le Tribunal a accueilli la fin de non-recevoir opposée par la Commission en ce qui concernait le cinquième moyen du recours, en estimant que l’intérêt à agir des sociétés ARCO et celui des coopérants étaient distincts. Il s’ensuit que la Commission n’est pas fondée à soutenir que leur seule qualité d’associé des sociétés bénéficiaires de l’aide en cause suffisait à justifier que l’avantage dont lesdites sociétés ont bénéficié, dont la récupération était assurée, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, par l’inscription d’une créance de l’État au passif de la liquidation, soit, de plus, récupéré auprès des coopérants.

98      En troisième lieu, la Commission ne saurait davantage tirer argument de l’arrêt du 10 novembre 2011, Elliniki Nafpigokataskevastiki e.a./Commission (T‑384/08, non publié, EU:T:2011:650), lequel ne constitue pas un précédent comparable à la présente affaire. En effet, premièrement, dans l’affaire en question, la Commission s’était limitée à ordonner la suppression de la garantie litigieuse sans procéder, comme elle l’a fait en l’espèce, à la valorisation de l’avantage et à en ordonner la récupération (arrêt du 10 novembre 2011, Elliniki Nafpigokataskevastiki e.a./Commission, T‑384/08, non publié, EU:T:2011:650, points 133 et 135). Deuxièmement, la garantie en cause dans cette autre affaire visait à protéger son bénéficiaire du risque de devoir rembourser des aides d’État illégalement octroyées à une société que le bénéficiaire de cette garantie projetait de racheter. L’objet direct de cette garantie était donc de s’opposer à la récupération d’aides d’État en prévoyant le remboursement à l’acquéreur de toute aide éventuellement récupérée. En l’espèce, au contraire, ainsi qu’il résulte notamment du point 89 ci-dessus, l’interdiction de payer les montants garantis aux coopérants demeure sans incidence sur la récupération de l’avantage identifié dans la décision attaquée, laquelle a été effectuée par l’inscription d’une créance de l’État belge au passif de la liquidation des sociétés ARCO.

99      Il résulte de tout ce qui précède que, en ordonnant au Royaume de Belgique de s’abstenir de tout paiement aux coopérants au titre de la garantie, alors qu’elle avait par ailleurs ordonné la récupération de l’avantage identifié dans la décision attaquée au moyen de l’inscription d’une créance au passif de la liquidation des sociétés ARCO, considérées comme les bénéficiaires de l’aide en cause, la Commission a, en l’espèce, prescrit au Royaume de Belgique une obligation disproportionnée et excédé les pouvoirs qui lui étaient dévolus par l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

100    Il s’ensuit que le Royaume de Belgique est fondé à soutenir que l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée est illégal et doit, de ce fait, être annulé.

 Sur les dépens

101    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Royaume de Belgique.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      L’article 2, paragraphe 4, de la décision 2014/686/UE de la Commission, du 3 juillet 2014, concernant l’aide d’État SA.33927 (12/C) (ex 11/NN) mise à exécution par la Belgique – Régime de garantie protégeant les participations des associés personnes physiques de coopératives financières, est annulé.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Forrester

Półtorak

 

Perillo



Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 décembre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Frimodt Nielsen


*      Langue de procédure : le français.